ŒUVRES COMPLÈTES
DE
J.M. GH ARGOT
LEÇONS
sur les
MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX
RECUEILLIES ET PUBLIÉES
par
BOURNEVILLE
|TOME PREMIER
avec 35 figures dans le texte et 14 planches
PARIS
BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL
14, rue des Carmes.
Ancienne Maison Delahatje
Louis BATTAILLE
éditeur
23, Place de ^Érate-du-îtféëeeiiiej 23
1892
Tous droits réservés,
AVIS DE L'ÉDITEUR.
Cette réimpression du premier volume des Œuvres complè-tes de M. Gharcot ne diffère pas de l'édition précédente quant au texte lui-même ; mais nous avons pensé être agréable à nos lecteurs en y ajoutant le portrait de notre cher Maître. L'un de ses élèves les plus distingués, notre ami le Dr P. Richer, a bien voulu se charger du dessin et de la gravure. 11 a mis dans l'accomplissement de sa tâche tout son cœur et tout son talent.
Nous profitons de l'occasion que nous fournit cette réim-pression pour donner quelques renseignements bibliographi-ques sur ces leçons. Après avoir paru dans différents journaux de médecine, elles ont été réunies en volume, £1872-Ç73}| La seconde édition a été publiée en 1875 ; la troisième en 1880 ; la quatrième en 1884; la cinquième en 1886. Elles ont été traduites, en allemand par M. Berthold Fetzer (Stuttgart, 1874); en russe, par M. le D1' Marsicani(St-Pétersbourg, 1876); en anglais, pour le compte de la New Sydenham Society, par M. le Prof. George Sigerson (London, 1877); en italien par les MM. les Dls Scambelluri et Giordano, avec notes du Prof. Borelli (Naples, 1877); en magyar, par le Dr Azery Akos (Buda-Pesth, 1876); en espagnol, par M. D. Manuel Flores y Pla (Madrid, 1882).
Les éditions successives de ces leçons, les nombreuses tra-ductions qui en ont été faites témoignent de leur haute valeur et font le plus grand honneur non seulement au Maître qui les a professées mais encore à la Science française.
BoURNEVILLE.
14 Juillet 1892.
PREMIÈRE PARTIE
Des troubles trophiques consécutifs aux maladies du cerveau et de la moelle épinière.
PREMIÈRE LEÇON
Troubles trophiques consécutifs aux lésions des nerfs.
Sommaire. — Remarques préliminaires. — Objet des conférences de cette année : elles seront consacrées à celles des maladies du système nerveux et, en particulier, de la moelle épinière, que l'on observe le plus habituelle-ment à la Salpêtrière.— Troubles de nutrition consécutifs aux lésions de l'axe cérébro-spinal et des nerfs. — Ces altérations peuvenl occuper la peau, le tissu cellulaire, les muscles, les articulations, les viscères. Importance de ces altérations au point de vue du diagnostic et du pronostic. — Troubles de nu-trition consécutifs aux lésions des nerfs périphériques. — Le système ner-veux, à l'état normal, a peu d'influence sur l'accomplissement des actes nu-tritifs. — Les lésions passives des nerfs ou de la moelle ne produisent pas directement de troubles trophiques dans les parties périphériques : expé-riences qui le démontrent. — Influence de l'irritation et de l'inflammation des nerfs ou des centres nerveux sur la production des troubles trophiques. — Les troubles trophiques consécutifs aux lésions traumatiques des nerfs, considérés en particulier. — Ils résultent non des sections complètes, mais des sections incomplètes, des contusions, etc., des troncs nerveux. — Érup-tions cutanées diverses : Érythcme, zona traumalique, pemphigus. — Glossy Skin des auteurs anglais. — Lésions musculaires : atrophie. — Lésions ar-ticulaires ; lésions osseuses : périostite, nécrose. —Troubles trophiques con-sécutifs aux lésions non traumatiques. — Troubles trophiques de l'œil, dans les cas de tumeur comprimant le trijumeau. — Inflammation des nerfs spi-naux, consécutive au cancer vertébral, à la pachyméningite spinale, à l'as-phyxie par la vapeur de charbon, etc. Eruptions cutanées diverses (zona, pemphigus, etc.), atrophie musculaire, arthropathies, qui, en pareil cas, se développent en conséquence de la névrite. —Lèpre anesthésique : périné-vrite lépreuse, lepra mutilans.
Messieurs,
Ce n'est jamais sans quelque émotion, mais aussi sans une grande satisfaction que j'inaugure chaque année les conférences
Chaucot. Œuvres complètes, t. i. 1
que vous venez entendre. Je retrouve toujours, en effet, dans cette circonstance, des visages amis, d'anciens élèves, quelques-uns passés maîtres, d'autres ayant déjà marqué, dans la car-rière qu'ils parcourent, des traces brillantes.. Leur présence m'est un grand confort et je suis heureux de leur en témoi-gner toute ma gratitude.
L'affluence, aujourd'hui, d'un auditoire plus nombreux que de coutume, me semble une preuve convaincante que je ne m'étais pas trompé lorsque je pensai, il y a cinq ans, que ce grand empoHum des misères humaines, où nous nous trou-vons rassemblés, pourrait devenir un jour le siège d'un ensei-gnement théorique et clinique vraiment utile (1).
Sans doute, Messieurs, le champ d'observation qui nous est ouvert, n'embrasse pas la pathologie tout entière. Mais, tel qu'il est, n'est-il pas déjà bien vaste ? D'un côté, il offre à nos études les affections de l'âge sénile^ qui méritent bien qu'on s'y arrête quelque temps. En second lieu, parmi les affections chroniques, il nous livre, réunies en grand nombre et dans des conditions particulièrement favorables aux recherches, les maladies des systèmes nerveux et locomoteur, si communes et par conséquent si intéressantes pour le médecin, maladies dont la pathologie commence seulement depuis une vingtaine d'années à se déga-ger de l'obscurité profonde où elle était plongée jusque-là.
Quant à moi, Messieurs, je n'ai jamais douté que l'hospice de la Salpètrière ne dût devenir, et pour les maladies des vieil-lards, et pour beaucoup de maladies chroniques, un foyer d'in-struction incomparable. 11 suffirait, pour réaliser cette idée, d'apporter quelques modifications dans les arrangements inté-rieurs de cet établissement. Or, je suis bien aise de pouvoir vous annoncer que les événements sont, en ce moment, tout à l'ait favorables à nos vues.
1. Cette leçon a été faite en mai 1870.
Déjà, une décision que nous n'avons pas réclamée amis entre nos mains un service de près de 150 lits où il nous est donné d'observer toutes les formes de l'épilepsie et de l'hystérie grave. Ce n'est pas tout, M. le directeur de l'Assistance publique a formé le projet d'ouvrir dans cet hospice une consultation con-sacrée surtout aux malades atteintes d'affections chroniques(1) et une salle où elles pourront être admises temporairement, en certain nombre, pour y être traitées.
Lorsque tous ces éléments d'études auront été groupés et organisés en vue des investigations scientifiques et de l'ensei-gnement clinique, nous posséderons àParis, je n'hésite pas à le dire, une institution qui, dans son genre, ne saurait guère avoir de rivale. J'espère être assez heureux pour voir bientôt ce plan réalisé dans toutes ses parties. Mais si, des circonstances que rien ne fait présager m'appelaient ailleurs, ce serait encore pour moi une vive satisfaction de voir mes successeurs cou-ronner l'édifice dont je n'aurais pu que jeter les premiers fon-dements.
Messieurs, votre temps est précieux et je ne veux pas étendre outre mesure ce préambule. Il est temps d'arriver à l'objet "spé-cial de ces leçons. Je me propose de vous entretenir surtout, cette année, de celles des maladies du système nerveux et, en particulier de la moelle épiniôre, qui s'offrent le plus souvent à notre observation dans cet hospice, lime répugnerait d'entrer, dès la première entrevue, dans des détails par trop techniques, j'ai pensé qu'il serait plus convenable d'appeler votre attention sur une question d'une portée générale et que nous retrouve-rons à chaque pas dans le cours de nos études.
1. Le conseil municipal a vole les fonds nécessaires à la suite du Kappor qui lui a été présenté par M. Bourneville (lévrier 1880). Les travaux ont ét rapidement exécutés par l'architecte, le regretté Billon, et la Consultation a été ouverte le 21 juin 1881. Deux salles avaient été affectées cri novembre 1880 à la réception temporaire des malades du dehors, l'une pour les femmes, l'autre pour les hommes^
Les lésions de l'axe cérébro-spinal retentissent fréquemment sur les diverses parties du corps et y déterminent, par la voie des nerfs, des troubles variés de la nutrition. Ces affections secondaires constituent un groupe pathologique des plus inté-ressants. Aussi consacrerai-je quelques séances à tracer devant vous les principaux traits de leur histoire.
Les lésions consécutives, dont il s'agit, peuvent frapper la plupart des tissus et occuper les régions du corps les plus diverses : \apeau, par exemple, le tissu cellulaire,les muscles, les articulations, les os, eux-mêmes,ou enfin les viscères.Elles présentent, le plus souvent, à leur origine du moins, les carac-tères du processus inflammatoire. Souvent elles ne jouent dans le drame morbide qu'un rôle accessoire, car elles sont sim-plement surajoutées alors aux symptômes habituels : hyper-esthésie, anesthésie, hyperkinésie, akinésie, incoordination motrice, etc. Mais, pour n'avoir d'intérêt qu'au point de vue de la physiologie pathologique, elles ne doivent pas, cependant, être négligées.
D'autres fois, au contraire, ces lésions acquièrent aux yeux du clinicien, en raison, soit des graves désordres qu'elles occa-sionnent, soit des signes diagnostiques ou pronostiques qu'elles fournissent,une importance majeure. Permettez-moi d'appuyer cette proposition sur quelques exemples.
L'an passé, je vous montrais—et je reviendrai bientôt encore sur ce point — comment l'eschare fessière, développée dans le cours de l'apoplexie par hémorrbagie cérébrale ou par ramollis-sement du cerveau, permettait de porter un pronostic d'une certitude presque absolue.
Les eschares sacrées, les affections des reins et de la vessie qui se produisent avec tant de rapidité dans certaines maladies aiguës ou dans les exacerbations de quelques maladies chro-niques de la moelle épinière sont souvent la cause immédiate de la mort.
Une arthropathie survenue dans le cours del'ataxie locomo-trice pourra priver définitivement le malade de l'usage d'un membre qui, pendant longtemps encore, eût pu lui rendre des services. Quelquefois, enfin, ces lésions trophiques consécutives donnent le change au clinicien qui les prend pour la maladie tout entière. Telles sontcertaines formes de X atrophie muscu-laireprogressive considérées naguère comme des affections pri-mitives des muscles, et dont le point de départ est en réalité, dans certaines altérations de la substance grise de la moelle épi-nière.
Multiplier ces exemples serait, je crois, superflu, car, dès maintenant, vous voyez l'intérêt qui s'attache à l'étude de ces lésions trophiques.
Le pouvoir de déterminer, sous certaines influences morbides, des lésions de nutrition dans les parties extérieures du corps ou dans les viscères n'est pas uniquement dévolu au cerveau et à la moelle épinière. Ces centres partagent ce privilège avec les nerfs qui émanent d'eux. Mais les affections consécutives résul-tant des lésions protopathiques, développées dans les départe-ments les plus divers du système nerveux, ont entre elles, malgré quelques différences spécifiques, les analogies les plus grandes; de telle sorte que, pour le clinicien appelé à recon-naître ces affections, la question de savoir quelle a été la circon-scription du système nerveux primitivement affectée et d'où dérive la lésion trophique est maintes fois très difficile à ré-soudre.
Cette considération m'engage à ne pas restreindre notre étude
aux seules lésions trophiques de cause célébrale ou spinale. Celles-ci seront, si vous le voulez, notre objectif; mais nous croyons utile de tracer parallèlement l'histoire des troublestro-phiques qui apparaissent à la suite des lésions des nerfs périphé-riques. N'est-ce pas, d'ailleurs, un des grands avantages de la méthode comparative que de faire naître la lumière du con-traste ? Pour limiter notre champ d'études, nous n'envisagerons que ceux des troubles trophiques qui apparaissent dans le domaine périphérique du nerf lésé; pour ce qui est des alté-rations de nutrition qui se manifestent par suite d'actes réflexes à une distance plus ou moins éloignée et dans le domaine de nerfs qui n'ont subi directement aucune atteinte de la lésion primitive, c'est un sujet fort intéressant, sans doute, mais qui mérite d'être traité à part.
11.
Eu m'entendant parler, Messieurs, des troubles de la nutrition qui naissent sous l'action des lésions des centres nerveux ou des nerfs, la, plupart d'entre vous se sont, sans aucun doute, immédiatement remis en mémoire le problème correspondant qui se débat en physiologie normale.
Riendemieuxétabli enpathologie,yesipèYevous]e démon-trer du moins, que l'existence de ces troubles trophiques con-sécutifs aux lésions des centres nerveux ou des nerfs. Et cependant la physiologie la plus avancée enseigne, vous le savez, que, à l'état normal, la nutrition des différentes par-ties du corps ne dépend pas essentiellement d'une influence du système nerveux.
La contradiction paraît formelle ; elle n'est qu'apparente. Je vais essayer de le prouver, et, dans ce but, je vous demande la permission de faire une courte incursion dans le domaine de la physiologie expérimentale.
Pour montrer que les actes chimiques de rénovation molécu-laire qui constituent la nutrition ne sont pas sous la dépendance immédiate du sytème nerveux, on invoque, vous vous en sou-venez, des arguments de plusieurs ordres.
1° Les actes les plus compliqués de la vie de nutrition s'ac-complissent, dans certains organismes sans l'intervention du système nerveux. C'est ainsi que les végétaux, quelques ani-maux inférieurs (protozoaires), dépourvus de sytème nerveux, n'en vivent pas moins d'une manière très active. L'embryon, dit-on encore, n'accomplit-il pas déjà les actes de la vie orga-nique, à une époque où il ne possède encore aucun élément nerveux ?
2° On s'appuie encore sur ce fait que certains tissus, chez les animaux supérieurs môme, sont totalement privés de nerfs et de vaisseaux. On cite comme exemples les cellules épithéliales, les cartilages qui, néanmoins, si un étatpathologiquesurvient, deviennent le siège d'une véritable prolifération, indice bien évident que la nutrition peut s'effectuer là d'une façon très énergique (1).
1. « La vie organique des animaux tout entière, ou en d'autres termes, tout ce qui se passe chez l'animal, sans l'intervention d'une sensation ou d'un acte mental, peut s'effectuer sans l'intervention du système nerveux, et se produire sans modifications matérielles correspondantes de ce système ; de même que les fonctions de circulation, de nutrition, de sécrétion, d'absorption s'opèrent avec une égale perfection dans les classes les plus inférieures d'animaux, chez lesquels on ne découvre pas de systèmes nerveux, et dans le règne végétal où il n'y a pas de raisons plausibles de supposer que les nerfs existent, on pour-rait dire que le système nerveux vit et se développe chez un animal, à la ma-nière d'un parasite vivant aux dépens d'un végétal. » Bril. and For. Med. Chir. Bev. vol III, 1837, pp. 9, 10 ; — Et : Garpenter. — Principles of human Physiology. Philadelphia, 1855, p. 58).
Voici l'analyse très sommaire d'un travail où tout récemment M. Ch. Hobin a exposé les idées aujourd'hui dominantes, concernant le rôle très effacé du système nerveux, dans la nutrition : « Les actes chimiques qui constituent la rénovation moléculaire dans l'organisme vivant, autrement dit. la nutrition, ne
3° Enfin, des arguments plus directs sont tirés du domaine de la physiologie expérimentale. Vous savez que, après la section des nerfs qui s'y rendent, ou la destruction même de la moelle épinière, les parties périphériques, telles que les muscles, les os d'un membre continuent pendant longtemps encore à vivre et à se nourrir à peu près comme dans les conditions normales. En pareil cas, c'est seulement à la longue que suryiennent dans ces parties des lésions nutritives. Ces lésions, d'ailleurs, presque toujours purement passives, sont vraisemblablement dues à l'inaction à laquelle les parties sont condamnées, par suite de la suppression de toute in-fluence de la part du système nerveux. En effet, elles se manifestent avec les mêmes caractères dans Vimmobilisation des membres, alors que le système nerveux n'est pas direc-tement intéressé. Ces lésions passives, que nous verrons figurer dans différentes affections paralytiques, n'ont rien de
sont pas sous l'influence directe des nerfs. Il ne saurait s'agir là d'une influence des nerfs sur les tissus, comparable à celle de l'électricité sur les actions chi-miques. Il n'existe pas de nerfs allant sur les éléments anatomiques extra-vasculaires, sur les épithéliums par exemple, à la manière des tubes nerveux qui viennent s'appliquer sur les fibres musculaires. La cause du mouvement de nutrition est dans les éléments anatomiques eux-mêmes ; chez les végétaux, en l'absence de tout système nerveux, on voit les tissus s'enfler subitement, les cellules croître et se multiplier. Chez l'embryon, les cellules naissent, s'accrois-sent et se multiplient avant l'apparition de tout élément nerveux périphérique. La nutrition est donc une propriété générale des éléments anatomiques, tant animaux que végétaux. La sécrétion elle-même est une propriété inhérente aux éléments anatomiques, ainsi que l'avaient déjà vu de Blainville, A. Comte. Chez les animaux inférieurs, et dans le cas de greffe animale, il est évident que la nutrition des tissus est indépendante du système nerveux. » « Les trou-bles secrétaires, ceux d'absorption, les indurations, ramollissements, hyper-trophies et autres altérations consécutives aux lésions des nerfs, sont une conséquence des perturbations circulatoires par l'intermédiaire des nerfs précé-dents (vaso-moteurs), affectés directement par action réflexe, et non la consé-quence de l'action des nerfs qui auraient, à la manière de l'électricité par exemple, une influence sur les actes moléculaires ou chimiques de l'assimila-tion et de la désassimilation dans une zone d'une certaine étendue en dehors de leur surface. » [Journal de VAnatomie, etc., 1867, pp. 276-300.)
commun avec les lésions trophiques spéciales qui vont nous occuper. En général, elles peuvent s'en distinguer d'ailleurs objectivement par quelques traits particuliers. Celles-ci sont presques toujours marquées, du moins à une certaine époque de leur évolution, au coin de l'irritation phlegmasique. Dès l'origine, le plus souvent, elles revêtent les caractères des inflammations ; elles peuvent, nous le verrons, aboutir à l'ul-cération, à la gangrène et à la nécrose.
En outre, un caractère qui leur est commun à la plupart, c'est qu'elles se développent avec une grande rapidité à la suite de la lésion des nerfs ou des centres qui en a provoqué l'apparition, parfois même avec une rapidité incroyable. C'est ainsi qu'on voit fréquemment, dans certains cas de fracture de la colonne vertébrale avec compression et irritation de la moelle épinière, des eschares apparaître au sacrum le second ou le troisième jour après l'accident.
On peut donc dire, qu'en règle générale, l'opposition entre les lésions passives résultant de la seule inactivité fonctionnelle et les troubles trophiques qui surviennent à la suite de cer-taines lésions des centres nerveux est frappante : les premières sont lentes à se produire, n'ont, le plus souvent, aucun caractère inflammatoire; les secondes éclatent parfois tout à coup et pré-sentent ordinairement, du moins au début du processus, la marque d'un travail phlegmasique plus ou moins accentué.
Permettez-moi, Messieurs, de vous remettre en mémoire, très sommairement, quelques-unes des expériences auxquelles je faisais allusion tout à l'heure, et qui tendent à démontrer que la moelle épinière et les nerfs n'ont pas d'influence directe, im-médiate, sur la nutrition des parties périphériques.
1° Une des premières est relative à la section du nerf scia-tique chez les mammifères. Schrœder van der Kolk^qui, un dés
premiers, l'a instituée, attribuait les troubles de la nutrition qui se produisent assez rapidement,en pareil cas, dans le membre correspondant, à l'absence d'action du système nerveux con-sécutive à la section du nerf. M. Brown-Séquard, qui a répété cette expérience en 1849 sur des cochons d'Inde et des lapins, est parvenu à faire voir que ces troubles trophiques, surve-nant au bout de quelques jours à peine et consistant en tumé-faction de l'extrémité du membre, ulcérations des doigts, perte des ongles, etc., ne se montrent, en réalité, que parce que l'animal est devenu incapable de soustraire à l'action des in-fluences extérieures, au frottement sur un sol dur et rugueux, le membre privé de mouvements et de sensibilité par suite de la section du sciatique. Lorsque le sujet mis en expérience était entouré de toutes les précautions nécessaires^ confiné par exemple dans une caisse dont le fond était recouvert d'une eouche épaisse de son, on ne constatait plus aucune modifi-cation de la nutrition dans le membre paralysé. Si ce n'est toutefois une atrophie plus ou moins prononcée, mais se pro-duisant seulement à la longue (1).
Cette atrophie, survenant à la suite de la section du nerf scia-tique résulte évidemment de l'inactivité fonctionnelle à laquelle est condamné le membre paralysé ; elle porte non seulement sur les muscles, mais encore sur les os et sur la peau, ainsi que l'avait déjà reconnu J. Reid. Elle ne se produit pas. alors môme que la section du nerf a été complète,, pour peu que, à l'exemple du physiologiste qui vient d'être cité, on ait soin
1. Brown-Séquard. — Sur les allé rations pathologiques qui suivent la sec-tion du nerf sciatique, in Comptes rendus des séances de la Société de Biolo-gie, t. I, 1849, p. 136, eïExperimenlal Researches applied to Physiology and Pathology. New-York, 1853, p. 6. —Après la section d'un nerf mixte, l'atrophie des muscles ne commence à se manifester en général chez l'homme et chez les mammifères, qu'au hout d'un mois environ, par un léger degré d'émaciation. Deux mois après l'atrophie est mieux caractérisée ; elle est très prononcée au bout de trois mois. (Magnin, Thèse de Paris, 1866, p. 19.)
de faire passer chaque jour un courant galvanique à travers les muscles du membre paralysé.
2° La section complète du nerf trijumeau, pratiquée dans le crâne, fournit des résultats tout à fait comparables à ceux que produit la section du nerf sciatique. Vous savez que les lésions de l'œil qni se montrent chez les animaux à la suite de cette opération, après avoir été autrefois considérées, par quelques physiologistes,comme dérivant de la suppression d'une influence trophiquedu trijumeau, sont rattachées, depuis les expériences de Snellen (1857) et celles plus récentes de Buttner (1862), aux effets de l'anesthésie qui expose les parties frappées d'insensibi-lité à l'action de causes traumatiques de tout genre. Si, après la section du trijumeau, on protège l'œil, suivant la méthode de Snellen, en fixant au-devant de lui, par quelques fils, l'oreille du même côté restée sensible,ou si, suivant la méthode de Buttner, on se contente de le recouvrir d'une plaque de cuir épais, les troubles trophiques ne se montrent pas dans la cornée ; un cer-tain degré d'hypérémie neuro-paralytique se manifestant à l'iris, à la conjonctive, est en somme le seul phénomène qu'on observe après la section complète du trijumeau, lorsque l'œil a été convenablement protégé (1).
3° En ce qui concerne maintenant la mo die épinière, il paraît démontré que sa section transversale complète ou même sa des-truction dans une certaine étendue, lorsqu'il n'en résulte pas une inflammation quelque peu durable de l'organe, ne sont pas immédiatement suivies de troubles delanutrition dansles mem-bres paralysés. M. Brown-Séquard a fait voir, en effet, que les ulcérations qui se forment assez rapidement au voisinage des
1. Voir à ce sujet les expériences de M. Schitr, dans la thèse de M. Hauser Nouvelles recherches relatives à l'influence du système nerveux sur la nutrition. Pauls*, \sm.
organes génitaux chez les mammifères et chez les oiseaux, dont la moelle épinière a subi une section transversale complète, ne résultent pas directement de l'absence d'influx nerveux; elles sont la conséquence de la pression prolongée et du contact des urines altérées, ainsi que des matières fécales auxquelles ces parties sont exposées.
Les membres postérieurs d'un jeune chat, qui survécut près de trois mois à la destruction complète de la région lombaire de la moelle épinière, se développèrent normalement; les fonc-tions delà vie organique dans ces membres parurent s'exécuter suivant les conditions physiologiques ; la sécrétion des poils et des ongles se produisit comme chez l'animal sain (I).
Chez des mammifères ou chez des grenouilles, dont la partie postérieure de la moelle a été détruite,on peut voir,dit Valentin lacontractilité électriquepersister dans les muscles des membres postérieurs, jusqu'à la mort, c'est-à-dire pendant plusieurs semaines ou même pendant plusieurs mois (2).
En résumé, chez les animaux qui ont subi la section transver-sale complète ou la destruction d'une partie de la moelle épi-nière, on peut voir se former, principalement sur les régions soumises à la pression, des ulcérations, voire même des es-chares ; mais toujours il est possible de mettre ces lésions sur le compte de l'anesthésie et de la paralysie motrice, par suite des-quelles l'animal reste constamment souillé par le contact des urines, se blesse en se heurtant à tous les contacts, etc. Quant à l'atrophie qui survient à la longue dans les membres paralysés à la suite de cette opération, elle résulte uniquement, comme dans le cas de la section du nerf sciatique, de l'inertie fonction-nelle à laquelle ces membres sont condamnés.
1. Brown-Séquard, loc. cit., p. 14,15, 16.
2. Valentin. —Versucheiner Physiologie der Nerven, 2. Abth., p. 43, Leipzig, 1864.
De l'ensemble de ces laits, empruntés à la physiologie expéri-mentale, il résulte, comme on le voit, que l'absence d'action du système nerveux déterminée par la section complète des nerfs périphériques ou la destruction d'une partie de la moelle épi-nière ne provoque pas, dans les éléments anatomiques des membres paralysés, d'autres troubles nutritifs que ceux qui se développeraient, dans ces mêmes éléments, sous la seule in-fluence de l'inertie fonctionnelle, de l'inactivité prolongée.
La découverte des nerfs vaso-moteurs et des effets que déter-mine la paralysie de ces nerfs ne devait pas modifier essentielle-ment cette formule. Il est, en effet, démontré aujourd'hui que riiypérémie neuro-paralytique, quelque loin qu'elle soit pous-sée, n'est jamais suffisante pour occasionner, à elle seule, une altération dans la nutrition des tissus. Sans doute, cette hypéré-mie, comme l'a fait remarquer M.Schiff, crée une certaine pré-disposition aux inflammations, lesquelles peuvent éclater soit spontanément — du moins en apparence — chez l'animal ma-lade, soit à la suite de causes d'excitation relativement légères chez l'animal sain. Mais ces lésions dénutrition d'origine neuro-paralytique ne sont nullement comparables aux troubles trophi-ques qui sont l'objet spécial de cette étude, elles forment une catégorie à part. Ces derniers, ainsi que nous aurons maintes fois l'occasion de le faire remarquer, chemin faisant, peuvent se développer et accomplir leur évolution, sans être précédés ou accompagnés par aucun des phénomènes qui révèlent objec-tivement l'état paralytique ou l'état inverse des nerfs vaso-mo-teurs. Pour l'instant, nous n'insisterons pas plus longuement sur ce point que nous devons reprendre par la suite.
III.
Si les lésions qui ont pour résultat d'anéantir ou de sus-pendre l'action du système nerveux, n'ont pas le pouvoir de
l'aire naître dans les régions éloignées d'autres troubles de la nutrition que ceux qui dépendent de l'inactivité prolongée, il n'en est pas de même des lésions qui déterminent,soit dans les nerfs, soit dans les centres nerveux, une exaltation de leurs propriétés, une irritation, une inflammation.
C'est là, Messieurs, une proposition d'une importance capi-tale : elle domine en réalité la question qui nous occupe. Décou-vert depuis longtemps déjà par M. Brown-Séquard, le principe sur lequel elle s'appuie est, si je ne me trompe, encore trop souvent méconnu, aussi bien par les physiologistes que par les pathologïstes. Nous verrons en temps et lieu la pathologie humaine fournir, à l'appui de cette proposition, des faits assez nombreux, des arguments péremptoires ; en revanche, nous aurons plus rarement à invoquer les résultats de l'expérimen-tation sur les animaux. La raison en est surtout, sans aucun doute, dans cette circonstance que, chez ces derniers le tissu nerveux parait résister, bien mieux que chez l'homme, aux causes diverses d'irritation et d'inflammation. Tous les expéri-mentateurs savent, en effet, que les lésions traumatiques, même les plus graves, des nerfs périphériques ou de la moelle, pro-duisent, assez difficilement, chez la plupart des animaux, une myélite ou une névrite quelque peu durables et comparables à celles qui se développent, au contraire, assez facilement chez l'homme à la suite des lésions les plus minimes.
Les expériences propres à montrer que les lésions irritatives des tissus nerveux sont capables de déterminer des troubles trophiques variés dans les parties auxquelles il se distribuent, sont, nous l'avons dit, peu nombreuses. Elles sont relatives presque exclusivement à la cinquième paire (1).
1. Note sur quelques cas d'affection de la peau, dépendant d'une influence du système nerveux, par J.-XI. Gharcot, suivies de Remarque* sur le mode (d'influence du système nerveux sur la nutrition. Brown-Séquard. Journ. de physiol., t. II. n» 5, 1859, p. 108.) 'Voir, OEuv. compl.. t. vin, p. 171),
Voici d'abord le résumé d'une expérience de Samuel : —Chez un lapin, deux aiguilles sont appliquées sur le ganglion de Casser et l'on laitpasserun courant d'induction; aussitôt il se produit un rétrécissement plus ou moin s prononcé de la pupille, et en même temps se développe une légère injection des vais-seaux de la conjonctive ; la sécrétion des larmes s'exagère. La sensibilité des paupières, de la conjoncti\re, de la cornée est exaltée. Après l'opération, le rétrécissement de la pupille per-siste, quoique à un moindre degré et Fhyperesthésie s'exagère encore. Le processus inflammatoire commence à se développer en général au bout de vingt-quatre heures , son intensité s'ac-croît pendant le second et le troisième jour, et diminue ensuite progressivement. On peut observer tous les degrés de l'ophtal-mie, depuis la conjonctivite la plus légère jusqu'à lablennorrhée la plus intense. La sensibilité s'exalte toujours et l'hyperesthésie peut s'élever à un tel degré qu'au moindre attouchement de l'œil, l'animal est pris de convulsions générales. Il se produit sur la cornée une opacité générale, et, en outre, tantôt▶ de pe-tites exulcérations, ◀tantôt▶ un ulcère unique, de forme ovalaire qui occupe la partie moyenne de cette membrane. Dans un cas, il s'était formé une petite collection purulente dans la chambre antérieure de l'œil. A part l'hypérémie, on n'observe jamais d'altérations pathologiques de l'iris, ni adhérences, ni modifications de coloration.
Dans tous les cas, l'hyperesthésie des rameaux ophtalmiques de la cinquième paire est expressément notée. 11 est clair, par conséquent, qu'on ne saurait ici, comme dans les faits de Snellen et de Buttner, invoquer l'anesthésie pour expliquer l'apparition des troubles trophiques survenant dans l'œil non convenablement protégé (1).
A la suite d'une section non réussie du trijumeau chez un
1. Samuel. — Die trophischen Nerven. Leipzig, 1860, p. 61.
lapin, Meissner a vu paraître dans l'œil,qui avaitconservé d'ail-leurs sa sensibilité, des lésions trophiques très prononcées. L'auteur fait remarquer avec soin que ces lésions se sont pro-duites sans qu'aucun signe d'hypérémieneuro-paralytique les eût précédées. L'autopsie fit constater que la partie médiane (interne) du trijumeau avait seule été intéressée par le neuro-tome (1). Schiff, de son côté, à l'appui de l'observation de Meissner, rapporte quatre cas, relatifs à des lésions partielles du trijumeau dans le crâne, et dans lesquelles l'inflammation de l'œil s'est développée malgré la persistance de la sensibilité (2).
Nous avons vu dans les expériences de Samuel les troubles trophiques survenir dans l'œil en conséquence de l'irritation faradiquede la cinquièmepaire, n'est-il pas vraisemblable que, dans celles de Meissner et de Schiff, c'est par suite de l'irritation phlegmasique développée dans le nerf, en conséquence delà sec-tion partielle, que les lésions de l'œil se sont produites ? A l'ap-pui de cette opinion, je vous ferai remarquer que chez l'homme les sections incomplètes sont bien plus propres à développer dans les nerfs un processus d'irritation, que ne le sont les sec-tions complètes ; cela a été reconnu depuis bien longtemps par les chirurgiens. Il est permis de supposer qu'il en est de même du moins à un certain degré, chez les animaux (3).
1. G. Meissner. — Ueber die nach der Durschneidung der Trigeminus am Auge des Kaninchens eintretendeErniehrungstœrung. (Henleel Pfeufer's Zeit-sch.,xxxix, 96-104. — Centralblatt,i61, p. 265. — Gaz. hebdomad.. 1867, p. 634,
2. M. Schiff. — ReniésZeilsch. xxxix, 217-229.— Centralblatt, 1867, p. 65 — Gaz. hebdomad., 1867, p. 634.
3. Telle n'est pas l'interprétation proposée par Meissner, à propos de son expé-rience. Il suppose que les fibres les plus internes du trijumeau, qui seules avaien été sectionnées dans son cas, ont une action particulière sur la nutrition de l'œil. Il se fonde sur ce que dans trois autres cas où le trijumeau avait été éga-lement sectionné d'une manière incomplète, mais où les libres les plus internes du nerf avaient été respectées, les troubles trophiques ne se sont pas développés dans l'œil, bien que celui-ci, devenu insensible, n'eût pas été protégé contre les agents extérieurs. Nous croyons qiie les sections incomplètes devront être répé-tées un nombre considérable de fois avant qu'on puisse se prononcer définitive-ment sur la valeur de l'interprétation proposée par Meissner.
Je rapprocherai immédiatement de ces faits plusieurs obser-vations recueillies chez l'homme et surlesquelles j'aurai à reve-nir par la suite ; elles sont relatives encore au trijumeau. Elles montrent, comme les expériences qui précèdent, que les lé-sions irritatives de ce nerf, développé spontanément, peuvent, elles aussi, sans être suivies d'anesthésie, provoquer dans l'œil des désordres trophiques très accentués.
Une femme de 57 ans, dont l'histoire a été rapportée par Bock (1), éprouvait depuis un an environ, dans le côté droit de la face des douleurs violentes qui, d'abord intermittentes, se mon-trèrent plus tard à peu près continues. Jamais la sensibilité de la face ne disparut complètement ; une légère pression était àla vérité imparfaitement sentie; mais une pression un peu forte ramenait de vives douleurs. — La conjonctive de l'œil droit était injectée ; la cornée, dans sa partie la plus inférieure, pré-sentait une ulcération hypertrophique d'une longueur de deux lignes environ ; elle était partout un peu opaque. Plus tard, l'ulcération gagna en profondeur ; l'opacité de la cornée s'accrut. Enfin survint une perforation qui donna issue à un liquide puri-forme sous l'influence de la pression de l'œil. La mort arriva inopinément. A l'autopsie, on trouva le ganglion de Gasser du côté droit, volumineux et très dur. Les trois branches du triju-meau droit jusqu'à la sortie de l'os, étaient également très épaisses.
Le cas suivant est emprunté à un mémoire de Friedreich(2). Un homme âgé de 65 ans fut frappé tout à coup d'une hémiplégie droite avec perte de la sensibilité du même côté. Quelques semaines avant cette attaque, il avait éprouvé dans le globe de
1. Bock. — Ugeskrift fur Laeger,iSi2, VII, p. 431. — Extrait dans Hannover's Jahresbericht, Muller's Archiv. 1844, p-47, et Schiff s Untersuchungen zur Phy-siologie des Nervensystems mil Derucksichtigung der Pathologie. Francfurt am Main. 1855, pp. 63, 64.
2. Friedreich. — Beitraege zur Lehre von den Geschwulsten innerhalb der Schaedelhœhle. Wurzburg, 1853, p. 15 et Schiff's Untersuchungen, etc., p. 100
Gharcot. Œuvres complètes, t. i. 2
l'œil gauche, ainsi que dans le côté gauche de la face, de légères douleurs lancinantes ; ces douleurs s'exagèrent rapidement et à un haut degré après l'attaque apoplectique. Dans le môme temps, la conjonctive de l'œil gauche s'injecta et il y eut exagé-ration de la sécrétion des larmes ; un peu plus tard, la con-jonctive se recouvrit eà et là d'un exsudât pseudo-membraneux puriforme ; la pupille gauche, bien que très étroite, réagissait encore sous l'influence de la lumière. La sensibilité resta tou-jours normale dans tout le côté gauche de la face.
A l'autopsie, on rencontra à la surface du pédoncule cérébel-teux moyen un amas de petites tumeurs sarcomateuses formant dans leur ensemble une masse représentant environ le volume d'une noisette. La substance cérébrale voisine, surtout auprès du cervelet, était ramollie et très injectée. Le nerf trijumeau gauche, à sa sortie de la base de l'encéphale, était rouge, un peu ramolli et aplati par la tumeur.
On pourrait aisément rapporter un bon nombre de faitsanalo-gues à ceux qui viennent d'être cités, mais ceux-ci suffiront pour le but que nous nous proposons actuellement (1).
1. Les faits de troubles de la nutrition de l'œil, consécutifs aux lésions spon-tanées de la 5° paire chez l'homme, sont assez nombreux ; mais nous n'avons voulu mentionner que ceux dans lesquels il est bien établi que la sensibilité de la face n'a pas été atteinte : les deux cas qui suivent méritent cependant d'être signalés encore, bien qu'ils ne soient pas aussi explicites à cet égard que les faits de Bock et de Priedreich. Un homme vigoureux, à la suite d'un coup reçu sur la tête, devint sujet à de violentes douleurs, fixées sur le côté droit de la tête, et éprou-vait de temps en temps des accès épilcptiformes. Plus tard, les douleurs se loca-iseront dans l'œil et l'oreille droits. L'œil était rouge, tuméfié, saillant, mais recouvert cependant par la paupière supérieure paralysée. Cornée trouble ; iris-t,rès immobile, contracté, de couleur brune d'abord, puis verdàlre. La cornée devint à la longue tout à fait opaque. Autopsie : la face inférieure des lobes anté-rieur et moyen présente à droite plusieurs stéatomes du volume d'un haricot, d'une amande. Le ganglion de Gasser et les trois branches du trijumeau sont re-couverts d'une masse cartilagineuse résistante. L'oculo-motcur commun est com-primé ; sa coloration est modifiée. Malheureusement, l'état de la sensibilité de la peau de la face n'est pas indiqué dans ce cas. (F.-A. Landmann, Commentatiu patlwlogico-anatomica exidens morbum cerebri oculiquesingularem, in-ï; Leip-zig, 1820, et Scfiiffs Unlersuch., p* 51). — Dans le cas bien connu rapporté par
Eu dehors de la cinquième paire, il est plus rare encore de voiries lésions expérimentales des nerfs déterminer l'apparition de troubles trophiques dans les parties périphériques. Nous rap-pellerons cependant, à titre d'exemple de ce genre, les effets remarquables que produisent quelquefois sur la nutrition du rein, les lésions des nerfs qui se rendent à cet organe. On sait que parmi les expérimentateurs, les uns (Krimer, Brachet, Muller etPeipers, A. Moreau, Wittich) assurent produire pres-que à coup sûr, à l'aide de ces lésions, des altérations plus ou moins profondes du rein, tandis que les autres (P. Bert, Her-nian), en répétant la même expérience dans des circonstances en apparence identiques, disent être arrivés à des résultats négatifs.
Ne peut-on pas se rendre compte, du moins en partie,de cette contradiction singulière, de la manière suivante : les lésions rénales feraient défaut dans le cas où la section des nerfs a été complète, absolue; elles se produiraient au contraire, ou mieux pourraient se produire, dans le cas de section incomplète ou encore lorsque, pour remplacer le scalpel, on fait intervenir l'emploi des caustiques, de l'ammoniaque par exemple (Cor-rente,Schiffj, toutes condi tions éminemment propres à détermi-ner, dans les nerfs lésés, une irritation plus ou moins vive ou
Serres [Journal de phisiologle, t. V, 1825, p. 233, cl Anatomle comparée du cer-veau, t. IL, p. 67;, malgré l'altération profonde du ganglion de Casser, et des raci-nes de la grosse portion du trijumeau, il n'y avait pas eu paralysie complète de la partie sensible du nerf, car la. surface tout entière du visage avait conservé le sentiment. Seuls, l'œil droit et la face interne des paupières étaient devenus in-sensibles ainsi que la moitié droite de la langue ; il y avait eu une inflammation aiguë de l'œil droit avec œdème des paupières, obnubilation et plus tard opacité complète de la cornée. Le ganglion de Casser du côté droit était d'un jaune gris, tuméfié, imbibé de sérosité. La portion du ganglion d'où part le nerf ophtal-mique était rouge et injectée. Les racines de la grosse portion du nerf présentaient une couleur sale qui contrastait avec celle de la petite branche, restée saine. Les trois nerfs, à leur issue du ganglion, offraient une coloration jaune, qui cessait d'exister à la sortie du crâne.
même un véritable processus phlegmasique (1). A ce point de vue, la question mériterait peut-être d'être révisée à l'aide de nouvelles recherches.
Nous rappelions tout à l'heure les effets des sections trans-versales, des destructions partielles de la moelle épinière, en ce qui concerne la nutrition des parties privées de sentiment et de mouvement par le fait des opérations dont il s'agit. Lorsque, disions-nous, ces opérations n'ont pas pour résultat de provo-quer dans les parties lésées de la moelle un travail d'inflamma-tion, — et c'est ce qui a lieu dans la grande majorité des cas,— on constate simplement, dans les membres paralysés, une dégénération avec atrophie des muscles très lente à se produire, des ulcérations du derme, peut-être même des eschares causées par le frottement exercé sur un sol rugeux, par le contact permanent des urines altérées, le manque de prop.eté; c'est-à dire en un mot, tous les effets auxquels donne lieu l'inertie fonctionnelle des membres postérieurs, chez les annimaux, et rien que ces effets. Eh bien, le tableau est tout différent si par suite de circonstances que rien ne fait prévoir et qu'on ne sait pas encore reproduire à volonté, l'inflammation vient à s'établir au voisinage de la lésion spinale. Alors, en effet, ainsi que l'a montré M. Brown-Séquard, et comme j'ai eu, àmon tour, l'oc-casion de l'observer plusieurs fois, l'altération musculaire se dé-veloppe très rapidement ; quelques jours à peine après l'opéra-tion, elle est déjà très prononcée. Bientôt l'émaciation des masses musculaires devient appréciable etelleprogresse ensuite très rapidemeut ;. des éruptions qui aboutissent promptement à la formation d'ulcérations ou d'eschares apparaisent sur la peau, alors même qu'on met en œuvre les soins dé propreté les plus minutieux; elles se développent surtout sur les régions du corps soumises à la pression, au frottement, au contact pro-
1. Voyez Zeitschrift fur ration. Med. 35 Bd., p. 343.
ongé des urines, mais elles peuvent se produire encore, bien que ce cas soit rare, en dehors de toutes ces conditions (1).
Je pourraism'étendre longuement sur ces troubles trophiques liés à l'inflammation traumatique de la moelle épinière chez les animaux, mais il sera plus opportun d'y revenir à propos de l'étude que nous avons à faire de la myélite développée sponta-nément chez l'homme.
Je ne veux d'ailleurs pas prolonger outre mesure cette incur-sion dans le champ de la physiologie expérimentale ; pour le moment, si je ne me trompe, un premier résultat nous est acquis déjà: les faits que nous venons d'invoquer suffisent, en effet, croyons-nous,à établir que le défaut d'action du système ner veux n'a pas d'influence directe, immédiate, sur la nutrition des parties périphériques ; d'un autre côté, ils rendentau moins fort vraisemblable que V excitât ion morbide, l'irritation des nerfs ou des centres nerveux sont, au contraire, de nature, sous de certaines conditions, à provoquer à distance les troubles tro-phiques les plus variés.
Par quelle voie, par quel mécanisme cette irritation du sys-tème nerveux vient-elle retentir sur les parties périphériques et y déterminer ces lésions trophiques dont nous avons relaté quelques exemples ? Celles-ci sont-elles dues à une irritation ou à la paralysie des nerfs vaso-moteurs? Ou bien dépendent-elles d'une irritation de ces nerfs hypothétiques, que l'anatomie ne connaît pas encore, et que l'on désigne quelquefois sous le nom àenerfs trophiques'! Ce sontlà desquestions que nous devrons aborder par lasuite; actuellement, nous voulons rentrer dans le domaine de la pathologie de l'homme et j'espère vous faire re-connaître que leprincipe, mis en évidence, déjà, par la patho-logie expérimentale, trouve ici son application d'une façon plus
1. C'est sans doute de la môme manière, c'est-à-dire en faisant intervenir l'in-flammation autour du point lésé, qu'il convient d'interpréter les troubles qui sur-viennent quelquefois dans la nutrition de l'œil, chez divers animaux, à la suite de
évidente encore. Ceprincipe sera notre filconducteuret ilnous amènera à comprendre, je l'espère, pourquoi des lésions, au premier abord semblables et portant sur les mômes points des systèmes nerveux central ou périphérique, produisent, dans les cas pathologiques, des effets si opposés, en apparence môme si contradictoires.
Les troubles trophiques que nous nous proposons de passer en revue sont produits: 1° par des lésions des nerfs périphé-riques, et ◀tantôt▶ ces lésions ont été provoquées par une cause traumatique, ◀tantôt▶ elles se sont développées spontanément; 2°par des lésions de la moelle épinière et du bulbe ; 3° enfin, par des lésions de certaines parties de l'encéphale.
troubles trophiques consécutifs aux lésions des nerfs
Arrêtons-nous, en premier lieu, aux lésions des nerfs. Elles nous offrent les conditions'id'éfude les plus simples. La chirur-gie, sous ce rapport, nous fournit des documents d'une grande valeur, car les lésions traumatiques des nerfs se présentent quelquefois chez l'homme dans des conditions de simplicité comparables à celles des lésions expérimentales instituées chez les animaux.
A. J'établirai, dès l'abord, parmi ces lésions traumatiques des nerfs, une distinction que je crois fondamentale etdont vous reconnaîtrez bientôt toute l'importance : 1 "◀tantôt▶ lalésion con-
la section d'une moitié latérale de la moelle épinière au dos. Les affections de l'œil ulcérations, fonte delà cornée, conjonctivite purulente), observées par M. Brown-Séquard, chez le cochon d'Inde (Comptes rendus de la Société de Biologie, t. II, 1850, p. 134), ont été rencontrées par M. Vulpian, chez la grenouille, à la suite de la section delà moitié correspondante de la moelle, près du bulbe rachidien. fCommunication orale.) Elles ne se développent pas chez tous les animaux opérés de cette façon, et il est au moins fort vraisemblable qu'elles se produisent seule-ment dans le cas où, consécutivement à la section, un travail inflammatoire s'est développé dans le segment supérieur de la moelle épinière.
siste en une section nette et complète, et alors ses effets sont tout simplement, du moinsen général, ceux de l'absence d'ac-tion nerveuse ; 2° ◀tantôt▶, résultant de plaies, de contusions, de tiraillements, elle est de nature à déterminer dans le nerf un état d'irritation, et c'est alors, alors seulement, qu'on voit naître ces troubles trophiques sur lesquels j'appelle votre attention. Occupons-nous d'abord des faits du second groupe.
Les lésions traumatiques des nerfs dont il s'agit peuvent donner lieu à des phénomènes morbides affectant la peau, le tissu cellulaire sous-cutané, les muscles, les articulations et les os. La dernière guerre d'Amérique a été, vous le savez, l'occa-sion d'études très importantes sur ce sujet ; elle ont été pré-sentées par MM. S.W. Mitchell, G. R. Morehousse et W. Keen, dans un livre très intéressant et que nous mettrons bien souvent à profit (1). On doit aussi à un de mes anciens élèves, le regretté Mougeot, une étude très remarquable sur les affections cutanées, développées sous l'influence des lésions des nerfs-périphériques. Je ne pourrai, naturellement, entrer dans les détails, et je ren-voie ceux d'entre vous qui voudraient approfondir la question à la thèse de Mougeot, où tous les documents qui y sont rela-tifs ont été rassemblés avec le plus grand soin (2).
a) Affections de la peau,. Les accidents que les lésions trau-matiques des nerfs sont capables d'occasionner du côté des téguments sont de deux espèces : 1° Les premiers consistent en des éruptions de forme variable, mais surtout vésiculeuses ou huileuses. Nous citerons en premier lieu le zona, qui s'observe fréquemment en pareil cas, et que l'on pourrait désigner, à cause décela, sous le nom de zona tràumatique.Yùi.rapporté, dans le
1. S. Weir Mitchell, G. R. Morehouse and W. Keen. — Gunshot Wounds and otherInjuries of Nerves. Philadelphia, 1864. — Cet ouvrage a. été tradui ( en français par M. le Dr Dastrc 1874).
2. J.-B.-A. Mougeot. — Recherches sur quelques troubles de nutrition con-sécutifs aux affections des nerfs. Paris, 1867.
temps un très bel exemple de ce genre observé à la Charité, chez mon maître Rayer (1).—Sous le nom d'éruptions eczéma-teuses, les chirurgiens américains ont décrit une affection delà peau qui peut être rapprochée de la forme précédente.
2° En second lieu viennent les éruptions pemphi g oïdes, dont j'ai rapporté aussi un exemple assez net(l). 11 s'agit là de bulles de pemphigus qui se développent très rapidement et reparais-sent de temps à autre sur divers points de la partie des tégu-ments, correspondant à la distribution du nerf lésé ; elles laissent après elles des cicatrices à peu près indélébiles. — Cette sorte d'éruption s'observe parfois sur les cicatrices vicieuses ; il est très vraisemblable qu'elle dépend alors de l'irritation que subit quelque filet nerveux tiraillé ou comprimé dans le tissu cica-triciel.
1. « Un homme admis dans le service de M. Rayer, en 1851, avait pendant, les affaires de juin 1848, reçu une balle à la partie inférieure et externe de la cuise. Quelque temps après la guérison de la plaie, surviennent dans la jambe de vives douleurs, presque continues, mais s'exaspérant par accès. Ces douleurs qui semblent partir de la cicatrice se répandent jusque sur le dos du pied et suivent évidemment le trajet des nerfs. Cette névralgie, qui a résisté à tous les moyens employés, s'est accompagnée à plusieurs reprises, pendant le séjour du malade à la Charité, d'une éruption de vésicules-d'herpès, dispoeées par grou-pes, tout à fait semblables à celle de l'herpès zoster et siégeant sur la peau des par-ties douloureuses. » 'Charcot. — Surquelques cas d'affection de la peau, dépen-dant d'une influence du système nerveux. In Journal de physiologie, L. II, no 5, janvier 1859.) — On trouve dans le même journal un fait analogue, rapporté par M. Rouget : « Un cultivateur, en sautant un fossé, reçut la charge de plomb à lièvre de son fusil, à la face interne du bras gauche, vers la partie moyenne. Au fond de la plaie, qui était large de huit centimètres, on apercevait l'artère numé-rale, la veine basilique déchirée et plusieurs nerfs, surtout le brachial cutané interne, contusionnés. La plaie se cicatrisa assez vite, mais environ deux mois et demi ou trois mois après, il survint à la partie postérieure et interne de l'a-vant-bras une éruption ressemblant à du zona, occupant une surface de quatre à cinq centimètres de diamètre, dans une partie de l'avant-bras privée de sen-sibilité. » Les exemples de zona, survenu à la suite d'une contusion portant sur le trajet d'un nerf (Oppolzer), d'un effort (Thomas), sont loin d'être rares. (Voy. Mougeot, loc. cit., p. 38.)
2. Charcot, loc. cit. — Eruption particulière siégeant sur la face dorsale d'une main et des doigts, et probablement consécutive à la lésion des filets nerveux qui se distribuent à ces parties, (OEuv. compl,, t. vin, p. 171),
3° Nous citerons en troisième lieu une rougeur cutanée qui rappelle Vérythème pernio, et certaine tuméfaction de la peau etdutissu cellulaire sous-cutané, déjà remarquéepar Hamilton, qui simule le phlegmon (faux phlegmon) (1).
4° Vient ensuite l'affection cutanée qui a été décrite par les chirurgiens américains sous le nom de Glossy Skin, mot à mot, peau lisse. La peau est lisse, en effet, pâle, anémique; les glandes sudoripares sont atrophiées, leur sécrétion diminuée; l'épiderme est fendillé, les ongles sont fendillés eux aussi et recourbés d'une manière remarquable. Il s'agit là, en somme, d'une inflammation particulière de la peau qui aboutit à l'atro-phie du derme et qui rappelle ce qu'on voit dans l'affection désignée sous le nom de sclévodermie.
b) Affections des muscles. Les muscles s'atrophient, de leur côté, souvent d'une manière très rapide, et perdent, ◀tantôt▶ en partie, ◀tantôt▶ complètement, leur contractilité électrique. Mais c'est là un sujet qui sera l'objet d'une étude toute particulière.
c) Affections des articulations. Vers les jointures, les lésions traumatiques des nerfs produisent des symptômes qui rappel-lent d'une façon notable, la physionomie du rhumatisme arti-culaire subaigu. Ces arthropathies amènent, en général, très rapidement l'ankylose.
d) Os. Il se produit quelquefois, dans ces mêmes circon-stances, une périostite suivie souvent de nécrose.
Mais je ne veux pas pousser plus loin cette énumération sommaire ; elle suffit à remplir le but que nous avons en vue. Il s'agit, actuellement surtout, de cherchera spécifier, autant que possible, les conditions particulières sous l'influence des-
1. Mougeot, lac. cit., p. 30,
quelles les troubles trophiques se développent à la suite des lésions traumatiques des nerfs.
Paget qui, l'un des premiers, a appelé l'attention sur quel-ques-uns dcces accidents, n'hésite pas à avouer son ignorance à cet égard (d).Au contraire, les chirurgiens américains, que je citais tout à l'heure, sont parvenus à déterminer les conditions dont il s'agit, et leur témoignage nous est, ici, d'autant plus précieux, qu'il est fondé sur l'observation pure, toute empiri-que, et dégagée d'idée préconçue. Après avoir remarqué tout d'abord, — comme Paget Pavait fait d'ailleurs avant eux, — que ces affections consécutives sont presque toujours précé-dées ou accompagnées de symptômes douloureux (Burning Pains), évidemment en rapport avec un état d'irritation du nerf lésé, tandis qu'au contraire l'anesthésiefait complètement défaut, ils font expressément remarquer qu'elles se dévelop-pe nt ha b i tuellem en t ap rès des confus ions, des p iq ares, des sec-tions incomplètes des nerfs, c'est-à-dire à la suite des causes traumatiques les plus propres à produire la névrite, ou tout au moins Y état névralgique* Au contraire, et c'est un point sur lequel nos auteurs insistent,—on ne les voit pas se produire dans les cas de section complète des nerfs, les résultats habi-tuels de l'absence d'action des nerfs étant les seuls phénomè-nes qu'on observe en pareil cas.
Il faut ajouter enfin que les affections périphériques qui relèvent de l'irritation des nerfs surviennent le plus souvent spontanément, sans l'intervention d'une cause extérieure quel-conque, telle que la pression par exemple (2).
Mais ce ne sont là encore que des conditions très générales; il faudraitpouvoir pénétrer plus avant et rechercher s'il n'existe pas dans les nerfs affectés une lésion anatomique constante en
1. Médical Times and Gazette, London, March 26, 1864.
2. Gunshot Wounds, etc., pp. 71,77, et Archives générales de médecine, t. I. m:, pp. 188, 191, 194.
rapport avec la manifestation des lésions périphériques. Mal-heureusement, nous devons nous borner à signaler ici une lacune que les études ultérieures ne tarderont pas, sans doute, à combler. Toutefois, l'ensemble des symptômes plaide déjà en faveur de l'existence d'une névrite. On peut invoquer, en outre, les résultats nécroscopiques obtenus dans certains cas de lésions organiques des nerfs, où l'on peut voir apparaître toute la série des affections périphériques que nous avons appris à connaître comme conséquence des lésions traumati-ques. Dans ces cas, en effet, sur lesquels nous nous arrêterons dans un instant, les nerfs affectés ont été quelquefois trouvés tuméfiés, infiltrés d'exsudats. vivement congestionnés; de plus, le microscope y a fait reconnaître une multiplication plus ou moins accentuée des noyaux des gaines de Schwann ou de (•eux du névrilème, et parfois, de plus, tous les caractères de la dégénération granuleuse des cylindres de myéline. Rien ne prouve cependant, quant à présent, qu'une irritation, capable de déterminer à distance la production de troubles trophiques. ne puisse exisler dans le nerf sans se révéler par cet ensemble de lésions relativement grossières. C'est ici le lieu de faire res-sortir que toute névrite n'entraîne pas, tant s'en faut, néces-sairement, la manifestation des troubles trophiques; il faut, pour que ceux-ci se produisent, l'intervention de circonstan-ces que l'analyse n'a pas encore permis de dégager. Cela con-traste avec ce que nous savons des lésions qui surviennent, dans les parties éloignées, à la suite de la section complète des nerfs; ces dernières, eu effet, peuvent être considérées ;omiTie une conséquence obligée, inévitable, de toute lésion de îerfs qui soustrait absolument les parties à l'influence du sys-tème nerveux.
Quoi qu'il en soit, l'influence de l'irritation d'un nerf sur le développement des troubles trophiques qui nous occupent, est bien mise en lumière, et pour ainsi dire rendue évidente,
parles observations où l'on voit ces accidents, après s'être un moment dissipés, se reproduire après chaque réapparition nouvelle de la cause d'irritation. Je mentionnerai, à titre d'exemple, un fait bien connu et souvent cité, que rapporte Paget, d'après le docteur Hilton.
Chez un homme traité à Guy s Hospital, une fracture de l'extrémité inférieure du radius avait produit un cal volumi-neux, lequel comprimait le nerf médian. En conséquence il s'étaitformé sur la peau du pouce et des deux premiers doigts de la main, des ulcères qui résistaient à tous les traitements. La flexion du poignet, faite de manière à relâcher les parties molles de la face palmaire et à faire cesser, par suite, la com-pression du nerf, avait toujours pour effet, au bout de quel-ques jours, d'amener la guérison des ulcères. Mais, aussitôt que la malade voulait se servir de sa main, le nerf était de nou-veau comprimé, et bientôt l'on voyait les ukérations repa-raître (1).
B. Il me reste à vous entretenir des troubles trophiques qui s'observent en conséquence de lésions des nerfs développées spontanément, et non plus, cette fois, à la suite d'une cause traumatique. Ainsi que je vous l'ai fait pressentir, nous allons voir se reproduire ici toute la série des affections que nous venons à l'instant de passer en revue. Cette circonstance m'autorisera à être bref : il me suffira de citer quelques exem-ples empruntés, pour la plupart, à la riche collection de faits rassemblés dans le travail de Mougeot (2).
Pour établir la transition, je mentionnerai, en premier lieu, les cas dans lesquels une influence, non pas à proprement parler traumatique, mais encore, cependant, d'ordre mécani-
1. J. Pagel. — Lectures on surgical pathology, t. I, p. 43.
2. Mougeot, loc. cit., chap. ri. Des lésions organiques des nerfs et des trou-bles de nutrition consécutifs.
que, a déterminé l'affection du nerf. — C'est évidemment d'après ce dernier mode que se produisent quelquefois les troubles trophiques de l'œil consécutifs aux lésions du triju-meau : il s'agit communément, dans ces cas, de tumeurs intra-crâniennes développées au voisinage du nerf, et y détermi-nant, par compression, sans interrompre la continuité des tubes nerveux, une irritation plus ou moins vive. —Le cancer delà colonne vertébrale peut amener, comme on sait, un ramollis-ment des vertèbres poussé à un tel point qu'il s'en suive un affaissement des lames vertébrales occasionnant, à son tour, un rétrécissement des canaux de conjugaison. Les nerfs dans leurs parcours à travers ces canaux devenus trop étroits sont comprimés, irrités et quelquefois s'enflamment. J'ai vu, en pareil cas, une éruption de zona occuper, à droite, toutes les régions de la peau où se distribuent les branches du plexus cervical, en conséquence de la compression que subissaient, dans les trous de conjugaison qui leur donnent passage, les troncs nerveux d'où émane ce plexus. La moelle cervicale et les racines des nerfs cervicaux, ainsi que l'autopsie l'a démon-tré, étaient saines ; mais en ouvrant les trous de conjugaison du côté droit, on trouva les ganglions spinaux et les troncs nerveux eux-mêmes., tuméfiés et vivement colorés en rouge. De plus, dans les gauglions, comme dans les nerfs, l'examen microscopique fit reconnaître une multiplication très accentuée des éléments nucléaires. Les ganglions et les nerfs correspon-dants du côté gauche ne présentaient, au contraire, aucune trace d'alLération (1). —11 est très remarquable de voir l'inflam-mation, encore exactement limitée aux ganglions et aux nerfs spinaux, se produire spontanément, sans l'intervention d'une cause mécanique quelconque, et provoquer cependant, ainsi
1. Gharcot et Gotard. — Sur un cas de zona du cou avec altération des nerfs du plexus cervical et des ganglions correspondants des racines spinales post Mém. de la Soc. de Biologie. 1865, p. 41 et Œuv. compl., t. vin, p. 181)-
que l'a montré M. Von Baerensprung, l'apparition d'une érup-tion de zona, sui' les parties de la peau correspondant à la, distribution des nerfs irrités (i). Il y aquelques raisons de croire qu'un bon nombre des cas de zona spontané se développent à la suite d'une névrite de ce genre (2). — Les ganglions spinaux ont été trouvés aussi fortement altérés, sans participation de la moelle, des racines spinales tant antérieures que postérieu-res, et même, cette fois, des nerfs intercostaux, dans le lait suivant rapporté par M. E. Wagner (3).
Un individu, âgé de 23 ans, atteint de phtisie pulmonaire, présenta, dans les derniers temps de sa vie, une éruption de zona qui siégeait sur les parties correspondant aux neuvième et dixième nerfs intercostaux du côté gauche. On reconnut, à l'autopsie, que les corps des six dernières vertèbres dorsales et des deux premières lombaires étaient cariés. La dure-mère, dans les points correspondant aux vertèbres malades, était en-veloppée à l'extérieur par une couche épaisse de puscaséeux, laquelle se prolongeait jusque sur les gaines des nerfs et des ganglions spinaux. La dure-mère, elle-même, était épaissie et dédoublée en deux lamelles, surtout dans la région des 9e, 10e et 11e racines dorsales. Bien que les lésions de la dure-mère parussent aussi prononcées à droite qu'à gauche, cependant les 9e, ÏÙC et 11° ganglions dorsaduux côté gauche étaient seuls tuméfiés et présentaient seuls des altérations apprécia-bles au microscope. Dans ces trois ganglions, les cellules ner-veuses avaient disparu, et, au voisinage immédiat des alvéoles où elles se logent, on reconnaissait tous les caractères de la
1. V. Baerensprung.— Beitraege zur Kenntniss desZoster. In Arch. f. Anal-und Physiologie, n° 4. 1865 et Canstall's Jahresb.. 1864. t. IV, p. 128.
2. Mougeot, loc. cit., p. 65.
3. R. Th.Bahrdt. — Beitraege zur Aitiologie des Herpès zoster. Dis». Leip-zig, 1869, et E Wagner. — Patholog. anatomische und Idinische Beitraege zur Kenntniss der Gefaesuerven. In Archiv der Heilkunde, 4e hef't. Leipzig, 1870, p. 321.
prolifération conjonctive anormale poussée à un haut degré.
J'ai vu, pour mon compte, dans plusieurs cas de méningite spinale chronique, avec épaississemeut de la dure-mère, l'in-flammation concomitante des nerfs rachidiens, dans leur trajet à travers les méninges, provoquer dans les parties périphéri-ques, outre une atrophie plus ou moins prononcée des masses musculaires, des éruptions cutanées diverses, mais se rappro-chant, en général, quant à la forme, ◀tantôt▶ du zona et ◀tantôt▶ du pemphigus. — Dans une leçon faite à Dublin (1), M. Brown-Séquard avait déjà signalé l'existence d'éruptions cutanées spéciales aux bras, dans les cas de méningo-névrite spinale localisée à la partie inférieure de la région cervicale.
L'érythème, le zona, l'atrophie musculaire, certaines arthro-pathies, eniin, ont pu être rattachés, par M. Duménil, à la né-vrite chronique progressive (2), et,parM. Leudet(3J^ à la névrite périphérique consécutive à l'asphyxie par la vapeur du charbon.
Maisc'estsurtoutdans la lèpre anesthésique queï on retrouve dans tout leur développement, les lésions trophiques que nous avons étudiées à propos des lésions traumatiques des nerfs. Le processus morbide initial consiste, dans ce cas, comme on le sait d'après les importantes recherches de M. Virchow (4), en une périnêvrite lépreuse, caractérisée par une prolifération cellu-laire spéciale, siégeant dans l'intervalle des tubes nerveux dont elle détermine la destruction lente. Les nerfs présentent alors fréquemment, sur leurs parcours, une tuméfaction l'usiforme
1. Quaterly Journal of Medicine, niny 1805 (p. 11. 12, du tirage .'t pari .
2. Duménil. — Contributions pour servir à l'histoire des paralysies périphé-riques, spécialement de la névrite. In Gaz. hebdomadaire. 1866, nos 4, 5, 6.
3. Leudel. — Recherches sur les troubles des nerf s périphériques et surtout des vaso-moteurs, consécutifs à l'asphyxie par la vapeur du charbon; In Ar-chives générales de Médecine, mai 1865.
4. R. Virchow. — Die krankhaflen Geechwûlste. — Nerven-Lepra, L. 11, p. 521, 1864-65.
qui peut être quelquefois aisément reconnue, pendant la vie, dans les régions où ils sont superficiels, au coude, par exemple, lorsqu'il s'agit du cubital, et contribuer ainsi au diagnostic. Ces altérations produisent, au début, des symptômes d'hyperesthé-sie et, plus tard, de l'anesthésie.
A l'exception du zona, que je ne trouve nulle part mentionné, nous rencontrons dans ces circonstances, à peu de chose près, toute la série des lésions trophiques que nous avons déjé dé-crites : a) le pemphigus, pemphigus leprosus ; b) l'état lisse de la peau (Glossy S/un) ; c) l'atrophie des muscles ; d) lapériostite etenfin la nécrose. Lorsque ces dernières lésions acquièrent un haut degré d'intensité, on peut, vous le savez, observer quel-quefois la perte d'une partie d'un membre. Celle-ci survient sou-vent sans douleur, parce que, à l'époque où elle a lieu, l'anes-thésie existe le plus souvent(lepra mutilans) (1). On a attribué ces accidents divers et ces mutilations aux effets de l'anesthésie.
Cependant, elle ne doit certainement pas être mise seule en cause ; il est non seulement prouvé qu'elle ne fait que faciliter l'intervention des influences extérieures, mais encore qu'elle peut être parfois reléguée au second plan, éliminée même, si l'ons'en rapporte aux cas cités par le docteur Thomson, et dans lesquels l'anesthésie faisait absolument défaut (2).
Nous n'avons pu que passer rapidement en revue les troubles de la nutrition qui résultent des lésions irritatives des nerfs pé-riphériques. Dans les prochaines leçons, nous y reviendrons en-core, mais nous insisterons principalement sur les troubles tro-phiques qui se rattachent à des lésions du cerveau et de la moelle épinière.
1. Steudener. — Beitraege zur Pathologie der Lenra mutitans. Mit. 3. Taf. Erlangen, 1867.
2. A. Thomson. — Bril.and. for. Med. Chir. Review. 1854, April, p. 496» cité par M. Virchow.
DEUXIÈME LEÇON
Troubles trophiques consécutifs aux lésions des nerfs (suite). Affections des muscles.
Troubles trophiques consécutifs aux lésions de la moelle épinière.
Sommaire. — Modifications anatomiques et fonctionnelles que subissent les muscles sous l'influence de la lésion des nerfs qui les animent. — Importance de l'électrisation comme moyen de diagnostic et de pronostic. Recherches de M. Duchenne (de Boulogne). — Expérimentation : Longue persistance de la contractilité électrique et de la nutrition normale des muscles, à la suite de la section ou de l'excision des nerfs moteurs et mixtes chez les animaux. — Faits pathologiques : Diminution ou abolition hâtives de la contractilité électrique, suivies d'atrophie rapide des muscles dans le cas de paralysie rhumatismale du nerf facial et de lésions irritatives, soit traumatiques, soit spontanées des nerfs mixtes. — Raison de la contradiction apparente entre les résultats expérimentaux et les faits pathologiques. Application des re-cherches de M Brown-Séquard : Seules, les lésions irritatives des nerfs déterminent l'abolition hâtive de la contractilité électrique, suivie d'atrophie rapide des muscles.
Expériences de MM. Erb, Ziemssen et 0. Weiss. — Écrasement, ligature des nerfs : ce sont des lésions irritatives. — Différence des résultats obtenus dans l'exploration des muscles suivant qu'on fait usage de la faradisation ou de la galvanisation. — Les résultats de ces nouvelles recherches sont comparables aux faits pathologiques observés chez l'homme ; ils n'infirment en rien la proposition de M. Brown-Séquard.
Troubles trophiques consécutifs aux lésions de la moelle épinière. — En ce qui concerne leur influence sur la nutrition des muscles, ces lésions forment deux groupes bien distincts. — 1er groupe : Lésions de la moelle qui n'ont pas d'influence directe sur la nutrition des muscles : a) Lésions en foyer très circonscrites, n'intéressant la substance grise que dans une très petite éten-due en hauteur: Myélite partielle, tumeurs, mal de Pott. b) Lésions fascicu-lées même très étendues des cordons blancs postérieurs ou antéro-latéraux, etc. — 2e groupe : Lésions de la moelle qui influencent plus ou moins vite la nutrition des muscles : a) Lésions fasciculécs ou circonscrites qui intéres-
Charcot. Œuvres complètes, t. i H
sent les cornes antérieures de la substance grise dans une certaine étendue en hauteur : Myélite centrale, hématomyélie, etc. 6) Lésions irritatives des grandes cellules nerveuses des cornes antérieures de la substance grise avec ou sans participation des faisceaux blancs : paralysie infantile spinale, para-lysie spinale de l'adulte, paralysie générale spinale ('Duehenne, de Boulogne), atrophie musculaire progressive, etc. —Rôle prédomminanl des lésions delà substance grise dans la production des troubles trophiques musculaires. — La proposition de M. Brown-Séquard s'applique encore à l'interprétation de ces faits.
Messieurs,
Dans la dernière séance, j'ai évité à dessein, en faisant l'his-toire des troubles de la nutrition consécutifs aux lésions des nerfs, de m'appesantir sur les modifications anatomiques ou fonctionnelles que subissent les muscles sous l'influence de ces lésions. Je voulais réserver cette question pour une étude spé-ciale. En réalité, c'est là, — vous allez bientôt le reconnaître, — un sujet hérissé de difficultés de tous genres et qui est encore l'objet de mille controverses.
Vous n'ignorez pas que de grands progrès ont été accomplis dans l'histoire clinique des paralysies sous l'influence des tra-vaux de M. Duehenne (de Boulogne). Mais vous n'ignorez pas non plus, sans doute, qu'un bon nombre des faits découverts par cet éminent pathologïste semblent être en contradiction flagrante avec les résultats obtenus par les physiologistes dans l'expérimentation chez les animaux.
Quelle est la raison de ce désaccord? Dans quelle voie la con-ciliation doit-elle être trouvée? Voilà des desiderata auxquels je ne vous promets pas de répondre en tous points d'une manière satisfaisante. Je ne puis cependant reculer devant la difficulté ; je dois tout au moins l'ahorder. A la vérité, j'ai quel-que répugnance à traiter une question où les résultats de l'ex-ploration électrique des nerfs et des muscles doivent être invo-qués à chaque instant devant des hommes qui ont fait de ce
mode d'examen une élude si approfondie : mais s'ils rencon-trent la critique, j'espère qu'ils voudront bien m'accorder toute leur indulgence.
I.
On peut dire que, d'une manière générale, Vélectro-diagnos-tic, accordez-moi ce néologisme, annonce et démontre, dans certains cas pathologiques où il s'est produit une lésion quelque peu intense d'un nerf moteur ou d'un nerf mixte, l'existence d'une rapide et profonde diminution, voire même la disparition de cette propriété qu'on est convenu d'appeler du nom de con-tractilité électrique, tandis que l'expérimentation chez les ani-maux semble établir, au contraire, que, à la suite des lésions des nerfs qu'elle provoque, les muscles conservent pendant un temps relativement fort long, et même suivant quelques au-teurs, d'une façon à peu près indéfinie, la propriété de se con-tracter sous l'influence des excitations électriques.
Vous comprenez sans peine l'intérêt qui, à notre point de vue, s'attache à la constatation et à l'étude des faits de ce genre. Il suffira de vous rappeler que l'affaiblissement et à plus forte raison, la perte de la contractilité électrique survenant rapidement à la suite de la lésion d'un nerf sont, ainsi que l'ex-ploration clinique l'a souvent démontré, le premier terme d'une série de phénomènes qui aboutissent dans certains cas, pres-que fatalement, si le médecin n'intervient pas, à l'atrophie plus ou moins complète du muscle et à la perte quelquefois défi-nitive de ses fonctions
Pour mieux mettre en lumière le point sur lequel porte la dissidence que je viens de signaler à votre attention, laissez-moi, Messieurs, vous rappeler brièvement les faits expérimen-taux auxquels j'ai fait allusion.
A, Il s'agit, dans ces expériences, de rechercher quelles sont
les modifications qui surviennent dans les propriétés des mus-cles et dans leur structure anatomique, après la section ou l'excision des nerfs qui les animent. Les expériences abondent; elles ont été maintes fois répétées par MM. Longet, Schiff, Brown-Séquard, Vulpian, et il faut ajouter que les résultats qu'elles ont donné paraissent, du moins pour les points essen-tiels, tout à fait concordants. Nous allons vous rappeler les principaux incidents qui nous paraissent mériter d'être relevés dans ces expériences.
Le bout périphérique du nerf sectionné ou excisé, du cin-quième au huitième jour après l'opération, commence à subir, jusque dans ses ramifications les plus ténues une série d'alté-rations qui ont pour conséquence intime la disparition du cylindre de myéline, tandis que le filament axile paraît, lui, au contraire, persister à peu près indéfiniment (1).
Cependant, dès le quatrième jour, c'est-à-dire avant même que les lésions de la dégénération soient appréciables, le nerf a perdu déjà la faculté d'être excité par les diverses agents, et en particulier par les agents électriques (2). Sur ce point, tout le monde est parfaitement d'accord.
En ce qui concerne le muscle, il n'offre tout d'abord aucune modification de la contractilité électrique. L'amoindrissement et, à plus forte raison, l'anéantissement de cette propriété, s'ils se produisent, ne se manifestant jamais qu'à la longue, très tardivement. C'est là un second point sur lequel il n'y a pas de divergence. Si quelques physiologistes disent avoir vu la con-
1. M. Schiff a montré que, dans le cas de dégénération des nerfs consécutive à la section, contrairement à ce que M. XValler avait avancé, les filaments axiles persistent; il a trouvé les filaments dans les fibres nerveuses des nerfs coupés depuis cinq mois chez les mammifères. » Nous avons également reconnu, d'il M. Vulpian (Leçons su?- la physiologie du système nerveux, 1866, p. 239), l'exis-tence de ce filament axile au bout de plus de six mois. 11 me paraît bien proba-ble qu'il persiste au-delà de ce temps. »
2. Vulpian, loc. cit., p. 235.
ractiliLé électrique s'affaiblir ou même disparaître de six à douze semaines après la section d'un nerf mixte, M. Schiff l'a trouvée, par contre, dans ces mêmes circonstances, parfaite-ment conservée encore au boni, de 14 mois (l);il en est absolument de même lorsque la section porte sur un nerf exclu-sivement moteur. Déjà M. Longet avait fait voir que, tandis que lamotricité des nerfs est, comme on l'a dit, entièrement abolie quatre jours après leur section, l'irritabilité musculaire, lorsqu'i l s'agit du nerf facial, persiste dans les muscles correspondants, pendant plus de douze semaines (2). Après l'arrachement ou la section du nerf facial, MM. Brown-Séquard et Martin-Magron ont vu, de leur côté, l'irritabilité des muscles faciaux survivre, chez les cochons d'Inde et chez les lapins, pendant près de deux ans (3). M. Vulpian a été, lui aussi, témoin de faits absolument semblables (4). Vers 1841, dans le laboratoire de mon excellent maître, Martin-Magron, alors que je m'essayais dansunedirec-tion que ma sensibilité à l'égard des animaux devait me faire abandonner bientôt, j'ai pu constater moi même, après l'arra-chement du facial, la persistance presque indéfinie de la con-tractilité électrique des muscles correspondants.
Le résultat est si palpable, si frappant, si facile à constater, que la plupart des physiologistes en sont, si je ne me trompe, à se demander si l'irritabilité musculaire disparaît jamais complè-tement à la suite de la section ou de l'excision des nerfs; toutau plus concèdent-ils qu'en pareil cas il puisse se produire, à la longue, un affaiblissement plus ou moins prononcé de lapro-
1. Schiff. — Lehrbuch der Physiologie des Menschen, 1858-59, p. 18. — M, Schiff aurait vu deux fois l'excitabilité des muscles persister quatorze mois après la section des nerfs correspondants. Dans un cas, il s'agissait du nerf hypoglosse, dans un autre cas, du nerf sciatique.
2. Longet. — Anatomie et physiologie du système nerveux, t. I, p. 63, 1842.
3. Brown-Séquard. — Bulletins de la Société phïlomatique, 1847, p. 74 et 88. - Bulletins de la Société de Biologie, t. III. 1851, p. 101.
4. Vulpian, loc. cit., p. 235.
priété contractile des muscles. Presque tous font remarquer que si, quelquefois, les excitations électriques deviennent impuis-santes à déterminer la contraction des muscles, toujours celle-ci se manifeste sous l'influence des irritations mécaniques.
Il était à présumer que les modifications tropliiques corres-pondantàces modifications fonctionnelles devraient,elles aussi, se produire très lentement et se montrer peu accusées. C'est en effet ce qui paraît avoir lien : la plupart des auteurs semblent s'accordera reconnaître que l'atrophie du muscle, sa dégénéra-tion histologique, ne surviennent à la suite de la section des nerfs, qu'au bout d'un temps fort long. C'est à peine, suivant M. Longet(l),si trois mois après la section du nerf facial, les muscles correspondants, examinés après la mort, présentaient de légères traces d'atrophie. Mais il ne s'agit là, sans doute, que d'un examen fait à l'œil nu. Au rapport de M. Schiff, lorsque la paralysie consécutive à la section du nerf, date de loin, les muscles présentent un certain degré d'amaigrissement. Il est vraisemblable qu'un certain nombre de faisceaux musculaires s'atrophient et disparaissent ; dans la plupart des cas, le micro-scope fait constater qu'un bon nombre de ces vaisseaux subis-sent en outre l'altération graisseuse, en même temps que de la graisse s'accumule dans les intervalles qui le séparent (2). Les observations de M. Vulpian ont donné des résultats analogues ; toutefois, suivant lui, la dégénérescence graisseuse des libres musculaires ferait souvent défaut d'une manière absolue (3).
Avant de comparer les faits pathologiques aux résultats des
1. Longe t, loc. cit., p. 63.
2. Schiff, loc. cit., p. 175.
3. Vulpian, loc. cit., p. 246. —Dans les cas do paralysie consécutive à lasec-tion des nerfs, outre l'atrophie des faisceaux primitifs qui se produit à la longue, M. Vulpian a noté depuis longtemps la. prolifération des noyaux du sarcolemme et quelques autres indires d'un processus inflammatoire. C'est là un fait très intéressant signalé plus récemment par d'autres observateurs et sur lequel nous aurons à revenir un peu plus loin 'Voir la note, p. 42.)
expériences instituées chez les animaux, il importe de bien pré-ciser les conditions dans' lesquelles ces expériences sont corn-duites. En premier lieu, le physiologiste pratique la section ou l'excision des nerfs musculaires ; en second lieu, il a recours à l'excitation électrique directe, c'est-à-dire appliquée sur le nerf ou sur le muscle mis à nu; enfin, c'est àpeuprès exclusivement le galvanisme qu'il met en œuvre comme moyen d'exploration et il ne tient pas compte de la différence qui peut exister, au point de vue de leur action sur la fibre nerveuse ou sur le fais-ceau musculaire, entre l'excitation obtenue à l'aide des cou-rants et induction (courants interrompus) et celle que déter-minent les courants dit galvaniques (courants continus). Telles sont les circonstances qu'il importe de relever surtout à propos des expériences que j'appellerai anciennes, bien qu'elles ne datent pas encore de fort loin. Nous verrons plus Lard que des observations toutes récentes, et dans lesquelles l'action des deux ordres de courants a été étudiée comparative-ment, ont donné des résultats qui semblent différer, à quelques égards, de ceux qu'avaient fournis les premières expériences.
B. Il est tempsde revenir maintenant à la pathologie humaine. Les faits qu'elle nous présente se rapportent à des lésions de nerfs mixtes ou moteurs, survenues soit spontanément, soit à la suite d'un traumatisme.
Nous rapellerons en premier lieu les phénomènes qui ont été observés dans les cas de paralysie périphérique du nerf facial et, en particulier, lorsque cette paralysie résulte de l'impression du froid (paralysie rhumatismale, a frigore). M. Duehenne (de Boulogne) a fait voir, vous ne l'ignorez pas, qu'en pareille cir-constance, dès avant la fin du premier septénaire, la contrac-tilité électrique des muscles de la face est déjà remarquablement amoindrie et paraît même quelquefois tout à fait éteinte (1). Vous
1. Duehenne (de Boulogne). — EUctrisation localisée, 2e édit. 1861, p. 669.
remarquerez qu'entre cette époque, sept jours, qui peut mar-quer, d'après M. Duchenne, le début de l'affaiblissement de la contractilité électrique dans la paralysie rhumatismale du nerf facial, et le terme assigné par quelques physiologistes à la per-sistance de cette môme propriété chez les animaux, après la section des nerfs, la distance est grande. Cependant, des obser-vations répétées maintes et maintes fois ont démontré la parfaite exactitude de l'assertion de M. Duchenne. Tout récemment encore, dans un cas de paralysie rhumatismale du nerf facial, M.le Dr Erb, ayant été mis à même de suivre jour par jour, dès le début, la marche des symptômes, a vu, le neuvième jour, la contractilité électrique déjà considérablement amoindrie (1). Dans un cas de même genre recueilli par M. Onimus (2), huit jours après l'invasion de la maladie, des courants induits appliqués sur les muscles paralysés ne donnaient pas lieu à la moindre contraction.
Le même phénomène s'observe communément dans les cas de paralysie périphérique du nerf facial autres que ceux qui dépeudent de l'impression du froid et aussi dans les paralysies traumatiques des nerfs et des membres.Ces dernières résultent le plus souvent, comme on le sait, de la compression brus-que, de la contusion, de la commotion subies par un nerf mixte, en conséquence des luxations scapulo-humérales par exemple. On a vu plusieurs fois, à la suite de ces accidents divers, la contractilité électrique déjà très notablement affai-blie dès le dixième ou même dès le cinquième jour, dans les muscles frappés de paralysie (3).
L'observation clinique démontre, vousnel'ignorezpas, qu'en
1. W. Erb. — Zur Pathologie und pathologischen Anatomie peripherischer Paralysen. In Deutsch Archiv, t. IV, 1868, p. 539. Cas de Gradolf.
2. Gazelle des hôpitaux, 30 juin 1870, p. 298.
3. Duchenne (de Boulogne), loc. cit. Obs.,p. 191. Paralysie, suite de luxation scapulo-humérale, — Obs., p. 193. Paralysie, suite de contusion du nerf cubital.
règle générale, les muscles qui présententainsi laprompte dimi-nution etsurtout la prompte disparition de la contractitilité élec-trique, ne tardent pas à subir une atrophie qui devient parfois très rapidement appréciable, principalement lorsqu'il s'agit des membres. 11 serait très intéressant d'étudier dans les diverses phases de leur développement les altérations histologiques auxquelles se rapporte celte atrophie rapide des masses muscu-laires; mais c'est là un sujet sur lequel nous ne possédons encore qu'un très petit nombre de renseignements précis. Il semble ressortir pourtant de quelques observations et, en par-ticulier, d'un fait rapporté avec détails par le D1' Erb, quer ces lésions n'auraient rien de commun avec la dégénération grais-seuse pure et simple, toute passive et telle qu'on l'observe dans les muscles qui ont été durant longtemps condamnés à l'inac-tion; elles offriraient au contraire les caractères les plus nets d'un processus inflammatoire, à savoir: une hyperplasie pJus ou moins prononcée du tissu conjonctif interstitiel, rappelant jusqu'à un certain point ce qu'on trouve dans la cirrhose, et une multiplication des noyaux dusarcolemme. En même temps que ces altérations se développent, les faisceaux musculaires subis-sent une diminution très prononcée dans leur diamètre trans-versal, mais ils conservent, pour la plupart, leur striation.La dégénération granulo-graisseuse des faisceaux musculaires se rencontre rarement en pareil cas et paraît être tout à fait acci-dentelle (1).
1. Voici, en abrégé, l'observation rapportée par le docteur Erb dans son inté-ressant mémoire : Peter Schmieg, âgé de 22 ans, est atteint de phtisie pulmo-naire parvenue à la dernière période. 11 présente en outre les signes d'une carie du rocher et de l'apophyse mastoïde. Un abcès s'est ouvert au voisinage de cette dernière. Le 22 mars 1867, il se développe subitement une paralysie presque complète du nerf facial gauche. La paralysie est surtout prononcée au muscle frontal. La contractilité électrique ayant été explorée le 24 mars d'abord (2e jour de la maladie), puis le 3 avril (12e jour), à l'aide de la faradisation, a été trouvée normale à ces diverses époques. Pour la première fois, le 17 avril 26e jour), on constate que les muscles frontal et zygomatique du côté gauche
Il est clair que si, dans le cas d'atrophie musculaire que les physiologistes obtiennent à la longue, par la section ou l'exci-sion des nerfs, la lésion histologique était toujours la dégénéra-tion graisseuse, sans trace de processus irritatif initial, le contraste serait des plus accusés. Mais, malheureusement pour la simplicité des choses, nous verrons qu'il n'en est peut-être pas ainsi (J).
ne se contractent que très faiblement sous l'influence des excitations faradiques. Le 30 avril (39° jour), la faradisation ne provoque plus de contractions dans les muscles frontal et zygomatique: du côté gauche. Les autres muscles de la l'ace, du même côté, ne répondent que faiblement aux excitations. La mort sur-vient le 2 mai (40e jour de la maladie). Autopsie: Le tronc du nerf facial con-fine à un abcès qui s'est ouvert derrière l'oreille; il esta nu dans une certaine Hendue. De tous côtés, le tronc nerveux est enveloppé par une masse de tissu eonjonclif induré. Cette enveloppe conjonctive adhère intimement à la gaine externe du nerf; ce dernier, cependant, est encore mobile dans la gaine. A l'œil nu, les branches du facial ne présentent aucune modification appréciable : au contraire, le muscle frontal gauche est pâle, flasque, aminci. Dans le point où le tronc nerveux est enveloppé par la masse du tissu eonjonclif, on aperçoit, interposé entre les fibres nerveuses, beaucoup de tissu conjoncttf fibrillaire avec de nombreux noyaux ovalaires, faiblement grenus. Les fibres nerveuses elles-mêmes présentent, en certain nombre, les divers degrés de la dégénération graisseuse. Beaucoup de fibres ont conservé les caractères de l'état normal. Quelques-uns des filets nerveux qui se rendent au muscle frontal ne renfermen! guère que des fibres nerveuses dégénérées ; d'autres, appartenant vraisembla-blement au trijumeau, ont toutes leurs fibres à l'état normal. — Le muscle fron-tal gauche est profondément altéré; on observe là d'épaisses cloisons de tissu eonjonclif nouvellement formé, interposées entre les faisceaux musculaire? primitifs. Ces derniers ont subi une réduction de volume très prononcée et, d plus, ils renferment des noyaux en grand nombre. La striation transversale est conservée sur la plupart des fibres musculaires atrophiées : sur d'autres elle est à peine distincte. Un certain nombre de faisceaux primitifs offrenl les caractères de l'altération cireuse, mais l'altération granulo-graisscuse ne s'observe sur aucun d'eux. —(W. Erb, loc. cit. Deutsch Archiv. Bd. 5, 1868. p. 44).
1. Nous nous réservons de revenir, dans le courant de nos leçons, sur ce point délicat. Pour le moment, il nous suffira de noter que des lésions irrifali-ves des muscles, en tout semblables à celles qui viennent d'être décrites, ont. été récemment signalées par des observateurs très compétents, chez divers animaux, à la suite de la section et de l'excision des nerfs mixtes ou purement moteurs, c'est-à-dire en dehors des conditions qui produisent d'habitude les lésions irritatives des nerfs. Ainsi à la suite de l'excision d'un tronçon de nerf scialique, M. Manlcgazza [Histotogisch. Verœnderungen naeti der Ner vendu r
ïl résulte, en somme, du parallèle que nous venons de vous présenter, que les faits cliniques, observés cependant avec le plusgrand soin, sont, ou dumoins paraissent être,en opposition
chschneidung in Schmuit's Jahresb., p. 148, 1857, t. 136, et Gaz. Lomb. p. 18, 1867) a trouvé à partir du 30e jour, les muscles déjà pâles, le tissu con-jonctif intermédiaire aux faisceaux primitifs manifestement hypertrophié, les faisceaux eux-mêmes diminués de volume, présentant une multiplication évi-dente des noyaux du sarcolemme, mais ayant conservé la striation transversale. Un bon nombre de ces faisceaux offraient l'aspect granuleux, mais les granula-tions se dissolvaient dans l'acide acétique. De son côté, M. Vulpian a ren-contré des altérations identiques, dans les muscles de la langue, chez le chien, cinquante jours après l'avulsion du bout central du nerf hypoglosse. (Archiv. de Physiolog., t. II, p. 572, 1869). L'absence de dégénération graisseuse des faisceaux primitifs, l'atrophie de ces faisceaux avec persistance de la striation transversale et prolifération des noyaux du sarcolemme, ont été également observées par M, Vulpian (loc. cit., p. 559) chez l'homme, sur les muslces de la jambe, dans un cas de résection d'un segment du nerf sciatique datant de cinq mois. Gela étant, on est, conduit à admettre que les sections complètes, les excisions, les avulsions de nerfs déterminent quelquefois dans ces nerfs des lésions irritatives : ou bien — si les observations ultérieures devaient pré-senter comme constant le fait observé par MM. Vulpian et Mantegazza — que les altérations musculaires qui se produisent à la suite des lésion» passives des nerfs moteurs ou mixtes ne se séparent pas essentiellement, au point de vue histologique, de celles qui surviennent consécutivement aux lésions irritatives de ces mêmes nerf.. Si les faits devaient donner raison à la deuxième hypo-thèse, il y aurait lieu, néanmoins, pensons-nous, de différencier encore, malgré tant d'analogies, les altérations musculaires liées à l'inertie fonctionnelle de celles qui succèdent à l'irritation des nerfs. Il paraît démontré, en effet, que ces dernières se produisent beaucoup plus rapidement et sont précédées ou accompagnées de modifications plus ou moins prononcées de la contractilité électrique, lesquelles ne se montrent pas avec les mêmes caractères, dans les premières et ne s'y manifestent qu'au bout d'un temps relativement fort long.
Il serait à désirer qu'une série de recherches fût instituée dans le but spécial d'élucider la question qui vient d'être soulevée. Il existe, en effet, déjà, un cer-tain nombre de faits tendant à démontrer que Vimmobilisation peut, à elle seule, en dehors de toute influence du système nerveux, provoquer dans cer-tains organes, dans certains tissus, des lésions trophiques offrant tous les caractères d'un processus inflammatoire. Je me bornerai à citer un exemple. On connaît les affections articulaires décrites par MM. Tessier et Bonnet et qui surviennent lorsque les membres sont, condamnés a l'immobilité que nécessite le traitement de certaines fractures. Tout récemment, M. Mcnyel a entrepris des expériences qui consistent à immobiliser chez des chiens et des lapins, à l'aide d'un bandage plâtré, un certain nombre de jointures. Or, dès le 15e jour, on trouve, en pareil cas, la membrane synoviale vivement injectée et tuméfiée; la cavité articulaire renferme des globules rouges, des leucocytes et des cellules
formelle avec les faits expérimentaux recueillis également par les procédés les plus rigoureux. Nous devons nous efforcer de pénétrer la raison de ce désaccord. Recherchons d'abord si l'on peut la trouver dans la différence des conditions d'observation où se placent d'une part le physiologiste, d'autre part le mé-decin.
Un premier point qu'il importe de faire ressortir est relatif au mode d'exploration. Le pathologiste se trouve dans la nécessité de n'explorer le muscle qu'à travers la peau, tandis que le phy-siologiste, ainsi que nous l'avons fait remarquer déjà, agit, lui, dans des conditions bien plus favorables.puisqu'il lui est loisible de porter les rhéophores directement sur le nerf ou sur le mus-cle. 11 était permis de prévoir qu'étant donné un affaiblissement de la contractilité électrique porté à un certain degré, l'applica-tion directe serait capable de déterminer encore des contractions alors que l'exploration faite à travers la peau se montrerait peut-être impuissante à en produire, ou ne donnerait que des contractions très affaiblies. L'expérience justifie cette prévision. C'estainsi que dans un cas de pied bot,avec dégénération grais-seuse des muscles, où l'on fut obligé de pratiquer l'amputation, Valentin a vu,après l'opération, des contractions, faibles il est vrai, se manifester sous l'influence de l'excitation directe,dans un des muscles les plus profondément altérés (1). Dans ce cas,si l'on en juge par analogie, l'exploration à travers la peau n'eût vraisemblablement donné aucun résultat. Quelques faits em-pruntés à la physiologie expérimentale parlent dans le même sens. Sur un lapin, chez lequel le nerf facial du côté droit avait
épithéliales ; enfin, les cellules du cartilage diarthrodial sont le siège d'un tra-vail de prolifération très accusé {Gazette médicale de Strasbourg, n° 5, 1871). Ces recherches méritent d'être poursuivies et appliquées à l'étude des mo-difications que peuvent subir les diverses parties d'un membre sous l'in-fluence de l'inertie fonctionnelle plus ou moins longtemps prolongée.
1. Valentin. —• Versuch einerphysiologischen Pathologie der Nerven.Leipzig und Heidelberg 1864, 2« abth., p. 42.
été coupé un mois environ auparavant, l'électricité appliquée au travers de la peau rasée et humectée d'eau, sur les muscles fa-ciaux du côte de l'opération, ne produisait pas d'effet apparent, tandis qu'il y avait des contractions extrêmement fortes lors-qu'on électrisai t les points homologues du côté opposé. Les mus-cles ayant été mis à nu du côté où le nerf avait été coupé, on pouvait y provoquer, par l'électricité, des contractions très évi-dentes (1). — Sur un cheval vigoureux, onavait excisé cinq cen-timètres environ du nerf poplité externe gauche. Un mois après l'opération, les poils furent rasés sur la face antéro-externe de chaque jambe et l'on appliqua lesréophores d'une pile, d'abord sur le côté sain : il survint des contractions énergiques ; on les appliqua ensuite sur les muscles du côté opposé et il ne se pro-duisit aucune contraction. Alors on mit à nu les muscles para-lysés et on appliqua sur eux, directement, les excitateurs, l'instrument étant gradué au minimum : de vives contractions se manifestèrent (2). On pourrait sans doute aisément réunir bon nombre d'exemples du même genre. 11 devient démontré par là que l'exploration à travers la peau ne peut fournir que des don-nées relatives, qu'elle ne révèle pas l'état réel de la contractilité électrique; mais telles qu'elles sont, ces données n'en sont pas moins exactes en somme, et de la plus haute importance, car il est impossible de ne pas reconnaître que la perte apparente ou la diminution très marquée de la contractilité, accusée par une exploration à travers la peau, correspond à une diminution, ou tout au moins à une modification très réelle de cette pro-priété.
Une autre rémarque que je veux vous présenter, a trait à la nature de l'agent électrique dont on se sert pour l'exploration. Le galvanisme, ainsi que je vous le disais il y a un instant, a été
1. Vnlpian. — Physiologie du système nerveux, 1866, p. 345.
2. Expérience clc M. Gliauveau, clan» Magnien. Thèse de Paris, 1866, p. 21.
à peu près seul employé dans les expériences relatives aux sec-tions de nerfs chez les animaux, tandis qu'en clinique, suivant la méthode de M. Duchenne, l'exploration a été, jusque dansces derniers temps, pratiquée exclusivement à l'aide de lafaradisa-tion. Or, il résulte de recherches faites, il y a quekpiesannées, en Allemagne et reprises en France tout récemment, que le galvanisme a le pouvoir de provoquer fréquemment des contrac-tions musculaires là môme où la faradisation semble accuser une perte absolue do la contractilité électrique.
Ce lait, constaté pour la première fois par Baierlacher, en 1859 (1), dans un cas de paralysie faciale, aété observé depuis dans les mêmes circonstances ou dans divers cas de paralysies consécutives à la lésion traumatique des nerfs mixtes, par Schultz(â), Brenner (3), Ziemssen (4), Rosenthal(5), Meyer (6), par Briickner(7), dans la paralysie pseudo-hyperfrophique, et par Hammond, enfin, dans la paralysie infantile.
Un voit d'après cela que le galvanisme pourrait accuser encore des contractions dans bien des cas de paralysie, soif rhumatismale, soit traumatique, où l'exploration, faite exclusi-ment à l'aide de la faradisation, annoncerait une profonde altération de la contractilité électrique, mais, même cela étant, le caractère tiré de l'abolition ou de la diminution hâtives delà contractilité faradique n'en subsisterait pas moins dans toute sa valeur; il permettrait toujours de maintenir le contraste entre les paralysies par lésions des nerfs que nous offre ordinai-rement la clinique et les paralysies qu'on détermine chez l'ani-
1. Baierlacher. — Bayer, œi'ztl. Intellif/enzblatt, 1869.
2. Schulz. — Wiener medic. Wochenschr., 1860, n° 27.
3. Griïnewaldt.—Uber die Lkamungendes Nerv. f'aciatis. (Pet. med. ZeiUchr-Bd. III, 1865, p. 321 11.)
4. Ziemssen. — Elcktricitat in der Med. 2 auli, 186
5. Rosenthal. — Elektrotherapie, 2 aafl. 1869.
6. Meyer. — Die Etektricitat, etc. 2 auli. 1861.
7. Briickner. — Deulsch. Klini/i, 1865, n" 30.
mal, par la section des troncs nerveux, puisque, dans ces der-nières, le caractère en question fait défaut.
Nous devons examiner actuellement si les lésions des troncs nerveux qui provoquent une prompte modification de lacon-tractilité électrique, bientôt suivie d'atrophie musculaire, sont assimilables, sans réserves, ainsi que quelques auteurs semblent le croire, aux sections des nerfs pratiquées chez l'animal. En réalité, Messieurs, il n'en est rien, et, si je ne me trompe, c'est dans cette circonstance qu'il faut chercher le nœud de la ques-tion en litige. On peut dire que, d'une manière générale, les sections ou les excisions de nerfs n'éveillent habituellement, dans ceux-ci, aucun travail de réaction. La dégénération des fibres du bout périphérique, qui suit l'opération à titre de con-séquence nécessaire, peut être considérée, en somme, à la con-dition toutefois qu'il ne s'y mêle aucune complication, comme un processus purement passif. Les muscles desservis par les nerfs sectionnés sont nécessairement frappés d'inertie fonction-nelle; mais ils ne paraissent pas subir d'autres altérations que celles qui, à la longue, résultent de l'inaction(1).
liien différentes sont les affections des nerfs auxquelles se rattachent, chez l'homme, les accidents qui sont l'objet de notre étude. A peu près toujours, lorsqu'elles sont d'origine traumati-que, elles naissent, nous l'avons dit, sous l'influence de causes telles que la commotionna contusion, la compression, une divi-sion incomplète, toutes éminemment propres à susciter, dans les divers tissus qui entrent dans la composition du nerf, le dé-veloppement d'un processus irritatif. De fait, il n'est pas rare, dans les cas de cegenre,que l'atrophie musculaire à marche ra-pide, foudroyante en quelque sorte, annoncée presque dès l'ori-gine parla perte et la diminution de la contractilité faradique, soif accompagnée, précédée ou suivie, — lorsqu'il s'agit d'un
1. Voir la noté 1, p. 41.
nerf mixte, — de douleurs plus ou moins vives ou de sensations anormales, indices de l'irritation que subissent les fibres sensi-tives (1 ). A ces douleurs s'adjointfréquemmentrapparition de ces troubles trophiques de la peau (éruptions pemphigoïdes, peau lisse,herpès)., que nous avons appris à connaître comme un des effets des lésions irritatives des nerfs cutanés et qui ne s'obser-vent en aucune façon dans les cas de section pure et simple des troncs nerveux (2) .Les affections développées spontanémentprê-tentàdes considérations identiques: ◀tantôt▶ il s'agit d'une carie du rocher; le tronc du nerf facial baigne dans le pus où il est enveloppé de toutes parts, ainsi que cela avait lieu dans l'obser-vation du docteur Erb, par une gaîne épaisse du tissu eonjonclif nouvellement formé (3j; d'autres fois, le nerf est comprimé par une tumeur lentement développée, qui a dû, pendantun certain temps, irriter les fibres nerveuses avant d'en déterminer l'apla-tissement complet. Il n'est pas jusqu'à la paralysie dite rhuma-tismale ou à frigore du nerf facial qui ne semble devoir être rattachée — bien que, sur ce point, nous ne possédions pas en-core d'observations positives, — à l'inflammation de la gaîne conjonctive du tronc nerveux(4).
Je n'ignore pas que les sections complètes des nerfs se ren-contrent assez fréquemment dans la pratique chirurgicale: je
1. Duchenne (de Boulogne), loc. cit. obs., IX, X.
2. Voir, entre autres, une observation rapportée récemment, par le docteur Constantin Paul (Société de Thérapeutique, séance du 7 mai 1871, in Gazette médicale, p. 257, n° 25, 1871.) — « L'un des troubles de nutrition les plus remarquables, produits par les lésions de nerfs, est l'émaciation ou l'atrophie des muscles desservis par ces nerfs. Celte atrophie peut exister seule ou se montrer associée à d'autres troubles nutritifs du même genre occupant la peau ou ses annexes. » (Mitchell, Morehouse and Keen. — Gunshot Wounds, etc., p. 69.)
3. Voir : P. Brouardel. — Lésions du rocher, carie, nécrose, et des compli-cations qui en sont la conséquence, Extrait du Bulletin de la Société anatomi-que. Paris, 1867.
4. F. Niemeyer. — Lehrbuch der Spec Pathologie und Thérapie. 7e aufl. 2 Bd. p. 356.
sais aussi qu'on peut voir survenir, en pareille circonstance, l'atrophie des muscles et la perte de la contractilité électrique. Mais je ne crois pas qu'on puisse présenter beaucoup de faits de cet ordre dans lesquels on ait observé, dès les premiers jours, la diminution ou la perte de la contractilité faradique et, dès les premières semaines, Vatrophie et la dégénération des muscles. Bien que j'aie entrepris quelques recherches à ce sujet, je n'ai pas trouvé jusqu'ici d'observations incontesta-blement douées de ce caractère.
Nous sommes ainsi conduits, Messieurs, à faire intervenir ici, ' encore, la lumineuse distinction proposée par M. Brown-Sé-quard : seule l'irritation des nerfs serait capable d'occa-sionner V atrophier apide et hâtive desmuscles, précédée elle-même de la diminution ou, de la disparition de la contracti-lité faradique. La division complète des nerfs n'amène l'a-trophie et la perte des réactions électriques qu'au bout d'un temps incomparablement beaucoup plus long, à l'instar du repos prolongé.
Cela étant admis, il nous faut rechercher actuellement, com-ment, étant donnée la lésion irritative des troncs nerveux dont nous venons de reconnaître l'existence, on peut en faire dériver, à titre de conséquence plus ou moins directe, la perte rapide de la contractilité électrique, l'atrophie hâtive des muscles et, en un mot, toute la série des phénomènes que dévoile l'obser-vation clinique dans les cas qui nous occupent.
L'affaiblissement ou la perte de la contractilité est, vous le savez, après la paralysie motrice qui, dans la grande majorité des cas, ouvre la marche, le premier fait qu'on constate en semblable occurrence. Quelques auteurs semblent voir, dans ce phénomène, une conséquence toute simple delà perte de l'exci-tabilité du nerf, laquelle surviendrait ici de très bonne heure (versle5°jour), comme dans le cas des sections nerveuses, et se rattacherait elle-même à la dégénération des gaines médullaires
Charcot. Œuvres complètes, t. i. 4
au-dessous du point lésé. Il paraît certain que les contractions des muscles, déterminées par l'électrisation, sont plus pronon-cées lorsqu'on peut agir sur eux par l'intermédiaire des nerfs, quelorsque l'excitation, parsuitede ladestruction desfilets ner-veux, ne peut plus porter sur la substance contractile elle-même. Mais, quoi qu'il en soit, si l'opinion à laquelle nous faisons allu-sion était fondée, l'afTaiblissement très prononcé ou l'abolition apparente de la contractilité électrique, survenant quelques jours après l'opération, devra être un fait constant à la suite des sections de nerfs, puisqu'en pareil cas, le bout périphérique du nerf perd toujours son excitabilité au bout de cinq ou six jours. Or, nous savons qu'il n'en est pas ainsi. D'un autre côté, il n'est nullement prouvé que les lésions de nerfs, qui produisent la perte hâtive de la contractilité électrique, soient toujours assez profondes pour interrompre complètement la continuité des fibres nerveuses et amener la destruction du cylindre de myé-line. On pourrait citer, en effet, un certain nombre de faits ten-dant à démontrer que la continuité des nerfs persiste, au moins à un certain degré, à la suite de lésions qui cependant, déter-minent rapidement, dans les muscles, l'apparition des troubles trophiques les plus prononcés.
C'est ainsi qu'après une lésion traumatique portant sur le trajet d'un nerf, on voit parfois les mouvements persister pen-dant quelque temps et ne s'affaiblir qu'alors que les lésions trophiques sont survenues dans le muscle (2). 11 importe de remar-quer, d'ailleurs, que la sensibilité musculaire et cutanée se maintient souvent à un degré voisin de l'état normal, dans les cas de lésions d'un nerf mixte, alors même que l'affaiblisse-ment rapide de la contractilité électrique et l'atrophie musculaire consécutive sont portées très loin ; c'est un fait que MM. Du-
1. Voir l'observation citée par Duchenne (de Boulogne), loc. cit., p. 207.
chenne(de Boulogne)(l),Mitchell, Morehouse etKeen(2) n'ont pas manqué de faire ressortir. Est-il vraisemblable que, dans ces cas, les fibres motrices auront subi des altérations profondes, tan-dis que les fibres sensitives entremêlées avec elles dans toute l'é-paisseur du nerf auraient seules été épargnées ? Maisvoici un ar-gument en quelque sorte plus direct : à la suite de certaines affec-tions de la moelle épinière, telles quel'hématomyélie, la myélite aiguë centrale, la paralysie infantile, affections dans lesquelles lalésion initiale occupe plus parlieulièrementla substance grise, il est commun de voir se produire, comme lorsqu'il s'agit de lésions irritatives des nerfs, une diminution ou une abolition totale de la contractilité électrique, dans les muscles des mem-bres frappésdeparalysie.Ce symptôme,manifeste déjà quelques jours après le début de la maladie, est suivi bientôt d'une atro-phie plus ou moinsprononcée des muscles. Les nerfs musculaires ont été plusieurs fois examinés en pareil cas à l'aide du micro-scope: ◀tantôt▶, ils offraient les caractères de l'état normal ; d'autre fois ils présentaient à un certain degré les altérations propres à la dégénération granulo-graisseuse; mais, alors, ces altérations ne se montraient nullement proportionnées, quant àleur éten-due et quant à leur intensité, aux troubles musculaires. Nous reviendrons ultérieurement sur ce fait important.
Vous voyez par ce qui précède que, dans mon opinion, l'abo-lition rapide de l'excitabilité électrique observée à la suite de la lésion d'un nerf, ne saurait être rattachée tout entière à l'alté-
1 Dans les paralysies consécutives aux lésions traumatiques des nerfs mixtes, les troubles fonctionnels portent moins sur la sensibilité des muscles que sur leur contractilité ; ainsi une luxation de l'épaule ayant occasionné la lésion des nerfs qui animent le bras, l'avant-bras et la main, j'ai vu le malade accuser une sensation musculaire assez notable, alors même que ces muscles ne se contrac-taient pas le moins du monde par l'excitation électrique la plus intense. La sensibilité cutanée esl encore moins affectée que la sensibilité musculaire, dans ces mômes lésions nerveuses. Duchcnne de Boulogne, loc. cit., p. 216). 2. Mitchell. etc., loc. cit., p. 97.
ration granulo-graisseuse de lagaincmédullaire et àlaperted'ex-citabilité des fibres nerveuses qui seraient la conséquence de cette altération. S'il en est ainsi, il devient très vraisemblable que le phénomène dont il s'agitest, au moins en partie, le résul-tat d'un changementquelconque survenu dans la constitution de la subtance contractile, sous rinfluence de l'irritation transmise jusqu'au vaisseau musculaire primitif, par la voie des dernières ramifications nerveuses. La rapidité avec laquelle se produirait ce trouble trophique n'est pas un argument à invoquer contre notre hypothèse. L'expérience démontre, en effet, que sous l'in-fluence de certaines causes, telles par exemple, que l'interrup-tion brusque du cours du sang artériel, la fibre musculairepeut éprouver plus rapidement encore, — après quelques heures seu-lement,— une modification fort analogue, sans aucun doute, puisqu'elle se traduit également par l'abolition de lacontracfilité spécifique du muscle (1).
A en juger par l'enchaînementhabituel des phénomènes révé-lés par l'observation clinique, cette altération delà fibre con-tractile, manifestée par les modifications de la contractilité électrique, serait le précurseur et comme le premier terme d'une série de lésions plus profondes qui amènent graduelle-mentl'atrophie du muscle et entraînent quelquefois l'abolition complète et définitive de ses fonctions. Des observations aux-
1. « J'ai coupé le nerf sciatique d'un côté sur deux lapins et deux cochons d'Inde. Dix jours après, je me suis aperçu que le sciatique coupé ne causait plus de mouvements quand je le galvanisais. Les muscles se contractaient vivement quand j'appliquais sur eux les deux pôles de la pile. Cela reconnu, j'ai lié l'aorte derrière l'origine des rénales, et trois heures après, j'ai essayé de nouveau l'ap-plication de la pile. Il n'y a eu de contractions dans les muscles de la jambe ni quand j'excitais le nerf, ni quand j'excitais directement les muscles, j'ai bâche alors la ligature ; au bout de très peu de temps, les muscles sont redeve-nus irritables. Le nerf sciatique n'a rien retrouvé de sa propriété perdue. Dans cette expérience, les muscles de la jambe, après avoir complètement perdu leur irritabilité, ne l'ont recouvrée que par la nutrition, puisque ni les centres nerveux, ni le nerf sciatique ne pouvaient la leur donner. » (Brown-Séquard. — Journal de Physiologie, t. II, p. 77, 1859.)
quelles nous avons fait allusion déjà et sur lesquelles nous reviendrons par la suite, semblent montrer que les lésions dont il s'agit sont, pour une bonne partie, dénature irritative. On pourrait être tenté, d'après cela, suivant les errements de la théorie actuellement en vogue, de considérer ces lésions comme la conséquence plus ou moins directe d'une paralysie des nerfs vaso-moteurs concomitante de la paralysie des nerfs moteurs musculaires. Parmi les arguments qu'on peut faire valoir contre celte manière de voir, nous nous bornerons à faire ressortir que les signes nécessaires de la paralysie vaso-motrice, — la réplétion des vaisseaux sanguins et l'élévation de la tempé-rature locale, — ne s'observent que très exceptionnellement chez les sujets qui, à la suite de la lésion d'un nerf, présen-tent une paralysie avec diminution rapide de la contractilité électrique,
Des faits assez nombreux montrent, au contraire, qu'en pareil cas, la peau est,leplus souvent, pâle, anémiée, en même temps que, dès l'origine, la température locale s'abaisse ma-nifestement (1).
11.
Telle était, Messieurs, la solution de la question en litige que je m'étais donnée, lorsque vinrent à ma connaissance des recher-ches nouvelles faites en Allemagne ; les résultats de ces recher-ches où de nombreuses expériences, instituées chez les animaux, sont mises en parallèle avec les faits pathologiques, me parurent, au premier abord, devoir ruiner tout l'édifice. En effet, à en juger d'après les conclusions formulées par les auteurs, l'oppo-sition entre les lésions passives et les lésions irritatives des nerfs,
t. Duehenne (de Boulogne), loc. cit., p 254. — Mitchell, loc. cit., p. 134 — Polet, Élude sur la température des parties paralysées. Paris, 18G7, p, 7.
au point de vue de leurs effets sur la contractilité et sur la nutri-tion des muscles, ne serait rien moins que fondée. Je commen-cerai par déclarer que les expériences auxquelles je fais allusion, instituées par M. Erb (1868), et dans lemêmetemps, bien que, d'une manière indépendante, par MM. Ziemssen et 0. Weiss, paraissent avoir été conduites avec le plus grand soin. Nous aurons à voir si elles ont bien la signification qui leur a été attribuée.
Des lésions de nerfs, variées—écrasemen,tligature, section dans un très petit nombre de cas—étant produites sur des lapins, il s'agissait d'observer quotidiennement les modifications de la contractilité électrique qui apparaissent du côté des nerfs et du côté des muscles, sous l'influence des courants continus et de la faradisation, interrogés tour à tour. L'ôlecliïsation était prati-quée ◀tantôt▶ à travers la peau, comme on le fait en médecine, ◀tantôt▶ directement, ainsi qu'on procède en physiologie. M. Erb s'était en outre donné pour tâche de suivre, autant que pos-sible, jour par jour, les altérations histologïques qui corres-pondent aux changements de l'excitabilité électrique.
Examinons en premier lieu les phénomènes observés dans ces expériences sur les nerfs lésés. Supposons qu'on ait blessé, en l'écrasant à l'aide d'une pince, le nerf sciatique d'un lapin. La lésion peut être très prononcée ou légère. Est-elle très pronon-cée, on constate une perte presque immédiate de l'excitation électrique, que l'on ait recours à la faradisation ou au galva-nisme. Lors de la régénération du nerf, le retour de l'excitabi-lité est lent pour le bout central ; il est rapide, au contraire, pour le bout périphérique. La lésion est-elle légère, l'excitabilité électrique revient prompfement vers le bout central ; jamais elle n'a cessé d'exister d'une façon complète sur le bout péri-phérique.
Vous voyez que ces premiers résultats ne s'éloignent pas sen-siblement de ceux obtenus dans les expériences anciennes, puis-
qu'il était également établi par ces expériences que le nerf coupé perd son excitabilité dès les premiers jours.
Étudions maintenant les phénomènes qui, dans les nouvelles expériences, sont mis en évidence par l'exploration électrique des muscles. Ici, Messieurs, les résultats s'éloignent notable-ment de ceux fournis par les expériences anciennes et se rap-prochent au contraire beaucoup des faits pathologiques.
Ainsi, l'exploration faradique fait découvrir, dès les premiers jours, une diminution, et, quelques jours plus tard — cinq à quatorze jours dans les cas intenses — la perte de la conctrac-tilité.
Ce n'est pas tout. L'exploration galvanirjue dénote,elle aussi, dans les premiers jours, un affaiblissement des contractions musculaires ; mais, à partir de la fin de la seconde semaine, à et affaiblissement succède une exaltation qui persiste pen-dant tout le temps que se maintient la dépression faradique, et qui disparaît à son tour quand la faradisation redevient puissante.
Les lésions musculaires qui correspondent à ces modifications de la contractilité électrique ont été étudiées avec grand soin par M. Erb ; elles méritent à beaucoup d'égards de porter la dénomination de cirrhose des muscles proposée par M.Mante-gazza (1). Elles rappellent absolument celles qu'a signalées M. Erb dans les cas de paralysie faciale qu'il a observés chez l'homme.
C'est dans le tissu conjonctif interstitiel que se montrent les premiers changements ; dès la première semaine, il s'y accu-mule de nombreux éléments cellulaires, arrondis, rappelantle tissu de granulation, lesquels, plus tard, prennent une forme allongée, disparaissent et font place à du tissu conjonctif ondulé. Les faisceaux musculaires ne commencent à présenter d'alté-
1. Voir la note, p. 42.
rations que vers la deuxième semaine. A cette époque, on peut constater déjà que le diamètre de ces faisceaux s'est amoindri ; cette atrophie va rapidement en progressant. Cependant, la striation transversale persiste et jamais les fibres n'offrent de traces des altérations de la dégénération granulo-graisseuse. Par contre, de très bonne heure, les noyaux du sarcolemme se multiplient et se groupent sous forme de petits agrégats, en mê-me temps que la substance contractile offre à divers degrés les modifications connues sous le nom de dégénération cireuse.
Tels sont les phénomènes signalés à la suite de lésions de nerf, qui, suivant nos auteurs, équivaudraient à des sections complètes. Eh bien, je n'hésite pas à le dire, cette assimilation est loin d'être à l'abri de la critique. Les résultats obtenus par M. Erb et par M. Ziemssen sont relatifs à des conditions compa-rables, sans aucun doute, à celles que la pathologie nous offre, mais nullement à celles que l'on déterminait dans les anciennes expériences. Rappelons, en effet, comment ces observateursont procédé dans la grande majorité des cas. Presque toujours, ils appliquaient sur le nerf une ligature plus ou moins serrée, ou encore ils produisaient, à l'aide d'une pince, un écrasement plus ou moins prononcé du nerf. Or, ne sont-ce pas là des cir-constances suffisantes déjà pourfaire présumer que l'irritation des filets nerveux a pu intervenir ici, comme elle intervient, suivant nous, dans les cas pathologiques ?
Mais il ne s'agit pas là d'une simple présomption : l'existence d'une inflammation occupant non seulement le voisinage des points soumis à l'écrasement, mais bien toute la longueurde la partie périphérique du nerf lésé, est mise hors de doute parles descriptions même du docteur Erb. C'est le névrilemme surtout qui porte les caractères duprocessusinftammatoire ; dès lapre-mière semaine, des éléments cellulaires arrondis, présentant un seul noyau, s'y montrent accumulés en grand nombre. A une période plus avancée, une couche plus ou moins épaisse de tissu
fibreux se trouve interposée aux fibres nerveuses qui ont subi tes diverses phases de fa dégénération granulo-graisseuse, et, en conséquence, le cordon nerveux a acquis une consistance qui lui permet de résister, bien plus qu'à l'état normal, à la dilacé-ration.
Il nous paraît rationnel d'admettre que, dans ces expériences, comme dans les cas relatifs à l'homme, les lésions irritatives dontles nerfs sont le siège retentissent jusque surles muscles. A la vérité, il peut paraître difficile de concevoir qu'un nerf ayant subi les altérations de la dégénération granulo-graisseuse et privé de motricité,possède encore un certain degré de vita-lité ; qu'il soit capable,, sous l'influence d'une lésion irritative, de réagir sur la fibre musculaire et d'y déterminerdes troubles trophiques. Il y a lieu de faire remarquer à ce propos que l'irri-tation du nerf date vraisemblablement du moment même où il a été soumis à la ligature ou à l'écrasement. Il est certain, d'un autre côté, que la vitalité est loin d'être définitivement éteinte dans les nerfs complètement séparés du centre nerveux, puis-qu'ils peuvent se régénérer sans qu'il y ait réunion du bout périphérique au bout central (1). D'ailleurs, c'est par hypothèse seulement et sans preuve directe qu'on admet crue les tubes ner-veux, dépouillés du cylindre de myéline et réduits au cylindre d'axe, sont dénués de toute espèce de propriété vitale.
Nous ne devons pas oublier, toutefois, que la ligature et l'é-crasement du nerf ne sont pas les seuls moyens qui aient été mis en œuvre dans les expériences d'Erb et de Ziemssen. Ces auteurs ont aussi pratiqué des sections et des excisions de nerfs, à la vérité dans un nombre de cas relativement très restreint. Ils admettent que les résultats sont toujours identiques, qu'il s'agisse de la section complète ou de l'écrasement. Mais si l'on remonte jusqu'au détail des observations, il n'est pas difficile
1. Vulpian. —Système nerveux, loc. cit.. p. 209,
de reconnaître que cette conclusion ne saurait être admise sans réserve. Nous trouvons en particulier dans le travail de Ziems-sen un chapitre qui, à cet égard, est tout à fait significatif, il s'y agit de cas dans lesquels on a pratiqué l'excision du nerf sciatique dans l'étendue de quelques millimètres. Or,les résultats obtenus à la suite d'une telle lésion sont bien différents de ceux que cet auteur et M. Erb ont observés à la suite de la ligature et de Fécrasementdunerf ; ils se rapprochent^ beaucoup d'égards, des faits signalés dans les expériences des physiologistes : ainsi, en premier lieu, la contractilité électrique, à la suite de l'exci-sion, diminue d'une manière progressive, mais très lentement ; ce n'est qu'au bout deplusieurs mois qu'elle paraît abolie,et non plus du cinquième au quatorzième jour,comme lorsqu'il s'agis-sait de l'écrasement. En second lieu, on ne rencontre plus ici cette opposition entre les effets de la faradisation et ceux de la galvanisation qu'on remarquait dans le cas d'écrasement et qui existe, vous ne l'avez pas oublié, dans la plupart des faits patho-logiques observés chez l'homme. Les deux modes d'exploration produisent, au contraire, des effets exactement parallèles : la contractilité faradique et la contractilité galvanique s'affaiblis-sent ensemble et ensemble se reproduisent avec leur intensité première, lors de la restauration du nerf qui, à la vérité, se lait longtemps attendre (1).
1. Comparez dans le mémoire de Ziemssen et de Weiss (loc. ci£.,p. 589) l'observa-tion nu II, fig. 3, qui est relative à un cas de ligature du nerf tibial antérieur chez le lapin, avec l'observation n° II (p. 593) où il s'agit de l'excision du nerf sciatique également chez un lapin. Dans le premier cas, la contractilité faradi-que paraît éteinte, dès le 12e jour après l'opération ; par contre, la contractilité galvanique s'est exaltée dès le second jour, et elle se maintient à un niveau très élevé jusqu'au moment où le taux de la. contractilité faradique se rapproche de l'état normal (44e jour). Dans le second cas, au contraire, la contractilité fara-dique et la contractilité galvanique s'affaiblissent parallèlement d'une manière progressive, mais très lentement. Elles cessent d'être manifestes à peu près si-multanément, seulement vers le millieu du 2e mois, et reparaissent ensemble quatre mois et demi environ après leur disparition. Voici d'ailleurs dans quels
Si je ne me trompe, on peut conclure de cetexposé que,quand il s'agit de la section complète ou de l'excision des nerfs, les observations récentes concordent, pour les points essentiels, avec les observations anciennes. D'un autre côté, les résultats obtenus par MM. Erb et Ziemssen, chez les animaux, à la suite de l'écrasement ou de la ligature des troncs nerveux, sont com-parables aux accidents qui se produisent chez l'homme,en con-séquence des lésions irritatives des nerfs mixtes ou purement moteurs.
Or, s'il en est ainsi, les dissidences que nous signalions au début de cette étude, se trouvent aplanies, et par suite, il y a lieu de reconnaître, à propos des affections des muscles, la distinction fondamentale entre les effets de ïabsence d'ac-tion et ceux de l'action morbide du système nerveux, que nous avons fait valoir déjà, à propos des affections cutanées et arti-culaires (1).
termes s'expriment MM. Ziemssen et 0. XVeiss à propos des effets de l'exci-sion du nerf scinl'que : « Chez les animaux » « auxquels celte opération avait été pratiquée » « L'excitabilité galvanique s'affaiblissait progressivement, et cet affaiblissement n'était pas précédé par un stade d'accroissement. 11 marchait lentement, du même pas que l'affaiblissement de l'excitabilité farado-musculaire. L'excitabilité galvanique disparaissait dans la seconde moitié du 3e mois pour reparaître vers le 7" ou le 8e mois. » (Loc. cit., p. 592 et 593).
1. Des expériences récentes de M. Vulpian (Archives de physiologie, t. IV, 1871-1872, p, 757, 758), confirmatives sur presque tous les points de celles de MM. Erb et Ziemssen, établissent que les effets de la section des nerfs périphériques sur les propriétés physiologiques et la structure des muscles, ne diffèrent pas essen-tiellement de ceux que détermine l'application des diversmoyens d'irritation — écrasement local, ligature, cautérisation — sur ces m unes nerfs. D'un autre côté, les observations histologiques de MM. Neumann (Arch, f. Heilkunde. Leipzig, 1868), Ranvier (Comptes rendus de VAcadémie des sciences, 30 décembre 1872), Eichorst (Virchow's Archiv, 1874,12décembre), ontmis hors de doute que, dans l'extrémité périphérique du nerf sectionné, il se produit constamment des alté-rations (multiplication des cellules du segment intcr-annuhire) qui révèlent un processus irritatif. L'opposition entre les effets de la section et ceux de l'irrita-tion des nerfs ne saurait plus être, d'après cela, maintenue dans les termes rigoureux où elle a été présentée dans cette leçon. (Note de la 2e édition.)
troubles trophiques consécutifs aux lésions de la moelle
ÉP1NIÈRE
Les lésions irritatives des centres nerveux, comme celles des nerfs, ont le pouvoir de produire à distance des troubles tro-phiques dans diverses parties du corps. Dans l'exposé de ces altérations consécutives que nous allons vous présenter, nous retrouverons, à quelques nuances près, toute la série des affec-tions que nous avons vues se manifester à la suite des lésions des nerfs et dont l'histoire, déjà connue, facilitera singulière-ment la tâche qu'il nous reste à accomplir.
D'une façon générale, Messieurs, on peut dire que la, peau, les muscles, les articulations, les os, les viscères enfin, peu-vent devenir le siège de troubles trophiques variés, consécuti-vement aux lésions de la moelle épinière et du cerveau.
Nous traiterons en premier lieu des affections musculaires, puisque l'étude que nous venons de terminer nous a mis sur la voie. Les considérations que nous allons développer relative-ment à ces affections, concernent seulement les lésions de la moelle et du bulbe, car il est au moins fort douteux que les lésions du cerveau proprement dit aient jamais pour résultat, de produire directement l'altération du tissu musculaire. C'est même là, nous le reconnaîtrons en temps et lieu, un fait de la plus haute importance.
Lésions musculaires consécutives aux affections de la moelle épinière. — Parmi les lésions spinales de nature irri-tative, il en est qui déterminent très rapidement tous les modes d'altération musculaire, fonctionnels ou organiques, que nous avons appris à connaître, comme conséquence des lésions des nerfs ; il en est d'autres, au contraire, dans lesquelles la con-
tractilité électrique et l'état trophique des muscles, se conservent en parfaite intégrité pendant un laps de temps relativement con-sidérable, des mois parexemple, ou memeparibis des années. Le muscle, dans ce dernier cas, ne s'altère qu'à la longue, sous l'influence de l'inertie fonctionnelle à laquelle les membres pa-ralysés du mouvement se trouvent condamnés. A ce point de vue, ily a lieu d'établir, parmi les maladies spinales irritatives, deux groupes bien distincts, que nous passerons successive-ment en revue.
A. Dans le premier groupe, nous rangeons celles des lésions irritatives de la moelle qui, dans la règle, ne modifient pas di-rectement la nutrition des muscles. Elles ont un caractère com-mun : toutes tendent à se limiter aux faisceaux de substance blanche, et si, parfois, l'axe gris est envahi, elles respectent la région des cornes antérieures, ou épargnent tout au moins les grandes cellules nerveuses multipolaires qui siègent dans cette région. Telles sontles diverses formes de la sclérose fasciculée, que celle-ci soit protopathique ou au contraire consécutive à une lésion en foyer du cerveau ou de la moelle épinière : qu'elle occupe exclusivement soit les faisceaux postérieurs, soif les faisceaux latéraux, ou, simultanément, ces deux ordres de fais-ceaux, tant que la condition expresse qui vient d'être signalée, à savoir l'intégrité des grandes cellules nerveuses se trouve remplie, les lésions dont il s'agit peuvent atteindre leur plus haut degré de développement, envahir, parexemple, les fais-ceaux blancs dans toute leur épaisseur et dans toute leur éten-due en hauteur, sans que les muscles, animés par les nerfs issus des points lésés de la moelle, souffrent directement dans leur nutrition (1).
1. Charcot et .Toffroy. — Deux cas d'atrophie musculaire avec lésion de la substance grise et des faisceaux antéro-laléraux de la moelle épinière. (Ar-chives de Physiologie, t. II, p. 635).
Le tableau changeraitnécessairement si,dépassant les limites qui lui sont habituellement assignées, le processus irritatif ve-nait à s'étendre des faisceaux blancs aux cornes antérieures de la substance grise; alors on pourrait voir survenir, en con-séquence de la participation des cellules motrices, une atro-phie plus ou moins rapide et plus ou moins prononcée des muscles. C'est, ainsi que je l'ai fait voir (i), d'après ce méca-nisme, que les symptômes de la paralysie générale spinale ou de l'amyotrophie progressive se surajoutent quelquefois aux symptômes classiques de la sclérose des cordons latéraux, etc. Tout récemment encore, nous avons observé plusieurs faits de ce genre, où il nous a été donné de reconnaître nécroscopi-quement, de la manière la plus nette, l'altération des cellules nerveuses à laquelle doit être rattachée, suivant moi, la lésion trophique des muscles (2).
1. Charcot et Joffroy, loc. cit., p. 354.
2. Voir, entre autres, le fait récemment publié par un de mes élèves, M. Pierret. — Sur les altérations de la substance grise de la moelle épinière da?is Vataxie locomotrice, considérées dans leurs rapports avec l'atrophie musculaire qui com-plique quelquefois celte affection. In Archives de Physiologie,eic, ;t. III, p. 599. Dans ce cas, le travail phlegmasique s'était étendu descordonspostérieursàlacorne antérieure de substance grise du côté droit en suivant la voie des faisceaux radi-culaires internes du côté correspondant. L'atrophie musculaire consécutive ôtail exactement limitée aux membres droits. (Voir la Fig, 1,) — Voici maintenant l'exposé sommaire d'un cas qui montre bien par quel mécanisme la sclérose fas-ciculée consécutive unilatérale peut, en s'étendant à la substance grise, déter-miner l'atrophie musculaire.
Une femme, âgée d'environ 70 ans, avait été frappée d'hémiplégie gauche con-sécutivement à la formation d'un foyer sanguin dans l'hémisphère cérébral droit. Les membres du côté paralysé, qui, de très bonne heure, avaient été pris de contracture, commencèrent à diminuer de volume, deux mois à peine après l'attaque L'atrophie musculaire était uniformément répandue sur toutes les parties des membres paralysés ; elle s'accompagnait d'une diminution très nota-be de la corrtractilité électrique et progressa rapidement. Dans le temps même où l'atrophie se prononçait, la peau des membres du côté gauche présenta sur tous les points soumis a la plus légère pression des bulles qui bientôt firent place à
La sclérose enplaques disséminées (i), les scléroses diffuses, reconnaissent la môme règle. On peut en dire autant, des myé-lites partielles primitives ou de celles que déterminent la com-
des eschares. A l'autopsie, nous reconnûmes, sur ces coupes durcies de la moelle, que la sclérose fasciculée descendante du cordon latérafgauche s'était
Flg. 1. — Cette ligure est relative au cas publié par M. Pierret et résumé ci-après. Elle représente une coupe transversale de la moelle épinière faiie dans le renflement lombaire — A, racines postérieures. — B, faisceaux radiculaires internes traversant l'aire des cordons postérieurs. On voit la sclérose limitée dans les cordons postérieurs au parcours de ces faisceaux. A droite, le parcours phlegmasique s'est étendu en suivant le trajet des faisceaux radiculaires jusqu'à la corne antérieure droite. — C, Cetle corne a subi, dans tous ses diamètres, une réduction très manifeste ; de plus, le groupe externe des cellules motrices a complètement disparu et l'on voit à sa place un tissu dense, opaque, d'apparence fibroïde et parsemé de nombreux myélocytes.
propagée à la corne antérieure de la substance grise du côté correspondant et y avait déterminé l'atrophie d'un certain nombre de cellules motrices.
1. Chez une femme atteinte de sclérose multiioculaire cérébro-spinale,que nous avons observée il y a quelques années, l'une des plaques scléreuses avait envahi, vers le milieu de la région cervicale, la presque totalité de la substance grise de la moelle, dans une certaine étendue en hauteur, et plus particulièrement les cornes antérieures. Les cellules nerveuses présentaient à ce niveau, pour la plu-part, des lésions atrophiques profondes ; bon nombre d'entre elles avaient même disparu sans laisser de traces. Chez cette femme, les mains avaient offert la dé-formation connue sous le nom de griffe ; les muscles des éminences thénar et hypothénar, les interosseux étaient atrophiés ; les avant-bras présentaient également une atrophie très marquée, limitée à certains groupes de muscles.
pression exercée par une tumeur, par le mal vertébral de Pott, etc. Ces diverses affections mont pas d'influence directe sur la nutrition des muscles tant qu'elles n'intéressent pas le système des cellules nerveuses motrices. On ne conçoit guère d'exception que pour le cas, d'ailleurs assez rare, où la lésion bien que circonscrite aux cordons blancs, occuperait la partie de ces cordons que traversent les faisceaux de tubes nerveux d'oùémanent les racines antérieures. Pour peu queces faisceaux prissent part à l'altération, il se produirait là, nécessairement, l'équivalent d'une lésion affectant les nerfs périphériques (1).
B. Le second groupe comprendra les affections de la moelle épinière qui ont pour conséquence, à peu près inévitable, de déterminer des troubles plus ou moinsprofonds dans la nutrition des muscles. Ce groupe comporte deux sous-divisions :
1 ° La première est relative aux lésions en foyer ou diffuses, à marche aiguë ou subaiguë, qui intéréressent, dans une grande étendue en hauteur, à la fois la substance blanche et la sub-stance grise, mais prédominant cependant, en général, dans celle-ci. Elles sont habituellement suivies de modifications pro-
1. A propos de myélites partielles, soit protopathiques, soit déterminées par le voisinage d'une tumeur, il y a lieu de présenter la remarque suivante : Elles siè-gent le plus communément sur unpoint de la région dorsale de la moelle épinière qu'elles occupent dans une très petite étendue en hauteur. Il résulte de celte dis-position que si, d'une façon primitive ou par suite de l'extension concentrique du processus morbide, les cornes antérieures de la substance grise se trouvent intéressées, les lésions musculaires qui sont la conséquence de cette participation de l'axe gris, resteront limitées à certaines régions très circonscrites du thorax ou de l'abdomen même et pourront ne se révéler, pendant la vie, par aucun symptôme appréciable. Toujours la nutrition des muscles des membres est. a moins de complication, parfaitement indemne lorsque la myélite partielle affecte le siège qui vient d'être indiqué. Il en serait tout autrement dans le cas où un foyer de myélite, même très circonscrit, occuperait certaines parties du renfle-ment cervical ou du renflement lombaire. Les lésions musculaires qui pourraient survenir consécutivement à l'envahissement des cornes antérieures de la subs-tance grise, siégeraient alors dans les membres et se traduiraient par des troubles fonctionnels et par des modifications dans la forme des parties qui ne resteraient pas longtemps inaperçues. ¦
i'ondes de la contractilité électrique, et d'une atrophie à dévelop-pement rapide de la fibre musculaire. — Je citerai, en premier lieu, la myélite aiguë centrale. Lorsqu'elle est quelque peu gé-néralisée et qu'elle occupe,par exemple,une bonnepartie duren-flement dorso-lombaire, la diminution hâtive de la contractilité électrique des muscles des membres inférieurs est un symptôme qui ne fait peut-être jamais complètement défaut. M. Mann-kopf a vu, dans un cas de cegenre, la contractilité électrique, déjà notablement modifiée, sept jours après le début des pre-miers accidents (1). Quand les malades ne sont pas enlevés trop rapidement, on peut suivre le développement des phénomènes corrélatifs : l'atrophie des masses musculaires s'accuse bientôt ; les lésions histologïques des faisceaux primitifs deviennent promptement appréciables. D'après MM. Mannkopf (2) et Engel-ken (3), ces lésions sont remarquables surtout par la proliféra-tion des noyaux du sarcolemme. En somme, elles portent la marque d'un processus irritatif. La dégénération graisseuse des faisceaux primitifs est là, encore, un fait exceptionnel. Quant aux nerfs qui se rendent aux muscles affectés, examinés plu-sieurs fois par M. Mannkopf, ◀tantôt▶ ils ont été trouvés sains, ◀tantôt▶ ils ne présentaient que des altérations relativement lé-gères et nullement en rapport d'intensité avec les lésions des muscles (4).
Vapoplexie spinale (hématomyélie)do\l être mentionnée en second lieu. Il s'agit là d'une affection qui, au point de vue de la pathogénie et de l'anatomie pathologique, diffère essentielle-mentde l'hémorrhagieintra-encéphalique vulgaire; car, d'ordi-naire, dans riiématomyélie, l'épanchement s'opère au sein de tissus déjà préalablement modifiés par un travail inflammatoire.
1. Mannkopf. — Aintllcher Boùcht ûber der Versammlung deustcher Natur-forscher und Aerzte zu Hannover, p. 251. Ilannover, 188G.
2. Loc. cit.
3. II. Engelken.—Beitrage zur Patholog. der acuten Myeliïis. Zurich, 1870.
4. Voir à ce sujet ce qui a été dit dans la présente leçon, p. 41. Charcot. Œuvres complètes, t. i. 5
Le sang se répand surtout dans l'axe gris, qu'il envahit assez sou-vent dans laplus grande partie de sa longueur. Lorsqu'il en est ainsi, la diminution ou même l'abolition de la contractilité élec-trique, survenant hâtivement dans les muscles des membres frappés de paralysie, est un symptôme qui paraît constant. Il a été constaté quatorze jours après le développement des pre-miers accidents, dans un cas de Levier (1 ), le jour même de l'at-taque dans un cas de Colin (?) ; dès le neuvième jour dans un fait rapporté par Duriau (2) L'apoplexie est une affection en général rapidement mortelle ; elle n'a pas encore fourni l'oc-casion de constater la lésion histologique des faisceaux primitifs et l'atrophie des masses musculaires qui ne manqueraient sans doute pas de se produire, si la vie se prolongeait.
C'est vraisemblablement,Messieurs,en produisant une irrita-tion de la moelle épinière qui, partielle d'abord, tend bientôt à se généraliser, que [es fractures et les luxations de la colonne vertébrale peuvent avoir pour effet de déterminer, ainsi que l'a observé M. Duchenne (de BoulogneJ, une prompte diminution de la contractilité électrique dans les muscles des membres paralysés (3).
2° Les affections qui composent la seconde catégorie relèvent de lésionsplusdélicates ; ces lésions, en effet, sont limitées d'une façon pour ainsi dire systématique à la substance grise des cornes antérieures dont elles envahissent rarement foute l'éten-due; on les voit se localiser, souvent assez exactement, dans l'espace ovalaire très circonscrit qu'occupe un groupe ouagrégat
1. Levier. — Beilrage zur Pathologie der Ruckenmarksapople.vier, Inaugu-raldissert. Bern, 1864.
2. Duriau. — Union médicale, t.i, 1859, p. 308.
3. Voir Duchenne (de Boulogne). —Obs., p. 246, loc. cit. : Fracture de la co-lonne vertébrale vers le milieu de la région dorsale. — Moelle épinière ramollie dans l'étendue de plusieurs pouces, au niveau de la région dorso-lombaire. — Affaiblissement de la contractilité électrique dès le sixième jour après l'accident.
de cellules motrices {Fig. 2). La névroglie, dans les points al-térés, devient d'habitude plus opaque, plus dense, parsemée de
Fig. 2, — Coupe de la moelle faite à la région lombaire. — G, corne anté-rieure gauche, saine, avec son noyau ganglionnaire sain. — D, corne anté-rieure droite, malade, sans le noyau ganglionnaire médian dont les cellules sont détruites et qui est représenté par un petit foyer de sclérose. — A, A, cornes postérieures.
nombreux myélocytes et porte, par conséquent, les marques d'un travail inflammatoire. En même temps, les cellules ner veusesprésentent divers degrés et divers modes de dégénération atrophique. Mais quels ont été les éléments affectés en premier lieu ? Tout porte àcroire que ce sont les cellules nerveuses. On comprendrait difficilement, en effet, que l'altération pût se mon-trer étroitement localisée dans le voisinage des cellules si elle avait son point de départ dans la névroglie. Il est des cas d'ail-leurs, où l'atrophie d'un certain nombre, voire même d'un groupe tout entier, de cellules nerveuses, est la seule altération
que l'examen histologique permette de constater, la trame con-jonctive ayant, dans ces points-là, conservé la transparence, et, à peu de chose près, tous les caractères de lastructure, normale. 11 est, déplus, d'autres cas non moins significatifs où les lésions dé la névroglie se montrent beaucoup plus accusées vers les parties centrales d'un agrégat de cellules nerveuses, que dans les parties périphériques, beaucoup plus accentuées également au voisinage immédiat des cellules que dans les intervalles qui les séparent, dételle sorte que ces dernières paraissent comme autant de centres ou foyers, d'où le processus inflammatoire au-rait rayonné, aune certaine distance, dans toutes les directions. On ne saurait admettre, d'un autre côté, que l'irritation se soit originellement développée sur les parties périphériques et qu'elle ait remonté jusqu'aux parties centrales par la voie des racines antérieures des nerfs, car ces dernières, en général, ne présentent, auniveaudes points altérés de la moelle épinière, que des lésions relativement minimes etnullement proportion-nées, quant àlintensité, aux lésions de la substance grise. Il paraitévident, d'après loutce qui précède, que les cellules ner-veuses motrices sont bien réellement le siège primitif du mal. Leplussouvent, le travail d'irritation gagne ensuite, secondaire-ment, lanévroglie et s'étend deproche en proche aux diverses régions des cornes antérieures; mais cela n'est nullement né-cessaire; à plus forte raison faut-il considérer, comme un fait consécutif et purement accessoire, l'extension, observée dans certains cas, du processus-morbide aux faisceaux antéro-laté-raux dans le voisinage immédiat des cornes antérieures de la substance grise (1 ).
La paralysie infantile spinale est, quant à présent, le type le plus parfait des affections qui forment cette catégorie. Les
1. Les vues qui viennent d'être émises relativement au rôle de l'altération des cellules nerveuses, dites motrices, dans la pathogénie de l'atrophie musculaire
nombreuses recherches dontles lésions spinales auxquelles elles se rattachent ont été l'objet, dans ces derniers temps, en France, concordent toutes à signaler comme un fait essentiel l'altéra-tion profonde d'un grand nombre de cellules motrices, dans les régions de la moelle d'où émanent les nerfs qui se rendent aux muscles paralysés (1). Dans le voisinage des cellules atrophiées, le réseau conjonctif présente, à peu près toujours, les traces manifestes d'un processus inflammatoire. D'après l'ensemble des phénomènes, on est conduit à admettre, comme une hypo-thèse très vraisemblable, que, dans la paralysie infantile spi-nale, un travail d'irritation suraiguë s'empare tout à coup d'un grand nombre de cellules nerveuses et leur fait perdre subite-ment leurs fonctions motrices. Quelques cellules, légèrement atteintes, récupéreront quelque jour leurs fonctions et cette phase répond à l'amendement des symptômes qui se produit toujours aune certaine époque de la maladie, mais d'autres ont été plus gravement compromises etl'irritafion dont elles étaient le siège s'est transmise par la voie des nerfs jusqu'aux muscles paralysés qui, en conséquence, ont subides lésions trophiques plus ou moins profondes (2). Quoiqu'il en soit, on sait que la di-minution ou la perte même de la contractilité faradique peut être constatée, sur certains muscles, cinq ou six jours à peine
progressive, de la paralysie infantile, de la myélite aiguë centrale, et en général de toutes les amyolrophies de cause spinale, ont été exposées dans une leçon qu e M. Charcot a faite à la Salpêtriêre, en juin 1868. — Comparez : Hayem, Archives de Physiologie, 1869, p. 263. — Charcot et Joffroy, id., p. 756. — Duchenne (de Boulogne) et Joffroy, id., 1870. — Ces vues ont été utilisées dans l'ou-vrage récent de M. Hammond : A Treatise on Diseuses of the nervoics System Sect. IV : Diseuses of Nerve Cells, p. 683. New-York, 1861.
1. Sur l'atrophie des cellules nerveuses motrices dans la paralysie infantile, consultez : Prévost, in Comptes vendus de la Société de Biologie, 1866, p. 215 . — Charcot et Joffroy. Cas de paralysie infantile spinale, avec lésions des cor-nes antérieures de la substance orise de la moelle épinière, in Archiv. de Phy-siolog., p. 135, 1870, pl, V. et VI. — Parrot et Joffroy, id., p. 309. — Vulpian, id., p. 316. —II. Boger et Damaschino. Recherches anatomiques sur la para-lysie spin. de l'enfance (Gaz. méd., nos il, 43, etc., 1871.) (Voir Fig. 2.)
2. Voir Charcot et Joffroy, loc. cil.
après la brusque invasion des premiers symptômes. L'émacia-tion des masses musculaires marche d'ailleurs avec rapidité et devient bientôt manifeste. L'atrophie simple des faisceauxpri-mitifsavec conservation de la striation en travers, et, sur quel-ques faisceaux isolés, les marques d'une prolifération plus ou moins active des noyaux du sarcolemme, telies sont les alté-rations quel'étude histologique fait reconnaître dans les muscles lésés. La surcharge graisseuse qni s'observe quelquefois, dans les cas très anciens, paraît être un phénomène purement ac-cidentel (1).
L''atrophiemusculaireprogressiveoffre à étudier l'atrophie irritative des cellules motrices dans son mode chronique (2). Il ne s'agit plus ici d'un processus d'irritation suraiguë envahissant les cellules nerveuses tout à coup et en grand nombre : celles-ci sont affectées successivement, une à une, d'une façon pro-gressive ; bon nombre d'entre elles sont épargnées, même dans les régions les plus profondément atteintes, jusque vers les périodes ultimes de la maladie. Le développement des lésions musculaires répond à ce mode d'évolution des lésions spinales. Ainsi, il est rare que les troubles trophiques portent simultané-ment sur tous les faisceaux primitifs d'un muscle ; il en résulte que celui-ci pourra répondre tant bien que mal aux ordres delà volonté et se contracter encore sous l'influence des excitations électriques, alors que son volume sera déjà très notablement ré-
1. Charcot et Joffroy, loc. cit. — Vulpian, loc. cit.
2. Voir sur l'atrophie des cellules motrices dans l'atrophie musculaire progres-sive : Luys, Société de Biologie, 1860. — Duménil (de Rouen), Atrophie muscu-laire graisesuseprogressive, histoire, critique. Rouen, 1867. —Nouveaux faits relatifs à la pathologie de l'atrophie musculaire progressive, in Gazette hehdom., Paris 1867. — L. Clarke. On a case of muscular Atrophy, etc. British and fo-reign médico-Chirurgical Beview. July, 1872. — A case of muscular Atrophy, etc., in Beale's Arc/iiv. t. IV, 1867. —On a case of muscular Atrophy, in Me-dico-chir. Trans., t. IV, 1867. — 0. Schûppcl. Ueber Hydromyelus, in Archiv derHeilkunde.Leipzig, 1865, p. 289. —llayem,inArchiv.de Physiologie. 1869, p. 263, pl. 7. — Charcot et Joffroy, in Arch. de Physiologie, 1869, p. 355.
duit (1). Il existe d'ailleurs au moins deuxformes bien distinctes de l'amyotrophie progressive liée aune lésion irritative des cellu-les motrices. L'une, protopathique, relève exclusivement delà lésion en question et celle-ci, développée primitivement en con-séquence d'une disposition originelle ou acquise, tend fatale-ment à se généraliser. Dans l'autre forme, sur laquelle nous appelions votre attention, il n'y a qu'un seul instant, la cellule nerveuse n'est, au contraire, affectée que secondairement, con-sécutivement à une lésion des faisceaux blancs, par exemple, et pour ainsi dire d'une manière accidentelle. L'amyotrophie, à marche progressive dans ce second cas, peut être dite sympto-matique; elle a moins de tendance à se généraliser et son pro-nostic est certainement moins sombre (2).
Relativement à la paralysie spinale deVadulte etklpara-lysie générale spinale (Duchenne de Boulogne), l'anatomie pathologique n'a pas encore prononcé d'une manière définitive. Mais, à en juger par les symptômes, il est au moins fort pro-bable que ces affections se rattachent, elles aussi, aune lésion des cellules nerveuses motrices. La paralysie spinale de l'adulte rappelle celle de l'enfance par l'invasion presque soudaine de laparalysiemotrice, par la tendance à la rétrogression que celle-ci présente à un moment donné, par la diminution ou l'abolition delà contractilité faradique qui se manifeste hâtivement dans un certain nombre de muscles paralysés et, enfin, par l'atrophie rapide que ces mêmes muscles subissent, constamment, à un degré plus ou moins prononcé. Une évolution plus lente s'opé-rantsuivant lemode subaigu ou chronique, une tendance à la
1. Charcot. — Leçons faites à la Salpêtrîère en 1870. — Voir à ce sujet : Hallopeau, in Archiv. de médecine, septembre 1871, pp. 277, 302.
2. Sur les deux formes de l'amyotrophie progressive de cause spinale : voir Oharcot et JofTroy, in Archives de Physiologie, 1869, pp. 756, 757. — Duchenne
de Boulogne) et Joffroy, in Archives de Physiologie, 1870, p. 499.
généralisation, marquée surtout dans les premières périodes, des temps d'arrêts fréquents, suivis de l'envahissement des par-ties non encore affectées, distinguent, au contraire, la paralysie générale spinale et larapprochent de l'atrophie musculaire pro-gressive avec laquelle elle est quelquefois confondue, bien à tort, dans la clinique. La première se sépare cependant nette-ment de la seconde par les caractères suivants : les muscles de tout un membre ou d'une partie d'un membre sont frappés en masse, presque uniformément, de paralysie ou d'atrophie; ils présentent, déjà, aune époque peu éloignée du début de la ma-ladie, des modifications très prononcées de la contractilité élec-trique ; habituellement, enfin, une période cle retour survient, pendant laquelle les muscles atrophiés récupèrent, au moins partiellement, leur volume et leurs fonctions (1).
Lésions musculaires consécutives aux affections du bulbe. — C'est là un sujet encore peu exploré. Cependant, des faits, aujourd'hui en certain nombre, empruntés à Thistoire de la paralysie labio-glosso-laryngée et de la sclérose en plaques, fendent à établir que, dans le bulbe comme dans la moelle épi-nière, les lésions irritatives des faisceaux blancs n'ont pas d'in-fluence directe sur la nutrition des muscles; tandis qu'au con-traire celles qui portent soif sur les agrégats de cellules motrices étages sur le plancher du quatrième ventricule, soit sur les fais-ceaux de tubes nerveux émanant de ces agrégats, peuvent, ainsi que je l'ai démontré, déterminer dans la langue, le pha-rynx, le larynx, l'orbiculaire des lèvres, etc., une atrophie plus ou moins accusée des fibres musculaires (2).
1. Duehenne (de Boulogne). — De V électrisation localisée, 3e édition.
2. Comparez : Charcot. — Note sur un cas de parai, glosso-laryngée suivie d'autopsie (Arch. de Physiologie, 1869, pp. 356, 636, pl. XIII. Obs. deCath. Aubel.)—Duehenne et Joffroy. De l'atrophie aiguë et chron. des cellules nerv. de lamoelle et du bulbe rachidien. (Arch. de Physiol., 1870, p. 498).
L'exposé sommaire qui vient d'être présenté suffira, je l'es-père, pour mettre en relief le rôle remarquable que, suivantles recherches les plus récentes, les lésions de cellules nerveuses antérieures jouent dans la production des troubles trophiques musculaires consécutifs aux altérations de la moelle épinière. Dans la pathogénie de la paralysie infantile et des diverses formes de l'amyotrophie de cause spinale, ce rôle ne paraît pas douteux. Son influence est certainement moins nettement dé-montrée, mais cependant fortvraisemblable encore, pourcequi concerne l'hématomyélie, la myélite aiguë centrale et, en un mot, toutes tes affections irritatives de la moelle dans lesquelles l'axe gris se trouve intéressé. D'un autre côté, l'absence de toute participation des faisceaux blancs et des cornes posté-rieures de la substance grise dans le développement des affec-tions musculaires dont il s'agit, est un fait qui s'appuie désor-mais sur des preuves suffisamment nombreuses.
Cela étant reconnu, if y a lieu de rechercher, Messieurs, pourquoi la lésion des cellules nerveuses motrices entraîne avec elle celle des fibresmusculaires, tandis que les altérations irri-tatives, même les plus profondes, des faisceaux blancs, n'ont aucune influence directe sur la nutrition des muscles.
Relativement au premier point, on ne pourrait qu'imaginer des hypothèses plus ou moins plausibles, mais évidemment prématurées. 11 n'y a pas à invoquer ici les renseignements de la physiologie expérimentale; ses procédés, inférieurs sous ce rapport à ceux de la maladie, ne sont pas assez délicats pour permettre d'atteindre isolément les cellules nerveuses. Il faut donc se borner, pour le moment à enregistrer les faits tels que nous les offre la clinique éclairée par l'anatomie pathologique et à constater que, — comparables en cela aux nerfs périphériques, — les cellules nerveuses motrices ont le pouvoir, lorsqu'elles sont devenues le siège d'un travail d'irritation, de modifier à distance la vitalité et la structure des muscles.
Pour ce qui est du second point, si Ton se reporte à ce que nous avons dit des effets de l'irritation des nerfs, il pourra sembler contradictoire, au premier abord, que la nutrition des muscles ne soit pas affectée lorsque les faisceaux blancs de la moelle sont occupés par l'inflammation. Pour montrer que la contradiction n'est qu'apparente, il suffira cependant de rap-peler que, malgré l'analogie de composition, les cordons blancs ne sont nullement assimilables aux nerfs : l'expérimentation révèle, en effet, dans ceux-ci, despropriéLés qu'on ne trouve pas dans ceux-là, et inversement. L'anatomie montre d'ailleurs que les tubes nerveux qui constituent les nerfs ne sont que pour une part très minime la continuation directe de ceux qui, par leur réunion, forment les faisceaux blancs. Ces faisceaux paraissent presque entièrementcomposésde fibres qui, nées soitdansl'en-céphale, soit dans la moelle elle-même, établissent, à la manière des commissures, des communications entre la moelle épinière et le cerveau, ou encore entre les divers points de l'axe gris spinal. 11 était à prévoir, d'aprèscela, que, à beaucoup d'égards, les faisceaux blancs de la moelle, sous l'influence des lésions irritatives, se comporteraient autrement que les nerfs périphé-riques.
Quand je me suis proposé d'exposer devant vous, Messieurs, les principaux faits relatifs aux troubles trophiques qui se mon-trent consécutivement aux affections du système nerveux, j'es-pérais que ma tâche pourrait être menée à bonne fin dans l'es-pace de deux leçons. Mais, à mesure que j'avance dans cette exposition, l'importance et l'étendue de la question se manifes-tent dans toute leur évidence. Je suis loin d'avoir épuisé le sujet, malgré les développements dans lesquels je suis entré déjà; j'ose espérer que nous n'aurez pas à regretter le temps que nous devrons encore lui consacrer.
TROISIÈME LEÇON
Troubles trophiques consécutifs aux lésions de la moelle épinière et du cerveau (suite).
Sommaire. — Affections cutanées dans la sclérose des cordons postérieurs ; Éruptions papuleuses ou lichénoïdes, urticaire, zona, éruptions pustuleuses : leurs relations avec les douleurs fulgurantes ; elles paraissent relever de la même cause organique que les douleurs.
Eschares à développement rapide (Decubitus acutus) dans les maladies du cerveau et de la moelle épinière. — Mode d'évolution de cette affection de la peau : Erythème, bulles, mortification du derme. — Accidents consécutifs a la formation des eschares : a) Infection putride, infection purulente, embolies gangreneuse ; b) Méningite ascendante purulente simple, méningite ascendante ichorcuse, — Decubitus aigu dans l'apoplexie symptomatique des lésions cérébrales en foyer. Il se manifeste sur les membres frappés de paralysie, principalement à la région fessière ; son importance au point de vue du pronostic . — Decubitus aigu dans les maladies de la moelle épinière : il siège en général à la région sacrée.
Arthropathies qui dépendent d'une lésion du cerveau ou de la moelle épinière.— A. Formes aiguës ou subaiguës : elles se montrent dans les cas de lésion trauma-tique de la moelle épinière, dans la myélite par compression (tumeurs, mal de Pott), dans la myélite primitive, dans l'hémiplégie récente, liée au ramollis-sement cérébral. Ces arthropathies occupent les jointures dés membres paralysés. — B. Formes chroniques : elles paraissent dépendre, comme les amyotrophies de cause spinale, d'une lésion des cornes antérieures de l'axe gris ; on les observe dans la sclérose postérieure (ataxie locomotrice) et dans certains cas d'atrophie musculaire progressive.
Messieurs,
Lorsque j'ai traité des troubles de la nutrition déterminés par les lésions des nerfs périphériques, jô vous ai laissé pressentir que ces affections consécutives se trouvaient représentées, pour
la plupart, dans les cas de lésions portant sur l'axe spinal. A la vérité, il ne s'agit pas toujours ici d'une reproduction servile ; en général même, les troubles trophiques de cause cérébrale ou spinale, ainsi que nous aurons plusieurs fois l'occasion de le constater, portent avec elles le cachet de leur origine. Mais il est des circonstances où la ressemblance entre les affections de cause centrale et celles qui dépendent d'une lésion des nerfs périphériques est tellement frappante, que la distinction peut en être des plus difficiles. Nous citerons comme exemple de ce genre certaines éruptions cutanées qui surviennent parfois dans le cours de l'ataxie.
I.
Les affections cutanées auxquelles nous venons de faire al-lusion peuvent être groupées ainsi qu'il suit: a) éruptions papuleuses on lichénoïdes ; h) urticaire; c) zona ; d) érup-tions pustuleuses, ayant de l'analogie avec l'ecthyma.
Voici en quelques mots le résultat de mes observations à ce sujet. Il n'est pas rare devoir la peau des jambes et des cuisses se couvrir temporairement d'une éruption papuleuse ou liché-noïde, plus ou moins confluente à la suite des accès de douleurs fulgurantes spéciales à l'ataxie locomotrice. Chez une femme actuellement en traitement à la Salpêtrière, d'énormes plaques d'urticaire se produisent à chaque accès au niveau des points où siègent les douleurs les plus vives. Chez une autre, la peau de la région fessiôre droite s'est couverte d'une éruption de zona limitée au trajet des filets nerveux occupés par les fulgurations douloureuses. Une troisième malade, enfin, a présenté, dans des circonstances analogues, des phénomènes encore plus re-marquables. Celle femme, âgée de 61 ans, admise, il y a huit ans, à l'hospice, comme aveugle (atrophie scléreuse des nerfs
optiques), est aujourd'hui atteinte d'ataxie locomotrice bien caractérisée. Chez elle, la maladie a évolué d'une, manière très rapide, car les premiers accès de douleurs fulgurantes datent du mois de mars 1865, et déjà en juillet 1866, l'in-coordination était assez prononcée pour rendre la marche difficile. Un de ces accès, qui eut lieu en juin 1887, présenta une intensité exceptionnelle. Les douleurs, qui étaient vraiment atroces, parurent fixées, durant plusieurs jours, sur le trajet des rameaux cutanés des nerfs petit sciatique et releveur de l'anus du côté droit. Pendant ce temps, les parties correspondantes de la peau se couvrirent de très nombreuses pustules, analogues à l'ecthyma, dont quelques-unes devinrent le point de départ d'ul-cérations profondes. Déplus, une eschare arrondie, ayant envi-ron 5 centimètres de diamètre et qui intéressait le derme dans la presque totalité de son épaisseur, se produisit sur la région sacrée du côté droit, àquelques centimètres de la ligne médiane, immédiatement au-dessous de l'extrémité du coccyx. La cicatri-sation de la plaie, qui persista après l'élimination des parties sphacélées, ne fut complète qu'au bout de deux mois. Dans un autre accès, les douleurs fulgurantes suivirent la direction de la branche verticale du nerf saphène interne gauche, et une éruption pustuleuse se développa bientôtsur la peau des régions où se distribue ce nerf.
Un caractère commun à toutes ces éruptions, — et ce carac-tère est bien propre à faire voir qu'il ne s'agit pas, en pareil cas, d'éruptions banales, — c'est qu'elles se montrent de con-cert avec certaines exacerbations exceptionnellementintenseset tenaces des douleurs spéciales, en quelque sorte pathognomo-niques de la sclérose fasciculée des cordons postérieurs, et que l'onacoutumede désigner sous le nom de douleurs fulgurantes.
Je relèverai cet autre caractère que les éruptions en question siègent d'habitude sur le trajet même des nerfs envahis par la fulguration douloureuse.
Vous voyez par ce qui précède que l'existence de ces érup-tions cutanées parait intimement liée à celle des douleurs fulgurantes, et il devient ainsi au moins très vraisemblable qu'une même cause organique préside au développement de celles-ci et de celles-là.
Quelle est donc la raison de la présence des douleurs fulgu-rantes parmi les symptômes de la sclérose des cordons posté-rieurs ? Je ne veux pas entrer aujourd'hui dans de longs déve-loppements à propos de cette question que nous retrouverons par la suite ; il me suffira, pour le moment, de vous dire, que suivant toutes les probabilités, ces douleurs dépendent de l'ir-ritation que subissent, dans leur trajet intra-spinal, ceux des tubes nerveux émanant des racines postérieures, qui, sous le nom de faisceaux radiculaires internes (masses fibreuses inter-nes des racines postérieures) dans la nomenclature de Kolli-ker (1 ), traversent dans une certaine étendue l'aire des cordons postérieurs, avant de pénétrer dans les cornes postérieures de la substance grisé.
Il ne paraît guère possible de rattacher la production des douleurs fulgurantes à l'une quelconque des lésions suivantes : 1° atrophie des racines postérieures avant leur entrée dans la moelle épinière ; 2° méningite spinale postérieure ; 3° sclérose des cornes postérieures de la substance grise ; 4° lésions irri-tatives des ganglions spinaux ou des nerfs périphériques ; car ces douleurs ont été rencontrées dans un certain nombre de cas d'ataxie où l'on a pu s'assurer, après la mort, de l'absence de toute lésion du genre de celles qui viennent d'être énumé-rées. A l'appui de cette proposition, permettez-moi, Messieurs, de vous rappeler les résultats de l'autopsie que nous avons faite, M. Bouchard et moi, d'une femme morte, dans cet hospice, pendant le cours de la première période de l'ataxie
1. Kolliker. — Histologie humaine, première partie, p. 345, 340.
locomotrice progressive (1). Chez cette femme, les douleurs pa-roxystiques spéciales avaient existé, à un haut degré, pendant près de quinze ans, à l'époque de la terminaison fatale causée par une maladie accidentelle. Jamais il ne s'était présenté aucun signe d'incoordination motrice. La malade marchait sans em-barras, sans mouvement de projection des jambes, sans frap-per le sol du talon, sans que l'occlusion des paupières modifiât son assurance. A l'autopsie, on constata que les racines posté-rieures avaient conservé les caractères de l'état normal, et à part quelques traces assez équivoques de méningite, les seules lésions appréciables qui furent rencontrées occupaient les cor-dons postérieurs et consistaient en une multiplication des noyaux de la névroglie avec épaississement des mailles du réticulum, mais sans altération concomitante des tubes ner-veux. Pour compléter la démonstration, je pourrais citer plu-sieurs faits du même genre dans lesquels les douleurs fulgu-rantes avaient été également très intenses, et où, lors de l'autopsie, je n'ai pu reconnaître l'existence d'altérations quel-conques, soit dans les cornes grises postérieures, soit dans les nerfs périphériques, soit enfin sur les méninges spinales.
D'après cela, ce serait dans l'altération irritative des faisceaux postérieurs de la moelle épinière qu'il faudrait chercher le point de départ des douleurs fulgurantes des ataxiques. Mais il est peu vraisembable que toutes les parties de ces faisceaux puissent à cet égard être mises en cause indistinctement; tout porte à croire, au contraire, que les fibres sensitives, issues des racines postérieures qui composent pour une part, les fais-ceaux radiculaîr es internes, doivent être seules incriminées. Ces fibres participeraient, de temps à autre, d'une façon pério-dique, à l'irritation dont les cordons eux-mêmes sont le siège
1. Douleurs fulgurantes de l'ataxie, sans incoordination des mouvements, sclérose commençante ,des cordons postérieurs de la moelle épinière. In Comptes rendus des séances et mémoires de la Société de biologie, année 1866.
permanent; et ainsi se produiraient ces crises d'élancements douloureux qui, suivant une loi physiologique bien connue, sont rapportées à la périphérie, bien qu'ils reconnaissent, en réalité une cause centrale.
Comment comprendre, d'un autre côté, l'apparition des érup-tions cutanées qui s'observent quelquefois chez les ataxiques dans le temps même où se manifestent les accès fulgurants d'une intensité anormale ?I1 est certain que les fibres nerveuses qui constituent les faisceaux radiculaires internes ne sont pas toutes sensitives; il en est, entre autres, parmi elles, au moins un certain nombre, qui servent à l'accomplissement des actes réflexes; il en est d'autres, aussi, sans doute, c'est du moins ce que tend à démontrer l'apparition même des éruptions cutanées en question — qui appartiennent au système des nerfs centrifuges et qui ont, sur l'exercice des fonctions nutri-tives de la peau, une influence plus ou moins directe. L'irrita-tion de ce dernier ordre de fibres — irritation plus difficile à mettre en jeu que ne l'est celle des fibres sensitives— devrait être invoquée pour expliquer, dans les cas auxquels je faisais allusion plus haut, ◀tantôt▶ ia production des affections papu-leuses, ◀tantôt▶ celles des affections vésiculeuses, pustuleuses ou enfin gangreneuses.
Les faisceaux postérieurs sont-ils les seuls départements de-là moelle épinière, dont l'irritation soit capable de déterminer la production de semblables affections? Cette question pour le moment doit rester sans réponse. Tout ce qu'on peut dire, c'est que ces éruptions n'ont pas été signalées encore, à moins qu'il n'y eût quelque complication, dans les cas de lésions irritatives limitées soit aux cordons antéro-latéraux, soit aux cornes antérieures de la substance grise ; et quant au rôle que pourraient jouer à cet égard les cornes grises postérieures, nous sommes, sur ce sujet, dans l'ignorance la plus complète.
Par contre, quelques faits ont été recueillis, qui tendraient
à établir que le zona se développe quelquefois sous l'influence directe des lésions partielles de l'encéphale. Ainsi chez une vieille femme atteinte d'hémiplégie, et dont l'histoire a été rap-portée par le docteur Duncan, une éruption de zona apparut sur la cuisse du côté paralysé ; la paralysie motrice était surve-nue à peu près en même temps que l'éruption et se dissipa en même temps qu'elle (1). Chez un enfant, observé par le docteur Payne, le zona, qui répondait au trajet des branches superfi-cielles du nerf crural antérieur, se manifesta trois jours après le développement d'une hémiplégie occupant le même côté du corps de l'éruption (2). Ces faits, qu'on pourrait multiplier, sont, sans aucun doute, fort dignes d'intérêt; malheureuse-ment, ils n'ont été relatés que d'une façon très sommaire, et il faut se garder, je crois, d'en tirer des déductions qui seraient peut-être prématurées. Je puis citer, en effet, un cas à beau-coup d'égards analogue aux précédents, que j'ai observé ré-cemment à la Salpètriôre, et dans lequel le zona reconnaissait très vraisemblablement pour cause l'irritation du nerf péri-phérique. L'éruption vésiculeuse siégeait, cette fois encore au membre inférieur du côté paralysé, où elle suivait la distribu-tion des rameaux superficiels de la branche cutanée péronière. Elle s'était déclarée d'ailleurs en même temps que l'hémiplégie, et celle-ci, dont le début avait été brusque, se rattachait à la formation, dans l'un des hémisphères cérébraux, d'un foyer de ramollissement, déterminé lui-même par l'oblitération em-bolique d'une artère cérébrale postérieure. Quant au zona, voici, je pense, suivant quel mécanisme il s'était produit : un rameau artériel spinal (3), issu, sans doute, d'une des artères sacrées latérales, fut trouvé, à l'autopsie, obstrué par un caillot sanguin, et formant un cordon relativement volumineux, accolé
1. Journal of eut. med., etc. 69, Erasmus Wilson, 1868, octobre. 2 Britîsh med. Journal, August, 187L.
3. Un des rami medullœ spinales.Woiv: II. Uudinger.— Arlerienver zweigung, in dem Wh belkanal, etc., in Verbreitung des Sympaticus, p. '2. Munchen, 1863.
Charcot. Œuvres complètes, t. i. 6
à Tune des racines spinales postérieures de la queue de cheval. 11 est probable qu'à son passage à travers le trou sacré, cette artériole, distendue à l'excès par le thrombus, avait comprimé •soit le ganglion spinal, soit une branche d'origine du nerf sciatique, de manière à en déterminer l'irritation. — Une ulcé-ration végétante, qui siégeait sur l'une des valvules sigmoïdes de l'aorte, paraît avoir été le point de départ de tous les acci-dents que nous venons de signaler (1).
1. Voici d'ailleurs les principaux détails de celle observation, qui offre un bel exemple à'endocardite ulcéreuse, avec embolies multiples et état typhoïde. — Le nommé Lacq..., âgé de 22 ans, soldat, fut admis le 28 décembre 1870, à l'ambu-lance de la Salpclrière (service des fiévreux). — Il était en proie, paraît-il, à une fièvre intense depuis deux ou trois jours. — Le jour de l'admission, on nota ce qui suit : céphalalgie vive, douleurs de reins, diarrhée. Le malade ne peut ingérer la moindre quantité de liquide sans être pris de nausées et de vo-missements. Peau chaude, pouls très fréquent. On crut qu'il s'agissait là d'une fièvre typhoïde. — Pendant la nuit, délire bruyant. — Le lendemain 29, on constata l'existence d'une hémiplégie à peu près complète du côté gauche. Il n'y a pas de rigidité dans les membres paralysés ; paraysie faciale incomplète, également du côté gauche. Les yeux sont constamment dirigés vers la droite, et il y a du nystagmus. Pouls 120, temp. recl. 40°, 5. —Sur la poitrine, les avant-bras, les cuisses, la peau présenle un grand nombre de petites ecchymoses assez semblables à des piqûres de puces ; — respiration fréquente, râles sibilants dans la poitrine. Ventre ballonné. — Sur la face antéro-externe de la jambe gauche paralysée, il existe une éruption de zona qui répond exactement à la distribution des rameaux superficiels de labranche cutanée péronière et du nerf musculo-cutané. Un premier groupe de vésicules se voit au-dessus et au-des-sous delà rotule; un autre groupe plus nombreux est disposé suivant une ligne verticale qui descend jusqu'au niveau du tiers moyen de la jambe. Un troi-sième groupe siège au cou-de-pied,en avant et en dedans de la malléole externe. — L'éruption est assez développée. On note qu'il en existait déjà quelques légères traces la veille, c'est-à-dire dès avant le début de l'hémiplégie. — Le 30, l'éruption est en pleine efflorescence. — Le malade succombe à quatre heures de l'après-midi.
Autopsie. Une des valvules sigmoïdes de l'aorte est ulcérée et couverte de végé-tations d'apparence fibrineusc, molles, rougeàtres. Les ganglions du mésentère sont un peu rouges et tuméfiés, mai;, il n'existe pas trace d'ulcérations ou d'é-ruptions dothiénentériques dans l'intestin grêle non plus que dans le gros intes-tin. — Ecchymoses nombreuses sur les plèvres viscérale et pariétale, le péri-carde, le péritoine. La rate et les reins offrent des infarctus à divers degrés de développement. — Hémisphère cérébral du côté droit ; sur plusieurs points du lobe occipital, la pie-mère, vivement injectée, présente de larges suffisions
Ou voit que, dans ce cas, la coexistence de l'hémiplégie et de l'éruption vésiculeuse résultait, jusqu'à un certain point, d'une coïncidence fortuite. Quoi qu'il en soit, à défaut du zona, il est d'autres troubles trophiques de la peau, dont l'existence peut être rattachée quelquefois à l'influence d'une lésion encé-phalique. C'est un fait qui, je l'espère du moins, sera bientôt mis hors de doute.
II.
Eschares à développement rapide ; Decubilus acutus. J'a-bandonne rapidement les éruptions de l'ataxie locomotrice, qui n'offrent, en somme, qu'un intérêt de second ordre, pour attirer votre attention d'une façon toute spéciale sur une autre affection de la peau, à laquelle revient un rôle très important dans l'histoire clinique d'un bon nombre de maladies du cer-veau et de la moelle épinière.
L'affection cutanée dont je vais vous entretenir se montre, à l'origine, sous la forme d'une plaque érythémateuse, sur la-quelle se -développent rapidement des vésicules ou des bulles ; elle aboutit fréquemment très vite à la mortification du derme et des parties sous-jacentes.
sanguines. Le lobe lui-même est ramolli à peu près dans toute son étendue ; la substance cérébrale présente-là une teinte grisâtre et, en un point, on ren-contre au millieu des parties ramollies un épanchement sanguin du volume d'une amande. — L'artère cérébrale postérieure du même côté est complètement oblitérée par un thrombus. — La moelle épinière durcie par l'acide chromique et examinée à l'aide de coupes minces, dans ces diverses régions, ne présente aucune altération appréciable. — A la queue de cheval, du côté gauche, on trouve, accolée à l'une des racines spinales postérieures qui donnent origine au plexus sacré, une artériole 'rameau spinal, branche de l'artère sacrée latérale;, distendue par un caillot sanguin. L'artère oblitérée, dont le volume égale celui d'une plume de corbeau, peut être suivie depuis le point où la racine a été cou-pée, non loin du trou sacré correspondant, jusqu'à la moelle ; sur celle-ci, elle peut être suivie encore dm.-; toute l'étendue du renflement lombaire, où elle remonte le long du sillon médian postérieur, contrairement à la disposition que présente habituellement le plexus artériel spinal postérieur.
Elle occupe le siège, le plus habituellement ; mais elle peut se développer aussi à peu près indifféremment sur toutes les parties du tronc ou des membres soumis dans le décubitus à une pression quelque peu durable. Une pression des plus lé-gères et de très courte durée suffit même pour la faire appa-raître dans certains cas. Enfin, il est d'autres cas encore à la vérité très exceptionnels, où elle paraît se produire sans l'in-tervention de la moindre pression ou de tout autre cause occasionnelle du même genre (1).
C'est là une affection bien différente de toutes les éruptions, d'ailleurs très variées, crue l'on observe si communément au siège, chez les sujets qui, par le fait des maladiqs les plus di-verses, sont condamnés à séjourner au lit pendant un temps très long. Ces éruptions, ◀tantôt▶ érylhémaleuses, lichénoïdes, ◀tantôt▶ pustuleuses, ulcéreuses, ◀tantôt▶ papuleuses,ressemblant à s'y méprendre, à des plaques muqueuses, sont en général occa-sionnées par le contact répété et prolongé de substances irri-tantes telles queles urines ou les matières fécales. Elles peuvent, de même que le décubitus aigu, devenir le point de départ de véritables eschares; mais ce dernier se sépare nettement des premières par des caractères importants qui sont: en premier lieu, l'apparition, peu de temps après le début de la maladie primitive ou à la suite d'une brusque exacerbation, et, en se-cond lieu, une évolution très rapide.
En raison de l'intérêt tout particulier qui s'y rattache, l'affec-tion dont il s'agit mérite certainement d'être désignée par une dénomination propre. L'un des rares auteurs qui en aient fait une étude spéciale, M. Samuel, a proposé, pour la caractériser, le nom dé decubitus acutus, ou autrement dit, eschare à for-mation rapide (2) ,\\\eullaclistinguerainsi du decubi tus chro-
1. Brown-Séquard. — Lectures on the central nervous System Philadelp.,1868, p. 248. — Gouyba. — Des troubles trophiques, etc. Thèse de Paris, 1871, p. 43.
2' Decubitus... Eschare [Alt. Wundliegen] qui se forme au sacrum et ail-leurs, etc.. Littré et Robin, Dictionnaire de médecine. Paris, 1865.
niais, c'est-à-dire de la nécrose dermique, se produisantlong-temps après l'invasion de la maladie qui en a été l'occasion. Nous vous proposons d'accepter cette appellation en vous faisant remarquer, toutefois, que la mortification de la peau n'est pas tout dans le decubitusacutus. Elle répond, ensomme, aux phases les plus avancées du processus morbide. Il peut arriver, en effet, que les vésicules ou les bulles se flétrissent et se dessèchent sans que la partie du derme sur laquelle elles reposent ait présenté la moindre frace de nécrose; cela se voit principalement lorsqu'elles se produisent sur des points oùla pression n'a pu être que de courte durée, peu intense, et pour ainsi dire accidentelle, comme aux chevilles, à la face interne des genoux, des jambes ou des cuisses. Or.il importe de savoir reconnaître la signification deces vésicules et de ces bulles, dès leur entrée en scène, car, même à cette époque, elles permet-tent, dans de certaines circonstances, de formuler presque à coup sûr le pronostic.
11 m'a été donné, maintes fois, de suivre, pour ainsi dire jour parjour, heure par heure, l'évolution du decubitusacutus, dans les cas d'apoplexie consécutive à l'hémorrhagie ou au ramolisse-mentducerveauque nous rencontronssifréquemment dans cet hospice (1), Je puis m'appuyersur lesobservationsquej'ai faites à cet égard, dans la description générale qui vasuivre, car j'ai pu constater, d'un autre côté, que le décubitus aigu lié aux maladies du cerveau ne diffère pas essentiellement de celui qui se développe sous l'influence des lésions spinales.
Quelques jours et parfois même quelques heures seulement après le début de l'affection cérébrale ou spinale, ou encore à la suite d'une brusque exacertion de ces affections, il se mani-feste sur certains points de la peau une ou plusieurs plaques
t. Charcot. — Noie sur la formation rapide d'une eschare à la fesse du côté paralysé dans l'hémiplégie récente de cause cérébrale. In Archiv. de physiolog. normale et patholog.. I. !808, p. MOS
érylhémateuses, d'étendue variable et à contours plus ou moins irréguliers (1). La peau ofîrelà tantôtune teinte rosée ◀tantôt▶ une coloration d'un rouge sombre, violacée même, mais qui cède toujours, momentanément, sous la pression du doigt. Dans des circonstances assez rares et que, jusqu'ici, j'ai rencontrées à peu près uniquement dans les cas de lésions de la moelle épi-nière, il se produit en outre, aux dépens du derme et des par-ties sous-jacentes, une tuméfaction d'apparence phlegmo-neuse, qui peut s'accompagner parfois de douleurs vives, si la région n'était pas au préalable frappée d'anestliésie.
Dès le lendemain ou le surlendemain, les vésicules ou les bulles se développent vers la partie centrale de la plaque érythé-mateuse: elles renferment un liquide ◀tantôt▶ incolore et d'une transparence parfaite, ◀tantôt▶ plus ou moins opaque, rougeâtre ou de couleur brune.
Les choses peuvent en rester là, ainsi que nous l'avons dit, et alors les bulles ne tardent pas à se flétrir et à se dessécher. Mais d'autres fois, l'épiderme soulevé se déchire, se détache par lambeaux, et met à nu une surface d'unrouge vif, parse-mée de points ou de plaques bleuâtres, violacées, répondant à une infiltration sanguine du derme. Déjà, en pareil cas, le tissu cellulaire sous-cutané, et parfois même les muscles sous-jacents, sont, eux aussi, envahis par l'infiltration sanguine ; c'est un fait dont je me suis assuré plusieurs fois par l'au-topsie.
Les plaques violacées s'étendent rapidement en largeur, et elles ne tardent pas à se confondre par leurs bords. Peu de temps après, il se produit, dans les points qu'elles occupent, une mortification du derme, d'abord superficielle, mais qui, bientôt, gagne en profondeur. L'eschare est dès lors constituée.
1. J'ai constaté anatomiquement que, en pareil cas, le derme est infiltré de leucocytes, ainsi que cela a lieu dans l'érésipèle.
Plus tard se développe un travail de réaction, d'élimination, suivi, dans les cas heureux, d'une période de réparation trop souvent entravée dans son développement. Je n'ai pas besoin, je pense, de m'appesantir sur ce point.
Je viens de vous entretenir de détails minutieux, mais j'es-père vous amener à reconnaître qu'ils ont bien leur intérêt. R. Bright les croyait assez dignes d'attention et assez peu connus pour qu'il ait cru devoir y insister dans ses Reports of médical Cases et juger utile de faire représenter, par des modèles en cire qui figurent sans doute encore aujourd'hui au musée de Guy's Hospital, les bulles du decubitus acutus observées dans un cas de paraplégie de cause traumatiqae (1). Depuis lors, c e
1. Il ne nous parait pas hors de propos de rappeler ici les remarques don.' R. Bright t'ait suivre les observations d'affection delà moelle épinière avec for matïon rapide de bulles et d'eschares, qu'il a consignées dans ses Reports of médical Cases (Diseuses of the Brain andnervous System,t. II, London, 1831.) — Le premier fait concerne un ramollissement de la moelle, survenu sans cause extérieure appréciable, chez une femme de 21 ans, et occupant le renflement lombaire, immédiatement au-dessus delà queue de cheval. Voici les réflexions que le cas en question suggère à l'auteur : « Une circonstance curieuse, liée à la paralysie des extrémités inférieures, est bien mise en relief dans cette observation; je veux parler de la tendance à la formation de vésicules ou de bulles, qui se montre dans les affections de ce genre. Ces vésicules, ces bulles apparaissent souvent dans l'espace d'une nuit, sur les parties les plus diverses des membres inférieurs, aux genoux, aux chevilles, au cou-de-pied, partout où il s'est produit une pression accidentelle ou une irritation. Elles contiennent un liquide d'abord transparent, lequel devient opaque au bout de quelques jours. J'ai souvent pensé que cette connexité entre l'interruption de l'action nerveuse et la formation des bulles pouvait quelque jour éclairer la pathogénie de cette affection singulière qu'on désigne sous le nom d'Herpès Zoster et qui parait être liée à quelque con-dition particulière, peut-être la distension des nerfs scnsitifs (loc. cit., p. 383.) » — Trois autres cas relatifs, cette fois, à des lésions traumatiques delà moelle (chute d'un lieu élevé, écrasement par une charrette, etc.), ont donné lieu aux remarques suivantes : « Deux de nos malades sont morts des suites d'une inflammation de la vessie; chez l'un d'eux, les parois de l'organe étaient le siège d'ulcérations et il s'était formé des abcès dans le tissu cellulaire circonvoisiu. Deux jours après l'accident, des bulles apparurent aux pieds et à la partie interne des genoux, là où existe une pression réciproque. Deux points méritent surtout d'être notés dans ces observations. D'abord la lésion de la vessie. Celle-ci résulte de ce que l'or-gane a perdu en partie le pouvoir de résister aux causes d'excitation et aussi des modifications que subit l'urine longtemps retenue dans les parties les plus déclives
sujet n'a guère,que je sache, à quelques rares exceptions près (1 ), arrêté les observateurs. Il serait injuste, toutefois, de ne pas reconnaître que, dans la fièvre typhoïde et le typhus, une af-fection cutanée qui a la plus grande analogie avec celle qui nous occupe et qui peut-être dépend en partie de conditions analogues, a été, en France, minutieusement décrite par Piorry (2) et en Allemagne par Pfeûfer (3).
Mais revenons, Messieurs, au décubitus provoqué par les ma-ladies des centres nerveux. Vous connaissez trop bien les ac-cidents que les eschares, quelqu'en soit d'ailleurs la cause, sont capables d'engendrer pour que je me laisse entraîner à vous présenter ici une description complète. Permettez-moi, cependant, de vous retracer en quelques mots les principaux d'entre eux, car vous devez vous attendre à les voir figurer souvent dans la période ultime d'un grand nombre d'affections du cerveau, et surtout de la moelle épinière.
Les eschares, pour peu qu'elles aient acquis une certaine étendue, constituent, vous le savez, de redoutables foyers d'in-fection; et, de fait, Y intoxication putride, marquée par une fièvre rémittente plus ou moins accentuée, est une des com-plications qu'elles provoquent le plus communément.
Vient ensuite Y infection purulente, avec production d'abcès
de son réservoir. C'est là une des causes les plus fréquentes de la terminaison fatale chez les paraplégiques. 11 faut noter, en second lieu, l'apparition des bulles sur les membres paralysés, circonstance à laquelle il a été fait allusion déjà dans les remarques précédentes. L'inaptitude à résister aux agents de destruction est aussi mise en lumière, dans tous les cas, par la formation d'eschares profondes sur tous les points des parties paralysées, soumises à la pression. Loc. cit. pp. 421, 422).
1. Après R, Bright, il faut citer surtout B. Brodie. (Injuries of tke spinal Chord, in Med. chir. Transactions, t. XX, 1837) ; et Brown-Séquard (loc. cit.)
2. ATonzé.— Des dermopathies et des dermonïcrosies sacro-coccygiennes. Thèse de Paris, 1853.
3. Kerchensteiner,s Bericht, in Henle und Pfeiïfer's Zeitschrift fur ration-nelle Mtdizin, Bd. Y. — Voir aussi : Wunderlich, Pathologie, t. II, p. 285.
mélastatiques dans les viscères; ce second cas paraît assez rare (1).
Nous signalerons aussi les embolies gangreneuses. Dans cette dernière variété, des thrombus imprégnés de l'ichor gan-greneux sont transportés à distance et donnent lieu à des mé-tastases gangreneuses qui s'observent principalement dans les poumons. C'est un point sur lequel nous avons insisté, M. Bail et moijdans un travail publié en 1860 (2). Mais bien avant nous et bien avant même que la théorie de l'embolie n'eût été ger-manisée, M. Foville (3) avait émis l'opinion qu'un nombre assez considérable de gangrènes pulmonaires, observées chez les alié-nés et dans diverses affections des centres nerveux, sont cau-sées parle « transport dans le poumon, d'une partie du fluide qui baigne les eschares au siège. »
Le travail de m urtificalion tend à gagner de proche en proche et à envahir les tissus profonds. Le délabrement qui en résulte est quelquefois porté au plus haut point: ainsi les bourses sé-reuses trochantériennes peuvent être ouvertes, le trochanter dépouillé de son périoste, les muscles, les troncs nerveux, les branches artérielles d'un certain calibre mis à nu. Mais les accidents les plus redoutables sont ceux que déterminent la dénudation, les pertes de substance du sacrum et du coccyx, la destruction du ligament sacro-coccygien et l'ouverture con-sécutive du canal sacré ou de lacavité arachnoïdienne. En con-séquence de ces désordres, le pus et l'ichor gangreneux peuvent venir infiltrer le tissu cellulo-graisseux qui enveloppe la dure-
1. Bilroth und Wœckerling, in Langenberck's Archio. f. klin. Chu., Bd. [, 1861, § 1, 470. Fracture de la sixième vertèbre dorsale, formation rapide d'une es-chare au sacrum. Symptômes manifestes de pyémie ; six ou huit abcès à la surface des reins. — Middcrdorf. Knochenbruch,% 62. Fracture de la huitième vertèbre dorsale. Formation rapide d'eschare ; pyémie ; abcès mé tas ta tique dans les pou-mons.
2. Delà coïncidence des gangrenés viscérales et des affections gangreneuses extérieures, in Union médicale, 26 et22 janvier 1860.
3. Dict. de méd. et de chir. pral., l. Ier, p. 556.
mère, ou même, si cette dernière membrane est détruite en un point, pénétrer jusque dans la cavité de l'arachnoïde (1).
De graves complications cérébro-spinales surviennent habi-tuellement, dans cet état de choses : elles peuvent être rame-nées à deux chefs principaux. C'est ◀tantôt▶ une méningite as-cendante purulente simple qu'on observe, ◀tantôt▶ une sorte de méningite ascendante ichoreuse dont Lisfranc et M. Baillarger ont rapporté plusieurs exemples remarquables. En pareil cas, un liquide puriforme, grisâtre, acre et fétide imbibe les mé-ninges et la moelle elle-même, ◀tantôt▶ dans la partie la plus in-férieure seulement, ◀tantôt▶ dans toute sa hauteur. Ce liquide se retrouve quelquefois à la base de l'encéphale, dans le quatrième ventricule, l'aqueduc de Sylvius et jusque dans les ventricules latéraux. Dans tous ces points, la substance cérébrale est teintée à sa surface et dans une certaine étendue en profondeur, d'une coloration ardoisée, bleuâtre, laquelle, à plusieurs re-prises, a été considérée, bien à tort, comme constituant un des caractères de la gangrène du cerveau (2). M. Baillarger a le pre-mier, je crois, reconnu la véritable nature de cette altération. Il s'agit là surtout d'un phénomène d'imbibition, de macération, de teinture. Remarquez que toujours, lorsque la méningite cé-rébrale ichoreuse a pour point de départ une eschare sacrée, la coloration ardoisée se retrouve dans toute l'étendue de la moelle épinière ; elle est là, constamment plus prononcée que dans l'encéphale, et d'autant plus qu'on s'éloigne moins de l'eschare. Au contraire, clans le cas où. un ulcère sordide de la face, un cancroïde, après avoir détruit les os, aurait mis à nu
l.B. Brodie, loc, cil.p. 153. — Velpcau.— Analom. chirurgicale. — Ollivier (d'Angers).— Traité des maladies de la moelle épinière, t. 1er, p. 314, 324, 3° édit. 1837. — Aloynier. — De Veschare au sacrum et des accidents qui peu-vent en résulter (Moniteur des sciences médicales et pharmaceutiques. Paris, 859.)— Lisfranc, Archives générales de midecine, 4° année, t. XIV, p. 291.
2. Dubois (d'Amiens). — Mémoires de l'Académie de Médecine, t, XXVII • p. 58, 1865,1866.
la dure-mère, la coloration ardoisée provoquée par la macéra-tion iclioreuse pourrait, ainsi que je l'ai constaté plusieurs fois, rester limitée aux lobes antérieurs du cerveau, dans les régions correspondant au fond de l'ulcère.
A ces complications que je ne puis qu'indiquer d'une manière très sommaire, il faut, avec Ollivier (d'Angers), rattacher les symptômes cérébraux ou cérébro-spinaux graves, assez mal définis encore, qui terminent rapidement la vie, dans un grand nombre de cas de maladie de la moelle épinière.
Nous devons, actuellement, entrer dans les détails, et vous faire connaître les principales circonstances dans lesquelles se produit le décubitus aigu, sous l'influence des lésions du cer-veau et de la moelle épinière, ainsi que les variétés de siège et d'évolution qu'il présente, suivant la nature ou le siège de la lé-sion qui en a provoqué l'apparition. Nous aurons à rechercher également si le mode de production de cette lésion trophique de la peau rentre dans la théorie générale à laquelle nous avons dû nous rattacher jusqu'ici. Dans ce but, nous passerons suc-cessivement en revue les diverses affections du cerveau et de la moelle qui peuvent donner lieu au décubitus aigu.
A. Déeidritus aigu dans l'apoplexie symptomatique de lésions cérébrales en foyer. C'est surtout dans l'apoplexie con-sécutive à l'hémorrhagie intra-encéphalique et au ramollisse-ment partiel du cerveau qu'on l'observe. Mais il peut se pro-duire encore dans l'hémorrhagie méningée, lapachyméningite, dans le cas, enfin, où des tumeurs intra-crâniennes donnent lieu à des attaques apoplecfiformes. Les derniers événements m'ont fourni plusieurs fois l'occasion de l'observer chez des sujets atteints d'encéphalite partielle déterminée par des plaies de guerre (1).
1. L'obligeance de mon collègue, M. Gruveilhier, chirurgien de la Salpêtrièrc,
L'érythème, dans tous les cas de ce genre, se manifeste habi-tuellement du deuxième au quatrième jour après l'attaque, ra-rement plus tôt, quelquefois plus tard. Il affecte d'ailleurs un siège tout particulier. Ce n'est pas à la région sacrée, ainsi que cela a lieu si communément dans les cas d'affection spinale, qu'il se développe, non plus que sur un point quelconque des
F'vj. 3.— Eschare de la fesse du calé paralysé dans un cas d'hémiplégie consé-cutive à l'hémorrhagie cérébrale. — a, Partie mortifiée: — b, Zone érythé-mateuse.
parties médianes, mais bien vers le centre de. la région fessière, et, le plus souvent, s'il s'agit d'une fésion unilatérale du cer-
me met à môme de rapporter le fait suivant, que je cite à titre d'exemple du dernier genre :
— Le nommé Ernst, Louis, soldat saxon, fut recueilli à Villiers, sur le champ de bataille, le 30 novembre 1870, et apportée à l'ambulance delà Salpêtrière, le soir même, vers 9 heures. Une balle lui avait traversé le crâne de part en part : un des orifices siégeait en haut du front, un peu à gauchede la ligne médiane;
veau, exclusivement du côté correspondant à l'hémiplégie {fig. 3).
Le lendemain ou le surlendemain, l'éruption huileuse, puis la tache eccliymotique, apparaissent sur la partie centrale de la plaque érythémateuse, c'est-à-dire à 4 ou 5 centimètres environ en dehors du sillon interfessier, et à 3 ou 4 centimètres au-dessous d'une ligne fictive qui partirait de l'extrémité supé-rieure de ce sillon en suivant un trajet perpendiculaire à sa direction. Enfin, la mortification du derme se produit sur ce même point, et elle s'étend rapidement en largeur, si les jours du malade se prolongent ; mais il est assez rare, en somme,
l'autre à droite, vers la partie moyenne du pariétal. La substance cérébrale faisait issue sous forme de champignon à travers ce dernier orifice. La région temporale et la paupière supérieure du côté droit sont ecchymoséeset tuméfiées ; coma pro-fond. Le 3 décembre, somnolence ; le malade, quand on l'interroge vivement, pro-Jère quelques sons inarticulés ; il tire bien la langue quand on l'y invite, la dé-glutition s'opère sans embarras. On constate l'existence d'une hémiplégie à peu près complète, avec flaccidité des membres du côté droit. De temps à autre, sans provocation, il se produit dans le membre supérieur de ce côté une sorte de contraction spasmodique qui porte momentanément le bras dans la pronation. Le diaphragme parait, lui aussi, être de temps en temps le siège de contractions analogues. La respiration, par moments irrégulière, est calme, sans stertor. Il n'y a pas de déviation de la tête ou des yeux. Les commissures labiales ne sont point déviées; la sensibilité paraît très émoussée sur tous les points du corps. Pas de vomissements. Pouls très fréquent, 140? — Le 4 décembre (5e jour), même état que la veille: seulement la somnolence est plus profonde qn'hier : c'est à peine si l'on obtient quelques contractions des muscles de la face en pinçant fortement divers points de la peau. Selles et urines involontaires. Peau chaude, couverte de sœur; température axillairc, 41°. Un commencement d'es-cadre s'est présenté sur la fesse du coté droit (côté paralysé) ; riende semblable n'existe à gauche. Sur la cuisse droite, à la face interne, un peu au-dessous du genou, dans un point où le genou gauche fléchi paraît avoir, pendant la nuit, exercé une pression un peu prolongée, on observe une bulle du volume d'une amande, remplie de liquide citrin, et entourée d'une auréole érythémateuse peu étendue. Le genou gauche, dans le point où la pression a dû s'exercer, ne pré-sente, lui, aucune trace d'érylhème ou de soulèvement épidermique. —Le ma-lade succomba le 5.
Autopsie. —Les deux hémisphères cérébraux, à leur partie moyenne et supé-rieure, dans les points quicorrespondent aux extrémités internes des circonvolu-'ons marginales antérieure et postérieure, sont transformés en une boni II
que le décubitus aigu des apoplectiques parviennent jusqu'à l'eschare confirmée.
Il est peu commun également de voir, en outre de l'éruption fessière, des bulles ou des vésicules se développer au talon, à la face interne du genou et, en un mot,' sur les divers points du membre inférieur paralysé qui peuvent être soumis à une légère pression.
Je ne dois pas omettre de vous faire remarquer, chemin fai-sant, que, d'après mes observations, cette affection de la peau ne se montre que fort exceptionnellement dans les cas qui doi-vent se terminer d'une manière favorable ; son apparition con-stitue, par conséquent, un signe du plus fâcheux augure ; c'est, onpeutle dire, le decubitus ominosu-S]}'^ excellence. Ce signe, je le répète, ne trompe guère, et comme il est possible d'en constater l'existence dès les premiers jours, il acquiert par là, on le comprend, une grande valeur dans les cas douteux. L'abaissement très marqué de la température centrale au-des • sous du taux normal, constaté au début de l'attaque, à l'aide de l'exploration thermométrique, est, à ma connaissance, le seul signe qui, dans les cas d'hémiplégie à invasion brusque, puisse, au point de vue du pronostic, rivaliser avec le précèdent.
Les circonstances dans lesquelles se développe le décubifus aigu des apoplectiques ne permet évidemment pas défaire in-tervenir, comme élément unique, l'influence de la pression exercée sur les parties où il se manifeste. La pression, en effet, est égale pour les deux fesses, et l'éruption, nous l'avons vu, se
tôt rougcâti'c, où l'on trouve ç:i et là de petits caillots disséminés, ◀tantôt▶ bleuâtres (coloration ardoisée). On reconnaît sur une coupe transversale que le ramollisse-ment pénètre dans le centre ovale de Vieussens, jusqu'au voisinage des ventri-cules latéraux, qu'il n'atteint pas toutefois même ù gauche où le foyer d'encé-phalite est de beaucoup plus étendu qu'à droite dans toutes les directions. — Les couches optiques et les corps striés sont parfaitement indemnes. Au voisinage des parties ramollies du cerveau, la dure-mère est recouverte d'une néo-mem-brane fibrineuse et purulente par places. — Le crâne est fracturé en plusieurs points, au voisinage des orifices qui ont donné passage au projectile.
produit exclusivement, ou du moins prédomine toujours sur la fesse du côté paralysé. Maintes fois, j'ai eu soin de faire reposer les malades sur le côté non paralysé, pendant la plus grande partie du jour, et cette précaution n'a, d'aucune façon, modifié la production de l'eschare. D'ailleurs, quelle peutètre, en pareil cas, l'influence d'une pression qui ne s'exerce que depuis deux ou trois jours ? On ne saurait, non plus, invoquer le contact irritant des urines. Dans plusieurs cas, j'ai fait recueillir ce li-quide heure par heure, nuit et jour, à l'aide de la sonde, pen-dant tout le temps de la maladie, de manière à éviter, autant que possible, l'irritation delà peau du siège, et malgré tout, l'eschare s'est produite, suivant les règles indiquées.
Quelle peut être la cause organique de cette singulière lésion trophique? j'ai cru pendant longtemps que celte lésion devait être considérée comme un des effets de l'hypérémie neuro-pa-ralytique, laquelle se révèle toujours, vous le savez, d'une fa-çon plus ou moins accusée, sur les membres frappés d'hémi-plégie de cause cérébrale, par une élévation relative de la tem-pérature. Mais cette hypothèse est, ainsi que nous le verrons, passible d'une foule d'objections. Les faits qui seront exposés plus loin rendent plus vraisemblable qu'il faut invoquer ici l'irritation de certaines régions de l'encéphale, qui auraient, dans l'état normal, une action plus ou moins directe sur la nu-trition de divers points du tégument externe.
B. Du decubitus aigu de cause spinale. Lorsque le décubitus aigu se produit sous l'influence d'une lésion de la moelle épi-nière, il se manifeste dans la très grande majorité des cas, à la région sacrée —par conséquent au-dessus et en dedans du siège de prédilection des esehares de cause cérébrale : là, il occupe la ligne médiane et s'étend aux parties voisines, symé-triquement, de chaque côté {Fig. 4). Il peut se faire toutefois qu'un seul côté soit affecté, dans le cas, par exemple, où une
moitié latérale de la moelle est seule intéressée, et alors c'est fréquemment sur le côté du corps opposé à la lésion spinale que siège la lésion cutanée.
L'influence des attitudes joue ici un rôle important. Ainsi, il
Fig. 4.—Eschare de la région sacrée dans un cas de myélite partielle sié-geant à la région dorsale de la moelle épinière. — a, Partie mortifiée ; — b, Zone érythématheuse.
est habituel, lorsque les malades sont, pendant une partie du jour, placés de façon à reposer sur le côté, de voir, en outre de l'eschare sacrée, de vastes ulcérations nécrosiques se déve-lopper aux régions trochantériennes. Il esf assez commun d'ailleurs,—-contrairement à ce qui s'observe dans les cas de lésions cérébrales, — que les divers points des membres para-lysés qui sont exposés à subir une pression même très légère et de courte durée, — les malléoles, par exemple, les talons, la face interne des genoux, —offrent les lésions qui caractéri-
sentie décubitus aigu. Les eschares peuvent se montrer en-core, à la vérité trèsrarement, au niveau de lapointc des omo-plates, ou sur les régions olécrâniennes (1).
D'une manière très générale, on peut dire que les lésions spinales qui produisent le décubitus aigu sont aussi celles qui donnent naissance à l'atrophie musculaire rapide et aux autres troubles du même ordre. Le développement à peu près simul-tané de ces diverses affections consécutives rend vraisemblable, déjà, qu'elles reconnaissent toutes une origine commune. Il im-porte de remarquer, toutefois, que cette règle est loin d'être absolue. En effet, certaines affections spinales ont pour carac-tère que toujours l'atrophie rapide des muscles se développe sansaccompagnementd'eschares, etil en estd'autres,par contre, où Peschare peut se produire sans que la nutrition des muscles, dans les membres paralysés, se montre affectée. C'est même là un fait fort intéressant au point de vue de la physiologie pa-thologique et que nous aurons soin de faire ressortir (Fig. 4).
a) Nous mentionnerons en premier lieu les lésions trauma-tiques de la moelle épinière, celles, en particulier, qui résultent de fractures ou de luxations de la colonne vertébrale. De nom-breux faits de ce genre rapportés par Bright (2), Brodie (3), Jef-frey s (4), 01 livier (d'Angers) (5),Laugier (6),Gurlt (7), et quelques autres (8), montrent avec quelle rapidité les eschares sacrées
1. XV. Glapp. —Provinc med. and Sur g Jo«m., 1851, p. 322 ot Gurlt, loc. cit., p. 110, n° 76.
2. R. Bright. — Reports of médical Cases, t. R, pp. 380, 432. London, 1821.
3. B. Brodie. — Medtc. ckir. Transact., p. 1 iS, t. II, 1836.
4. Jeffreys. — Cases of fractured spine, in London medic. and surgical Journal. July, 1820.
5. Ollivier (d'Angers), loc. cit., t. I.
6. S. Laugier. — Des lésions traumatiques de la moelle épinière. Thèse de concours. Paris, 1848.
7. E. Gurlt. — Handb. der Lehre vonden Knochenbruche?i, 2. Th. 1. Licier. Hamm., 1864.
8. Voy., sur ce sujet, un chapitre intéressant dans l'ouvrage de M. Samuel. loc, cit., p. 239.
Charcot. Œuvres complètes, t. i. 8
peuvent se produire en pareil cas. Afin de bien fixer vos idées à cetégard,jevous demanderailapermission de rappeler briè-vement quelques-uns de ces faits.
Dans un cas rapportéparledocteurWood, deNew-York (1), il s'agit d'une fracture du corps de la septième vertèbre cervicale, survenue à la suite d'une chute dans un escalier: la mort eut lieu quatre jours après l'accident. Dès Je deuxième jour, il exis-tait de la rougeur à la région sacrée, et une bulle s'était formée au niveau du coccyx. Il y eut de l'hématurie le troisième jour. — Une chute d'un lieu élevé détermina une diastase complète des sixième et septième vertèbre cervicales ; la mort survint soixante heures après la chute, et déjà, à cette époque, il exis-tait un décubitus très prononcé. Le fait appartient au docteur Buchner, de Darmstadt (2). — Un des cas de Jeffreys est relatif à une fracture de la quatrième vertèbre dorsale ; une eschare confirmée occupait la région sacrée, dès le quatrième jour. — L'eschare survint trois jours après l'accident, chez un individu dont Ollivier (d'Angers) a rapporté l'histoire, d'après Guersant, et qui avait reçu une balle dans le corps de la huitième vertèbre dorsale.
Un second cas de Jeffreys est particulièrement digne d'inté-rêt : le malade était tombé d'une échelle de vingt-cinq pieds de haut. A l'autopsie, on trouva le corps des septième et huitième dorsales brisé en plusieurs pièces et ayant éprouvé un grand déplacement. Le jour delà chute, la peau était froide, le pouls à peine perceptible. Toutes les parties au-dessus delà fracture étaient privées delà sensibilité et du mouvement. Le lendemain, érections continuelles ; « il survint des phlyetènes à la région du sacrum », et, ce même jour, « le malade recouvra sa sensi-bilité ». Je signale ce dernier trait à votre attention, parce que
1. Gurlt, loc. cit., Tableau n° 97.
2. Gurlt id., n° 86.
plusieurs auteurs ont voulu — bien à torl, vous le voyez, — l'aire jouer à l'anesthésie un rôle important dans la pathogénie du decubitus aigu de cause spinale. Lapersistance delà sensi-bilité dans les parties situées au-dessous delà lésion se trouve d'ailleurs signalée encore d'une façon plus ou moins explicite dans un cas de Colliny (1), relatif à une fracture de la septième vertèbre cervicale et où l'eschare se manifesta le quatrième jour, ainsi que dans un fait d'Ollivier (d'Angers) (2), concernant une fracture de la douzième dorsale. L'eschare, dans ce dernier cas, fut constatée le treizième jour.
Jl estinufile de multiplier ces exemples, car tousles chirurgiens s'accordent à reconnaître que la formation rapide d'eschares est un des phénomènes les plus communs à la suite des lésions spi-nales résultant des fractures avec déplacement des vertèbres. Suivant Gurlt, dont l'opinion à cet égard est fondée sur l'étude d'un très grand nombre d'observations (3),c'est du quatrième au cinquième jour après l'accident que commencent à apparaître le plus fréquemment les premiers signes du décubitus aigu : mais ils peuvent, nous venons de le voir, se manifester beaucoup plus tôt, dès le deuxième jour et même plus tôt encore. Il semble — et c'est une remarque déjà faite par Brodie — que la production des eschares soit d'autant plus hâtive que la lésion traumatique porte sur un point plus élevé de la moelle. D'un autre côté, il ré-sulterait d'une statistique de J. Ashhurst, que les troubles de nutrition deviennent plus fréquents à mesure que la blessure descend plus bas. Ainsi, d'après cet auteur, les eschares n'ont été notées que trois fois à la suite des lésions de la région cer-vicale (1/41 p. 100), 12 ibis (9,23 p. 100) pour la région dor-
1. Cité par Ollivier (d'Angers), loc. cit.
2. La sensibilité était également conservée dans le cas du docteur -Biichner, cité plus haut, et où l'eschare se produisit avant la fin du troisième jtwrr.
3. Voir Gurlt, loc. cit., p. 94, analyse de 270 cas.
sale, tandis que pour la région lombaire la proportion s'est élevée à 12/100 (7 cas) (i).
Lepriapisme, les convulsions cloniquesplus ou moins inten-ses, survenant dans les membres paralysés, soit spontanément, soit en conséquence de provocations, les convulsions toniques se montrant par accès ; tous ces symptômes, qui révèlent ha-bituellement un état d'irritation de la moelle épinière ou des méninges, se trouvent plusieurs fois mentionnés parmi ceux qui,danslesfracturesde lacolonne vertébrale, précèdent, acom-pagnent ou suivent de près la formation précoce des eschares.
En pareil cas, ainsi que nous l'avons vu, l'anesthésie, des par-lies paralysées du mouvement n'est pas un fait constant, et quant à l'élévation remarquable de la température, dont les par-ties deviennent quelquefois le siège en conséquence de la para-lysie vaso-motrice (2), on ne saurait décider, quant à présent, si elle est alors présente, l'attention des observateurs ne s'étant pas portée sur ce point particulier. Nous signalerons, au con-traire, comme un symptôme qui se manifeste fréquemment dans le temps même où se produit le décubitus aigu, l'émis-sion d'urines sanguinolentes, alcalines et même purulentes, c'est un fait sur lequel nous aurons plus tard l'occasion de revenir.
Lanécroscopie, jusqu'à ce jour, n'a révélé, en général, relati-
1 ¦ J. Ashhust — Injuries of the Spine with an Analyste of nearly four hundred Cases. Philadelphie, 1867.
2. Dans un cas de fracture de lacolonne vertébrale, à la région dorsale, ob-servé par J. Ilutchinson, dès le second jour après l'accident, la température prise aux deux pieds, au niveau de la malléole interne, s'élevait au delà de 38° C. A l'état normal, d'après les observations faites à London Ilospital, par le docteur Woodman, le thermomètre placé entre les deux premiers orteils donne, en moyenne, 27°, 5. le maximum étant 34°, 5 et le minimum 21° 5. — Voir J. Hut-chinson . — On Fractures of the Spine, in London Ilospital Reports, t III, 1866. p. 863. Voir aussi H. Weber et Gull In The Lancel, 27jan. 1872, p. 117. Glinical Society of London.
vement aux lésions spinales, rien qui soil particulier aux cas dans lesquels se produisent les eschares à développement ra-pide; plusieurs fois cependant, on trouve mentionnées, en pareille circonstance, des altérations de la moelle qui mettent hors de doute l'existence d'un processus inflammatoire: telles sont, par exemple, l'infiltration purulente ou même la forma-tion d'abcès au sein des parties ramollies, signalées dans plu-sieurs cas.
b) L'étude des faits d'hémiparaplégie, consécutive à des bles-sures n'intéressant qu'une moitié latérale de la moelle épinière, peut fournir des renseignements utiles concernant la pathogé-nie dudécubitus aigu et dequelques autres troubles trophiques de cause spinale. On sait, par les travaux de M. Brown-Séquard, qu'à la suite des blessures de ce genre, il se produit chez les animaux une paralysie du mouvement dans le membre inférieur du côté où siège la lésion spinale; ce membre présente en outre un degré plus ou moins prononcé d'exaltation de la sensibilité tactile et il offre de plus une élévation notable de la température liée à la paralysie vaso-motrice. Le membre du côté opposé à la lésion conserve par contre sa température normale et ses mou-vements, tandis que la sensibilité tactile s'y montre très amoin-drie ou même complètement éteinte. Toutes ses particularités se reproduisent exactement chez l'homme dans des circonstances analogues. Et chez lui, de même que chez les animaux, on peut voir survenir encore, dans les membres des deux côtés, divers troubles trophiques, lesquels semanifestentpresque toujours si-multanément et qui relèvent tous, d'ailleurs, manifestement, de la lésion spinale. Parmi les lésions de nutrition de ce genre obser-vées chez l'homme, nous signalerons surtout la diminution ra-pide de la contractilité électrique (faradique) des muscles, bientôt suivie de l'atrophie, une forme particulière d'arthro-pathie sur laquelle j'aurai à revenir dans un instant, et enfin
le décubitus aigu. Chose remarquable, tandis que l'arthropathie et l'atrophie musculaire siègent sur le membre du côté où la moelle est lésée, l'eschare semble se montrer de préférence, au contraire, ainsi que nous l'avons fait remarquer déjà, sur le membre du côté opposé où elle occupe la région sacrée et la fesse dans le voisinage immédiat de cette région. Cette dis-position particulière de l'eschare par rapport au siège de la lésion spinale serait, d'après ce qui m'a été dit par M. Brown-Séquard, un fait constant chez les annimaux ; chez l'homme elle a déjà été constatée plusieur fois. A titre d'exemple du genre, je citerai brièvement les faits suivants :
Un homme, âgé de vingt-huit ans, dont l'histoire a été rap-portée par M. Viguès(l), reçuten arrière du thorax, entre laneu-vième et la dixième vertèbres dorsales, un coup d'épée, qui, à en juger d'après les symptômes, lésa principalement la moitié latérale gauche de la moelle épinière. Il seproduisit immédiate-ment une paralysie du mouvement qui, d'abord étendue aux deux membres inférieurs, se montra, dès le lendemain, presque restreinte au membre inférieur gauche. Sur ce dernier membre, l'hyperesthésie est très manifeste ; celui du côté droit présente au contraire, une obnubilation très marquée de la sensibilité, tandis que les mouvements y ont en grande partie reparu. Les symptômes allèrent s'améliorant rapidement jusqu'au douzième jour après l'accident. Ce jour-là on remarqua que, sans cause extérieure appréciable, le membre inférieur gauche, toujours plus sensible qu'à l'état normal avait augmenté de volume; de plus, dans l'articulation du genou il s'était accumulé une quan-tité de liquide assez considérable pour tenir la rotule éloignée des condyles de plus d'un centimètre. Deux jours après, on aperçut une eschare siégeant sur la partie latérale droite du sacrum et sur la fesse du même côté.
1. Brown-Séquard. — Journal de la physiologie, etc., t. III, p. 130; 1863.
L'observation recueillie par MM. JotTroy etSalmon, dans le service de M. Cusco. et communiquée récemment à la Société de biologie (l),reproduitpour ainsi dire jusque dans ses moindres détails le fait, cité plus haut, de M. Viguès. Dans celle-là comme dans celui-ci, on voit à la suite d'une lésion traumatique por-tant sur une moitié latérale de la moelle épinière à la région dorsale, la paralysie du mouvement survenir dans le membre inférieur correspondantau côté lésé ; ce membre présente une élévation notable de la température — fait non mentionné dans l'observation de Viguès, bien qu'il y existât vraisembla-blement — et, déplus, une hypéresthésiemanifeste, tandis que celui du côté opposé, indemne quant au mouvement, est le siège d'une diminution notable de tous les modes de sensibilité et a conservé la température normale. En outre — et c'est là le point que nous voulons faire ressortir surtout — peu de temps après l'accident,sans cause appréciable, une arthropathie se développe dans le genou du membre paralysé, tandis que, au voisinage delà région sacrée,, la fesse du membre, privé de sensibilité, mais non paralysé du mouvement, devient le siège d'une eschare (2).
1. Gazette médicale de Paris, nos 6, 7, 8, 1872.
2. En raison de l'intérêt qui s'y rattache, nous rappellerons les principaux dé-tails de cette observation ¦
Le nommé Martin, âgé de 40 ans environ, a été frappé d'un coup de poignard, dans la nuit du 15 au 16 février 1871. L'arme a pénétré au niveau de la 3e ver-tèbre dorsale. Le trajet de la plaie est dirigé de haut en bas, d'arrière en avant et de gauche à droite. Le malade ayant été apporté immédiatement après l'acci-dent, on put constater qu'à ce moment déjà le membre inférieur gauche était complètement paralysé du mouvement, tandis que le membre correspondant de l'autre côté ne présentait rien de semblable. — Le 16 février, au matin, on note ce qui suit : Membre inférieur gauche : paralysie complète du mouvement. Le membre est dans la flaccidité complète, il n'y a pas trace de contracture, de rigidité, il n'est pas de siège de mouvements spasmodiques, de soubresauts.— Au contraire, la sensibilité paraît, sur ce même membre, exagérée dansla plupart de ses modes ; le moindre contact de la peau, surtout au voisinage du pied, provoque de la douleur : il en estde même de la pression. Un pincement lé-ger, le chatouillement, sont suivis de sensations douloureuses très sensibles.
J'emprunte le fait qui va suivre à un intéressant travail de M. W. Millier ({). Dans ce cas, l'arthropathie n'estpas signalée, mais on y trouve notée, par contre, une atrophie rapide des muscles du membre paralysé, précédée, de plusieurs jours, par une diminution très marquée de la contractilité faradique. Sous tous les autres rapports, l'observation de M. Millier est en con-formité avec celles de M. Viguès et de M. Joffroy. Il s'agit d'une femme de vingt-un ans qui reçut dans le dos, au niveau de la quatrième dorsale, un coup de couteau ; l'instrument, ainsi que
Enfin le contact d'un corps froid produit aussi des sensations douloureuses que le malade compare à celles qu'occasionnerait une série de piqûres. — Membre inférieur droit. Tous les mouvements volontaires sont parfaitement normaux ; mais, par contre, la sensibilité est à peu près complètement éteinte. Analgésie complète ; sensibilité au contact presque nulle. Le contact d'un corps froid s'ac-cuse par une sensation obscure de picotement. L'insensibilité n'est pas bornée, à droite, au membre inférieur, elle remonte jusqu'au niveau du mamelon. — Les urines et les matières fécales sont rendues involontairement.
Le 24 février (8e jour), on note les mêmes phénomènes que ci-dessous ; mais, de plus, on constate que la jambe gauche (paralysée du mouvement) est plus chaude que la droite. Le malade accuse une sensation de constriction ou plu-tôt de compression à la base du thorax.
5 mars (17e jour.) Le malade accuse quelques troubles de la vision ; la pupille gauche est plus contractée que la droite : de plus, les vaisseaux de l'œil gauche sont plus volumineux, plus nombreux que ceux de l'œil droit. Les évacuations sont redevenues volontaires depuis deux jours. L'état des membres inférieurs n'est en rien modifié.
13 mars (25e jour.) La fesse droite est devenue depuis hier le siège d'une rou-geur vive, et déjà, en un point de la plaque érythémateuse, l'épiderme s'est détaché.
14 mars. Le derme est dénudé sur la fesse droite au voisinage du sacrum dans l'étendue d'une pièce de cinq francs : il est en outre ecchymose (décubitus acu-tus). — Déjà, le 24 février, on avait remarqué que les mouvements imprimés au genou gauche (côté de la paralysie motrice) étaient un peu douloureux ; au-jourd'hui, on note que cette articulation est tuméfiée, rouge, et que de plus elle est le siègeïle douleurs spontanées s'exagérant par les mouvements (arthropathie spinal.)
24 mars. Une ulcération, aujourd'hui recouverte de bourgeons charnus, s'est produite sur la fesse droite au niveau de la plaque ecchymoiée. — Le gonfle-ment, la rougeur et la douleur ont à peu près complètement disparu au genou gauche.
1. W. Mûller. — Beitrœge zur pathologisch. Anatomie und physiologie des menschlichen Rùckenmarkes. Leipzig, 1871. Obs. I.
le démontra plus tard l'autopsie, avait divisé complètement la moitié latérale gauche de la moelle épinière à 2 millimètres au-dessus de la troisième paire dorsale.Lejour môme de l'accident, on constate une paralysie complète et une hypéresthésie du membre inférieur gauche ; le membre du côté opposé était anes-thésié mais non paralysé. Le second jour, on note que les mus-cles du membre paralysé et ceux de la partie inférieure de l'abdomen du côté correspondant ne réagissent pas sous l'ac-tion des excitations faradiques, tandis que sur les parties homologues du côté opposé, la contractilité électrique est restée normale. Le onzième jour, il s'est produit une eschare qui oc-cupe la région sacrée et s'étend sur la fesse du côté droit. Ce jour, même, on remarque que le membre paralysé est notable-ment atrophié et mesure, en circonférence, de 4 à 5 centimètres de moins que le membre anesthésié. La mort survint le treizième jour. A l'autopsie, les bords de la plaie spinale parurent tumé-fiées, d'une coloration rouge brun; elle était recouverte d'une mince couche purulente. Au-dessous de la plaie, le cordon la-téral gauche, dans toute sa hauteur, offrait les caractères anato-miques de la myélite descendante.
L'apparition simultanée des divers troubles trophiques, si-gnalés dans ces observations et dans quelques autres du même genre, semble accuser une cause commune.Cette cause, suivant toute apparence ,n'est autre que l'extension, à certaines régions du segment inférieur de la moelle, du travail phlegmasique ori-ginairement développé au voisinage immédiat de la plaie (i),
Cela étant admis, il paraîtra légitime, en se fondant sur les
1. Dans un autre travail, M. Cliarcot a cherché à établir que, à la suite des blessures de la moelle épinière, des lésions irritatives, telles que: hypertrophie des cylindres axiles, prolifération des myélocytes, etc., peuvent être reconnues à une certaine distance de la plaie spinale, au-dessus et au-dessous d'elle, 24 heures à peine après l'accident. (Gharcot). Sur la tuméfaction des cellules ner-veuses motrices et des cylindres d'axe des tubes nerveux dans certains cas de myélite. (Archiv. de physiologie, n() 1, 1872, p. 95. Obs. \.)
faits exposés dans la leçon précédente, de rapporter l'atrophie rapide et générale des muscles paralysés, notés dans le cas de M. Millier, à l'envahissement de la corne antérieure delà sub-stance grise du côté correspondant à la blessure dans toute Tétendue de la moelle d'où émanent les nerfs se rendant aux muscles paralysés; l'envahissement en question ayant pu se faire d'ailleurs, soit de proche en proche, par propagation des-cendante soit par la voie indirecte des cordons latéraux. Cette lésion de la corne antérieure, nous l'invoquerons encore, dans un instant, pour expliquer le développement de l'arthropathie décrite dans les observations de Viguès et de Joffroy. Pour ce qui concerne, maintenant, les eschares, leur apparition, ducôté opposé à la lésion spinale tend à établir que les fibres nerveuses dont l'altération provoque, en pareil cas, la mortification du tégument externe, né suivent pas le même trajet que celles qui influencent la nutrition des muscles et des jointures, et qu'elles s'entre-croisent, au contraire, dans la moelle, delà même ma-nière que les fibres préposées à la transmission des impressions tactiles.
Un autre enseignement nous est fourni par les observations d'hémiparaplégie consécutive à une lésion unilatérale de la moelle épinière : c'est que le décubitus aigu peut se montrer indépendant de foute lrypérémie neuroparalytique, puisque nous le voyons se former là, sur le côté du corps où les nerfs vaso-moteurs ne sont point affectés.
c) Je mentionnerai actuellement le cas où la myélite résulte, non pas, comme dans les faits qui précédent, de la blessure ou de l'attrition de la moelle épinière, mais bien d'une influence traumatique indirecte, telle par exemple qu'un effort dans l'ac-tion de soulever un poids ; le décubitus aigu peut, dans les cas de ce genre, se produire aussi rapidement que s'il s'agissait
d'une fracture de la colonne vertébrale : c'est ce dont témoigne le fait suivant rapporté par M. Gull.
Un homme de 25 ans, employé dans les docks de Londres, ressentit dans le dos, au moment où il soulevait un fardeau, une douleur subite. 11 put se rendre à pied à son domicile distant d'un mille. Le surlendemain matin, au réveil, les membres in-férieurs étaient complètement paralysés ; deux jours plus tard, c!est-à-dire quatre jours après l'accident, une escharé avait commencé à se former à la région sacrée, et l'urine qui s'écou-lait de la vessie était ammoniacale. Le malade succomba dix jours après le début de la paralysie. A l'autopsie, on reconnut, après un examen attentif, que les os et les ligaments de la co-lonne vertébrale ne présentaient aucune lésion ; au voisinage des 5e et 6° vertèbres dorsales, la moelle épinière était trans-formée dans toute son épaisseur en un liquide épais, d'ap-parence muco-purulente et de couleur à la fois brune et verdâtre (1).
A l'exemple des myélites traumatiques, la myélite aiguë spontanée détermine, elle aussi, très fréquemment, la forma-tion précoce d'eschares sacrées, principalement lorsque le début s'accuse brusquement et que l'évolution est rapide. Pour ne pas rentrer à ce propos dans de trop longs développements, je me bornerai à indiquer quelques exemples relatifs à cet ordre de faits. L'eschare a été signalée dès le oe jour après le début delà paralysie dans un cas rapporté par M. Duckworth (2), le 6e jour dans un cas observé dans le service de M. Woillez, qui m'a été communiqué par M. Joffroy, le 9e jour dans une observation de M. Engelken ; le 12e jour dans un autre fait du même auteur (3) ; enfin, dans un cas de méningo-myélite cervico-dorsale, publié
1. W. Gull. — Cases of Paraplegia,'m Guy's HospUal Reports, 1858, p. 189, case XXII.
2. The Lancet, 6 nov. 1869, p. 638.
3. Loc. cit. — Pathologie (1er acuten Myellth. Zurich, 1867.
par MM. Voisin et Cornii, l'escharc était constituée dès le 6ejour(l). On pourrait aisément multiplier ces exemples. Le dé-cubitus aigu accompagne fréquemment aussiVhêmatomyêlic qui d'ailleurs, dans un certain nombre de cas au moins, paraît n'être qu'un accident de la myélite centrale^ témoin le cas cité plus haut, de Duriau, où la mortification de la région sacrée était déjà prononcée quatre jours seulement après l'apparition des premiers symptômes (2).
On peut voir survenir encore la mortification rapide du derme de la région sacrée, même dans les maladies spinales à évolu-tion lente, lorsqu'une cause nouvelle d'irritation vive intervient tout à coup ou lorsqu'un processus d'inflammation aiguë se surajoute brusquemment à la lésion initiale. Ainsi que les exa-cerbationsdela myélite scléreusepartielle,l'irruption soudaine, dans la cavité rachidienne, du pus provenant d'un abcès, chez un sujet atteint de mal vertébral, ont pu à ma connaissance déterminer la formation rapide d'eschares. Le même résultat se produirait également dans le cas où une tumeur siégeant dans les parties centrales de la moelle provoquerait, par sa pré-sence, le développement d'une myélite aiguë. 11 existe dans la science plusieurs exemples de ce genre (3).
Si les documents que nous venons de rassembler ne permet-tent pas de construire encore une théorie pathogéniqne du dé-cubitus aigu de cause spinale, ils suffisent cependant, si je ne me trompe, à faire reconnaître tout au moins les principales conditions du phénomène : évidemment, il faut rejeter au se-cond plan l'influence de la pression, celle aussi de la paralysie vaso-motrice, qui peut faire complètement défaut, ainsi qu'on
1. Gaz. des Hôpitaux, 1865, n°26.
2. Union médicale, t. I, 1858, p. 308.
3. Voir entre autres, Mac Duwel's. — Case of Paraplegia in Dublin quaterly Journ., 1862.
l'a vu à propos de l'hémiparaplégie résultant de la lésion trau-matique d'une moitié latérale de la moelle. En somme, le fait dominant, toujours présent, c'est l'irritation vive d'une région plus ou moins étendue de la moelle épinière, se traduisant le plus souvent anatomiquement, par les caractères de la myélite aiguë ou suraiguë, et cliniquement par l'ensemble des symptô-mes qui se rapportent à ce genre de lésion. Pour expliquer la production des troubles trophiques qui aboutissent à la morti-fication sacrée, ce n'est donc pas cette fois encore, l'absence d'action, mais bien l'irritation de la moelle épinière qu'il faut invoquer: et cette conclusion se trouve en conformité avec les résultats expérimentaux qui montrent que, chez les animaux, le développement d'ulcérations gangreneuses au sacrum ne survient pas à la suite des sections ordinaires de la moelle, mais seulement dans le cas où l'inflammation est venue s'établir au vosinage de la lésion spinale.
Il n'est guère vraisemblable que toutes les parties consti-tuantes de la moelle épinière soient aptes, indistinctement, à provoquer, sous l'influence des irritations, le développement du décubitus aigu. Lagrande fréquence de cet accident dans les cas d'hématomyélite aiguë, centrale, où lalésion occupe surtout les régions centrales de la moelle épinière, semble désigner tout particulièrement la substance grise comme jouant à cet égard, un rôle prédominant, et ce rôle est partagé sans doute par les faisceaux blancs postérieurs, car nous savons que les irritations de certaines partiesdeces faisceaux ont pour effet de déterminer la production non seulement de diverses éruptions cutanées, mais encore, à la vérité, dans des cas rares, celle de la nécrose dermique (1).
D'un autre côté, il est parfaitement établi que toutes les par-ties de la substance grise ne doivent pas être ici incriminées in-
1. Voir p. 84.
différemment. En effet, certaines d'entre elles peuvent, nous l'avons fait pressentir déjà, subir les lésions irritatives les plus graves sans que le décubitus aigu s'en suive jamais. Telles sont les cornes antérieures, dont les lésions, par contre, ont, vous le savez, l'influence la plus décisive sur la nutrition des muscles, et probablement aussi, —nous allons le voir bientôt, — sur celle des jointures. C'est ainsi que l'eschare sacrée fait généralement défaut dans la paralysie infantile spinale et dans la paralysie spinale de l'adulte, affections qui sont caractérisées anatomique-ment par des lésions inflammatoires aiguës, systématiquement limitées à l'air des cornes antérieures, tandis que les autres, celles qui affectent la peau, relèveraient de lésions irritatives occupant, soit les parties centrales et postérieures de la subs-tance grise, soit encore les faisceaux blancs postérieurs. A ce point de vue particulier, il y a lieu de reconnaître dans la moelle deux régions douées de propriétés très distinctes. Or, comme ces régions peuvent être affectées soit séparément, soit simul-tanément, il en résulte que, dans la clinique, le décubitus aigu et l'atrophie musculaire aiguë, ◀tantôt▶ se montreront isolés, ◀tantôt▶ au contraire coexisteront chez un même individu.
Par tout ce qui précède, l'influence des lésions irritatives de la moelle épinière sur le développement du décubitus aigu nous paraît mise hors de doute. M. Samuel cependant a avancé une opinion contraire : il pense que la moelle épinière ne joue ici aucun rôle et que les ganglions spinaux ou les nerfs périphé-rique sont seuls en cause (1). Nous ferons connaître ailleurs les arguments sur lesquels se fonde cette manière de voir mais, dès à présent, nous pouvons faire remarquer qu'elle est en contra-diction formelle avec les faits nombreux de myélite traumatique occupant un point élevé de la moelle,—la région cervicale, par
1. Loc. cit. p. 252.
exemple, ou la partie supérieure de la région dorsale, —faits dans lesquels le déeubitus aigu survient à la région sacrée, et assurément sans participation directe des ganglions spinaux ou des nerfs périphériques. Les casd'hématomyéliteoude myélite spontanée centrale, suivis d'eschare précoces, sont également contraires aux vues de M. Samuel.
Ce n'est pas à dire cependant que les lésions irritatives des nerfs périphériques, et peut-être aussi celle des ganglions spi-naux, ne puissent avoir quelquefois pour effet de déterminer la formation rapide d'eschares. Sans doute, les exemples publiés de nécrose dermique développée en conséquence de la piqûre, de la section incomplète, ou encore de la compression d'un nerf, sont assez rares ; mais plusieurs d'entre eux sont tout à fait con-vaincants (1). A ce propos, je mentionnerai le cas d'une femme que j'ai observée récemment à la Salpêtrière. Elle portait dans le flanc gauche une énorme tumeur fibreuse qui comprimait, dans le bassin, les origines des nerfs sciatique et crural du mem-bre inférieur correspondant. lien était résulté un étatparétique de ce membre, accompagné de douleurs vives suivant le trajet des principauxtroncs nerveux. On s'aperçut un matin, peu de temps après l'apparition des symptômes décompression, qu'une eschare s'était développée rapidement sur la partie gauche, au voisinagede la région sacrée. Déplus, laface interne du genou gauche, dans un point que le genou droit avait comprimé pen-dant longtemps en raison de l'attitude que la malade avait gar-dée durant la nuit, présentait plusieurs bulles pemphigoïdes, remplies d'un liquide brunâtre, qui bientôt firent place à une eschare. Il ne s'était produit absolument rien de semblable au genou droit. C'est peut-être ici le lieu de rappeler que le zona spontané, qui, dans certains cas au moins, se rattache trèsvrai-
1. Voir, parmi les faits récemment publiés, un cas du docteur W. A. Lanson (The Lancet, 30 déc. 1871, p. 913), et deux cas du docteur Vitrac (Union mé-dicale de la Gironde, t. II, p. 127. et Revue phol. des hôp., 1871.)
semblablemenl à rinflammation d'un nerf, peut, suivant une remarque de Rayer (1 ), aboutir quelquefois à la mortification plus ou moins profonde du derme. J'ai été souvent témoin du fait chez les vieillards de cet hospice, et j'ai pu me convaincre plu-sieurs fois que la pression exercée sur les parties qu'occupe l'éruption ne joue pas là un rôle essentiel. Pour ce qui est rela-tif au décubitus aigu du siège, je suis très porté à croire que, dans un certain nombre de cas, il doit être rattaché à une lé-sion irritative des nerfs de la queue de cheval. Un fait publié récemment par M. Couyba, dans sa dissertation inaugurale, pourrait être cité, entre autres, comme exemple de ce genre (2).
111.
Des arthropathies de cause cérébrale et spinale. Les trou-bles de la nutrition consécutifs aux lésions des centres nerveux ont assez fréquemment pour.siège les jointures. Les variétés que présentent ces affections articulaires, suivant la nature des
1. Rayer. — Maladies de la peau, t. I, p. 333.
2. Un jeune garde mobile reçut une balle aux avanl-postes de Glamart. Le projectile avait pénétré près de l'extrémité antérieure de la dixième côte gauche et était sorti sur le côté droit de la colonne vertébrale, à 7 ou 8 centimètres de l'épine, au niveau de la deuxième vertèbre lombaire. II s'en suivit uneparésie avec hyperesthésie vive des membres inférieurs.Une bulle qui fit bientôt place à une eschare se développa sur la fesse droite, le cinquième jour après l'accident. L'eschare s'étendit alors progressivement de manière à recouvrir enfin toute la régiondu siège. La mort survint le dix-neuvième jour —Autopsie : Une masse purulente couvre les faces antérieure et postérieure de la moelle et s'étend de-puis la queue de cheval jusqu'à la région cervicale. La moelle elle-même, exa-minée d'abord à l'état frais, puis après durcissement, sur les coupes transversa-les nombreuses, n'a présenté aucune altération ; au contraire, un certain nombre de tubes nerveux,dans les filets nerveux qui constituent la queue de cheval,offraient les caractères anatomiques de la dégénération granulo-graisseuse. — Couyba : Thèse de Paris, 1871. Obs. XII, p. 53.
lésions cérébrales ou spinales qui leur donnent naissance, m'ont conduit à élablir deux catégories principales.
A. La première comprend les arthropathics à forme aiguë ou subaiguë, accompagnées de tuméfaction, de rougeur et parfois de douleurs plus ou moins vives. Elle a été signalée pour la pre-mière fois, si je ne me trompe, par un médecin américain, le professeur Mitcliell (1), qui l'a observée dans la paraplégie liée au mal vertébral de Pott, où cependant elle est, je le crois du moins, très rare (2). Elle se produit plus fréquemment comme conséquence d'une lésion traumatique de la moelle épinière, c'est ce dont témoignent suffisamment les faits mentionnés plus haut de M. Viguès et de M. Joffroy (3). Un cas de commotion de la moelle, relaté par M. Gull, fournit une démonstration analogue (4).
L'inflammation aiguë ou subaiguë des jointures des membres paralysés peut survenir encore dans la myélite spontanée ; à titre d'exemple de ce genre, je puis citer un cas recueilli par M.Gull (5), et un autre cas qui a été consigné par M. Moynier dans le Moni-teur des Sciences médicales pour 1859. Le second fait est rela-tif à un jeune homme de 18 ans qui, à la suite d'un séjour pro-longé dans un endroit humide, suivi de grandes fatigues, avait présenté tous les symptômes de la myélite subaiguë. La para-lysie du mouvement avait commencé à se prononcer dans les membres inférieurs, le 25 janvier; elle y était devenue complète le 9 février. Le 23 du même mois, la peau de la région sacrée présentait une plaque érythémateuse qui, le 5 mars, avait fait
1. Mitchel. — American Journal of the mecl.Sc, t. VFJI, p. 55, 1831.
2. M. Gharcot a cependant vu l'un des genoux devenir le siège d'une arthro-pathie subaigë chez une femme atteinte de paralysie consécutive au mal de Pott. Ce fait a été consigné dans la thèse de l'un de ses internes, M. Michaud. [Sur la méningite et la myélite dans le mal vertébral. Paris, 1871).
3. P. 92 et 93.
4. Gull. — Guy'sHospital Reports, 3' série. t. IV, 1858. Obs. XXXII.
5. Gull. — Idem. Obs. XXVII.
Gharcot. Œuvres complètes, t. i. 8 6.
place à une eschare. Le 6 mars, une douleur vive s'est mani-festée au genou droit qui est tuméfié et donne la sensation de fluctuation. 11 y a, en outre, tuméfaction douloureuse de l'arti-culation tibio-tarsienne du môme côté. Le 9 mars, le genou avait déjà diminué de volume ; le même jour, des eschares se sont manifestées aux talons. La mort survint le 27 mars. L'au-topsie a montré un foyer de ramollissement siégeant à 4 cen-timètres environ au-dessus de la queue de cheval.
Enfin, dans un cas de myélite centrale chez un enfant, ayant pris origine au voisinage d'un tubercule solitaire siégeant à la région cervicale de la moelle, M. Gull signale la formation d'un épanchement intra-articulaire, occupant l'un des genoux, au moment où la paralysie commençait à envahir les membres inférieurs (1).
Il est remarquable de voir ces arthropathies, consécutives aux diverses formes aiguës ou subaiguës de la myélite, se développer souvent, alors quelesmuscles des membres paralysés commen-cent à s'atrophier ou encore dans le temps même qu'une es-chare se forme rapidement au siège.
Uarthropathie des hémiplégiques, décrite pourlapremière fois, je crois, en 1846, par Scott Alison(2), plus tard par Brown-
1. Gull, loc. cit. Cas XXXI1.
2. Scott Alison. — Arthrites occurring in the course of paralysis,note lue à la Société médicale de Londres, le 16 janvier 1846. In The Lancet, 1.1, p. 276,1847. — C'est bien de l'arthrite des hémiplégiques, telle que nous l'avons décrite (Arch. de physiologie, t. I), qu'il s'agit dans la note dudocteur Alison; l'affection a pour caractère de rester limitée aux membres paralysés et de ne pas s'étendre aux articulations des membres restés indemnes ; les jointures affectées sont chaudes,tuméfiées et dans quelques cas, elles sont douloureuses soit spontanément, soit seulement sous l'influence des mouvements. Le genou, le coude, le poignet, la main, le pied, sont les parties les plus fréquemment affectées. Gette forme d'arthrite paraît se montrer surtout dans les cas où l'hémiplégie est consécutive à l'encéphalite ou au ramollissement du cerveau. — Deux observations, choi-sies parmi de nombreux cas du môme genre et citées à titre d'exemples, mé-ritent d'être rapportées en quelques mots.
Séquard, et dont j'ai fait connaître les caractères anatomiques et cliniques, appartient, si je ne me trompe, à cette même caté-
Obs. I, Une femme de 49 ans. qui pendant longtemps avait joui d'une santé parfaite et n'avait jamais souffert d'aucune forme de maladie arthritique, fut atteinte tout à coup d'hémiplégie. — Quelques jours après, tuméfaction et cha-leur au niveau du poignet du côté paralysé et un peu plus tard le genou et le pied du môme côté se gonflèrent à leur tour et devinrent douloureux. Il n'y avait pas d'œdème Les membres paralysés étaient un peu rigides. A l'autopsie, on prouva un ramollissement partiel du cerveau. Les bassinets étaient remplis de petits calculs d'acide urique.
Obs. II Un homme âgé de 54 ans, peintre en bâtiments, qui, à plusieurs re-prises, avait éprouvé des accès de goutte, fut frappé d'hémiplégie à début subit. Peu après, le poignet, la main et le pied du côté paralysé dévinrent chauds et tuméfiés. Les membres paralysés étaient rigides. A l'autopsie, le cerveau parait ramolli et l'on trouve un caillot sanguin volumineux dans un des ventri-cules latéraux.
L'auteur cherche à expliquer, ainsi qu'il suit, le développement de cette forme d'arthrite, chez les hémiplégiques : « Les relations qui existent, dit-il, à l'état normal entre les parties constituantes du sang et les tissus vivants sont profon-dément modifiées ; il y a deux éléments à considérer : en premier lieu, une dimi-nution de la vitalité des parties paralysées, et en second lieu, la présence, dans le sang, d'agents morbides. Or, l'influence irritante de ces agents doit se faire sentir plus vivement sur les parties dont l'énergie vitale est amoindrie. A l'appui de sa théorie, l'auteur fait ressortir que les deux sujets, dont il a raconté l'histoire, étaient vraisemblablement sous le coup de ladialhèse urique : chez l'un, des cal-culs d'acide urique se rencontraient dans les bassinets ; l'autre avait éprouvé au-trefois plusieurs accès de goutte (goutte saturnine). » Nous ferons remarquer à notre tour que, très certainement, ces deux cas sont, dans l'espèce, tout à fait exceptionnels, car le plus souvent — on jeut s'en convaincre par la lecture des observations publiées dans notre travail (Arch. de physiol., 1.1) — l'arthrite sur-vient chez les hémiplégiques, comme une conséquence plus ou moins directe de la lésion cérébrale, en dehors de toute influence de la goutte, du rhuma-sme ou de tout autre état diathésique. Ainsi, tout en reconnaissant l'exactitude des descriptions cliniques de M. Alison, je ne saurais souscrire à la théorie palhogénique qu'il a proposée. Je suis loin, toutefois, de vouloir nier que les articulations des membres paralysés dans l'hé-miplégie de cause cérébrale ne soient, comme le veut M. S. Alison, particulière-ment disposées à devenir un foyer d'élimination par d'autres agents préalablement accumulés dans le sang. J'ai moi-même communiqué dans le temps, à la So-ciété de biologie, un fait, où cette disposition particulière est bien mise en évi-dence. Une femme, âgée d'environ quarante ans, avait été frappée tout à coup d'hémiplégie à droite, trois ans avant son admission dans mon service. Les mem-bres paralysés étaient fortement contractures; de temps à. autre, les diverses join-tures de ces msmbres, le genou surtout et le pied, étaient le siège de douleur et de gonflement, Le malade étant aphasique à un haut degré, il avait été impos-
gorie. Dans cette seconde variété, comme dans la première, les arthropathies sont limitées aux membres paralysés et elles occu-pentleplus souvent lemembre supérieur ; c'est surtout à lasuite du ramollissement cérébral en foyer qu'elles surviennent, plus rarement en conséquence de l'hémorrhagie intra-encéphalique.
sible de savoir si autrefois elle avait été atteinte de goutte ou de rhumatisme. A l'autopsie, on trouva une vaste cicatrice ocreuse, vestige d'un foyer d'hémor-rhagie cérébrale, situé-en dehors du noyau extra-vcntriculaire du corps strié. Dans la plupart des articulations des membres du côté droit, lesquelles avaient été le siège de l'hémiplégie, les cartilages diarthrodiaux étaient incrustés, vers leur partie centrale, de dépôts d'urale de soude ◀tantôt▶ cristallisé, ◀tantôt▶ amor-phe. Les jointures des membres du côté non paralysé ne présentaient rien de semblable. Quelques stries blanches, que l'examen microscopique et micro-chimique a démontré être constituées par de l'urate de soude, se rencontraient dans les reins.
Il est incontestablement fort remarquable de voir, dans cette observation, que le dépôt goutteux se forme exclusivement dans les jointures des membres pa-ralysés ; mais, je ne saurais trop le répéter, les faits de ce genre forment exception et, en tout cas, ils n'ont rien de commun au point de vue pathogéni-que avec l'arthrite ordinaire des hémiplégiques (Cas d'Hubert. Voir Bourne-ville. — Études cliniques et thermométriques sur les maladies du système ner-veux, p. 58).
— On doit à M. Brown-Séquard d'avoir appelé de nouveau l'attention sur l'ar-thropathie des hémiplégiques et d'en avoir déterminé, mieux que ne l'avait fait M. Alison, la cause organique. Voici comment s'exprime, à ce propos, cet auteur dans une leçon publiée dans le journal The Lancet (Lecture on the mode and origine ofsymptoms of diseuses oflhe brain.Lect. I, part. II, TheLancet, july 13, 1861). Après avoir admis que les sensations pénibles, telles que celles de formi-cation, de picotement qui se produisent clans les membres paralysés, en consé-quence d'une lésion cérébrale, résultent généralement d'une irritation directe des fibres nerveuses encéphaliques, il ajouta : « Ce sont là des sensations rapportées à lapériphérie, analogues à celles qui se développent dans les doigts de la main, lors-que le nerf cubital a été froissé au niveau du coude. Il importe de ne pas les confondre avec les douleurs, quelquefois très vives, qui peuvent se manifester dans les muscles ou dans les articulations des membres paralysés. Les douleurs du dernier genre ne se révèlent guère que sous l'influence des mouvements ou de la pression excercée sur les membres ; ou si elles se montrent parfois spontané-ment, elles sont néanmoins toujours exaspérées par la pression ou les mouvements ; elles dépendent d'une inflammation subaiguë des muscles et des articulations qui, bien à tort, est souvent rapportée à une affection rhumatismale. Cette subin-flammation qui survient ainsi dans diverses parties des membres paralysés est d'ailleurs, elle-même, la conséquence de l'irritation que subissent dans l'encé-phale les centres vaso-moteurs ou trophiques. »
Elles se développent habituellement quinze jours ou un mois après l'attaque apoplectique, c'est-à-dire au moment de l'appari-tion de la contracture tardive qui s'empare des membres para-lysés, mais elles peuvent sè montrer encore aune époque ulté-rieure. La tuméfaction, la rougeur, la douleur articulaire ?ont quelquefois assez prononcées pour rappeler Jes phénomènes correspondants du rhumatisme articulaire aigu. Les gaines tendineuses sont d'ailleurs souvent affectées-en.inêmc temps que les jointures. / j;' j
J'ai montré qu'il s'agit là d'une vérijjable#ynovite avec végé-tation, multiplication des éléments ^Êgcléaifes e't /fibroïdes qui constituent la séreuse articulaire, aii^mevaJLatiph'du nombre et du volume des vaisseaux capillaires qiYfs^i^pandent. Dans les cas intenses, il se produit en outre unèTjxSudation séro-fîbri-neuse à laquelle se trouvent mêlés, en proportion variable, des leucocytes, et qui peut devenir assez abondante pour distendre la cavité synoviale. Les cartilages diarthrodiaux, les parties liga-menteuses n'ont paru jusqu'ici présenter aucune lésion conco-mitante, du moins appréciable à l'œil nu. Par contre, les gaines synoviales tendineuses, au voisinage des jointures affectées, prennent part au processus inflammatoire et se montrent vive-ment hypérémiées (1).
11 est inutile de faire ressortir l'intérêt qui s'attache à ces ar-
AvantM. Brown-Séquard, et môme avanlM. Scott Alison, plusieurs médecins avaient remarqué déjà l'arthrite des hémiplégiques, mais sans faire ressortir tou-tefois l'intérêt qui s'y attache. Consulter: —11. Daim, The Lancel, t. Il, p.235,1831 — Durand-Fardel, Maladies des vieillards, p. 131. Paris, 1854. Observation de la nommée Lcmoine; — Valleix, Guide du médecin ¦praticien, t. IV, 1853, p. 514 ; — Grisolle. Pathologie interne, 2e édit. ,t. II, p. 257. (Noie de M. Charcot.);
1 Charcot.—Sur quelques arthropathies qui paraissent dépendre d'une lésion du cerveau ou de la moelle épinière (Archiv. de jihysiologie, t, I, p. 296. — Pl. VI. fig. 1, 2, 3, 4, 5, 6. Paris, 1868.) — L'arthropathie dont il s'agit paraît ne devoir pas être confondue avec l'affection articulaire qui a été décrite, dans ces derniers temps, par M. Hitzig de Berlin (Ueber eine bei sckweren Hemiplegien auf-tretende Gelenkaffection,m Virchow s Archiv. Bd. XLVIII, hft.3u. 4,1869). Celle-
thropalhies, sous le rapport du diagnostic, le rhumatisme arti-culaire aigu ou subaigu étant une affection à laquelle se lient souvent certaines formes de ramollissement cérébral et qui, d'ailleurs, se manifesle aussi parfois à la suite de causes trau-matiques capables de déterminer un ébranlement des centres nerveux. D'un autre côté, beaucoup d'affections de la moelle épinière sont rattachées à tort à la dialhèse rhumatismale en raison de la coexistence de ces manifestations articulaires. Les caractères cliniques, qui rendraient facilement reconnaissables lesârthropathies liées aux lésions des centres nerveux et permet-traient de les distinguer les arthrites rhumatismales, sont sur-tout :
1° Leur limitation aux jointures des membres frappés de paralysie ; 2° L'époque en général déterminée à laquelle elles viennent dans les cas d'hémiplégie à début brusque, figurer sur lascène morbide ; 3° Lacoexistence d'autres troubles trophi-ques de même ordre, tels que les eschares à formation rapide et, lorsqu'il s'agit de la' moelle épinière, l'atrophie musculaire aiguë des membres paralysés, la cystite, la néphrite, etc.
B. Le type du deuxième groupe se rencontre dans l'ataxie lo-comotrice progressive. Permettez-moi d'arrêter un instant votre attention sur cette espèce d'affection articulaire à laquelle j'at-tache un intérêt paternel et d'autant plus vif que la significa-tion que je lui ai donnée a trouvé beaucoup d'incrédules. Un mot d'abord sur les caractères cliniques de Y arthropathie des ataxiques (1).
ci se montre surtout lorsque l'hémiplégie est relativement de date ancienne et que les malades marchent déjà depuis quelque temps ; elle occupe de préférence l'épaule et résulterait principalement du déplacement des surfaces articulaire occasionné par la paralysie des muscles qui enveloppent la jointure.
1. Charcot, — Sur quelques arthropalhies, etc., première partie ( Arch. de physiologie, t, I, 1878.)
Elle se manifeste, en général, à une époque déterminée de l'ataxie et son appaiition coïncide, pour aiusi dire, dans beau-coup de cas, avec le début de l'incoordination motrice. Sans cause extérieure appréciable, on voit, du jour au lendemain, se développer une tuméfaction générale et souvent énorme du membre, le plus communément en dehors de toute douleur, de toute réaction fébrile. Aubout de quelques jours, la tuméfaction générale disparaît, mais il reste au niveau de la jointure un gonflement plus ou moins considérable résultant de la formation d'une hydarfhrose et quelquefois, on outre, d'une accumulation de liquide dans les bourses séreuses périarticulaires. La ponc-tion a plusieurs fois extrait de la jointure, ainsi tuméfiée, un liquide citrin, transparent.
Une ou deux semaines après l'invasion, quelquefois beaucoup plus tôt, on constate l'existence de craquements plus ou moins accusés, révélant l'altération, déjàprofonde à cette époque, des surfaces articulaires (1). L'hydarthrose serésoutbientôt,laissant après elle une extrême mobilité de la jointure. Aussi des luxa-tions consécutives se produisent-elles souvent, facilitées consi-dérablement par l'usure qu'ont subies les têtes osseuses. J'ai noté plusieurs fois une atrophie rapide des masses musculaires sur les membres où siège l'affection articulaire.
L'arthropathie des ataxiques occupe le plus fréquemment les genoux, les épaules, les coudes ; elle peut siéger aussi à la han-che. Les renseignements anatomo-pathologiques qui la concer-nent sont encore très imparfaits. Cependant un caractère qui parait constant, c'est l'usure énorme qui frappe, dans un très court espace de temps, les extrémités articulaires. Au bout de trois mois, la tête numérale que je vous présente et qui provient d'une femme chez laquelle nous avons pu étudier le début de
1. Dans quelques cas, les craquements ont précédé de plusieurs jours l'ap-parition de la tuméfaction générale du membre; mais celle-ci est, dans la règle, le premier phénomène qu'on observe.
Farthropathie, était, comme vous le voyez, en grande partie dé-truite (Fïg. 5). Je vous ferai remarquer qu'on n'observe pas, sur cette pièce, aupourtourde la surface articulaire usée,-les bour-relets osseux qui ne manqueraient pas d'exister s'il s'agissait là de l'arthrite sèche ordinaire(1).
Je mets maintenant sous vos yeux, afin d'établir le contraste, une articulation du genou, provenant également d'une femme qui avait présenté les symptômes de l'arthropathie des ataxiques.
Fig. 5. —Extrémité supérieure d'un humérus sain et d'un humérus offrant les lé-sions de l'arthropathie des ataxiques.
mais chez laquelle l'affection de la jointure remontait à une époque beaucoup plus éloignée. Outre l'usure des surfaces arti-culaires, qui, comme dans le cas précédent, est poussée très loin, vous reconnaissez ici la présence de corps étrangers, de stalactites osseuses, et, en un mot, de tous les accompagne-ments habituels àeYarhtrite déformante. Ces dernières altéra-tions, je le répète, faisaientabsolument défaut chez la première malade. Je suis porté à croire, d'après cela, qu'elles ne sont
1. Comparez: Charcot. — Ataxie locomotrice progressive. Ar thropathie de l'épaule gauche. Résultats nécroscopiques. In Archiv. de physiologie, t. II, p. 121, 1869.
nullement nécessaires et qu'elles se produisent d'une façon ac-cidentelle vraisemblablement surtout par le fait des mouve-ments plus ou moins énergiques que les malades continuent quelquefois à imprimer aux membres affectés.
Je veux me borner, quant à présent, à cette indication des traits'les plus généraux de l'arthropathie des ataxiques, car c'est là un sujet que je compte reprendreavecplus de développement par la suite. Ce qui sera dit suffira, j'espère, pour montrer que l'affection articulaire dont il s'agit est, elle aussi l'expression de troubles trophiques relevant directement de la lésion du centre nerveux spinal. Voici, d'ailleurs, en quelques mots, les principaux arguments sur lesqùelsje fonde mamanière de voir.
Je signalerai, en premier lieu, l'absence de toute cause trau-matique ou diathésique, du rhumatisme, de lagoutte,par exem-ple, pouvant expliquer l'apparition de la maladie articulaire dans les cas que j'ai observés. M. R. Wolkmann (1) a émis l'opi-nion que l'arthropathie des ataxiques est tout simplement le résultat de la distension que subissent les ligaments et les cap-sules articulaires, en conséquence de la démarche maladroite particulière à ce genre de malades. Les faits aujourd'hui nom-breux, dans lesquels notre arthropathie siège aux membres supérieurs et occupe soit l'épaule, soit le coude, montrent suf-fisamment que l'interprétation, proposée par Wolkmann, ne saurait avoir qu'une portée très restreinte. L'influence d'une cause toute mécanique ne peut être invoquée, du moins comme agentprincipal, même dans les cas où l'arthropathie siège aux membres inférieurs. J'ai eu soin de faire remarquer, en effet, me fondant sur des observations cliniques, bien des fois répé-tées, que l'affection articulaire dont il s'agit se développe en général à une époque relativement peu avancée de la sclérose
1. Cannstatt's Jahresbericht, 1868-1869. 3e Bd., 391.
des cordons postérieurs, etalors que l'incoordination motrice est encore nulle ou à peine accusée.
Les caractères cliniquesde notre arthropathie sont, d'un autre côté, véritablement spéciaux. Son début brusque, marqué parla tuméfaction générale du membre, les altérations rapides que subissent les surfaces articulaires, enfin son apparition aune époque pour ainsi dire déterminée de la maladie spinale à la-quelle elle se rattache, consfituentautantde particularités que l'on ne trouveréunies, si je neme trompe, dans aucune autre affection articulaire.
Fig. 6. — A, Corne antérieure du côté droit. — A', corne antérieure du côté gau-che. — B, Commissure grise postérieure et canal central. — C, Sillon médian intérieur, — a, a. Groupe de cellules antérieur externe. — b, b', Groupe de cel-lules antérieur interne, — c', Groupe de cellules postérieur externe du côté droit. Le groupe cellulaire correspondant fait, à gauche (c), à peu près défaut.
Mais voici un argument plus direct. Dans l'opinion où nous étions que 1 arthropathie en question est une lésion trophique consécutive à l'affection delamoelle épinière, nous ne pouvion s cependant songer à la rattacher aux altérations banales de l'ataxie locomotrice progressive: sclérose des cordons posté-rieurs, méningite spinale postérieure, atrophie des racines pos-térieures des nerfs rachidiens. Un examen minutieux, fait dans plusieurs cas, nous avait démontré, d'un autre côté, qu'on ne pouvait invoquer une lésion des nerfs périphériques; c'est dans
la substance grise des cornes antérieures de la moelle que nous croyons avoir trouvé le point de départ de cette complication singulière de l'ataxie (1). Il n'est pas très rare de voir la substance grise spinale affectée dans l'ataxie locomotrice ; mais, le plus souvent, la lésion porte alors sur les cornes postérieures. Or, il en était tout autrement dans deux cas d'ataxie locomotrice com-pliqués d'arthropathie où l'examen microscopique de la moelle a été fait avec soin , les cornes antérieures de substance grise étaient, dans ces deux cas, remarquablement atrophiées et dé-formées et un certain nombre des grandes cellules nerveuses, celles du groupe externe surtout, avaient diminué de volume, ou même avaient disparu sans laisser de traces. L'altération se montrait d'ailleurs exclusivement {Fig. 6) sur la corne anté-rieure correspondant au côté du corps où siégeait la lésion arti-culaire. Elle affectait la région cervicale dans le premier cas où l'arthropathie occupait l'épaule ; elle siégeait un peu au-dessus de la région lombaire dans le second cas qui présentait un exemple d'arthropathie du genou. Au-dessus et au-dessous de ces points, la substance grise des cordons antérieurs parais-sait exempte d'altérations.
On pourrait se demander si cette altération d'une des cornes antérieures de la substance grise spinale, révélée par l'examen microscopique, n'est pas un résultat de l'inertie fonctionnelle à laquelle le membre correspondant aura pu être condamné par le fait de la lésion articulaire. Cette hypothèse devra être reje-tée, car d'un côté, dans nos deux cas, les membres où siégeaient les arthropathies avaient conservé, en grande partie, la liberté de leurs mouvements et, d'un autre côté, la lésion de la sub-stance grise différait essentiellement ici de celle qui se produit
1. Voir Gharcot et Joffroy. — Note sur une lésion de la substance grise de la moelle épinière, observée dam un cas d'arthropathie liée à l'ataxie locomo-trice progressive. In Archiv. de physiologie, t. III. p. 306, 1870.
après l'amputation d'un membre ou la section des nerfs qui s'y rendent.
Par ce qui précède, j'espère avoir rendu au moins très vrai-semblable que, en s'étendant de proche en proche, jusqu'à cer-taines régions des cornes antérieures de la substance grise, le processus inflammatoire, primitivement développé dans les cor-dons postérieurs, a pu, chez nos deux malades, occasionner le développement de l'affection articulaire. Si, par la suite, les ré-sultats obtenus dans ces deux cas sont confirmés par de nou-velles observations, on sera naturellement conduit à admettre que les arthrites liées à la myélite, et celles qui se montrent en conséquence du ramollissement du cerveau, résultent, elles aussi, de l'envahissement de ces mêmes régions de la substance grise de la moelle épinière. Dans le cas où il s'agit du ramollis-sement cérébral, la sclérose descendante de l'un des cordons latéraux de la moelle pourrait être considérée comme le point de départ de la diffusion du travail inflammatoire.
MM. Patruban (1), Remak (2), et tout récemment M. Rosen-thal (3) ont observé dans Y atrophie musculaire progressive des arthropathies, qui, par leurs caractères cliniques, se rappro-chent beaucoup de l'arthropathie des ataxiques, Il n'y a là rien qui doive surprendre, si l'on songe qu'une lésion irrita-tive, primitive ou secondaire, des cellules nerveuses descornes antérieures de la substance grise spinale, paraît être le point de départ de l'amyotrophie dans la majorité des cas qu'on désigne d'habitude, en clinique, sous le nom d'artrophie musculaire progressive.
Je m'arrête ici, pour aujourd'hui, dans cette étude que je compte terminer, Messieurs, dans la prochaine conférence.
1. Patruban. — Zeitschrift fur prakt. Heilkunde, 1862, n° 1.
2. Remark. — Allgemeine mediziniche central Zeitung, mars 1863, kO st.
3. Rosenthal. — Lerhbuch der Nerveukrankheiten, p. 571. Wien, 1870. — Voir aussi Benedikt. —Eleklrothérapie, t. II, p. 384.
QUATRIÈME LEÇON
Troubles trophiques consécutifs aux lésions de la moelle épinière et du cerveau (suite et fin). — Affec-tions des viscères. — Partie théorique.
Sommaire. — Hypérémies et ecchymoses viscérales consécutives aux lésions expérimentales de diverses parties de l'encéphale, et à l'hémor-rhagie intra-encéphalique. — Expériences de Schiff et de Brown-Sé-quard: observations personnelles. — Ces lésions paraissent dépendre de la paralysie vaso-motrice: elles doivent former une catégorie à part. — Opinion de Schrœder van der Kolk, relative aux rapports qui exis-teraient entre certaines lésions de l'encéphale et diverses formes de la pneumonie, la tuberculisation pulmonaire. — Hémorrhagies des cap-sules surrénales dans la myélite. — Néphrite et cystite consécutives aux affections spinales irritatives, à début brusque, traumatiques ou spontanées. — Altération rapide des urines dans ces circonstances ; elle se manifeste souvent dans le temps môme où les eschares se dé-veloppent à la région sacrée ; elle se rattache aux lésions des voies uri-naires qui. elles-mêmes, relèvent d'une influence directe du système nerveux.
Théorie de la production des troubles trophiques consécutifs aux lésions du système nerveux. — Insuffisance de nos connaissances à cet égard. — Pa-ralysie des nerfs vaso-moteurs; hypôrémie consécutive; elle ne produit pas de troubles trophiques. — Exceptions à la règle. — Irritation des nerfs vaso-moteurs; l'ischémie qui en résulte ne paraît pas avoir d'influence; marquée sur la nutrition locale. — Nerfs dilatateurs et nerfs sécréteurs ; recherches de Ludwig et de Cl. Bernard ; analogies entre ces deux ordres de nerfs. — Application à la théorie des nerfs trophiques. — Théorie de Samuel ; exposé ; critiques. — Conclusions.
Messieurs,
Le retentissement des lésions du système nerveux ne se fait pas sentir seulement sur les parties périphériques : sur la peau, les os, les muscles. Les viscères, eux aussi, peuvent être in-fluencés par ces lésions.
On sait que certaines altérations de l'encéphale, celles surtout qui portent sur les couches optiques, les corps striés, et en par-ticulier les diverses parties de l'isthme, que ces altérations soient le fait de l'expérimentation ou qu'elles se soient produites spontanément, sont parfois suivies de l'apparition de certaines lésions viscérales.
Ainsi.dans quelques expériences deM.Schiff(l)etdeM.Bro\vn-Séquard (2), il est fréquent de voir survenir dans les poumons, l'estomac et les reins, soit une simple hypérémie, soit de véri-tables ecchymoses, consécutivement à l'irritation traumatique des couches optiques, des corps striés, de la protubérance, du bulbe, etc. D'un autre côté, ainsi que je l'ai fait remarquer, rien n'est plus commun que de rencontrer chez l'homme, dans les cas d'apoplexie symptomaùque du ramollissement du cerveau, mais surtout de l'hémorrhagie intra-encéphalique en foyer, des plaques congeslives, de véritables ecchymoses sur les plèvres, l'endocarde, la membrane muqueuse de l'estomac (3).
Quelle est la raison de ces altérations singulières ? M. Schiff n'hésite pas à les considérer comme les effets très simples de la paralysie des nerfs vaso-moteurs.
Je suis,pourmon compte,très enclin à croire que,en général, le mode pathogénique est ici plus complexe. Cependant, l'in-fluence pour ainsi dire directe de l'hypérémie neuro-paralytique sur le développement des ecchymoses, chez les apoplectiques, semble bien établie par le fait suivant, que j'ai communiqué à la Société de biologie en 1868: Une femme de la Salpêfrière fut frappée d'apoplexie avec hémiplégie du côté gauche et suc-comba quelques jours après. Les membres paralysés avaient
1. M. Schiff. — Gaz, hebdomadaire, t. 1, p. 428. —Lezioni di Fisiologia sperimentale sulsystémo nervoso encefalio, pages 287,297,373. Fircnze. 1866. — Leçons sur la physiologie de la digestion, t. II. p. 433. Florence 1867.
2. Société de biologie, 1870. 3. —Ibiden, 18 juin 1869. Paris, 1870.
présenté une élévation relative très prononcée de la tempéra-ture, A l'autopsie, on trouva dans l'hémisphère droit un foyer hémorrhagique récent, occupant le corps strié. L'aponévrose épicrânienne présentait du côté gauche,c'est-à-dire frappé d'hé-miplégie, une teinte rouge vineuse, et, çà et là, de véritables ecchymoses.
La coloration anormale, ainsi que les ecchymoses s'arrêtaient brusquement à la ligne médiane. La moitié droite de l'épicrâne, au contraire, avait conservé sa pâleur habituelle : on n'y obser-vait pas traces de taches ecchymotiques. Des ecchymoses se voyaient dans l'épaisseur des plèvres, de l'endocarde et de la membrane muqueuse de l'estomac (1).
Quoiqu'il en soit, les lésions viscérales dont il s'agit diffèrent par des caractères importants de celles qui font l'objet principal de nos études; ce sont, nous l'avons dit, des hypérémies, des ecchymoses ; jamais les caractères de l'inflammation ne s'y surajoutent sans l'intervention d'une cause accessoire, ce qui n'est nullement nécessaire, vous le savez, dans le cas des lé-sions trophiques ordinaires. Il y a donc lieu, quant à présent, de ranger dans une catégorie à part, du moins provisoirement, ces congestions et ces ecchymoses qui se montrent consécutive-ment à la lésion de diverses parties de l'encéphale.
D'un autre côté, quelques auteurs, Schrœder van der Kolk entre autres, ont émis l'opinion que les diverses formes de la pneumonie, et même la fuberculisation pulmonaire, qui sur-viennent fréquemment, comme on sait, dans le cours de cer-taines affections encéphaliques, dérivent en pareil cas, d'une influence exercée sur les poumons par les lésions du cerveau ou du bulbe. Mais il faut reconnaître que les faits sur lesquels
1. Société de Biologie, année 1868. Paris, 1869, p. 213.
repose cette prétendue connexité ne sont pas encore suffisam-ment démonstratifs (1).
Les lésions spinales, de même que les lésions de l'encéphale, peuvent être suivies delà production d'ecchymoses viscérales, ïl me suffira de rappeler que si, chez un cochon d'Inde, on lèse à l'aide d'un instrument piquant la moelle lombaire, il se produit quelquefois un épanchement de sang dans les capsules surrénales (2). J'ai cru devoir vous remettre en mémoire cette ex-périence deM. Brown-Séquard, parce que lapathologiehumaine nous fournit des faits analogues. Tout récemment, mon ami le docteur Bouchard m'a fait part d'un cas de myélite aiguë ob-servée dans le service de M. le professeur Béhier, et prompte-ment terminée par la mort. A l'autopsie, outre les lésions de la myélite partielle, on constata, dans 1' épaisseur des capsules sur-rénales, l'existence de foyers hémorrhagïques récents.
Mais, je le répète, les lésions congestives et ecchymotiques
1. Schrœder van der Kolk. — Atrophy of IheBrain. Sydenham Society, 1861. — L'auteur fait ressortir que, d'après ia statistique publiée clans son Traité de la moelle épinière, tous les épileptiques dont la langue étail mordue ont succombé par suite de phtisie, de pneumonie ou de marasme. Il ajoute que, suivant Durand-Fardel, les sujets atteints de ramollissement du cerveau meu-rent presque toujours d'une affection pulmonaire et il cite à ce propos une statistique d'Engel (Prager Vierteljahrschr., VII. Jahr. Bd. III), laquelle plaide dans le même sens, il rappelle les expériences déjà anciennes dans lesquelles Schiff aurait vu, chez le lapin, des tubercules (?) se développer dans le lobe supérieur du poumon à la suite delà section du ganglion du nerf vague. (Wunderlich's Archiv, 6, Jahr. 8. heft. pp. 769 elsiiiv. et fait remarquer enfin que, parmi les observations rassemblées par Brown-Séquard dans ses Recher-ches sur la physiologie de la protubérance annulaire, (Journal de la physiologie t. I), il en est un certain nombre où la phtisie et la pneumonie ont déterminé la mort. Gruveilhier, Andral, Piorry avaient depuis longtemps signalé le rôle prédominant que jouerait, suivant eux, la pneumonie aiguë dans l'issue des apoplexies déterminées par le ramollissement ou l'hémorrhagie du cerveau. D'après les observations que j'ai recueillies à la Salpêtrièrc, les inflammations lobulaires ou lobaires du poumon seraient moins fréquentes dans ces circons-tances que ces médecins ne semblent le croire.
2. Brown-Séquard. —¦ Influence d'une partie de la moelle épinière sur les capsules surrénales. (Compt. rendus de la Soc. de Biologie, 1851, t. Ilf. p. 146).
paraissent être d'un ordre à part. En revanche, les affections des reins et de la vessie sur lesquelles je veux actuellement appeler votre attention, se rattachent, par l'ensemble de leurs caractères au groupe des lésions trophiques proprement dites.
Vous n'ignorez pas que la néphrite et la cystite sont des complications très communes des affections spinales irritatives, à début brusque, qu'elles soient d'origine traumatique, ou au contraire spontanées.
On a depuis longtemps reconnu qu'à la suite des fractures de la colonne vertébrale, avec lésion consécutive de la moelle épinière, les urines subissent fréquemment une altération ra-pide. Dupuylren a fait remarquer, vous le savez qu'en pareil cas, les sondes mises à demeure pour remédier à la ré-tention d'urine, se recouvrent rapidement d'incrustations cal-caires (1). Mais c'est àBrodie surtout qu'on doit d'avoir appelé l'attention sur les caractères que présente l'urine chez les indi-vidus atteints de paraplégie traumatique (2). Dès le huitième, le troisième, le deuxième jour, il a vu les urines devenir alcalines, répandre une odeur ammoniacale, fétide, au moment de l'émis-sion. Bientôt après, elles renferment des caillots sanguins, du muco-pus, des dépôts de phosphate ammoniaco-magnésien. On relèverait aisément clans les auteurs un très grand nombre de faits où les altérations de l'urine signalées par Brodie se sont produites, en effet, dès les premiers jours qui suivent la para-plégie déterminée par unefracture de la colonne vertébrale (3). L'autopsie fait constater dans ces cas les lésions plus ou moins prononcées de la néphro-cystite purulente (4).
1. Olivier (d'Angers), foc. cit., t. I, p. 372.
2. Brodie. — Medic. chir. Trans., loc. cit.
3. Voir Stanley. 1er cas : Urines fortement ammoniacales dès le cinquième jour; — 2e cas : urines ammoniacales le quatrième jour (Lond. Med. chir. Trans., t. XVIII, p. 1). — Jeffreys, urines ammoniacales et sanguinolentes, le septième jour (Olivier (d'Angers), loc. cit., t 1, p. .'522 .
4. Molendrinski. — liruch des zvoeiten Lendenicirbels, in Lançienbeck's Archir. XI, Bd. 1869, p. 359.
Ciiaiicot. Œuvres complètes, t. r. 9
Mais les lésions traumatiques de ce genre sont, en général, peu propres à mettre en lumière la relation qui existe entre Tinflammation des voies urinaires et les altérations de la moelle épinière. On peut toujours supposer, à la rigueur, qu'une chute, qu'une commotion assez violente pour produire une fracture de la colonne vertébrale, ont pu, du môme coup, déterminer les lésions vésico-rénales.
11 n'en est plus de même lorsqu'il s'agit d'une affection déve-loppée spontanément dans la moelle épinière, ou encore d'une blessure déterminée dans cet organe par un coup porté à l'aide d'un instrument aigu. Or, même dans les cas de ce genre, il est fréquent de constater, peu de temps après le début des premiers accidents paralytiques,une modification plus ou moins profonde dans la constitution des urines,# liée à des altérations néphro-vésicales souvent très graves. Je me bornerai à men-tionner à titre d'exemple, les faits suivants :
Dans un cas, cité précédemment, d'hémiparaplégie produite par un coup de couteau, les urines se montrèrent alcalines dès le troisième jour ; peu après, elles devinrent muco-purulentes. La mort survint le treizième jour.
A l'autopsie, on trouva dans les reins, les uretères et la vessie, des lésions phlegraasiques très accentuées (1). Dans un cas analogue rapporté par M. Brown-Séquard, d'après le doc-teur Maunder (2), les urines furent trouvées alcalines également fort peu de temps après l'accident. Les faits de cette espèce sont très intéressants en ce qu'ils montrent qu'une lésion uni-latérale, très circonscrite, de la moelle épinière, suffit pour dé-terminer une affection plus ou moins grave et plus ou moins généralisée des voies urinaires.
Également dans la myélite aiguë spontanée, à début brusque,
1. Cas de W. Muller. Voir : Leçon 111% p. 105.
2. Journal de physiologie, t. VI, p. 152, 1803.
et dans l'hématomyélie, l'apparition d'urines ammoniacales, sanguinolentes, muco-purulenLes, peu de temps après l'appa-rition des symptômes paralytiques, est un fait qui s'observe fréquemment. Ainsi les urines étaient déjà profondément alté-rées dès le cinquième jour dans le cas de myélite aiguë que nous avons cité d'après le docteur Duckworth (1) ; dès le sixième jour dans celui de M. Joffroy (2). Elles étaient ammoniacales le quatrième jour, dans le cas du docteur Gull (3) ; sanguinolentes le troisième jour, et purulentes le neuvième, dans un cas de M. Mannkopf (4).
Dans le cas d'hématomyélie publié par M. Duriau (a), l'urine était ammoniacale et contenait des caillots sanguins le qua-trième jour ; elle présentait le même caractère le sixième jour et devint peu à peu purulente, dans un fait rapporté parOlli-vier (d'Angers) d'après Monod(6), et où il s'agit d'une hémipa-raplégie consécutive à la présence d'un foyer hémorrhagique occupant une moitié latérale delà moelle épinière, vous trou-verez, dans l'ouvrage de M. Rayer, la description des lésions souvent très profondes des reins, des bassinets et de la vessie, auxquelles doivent' être rattachées ces altérations de l'urine (7).
Plusieurs des observations qui viennent d'être citées con-tiennent un renseignement dont l'importance ne saurait vous
1. Leçon IIP, p. 108. —2. Id., p. 108. —3. Id., p. 108.
4. Berliner Klin. Wochenschrift, t. I, n° 1, 1864.
5. Leçon IIP, p. 109. —6. Ollivioi' (d'Angers), loc. cit., t. II, p. 177.
7. Rayer. — Traité des maladies des reins, t. I, p. 530 et suiv. « D'après mes observations », dit Rayer, « dans les maladies de la moelle épinière, lorsque l'urine contenue dans la vessie est alcaline, elle l'est, non par l'effet d'une décom-position difficile à expliquer sans le contact de l'air, et dans un court laps de temps, mais bien par un vice de sécrétion des reins, qui doit être attribué, dans la plupart des cas, à une irritation inflammatoire de ces organes. — Relative-ment à la description des altérations des voies urinaires consécutives aux affec-tions aiguës de la moelle, consultez : Engleken, loc. cit., p. 12. — Mannkopf. Berichl ueber die Versammlung zu Hannover, p. 259; et Berlin. Kiin.Woch., t. I. Comparez: Rosenstein. — "Nierenkrankheitein,2« édil.. p. 287. Berlin, 1870.
échapper. Il y est dit que les urines, jusque-là restées normales, sont devenues, ainsi que je l'annonçais, ammoniacales, sangui-nolentes ou muco-purulentes, dans le temps môme où les es-chares se développaient à la région sacrée, où la contractilité électrique commençait à s'affaiblir dans les muscles des membres paralysés (1).
Comment comprendre ce développpement si rapide de lésions inflammatoires des voies urinaires à la suite des affections aiguës, spontanées ou traumatiques de la moelle épinière? Évidemment, on ne saurait faire intervenir, ici, du moins comme élément pathogénique unique, ou même prédominant, la rétention paralytique des urines. Il n'est guère possible non plus d'accorder une grande valeur à l'opinion (2) qui attribue-rait, en pareil cas, l'altération des urines à l'introduction de sondes malpropres et portant des vibrions. En effet, l'introduc-tion des vibrions dans la vessie ne saurait être qu'une circons-tance aléatoire, tandis que l'apparition d'urines ammoniacales, sanguinolentes et purulentes, dans le cours de la myélite aiguë, est, au même titre que la production des eschares, un fait pour ainsi dire régulier.
L'insuffisance notoire des conditions pathogéniques que nous venons d'énumérer rend au moins fort vraisemblable une ac-tion directe du système nerveux dans la production de l'affec-tion des voies urinaires qui nous occupe. Celle-ci reconnaîtrait donc pour cause, comme d'ailleurs les autres lésions trophiques qui se manifestent souvent en même temps qu'elle, l'irritation de certaines parties du centre spinal et plus particulièrement, sans doute, de la substance grise.
1. Ollivier (d'Angers) avait déjà noté, que dans la paraplégie traumatique, c'est lorsque les urines s'altèrent de bonne heure qu'on voit les eschares se former rapidement à la région sacrée (Loc. cit., t. II, p. 37).
2. Traube. —Munck. Berliner Klia. Wochensch., p. 19, 1864.
PARTIE THÉORIQUE
Messieurs, dans la série d'études qui précède, nous avons eu maintes fois l'occasion de reconnaître que le développement des troubles trophiques survenant à la suite des lésions du système nerveux n'est pas, au moins en général, — contrairementàune opinion très répandue — le résultat de l'absence d'action des diverses parties de ce système ; loin de là, ces affections se-raient, leplus souvent, la conséquence de l'irritation que subis-sent, dans certaines conditions, soit les nerfs périphériques, soit les centres nerveux eux-mêmes. Nous sommes ainsi en possession d'une notion dont l'importance est capitale pour le pathologiste, et vous entrevoyez facilement, sans qu'il soit nécessaire d'insister, les déductions pratiques auxquelles elle pourra conduire.
Mais il faut reconnaître, après cela, que cette notion toute empirique, marque seulement le premier pas vers la connais-sance scientifique des phénomènes que l'observation nous a permis de constater. Car si nous savons le mode de l'altération initiale ainsi que son siège, il reste à déterminer d'abord par quelle voie celle-ci retentit sur les parties périphériques.
Evidemment, ce retentissement se fait par la voie des nerfs, mais c'est là encore aupointde vue de la théorie, une donnée insuffisante. Il faudrait s'efforcer de préciser davantage et de rechercher quel est, dans cet ensemble complexe, physiologi-quement au moins, qu'on appelle un nerf, l'élément par lequel s'opère la transmission et aussi quel est le mécanisme de cette transmission.
J'aborde la question que je viens de soulever avec la certi-tude à peu près absolue de ne pouvoir y répondre par des argu-ments rigoureux, peut-être l'eussé-je évitée, désireux de ne point vous faire perdre un temps précieux, si je n'étais con-
vaincu qu'il importe tout au moins de montrer l'inanité d'une théorie qui prétend la résoudre et qui règne aujourd'hui à peu près sans conteste.
Vous n'ignorez pas, Messieurs, le rôle considérable que, de nos jours, on a fait jouer aux nerfs vaso-moteurs dans l'expli-cation des phénomènes pathologiques. Je suis bien loin de vouloir méconnaître que bon nombre de ces phénomènes relè-vent, en effet, directement, soit de la dilatation,soit de la con-traction des petits vaisseaux déterminées par une influence nerveuse. Mais en ce qui concerne spécialement les troubles trophiques qui font l'objet de nos études, j'espère qu'il ne sera pas difficile de montrer dans une courte discussion que la théorie vaso-motrice est tout à fait insuffisante.
Pour en arriver là, je suis amené à vous remettre en mémoire quelques-uns des faits expérimentaux qui ont dévoilé les fonc-tions de ces nerfs centrifuges dont les dernières ramifications vont animer latunique musculeuse des petits vaisseaux. Je rap-pellerai, en premier lieu, les phénomènes qui s'observent lorsque ces nerfs sont paralysés par le fait d'une section complète, par exemple.
La section des nerfs vaso-moteurs a pour effet immédiat de produire une dilatation paralytique des vaisseaux auxquels ils se rendent(1). Delà résulte un état d'hypérémie dite neuro-pa-ralytique qui a été surtout bien étudiée dans le cas de lasection du nerf grand sympathique du cou, mais qui se retrouve avec des caractères à peu près identiques, à la suite d'un grand nom-bre de lésions des centres nerveux ou des nerfs périphériques. Les conséquences de cette hypérémie sont, à notre point de vue, particulièrement dignes d'intérêt. Vous savez que la partie ré-pondant au nerf sectionné présente une élévation relative de la
1. Consultez, sur la physiologie et la pathologie des nerfs vaso-moteurs, les Le-çons sur l'appareil vaso-moteur, faites par M. le prof. Vulpian, recueillies par C. Carville. Paris, 1875. (Note de la 2e édition.)
tempéraLure, qui paraît résulter uniquement de l'afflux d'une plus grande quantité de, sang. Vous savez qu'en outre, dans toute l'étendue du territoire hypérémié, il semble se produire une exaltation des propriétés vitales de tous les éléments, de tous les tissus. Tout au moi ns les nerfs tan t se nsitifs que moteurs, les muscles eux-mêmes deviennent-ils plus excitables (1) et ces derniers, après la mort, conservent plus longtemps que de cou-tume, la contractilité qui leur est propre (2). Néanmoins, malgré ces conditions nouvelles, —et c'est là un point qu'il importe surtout de mettre en relief— l'accomplissement des actes inti-mes de la nutrition ne paraît modifié en rien d'essentiel. Ainsi, dans les expériences de M. Ollier (3), conformes àcellesdeM. Cl. Bernard, on ne voit point chez les jeunes animaux, après la sec-tion du grand sympathique au cou, survenir: soit une accéléra-tion, soit une exagération dans l'accroissement des parties de la face soumises, même pendant plusieurs mois, à l'hypérémie neuro-paralytique. Il neparaîtpasnon plus que cette hypérémié quelque intense et quelque prolongée qu'elle puisse être, ait jamais pour effet, — àmoins de circonstances toutes particulières qui seront mentionnéesplusloin—de déterminer par elle-même le développement d'un travail inflammatoire, et si l'expérimen-tateur intervient à l'aide d'agents capables de provoquer l'in-flammation,leprocessusmorbide,déterminépar cette influence, évolue dans les parties hypérémiées, comme dans les condi-tions normales : il n'offre pas de caractères spéciaux, si ce n'est, toutefois, que les parties lésées tendent à se réparer plus promptement.
A la vérité, relativementà ces derniers points, M. Schiff pro-fesse une opinion bien différente. Il affirme, en effet, que les altérations de nutrition naissent dans les parties hypérémiées
1. Brown-Séquard, — Lectures on Physiology and Pathology. Philadelphia, 1860. — 2. Brown-Séquard. loc. cit. — Joseph, in Centralblatt, 1871, n° 46-3. Ollier. — Journal de physiologie, t. VI, p. 108.
par le fait de la paralysie des vaso- moteurs, sous l'influence du plus légerirritantmécanique local (1 ) et que l'inflammation revêt là facilement le caractère destructif (2). Mais il se trouve à cet égard en contradiction formelle avec la majorité des obser-vateurs, entre autres avec MM. Snellen, Virchow (3) et 0. Weber (4).
Tout récemment encore, M. Sinitzin, après l'extirpation du ganglion cervical supérieur d'un côté, aurait vu l'introduction d'un petit fil de verre dans la cornée de ce même côté ne pro-duire qu'une réaction inflammatoire très légère, parfois même à peine sensible, tandis que, du côté opposé, chez le même ani-mal, l'introduction du fil déterminait, au contraire une inflam-mation des plus vives avec infiltration purulente de la cornée, iritis, panophtalmic, etc. (5).M. Claude Bernard avait d'ailleurs fait remarquer depuis longtemps déjà que l'ablation du ganglion cervical supérieur parait retarder l'apparition des désordres de nutrition que détermine quelquefois dans l'œil la section de la 5e paire(6) et, dans ses expériences, M. Sinitzin est arrivé aux mêmes résultats. Vous voyez d'après cela que, contrairement à l'opinion de M. Schiff, l'hypérémie neuro-paralytique ne crée pas, dans les parties où elle siège, une disposition particulière à la production des troubles trophiques : il semble même qu'au contraire ces parties soient rendues plus résistantes à l'action des causes de désorganisation et que les désordres qui s'y produisent y soient plus vite réparés.
Chez l'homme, à cet égard, les choses semblent ne pas diffé-rer de ce qu'elle sont chez les animaux , du moins, on a vu
1. Schiff. — Physiologie de la digestion, t. I, p. 235. Lezioni di ftsiologia. 1886, p. 35. — 2. Schiff. — Digestion, t. II, p. 423, Firenze.
3. Virchow. — Cell.patholog., 4e édition, p. 158.
4. 0. Weber. — Cenlralblatt, 1864, p. 148.
5. Sinitzin. — Centralblatt, 1871, p. 161.
6 Cl. Bernard, — Système nerveux, t. Il, p. 65, 1865.
plusieurs fois l'hypérémie neuro-paralytique persister pendant longtemps sur une partie du corps, à la face par exemple, sans qu'il s'en soit jamais suivi aucun trouble de la nutrition. M. Perroud a réuni un certain nombre,de cas de ce genre dans un mémoire lu, en 1864, à la Société de médecine de Lyon ; il suffit d'ailleurs de parcourir les nombreux travaux qui ont été publiés dans ces dernières années sur \es.Anr/ioneuroses, pour reconnaître que les troubles de nutrition sont-un accompa-gnement plutôt rare de l'hypérémie neuro-paralytique.
Un nouvel argument peut être invoqué en faveur de la thèse que nous soutenons : L'élévation de la température, constatée à l'aide du thermomètre, est, nous l'avons dit, un phénomène indissolublement lié à l'existence des hypérémies partielles de cause neuro-paralytique. Cette hyperthermie locale de-vrait nécessairement exister dans les parties où se mon-trent les lésions trophiques que nous avons décrites, si celles-ci relevaient réellement le l'hypérémie neuro-para-lytique. Or, cela n'a pas lieu, d'une façon générale au moins. Si une élévation marquée de la température a été plusieurs fois constatée sur les régions du corps où se développait une éruption de zona consécutive à la névralgie ou à la né-vrite (1), on peut dire cependant que les lésions irritatives des nerfs périphériques, dans les conditions où elles déterminent ordinairement les troubles trophiques, paraissent s'accompa-gner plutôt d'un abaissement du chiffre thermique. Cet abais-sement a pu être observé à toutes les périodes de l'affection du nerf; on l'a constaté aune époque voisine du début (2), plus souvent dans les périodes avancées (3). Pour ce qui a trait aux
1. Horner, cité par 0 XVyss. Archiv. der Heilkunde, 1871 ; voir la note p.563 . — Charcot, Névralgie du nerf cubital. Éruptions de Zona sur le trajet du nerf affecté; examen thermoméh'ique,àyns\a. thèse de Mougcot.Paris, 1869, p. lit.
2. Folct. — Cas de contusion du plexus brachial, observé par M. Lannelon-yue. (Etude sur lu température des parties paralysées. Paris, 1867, p. 7. ;
3. Ilutchinsun, loc. cil. — Earlc, in Med. chir. Transacl., vol. VII, p. 173,
lésions spinales, il est vrai que parfois les membres sur lesquels se développent les troubles trophiques — atrophie musculaire rapide,éruptions huileuses, eschares,—accusentuneélévation plus ou moins prononcée de la température (1 ). Mais d'autrefois, le plus souvent peut-être, ce phénomène fait défaut; il en est ainsidanslamyélitepartielle(2),et dans la paralysie infantile (3), il en est de même dans les cas à évolution, lente comme l'a-trophie musculaire progressive, par exemple (4). Vous voyez, d'après ce qui précède, que les troubles trophiques liés aux lésions irritatives des centres nerveux se trouvent au moins dans un bon nombre de cas, dégagés de l'élévation de la tempé-rature qui devrait, je le répète, nécessairementse.montrer tou-jours présente, s'ils reconnaissaient en réalité pour origine l'hypérémie consécutive à la paralysie des nerfs vaso-moteurs.
L'hypérémie neuro-paralytique et la production des troubles trophiques sont donc, dans les conditions communes, des phé-nomènes indépendants l'un de l'autre. Mais, cmme n ous le faisions ressortir tout à l'heure, il est telle circonstance où contrairement à la règle ordinaire, la nutrition locale peut éprouver une atteinte sérieuse, parle seul fait que la partie se trouve soustraite à l'innervation vaso-motrice : c'est l'expéri-
1816 ; — Yellowly, id., t. Ht : W. -B Woodman in Sydenham Soc. Transla-tion of Wundcrlich : On température in Diseases,y. 152 : — W. Mitchell, In-juries of Nerves. Philadclphia, 1872, p. 175. Dans deux cas de plaie du nerf avec glossy skin, la région occupée par la lésion trophique était de 1 à 2 degrés plus chaude que la région correspondante du membre sain. Mais au-dessus de ce point, le thermomètre marquait sur le membre malade un degré de moins que sur le membre sain. — H. Fischer. Ueher trophische Stœrungen nach Nerven-verletzungen an denExtremitaten in Berlin. Klin. Wochensch., 1871, n° 13. La température des membres sur lesquels se produisent les troubles trophiques les plus divers est d'abord plus élevée que sur les menbres sains ; plus tard elle est relativement abaissée, mais il y a beaucoup d'exceptions à cette règle.
1. Levier, dans un cas d'hématomyélie, loc. cit.
2. Mannkopf, loc. cit.
8. Duehenne de Boulogne , loc. cit. 3e édition, p. 398.
4. Landoisund Mosler, in Berliner Klinisch. Wochensch.. 1868, sa. 45.
menlation le démontre, lorsque l'organisme tout entier est soumis à l'influence de causes puissantes de débilitation. Ainsi, un animal vigoureux a depuis longtemps subi, d'un côté, la section du grand symphatique au cou; cependant, jusque-là, la nutrition n'a nullementsouffert dans les parties qui répondent à la distribution périphérique du nerf coupé. L'animal tombe ma-lade ou on le prive de nourriture: alors le tableau change tout à coup, et l'on voit, dit M. Claude Bernard, des phénomènes inflammatoires se développer sur le côté de Jaface correspon-dant à la lésion expérimentale ; de ce côté, même sans l'inter-' vention d'un agent extérieur quelconque, la conjonctive, la membrane pituitaire, entrentrapidement en suppuration (1). Il est permis de supposer que les animaux chez lesquels M. Schiff a vu des lésions trophiques survenir consécutivement à l'hypé-rémie neuro-paralytique, sous l'influence du plus léger irritant mécanique, se trouvaient dans les conditions de débilitation signalées par M. Claude Bernard. Chez l'homme, le même con-cours de circonstances devait nécessairement déterminer des effets analogues à ceux observés chez les animaux et l'on peut se demander si quelques-uns de nos troubles trophiques ne se produisent pas en réalité de cette façon. Tel est peut-être le cas du décubitus aigu des apoplectiques ; ici, en effet, l'état géné-ral est des plus fâcheux et l'eschare fessière occupe précisément le côté du corps qui, en vertu de ia paralysie motrice, présente une élévation relative de la température, évidemment liée à l'hypérémie vaso-motrice (2). Quoi qu'il en soit, cette interpréta-tion pathogénique ne saurait avoir qu'une application très limitée, car le décubitus aigu par lésion des centres nerveux peut se produire dans maintes circonstances, à la suite des lé-sions hémilaférales de la moelle épinière, par exemple (3), sur
1. CT. Bernard. — Physiologie du système nerveux, 1. II, p. 535. Paris, 1858. — Med. Times and Gazette, p. 79, t. II, 1861.
2. Leçon IIIe, p. 98. —3. Leçox IIP, p. 105.
des parties du corps où l'innervation vaso-motrice n'estpas vi-siblement affectéeeten dehors de tout symptôme révélant une dépression profonde de l'organisme.
Il y a lieu de rechercher maintenant si l'irritation des nerfs vaso-moteurs peut rendre compte des phénomènes que n'expli-quentpas la paralysie de ces mômes nerfs. Prenons d'abord l'irri-tation expérimentale. L'ischémie partielle, plus ou moins accen-tuée, tel est le résultat le plus saillant de cette irritation; elle peut être poussée assez loin pour qu'une piqûre pratiquée à la peau ne donne pas même une goutte de sang (1). Les parties dans lesquelles le spasme vasculaire entrave ainsi la circulation, pâlissent et se refroidissent; l'activité vitale s'y amoindrit ; l'exitabilité des muscles, celle des nerfs, descendent au-dessous du taux normal (2). On est naturellement porté à croire que des lésions nutritives profondes, accusées dans le sens de lanécro-biose ou du sphacèle, devraient nécessairement résulter de la prolongation d'un tel état. Mais il importe de remarquer qu'il s'agit là, ordinairement, d'un phénomène temporaire,persistant au plus pendant quelques heures. Car, par le fait même de la prolongation de l'irritation, l'activité du nerf semble s'épuiser et l'hypérémie,en général, succède bientôt à l'anémie, (S).Tou-tefois, en reproduisant à de courts intervalles l'irritation des nerfs vaso-moteurs, on peut réussir à faire prédominer durant un certain temps l'état d'ischémie. Je ne crois pas pourtant que, par ce procédé, on soit parvenu jamais à produire expéri-mentalement une lésion trophique quelconque. M. 0. Weber qui, àl'aide d'un appareil ingénieux, dit avoir obtenu, pendant près d'une semaine, une irritation du grand sympathique cer-vical, pour ainsi dire permanente et marquée par un abaisse-ment de 2°C. n'a pas vu survenir, dans le côté correspondant
1. Brown-Séquard. — Course of Lectures, etc., p. 147, Philadelphia.
2. Brown-Séquard, toc. cit., p. 142.
3. Wallcr.*— l'roc.Iioij. Soc, London, vol. II, 1860-72, p. 89 et scq.
de la face, la moindre trace d'un trouble de nutrition (1). Les faits relatifs àlapathologie humaine témoignent dans le même sens. Ainsi, il n'est pas rare de rencontrer dans certains cas d'angio-neuroses, chez les hystériques par exemple, une ischémie par-tielle très prononcée et très persistante : les troubles trophiques nesemontrentcependantjamais en pareil cas (2). Quant aux faits de gangrène spontanée qui ont été rattachés à un spasme vas-culaire,ils n'auraient pas, si j'en juge d'après mes observations, la signification qui leur a été prêtée, car, dans tous les cas de ce genre qu'il m'a été donné de rassembler, j'ai trouvé le calibre des vaisseaux rétréci par le fait d'une altération des parois arté-rielles ou obstrué par un thrombus (S).
D'après tout ce qui précède, ce n'est pas, vous le voyez, à une affection, soit paralytique, soit irritative des nerfs vaso-moteurs proprement dits qu'il faudrait rapporter l'apparition des troubles trophiques qui surviennent en conséquence de lésions du système nerveux.
L'expérimentation physiologique, dans ces dernières années, a fait connaître l'existence de filets nerveux centrifuges dont l'irritation a pour effet de produire la dilatation des vaisseaux et conséquemment l'iiypérémie de la région dans laquelle ces nerfs se distribuent. Tandis que l'irritation des nerfs vaso-mo-teurs ordinaires produit l'ischémie, celle des nerfs dilatateurs détermine au contraire une hypérémie plus ou moins vive.
La corde du tympan peut être considérée, à l'heure qu'il est, comme le prototype des nerfs dilatateurs. Mais des nerfs doués de propriétés semblables existent à la face (4), dans le pénis(5),
1. O.Weber. — Centralblatt, n° 10,1864, p. 147.
2. Liégeois. — Société de Biologie, année 1859, p. 274. — Gharcot, in Mou-vement médical, 1872, n0" 25 et 26; P'e série, n° 1, nouv. série.
3. Voir la thèse de M. Benni. — Recherches sur quelques points de la gan-grené spontanée. Paris, 1867, obs. V, XI, XXII.
4. Gl.Bernard. —Revue scientifique, LU, 2e série, 1872. — Schiiï. — Diges-tion t. I, p. 252.
5. Nerfs érecteurs d'Eckhard : Beilrage zur Anal, iind Phys., t. IL — Leven, Berichl der Sachs. Ges., 1866.
dans l'abdomen (1 ). 11 en existe vraisemblablement encore sur bien d'autres points du corps.
On est loin d'être fixé relativement au mode d'action de ces nerfs. Voici comment, dans l'hypothèse adoptée par M. Cl. Ber-nard, ilfaut expliquer l'afflux du sang artériel, si remarquable, qui se fait dans la glande sous-maxillaire, sous l'influence de la corde du tympan. Suivant l'éminent physiologiste, l'irritation de ce nerf se transmettrait aux petits amas ganglionnaires qui sont distribués en grand nombre sur les extrémités nerveuses intra-glandulaires. Ceux-ci réagiraient à leur tour parune sorte d'interférence nerveuse (2) sur les filets nerveux du grand sym-pathique, nerf constricteur des vaisseaux, dontils paralyseraient l'action. Ainsi, la corde du tympan, et il faudrait, sans doute, en dire autantdetous lesautres nerfs dilatateurs, jouerait, à l'égard des nerfs vaso-moteurs, à peu près le rôle d'un nerf d'arrêt. Par conséquent, vous le voyez, le résultat de l'action des nerfs dila-tateurs, ne serait, en définitive, d'après la théorie, que la para-lysie vaso-motrice. Or, s'il est vrai que la paralysie vaso-mo-trice, alors même qu'elle est poussée très loin, comme cela a lieu par exemple dans le cas de la section complète des nerfs vaso-moteurs, n'est pas la cause des troubles trophiques, il ne saurait évidemment en être autrement de cette même paralysie produite sous l'influence de l'excitation des dilatateurs. Mais, ainsi que vous allez le reconnaître plus loin, Messieurs, le mode d'action des nerfs dilatateurs peut être envisagée à un point de vue tout différent.
Je vous rappellerai les expériences fondamentales de Lud-wig, relatives à l'influence de certains nerfs sur la sécrétion de la glande sous-maxillaire (3) .Malgré les critiques qui ont été
1. Cl. Bernard, loc. cit.
2. Cl. Bernard, loc. cit., p. 204.
3. Ludwig. — Mit th. der Zurich. Nalurforsch. 1851. — Zeitschr. f. rat. med. n., f., Bd.I, p. 255.— Wiener med. Wochenclcr., 18G0, X, n°28, p. 483. Voir aussi les travaux publiés par Ludwig en collaboration avec Bêcher, Rahn. Gianuzzi.
faites des conclusions que ce physiologiste célèbre a tirées de ses expériences, ces conclusions ne paraissent pas avoir été ébranlées. Je vous demande la permission d'entrer à ce propos dans quelques détails ; cela est tout à fait nécessaire pour le but que nous nous proposons.
Lorsque l'on irrite le bout périphérique du nerf qui se rend à la glande sous-maxillaire, nerf fourni, on le sait aujourd'hui, par la corde du tympan, on observe les phénomènes suivants : il se produit une sécrétion de salive très abondante ; la quantité peut en être si grande que, dans un court espace de temps, le volume de la salive rendue dépasse de beaucoup celui de la glande. Ce premier l'ait démontre qu'il ne s'agit pas ici. tout simplement, d'un phénomène d'excrétion, d'expulsion de la salive préalablement sécrétée.
D'après les vues de Stilling et de Henle, dominantes à l'épo-que où Ludwig a fait connaître ses premières recherches, on pouvait être tenté d'expliquer le phénomène sur lequel j'appelle votre attention, en admettant que le nerfglandulaire arrêté agit sur les veines de la glande et les fait se contracter. L'augmen-tation de la tension du sang consécutive à la contraction vei-neuse serait, dans cette hypothèse, la cause de l'accroissement de la sécrétion sali vaire. Mais Ludwig a montré que la ligature des veines, sans irritation concomitante du nerf glandulaire n'augmente pas la sécrétion de la salive. Cette seconde hypo-thèse doit donc être éliminée, elle aussi.
Mais peut-être l'irritation du nerf glandulaire qui a, vous le savez, pour effet d'amener la dilatation des artères, détermine-t-elle la sécrétion, par ce seul fait qu'elle exagère momentané-ment dans la glande l'afflux du sang artériel. Cet argument est invalidé par le résultat d'une expérience de Ludwig, laquelle montre que, pendant l'irritation du nerf, la pression manomé-triquedans le canal de Wharton est supérieure à la pression du
sang dans les conduits artériels. D'ailleurs, l'hypersécrétion sa-livaire par irritation de la corde du tympan se manifeste encore après la ligature des artères qui se rendent à la glande, sur un animal tué d'hémorragie ou même sur une tête détachée du corps. Ajoutons enfin ce fait très remarquable que la salive et le sang veineux qui sortent de la glande sous-maxillaire, dans le temps où le nerf glandulaire est soumis aux excitations, présentent, comme font montré MM. Ludwig et Spiess (1), une température plus élevée que le sang artériel entrant dans la glande (2).
D'après l'ensemble de ces résultats, il paraît évidentquel'in-fluence du système nerveux sur la sécrétion sous-maxillaire ne peut-être expliquée par de simples phénomènes de dilatation ou de constrictiondes vaisseaux, et Ton est amené à reconnaître que le nerf glandulaire possède une double propriété puisqu'en outre de son influence sur les vaisseaux dont il détermine la dilatation, il exerce une action immédiate sur les parties de la glande qui accomplissent le phénomène chimique cle la sécré-tion, ou, autrement dit, sur les cellules sécrétantes. Cette in-fluence du nerf sur- la sécrétion semble être d'ailleurs le fait fondamental, car elle se manifeste, en conséquence des excita-tions, alors même que les effets de la dilatation vasculaire con-comitante se trouve annihilés. Comme d'un autre côté, il ne paraît pas qu'on puisse, expérimentalement, supprimer isolé-ment l'action secrétaire, l'action dilatatricepersistantseule(3),il
1. Ludwig- und Spiess. — Sitzungsber. d. v. ak. Math. CL, 1857. B. d. XXV, p. 584.
2. Voir à ce propos une leçon de M. Vulpian, publiée dans la Revue des cours scientifiques. 3e année, 1865-1866, p. 741.
3. Par des expériences toutes récentes, M. Heidenbain serait arrivé cepen-dant à démontrer que, dans la corde du tympan, des fibres nerveuses différentes sont affectées à la sécrétion et à la circulation de ta glande sous-maxillaire. Il auraikvu chez des chiens curarisés, après l'injection dans la veine jugulaire, d'une dose d'atropine capable de paralyser complètement le filet cardiaque du nerf
est permis de supposer que celle-ci dérive de celle-là, à litre de conséquence plus ou moins directe.
11 y avait donc lieu de rechercher quel peut-être le lien qui rattache à l'excitation des éléments sécréteurs déterminée par l'excitation du nerf l'hypérémie qui suit cette excitation. Plu-sieurs physiologistes ont pensé qu'il s'agit ici d'une attraction que les éléments sécréteurs de la glande exerceraient sur le sang; « de sorte qu'à la force connue jusqu'à ce jour comme aidant le retour du sang en circulation vers le cœur et que l'on nomme vis à tergo, il faudrait ajouter une nouvelle force rétractive en corrélation avec la nutrition intime des éléments, force que plusieurs auteurs ontappeléeo'.SYi frou.te(ï). » Est-ce là une conception purement théorique, sans appui expérimen-tal, et destinée seulement à masquer notre ignorance? 11 n'en estrien; caries travaux de H. Wehert,Schuler, Lister, etc. (2), renferment de nombreux faits expérimentaux propres à mettre en lumière cette attraction que les tissus peuvent exercer, dans de certaines conditions, sur le sang en circulation. Je citerai deux faits de ce genre pris pour exemple, et dans les-quels le phénomène peut être étudié en dehors de toute in-tervention du système nerveux. Je les emprunte à une leçon professée au Muséum par M. Vulpian, sur la théorie des sé-crétions (3).
Si l'on coupe tous les nerfs d'un membre sur une grenouille, et si l'on détermine ensuite une excitation en plaçant une gout-telette d'acide azotique sur la peau d'une des lames membra-neuses interdigitales, il se produit en ce point, au bout d'un
vague, que l'excitation de la corde du tympan ne déterminerait plus la moindre sécrétion. Néanmoins, il y avait une accélération du courant veineux sanguin laquelle ne différait pas notablement de l'accélération déterminée par l'irritation de la corde, avant l'empoisonnement. (Archives de physiologie, 4 juillet 1872.
1. Vulpian. — Revue des cours scientifiques, t. lit, p. 744.
2. Voir 0. Weber. — Handbw/i der Chirurgie, I. I, p. 111.
3. Vulpian, toc. cit., p. 7415.
Charcot. Œuvres complètes, t. i. 10
certain temps, une congestion plus ou moins vive. Le second fait est péremptoire : l'œuf, au quatrième jour de l'incubation, présente une vascularisation très nette de la membrane ombi-licale. En ce moment, il ne saurait être question de la moindre influence nerveuse. Si l'on place une gouttelette de nicotine sur un des points de l'aire vasculaire, il se fait autour de ce point une vascularisation tellement abondante que presque tout le sang vient s'y rendre. A la vérité, cette hypérémie, cette stase par irritation des tissus se présente, au premier abord, avec je ne sais quel dehors d'une conception métaphysique. Mais il y a longtemps qu'on a cherché à donner du phénomène une inter-prétation fondée sur les données physico-chimiques. Ainsi, dès 1844, M. Draper (1) avait rappelé que lorsqu'un tube capillaire contient deux liquides de nature différente, si l'un des liquides a plus d'affinité chimique pour la paroi du tube que l'autre liquide, il s'ensuit un mouvement, lequel s'opère de telle façon que le liquide dont l'affinité chimique est le plus intense pousse l'autre devant lui. Le sang artériel ayant plus d'affinité pour les tissus que le sang veineux saturé des produits de désintégra-tion, il doit s'ensuivre que le sang veineux sera repoussé. Il suffirait, dans cette hypothèse, pour accroître l'intensité du mouvement, d'activer le processus chimique de la nutrition, et c'est ici que pourrait intervenir l'action des nerfs. Les phé-nomènes de stase ont pu être expliqués d'une façon analogue en faisant appel aux lois de l'osmose (stase sanguine par dif-fusion) (2).
Quoi qu'il en soit, quelle que puise être l'inlerprétation du phénomène, l'attraction que les tissus soumis à l'influence de certains agents exercent sur le sang, est, vous le voyez, un fait constaté expérimentalement, en dehors de l'action du système
1. Drapper, — A treatise on the Forces vuhich produce, etc. New-Vork, 1844. — Savoiy. — Bristish and foreign Review, t. XVI, 1855, p. 19.
2. 0. Weber, loc. cit.
nerveux. Pour appliquer maintenant cette donnée au cas de la glande sous-maxillaire, il suffit de reconnaître que le nerf glandulaire, soumis aux excitations, amène dans les cellules sécrétantes une modification de la nutrition intime : c'est en conséquence de ce changement qu'aurait lieu la dilatation vas-culaire.
L'anatomie semble, du reste, jeter un jour nouveau sur la question en montrant que les terminaisons des nerfs glandu-laires pénètrent jusque dans les cellules sécrétantes (1) M.Hei-denhain a même essayé de démontrer que la glande, dont les nerfs sont soumis à une irritation un peu prolongée, présente une constitution histologique différente, à quelques égards, de celle qu'offre la glande à l'état de repos. Les cellules anciennes, dites muqueuses, paraissent, en effet, après l'irritation, rempla-cées par des cellules jeunes de formation récente (2). Si les vues de M. Heidenhain venaient à être confirmées, il faudrait attri-buer au nerf une influence pour ainsi dire directe sur le déve-loppement des cellules glandulaires (3).
L'hypothèse qui vient d'être formulée, à propos des nerfs sécréteurs, peut s'étendre, suivant toute vraisemblance, aux autres nerfs, dans lesquels l'expérimentation physiologique a révélé la propriété de déterminer la dilatation des vaisseaux sous l'influence des excitations. Ces nerfs agiraient primitive-ment sur les éléments intervasculaires et y activeraient le mou-vement de composition et de décomposion nutritives. La dila-tation vasculaire s'ensuivrait, à titre de phénomène consécutif. A l'appui de cette vue, on peut invoquer, ici encore, les ensei-
t. E-F.- W. Pfluger. — Dus Nervengewebe der Speicheldrilse. {Stricher's Handbuch, t. I, p. 313).
2. Heidenhain. — Siudien desphysio logis chen Instituts, 3e Breslau, 1858, et Stricker's Handbuch, loc. ctï.,p. 330.
3. Suivant M. Ranvier ( Traduction de Frey. p. 437) et M. Ewald (Jahresber. t. I. 1870-1871, p. 55) les résultats obtenus par M. Heidenhain doivent être interprétés ainsi qu'il suit: Sous l'influence de l'irritation des nerfs glandulaires
gnemenls de l'anatomie qui, dans ces derniers temps, serait parvenue à suvire, au moins chez la grenouille, des terminai-sons nerveuses jusque dans les nucléoles des corpuscules de la cornée, et les cellules conjonctives de la membrane cligno-tante (1).
Il y a longtemps que M. Brown-Séquard a proposé cette inter-prétation (2) et M. Schiff semble s'y rattacher lorsqu'il reconnaît que « la dilatation active paraît être étrangère aux tuniques propres des vaisseaux et s'effectuer par l'intermédiaire des tis-sus intervasculaires(3) ».
L'excursion que nous venons de l'aire dans le domaine physio-logique avait pour but de recueillir, chemin faisant, des docu-ments que nous pouvons maintenantmettre à profit. 11 s'agit en effet d'arrêter un instant votre attention sur la théorie dite des nerfs trophiques qui, vous le savez, à défaut des autres hypo-thèses reconnues insuffisantes, a été quelquefois invoquée pour expliquer la production des lésions de nutrition développées par une influence du système nerveux. Or, dans cette théorie, telle du moins que l'a formulée M. Samuel, les nerfs supposés seraient, pour ainsi dire, construits sur le modèle des nerfs sé-créteurs en ce sens que, à l'exemple de ceux-ci, ils exerceraient, dans les conditions normales, une influence directe sur la nu-trition desparties où l'on suppose que leurs terminaisons ul-times vont se rendre. Leur rôle physiologique serait non pas
les cellules dites muqueuses perdraient tout simplement leur contenu de mucus et reprendraient l'aspect des cellules glandulaires pariétales. Il n'y aurait donc pas ici, comme le veut M. Heidenhain, formation de cellules nouvelles.
1. Voir Khùne : in Gaz, hebdom., t. IX, n° 15, 1862; — Liginann. — Endi-gung der Nei*ven im eigentlicken Gewebe und im hinteren Epilhel der Horn-haul des Frosches, in Virchow's Archio, 38e Bd., p. 118, 1869 ; — Ebert, in Archiv fur Micros. Anat. Bd. III.
2. Brown-Séquard. — Researches on Epilepsy, p. 70. — Central Nervous System, p. 148, 172, 174.
3. M. Schiff. — Leçons sur la digestion, t. I. 256.
d'opérer directement, mais d'activer, dans la profondeur des tis-sus, les échanges qui constituent l'assimilation et la désassimi-lation élémentaires, de môme que le rôle des nerfs sécréteurs est de mettre enjeu dans les cellules glandulaires une propriété immanente, tout à fait connexe aux phénomènes de la nutri-tion intime. On ne méconnaît donc nullement l'autonomie des éléments anatomiques dans l'accomplissement des actes nutri-tifs, on propose seulement d'envisager les nerfs trophiques, comme formant, par leur ensemble, un appareil de perfection-nement propre auxorganismes supérieurs.
Voilà pour le côté physiologique. En ce qui concerne main-tenant les applications à l'interprétation des phénomènes pa-thologiques, il est aisé de concevoir qu'un résultat fréquent d'une irritation morbide produite sur des nerfs doués de pa-reilles propriétés serait de porter le trouble dans la nutrition intime des parties innervées et d'y provoquer, à l'occasion, le développement consécutif d'un processus inflammatoire. La suppression d'action de ces nerfs n'aurait, au contraire, d'autre effet que d'amoindrir l'intensité du mouvement nutritif, et Xatrophie circonscrite est citée comme un exemple des trou-bles trophiques qui peuvent survenir de cette façon.
Ce sont là les traits généraux de la théorie; pour ce qui est des détails, il était à prévoir qu'une hypothèse créée parle be-soin d'expliquer des phénomènes encore peu connus, insuffi-samment étudiés à l'époque où elle a été émise, devait vieillir rapidement. Cela est arrivé en effet : on ne saurait admettre aujourd'hui, par exemple, que les nerfs trophiques ont tous leur origine centrale dans les ganglions spinaux postérieurs ou dans les ganglions analogues des nerfs crâniens, car les cas sont nombreux, ainsi que vous l'avez vu, où une lésion siégeant dans les parties centrales de la moelle épinière, ou même dans l'encéphale, provoque l'apparition de troubles trophiques dans les parties périphériques. Il faudrait aussi tenir grand
compte, à l'avenir, des faits, inconnus dans le temps où le livre de M. Samuel a paru, et qui mettent hors de doute l'influence des lésions des cellules nerveuses antérieures sur le dévelop-pement des diverses espèces de myopathies.
Je n'ai jamais partagé le dédain avec lequel la théorie qui vient d'être brièvement exposée a été presque naturellement accueillie. Il m'a toujours paru que, malgré ses imperfections, elle était digne d'être recommandée à l'attention des médecins parce qu'elle explique mieux, ce me semble, les phénomènes qu'ils sont appelés à observer dans la pratique., que toutes les autres hypothèses invoquées jusque-là. Je suis bien loin de vouloir méconnaître, toutefois, la portée des objections qui lui ont été opposées. En premier lieu, l'existence des nerfs trophi-ques n'est pas, cela est certain, démontrée anatomiquement ;il faut reconnaître de plus, que la plupart des expériences insti-tuées sur les animaux par M. Samuel, dans le but de mettre en lumière l'existence de ces nerfs, n'ont pas été heureuses. Les unes, reprises par d'autres observateurs, n'ont pas reproduit jusqu'ici les résultats annoncés ; les autres ont dû être aban-données comme entachées de nombreuses causes d'erreur (1). Mais tous les arguments dirigés contre la théorie n'ont pas autant de valeur que les précédents. Si l'on voulait condamner, par exemple, l'hypothèse des nerfs trophiques par ce seul fait qu'elle est inutile en physiologie, je ferais remarquer que l'utilité des nerfs sécréteurs n'a été reconnue qu'après coup. On serait nécessairement conduit à reconnaître aussi celle des nerfs tro-phiques, si l'expérimentation venait quelque jour se pronon-cer en leur faveur. Il est dificile de croire, d'un autre côté, que le rôle joué parles nerfs sécréteurs soif absolument spéci-fique et sans autre exemple dans l'organisme. A ces nerfs, on
1. Voir Tobias (Virchow's Archiv, Bd. XXIV, p. 579) et 0. Weber, in Cen-iralblatt, 1864, p. 145.
pourrait déjà comparer les nerfs dilatateurs, s'il est vrai qu'ils fonctionnent suivant le mécanisme indiqué tout à l'heure. On devrait en rapprocher encore, d'après les observations récentes de M. Goltz, les nerfs d'absorption, qui, suivant ce physiolo-giste, agiraient sur les cellules endothéliales des vaisseaux san-guins, de la même façon que les nerfs de sécrétion agissent sur l'épithélium glandulaire. Nous ne voyons pas, en somme, qu'il existe aucun argument qui permette de décréter à priori que les nerfs trophiques ne viendront pas, un jour, prendre place dans ce groupe (1).
Quoi qu'il en soit, avant de s'attacher à une théorie qui ne peut subsister sans mettre enjeu tout un système de nerfs dont l'existence est encore problématique, il faudrait nécessairement s'être assuré, par tous les moyens, qu'il est réellement impos-sible d'expliquer les phénomènes dont l'interprétation est pro-posée, en faisant appel aux propriétés des différents nerfs déjà connus: car il faut se garder toujours d'enfreindre l'axiome de la logique : Haucl multiplicanda entia absque necessitate. Or, la théorie vaso-motrice étant éliminée, il reste encore, sans doute, beaucoup à faire sous ce rapport.
11 est une vue, entre autres, à laquelle on ne s'est par arrêté, que je sache, et qui mériterait peut-être d'être prise en consi-dération. Les expériences nombreuses et décisives, faites dans ces derniers temps, sur les réunions bout à bout de nerfs de fonctions différentes, tels par exemple que l'hypoglosse et le lingual (2), ontmis horsde doute que les excitations, produites sur un point quelconque d'une fibre nerveuse sensitive ou mo-trice, se propagent aussitôt et simultanément dans le sens cen-tripète et dans le centre centrifuge. D'après cela, il est permis de
1. Goltz in Pflùger's Archiv, t. V. p. 53 et Journal of Anatomy and Phy-siology, 2e série, n° de mai 1872, p. 480.
2. Vulpian. — Physiologie du système nerveux, p. 290.
supposer que les irritations pathologiques développées sur un nerf sensitif, soit à son origine centrale, soit sur un point de son trajet,, retentissant dans la direction centrifuge jusqu'à l'extrémité terminale des filets nerveux, c'est-à-dire dans les papilles du derme, ou encore dans l'épaisseur du réseau mu-queux (1), pourront, dans certains cas,provoquer là un travail phlegmasique. On comprendrait ainsi, par exemple, le déve-loppement assez fréquent d'éruptions huileuses ou pemphi-goïdes, du zona, en conséquence de lésions portant sur les faisceaux postérieurs de la moelle ou sur les racines spinales sensitives. Pour ce qui est des nerfs moteurs, je ne vois pas d'argument sérieux qui empêche d'admettre que les irritations pathologiques, portant sur les cellules nerveuses des cornes antérieures, seront transmises quelquefois jusqu'aux faisceaux musculaires, par la voie des filets nerveux qui transmettent à l'état physiologique les excitations volontaires. Un certain nom-bre au moins des troubles trophiques consécutifs aux lésions du système nerveux trouveront peut-être dans cette hypothèse leur explication sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours à la théorie des nerfs trophiques.
Nous sommes parvenus, Messieurs, au terme de cette discus-sion pathogénique et, ainsi que je le laissais pressentir dès le commencement, la question en litige attend encore une solu" tion. Je ne regretterais pas, néanmoins, les développements dans lesquels nous sommes entrés, si j'avais réussi, en mettant sous vos yeux les pièces du procès, à vous inspirer le désir de. pénétrer plus avant dans une étude qui intéresse à un si haut degré la pathologie du système nerveux tout entière.
1. Voir Langerhans. — Virchow's Archiv. Bd. 44, et A. Biesadecki. — Stri-cker's Handbuch, p. 595. »
DEUXIÈME PARTIE
Paralysie agitante et sclérose en plaques disséminées.
CINQUIÈME LEÇON
De la paralysie agitante.
Sommaire. — Du tremblement en général. — Ses variétés. —Tremblement in-termittent. — Tremblement continu. Influence du sommeil, du repos et des mouvements volontaires. — Distinction établie par'.Van Swieten. — Opi-nion de M. Gubler. — Le tremblement d'après Galien. — Indépendance de la paralysie agitante et de la sclérose en plaques. — Recherches de Par-kinson. — Travaux français : MM. G. Sée, Trousseau, Charcot et Vulpian.
— La paralysie agitante prend droit de domicile dans les traités classiques. Caractères fondamentaux de la paralysie agitante. — C'est une maladie de la
seconde période de la vie. — Ses symptômes. — Modifications de la mar" che. — Tendance a la propulsion et à la rétropulsion. — Début; ses modes; il est lent ou brusque. — Période d'état. — Le tremblement respecte la tête et le cou. — Changements dans la parole. — Rigidité des muscles. — Attitude du tronc et des membres. — Déformation des mains et des pieds. Ralentissement dans l'exécution des mouvements. — Perversions de la sen-sibilité. — Crampes; sentiment général de tension et de fatigue; besoin de déplacement. — Sensation habituelle de chaleur excessive. — Température dans la paralysie agitante. — Influence de la nature des convulsions (stati-ques ou dynamiques). Période terminale. — Confinement au lit. Troubles de la nutrition. — Affai-blissement de l'intelligence. — Eschares sacrées. — Maladies terminales ; elles diffèrent de celles de la sclérose en plaques. — Durée de la paralysie agitante.
Résultats nécroscopiques. —Inconstance des lésions dans la paralysie agitante: fixité des lésions dans la sclérose en plaques. — Lésions du pont de Varole et de la moelle allongée (Parkinson, Oppolzer). — Physiologie pathologique.
Étiologie. — Causes extérieures : Émotions morales vives ; — action du froid humide, longtemps prolongée; — irritation de certains nerfs périphériques.
— Causes prédisposantes. — L'âge joue un certain rôle: la paralysie agi-tante se montre plus tard que la sclérose en plaques. — Sexe. — Hérédité-
— Influence de la race.
Messieurs,
Ceux d'entre vous qui, ce matin, ont parcouru nos salles, se
sont étonnés peut-être d'y trouver réunies, en aussi grand nombre, des femmes chez lesquelles le tremblement paraît constituer le symptôme prédominant ou tout au moins le plus saillant de la maladie dont elles sont atteintes. Cette réunion de malades d'un genre à part, je l'ai provoquée à dessein. Parla, j'ai voulu vous mettre à même de reconnaître, à l'aide d'une étude comparative, certaines nuances, ou même des différences tranchées que l'observation des cas isolés ne permet pas de saisir facilement.
Au premier abord, vous avez pu penser qu'un spectacle mo-notone s'offrait à vos regards. En effet, si l'on se contente d'un coup d'oeil superficiel, le phénomène tremblement chez toutes ces femmes paraît identique ou peu s'en faut; une seule chose frappe, c'est l'intensité et le siège variables que présentent les oscillations rythmiques des membres. Mais une observation plus recueillie vous a bientôt permis de démêler, sous cette uniformité apparente, des traits distinctifs qui, d'abord, vous avaient complètement échappé.
Ainsi, pour ne parler que du fait le plus évident, vous avez pu remarquer que parmi nos malades, les unes ne tremblent que dans le temps même où elles exécutent un mouvement d'ensemble à l'aide de leurs membres, comme dans l'acte de porter un verre à la bouche pour boire, ou encore lorsqu'elles veulent se lever de leur siège pour marcher. Dans ce dernier cas, toutes les parties du corps peuvent être ébranlées par des secousses énergiques rendant difficiles et parfois impossibles la station verticale et la marche. En revanche, quand elles sont au repos et qu'aucune émotion ne vientles affecter, ces mêmes femmes, qu'elles soient assises ou couchées, offrent l'attitude la plus naturelle ; les différentes parties de leur corps ne sont aucunement agitées, et si vous les observiez seulement dans de telles conditions, vous ne soupçonneriez certes pas le mal dont elles sont atteintes.
Au contraire, dans une seconde série de cas, letremblement est continu, permanent , il agite les membres sans cesse, sans trêve, et si les mouvements intentionnels l'exagèrent par ins-tants, le repos ne le fait pas disparaître. En réalité, pendant la veille, lorsque l'affection est intense, il n'y a pas de relâche pour ces malades: quelle que soit la position qu'elles prennent, assises ou couchées, toujours elles tremblent. Le sommeil seul met momentanément un terme à l'agitation spasmodique de leurs membres ; mais à peine le réveil a-t-il lieu que le trem-blement reparaît et reprend bientôt toute son intensité.
Ane tenir compte que de cette première distinction, établie d'après l'influence du repos ou des mouvements volontaires, sur la production du tremblement, il est permis déjà, vous le voyez, de ramènera deux chefs principaux les cas qui nous occupent. Un premier groupe comprendra ceux où le trem-blement ne se manifeste qu'à l'occasion d'un mouvement intentionnel, tandis que les malades chez lesquels le trem-blement est un symptôme constant, ou qui, tout au moins, ne s'efface guère que durant le sommeil, constitueront le second groupe. 11 faut remarquer d'ailleurs que chacun de ces groupes, loin déformer un ensemble homogène, embrasse des espèces morbides assez nombreuses et de nature très diverse, malgré l'analogie que leur impose la communauté du symp-tôme.
La distinction que je m'efforce de faire ressortir auprès de vous est, à mon avis, delà plus haute importance dans l'histoire des maladies chroniques du système nerveux qui s'accompa-gnent de tremblement. De nos jours, elle a été à peu près uni-versellement méconnue, et, si je ne me trompe, c'est en vain que vous en chercheriez la trace dans nos auteurs classiques. Cependant, et M. Guéneau de Mussy l'a fait remarquer avec justesse dans une leçon clinique publiée récemment par la
Gazette des Hôpitaux (1), les médecins du siècle dernier l'avaient prise en considération, et en avaient parfaitement compris la valeur.
Van Swieten, entre autres, a expressément reconnu les deux espèces de tremblement ; bien plus, il s'était efforcé de rattacher chacune d'elles à une condition physiologique parti-culière. Permettez-moi, à ce propos, de vous signaler le com-mentaire sur l'aphorisme 625, vous y trouverez une interpré-tation physiologique du symptôme tremblement, interprétation qui est loin d'être dénuée d'intérêt, mêmepour le lecteur mo-derne.
Ainsi, d'après Van Swieten, le tremblement qui persistepen-dant le repos au lit résulte d'une irritation qui s'exerce d'une manière intermittente, rythmique, sur les centres nerveux. Ce serait donc là un phénomène convulsif, — tremor coactus. Par contre, le tremblement qui se manifeste exclu-sivement pendant l'exercice des mouvements volontaires dépendrait d'un défaut de stimulus, résultant de l'insuffi-sance du fluide nerveux, dont la fonction est de faire con-tracter les muscles sous l'influence de la volonté. Ce serait là, par conséquent, un tremblement paralytique, — tremor a, debilitate.
Une interprétation des phénomènes, qui ne s'éloigne pas radicalement de la précédente, a été donnée, il y a quelques années, par l'un des rares auteurs modernes qui ont su main-tenir la distinction des deux espèces de tremblement. M. Gubler reconnaît que, dans certains cas, le tremblement consiste, non pas en une succession de mouvements contraires, soustraits à la volonté, mais bien en contractions et relâchements alternatifs des muscles qui sont en jeu, soit pour exécuter le déplacement d'un membre ou la translation du corps entier, soitpourcon-
1. Gazette des hôpitaux, 1868.
server aux parties leur atf i Lucie naturelles^ 1 ). Ici, les contractions musculaires, au lieu de se développer comme dans les conditions normales, graduellement, sans secousses et d'une manière in-sensible, se font, au contraire, par saccades, et comme par un courant interrompu, avec des intervalles de repos. Cet état pa-thologique qui, suivant M. Gubler, pourrait être désigné sous le nom à'astasie musculaire, se sépare nettement de l'état dans lequel ce ne sont pas seulement les contractions commandées par l'attitude du corps ou par la volonté qui, se faisant par saccades, déterminent le tremblement. Dans ce dernier cas, i} existe réellement des contractions involontaires et sans but, excitées incessamment par un stimulus interne.
11 faut d'ailleurs que cette catégorisation soit bien naturelle, car elle est fort antérieure à Van Swieten ; Galien l'avait éta-blie. Lui aussi distinguait en effet deux espèces de tremble-ment : l'un qu'il désigne sous le nom de tpzpoç^tremor),—c'est le tremblement paralytique ; l'autre qu'il appelle iraXfjioç (pal-pitation),— c'est le tremblement clonique, spasmoclique, con-vulsif (2).
Mais le point de vue physiologique ne doit pas nous arrêter plus longuement, car nou^ ne saurions entrer, quant à pré-sent, dans une discussion qui serait prématurée. Qu'il nous suf-fise d'avoir mis en relief des caractères que l'observation la plus simple, indépendamment de toute préoccupation théorique^ permet de reconnaître. C'est pour ne les avoir pas pris en con-sidération que les deux affections qui doivent faire l'objet de nos premières études cliniques, la paralysie agitante et la sclé-rose en plaques disséminées, sont restées jusqu'à ce jour con-fondues sous une même rubrique, bien qu'elles soient, à tous égards, parfaitement indépendantes l'une de l'autre. Toutes
1. Archives générales de médecine, 5e série, t. XV, 1860, p. 702.
2. G.-V. Swieten. — Commentaria, t. II, p. 167. Paris, 1771.
deux, à la vérité, comptent le tremblement parmi les symptô-mes les plus importants ; mais, dans la première, les oscilla-tions rhythmiques des membres sont à peu près permanentes, tandis que, dans la seconde, elles ne surviennent qu'à l'occa-sion des mouvements voulus. Nous venons de signaler un trait distinctif qui permettrait déjà de poser entre les deux affections une ligne de démarcation tranchée. Toutefois, ce n'est pas le seul, tant s'en faut, que nous aurons à faire valoir, ainsi que vous le reconnaîtrez par la suite.
ha paralysie agitante, qui nous occupera tout d'abord et dont je vous ai présenté plusieurs exemples bien caractérisés, a été la première inscrite dans les cadres nosologiques. Son histoire, néanmoins, ne remonte pas très loin. La première description régulière qui en ait été donnée date seulement de 1817 ; elle est due à un auteur anglais, Parkinson, qui l'a présentée dans un petit ouvrage intitulé : Essay on the shaking Palsy. Depuis cette époque, la paralysie agitante a été maintes fois mentionnée en Angleterre et en Allemagne ; mais, en France, elle était restée à peu près ignorée jusque dans ces der-nières années, car, si je ne me trompe, elle se trouve signalée chez nous pour la première fois d'une manière explicite, par M. G. Sée, dans son mémoire sur la chorée, où elle figure parmi les maladies qui peuvent être confondues avec la danse de Saint-Guy,
En 1859, M. Trousseau, dans ses Leçons sur la chorée, réu-nit dans un tableau succinct les principaux traits de la paralysie agitante. Trois ans plus fard, M. Vulpian et moi nous avons publié un travail sur ce sujet dans laGazette hebdomadaire (i). Nous venions d'arriver à la Salpêtrière. Voulant nous éclairer sur la nature et les caractères de cette maladie, que nous étions
1. Gazette hebdomadaire, 1861, p. 765, 816 et L862, p. 54.
appelés à observer sur une grande échelle,nous lûmes frappés de l'insuffisance des détails contenus dans les auteurs. Ceci nous conduisit à réunir les faits que nous avions sous les yeux, et, les joignant à des observations empruntées aux recueils étran-gers,nous avons tracé une histoire assez complète, pour l'épo-que, de la paralysie agitante.
A partir de là, cette maladie acquiert droit de domicile dans les ouvrages classiques. Dans la seconde édition de ses Leçons, Trousseau y consacre d'assez longs développements. Elle figure dans la dernière édition du livre de M.Grisolle, dans Y Encyclo-pédie de Reynolds (1); mais, dans toutes ces descriptions,et la nôtre n'échappe nullement à ce reproche, il existe une confu-sion absolue entre la paralysie agitante et la sclérose en pla-ques . La ligne de démarcation entre ces deux maladies a été indiquée par moi, si je ne me trompe, pour la première fois, danslathèse de M. 0rdenstein(2). Il importe donc d'établir un parallèle entre ces deux affections, en les comparant l'une à l'autre sous le triple rapport des symptômes, des causes et des lésions. Pour cela, nous ferons appel aux documents précités et aux observations nombreuses que nous avons rassemblées dans cet hospice. Il vous sera facile de retrouver sur les malades que j'ai réunis dans les salles, les caractères sur lesquels je vais insister.
CARACTÈRES FONDAMENTAUX DE LA PARALYSIE AGITANTE.
La paralysie agitante,dégagée,Messieurs, des éléments étran-
1. J. Reynolds. — A System of Medicine, 1. II, p. 184. Art. Paralysis agi-tans, par W.-R. Sanders.
2. Sur la paralysie agitante et la sclérose en plaques généralisées. Thèse de Paris, 1868. Gohu, cependant, avait remarqué que, dans deux cas d'indu-ration multiple du cerveau et de la moelle, le tremblement ne se manifestait qu'à la suite de mouvements que le malade voulait exécuter, mais jamais à l'état de repos, ni durant le sommeil. [Ein Beitrâg zur Lehre der Paralysis agitans. lu. Wiener med. Wochensch., mai 1860;.
Ciiahcot. Œuvres complètes, t. i. 11
gers est, quant à présent, une névrose en ce sens qu'elle ne reconnaît aucune lésion qui lui soit propre. Dans les diverses relations qui en ont été publiées,on voit mentionnées des lé-sions disparates. Quelques-unes appartiennent à la sclérose en plaques disséminées ; les autres, parleur multiplicité, parleur variabilité même, viennent encore appuyer notre opinion à savoir que, jusqu'ici, la paralysie agitante ne reconnait aucune lésion matérielle déterminée.
Elle frappe des sujets déjà avancés en âye, surtout ceux qui ont plus de 40 ou50 ans. Cette limite, toutefois, n'est pas abso-lue, car M. Duehenne (de Boulogne) nous a communiqué un fait relatif àun jeune homme âgé de 16 ans. Quoi qu'il en soit, elle trouve sa place naturelle dans les maladies de la seconde période de la vie. Mais ce serait aller trop loin que de la consi-dérer comme une maladie sénile.
Souvent les causes restent inconnues. Cependant, des don-nées étiologiques, deux méritent d'être signalées : 1° le froid humide, tel que celui qu'entraîne l'habitation prolongée dans une chambre mal aérée, dans un rez-de-chaussée bas et obscur, etc. ; 2° les émotions morales vives. Cette dernière cause parait assez commune. L'une des malades que vous avez vues fut atteinte dans les circonstances suivantes. Son mari, garde mu-nicipal,faisait partie des troupes qui combattaient les insurgés en juin 1832. Ayant vu le cheval de son mari revenir seul à la caserne, elle fut vivement impressionnée, craignant un mal-heur. Le jour même, elle se mit à trembler, et letremblemenl qui était primitivement localisé à la main droite, s'est étendu et a gagné successivement les autres membres. J'aurai l'occa-sion de vous citer d'assez nombreux exemples du même genre.
Les symptômes de la paralysie agitante n'ont pas tous une égale valeur. Le plus saillant consiste dans un tremblement
existant môme au repos, d'abord limité à un membre, puis se généralisant peu à peu, tout en respectant cependant la tête. A ce phénomène s'ajoute tôt ou tard une diminution apppa-rente de la force musculaire. Les mouvements sont lents et paraissent faibles, bien que l'expérience dynamométrique dé-montre que cette diminution n'est pas réelle. Cette impuissance motrice paraît tenir en partie, nous le verrons, à la rigidité dont les muscles sont le siège.
Un symptôme curieux qui vient compliquer la situation, quelquefois d'assez bonne heure, d'habitude à une époque de la maladie asez éloignée du début, c'est la perte de la faculté de garder l'équilibre pendant la progression. On remarque, en outre, chez quelques malades, une tendance à la propulsion ou à la rétropulsion : sans éprouver de vertige, le malade est dans le premier cas, poussé en avant; on dirait qu'il es L forcé de prendre une allure rapide, et ce n'est qu'à grand'peine qu'il lui est possible de s'arrêter, obligé qu'il est de courir après un centre de gravité qui lui échappe.
Une attitude particulière du corps est des membres, la fixité du regard,Yimmobililêdes traits du visage,doivent en-core être signalés parmi les symptômes les plus importants de la maladie.
La marche de la paralysie agitante est lente, progressive. Sa durée est longue (parfois elle compte une trentaine d'années). Le terme fatal survient ou parles progrès de l'âge,ou par le fait d'affections intercurrentes soit accidentelles,soit occasionnées par le marasme, le confinement au lit, etc. Dans le premier cas, il s'agit d'une maladie aiguë, d'une pneumonie, par exemple : dans le second, la mort arrive par une sorte d'épuisement ner-veux ; la nutrition s'altère, le malade perd son sommeil, il se forme des eschares qui terminent la scène morbide.
Tels sont. Messieurs, les caractères les plus généraux de la
paralysie agitante. Mais, afin de mieux vous faire saisir leur signification, il convient d'entrer plus avant dans l'étude des symptômes, de faire voir comment ils naissent, s'accroissent et s'enchaînent aux divers âges de la maladie. A cet effet, et pour mettre plus de clarté dans notre description, nous établirons plusieurs périodes que nous caractériserons les unes après les autres. Examinons en premier lieu la manière dont se fait le début. Les observations nous apprennent que la paralysie agitante se développe ◀tantôt▶ lentement, progressivement, ◀tantôt▶ au contraire d'une façon presque soudaine.
A. Début lent. Dans l'immense majoritédes cas, le début est insidieux, la maladie s'annonce comme légère et bénigne. Le tremblement est circonscrit à un pied, à une main, au pouce. Ce symptôme en apparence si peu inquiétant, reste isolé pendant longtemps. Il offre, d'ailleurs, des caractères qu'il importe de connaître et sur lesquels nous insisterons. Les mains sont-elles prises? on voit ses divers segments osciller les uns sur les autres, animés d'un mouvement presque pa-thognornonique. Le malade rapproche les doigts du pouce comme pour filer de la laine, simultanément, le poignet se fléchit par secousses rapides sur l'avant-bras, celui-ci sur le bras.
A ce moment de la maladie, le tremblement peut n'être que passager, transitoire. Il éclate alors qu'on s'y attend le moins le malade étant au repos le plus complet d'esprit et de corps, et fréquemment, sans qu'il en ait conscience.
La marche, même s'il s'agit des membres supérieurs, l'action de saisir un poids, de le soulever, de prendre la plume et d'écrire, un effort quelconque de la volonté, suffisent souvent à cette époque pour suspendre le tremblement. Plus tard, il n'en sera plus ainsi. Du reste, en même temps qu'il gagne en
intensité et en persistance, le tremblement envahit pour ainsi dire de proche en proche — non sans observer dans sa pro-gression certaines règles — les parties jusque-là demeurées indemnes. Si, par exemple, il a d'abord affecté la main droite, au bout de quelques mois, de quelques années, ce sera le tour du pied droit; la main gauche ensuite, puis le pied gauche, seront pris successivement.
L'envahissement croisé est plus rare. J'ai vu cependant, au moins deux fois, le membre supérieur droit, puis le membre in-férieur gauche être affectés l'un après l'autre. Il est beaucoup plus commun devoir le tremblement borné durant longtemps aux membres d'un seul côté du corps (forme hémiplégique), ou encore aux deuxmernbres inférieurs (forme paraplégique ). La tête est toujours à peu près respectée à toutes les époques du mal, même dans les cas les plus intenses, et c'est là un carac-tère que nous devrons, par la suite, mettre en relief, car le con-traire se remarque souvent dans la forme cérébro-spinale de la sclérose en plaques.
Je dois appeler toute votre attention sur un mode de début progressif qui, pour être exceptionnel, n'en est pas moins digne d'intérêt. Le tremblement n'est pas absolument le pre-mier phénomène constaté. Il est possible qu'il soit précédé tan-tôt d'un sentiment de fatigue très remarquable, ◀tantôt▶ de dou-leurs rhumafoïdes ou névralgiques, parfois des plus vives, et occupant le membre ou les régions du membre, qui bientôt seront pris, mais secondairement, d'agitation convulsive. Je pourrais vous citer plusieurs faits de cette espèce, et il n'est pas rare qu'en pareil cas, on puisse invoquer une cause trauma-tique, une piqûre, comme l'a vu Romberg, ou,ainsi que je l'ai observé, une contusion violente ayant porté son action sur le membre qui, ultérieurement, a été affecté de douleurs et de tremblement. La paralysie agitante qui éclate de cette façon se comporte d'ailleurs, dans son évolution ultérieure,
comme à l'ordinaire, et ses progrès se font suivant les mêmes lois.
B. Début brusque. Lorsque, à la suite d'une cause morale, d'une terreur profonde, le tremblement est survenu tout à coup, il occupe ◀tantôt▶ un seul membre, ◀tantôt▶, et dès l'origine, tous les membres à la fois. Après avoir persisté quelques jours, il est possible qu'il s'amende ou même disparaisse. Mais plus tard, consécutivement aune série d'amendements et d'exacer-bations alternatifs, il s'établit enfin d'une manière définitive. C'est là, du moins, ce que nous avons observé très nettement dans plusieurs cas.
La durée de cette phase initiale varie, quel qu'ait été le mode de début, de un à deux ou trois ans environ.
C. Période d'état. Lorsque la paralysie agitante a acquis son parfait développement, le tremblement, outre qu'il envahit plu-sieurs membres, se montre, au moins dans les cas intenses, à peuprès incessant. Son intensité, toutefois, n'est pas la même à tous les instants. Diverses circonstances, naguère sans in-fluence sur lui, à présent l'exagèrent. Telles sont les émotions morales, l'exercice des mouvements volontaires. On observe, de plus, des espèces de crises, de paroxysmes, éclatant sponta-nément, sans cause appréciable. En revanche, le sommeil na-turel, le sommeil provoqué par le chloroforme, annihilent tou-jours momentanément les secousses convulsives.
C'est surtout à cette époque de la maladie que les caractères particuliers du tremblement apparaissent dans tout leur jour; c'est alors aussi que l'on voit parfois les oscillations ryth-miques et involontaires de diverses parties de la main rappeler l'image de certains mouvements coordonnés. Ainsi, chez quel-ques malades, le pouce se meut- sur les autres doigts, comme cela a lieu dans l'acte de rouler un crayon, une boulette de pa-
pier , chez d'autres, les mouvements des doigts sont plus com-plexes encore et rappellent l'acte d'émietter du pain (1). Je vous ai présenté des exemples de ce genre. Ce sont là, si je ne me trompe, des particularités qui appartiennent en propre au trem-blement de la paralysie agitante; je ne crois pas qu'on les ren-contre dans aucune autre espèce de tremblement. Elles ont été bien reconnues par M. Gubler (loc. cit.),qui, attaché en qua-lité d'interne à la Salpêtrière, avait pu y étudier la maladie sur un grand nombre de malades.
Fig. 1.
La tôle et le cou, nous le répétons, restent indemnes ; c'est la règle. Loin d'être agités, les muscles de la face sont immo-biles, le regard a même une fixité remarquable, et les traits nous offrent une expression permanente de tristesse, parfois d'hébétude. Le nystagmus, qui figure si souvent dans la symp-tomatologie delà sclérose en plaques disséminées, n'existepas dans la paralysie agitante. Les muscles de la mâchoire, eux non plus, ne participent point à l'agitation convulsive. Néan-moins, il n'est pas très rare de voir la langue, même lorsqu'elle
1. Le tremblement impose â récriture des caractères qui ont quelque chose de spécial. Quand l'affection est au début, l'écriture, au premier abord, semble normale ; mais si on l'examine à la loupe, on y distingue des parties plus ac-cusées, plus larges que d'autres. Plus tard, vers la période d'état, par exem-gle, les altérations de l'écriture sont beaucoup plus prononcées et partant très évidentes. La figure 7 représente le spécimen de l'écriture d'une malade que nous avons observée à l'hôpital Saint-Louis, en 1869. Les jambages des lettres sont très irréguliers et très sinueux, et ces irrégularités, ces sinuosités n'ont qu'une amplitude très limitée W. (Voir I'Appendice, n° 3;.
reste renfermée dans la cavité buccale, être animée d'un trem-blement assezaccusé et qui augmente lorsqu'elle est tirée hors de la bouche. Parfois les lèvres sont accolées l'une contre l'autre, comme serrées, de telle sorte que le rebord muqueux n'estplus visibleet que la surface cutanée paraît plissée (1). Iln'y a pas d'embarras réel de la parole, mais le discours est lent, saccadé, la parole brève, et il semble que la prononciation de chaque mot coûte un eiîort considérable de la volonté. Si l'agi-tation du corps est excessive, il peut arriver que la parole soit tremblante, entrecoupée, comme elle l'est chez les individus qui, peu habitués à l'équitation, sont montés sur un cheval
1. Tous ces caractères se trouvent très accusés chez Perd..., Marie-Anne, qui est encore dans le service de M. Charcot (salle S t-Alexandre, n° 9). La tête, fixée en quelque sorte sur la colonne cervicale, est un peu inclinée en en avant. Les traits de la face sont pour ainsi dire sans expression : les plis du iront, égaux des deux côtés, sont très accentués ; les paupières sont moins mobiles que chez les personnes saines, ce qui tient à une sorte de contrac-tion des muscles sourciliers, contraction qui paraît être habituelle et exagère les plis du front. Lorsqu'on demande à la malade de fermer les paupières, elle y parvient sans efforts, dit-elle, mais alors les paupières supérieures sont animées de petits mouvements convulsifs qui sembleraient plutôt faire supposer qu'il faut une certaine force pour les tenir abaissées. En effet, si on veut les faire maintenir dans cette position à mesure que l'expérience se pro-longe, les mouvements convulsifs (sorte de clignotement rapide) augmentent et l'occlusion cesse d'être complète. Les globes oculaires regardent directe-ment en avant; il n'y a plus de nystagmus. Lorsque, pour étudier la sensibi-lité de la pupille à la lumière, on essaie tour à four d'ouvrir et de fermer les paupières, on éprouve, dans l'exécution de ce dernier acte, une résistance due aux mouvements convulsifs des paupières supérieures, mouvements que la malade ne saurait maîtriser. Le regard est en quelque sorte sans expression.
Les lèvres sont rapprochées et un peu saillantes en avant, comme s'il y avait une contraction qui les maintienne l'une contre l'autre ; il s'ensuit que les sillons naso-labiaux sont peu creusés, ainsi que les sillons jugo-menton-niers. La lèvre supérieure est immobile ; la lèvre inférieure est animée d'un tremblement très fin principalement au niveau des commissures labiales. La malade est obligée de faire un effort pour ouvrir la bouche ; elle ne l'ouvre qu'imparfaitement et ne peut pas la maintenir ouvcrle pendant quelques mi-nutes. Elle paraît se rendre compte de cet accolemcnt ordinaire, permanent pour ainsi dire, des lèvres, quand elle dit : « Elles se collent ensemble, nies lèvres » (B.).
lancé au LroL. Toutefois, on ne saurait voir évidemment dans ces deux cas, qu'un phénomène de transmission (1). Souvent, enfin, les malades semblent parler entre les dents. La déglu-tition est facile, peut-être ralentie; fréquemment dans les cas un peu anciens la salive accumulée dans la bouche s'écoule volontairement au dehors. Les muscles delà respiration ne pa-raissent point partager le désordre convulsif des membres. Di-sons cependant que quelques malades éprouvent un sentiment d'oppression presque constant.
Nous appuierons actuellement sur un trait qui, croyons-nous, a échappé à Parkinson ainsi qu'à la plupart des auteurs qui l'ont suivi : nous voulons parler de la rigidité que subis-sent, à une certaine époque de la maladie, les muscles des membres, du tronc, et le plus souvent ceux aussi du cou. Quand le symptôme s'annonce, les malades accusent des crampes suivies de raideur d'abord passagère, plus ou moins dura-ble, et s'exagérant par exacerbations. En général, les muscles fléchisseurs sont affectés les premiers et toujours au plus haut degré. La raideur musculaire, devenue permanente, impose à ces malades, dans beaucoup de cas, une attitude toute particu-lière. Ainsi, la tête, en vertu de la rigidité des muscles an-térieurs du cou (Perkinson l'avait remarqué déjà), est fortement
1. Nous citerons encore, à propos de la parole, un fragment de l'observa-tion de Perd... Chez elle, la parole a commencé à devenir difficile il y a deux ans, et depuis un an, L'embarras de rélocution s'est accru considérablement. Quand la malade parle, elle a du tremblement des lèvres et rémission des premières syllabes se l'ait assez péniblement ; la parole est tremblante, sur-tout au début, et peu à peu, à mesure que la phrase s'avance, les mots sont moins tremblants et prononcés d'une voix plus forte. La malade semble parler entre ses dents : les lèvres s'écartent ii peine, les mâchoires sont comme accolées l'une contre l'autre. La langue est animée d'un tremblement uni-l'orme, général, même lorsqu'elle est dans la cavité buccale, et quand elle est allongée, le tremblement augmente. La malade préfend qu'elle ne peut laisser longtemps la langue en dehors de la bouche : « Elle rentre, dit-elle, malgré moi. » La bouche est souvent remplie de salive, el Perd... attribue à ce phé-nomène une partie do sa difficulté à s'exprimer [13.;.
inclinée en avant, et on la dirait fixée dans cette position, car ce n'est pas sans efforts que les malades parviennent à la por-ter en haut, adroite ou à gauche. Le tronc lui-même est pres-
Fig. 8. — Attitude habituelle dans les cas de paralysie agitante un peu pronon-cée. — Attitude d'une main qui tient une plume pour écrire.
que toujours, dans la station debout, un peu penché en avant. (V. Pl. 1 et II.) L'attitude des membres supérieurs mérite d'être relevée.
Fig. 9. — Déformations des doigts de la main simulant celles du rhumatisme articulaire chronique primitif.
Habituellement, les coudes sont tenus faiblement écartés du thorax, les avant-bras étant légèrement fléchis sur les bras ; les mains, fléchies sur les avant-bras, reposent sur la ceinture (Planche \) (1). A la longue, les mains, en raison de la rigidité
1. Cette planche représente la malade Gav..., dont nous rapportons l'observa-tion à L'Appendice n° 1 L'inclinaison, déjà très prononcée quand M. P. Ri-cher a l'ait son dessin, s'est encore accusée depuis cette époque. De plus, elle présente aujourd'hui une tendance à s'incliner en môme temps sur la droite. Cette inclinaison latérale existe aussi chez une autre malade du service de M. Charcot, nommée, Bau... (Note de la 2e édition). (Voir Pl. II.)
permanente de certains muscles, offrent des déformations qu'il est bon de connaître, parce que, dans maintes circons-tances, elles ont rendu le diagnostic difficile. La plupart du temps, le pouce et l'index sont allongés et rapprochés l'un de l'autre, comme pour tenir une plume à écrire; les doigts, mé-diocrement inclinés vers la paume de la main sont déviés en masse vers le bord cubital(F?V/.8). Ils montrent, en outre, dans
Fig. 10. — Déformations des doigts de la main, simulant celles du rhumatisme articulaire chronique primitif.
leurs diverses articulations, une série de flexions et d'exten-sions alternatives, de manière à rappeler, jusqu'à s'y mé-prendre, certains types de déformations observés dans le rhu-matisme chronique progressif (Fig. 9 et 10). La distinction cependant est d'ordinaire facile, pour peu que l'on soit pré-venu. Il n'y a pas, en effet, dans la paralysie agitante, la tuméfaction et la rigidité articulaires, non plus que les bour-relets osseux et les craquements que l'on observe dans le rhumatisme noueux.
Aux membres inférieurs, la rigidité est quelquefois assez prononcée pour donner l'idée d'une véritable paraplégie avec contracture. Chez deux femmes que je vous présentais tout à l'heure, ces membres, vous l'avez vu, sont rigides et dans la demi-flexion, on ne les fléchit ou ne les étend qu'avec une certaine difficulté. Les genoux sont rapprochés l'un de l'autre par un mouvement d'adduction : les pieds sont raides, étendus et dirigés en dedans, simulant la malformation désignée sous le nom de
pied bol varus équin ; les orteils relevés et recourbés de façon à figurer une griffe, à cause de l'extension des phalanges et de la flexion concomitante des phalangines. Pourtant ces femmeg ont encore la faculté de mouvoir volontairement leurs membres inférieurs, avec p«*ine et lenteur il est vrai; elles sont même capables, vous l'avez vérifié, de marcher tant bien que mal, sans aide ni appui. Je vous ai fait remarquer, Messieurs, que, en opposition avec ce qui a lieu dans la paraplégie vraie, avec contracture, il n'existe pas, chez nos malades, ces tré-mulations tétaniques, spontanées ou provoquées par certaines attitudes, trémulations qui caractérisent l'une des variétés de l'épilepsie spinale. Ces derniers phénomènes, au contraire, s'observent, en général, dans la paraplégie qui accompagne fréquemment la sclérose en plaques disséminées, et c'est là un caractère distinctif que nous aurons à faire valoir pour le diagnostic.
Ainsi que l'a noté avec raison M. Benedikt, dans son traité récent Électrothérapie, la rigidité habituelle d'un certain nombre de muscles contribue certes, pour une bonne part, à rendre les mouvements laborieux ; mais ce n'estpas là, croyons-nous, l'unique cause que l'on doive invoquer: toujours est-il que c'est elle qui, déterminant l'attitude générale, fait que les malades, comme recoquevillés sur eux-mêmes, paraissent se déplacer tout d'une pièce ; que leurs jointures semblent soudées, si je puis me servir de cette expression triviale, mais assez juste du reste, que j'emprunte à un malade; c'est elle aussi qui tient la tête et le front inclinés en avant, et cette dernière cir-constance entre assurément pour une part dans la tendance qu'ont les malades à tomber en avant lorsqu'ils marchent.
Messieurs, il est des cas, rares à la vérité, dans lesquels la rigidité musculaire est un symptôme des premiers temps de la maladie, et réellement prédominant. J'ai observérécemmentun exemple qui rentre dans cette catégorie. Le malade avait à
peine remarqué le tremblement, d'ailleurs peu intense éliez lirj, et limité à une des mains. Il avait cependant, à Uci-'haùï degré déjà, l'attitude du corps et des membres, la difficulté âîins^ mouvements, enfinla démarche caractéristique (1 v^es^as a®(lt
V 's
1. Le cas suivant, que nous résumons, appartient à cette catégorielles fjiits ex-ceptionnels.—(juili..., âgée de cinquante-trois ans (salle Saint-Alexandre n° 10). Après avoir éprouvé pendant quelque temps de la céphalalgie, des douleurs lancinantes erratiques, un sentiment de constriction à l'épigastre, elle s'aper-çut, il y a quatre ans, que les diverses jointures du membre supérieur droit devenaient raides. A ce phénomène s'ajoutait de la faiblesse. La raideur et ['af-faiblissement gagnèrent successivement le membre inférieur droit, le bras gau-che, puis la jambe correspondante. En 1870, apparut la tendance à la propul-sion et à la rétropulsion. Ainsi, lorsque la malade montait à son logement, elle était poussée en avant et ne s'arrêtait qu'en s'appuyant avec les mains sur un corps résistant : « Sans cette précaution, dit-elle, je caracolais. »
Aujourd'hui, son état est le suivant : Tête un peu inclinée en avant; cou L'aide. Les plis du front sont très accusés, surtout au-dessous des sourcils, qui sont re-levés, ainsi que les paupières supérieures : de là, une sorte d'hébétude empreinte sur la physionomie. La parole est libre. Dans la marche, qui se l'ait à petits pas, la malade a les bras accolés au corps, les avant-bras lléchis et les mains réunies comme pour se soutenir. Pris dans leur ensemble, les doigts sont légèrement fléchis, l'amasses: la main entière est incliner sers le bord cubital. Toutes les jointures sont raides, à des degrés différents : la raideur prédomine à droite. Sensibilité conservée. — Pendant la nuit, sensation de froid qui, partant de l'épaule, descend jusqu'au poignet et revient par accès d'une durée de cinq à six minutes. Les membres, principalement le membre supérieur droit, parais-sent lourds. Lorsque la malade veut se lever de sa chaise, et qu'on l'empêche de s'aider des objets voisin:-, elle saisil les montants avec les mains pour avan-cer le bassin : elle place ensuite ses mains plus bas sur les côtés de la chaise, et, après quelques efforts el une sorte de balancement, elle parvient à se lever.
Le sommeil, en général, esL court. Durant la nuit, Guill... ne garde sur elle que le drap et un mincejupon qu'elle met sur ses genoux, parce qu'ils sont froids. Avec une couverture, elle aurait « trop chaud et c'est trop lourd »: Notons en-cor»1 un besoin incossanl de changer de position. A peine est-elle assise depuis quatre ou cinq minutes qu'elle demande à être soit plus avancée sur son siège, soif mise de côté, etc. ; quelques instants après, elle désire qu'on écarte ses jambes, qui ont de la tendance à l'adduction ; bientôt elle prie qu'on l'aide à se relever, etc. Tous ces symptômes suffisent pour démontrer qu'on a affaire,ici à la paralysie agitante. Cependant, el bien que la maladie remonte à quatre années, le tremblement est à peu près nul: il n'occupe que la main droite, où il est apparu seulement depuis trois mois. On voit, par là, qu'il est possible de reconnaître la paralysie agitante en l'absence même du tremblement. (B). — Il en fut encore ainsi chez un malade que M. Gharcot a vu il y a quelque temps (1872). Cet homme, âgé de 50 ans, a été atteint de la maladie de Parkinson
exceptionnels. Le plus communément, la rigidité musculaire ne se montre ou ne s'accuse profondément que dans les phases avancées de la paralysie agitante. Or, lorsqu'elle commence à se manifester, les malades ont senti depuis longtemps, dans l'exercice des mouvements, une gêne nolable qui aune autre cause.
Vous reconnaîtrez aisément, chez quelques-uns des malades que je vous ai présentés, cet embarras dans l'accomplissement des mouvements, qui ne dépend ni du tremblement ni delà rigi-dité musculaire, et un examen quelque peu attentif vous per-mettra de constater que, chez eux, fait significatif, il y a plu-tôt ralentissement dans l'accomplissement des mouvements qu'affaiblissement réel des puissances motrices. Le malade est encore capable d'accomplir, malgré le tremblement, la plupart des actes moteurs, mais il apporte à les réaliser une lenteur extrême. Nous signalions le fait, il y a quelques instants, en ce qui concerne la parole ; entre la pensée et l'acte, il s'écoule un temps relativement considérable. On croirait que, chez lui, l'influx nerveux ne puisse être mis enjeu qu'après des efforts inouïs et, en réalité, les moindres mouvements déterminentune fatigue extrême. Cet ensemble de phénomènes a souvent été pris pour l'indice d'un véritable affaiblissement paralytique. Néanmoins, il vous sera maintes fois loisible de vous assurer que, dans les cas où la maladie n'est pas parvenue aux dernières limites, la force musculaire est remarquablement conservée. A
à la suite d'une émotion vive occasionnée par les tentatives que firent, pendant la Commune, les fédérés pour l'incorporer dans leurs bataillons. Chez lui, tous les symptômes, et en particulier l'attitude, étaient présents, mais le tremble-ment faisait encore défaut. Enfin, M. Gowers a donné communication à M. Charcot de l'observation recueillie par lui à l'Hôpital national des épilep-tiques et des paralytiques de Londres, d'une femme, Ann Phillips, âgée de 47 ans, chez laquelle tous les symptômes de la paralysie agitante existaient, moins le tremblement, qui esta peine apparent dans les mouvements. (B). (Note de la 2e édition). (Voyez I'Appendice, n° 21.
diverses reprises le fait a été vérifié à l'aide du dynamomètre; dans quelques circonstances même, on a vu, phénomène singu-lier, le membre le plus agité et le plus affaibli en apparence, être celui dans lequel la force dynamométrique était le mieux con-servée (1).
Un mot encore sur la démarche particulière aux malades at-teintes de paralysie agitante. Vous avez vu quelques-unes de nos malades se lever avec lenteur et avec peine de leur siège, hési-ter durant quelques secondes à se mettre en marche, puis, une fois lancées, prendre malgré elles l'allure d'une course rapide. Plusieurs fois, elles ont été menacées de tomber lourdement en avant. Cette tendance à courir d'une manière irrésistible tient-elle exclusivement à ce que le centre de gravité se trouve dé-placé par l'inclinaison de la tête et du tronc ? Cette explication, admissible peut-être dans quelque cas, ne l'est pas dans tous, En effet, par opposition aux malades dont nous venons de par-ler, il en est qui, dans la marche, tendent à reculer ou à se ren-verser en arrière, bien qu'elles aient le corps manifestement penché enavanL. D'ailleurs la propulsion, de même que la rétro-pulsion, n'est pas absolument liée à l'attitude inclinée du corps,
1. Nous avons étudié l'état de la force dynamométrique chez six malades du service de M. Gharcot. Voici les résultats obtenus : 1° Perd... ; 8 explorations ; moyenne à droite, 60; à gauche, 42. — 2° Guil... ; 9 explorations, moyenne à droite, 67; à gauche, 63. — 3° Berr...; 13 explorations, moyenne à droite, 59, 6 ; à gauche, 41, 4. — 4° Gav... ; 5 explorations ; moyenne â droite, 39, 6 ; à gauche, 43, 4. —5° Beau... ; 5 explorations; moyenne à droite, 65, 5; à gauche, 42,3. — 6° Dan.., 5 explorations ; moyenne à droite, 41,4 ; à gauche, 33. 3. Si l'on compare ces chiffres à la moyenne 85, que nous ont fournie cinq personnes du même âge que nos malades, on constate que, dans la paralysie agitante, loin d'être conservée, la force dynamométrique serait au contraire diminuée. Il est d'autant plus difficile d'expliquer les divergences qui existent entre l'opinion ancienne et nos faits, que cette diminution de la force dynamométrique est aussi réelle chez deux de nos malades, à une période relativement peu avancée de la paralysie agitante, que chez la plus ancienne. Dans ces trois cas, enfin, l'affai-blissement dynamométrique est plus marqué dans le côté où prédomine le trem-blement. (B.)
car on la voit quelquefois aune période peu avancée de la ma-ladie,alors quel'inclinaison nes'estpas encoreproduite (1). En-fin, ce ne sont pas là des phénomènes constants, nécessaires ; assez souvent même, ils font défaut et figurent dans le tableau symptomatologique de maladies autres que la paralysie agi-tante, dans certaines lésions du cerveau, par exemple. 11 est juste de reconnaître que, dans ce dernier cas, ils sont liés sou-vent aux vertiges, tandis que dans la paralysie agitante les mouvements de propulsion ou de rétropulsion ne surviennent pas à l'occasion d'un sentiment vertigineux.
Les symptômes que je viens dépasser en revue ne sont pas, Messieurs, les seuls qui méritent de fixer votre attention. La paralysie agitante n'est pas seulement une maladie des plus tristes en ce qu'elle prive le malade de l'usage de ses membres et qu'elle le réduit tôt ou tard à une inertie à peu près absolue :
l.Ces phénomènes sont très apparents chez une malade du service de M. Char-cot, couchée au n° 22 de la salle Saint-Alexandre. Getle femme est parvenue à une période plus avancée de la paralysie agitante que les deux malades citées dans les notes précédentes, sans toutefois être alitée. On retrouve chez elle tous les symptômes de la maladie; mais, nous relèverons, dans son histoire, simple-ment ce qui a trait à la propulsion et à la rétropulsion. Supposons la malade assise ; on lui ordonne de se lever et de marcher. Que voyons-nous ? Elle hé-site pendant quelques instants, puis elle incline le tronc en avant, et, après s'être comme balancée, tout d'un coup elle se lève. Mais alors elle ne part pas! il semble, qu'auparavant, elle ait besoin de s'équilibrer : elle est eu quelque sorte incertaine, ayant le tronc incliné en avant, enfin elle se décide. Lente tout d'abord, la marche progressivement s'accélère, et, après un parcours de dix mètres, elle se précipite,de telle sorte que si la malade ne rencontrait, à un mo-ment donné, soit un banc, soit un mur, un lit. etc., etc., elle tomberait brus-quement : La propulsion, ici, est donc aussi nette que possible.
La rétropulsion échappe quelquefois parce que, pour qu'elle soit signalée par les malades, il faut que celles-ci, par une circonstance spéciale, aient été obli-gées de marcher à reculons. Eh bien, il est un moyen très simple de la mettre en évidence et que M. Charcot a employé dans ce cas : la malade étant debout, il suffit de la tirer, même légèrement, a lïmproviste, par sa jnpe, pour que, aussitôt, elle marche en arrière et que le mouvement rétrograde se précipite très vile et soit promplcment dangereux, si on ne prend des précautions. ; B. ]
c'est encore une affection cruelle par suite des sensations péni-bles qu'éprouve le malade. Ordinairement, et à part les cas de névralgie dont nous vous avons entretenus, il ne s'agit pas de souffrances vives, mais de sensations désagréables, d'un ordre spécial. Ce sont des crampes, ou mieux un sentiment presque permanent de tension, de traction dans la plupart des muscles. C'est en outre un sentiment de prostration, de fatigue qui s'ac-cuse surtout après les paroxysmes de tremblement; enfin c'est un malaise indéfinissable qui se traduit par un besoin incessant de changer de position. Assis, les malades sont, à chaque ins-tant, obligés de se lever; debout, après quelques pas, ilsveu-se rasseoir. Ce besoin de déplacement, de changement se mon-tre principalement au lit, pendant la nuit, chez les infirmes qui sont incapables de se servir elles-mêmes. Les femmes qui sont chargées de surveiller ces pauvres malades vous le diront: il faut les coucher ◀tantôt▶ sur le côté gauche, ou sur le droit, ◀tantôt▶ sur le dos. Une demi-heure, un quart d'heure sont à peine écoulés qu'il faut renouveler la position, et si l'on ne répond pas immédiatement à leur désir, elles poussent des gémisse-ments qui témoignent assez du malaise profond qu'elles ressen-tent. Malgré ces troubles divers, la transmission des impres-sions sensitives cutanées n'est nullement altérée dans la paralysie agitante. Le froid, le chaud, le plus léger frôlement, le pincement, etc., sont perçus avec leurs caractères normaux et la rapidité voulue.
Mais une sensation très pénible encore qu'éprouvent les ma-lades et que je n'ai trouvée mentionnée dans aucune descrip-tion, c'est une sensation habituelle de chaleur excessive, qui fait que, au cœur de l'hiver, vous les voyez se découvrir au lit et ne conserver sur eux, pendant le jour, que les vêtements les plus légers. Tous les cas de notre service déposent en faveur de cette assertion. Cette sensation de chaleur, particularité digne d'être notée, bien que la raison n'en puisse pas être donnée, se
Chargot. Œuvres complètes, t. i. 12
fait spécialement sentir à la région épigastrique et sur le dos, Toutefois les membres, la face, peuvent aussi en être le siège, Elle n'a pas à tout moment la même intensité. Elle paraît attein-dre son maximum à la suite du paroxysme de tremblement et s'accompagne souvent, en semblable occurrence, d'une sécré-tion abondante de sueur qui oblige parfois à changer de linge ; mais elle se montre aussi, d'une manière très accusée, chez des malades qui ne suent pas et dont le tremblement est peu accentué.
La connaissance de ce fait m'a, de longue date, conduit à chercher si la température centrale était modifiée chez ces malades. Or l'expérience m'a prouvé que, quel que fut le degré de cette sensation subjective et aussi celui du tremble-ment, la température restait au terme physiologique (37°, 5 au rectum).
Vous ne serez pas étonnés, Messieurs, devoir des contractions musculaires aussi énergiques et aussi générales que le sont celles qui se manifestent dans certains cas de paralysie agi-tante ne pas donner lieu pourtant à une accumulation de cha-leur des parties centrales. Il s'agit là de contractions musculaires dynamiques. Or, vous le savez, les contractions musculaires statiques seules, ainsi que l'a fait remarquer M. Béclard, occa-sionnent une élévation de la température appréciable au ther-momètre. A ce point de vue, ainsi que nous avons essayé de l'établir, M. Ch. Bouchard et moi, dans un travail communiqué à laSociétéde biologie (1), les convulsions peuvent être rangées sous deux chefs : les unes statiques, c'est-à-dire avec prédomi-nance des contractions toniques, font monter la température d'une manière plus ou moins prononcée, tels sont le tétanos,
1. Sur les variations de la température centrale qui s observent dans cer-taines affections convulsrves et sur la distinction qui doit être établie à ce point de vue entre les convulsions Ioniques et les convulsions cloniques. In Mémoi-res de la Soc. de Biologie, 18G6 et t. IX des Œuvres compl., p. 95.
l'attaque épileptique; les autres, dynamiques, ou avec prédo-minance des mouvements cloniques, n'affectent pas la tempé-rature d'une façon notable. Des explorations thermométriques, que nous avons plusieurs fois répétées dans la paralysie agi-tante et dans quelques cas de chorée avec agitation excessive nous ont paru mettre ce dernier point hors de doute (1).
A ce propos, il serait intéressant de rechercher si, dans la paralysie agitante, de même que cela a lieu, d'après M. Bence-Jones, dans la chorée et le delirium tremens, affections dans lesquelles il y aune grande dépense musculaire, les urines pré-sentent, dans leur constitution chimique, quelque modification importante et,en particulier,une augmentation delà proportion des sulfates. C'est là un desideratum que nous nous proposons de combler quelque jour (2).
Messieurs, les symptômes que nous avons décrits persistent tels quels durant un temps plus ou moins long ; puis, tôt ou tard, on voit survenir une période qui précède l'issue fatale, et
1. Cinq cas nouveaux viennent corroborer cette assertion. Cinq explorations faites chez Ber... ont donné comme température moyenne, 37°,48, et trois ex-plorations pratiquées chez Guil... 37°,6. — Dan.., 3 explorations le matin, 37°,3 ¦'. — 4 explorations le soir, 37°,8. — Grav..., 2 explorations le matin, 37° ; 4 ex-plorations le soir, 37°,6. — Bau..., 3 explorations le matin, 37°,1 ; 4 explora-tions le soir, 37°, 45. Le pouls,chez la première, était à 90, chez la seconde à 86 , chez la troisième à 84 et chez la cinquième à 80. Le nombre des inspirations, dans ces cas, était anormal. (B.).
2. Des recherches ont été faites à ce point de vue par M. P. Begnard, dans le laboratoire de la Sorbonne, sur les urines de deux malades de M. Gharcot. Chez toutes deux, l'urine, contenait une proportion à peu près normale d'urée, mais une moindre proportion d'acide sulfurique qu'à l'état physiologique ; la moyenne de 14 dosages a donné, pour Vurée, 19 grammes 50 ; pour Vacide sulfuique, 1 gr. 25 au lieu de 2 gr. Il suit de ces analyses que l'excrétion des sulfates serait di-minuée dans la paralysie agitante, contrairement à l'opinion avancée par M. Ben-ce-Jones, à propos de la chorée. D'ailleurs, dans cette affection même, Leh-mann et Grimer ont toujours trouvé une diminution des sulfates. Vogel est ar-rivé, de son côté, aux mêmes résultats, et il pense qu'il faut attribuer les con-clusions opposées de Bence-Jones à l'insuffisance du procédé d'analyse qu'il a employé. 'Note delà 2" édition .
que l'on pourrait appeler période terminale. L'affection pour-suivant sa marche, la difficulté des mouvements augmentant, les malades sont obligés de rester toute la journée sur leur chaise ou même de garder tout à fait le lit. Alors la nutrition souffre, surtout celle du système musculaire. Il peut survenir, et je l'ai constaté deux fois, une véritable atrophie graisseuse des muscles. A un moment donné, l'intelligence s'obscurcit, la mémoire se perd. Les forces générales sont prostrées, les ma-lades deviennent gâteux, des eschares apparaissent au sacrum. En pareil cas, les malades succombent par les seuls progrès de leur affection, par une sorte d'épuisement du système nerveux, et il est parfaitement exact, ainsi que l'ont annoncé plusieurs auteurs, qu'à cette période terminale, on voit souvent diminuer et même cesser le tremblement, quelque intense qu'il fût aupa-ravant (1). A l'autopsie, on ne rencontre d'ordinaire aucune lésion viscérale importante, capable d'expliquer la mort. On n'observe point, entre autres, les lésions de la pneumonie caséeuse ou de la phtisie tuberculeuse qui, nous le verrons, mettentfinsi habituellement à l'existence desfemmes atteintes de sclérose en plaques ou d'ataxie locomotrice progressive.
Cependant, tel n'est pas peut-être le genre de mort le plus habituel de cette maladie. En effet, la terminaison finale arrive fréquemment par le fait d'une maladie intercurrente. Trois fois, Trousseau a vu la mort survenir à la suite d'une pneumonie ; j'ai noté la même chose chez plusieurs sujets atteints de paralysie agitante. Cette complication tient-elle à l'habitude qu'ont ces malades de se découvrir, même par les saisons lés plus froides, en raison des sensations de chaleur intérieure qu'ils éprouvent? Nous ne saurions l'affirmer.
1. Chez une malade du service (Latouil..., Marie Fr.), dont l'observation, recueillie par nous, est consignée dans la thèse de M. Glaveleira, le trem-blement a complètement disparu, l'avant-veillc de la mort. [De la parai, agitante, 1872, p, 35.) (B.)
N'oublions pas, Messieurs, que, d'une façon générale, la paralysie agitante est une des affections graves du système nerveux dont la durée est la plus longue. Elle peut durer trente ans ; les symptômes de la troisième période seuls, ainsi que j'en ai été témoin, peuvent se prolonger pendant quatre ou cinq années.
Si j'ai insisté avec minutie sur la description symptomatolo-gique de la paralysie agitante, c'est qu'elle constitue, encore aujourd'hui, à peu près toute l'histoire de cette affection.
Les rares autopsies pratiquéesjusqu'à présent chez des indi-vidus supposés atteints de paralysie agitante, sont susceptibles d'être rangées en trois groupes. Le premier renferme les cas dans lesquels on n'a rencontré aucune lésion appréciable, malgré les explorations les plus attentives. Il existe plusieurs faits de ce genre consignés dans les auteurs. J'ai observé, pour mon compte, trois cas de paralysie agitante bien caractérisée, dans lesquels les résultats de l'autopsie ont été complètement négatifs. D'autres fois,on trouve mentionnées, dans les nécrop-sies, des lésions banales, en particulier l'atrophie cérébrale sénile; or, celle-ci peut exister, comme on le sait, sans qu'il y ait jamais eu le moindre tremblement.
Le second groupe comprend les observations publiées par quelques auteurs, Bamberger, Lebert, Skoda, par exemple, sous le titre de paralysie agitante et dans lesquelles ont été rencontrées des lésions qui appartiennent vraisemblablement à la sclérose en plaques. Tels sont les cas de Bamberger, Lebert, Skoda. S'agissait-il vraiment de la paralysie agitante ou avait-on sous les yeux le tableau clinique de la sclérose en plaques ? Le fait est parfaitement établi, aumoinspour l'obser-vation de Skoda. Nous reviendrons d'ailleurs sur ce point.
Enfin, le dernier groupe contient l'observation deParkinson et celle d'Oppolzer. Dans l'observation de Parkinson, que cet
auteur a transcrite du reste de seconde main, il y avait, paraît-il, une augmentation de volume, avec induration du pont de Varole, de la moelle allongée et de la portion cervicale de la moelle; en outre, les nerfs de la langue, ceux du bras, étaient comme tendineux. Ce dernier détail nécroscopique et d'autres encore qu'il est inutile de relever, nous semblent jeter des doutes légitimes sur la valeur de ce fait au point de vue ana-tomo-pathologique.
Quant au cas du professeur Oppolzer, il n'est guère plus con-cluant, à notre avis, en dépit de l'importance qu'on a voulu lui accorder. À l'autopsie, on découvrit aussi une induration du pont de Varole etde lamoelle allongée, attribuée, après examen microscopique, à une hyperplasie, une prolifération du tissu conjonctif. Quels sont les caractères de cette hyperplasie? A cet égard, la relation est muette. 11 n'est nullement question, dans le texte allemand, de l'atrophie des éléments nerveux, non plus que des caractères de la dégénération graisseuse, deux lésions signalées, on ne sait trop pourquoi, dans la version adoptée, dans sa leçon clinique, par Trousseau.
Les considérations qui précèdent vous montrent,Messieurs, que la lésion de la paralysie agitante est encore à trouver (1).
La physiologie pathologique n'est guère plus avancée que l'anatomie. Bientôt, je pense, j'aurai l'occasion de vous faire
1. Depuis que cette leçon a été laite (1868), M. Charcot a eu l'occasion de pratiquer trois autopsies nouvelles ; les lésions qu'il a rencontrées sont de denx espèces : les unes, constantes dans ces trois cas (oblitération du canal centra de la moelle par la prolifération des éléments épithéliaux qui tapissent l'épen-dyme; prolifération des noyaux qui entourent l'épcndyme ; — pigmentation des cellules nerveuses, très prononcée, principalement dans les cellules de la co-lonne vésiculeusc de Clarke) ; les autres, particuliers à deux de ces cas (mul-tiplication des corps amyloïdes) ou à l'un d'eux (plaque scléreuse à la face postérieure du bulbe). Dans le cas le plus net, on ne constatait aucune lésion delà protubérance ni du bulbe. (Voir pour plus de détails : Joffroy, Société de biologie, 1871.)
reconnaître la vérité de cette assertion. Je n'insiste pas, pour l'instant sur ce sujet, j'ai hâte de terminer l'histoire clinique de la paralysie agitante, en vous exposant ce que nous savons relativement à l'étiologie et à la thérapeutique de cette affec-tion. Ni l'une ni l'autre ne comportent de longs développements, la thérapeutique moins encore peut-être que l'étiologie; car, jusqu'à ce jour, il n'est aucune substance, aucune méthode de médication à laquelle on puisse faire honneur, je ne dirai pas d'une guérison,mais même d'un amendement sérieux dans un cas bien authentique de paralysie agitante.
Etiologie. A. Parmi les causes extérieures à l'individu, deux surtout méritent d'être invoquées légitimement dans un assez grand nombre de cas. C'est, en premier lieu, l'influence des violents ébranlements du système nerveux : l'effroi, la ter-reur, une fâcheuse nouvelle apprise tout à coup, etc. Les exemples à l'appui fourmillent dans la science et les faits que nous avons recueillis nous-même nous obligent àne pas con-server le moindre scepticisme sous ce rapport.
Des femmes de la Salpêtrière, atteintes de paralysie agitante interrogées par nous, beaucoup ont vu leur maladie prendre naissance au milieu des commotions politiques qui ont agité notre pays. Qu'il nous suffise de citer lafemme d'un gendarme, à laquelle nous avons déjà fait allusion plusieurs fois, une l'emme actuellement couchée au n° 2 de la salle Saint-Alexandre qui se mit àtrembler après une émotion violente, occasionnée parles événements de décembre 1851. En dehors des faits qui nous sont personnels, nous relaterons : 1° un cas de M. Hillai-ret (rapporté dans notre mémoire) ayant trait à un père qui vit Luer son fils sous ses yeux ; 2e un autre publié par Oppolzer, concernant un bourgeois de Vienne, effrayé par l'éclatement d'une bombe à ses côtés (1) ; enfin un troisième, consigné par
1. Dans un travail publié en 1873 [BerUner Klin. Wochenschrift, n° 24,)
Van Swieten dans ses écrits. Il s'agissait, dans ce dernier cas, d'un homme réveillé subitement par un coup de tonnerre épou-vantable. Multiplier les exemples serait facile, mais n'ajoute-rait rien à ce que nous venons de dire. Ce qu'il importe de sa-voir, c'est que, chez tous ces malades, le tremblement suivit immédiatement ou presque immédiatement l'influence de la cause. Celle-ci, qu'on le sache encore, n'impose aucun carac-tère spécial à la maladie.
Notons en second lieu, l'action du froid humide longtemps prolongée,action qui, aux yeux de quelques auteurs, suffit pour faire admettre l'origine rhumatismale. Toutefois, une cir-constance importante plaide contre cette explication: c'est que les formes de rhumatisme articulaire aigu ou chronique se montrent rarement soit avantl'éclosion de la maladie, soitpen-dant son cours. Tout au plus remarque-t-on parfois, dans les cas où l'influence étiologique du froid a pu être invoquée, des douleurs rhumatoïdes ou névralgiques vagues. Nous pourrions citer à ce propos, une femme que nous vous avons montrée,et dont la démarche rappelle celle des grands pachydermes. Cette femme, qui fabriquait des gaufres, a demeuré pendantplusde dix ans dans un rez-de-chaussée très humide, et la description qu'elle donne de cette habitation malsaine ne laisse aucun doute à cet égard. De plus, elle se Umrvait exposée, en raison de son métier, à des refroidissements fréquents.
Il est des cas où cette cause est loin d'avoir joué, à notre avis, le rôle qu'on lui attribue. Tel est celui de Romberg,con-
p. 278, etc.), M. 0. Kohts relate un certain nombre de cas de maladies ner-veuses, observées à Strasbourg-, et que les malades eux-mêmes font remonter a la frayeur que leur a causée le bombardement de la ville. L'auteur, qui s'étend avec complaisance sur cet événement désastreux, nous apprend que le nombre des bombes lancées sur Strasbourg, en 31 jours s'élève à 193,722, soit, d'après son calcul, 6,249 par jour, 269 par heure, ou 4 à 5 par minute. Parmi les faits pathologiques qu'il cite, trois paraissent relatifs à la paralysie agitante (2 femmes âgées, l'une de 51 ans et l'autre de 61 ans et un homme âgé de 56 ans). (Note de la 2e édition). (B.).
cernant un homme qui,en 1813, fut détroussé par les Cosaques en temps de neige. Faut-il invoquer ici l'influence du froid ou celle de la terreur ?
Nous signalerons enfin une troisième cause, passée sous si-lence par la plupart des médecins qui ontécrit sur la paralysie agitante,à savoir Y irritation de certains nerfs périphériques, en conséquence d'uneblesssure ou d'une contusion. Un faitde Doar, relevé par Haas en 1852, et cité par M. Sanders, appar-tient peut-être à ce groupe étiologique. Il a trait à une fille de 19 ans qut s'enfonça une épine sous l'ongle du pied droit. Elle ressentit sur le champ une vive douleur, et bientôt elle eutun tremblement qui, d'abord circonscrit au pied blessé, se gé-néralisa progressivement. Le tremblement, par la suite,dispa-rut, dit-on, d'une façon complète. C'est là une terminaison bien exceptionnelle qui nous autorise à douter qu'il se soit agi, dans ce cas, de la paralysie agitante.
La femme d'un de nos confrères de la province, que j'ai observée se contusionna violemment la cuisse gauche en tom-bant d'une voiture. Au bout de quelque temps, il survint dans le membre blessé une douleur vive, occupant le trajet du nerf sciatique, et, peu après, un tremblement se déclara dans toute l'étendue de ce membre. D'abord passager, ce tremblement devint plus tard permanent, et s'étendit enfin aux autres mem-bres. Il est permis de rapprocher du fait précédent celui d'une sage-femme atteinte aussi de paralysie agitante. Cette malade que j'ai observée à la Salpêtrière, éprouva, pendant plusieurs années une douleur, violente localisée sur le parcours des nerfs de la jambe et du pied. Ces parties furent prises les premières du tremblement. Cette douleur, qui s'était développée sponta-nément, et qui, parfois, était intolérable, résista aux moyens les plus énergiques. Elle persista jusqu'à la mort de la malade dont l'autopsie, malheureusement n'a pu être pratiquée.
B. Nous venons d'indiquer les cas dans lesquels l'influence d'un élément étiologique peut-être invoquée; mais il en est d'autres qui, malgré les recherches les plus attentives, ne con-duisent à aucun résultat. On en est réduit alors à l'examen des influences prédisposantes, qu'il nous reste maintenant àpasser en revue.
Relativement à Yâge, nous devons faire remarquer que la paralysie agitante n'estpas, ainsi qu'on l'a avancé, une maladie de la vieillesse. Elle débute, à la vérité, après 40 ans, plus tard, par conséquent, que la sclérose en plaques disséminées. Tou-tefois, cette règle n'estpas absolue : on pourrait citer quelques cas où la maladie s'est montrée de bonne heure, à 20 ans, par exemple, comme dans un fait qui nous a été communiqué par M. Duchenne (de Boulogne) (1).—hesexene paraît exercer au-cune action pathogénique : la paralysie agitante est aussi com-mune chez l'homme que chez la femme.
Nous ne possédons pas de renseignements précis sur Y héré-dité. La pralysie agitante n'est point, à l'instar de l'ataxie lo-comotrice dans certaines circonstances, et de l'atrophie mus-culaire progressive, une maladie de famille. Les observations qui ont pu faire croire le contraire se rapportent à des trem-blements partiels n'ayant nulle tendance à se généraliser, ren-trant plutôt dans la classe des tics convulsifs.
II y a quelques raisons de penser que la race anglo-saxonne
1. M. Pioupc a publié dans le Journal de médecine et de chirurgie pratiques (p. 389, 1874), l'observation d'une jeune fille du service de M. Sircdey qui l'ut frappée de paralysie agitante à l'âge de 15 à 16 ans. « Vers la fin du siège de Paris, elle s'était réfugiée un jour dans une cave pour se soustraire aux pro-jectiles, lorsqu'un obus vint faire à ses côtés 3 ou 4 victimes. Saisie d'une vio-lente frayeur, elle perdit connaissance et quand, au bout de quelques instants, elle revint à elle, on ne tarda pas à s'apercevoir que son bras droit était animé d'un léger tremblement qui gagna peu de temps après le membre inférieur du même côté. » Elle offre aujourd'hui tous les symptômes qui caractérisent la para-lysie agitante : physionomie, attitude spéciale de la tête, fixité du regard, du tronc,démarche,propulsion,rétropulsion,tremblement,etc.(B.)(Note delà2céd.)
(Angleterre, Amérique du nord) est préférablement affectée de cette maladie. Les récits que j'ai entendu faire aux médecins de ces pays, mon expérience personnelle, et surtout les ren-seignements qui m'ont été fournis par mon ami, M. Brown-Séquard, viendraient à l'appui de cette opinion. Mais même dans ces pays, la paralysie agitante n'est pas très commune. M. Sanders, dans une statistique comprenant l'Angleterre et le pays de Galles, et s'étendant de 1855 à 1863, a relevé 205 cas de mort par paralysie agitante, c'est-à-dire en moyenne par an (14 hommes, 8 femmes). Disons, enfin, que cette maladie figure au cinquième rang, à côté de l'ataxie locomotrice, sur le tableau étiologique des infirmités traitées à la Salpêtrière.
Thérapeutique. Un mot, en terminant, Messieurs, sur les moyens thérapeutiques. La paralysie agitante guérit quelque-fois, cela est incontestable. Est-ce spontanément ou grâce aux agents mis à contribution? La dernière hypothèse, pour lama-jorité des cas heureux, est peu probable, car les médicaments auxquels on voudrait faire honneur de cette action médicatrice ont, clans d'autres cas, complètement échoué. Ellioston a donné le sous-carbonate de fer, Brown-Séquard le chlorure de ba-ryum ; tous les deux ont enregistré un succès et, à côté, des essais négatifs. M. Duchenne (de Boulogne) a vu également un de ses malades guérir. Ces citations montrent quela paralysie agitante n'est pas incurable. Mais nous devons reconnaître que nous ignorons quels sont les moyens employés dans ce but par la nature.
On a tout ou à peu près tout essayé contre cette maladie. Parmi les médicaments qui ont été préconisés, etquej'ai admi-nistrés sans fruit, je n'en énumérerai que quelques-uns. La strychnine, vantée pavTwu$seau.( Journal de Beau),paru m'a plutôt exaspérer le tremblement que le calmer. Vergot de sei-gle, la belladone, prescrits en raison de leur pouvoir anti-con-
vulsif, ne m'ont pas donné de résultats bien avantageux. J'en dirai autant de Xopium, qui, au contraire, augmente l'excitabi-lité réflexe et que l'on supposait capable de modérer le trem-blement, en diminuant les douleurs. Dans ces derniers temps, j'ai employé Yhyoscyamine; quelques malades,par elle,se trou-vaient soulagées ; son action, d'ailleurs, est simplement pallia-tive. Ogleadonné sans bénéfice la fèvede Calabar. Quant au nitrate d'argent, il nous a toujours semblé exagérer l'état convulsif, et cela est d'autant plus remarquable, que, dans la sclérose en plaques, il produit quelquefois un amendement assez marqué, et diminue l'intensité du tremblement (1).
Enfin, nous mentionnerons l'emploi de Vélectricité, qui,selon quelques médecins, aurait procuré plusieurs guérisons. Ce n'est pas l'électricité statique, niles courants interrompus, qu'il con-vient de faire intervenir. Ces moyens, avantageux, dit-on, dans la chorée, seraient demeurés impuissants contre la paralysie agitante ; c'est du moins ce qui ressort de la pratique de M. Gull. Il faut se servir des courants constants, tels qu'on les obtient àl'aided'unepile. Il n'est pas nécessaire, Messieurs, de rappeler aujourd'hui que les effets physiologiques et thérapeu-tiques diffèrent singulièrement suivantquel'on fait appel àl'une ou l'autre de ces deux espèces de courants. Quoi qu'il en soit, il existe deux faits, au moins, dans lesquels ce mode de traite-ment paraît avoir été heureux. Le premier appartientà Remack, le second à Russell Reynolds. Il serait donc bon, l'occasion se présentant, d'avoir recours aux courants continus.
1. M. Eulcmburg a récemment recommandé l'injection hypodermique d'une solution composée d'une partie d'arsenic de potasse et de deux parties d'eau (Berliner Klin. Wochensck., nov. 1872). Ce mode de traitement, employé par nous dans le service de M. Charcot, n'a donné aucun résultat satisfaisant (Pro-grès méd., 1874, p. 245). — Nous avons aussi prescrit le bromure de camphre chez deux malades du service de M . Charcot, atteintes de paralysie agitante de-puis plusieurs années. Dans les premières semaines, il y a eu un amende-ment de quelques-uns des symptômes, mais cet amendement n'a pas persisté. Peut-être serait-il bon de recourir à cet agent thérapeutique dans des cas moins avancés. (B.) (Note de la 2e édition.)
SIXIÈME LEÇON
De la sclérose en plaques disséminées. — Anatomie pathologique.
Sommaire. —Historique de la sclérose en plaques disséminées : Période fran-çaise ; — Période allemande; — Nouvelles recherches françaises.
Anatomie pathologique macroscopique. - Aspect extérieur des plaques de sclérose. — Leur distribution : cerveau; cervelet, protubérance, bulbe, moelle épinière. — Plaques de sclérose sur les nerfs. — Formes spinale eéphalique ou bulbaire,cérébro-spinale. —Caractères des plaques: couleur' consistance, etc.
Anatomie microscopique. — Notions d'histologie normale concernant la moelle épinière. — Tubes nerveux. — Névroglie : sa distribution. — Couche cor-ticale du réticulum. — Caractère de la névroglie. — Influence de l'acide chromique. — Capillaires artériels.
Caractères histologiques des plaques de sclérose. —Coupes transversales: zone périphérique ; — zone de transition : — région centrale. — Coupes lon-gitudinales. — Altérations des vaisseaux. — Examen des plaques de sclérose à l'état frais. — Lésions histologiques consécutives à la section des nerfs. — Granulations graisseuses sur les coupes de plaques scléreuses à l'état frais. — Modification des cellules nerveuses. — Mode de succession des lésions.
Messieurs,
J'ai insisté dans notre dernière réunion sur la distinction qu'il convenait d'établir entre les diverses espèces de tremblement. Je vous ai dit tout d'abord qu'on pouvait les diviser en deux groupes : l'un dans lequel le tremblement ne survient qu'à l'occasion des mouvements voulus. Puis, partant de cette no-tion, je vous ai cité comme exemple de tremblement dupremier groupe, la paralysie agitante dont je vous ai tracé l'histoire.
Chemin faisant, j'ai relevé quelques-uns des caractères qui per-mettent de distinguer aujourd'hui cette maladie d'une autre affection jusqu'alors confondue avec elle, la sclérose en plaques disséminées.
C'est à cette affection, qui nous fournit un spécimen du trem-blement du second groupe, c'est-à-dire n'apparaissant que dans certaines conditions, que nous allons consacrer cette leçon etles suivantes. Anatomiquement,la sclérose en plaques disséminées est une espèce pathologique nettement déterminée ; clinique-ment, c'est autre chose, et, à cet égard, nous aurons bien des lacunes à combler. Commençons par quelques mots d'histo-rique.
HISTORIQUE.
On trouve la sclérose en plaques mentionnée pour la pre-mière fois dans VAtlas d'anatomiepathologique de M. Cru-veilhier (1835-1842), ce livre admirable qui devrait être consulté plus souvent par tous ceux qui veulent éviter le [désenchante-ment des découvertes tardives, de seconde main, en anatomie pathologique. C'est dans les 22e et 23e livraisons que vous ver-rez figurées les lésions de la sclérose en plaques. A côté, vous pourrez lire les observations cliniques auxquelles elles se rat-tachent. Jeprofite de cette circonstancepour vous recommander la lecture d'un chapitie remarquable sur les paraplégies. Avant cette époque, nulle part ailleurs, à ma connaissance, il n'y a trace de la sclérose en plaques.
Après M. Cruveilhier, Carswell, dans l'article A trophy de son Atlas (1838), a fait dessiner des lésions qui se rapportent à la sclérose en plaques. Mais cet auteur, qui a puisé surtout les matériaux de son ouvrage dans les hôpitaux de Paris, ne re-late à ce propos aucun fait clinique. Même aujourd'hui, je ne crois pas que la sclérose en plaques soit connue en Angle-
terre(1). Je ne la trouve indiquée dans aucun des livres clas-siques publiés dans ce pays, non plus que dans le précieux re-cueil de M. Gull (2).
Ainsi, jusque-là, les documents principaux avaient été ras-semblés en France. A partir de cette époque, pendant une pé-riode de plusieurs années, on laisse cettequestion dansun oubli à peu près complet, et c'est en Allemagne qu'il faut aller pour rencontrer de nouveaux jalons. Ludwig Tûrk a publié, en 1855, des exemples de lésions se rattachant évidemment à la sclérose en plaques ; toutefois, le côté physiologique seul a frappé sonesprit(3) ; Rokitansky les indique dans sontraité (4); Frerichs(5), Valentiner (6) rapportent deux observations. Rind-fleisch (7), Leyden (8), Zenker (9J, fournissent, à leur tour,quel-ques éléments à la solution du problème. Des desiderata res-taient àcombler, de nouvelles recherches étaientindispensables. C'est à laSalpêtriôre que la sclérose en plaques attira de nouveau chez nous l'attention. Dès 1862, M. Vulpian etmoi nous en consta-tions des exemples. M. Bouchard, se fondant sur des tàits réunis parnousàlaSalpôtrière, revintsur ce sujet dans untravail lu au Congrès médical de Lyon.
Dans l'énumération qui précède, nous avons surtout tenu compte des travaux ayant trait à l'anatomiepathologique,nous
1. Cette leçon a été faite en 1868.
2. Cases of Paraplegia, in Gug's Hospital Rep., 1856-1858.
3. Beobachtungen ilber das Leitungsvermogen des mensclilichen Rilckenmarks (Sizung-sberichte der Kaïs. Akademic der Wissenschaften, mathem, naturw. Class, t. XVI, 1855, p. 229).
4. Lehrbuch der pathologischen Anatomie, 1856, Zweiter Band, p. 488.
5. Haeser'c Archiv. Band, X.
6. Ueber die Sclérose des Gehirns und Ruckenrnarks (Deutsche Klinik, 1856; n» 14).
7. Hisfologische Détail zu der grauen Degeneration von Hirn und Rùcken-rnark. Virchow's Archiv. B. XXVI, Heft und 6, p. 474).
8. Ueber graue Degeneration des Rilckenmarks.(Deutsche Klinck, n° 13, 1867).
9. Ein Beitrage zur Slerose des Hirns und Ruckenrnarks. (Zeitschrift fur rat. Medizin. B.XXJV, Heft, 2 und 3.)
proposant d'insister plus tard sur ceux quicontiennent des dé-tails cliniques. Aux renseignements que nous donneront les au-teurs précités, nous en ajouterons d'autres puisés dans des ob-servations inédites, et, pour faciliter la compréhension de nos
¦^ét#des, nous mettrons sous vos yeux les pièces anatomiques
^ué5g^us avons conservées. V\
«A\ ANATOMIE MICROSCOPIQUE.
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vî?J/a^£l*9frose enplaquesdisséminées,je vous l'ai dit, Messieurs, n'est-pas une affection exclusivement spinale. Elle envahit le cerveau, la protubérance, le cervelet, le bulbe.aussibien que la moelle. Nous allons donc énumôrer les altérations que l'on dé-couvre, dans les cas les plus accentués, sur ces divers segments du système nerveux : d'abord extérieurement, puis sur des coupes.
Il s'agit là, Messieurs, d'une altération relativement grossière et il est surprenant qu'elle ait pu pendant si longtemps passer inaperçue. Sur les planches queje vous montre et où les alté-rations sont fidèlement reproduites, vous voyez la moelle épi-nière tachetée de plaques grisâtres, à contours plus ou moins réguliers, mais, entoutcas, nettement circonscrites et qui tran-chent vivement sur les parties voisines (Voy. Planches V et VI).
◀Tantôt▶ discrètes, ◀tantôt▶ confluentes, ces plaques ou ces ta-ches, ainsi que vous pouvez facilement le constater, sont dissé-minées sans règle apparente et comme au hasard sur tous les points de la moelle. Le bulbe lui-même n'est pas épargné, tant s'en faut. (Voy. Pl. III, Fig. Iet3). Souvent aussi diverses par-ties de l'encéphale sont atteintes.
Mais nous ne pouvons nous en tenir à ce simple aperçu et il nous faut entrer dans les détails d'une description plus régu-lière. Tout d'abord, nous devons dire que Xexamen purement
extérieur ne donnerail delà lésion qu'une idéelrèsincomplèle. Les plaques, les Lâches, dont nous venons de parler, ne sont pas superficielles; elles constituent de véritables noyaux ou foyers qui pénètrent dans la profondeur des tissus. Souvent même, la coupe seule révèle l'existence des plaques cachées intérieurement. •
Examinons en premier lieu Y encéphale. L'aspect général du cerveau proprement dit n'a subi aucune modification dans sa forme et nous pouvons ajouter ni dans sa couleur,,., car les plaques sont très rares sur la substance grise des circonvolu-tions. 11 n'en est plus de même en ce qui concerne lés parties centrales. En effeL, nous trouvons des plaques surtout sur les parois des ventricules (Pl. Vil), dans la substance blanche du centre ovale, le sept uni lucidum, le corps calleux (Pl. VII) et enfin dans certaines régions de la substance grise (Couches optiques, corps striés. Pl. IV et VII, Fig. 1 et 2).
Le cervelet ne présente d'habitude que des plaques inté-rieures, occupant spécialement le corps rhomboïdal. (Pl. III, Fig, 1 et 2).
Le bulbe, la protubérance, et les diverses circonscriptions de l'isthme sont très fréquemment le siège des plaques de sclérose, lesquelles, là, sont à la fois périphériques et profondes. Sur le bulbe, les plaques affectent isolément ou simultanément les olives, les pyramides, les corps restiformes et la région posté-rieure où sont étages les noyaux d'origine des nerfs bulbaires. Pour ce qui a traita la protubérance, les plaques siègent en gé-néral à la face antéro-postérieure. Si nous remontons plus haut, nous voyons affectés et les tubercules mamillaires et les pédon-cules cérébraux (Pl. III, Fig. 1 et 3; Pl. VIII,Fig.. 1 à 5).
Nous arrivons maintenant à la moelle. A travers la pie-mère, on aperçoit souvent des taclîes grises prenant par le contact de l'air une teinte rosée analogue à celle de la chair de saumon. Mais c'est principalement après l'ablation de celte membrane,
Charcot. Œuvres complètes, t. i. 13
ablation qui s'effectue sans peine, que l'on aperçoit bien les lé-sions. Elles intéressent toutes les régions de la moelle (cervi-cale, dorsale, et lombaire) ; elles envahissent indistinctement les différents cordons, sans respecter les sillons et porlent aussi bien sur la substance grise que sur la substance blanche. (Pl. V et VI).
Les nerfs eux-mêmes n'échappent pas à la sclérose. On les voit quelquefois sortir, à leur origine, d'une plaque de sclérose et se montrer parfaitement sains ; d'au 1res fois, on trouve sur leur trajet des plaques scléreuse en tout semblables à celles des centres nerveux, du moins sur les portions de ces nerfs voi-sines des centres : les observations de MM. Vulpian et Liou-ville, souvent répétées depuis, ne laissent pas de doute à cet égard. Les nerfs craniens qui ont offert des plaques de sclérose sont les nerfs optiques, olfactifs et de la 5e paire. Quant aux nerfs rachidiens, nous savons seulement que des plaques ont été vues sur les racines postérieures et antérieures ; mais non s ignorons s'ils ont été lésés sur leur parcours extra-spinal. (Voy. Pl. III, Fig. 1 et 3, a. b).
Je n'insisterai pas plus longuement, Messieurs, sur cette to-pographie des plaques scléreuses ; toutefois, je ne puis me dis-penser d'appeler toute votre attention sur l'intérêt qui s'y at-tache. Vous voyez, en effet, les plaques siéger sur des régions très diverses des centres nerveux, suivant les cas, et il est clair, qu'à ces variétés de siège, devront répondre des désordres fonctionnels bien différents. C'est à cela que la maladie doit en grande partie son caractère protéiforme. Nous reviendrons sur ce point. Pour le moment, remarquez que ces différences de siège motivent des divisions importantes que nous retrouve-rons en clinique. ◀Tantôt▶ les plaques occupent exclusivement la moelle (forme spinale); tanlôt elles prédominent dans l'encé-phale (forme céphalique ou bulbaire); enfin, l'existence simul-
tanée de plaques dans l'encéphale et la moelle répond à la forme cérébro-sp ina le.
Pour en finir avec l'anatomie à l'œil nu, il ne me reste plus qu'à indiquer les principaux caractères que présentent les plaques considérées individuellement. Quelquefois les plaques sont saillantes et comme turgescentes ; d'autres fois,elles sont de niveau avec les parties avoisinantes'; enfin, elles sont par-fois déprimées lorsqu'elles ont une date ancienne. Ellesont une coloration qui rappelle à peu près celle de lasubstance grise, dont il est difficile de les distinguer ; mais au contact de l'air, elles prennent une couleur rosée et l'on voit s'y dessiner des vaisseaux abondants. Ces plaques ont une consistance ferme et donnent des surfaces de section nettes et d'où s'écoule un liquide transparent.
Telle est, Messieurs, au point de vue de l'anatomie simple, la sclérose en plaques généralisées; il nous faut entrer mainte-nant dans des détails histologiques minutieux.
Pour me ner à bonne fin cette entreprise, qui se rapporte à des traits d'une exposition laborieuse, je réclamerai à la fois et toute votre intention et toute votre indulgence.
AINATOMIE MICROSCOPIQUE.
La méthode à suivre est simple. Nous devons partir des con-ditions normales ; celles-ci une fois connues, il sera plus aisé d'en faire dériver les conditions morbides. La connaissance préalable des caractères de l'état normal, en ce qui concerne les organes et les éléments dont nous voulons étudier les altéra-tions, vous est sans doute familière, et nous pourrions, à lan-gueur, entrer de plein pied dans l'examen des lésions intimes. Toutefois, vous le savez, l'anatomie histologique des centres nerveux est, sous quelques rapports, toute nouvelle; bon
nombre des questions quelle soulève sont encore en litige; et cependant, pour l'intelligence des lésions pathologiques, il n'est pas indifférent d'avoir sur ces questions une opinion plus ou moins motivée. Ces considérations nous engagent à vous re-mettre en mémoire, au moins sommairement, certains faits fondamentaux d'anatomie normale. D'ailleurs, nous nous occu-perons surtout de la moelle épinière, organe moins complexe et d'un abord plus facile que ne l'est le cerveau. Mais afin de li-miter le champ de nos études, nous ne nous arrêterons pas à décrire les éléments nerveux proprement dits, tubes ou cellules ; nous n'insisterons pas non plus sur leurs rapports réciproques ni sur le mode de groupement qu'ils affectent pour constituer ce que l'on nomme la substance blanche et la substance grise. Nous nous proposons de concentrer votre attention sur la gangue conjonctive qui, de toutes parts, enveloppe ces élé-ments. Un grand intérêt s'attache à l'histoire de cette gangue conjonctive, principalement pour lespathologisles, car c'est à elle qu'il faut attribuer le rôle capital dans certaines altéra-tions des centres nerveux et en particulier dans les cas qui nous ocupent (1).
I.
A. Il sera, je crois, avantageux d'inaugurer cette étude par l'examen de tranches minces transparentes, pratiquées trans-versalement sur des tronçons de moelle convenablement durcis dans une solution d'acide chromique, et colorées par le carmin. Le carmin est ici un réactif précieux. Grâce à lui, certains élé-
1. On sait que les premières études sur la gangue conjonctive de la moelle épinière remontent à 1810 et sont dues à Keuffel ; mais ce que l'on sait moins c'est que Cruveilhier, dans son article Apoplexie, du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, publié en 1820, a mentionné « le tissu cellulaire séreux extrêmement délié qui unit et sépare les fibres cérébrales et qui forme une trame excessivement ténue ». (Loc. cit., p. 209.)
ments, qui ont la propriété de se colorer, sous son influence, d'une teinte plus ou moins vive, sont par là mis en relief, alors que les autres conservent leur aspect ordinaire. Ainsi les cel-lules ganglionnaires, leur noyau, leur nucléole et aussi les pro-longements de ces cellules se colorent fortementsous l'influence de ce réactif. La gangue conjonctive se colore également dans tous les points de son étendue, à la vérité d'une manière bien moins prononcée; et, pour ce qui a trait aux tubes nerveux, seul le cylindre d'axe prend la couleur du carmin, tandis que l'enveloppe de myéline résiste complètement à son action.
Tous les détails que ce mode préparatoire met en reliefvous pourrez les suivre surlaplanclie, d'après Deiters (1), que je vous présente ; vous les retrouverez ensuite facilement sur les très belles coupes que je vais faire passer sous vos yeux et que je dois à l'obligeance de notre confrère M. Lockart-Clarke. 11 con-viendra d'examiner ces pièces d'abord à l'aide d'un faible gros-sissement.
Sur les préparations comme sur la planche, les parties qui appartiennent à la substance blanche de la moelle vousparai-sent sans doute, au premier abord, presque entièrement com-posées de petits corps régulièrement arrondis, sortes de disques placés côte à côte et à peu près de même diamètre. Ce sont les tronçons cylindriques, très minces, résultant de la section des tubes nerveux, lesquels tubes sont là, dans cette partie de la moelle, disposés pour la plupart suivant le grand axe de l'or-gane, et, comme sont les prismes d'une chaussée basaltique, parallèlement les uns aux autres. Au centre des disques qui, dans le reste de leur étendue, sont constitués par la myéline non colorée, d'aspect brillant, translucide, figure comme un point, ou mieux, comme un petit globule, le cylindre d'axe co-loré en rouge.
1. 0. Deiters. — Untersuch. iiber Gehîrn und Rùckenmarch. Braunskewieg Planche III, flg. 12.
Un examen un peu plus attenlif fait constater bientôt que les disques en question ne sont pas exactement contigus, et qu'ils sont, au contraire, plus ou moins nettement séparés les uns des autres, par une substance d'apparence homogène, que le carmin colore légèrement et qui semble combler, à la manière d'un ciment, tous les vides que les éléments ner-veux laissent entre eux. Cette substance n'est autre que la gangue conjonctive, comme nous l'appelions tout à l'heure, ou autrement dit, la névroglie (Virchow), le réticulum (Kol-liker). En étudiant ce mode de répartition et d'agencement sur les diverses parties de la coupe, vous reconnaîtrez aisé-ment qu'elle entre pour une part très importante danslamasse de l'organe. Remarquez en premier lieu qu'elle forme, à la partie périphérique de la coupe, un anneau, ou mieux, une zone, d'une certaine épaisseur et où les tubes nerveux font absolument défaut. Cette zone est recouverte à l'extérieur et enveloppée, pour ainsi dire, par la pie-mère, avec laquelle elle ne contracte que de faibles adhérences; elle est d'ailleurs par-faitement distincte, quant à sa structure, de cette dernière membrane, qui est composée de tissu conjonctif fibrillair, et, par conséquent, tout autrement que la névroglie. Elle a été décrite avec soin par Bidder etparFrommann, quiladésignent sous le nom de couche corticale du réticulum (Rindenschicht) ; nous verrons plus tard qu'elle présente parfois, au point de vue pathologique, un intérêt incontestable (1).
Du bord interne de cette zone ou couche corticale, on voit naître et se détacher, de distance en distance, des cloisons qui se dirigent vers le centre de la moelle,qu'ils partagent en com-partiments triangulaires à peu près égaux, dont la base est à la périphérie et dont le sommet se perd dans la substance grise.
1. C. Frommann. — Vntersuch. ilber die normale und patholog. Anatom. des Rûckenmarkes. léna, 1864.
Ces cloisons donnent elles-mêmes naissance, chemin faisant, à destractus secondaires, puis tertiaires, qui se subdivisent aussi à leur tour. Leurs ramifications s'enchevêtrent, se croisent et s'anastomosent de manière à produire un réseau à mailles d'iné-gale dimension. De ces mailles, les plus larges réunissent, sous forme de faisceaux, huit, dix tubes nerveux, ou même un plus grand nombre, tandis que les plus étroites n'en renferment, le plus souvent, qu'un seul. La disposition réticulée dont il s'agit devient surtout évidente dans les points de la préparation, où, par suite de la distribution des tubes nerveux, le squelette con-jonctif persiste seul.
Plus encore peut-être que dans la substance blanche, la né-vroglie joue, dans la substance grise, un rôle important ; il est, en effet, des régions de celle-ci qu'elle constitue d'une manière presque exclusive ; tels sont, par exemple, les bords du canal central, le cordon de l'épendyme. Elle est prédominante aussi dans cette partie des cornes postérieures connue sous le nom de substance gélatineuse de Rolando ; dans la commissure posté-rieure qui, en conséquence, prend dans sa presque totalité, une teinte rosée sur les préparations traitées par le carmin, tandis que la commissure antérieure, au contraire, en raison des nom-breux tubes nerveux à direction transversale qu'elle contient, est beaucoup moins affectée par le réactif. Dans la substance grise, d'ailleurs, de même que dans la substance blanche, la névroglie présente la structure réticulée ; seulement, dans le premier cas, les intrications beaucoup plus multipliées des trabécules forment des mailles notablement plus serrées et font voir l'apparence d'un tissu spongieux. Dans ces deux condi-tions, du reste, elle sert de support aux vaisseaux sanguins.
B. Il convient actuellement de rechercher, à l'aide de grossis-sements plus puissants, quelle est la constitution histologique de cette gangue conjonctive dont nous ne efrïraaisDns encore
que les apparences les plus extérieures. S'agit-il là du tissu con-jonctif ordinaire (tissu lamineux fibrillaire) ? Non, assurément : tout le monde s'entend sur ce point. Mais en dehors de cette no-tion purement négative, presque tout reste litigieux dans l'his-toire hisfologique de la névroglie. Toutefois, une opinion tend ici à prévaloir, et cette opinion, si j'en juge d'après des impres-sions fondées sur des observations personnelles, se rapprocherait beaucoup de la réalité. D'après cette manière de voir, la névro-glie serait faite, comme le stroma des glandes lymphatiques, par exemple, suivant le type du tissu conjonctif simple réticulé (Kôlliker) ; c'est-à-dire qu'elle serait essentiellement composée de cellules étoilées, en général pauvres en protoplasma, portant des prolongements grêles, plusieurs fois ramifiés, et dont les branches communiquent les unes avec les autres, de manière à relier en un seul système les diverses cellules et à les rendre pour ainsi dire solidaires [Kôlliker (1), Max Schultze, From-mann (2).] Dans cette forme de tissu connectif. il n'existe que fort peu de substance amorphe dans les mailles du réticulum, et la substance intermédiaire fibrillaire, qui est l'un des carac-tères fondamentaux du tissu lamineux, fait ici complètement défaut. Voyons maintenant ce que l'observationdirecte permet de reconnaître sur des coupes minces de la moelle, durcies par l'acide chromique et colorées parle carmin. Comme dans le cas du stroma des glandes lymphatiques que nous prenions, il y a un instant, pour exemple, il importe ici de distinguer en premier lieu des cellules et en second lieu un réseau de trabécules fibroïdes qui relient ces cellules entre elles. Il s'agira d'abord de ce que l'on voit dans la substance blanche.
Les points du réticulum où plusieurs trabécules se rencon-trent forment çà etlà des renflements ou nœuds p\usou moins épais, situés à peu près à égale distance les uns des autres. Or,
1. Kôliker. — Gewebelehre, 5e édit. Leipzig, 1867, § 108. —2. Loc. cil.
chacun de ces nœuds, ceux surtout qui se font remarquer par leur grande dimension, présentent vers leur partie centrale un corps figuré, arrondi ou légèrement ovalaire, plus vivement co-loré par le carmin que ne le sont les parties avoisinantes. Ces corps sont des noyaux, à contour net, finement grenus, dépour-vus de nucléoles et mesurant enmoyenne de 0mm,004 à 0mm,007. Us se montrent solubles dans l'acide acétique qui les fait se contracter dans tous les sens et diminue leur diamètre quelque-fois de moitié ;on les connaît sous le nom àemyélocites (Ch. Robin) (1) ou de noyaux de la névroglie (Virchow) (2). Une mince couche de protoplasma, sans apparence cellulaire distincte, entoure le plus souvent ces noyaux (myélocites, variété noyau) qui, d'autres fois, au contraire, sont renfer-més dans une véritable cellule arrondie ou étoilée (myélo-cites, variété cellule), et munis de prolongements plus ou moins nombreux(de3à 10, d'après Frommann), plus ou moins allon-gés (3). Les prolongements paraissent faire corps avec les trabé-cules du réticulum qui les constituent, pour ainsi dire, sans ligne de démarcation appréciable ; dans le cas où la forme cel-lulaire n'est pas distincte, les noyaux, nus ou recouverts seule-ment d'une mince couche de protoplasma, apparaissent comme des centres d'où naissent les trabécules du réticulum et d'où elles irradient pour se porter dans diverses directions.
Les trabécules doivent être étudiées à leur tour et considérées i ndépendamment des connexions qu'elles peuventavoir soit avec les noyaux, soit avec les cellules qui occupent les nœuds du réti-culum ; leur texture varie quelque peu selon que l'on examine des coupes transversales ou des coupes longitudinales. Dans le
1. Robin.— Programme du couru d histologie, 1864, p. 46. —Diction, ency-clopédique, 2e série, t. I, l,e part., art. Lamineux, p. 284.
2. Virchow. — Die Krankhaft. Geschwùlste, 1864-1865, t. II, p. 127.
3. Voir sur ce sujet : Hayem et Magnan. Journal de la physiologie, etc., n° 1, 1876 — Hayem. — Etudes sur les diverses formes d'encéphalite, 1868.
premier cas, elles simulent de minces cloisons homogènes, bril-lantes, d'aspect fibroïde. En s'anastomosant, elles forment des mailles dont les plus étroites sont assez larges encore pour conte-nir un tube nerveux. S'agit-il découpes longitudinales? On voit les trabécules se ramifier presque à l'infini et produire un réseau à mailles beaucoup plus fines. Ce réseau est d'ailleurs disposé sous forme de cloisons qui séparent les uns des autres les tubes nerveux et les entourent à la manière d'une çaîne. Les vides qui existent çàet là, entre les gaines elles tubes nerveux, sem-blent comblés par une petite quantité d'une matière amorphe, finement grenue. Nulle part on ne rencontre, dans l'état normal, au milieu de ces trabécules, les'minces fibrilles, qui font partie intégrante du tissu lamineux.
Dans la substance grise, la névroglie est faite sur le même plan général ; seulement, les mailles du réseau fibroïde, surtouL dans les points où les éléments nerveux manquent, y sont plus serrées que dans la substance blanche et de là résulte l'aspect spongieux que nous avons déjà mentionné. Ajoutons que les cellules étoilées se montrent plus nombreuses que partout ailleurs dans certaines régions de la substance grise et qu'elles sont parfois tellementdéveloppées, qu'il devient fort difficile de les distinguer des cellules nerveuses ; mais nous aurons l'oc-casion d'insister sur ce point.
Un réseau fibroïde dense, à mailles étroites, des cellules nombreuses se retrouvent aussi dans les parties des faisceaux blancs où n'existent pas de tubes nerveux, dans la couche cor-ticale (Rindenschicht),parexemple et dans les grandes cloisons qui y prennent leur origine.
Si l'on s'en rapporte à la description qui précède, la névro-glie mérite incontestablement d'être rattachée au type du tissu conjonctif réticulé, dont nous rappelions tout à l'heure les ca-ractères essentiels.
Mais cette description a été tracée principalement, — vous
ne l'avez pas oublié, — d'après des observations faites sur des fragments de moelle qui ont subi, pendant un temps plus ou moins long, l'action de l'acide chromique. Or, les résultats obtenus à l'aide de ce mode de préparation sont-ils à l'abri de la critique? Telle n'est pas l'opinion de quelques auteurs, parmi lesquels il faut citer, au premier rang, des maîtres tels que Henle et Ch. Robin (1). Suivant eux, le réticulum fibroïde, décrit plus haut, n'aurait pas d'existence réelle; ce serait un produit de l'art. A l'état frais, avant l'intervention des réactifs, les espaces intermédiaires aux tubes nerveux seraient remplis, non par des trabécules solides formant par leur agencement les mailles d'un réseau, mais tout simplement par unematière amorphe, molle, grisâtre, finement grenue, au sein de laquelle les myélocites seraient comme suspendus.
Cette matière ayant la propriété de se durcir, sans perdre de son volume, sous l'influence de l'accool et de divers acides, de l'acide chromique en particulier, c'est à cette circonstance qu'elle devrait de se présenter, sur les préparations traitées par ce dernier agent, sous la forme d'un appareil réticulé. A ces objections ont été opposés des arguments, ou pour mieux dire des faits, dont quelques-uns ont, croyons nous, une valeurà peu près absolue. On reconnaît qu'il existe à l'état normal, interposée aux éléments nerveux, — à la vérité en faible pro-portion, — de la matière amorphe possédant les caractères qui viennent d'être indiqués (Kôlliker) ; on reconnaît également que, sur les pièces fraîches, le réticulum est moins nettement dessiné que sur les pièces durcies par les acides. Mais il n'en est pas moins vrai que, même à l'état frais, les coupes fines de la substance blanche de la moelle, placées dans le sérum iodé et dilacérés sous le microscope, laissent voir nettement sur leurs bords les tractus fibroïdes du tissu eonjonclif (Kôlliker),
1. Dicl. encyclopédie, loc. cil.
Frommann, Schulzte). Ce résultat, facile à obtenir dans les conditions normales, s'accuse encore mieux dans certaines circonstances pathologiques où les dispositions normales se montrent exagérées, sans être encore foncièrement modifiées (Virchow.) C'est ce qui a lieu, entre autres, ainsi que nous le dirons, dans la myélite interstitielle subaiguë,et dans la sclérose proprement dite, lorsque l'altération n'a pas encore dépassé premières les phases dé son évolution.
De tout cela, on a conclu, — et nous croyons la conclusion légitime, — que, dans l'espèce, l'acide chromique n'a pas d'au-tre effet que de mettre mieux en relief la texture réticulée de la gangue conjonctive de là moelle épinière. Cette disposi-tion préexiste; elle ne se produit pas de toutes pièces sous l'action du réactif.
Pour en finir avec les remarques que j'ai cru devoir vous présenter relativement à l'histologie normale du centre nerveux spinal, je n'ai plus qu'un mot à ajouter touchant une particula-rité anatomique qu offrent les plus petits vaisseaux, principale-ment les capillaires artériels, dans l'épaisseur de cet organe. Ils possèdent, comme lesartérioles intra-encéphaliques, cette tunique surnuméraire que l'on désigne communément sous le nom de gaine lymphatique ou encore de gaine de Robin. Un espace libre, rempli par un liquide transparent, où flottent quelques éléments figurés, sépare, vous le savez, cette gaine delà tunique adventice. Vous reconnaîtrez bientôt l'in-térêt qui s'attache à cette disposition anatomique lorsqu'il s'agira d'interpréter certaines lésions (i).
1. Depuis le moment oîi celte leçon a été faite, de nombreux travaux ont été publiés sur la structure de la névroglie. (Voir à ce sujet une revue critique de Gombault : Archives cle physiologie, 1873, p. 458.) — Dans un important tra-vail, M. Banvicr, dont les travaux ont tant contribué à la connaissance du tissu conjonctif, a montré que les cellules, décrites parGolgi etBoll, ne sont proba-blement que des artifices de préparation. Le tissu conjonctif des centres ner-
II.
Après ces préliminaires, il nous devient facile, Messieurs, d'aborder l'étude des altérations histologiques de la moelle dans la sclérose en plaques. La description de ces altérations, que nous allons vous présenter, sera surtout fondée sur les résullafs des investigations auxquelles nous nous sommes livrés depuis longtemps, M. Vulpian et moi. Nous aurons en outre plusieurs fois l'occasion de mettre à profit, après contrôle, les recherches faites antérieurement, ou depuis lors, sur le même sujet, par Valentiner (1), Rindfleich (2), Zenker (3), et surtout par From-mann (4) qui, à propos de l'examen d'un petit fragment de
veux ne s'éloigne guère de la structure de celui des autres régions. (Ranvier. — Sur les éléments conjonctifs de la moelle épinière. In Comptes rendus de l'Académie des sciences, décembre 1873.) La névroglie se compose de petits faisceaux conjonctifs de 0""".001 à 0mm,002 de diamètre. « Il ne s'anastomosent pas entre eux, dit M. Ranvier, mais en quelques points, ils s'entre-croisent au nombre de 4,5,6,7,8, et même plus. Au niveau de cet entrecroisement, il y a souvent un noyau rond ou ovalaire, muni de petits nucléoles, aplatis et]entourés d'une zone granuleuse. Avec un bon objectif à immersion,donnant un grossis-sement de 600 à 800 diamètres, il est facile d'apprécier tous ces détails et de reconnaître dans la zone granuleuse,une lame de protoplasma qui, avec le noyau, constitue une petite cellule plate de tissu conjonctif. Au-dessous et au-dessus de cette cellule, les petits faisceaux se poursuivent. Il ne me paraît pas dou-teux, ajoute M. Ranvier, que cet ensemble ait été pris pour une cellule rami-fiée, mais c'est là une erreur qui, j'en suis sûr, sera abandonnée de tous ceux qui suivront exactement la même méthode. » Sur d'autres points des mêmes préparations, on peut observer des cellules plates isolées ou bien des entrecroi-sements sans cellules, dispositions qui ne laissent aucun doute sur l'interpréta-tion des faits précédents. On s'étonnera moins des opinions contradictoires émi-ses sur la névroglie, si on se rappelle les nombreuses discussions qu'a soule-vées la structure du tissu conjonctif des organes périphériques, structure qui n'a été mise en lumière que par des recherches récentes. (Note de la 2e édition.)
1. Valentiner. — Deutsch Klinik.. 1856. p. 149.
2. Rindfleisch. — Virchow's Arch v. 1863, t. XXVI p. 474.
3 Zenker. —Zeitsch. der ration. Mediz., 1865. Bd. XXIII 3. Reih., p. 226.
4. Froinmann. —2 theil. léna, 1867. - Voir aussi : Rokitansky ; Silzungs-ber. — R. M. Klasse, t. XIII, 1851, p. 136 ; — Charcot : Soc. de biologie, 1868; Bouchard. Soc. anal., 1868; — Hayem. Éludes, etc., loc cit., p. 121.
moelle, a écrit un gros livre accompagné de planches remar-quables et riches en documents précieux.
Nous décrirons en premier lieu ce que l'on peut observer; 1° sur des coupes transversales ; 2° sur des coupes longitudinales, provenant de fragments de moelle durcie par l'acide chromique ; nous décrirons ensuite, d'après l'examen des pièces fraîches, quelques particularités non reconnaissables sur les coupes dur-cies. Dans ces deux cas, la coloration des parties produites à l'aide de la solution ammoniacle de carmin sera, comme pour les recherches relatives à l'état normal, un auxiliaire d'une grande utilité, et qu'il sera bon de mettre en œuvre.
A. Lorsque l'on examine à l'œil nu un tronçon cle moelle portant une plaque de sclérose, il semble que les parties ma-lades se séparent des parties saines d'une manière heurtée, sans transition, par une ligne de démarcation nettement tran-chée. Or, c'est là une illusion. L'étude microscopique, en effet, permet de constater même à de faibles grossissements, que les parties saines, en apparence, qui confinent au noyau scléreux, présentent, dans un rayon d'une certaine étendue, des traces d'altération déjà fort évidentes. Si l'on franchit la limite appa-rente du tissu sain, les lésions se montrent plus accentuées et elle se prononcent progressivement, de plus en plus, à mesure que l'on approche de la région centrale de la plaque, région où elles acquièrent leur plus haut degré de développement. En pro-cédant ainsi des parties périphériques vers les parties cen-trales, on est conduit à reconnaître l'existence de plusieurs zones concentriques, répondant aux phases principales de l'al-tération (1).
a) Dans la zone périphérique, on observe ce qui suit: les trabécules du réticulum se sont notablement épaissies ; quel-
1. Charcot. — Société de biologie, 1868.
quefois, elles ont acquis un diamètre double de ce qu'il est dans l'état normal. En même temps, les noyaux qui occupent les nœuds du réticulum sont devenus plus volumineux ; parfois ils se sont multipliés, et l'on en peut compter deux, trois, rare-ment plus, dans chaque nœud (1) ; la forme cellulaire se montre là plus disLincte, par suite de l'épaississement des trabécules ; les tubes nerveux paraissent plus distants les uns des autres ; en réalité, ils ont surtout diminué de volume, et cette sorte d'atrophie s'est faite aux dépens du cylindre de myéline, car le cylindre d'axe a conservé son diamètre normal ou même il s'est hypertrophié. La matière amorphe, qui recouvre de toutes parts les fibres du réticulum, paraît plus abondante que dans l'état sain (2).
b) Les tubes nerveux, deuxième zone, que l'on pour-rait appeler zone de transition, sont devenus encore plusgrêles. Beaucoup d'entre eux semblent avoir disparu ; en réalité, ils se sont seulement dépouillés de leur cylindre de myéline et ne sont plus représentés que par le cylindre d'axe qui, à la vérité, a parfois acquis des dimensions relativement colossales (3). Quant aux trabécules du réticulum, elles offrent des altérations non moins remarquables. En effet, elles ont plus de transparence, leurs contours sont moins accusés ; enfin, en certains endroits — et c'est là un fait \rraiment fondamental — elles sont rem-placées par des faisceaux de longues et minces fibrilles, fort analogues à celles qui caractérisent le tissu conjonctif ordi-naire (tissu lamineux). Ces fibrilles sont disposées parallèlement au grand axe des tubes nerveux : c'est pourquoi on n'en aper-çoit guère, sur les coupes transversales, que les extrémités qui, par leur réunion, figurent un pointillé très fin. Elles tendent,
1. Parfois, quelques-uns de ecs noyaux présentent vers leur partie moyenne un étranglement qui semble indiquer un commencement de scission.
2. Frommaun, 2 theil, pl. II, fig. 1. et passim. — 3. Fromman, Charcot.
nous l'avons dit, à se substituer aux fibres ou trabécules du réticulum ; mais, en outre, elles envahissent les mailles qui contiennent les tubes nerveux, à mesure que ceux-ci s'amoin-drissent en se dépouillant de leur myéline, et, en consé-quence, l'aspect réticulé ou alvéolaire si distinct que présente à l'état normal la gangue conjonctive tend à s'effacer de plus en plus (1).
c) C'est — vous le savez — dans la région centrale de la plaque scléreuse que l'on observe les altérations les plus pro-noncées. Ici,toute trace de réticulum fibroïde a disparu ; on ne rencontre plus ni trabécules ni formes cellulaires distinctes ; les noyaux sont moins nombreux, moins volumineux qu'il ne l'étaient dans les zones périphériques ; ils se sont rétrécis dans tous les sens, paraissent comme ratatinés et ne prennent plus sous l'influence du carmin une coloration aussi foncée (2) ; on les retrouve, çà et là, formant parfois de petits groupes dans les intervalles que laissent entre eux les faisceaux de fibrilles. Celles-ci, d'ailleurs, ont tout envahi ; elles comblent maintenant les espaces alvéolaires d'où la myéline a totalement disparu. Néanmoins les cylindres d'axe, derniers vestiges des tubes ner-veux, persistent encore en certain nombre, entremêlés aux fibrilles ; mais ils n'ont plus, en général, ce volume relative-ment énorme qu'ils avaient quelquefois dans les premières phases de l'altération ; la plupart même se sont amoindris à tel point qu'ils ressemblent, à s'y méprendre, aux filaments fibril-laires de formation nouvelle dont nous apprendrons cependant tout à l'heure à les distinguer.
Tel est, Messieurs, le dernier terme du processus morbide, dans la forme de sclérose qui nous occupe; et cette persistance, pour ainsi dire indéfinie, d'un certain nombre de cylindres
1. Frommann, 2 theil., loc. cil., pl. IV, fig, 1, 2, 3.-2. Frommann, Charcot.
axiles aumilieu des parties qui ont subi, au plus haut degré, la métamorphose fibrillaire, est, — remarquez-le bien, — un caractère qui paraît appartenir en propre, à la sclérose en pla-ques ; elle ne s'observe certainement pas, du moins au même degré, dans les autres variétés de l'induration grise, soit qu'il s'agisse de la sclérose spinale descendante, consécutive aux lésions du cerveau, ou de celle qui, occupant primivement les cordons postérieurs, est considérée à juste titre comme \esub-stratum anatomique de l'ataxie locomotrice progressive.
B. Les résultats de l'examen des coupes longitudinales con-firment, dans leur ensemble, les données qui viennent devons être exposées ; je puis donc vous épargner déplus longs détails, et me borner aux remarques suivantes qui vous feront mieux connaître, sous quelques rapports, le tissu fibrillaire de forma-tion nouvelle. C'est sur les coupes de ce genre que Ton saisit bien les caractères de ce tissu, que l'on peut le mieux appré-cier la direction longitudinale des fibrilles, leur aspect bril-lant qui les fait ressembler aux fibres élastiques, leur agence-ment sous forme de faisceaux légèrement ondulés et toujours parallèles. En dilacérant ces faisceaux, on reconnaît que les fibrilles qui les composent sont extrêmement ténues, qu'elles sont opaques, lisses, qu'elles se divisent et s'anastomosent rare-ment, tandis qu'elles s'entrelacent, au contraire, ets'intriquent fréquemment de manière à figurer une espèce de feutrage, qu'en-fin elles secolorent àpeine sous l'influence du carmin (Fig. 11). Ces derniers caractères les différencient suffisamment des cy-lindres d'axe qui, d'ailleurs, sont en général plus volumineux, translucides et ne se ramifient jamais. Elles peuvent aussi se distingueraisément desfibres du réticulum avec lesquelles elles se trouvent quelquefois entremêlées en ce que ces dernières sont plus épaisses, plus courtes et constamment hérissées sur-leurs bords de prolongements rameux; elles diffèrent enfin des Charcot. Œuvres complètes, t. i. 14
fibres élastiques que l'on trouve si souvent mêlées au tissu con-jonctif ordinaire par un caractère important: elles se gonflent sous l'influence de l'acide acétique et forment une masse hya-
Fig. 11. — Elle représente une préparation fraîche, provenant du centre d'une plaque scléreuse, colorée par le carmin et traitée par dilacération. Au centre vaisseau capillaire portant plusieurs noyaux. A droite et à gauche, cylindres d'axe, les uns volumineux, les autres d'un très petit diamètre, tous dépouil-lés de leur myéline. Le vaisseau capillaire et les cylindres d'axe étaient for-tement colorés parle carmin. Les cylindres d'axe ont des bords parfaitement lisses, ne présentant aucune ramification. Dans l'intervalle des cylindres d'axe minces fibrilles, de formation récente, à peu près parallèles les unes aux au-tres dans la partie droite de la préparation, formant à gauche et au centre, une sorte de réseau résultant, soit de l'enchevêtrement, soit de l'anastomose des fibrilles. Celles-ci se distinguent des cylindres d'axe : 1° par leur dia-mètre qui est beaucoup moindre ; 2° par les ramifications qu'elles offrent dans leur trajet ; 3° parce qu'elles ne se colorent pas parle carmin. — Çà et là, noyaux disséminés. Quelques-uns paraissent en connexion avec les fibrilles conjonctives ; d'autres ont pris une forme irrégulière, due à l'action de la solution ammoniacale de carmin.
line, transparente, ce qui n'apaslieupourlesfibres élastiques (1).
1. Valentiner, Zenker, loc. cit. — Vulpian. — Cours de la Faculle', 1868.
Peut-on entrer plus avant dans l'étude de ces fibrilles et chercher à saisir leur mode de formation ; se produisent-elles, par exemple, comme le veut M. Frommann, en partie dans l'épaisseur même des fibres du réticulum qu'elles doivent rem-placer bientôt, en partie aux dépens des cellules et des noyaux delà névrogiie? Naissent-elles, au contraire, comme d'autres le pensent, soit de la matière amorphe préexistante, soit d'un blastème nouvellement formé ? Y a-f-illà, en d'autres termes, métamorphose ou substitution? La question, croyons-nous, doit rester encore indécise ; tout ce que nous pouvons dire à cet égard, c'est que les fibrilles nous ont semblé parfois prendre racine dans la substance des noyaux ou des cellules, et que ce fait, s'il était confirmé, pourrait-être invoqué à l'appui de la thèse soutenue par M. Frommann.
Je ne puis passer sous silence les altérations diverses que subissentles vaisseaux sanguins qui traversent les plaques de sclérose, altérations qui peuvent être bien étudiées sur les coupes longitudinalesaprès durcissement par l'acide chromique. A l'origine, c'est-à-dire dans les zones périphériques, les parois de ces vaisseaux, même celles des plus fins capillaires, se montrent plus épaisses et renferment un plus grand nombre de noyaux qu'à l'état normal. Plus près du centre de la plaque, les noyaux se sont multipliés encore et, déplus, la tunique adven-tice se trouve remplacée par plusieurs couches de fibrilles en tout semblables à celles qui se sont développées simultanément dans l'épaisseur du réticulum (1). Enfin, au dernier terme, les parois sont devenues tellement épaisses que le calibre du vais-seau s'en trouve notablement rétréci (2).
Je dois signaler aussi, en passant, la présence habituelle d'un certain nombre de corps amyloïdes au milieu du tissu fibrillaire. Mais je dois faire remarquer, en même temps, comme un fait
1. Vulpian. — Cours de la Faculté. — 2. Frommann, loc. cil.
singulier, que ces corps sont toujours moins abondants dans la sclérose en plaques que dans les autres variétés de l'indu-ration grise.
C. Ce n'est pas toujours sans difficulté que l'on parvient à retrouver, sur les pièces qui n'ont pas été préparées par l'acide chromique, tous les détails que je viens de vous faire connaître. Par contre, les pièces fraîches offrent cet avantage qu'elles permettent de constater certaines altérations, qui passeraient certainement inaperçues si l'on s'en tenait exclusivement à l'examen des pièces durcies. Je fais allusion ici à l'existence de globules et de granulations d'apparence graisseuse ou médul-laire que l'on rencontre à peu près constamment (1 ), en nombre plus ou moins considérable, dans l'épaisseur des parties scléro-sées, à l'état frais, et qui ne tardent pas à disparaître sans laisser de traces, lorsque la préparation a séjourné quelque peu dans l'acide chromique. Or, Messieurs, laprésence de ces granulations graisseuses se rattache à une phase importante du processus morbide ; je veux parler de la destruction des tubes nerveux. Toutefois, avant d'entrer dans les développements relatifs à ce point, je crois utile de prendre les choses d'un peu plus loin et de vous remettre en mémoire, par une description sommaire où je veux chercher surtout des termes de comparaison, lesmodi-fi cations déstructure que subissent les nerfspériphériques alors que, par une section complète, ils ont été séparés des centres nerveux.
Au préalable, je vous rappellerai que, dans les nerfspériphé-riques, les tubes nerveux sont essentiellement constitués, comme dans la moelle épinière, par un cylindre de matière
i. Le l'ail est du moins signalé par tous les auteurs qui ont examiné des pièces raidies (Valentiner, Rindlleisch). 11 n'a manqué dans aucun des cas que j'ai examinés daus les mêmes circonstances. Voyez aussi Mokilansky, iu Beriçtit der Akad. der Œissench. su Wien, I. XXIV, 1857.
médullaire ou myéline et par un cylindre d'axe ; mais qu'ils possèdent, enoutre, une gaîne con joncti\re, la gaîne de Schwann qui, d'après les recherches les plus récentes (1), paraît ne pas exister sur les tubes plus grêles des centres nerveux, ou ne s'y montrer tout au moins qu'à l'état rudimentaire (2). Vous recon-naîtrez dans un instant que cette particularité anatomique, insignifiante en apparence, n'estpas dénuée d'intérêt au point de vue qui nous occupe.
Voici maintenant l'indication des phénomènes sur lesquels j'ai voulu appeler particulièrement votre attention : huit ou dix jours après la section du nerf, il se produit une sorte de coagu-lation de la substance médullaire du tube nerveux, en petites masses plus ou moins irrégulièrement globuleuses, à bords ondulés, sombres, présentant un double contour et ayant con-servé, par conséquent, tous les caractères optiques de la myé-line. Les jours suivants, la segmentation faisant de nouveaux progrès, la gaine de Schwann de chaque tube nerveux renferme bientôt, non plus des masses irrégulières de myéline, mais bien des gouttes présentant l'aspect et les caractères microchimiques de la graisse. Cesgouttes, d'abord assezgrosses, deviennent progressivement, par suite de la division qui con-tinue à s'y opérer, de plus en plus petites, et finalement, elles sont remplacées par des granulations très fines, ressemblant à une poussière qui remplirait la gaîne conjonctive. Des granu-lations plus pâles, cle natureprotéique, se trouvent en certaine proportion mêlées aux précédentes ; enfin, globules et granu-lations disparaissent, et la gaîne de Schwann, revenue sur elle-même, se plisse si bien que, lorsqu'on examine un certain nombre de fibres nerveuses juxtaposées, ainsi altérées, on croirait \roir, sur le champ du microscope, un faisceau de tissu
1. Frey. — Handbuch der Histologie, etc., 2e édit., p. 354, Leipzig. — Schultze, De retinœ structura, 1867, p. 22.— Kollikcr. — Gewebelehre, 5e édil ^867, t. IV, p. 258- —~- Vulpian. — Leçons sur la physiologie, etc., p. 316.
eonjonclif filamenteux. Que devient pendant ce temps le cy-lindre d'axe ? Composé surtout de matière protéique, il résiste longtemps à l'action des causes qui ont détruit la myéline, car on le retrouve encore parfois, dans la gaîne, plusieurs semaines ou même plusieurs mois après la section du tronc nerveux (1).
En résumé, dans les conditions de nouvelle nutrition où se trouvent placés les tubes nerveux par suite de la section du nerf, la matière médullaire se coagule, puis se désagrège et donne naissance, d'un côté, à des molécules protéiques, de l'autre, à des corpuscules qui conservent d'abord les apparences de la myéline, mais qui, en conséquence d'une modification ultérieure, présentent bientôt tous les caractères des gouttelettes ou des granulations graisseuses (2).
Revenons maintenant aux plaques de sclérose. Nous avons à étudier là des phénomènes pour le moins fort analogues à ceux dont je viens de vous entretenir.
Dans l'épaisseur du foyer sclérosé, sur les pièces fraîches, on rencontre à peu près constamment, nous l'avons dit déjà, et souvent en proportion considérable, des globules ou granules, offrant, d'une manière générale, l'apparence des corps gras ; ces globules se présentent sous deux aspects prin-cipaux : les uns figurent des masses relativement volumi-neuses, dont les bords sombres, sinueux dessinent, soit la forme d'un globule ovalaire irrégulier,soit celle d'une massue,
1. Voyez : Vulpian. — Leçons sur laphysioloyie dusyst. nerv., p. 237, 298; — Rindfleisch, Lehrbuch der pathologisch. Geviebelehre, p. 10 et 20, 1866.
2. Suivant Robin, la myéline est une substance particulièrement riche en principes gras, et sous ce rapport elle peut être rapprochée du contenu des vésicules adipeuses (Journal de Vanatomie, 1868, n° 3, p. 309). — Walter (Virchow's Archiv, 20, 426) a émis l'opinion qu'elle est constituée par un amal-game ou mélange de corps gras et de corps albuminoïdes qui ne feraient que se dissocier dans le cas de la degeneration des tubes nerveux. Sur ce sujet, voyez encore Rindfleisch, loc. cil., p. 20, § 52.
quelquefois d'un re'm(Fig. 12). Ils offrent comme la myéline, dont ils se rapprochent du reste encore par d'autres caractères, un double contour. Les autres sont de véritables gouttelettes ou granulations graisseuses, ◀tantôt▶ libres,◀tantôt▶ agglomérées
Fig. 12. — Plaque de sclérose à l'état frais. — a, gaîne lymphatique d'un vais-seau distendue par des gouttelettes graisseuses volumineuses. — b, vaisseau coupé transversalement. La tunique adventice est séparée de la gaîne lym-phatique par un espace vide, les gouttelettes graisseuses qui distendaient la gaîne ayant disparu. — c, c, gouttelettes graisseuses, groupées en petits amas disséminés ça et là dans la préparation en dehors des vaisseaux.
de manière à constituer des amas confus ou des agrégats cohérents, autrement dit des corps granuleux dépourvus de noyau et de membrane enveloppant (1). Des molécules pro-
1. En outre de ces corps granuleux proprement dits (Fettkornchen Agglome-rate,) on peut trouver, dans les plaques de sclérose, des .corps granuleux ayant un noyau qui se colore par le carmin et une membranne d'enveloppe (Fettkorn-chen Zellen) ; ces derniers ne sont autres que des cellules de la névroglie ayant subi la dégénération granuleuse. — Voir sur la distinction à établir entre les
téiques se trouvent mêlées, par places, à ces diverses granula-tions. Tous ces produits ressemblent exactement, vous le voyez, à ceux qui résultent de la désagrégation de la myéline dans le cas de la section d'un cordon nerveux.
Poursuivons les analogies: sur les coupes longitudinales que je vous présente, on voit, en certains points, les granulations graisseuses disposées sous forme de longues traînées parallèles à la dir ec tion des tubes nerveux ( 1 ) ; sur les coupes transversales, elles constituent çà et là de petits amas séparés en îlots, qui correspondent assez exactement au siège des alvéoles. A la vérité, le plus habituellement, les granulations ont franchi les limites de celle-ci et se sont répandues dans les tissus voisins. Mais cela n'a rien qui puisse surprendre lorsque l'on sait que les tubes nerveux de la moelle ^sont dépourxms de cette gaîne celluleuse ou gaîne de Schwann, qui, dans les nerfs sectionnés, contient de toutes parts les produits de la désagrégation de la myéline. Les mailles du réticulum et les interstices des fibril-les offrent d'ailleurs des voies faciles par lesquelles les gouttes de myéline, ainsi que les granulations graisseuses, pourront s'infiltrer et se répandre au loin (2).
En dernier lieu, nous ferons remarquer que les masses d'ap-parence médullaire et les granulations graisseuses ne se ren-contrent jamais au centre de la plaque de sclérose, c'est-à-dire flans les régions où la métamorphose fibrillaire et fe travail de destruction des tubes nerveux sont terminés. Au contraire, elles occupent toujours les parties les plus extérieures de la plaque (3), ou, autrement dit, les zones périphériques ou de
diverses espèces de corps granuleux : I, Poumeau, Thèse de Paris, 1866. — Rokitansky. Bericht der Akad. h. Wiss. zu. Wien., t. XXIV, 1857. — Wedl. — Rudim. of path. llistology, p. 292. London, 1855.
1. Il n'est pas rare de rencontrer, au milieu des fibrilles, des cylindres d'axe en partie dénudés, mais auxquels adhèrent encore, de places en places des niasses globuleuses ayant l'apparence de la myéline.
2. Charcot. — Société de biologie, 1868. — 3. Charcot. — Ibidem. 1868.
transition. Or, sur ces points, vous le savez, le processus mor-bide est en pleine activité : c'est là, en effet, que, comprimé de tous côtés et étouffé par les trabécules du réticulum qui se sont épaissies, et plus tard, par les faisceaux fibrillaires qui tendent à envahir les alvéoles, le cylindre médullaire s'amoin-drit progressivement, puis disparaît, le tube nerveux n'étant plus représenté finalement que par le cylindre d'axe. L'accu-mulation des gouttelettes médullaires ou graisseuses et la des-truction du cylindre de myéline ont donc lieu simultanément; on peut même ajouter qu'elles procèdent du même pas,puis-que celle-là cesse de se produire lorsque celle-ci est définiti-vement accomplie. Evidemment la coexistence des deux phénomènes ne saurait être fortuite, et tenant compte de tout ce qui précède, il nous paraît légitime de conclure que les cor-puscules médullaires et graisseux en question ne sont autres que les débris, les détritus provenant de la désagrégation des tubes nerveux (1).
Que deviennent, par la suite, ces granulations graisseuses ? Elles disparaissent vraisemblablement par voie.de résorption ; vous savez qu'on n'en retrouve plus les traces dans les parties centrales des foyers scléreux. C'est ici le lieu de signaler à votre attention un phénomène qui se rattache, sans aucun doute, au phénomène de cette résorption. Ainsi que vous pourrez le constater sur les préparations que je vais faire passer sous vos yeux, dans les parties où se rencontrent les produits de la désagrégation des tubes nerveux, les gaînes lympha-tiques des petits vaisseaux renferment dans leur cavité, en proportion variable, soit des granulations graisseuses, soit même, bien que plus rarement, des corpuscules présentantles caractères de la myéline. En certains points, ces divers pro-
1. Cette opinion a été formulée déjà très nettement par Rokitansky, en 1858. Bericht, etc., loc. cit., 1851.)
duits sont tellement abondants que les gaines lymphatiques sont distendues à l'excès ; les vaisseaux paraissent alors avoir acquis un volume double ou triple de ce qu'il est à l'état nor-mal, et ils se dessinent sous forme de petites traînées blanches, visibles à l'œil nu, sur le fond gris de la plaque sclérosée. Cependant les tuniques elles-mêmes de ces vaisseaux n'of-frent pas d'autres altérations que celles qui ont été indiquées plus haut et qui n'ont certainement aucun rapport avec la dégénération athéromateuse. En somme, il s'agit là d'une infiltration graisseuse consécutive des gaines lymphatiques et nullement d'une lésion primitive des parois vasculaires. Le même phénomène se retrouve dans le ramollissement céré-bral par oblitération artérielle, dans la plupart des formes de la sclérose primitive et secondaire, et, en un mot, dans des affec-tions des centres nerveux très diverses, mais qui ont toutefois ceci de commun, qu'elles déterminent la dégénération grais-seuse des tubes nerveux. Le véritable caractère de ce phéno-mène paraît avoir été soupçonné par Gull (1 ) et par Billroth (2), mais il a été mis en lumière surtout par M. Bouchard, dans ses belles études sur les dégénérations secondaires de la moelle épinière (3).
La description, qui vient de vous être présentée, de l'alté-ration scléreuse en plaques disséminées est surtout relative àla substance blanche, mais ellepeuts'appliquer également, d'une manière générale au moins, à la substance grise. Dans les deux substances, en effet, la névroglie est faite sur le même modèle, et les altérations qui s'y produisent ne diffèrent pas essentiellement. Aussi ne donnerai-je, d'après les observations que j'ai pu faire, une mention spéciale qu'aux modifications
1. Cases of Paraplegia. In Gug's Hospital Reports, 3e sér., 1858, t. IV.
2. Arch. derlleilkunde, 8 jahr.,p. 47.
3. Bouchard. — Arch. gén. de méd., mars et avril 1866 ; thèse de Paris, 1867, p. 44.
qu'éprouvent les cellules nerveuses, lorsque, par suite de l'en-vahissement de la substance grise, elles se trouvent comprises dans l'aire d'uneplaque de sclérose. Ces cellules ne sont pas le siège d'une prolifération nucléaire, contrairement à ce qui a lieu dans les mêmes circonstances pour les cellules conjonc-tives dont les noyaux se multiplient habituellement, et c'est même là un caractère qui, au besoin, conduirait à distinguer l'un de l'autre les deux ordres d'éléments; elles subissent une altération particulière qu'on pourrait désigner du nom de dégénération jaune, en raison de la coloration ocreuse, parfois assez prononcée, qu'elles présentent ; elles cessent d'être vive-ment colorées par le carmin comme dans l'état normal ; le noyau et le nucléole paraissentformés d'une substance d'aspect vitreux, brillante. Il en est de même du corps de cellule qui, en outre, semble composé de couches concentriques. Enfin, une atrophie, capable d'amener une diminution de volume re-lativement considérable, s'empare de toutes les parties de la cellule en même temps que des prolongements cellulaires se flétrissent et disparaissent (1).
Dans l'encéphale, etaussisurles nerfs optiques et olfactifs, les plaques de sclérose présentent essentiellement le même carac-tère que dans lamoelle, et nous ne croyons pas qu'il soit utile d'entrer, à cet égard, dans le nouveaux détails.
Parvenus au terme de cette étude, nous pouvons essayer de rétablir, dans l'ordre naturel de leur succession, les phéno-mènes qui composent l'altération dont il s'agit, et chercher, ainsi à reconnaître le mode pathologique suivant lequel cette altération se constitue.
Incontestablement la multiplication des noyaux et l'hyper-plasie concomitante des fibres réticulées de la névroglie sont
1. Fi'ommann, loc. cit. — Vulpian. — Cours de la Faculté, 1868. — Charcot. — Soc. de biolog.. 1868.
le fait initial, fondamental, l'antécédent nécessaire ; l'atrophie dégénérativedes élémentsnerveuxestsecondaire, consécutive ; elle a déjà commencé à se produire lorsque la névroglie fait place au tissu fibrillaire, bien qu'elle marche alors d'un pas plus rapide. L'hyperplasie des parois vasculaires ne joue ici qu'un rôle accesssoire.
En quoi consiste l'affection de la névroglie qui marque le début de cette série de désordres? Il est facile d'y retrouver tous les caractères de l'irritation formatrice. Mais, après avoir reconnu que la sclérose en plaques est une myélite ou une encé-phalite interstitielle chronique primitive et unilobulaire. ilnous restera à déterminer les caractèreshistologiques qui la distin-guent des autres formes de la sclérose des centres nerveux, et aussi de plusieurs espèces de myélite ou d'encéphalite qui, prenant égalementleur point de départdans la névroglie, n'a-boutissent pas néanmoins à la métamorphose fibrillaire. Nous entreprendrons en temps opportun de remplir cette tâche. Pour le moment, Messieurs, nous avons hâte de laisser l'anatomie pathologique pour la clinique, et de vous montrer par quel appareil de symptômes se révèle la sclérose en plaques des centres nerveux (1).
1. Dans une note publiée dans les Archives de Physiologie (1873, p. 75), un des élèves de M. Charcot, M. Debove, est venu modifier les idées générale-ment admises sur l'histologie de la sclérose en plaques. D'après ses recherches, les parties sclérosées seraient formées de fibrilles et de cellules plates, en tout semblables aux cellules du tissu conjonctif ordinaire. Il est arrivé à cette dé-monstration par le procédé des injections interstitielles.
Ces faits n'étaient guère d'accord avec ce que Ton croyait savoir de la struc-ture de la névroglie (voir la note p. 205), lorsque M. Ranvier démontra que le tissu conjonctif des centres nerveux ne diffère pas essentiellement de celui des autres oaganes : la seule particularité frappante est, suivant M. Ranvier, le petit diamètre des faisceaux librillaires. (Note de la 2' édition.)
SEPTIÈME LEÇON
De la sclérose en plaques disséminées. Sypmtomatolgie.
sommaire. — Diversité d'aspect de la sclérose en plaques disséminées, au point de vue clinique.— Causes d'erreurs de diagnostic.
Examen clinique d'un cas de sclérose en plaques. — Du tremblement; modi-fications qu'il impose à l'écriture : caractères qui le font distinguer du trem-blement de la paralysie agitante, de la chorée, de la paralysie générale et de l'incoordination motrice de l'ataxie.
Symptômes céphaliques. — Troubles de la vue : diplopie, amblyopie, nystag-mus. — Embarras de la parole. — Vertiges.
Etat des membres inférieurs. — Parésie. — Rémissions. — Absence de trou-bles de la sensibilité. — Immixtion de symptômes insolites : symptômes tabétiques ; atrophie musculaire. — Contracture permanente. —Epilepsie-spinale.
xWessieurs,
Nous avons décrit minutieusement, dans la leçon précédente, les lésionsanafomiques delà sclérosemultiloculaire des centres nerveux. Laissant donc de côté cette partie de son histoire, nous allons chercher aujourd'hui à vous taire connaître l'appa-reil de symptômes par lequel elle se révèle.
I.
A. 11 est remarquable qu'un état morbide qui possède un substratum anafomiqueaussisaisissant, aussi accusé, et qui, en somme, n'est pas rare, ait échappé durant un temps si long à l'analyse clinique. Hien n'est plus simple cependant, j'espère
vous le montrer, que de caractériser, au lit du malade, l'affec-tion dont il s'agit, du moins lorsqu'elle se présente dans son type de complet développement.
Si l'on recherche quelles ont été les causes qui ont pu refar-der l'apparition de la sclérose en plaques disséminées dans les systèmes nosologiques où elle doit prendre place à côté des autres formes, mieux connues, de la sclérose primitive des centres nerveux, il convient de signaler en premier lieu la diversité d'aspects sous lesquels, dans la clinique, il est pos-sible de la rencontrer; c'est là, en réalité, une affection poly-morphe par excellence.
L'étude anatomo-pathologique pouvait déjà faire pressentir qu'il en serait ainsi. Vous vous rappelez que les plaques ouïes îlots occupent quelquefois exclusivement la moelle ; que d'au-tres fois ils prédominent dans les hémisphères et le bulbe ; qu'il est enfin des cas dans lesquels ils sont répandus à la fois dans tous les départements descentresnerveux. Ces variétés de siège nous ont conduitàreconnaître,aupointde vue anatomique, les trois formes suivantes: forme cèphalique, forme spinale, forme mixte on cérébro-spinale. Il était aisé de prévoir qu'à chacune de ces formes répondrait un ensemble symptomatique particulier.
B. Concentrons tout d'abord, si vous le voulez bien, notre attention sur la forme cérébro-spinale: c'est d'ailleurs à tous égards la plus intéressante, celle que vous aurez à observer le plus souvent dans la pratique. Eh bien, même considérée dans ce seul type, l'affection peut prendre des masques très variés. Permettez-moi de vous citer à l'appui de cette assertion une anecdote quemeracontaittout récemmentun de mes collègues.
Un médecin des plus distingués, maispeufamiliarisé encore avec la symptomntologie de la sclérose en plaques, était venu
le visiter dans le service de clinique dont il est actuellement chargé. Pour lui faire honneur, mon collègue présenta à ce médecin un cas de la maladie nouvelle ; c'était un fort beau spécimen de la forme cérébro-spinale. Le malade quittant son lit fit quelques pas dans la salle, u C'est imaiaœique, s'écriale visiteur. — Peut-être, répliqua mon collègue ; mais que pensez-vous des mouvements rythmiques dont la tête et les membres supérieurs sont agités ? — C'est juste, fit le visiteur. Il y a en outre de la chorée ou peut-être de la paralysie agitante. » Le malade fut ensuite interrogé. Il répondit aux questions avec un embarras très marqué dans la prononciation, en scandant les syllabes d'une manière toute spéciale, et souventl'émission des mots était précédée d'un léger tremblement des lèvres. « Je comprends, répartit le médecin, vous avez voulu m'embarrasser en me présentant un cas des plus complexes. Voici maintenant des symptômes qui appartiennent à la paralysie générale. N'allons pas plus loin ; votre malade réunit peut-être en lui la pathologie nerveuse tout entière. »
Or, Messieurs, je le répète, il s'agissait tout simplement d'un cas, à la vérité très complet, de la forme cérébro-spinale de la sclérose en plaques.
C. La paralysie agitante estsurtout la maladieavec laquelle cette forme de la sclérose en plaques a été le plus longtemps, et est encore, sans doute, le plus fréquemment confondue. Aussi, est-ce pour ce motif, à l'époque où nous nous efforcions de faire sortir la sclérose en plaque du chaos des myélites chroniques, que nous engageâmes M. Ordenstein, alors notre élève, à oppo-ser dans un parallèle cette affection à la paralysie agitante, afin de mieux faire ressortir les contrastes (1). On sait commentM. Or-
1. Sur la paralysie agitante et la sclérose en plaques généralisées. Thèse de Paris, 1867.
denstein s'est acquitté de cette tâche, et je n'hésite pas à déclarer que sa dissertation marque un progrès sérieux dans la clinique des maladies chroniques du système nerveux.
Dans ces derniers temps, M. Baerwinkel, médecin distingué de Leipzig, après avoir rapporté un exemple très intéressant, du reste, de sclérose cérébro-spinale, mais oùletremblement paraît avoir fait défaut, ainsi que cela se voit quelquefois, semble insi-nuer que M. Ordenstein s'est créé à plaisir des difficultés qui n'existent pas enréalité, pour se donner la facile satisfaction de les surmonter. Selon lui,il n'y aurait aucuneanalogie entre les deux maladies. M. Baerwinkel aura sans doute oublié que dans le Cansttat's Jahresberichtil a donné, il y aune dizaine d'an-nées, l'analyse d'un cas observé à la cliniquede Skoda, cas dans lequel le diagnostic Paralysie agitante avait été porté pendant la vie et que, à l'autopsie, on trouva des plaques de sclérose disséminées dans toutes les parties de l'axe cérébro-spinal. L'ob-servation paraît avoir été recueillie avec une grande fidélité: il y est dit, et c'est là un point qui mérite bien d'être relevé, que le tremblemen t, con trairement à ce qui a lieu dans la paralysie agi-tante ordinaire, ne se montrait que lors des mouvements volon-taires pour cesser à l'état de repos (1 ).
M. Baerwinkel n'est pas non plus sans avoir pris connaissance du fait relaté par M. Zenker dans le journal de Henle : ce fut encore l'autopsie qui révéla dans ce cas l'existence delà sclé-rose multiloculaire (2). Pendan l la vie, le professeur liasse avait établi le diagnostic : paralysie agitante et néanmoins on insiste, dans la description symplomatologïque, sur la naturedu trem-blement qui ne se produisait que sous Finfluence des émotions ou à l'occasion des mouvements volontaires.
Ces exemples suffisent, je pense, pour vous montrer que,
1. Wien. med. Halle, 111, 13, 1862.
2. Zenker. — Zeitschrlfl fur Mediz ihmù III, Reilhe, 1865, p. 228.
malgré l'opinion de M. Baerwinkel, la confusion est possible puisqu'elle a été faite par des cliniciens dont l'habileté est au-dessus de toute discussion.
Cela posé, je suis le premier à reconnaître que les masques divers pris parlasclérose enplaques sont des masques grossiers et qu'aujourd'hui, alors que des travaux récents (1) ont éclairé le diagnostic, il n'est guère permis de s'y laisser prendre. Mais il est temps, Messieurs, de vous mettre à même de distinguer les caractères à l'aide desquels on peut séparer la sclérose en plaques cérébro-spinale des maladies qui s'en rapprochent àdes degrés variables.
II.
Vous n'ignorez pas, Messieurs, ce que valent ces symptoma-tologïes faites à grand renfort d'éloquence, loin du lit des malades. Elles ne parviennent guère, quoi qu'on fasse, qu'à faire naître des images sans relief et qui ne laissent, en gé-néral, dans l'esprit de l'auditeur, qu'une empreinte vague et passagère.
Afin d'éviter autant que possible de tomber dans le vice que je viens de signaler, je vais procéder devant vous à l'examen méthodique d'une malade qui offre réunis, dans leur plus parfait développement, tous les symptômes de la sclérose enplaques cérébro-spinale.
MlleV..., âgée de trente-un ans, est atteinte depuis huit ans environ de l'affection qui fait l'objet de la présente étude. Admise à la Salpêtrière il y a trois ans, elle m'a été léguée par
1. Bourncville : De la sclérose enplaques, revue critique (Mouv. méd., 1868. p. 149..., 327); — Le cas du /)¦• Pennock (Ibid., p. 368, 376, 425, 469, 483). — Bourncville et L. Guérard : De la sclérose en plaques disséminées. Paris 1869. — Bourncville : Nouvelle étude sur quelques points de la sclérose en plaques disséminées. Paris, 1869.
Charcot. OEuvres complètes, t. i. 15
M. Vulpian, lorsqu'il a quitté cet hospice, et il m'a remis en même temps à son sujet une observation très détaillée et des plus précieuses. Le début, disons-nous, remonte à huit années, c'est donc là un cas déjàancien. Je vous parlerai tout à l'heure des différentes péripéties qui ont signalé les phases antérieures de l'évolution des symptômes. Pour le moment, je veux me borner à l'analyse des phénomènes de l'état actuel.
Un symptôme qui vous a sans doute tous frappés, dès le premier abord, lorsque vous avez vu la malade entrer, soutenue par un aide, c'est sans conteste le tremblement rythmique tout spécial dont sa tête et ses membres étaient, pendant la marche, violemment agités.
Vous avez constaté également que, lorsque la malade se fut assise sur une chaise, le tremblement a disparu aussitôt d'une manière complète dans les membres supérieurs et inférieurs, mais en partie seulement à la tête et au tronc. J'insiste sur ce dernier point en vous faisant remarquer que la nouvelle atti-tude prise par la malade est loin d'équivaloir, pour les mus-cles du tronc et du cou, à un repos absolu. D'ailleurs, il faut tenir compte de l'émotion qui joue ici incontestablement un certain rôle. J'aurai l'occasion de vous présenter Mlle V..., au lit, et abandonnée à un repos complet cette fois ; vous pourrez vous assurer alors de l'absence de toute trace de tremblement dans les diverses parties du corps. Pour faire reparaître l'agi-tation rythmique dans tout le corps, il va suffire d'engager la malade à se lever de son siège. Pour la faire reparaître seu-lement d'unemanièrepartielle, dans un des membres supérieurs par exemple, je vais la prier de porter à sa bouche un verre préalablement rempli d'eau, une cuiller, etc. Vous pouvez reconnaître que, dans ces divers actes prescrits par la volonté, le tremblement est d'autant plus prononcé que le mouvement exécuté a plus d'étendue. Ainsi, quand la malade veut porter à sa bouche le verre rempli d'eau, l'agitation rythmique de la
main et de l'avant-bras est d'abord, au moment de la préhension du vase, à peine accusée;mais elle s'exagère progressivement à mesure que celui-ci s'approche des lèvres: c'est au point qu'à l'instant où le but va être atteint,les dents sont, comme vous le voyez, choquées avec violence par les parois du verre et le liquide projeté au loin. Ce grand désordre ne se manifeste,je le répète, que dans le cas de mouvements d'une certaine amplitude. S'il s'agit de petits ouvrages, de coudre, d'effiler du linge, les oscillations sont au contraire presque nulles. Il y a quelque temps, la malade pouvait écrire encore assez distinctement;les caractères étaient tremblés, il est vrai, mais du reste parfai-tement lisibles (1).
En résumé, le tremblement dont il s'agit ne se manifeste qu'à l'occasion des mouvements intentionnels d'une certaine étendue ; il cesse d'exister lorsque les 'muscles sont aban-donnés à un repos complet. Tel est, Messieurs, le phénomène que j'ai été conduit à considérer comme un des caractères cliniques les plus importants de la sclérose en plaques cérébro-
1. Nous reproduisons ci-après deux spécimens de récriture d'une malade, nom-mée Leru..., qui a succombé, dans le service de M. Charcot, à la sclérose en plaques. Cette femme est entrée à la Salpêtriôre, le 24 septembre 1864. En mai 1865, M. Charcot recueillit le fragment suivant de son écriture. (Fig 13.)
Fig. 13.
A partir du mois de juin, Leru... fut mise au traitement par le nitrate d'ar-gent (d'abord 2 milligrammes puis 4). Sous l'influence de cette médication, le tremblement diminua d'une manière notable, ainsi que l'on peut en juger d'après la Figure 14. Notons que, en mai 1865, la malade était très fatiguée après avoir
spinale. Certes, je ne prétends pas qu'il s'agisse là d'un symptôme pathognomonique : je n'ignore pas, en effet, qu'un tremblement, se présentant avec des caractères à peu près semblables, s'observe quelquefois dans des affections autres que la sclérose en plaques,par exemple dans l'intoxication mer-curielle,dans la méningite chronique cervicale avec sclérose de la couche corticale de la moelle, dans la sclérose primitive ou consécutive des corons latéraux, etc. Ce n'est pas, nous le verrons, un symptôme constant. Mais ce que je tiens, dès à présent, à faire ressortir, c'est que,dans la sclérose en plaques, lorsqueaucunecomplicationn'estintervenue,le tremblement, si peu qu'il existe, se présente toujours avec les caractères que je lui ai assignés. En somme, c'est là un symptôme qui, à lui seul,
écrit les trois lignes dont nous donnons le l'ac-simile, tandis que, en octobre elle était capable d'écrire facilement une dizaine de lignes. Nous avons choisi une partie de la premièreligne et de la dernière. D'après les spécimens que nous possédons, il est assez difficile de se former
Fig. 14.
une opinion sur les caractères de l'écriture des malades atteints de sclérose en plaques. Le plus souvent, d'ailleurs, nous avons observé les malades à une épo-que avancée de leur affection : alors, il e-t à peu près impossible d'obtenir autre chose qu'un griffonnage sans signification, d'autant plus que l'on n'a pas de termes de comparaison. (B.) (Voyez I'Appencice, n°III.)
permettrait déjà de séparer cliniquement la sclérose multilo-cnlaire des contres nerveux de quelques affections qui s'en rapprochent assez pour que la confusion soit possible. Je vais entrer à ce propos dans quelques détails.
Le tremblement de la paralysie agitante existe aussibienà l'état de repos des membres, que lorsque ceux-ci sont mis en mouvement par la volonté. Je vous présente une femme chez laquelle le tremblement persiste, depuis de longues années, sans cesse et sans trêve, dans l'état de veille. Il ne s'arrête que lorsque cette malheureuse estplongée dans un sommeil profond. 11 est des cas où, dans la paralysie agitante, le tremblement se montre seulement par intermittence; mais, chose remarquable, c'est en pareil cas plutôt alors que les membres sont dans le repos qu'il se manifeste, pour cesser lorsque ceux-ci sont mis en mouvement par la volonté. Vous pouvez reconnaître chez une seconde malade, que j'offre à votre observation, ce carac-tère particulier du tremblement de la paralysie agitante. Vous observerez en outre, chez ces deux femmes, que la tête ne prend point part au tremblement, ou, si elle paraît agitée par des oscillations, celles-ci lui sont évidemment communiquées ; il s'agit là d'une transmission des secousses dont les membres et le torse sont le siège. L'absence du tremblement delà tête me paraît être un fait à peu près général dans la paralysie agitante : j'ajouterai que, dans cette affection, les secousses du trem-blement sont beaucoup moins étendues, plus régulières, plus rapides, plus serrées, si je puis parler ainsi, que dans la sclérose multiloculaire; dans celle-ci, les oscillations sontplus amples et se rapprochent, à beaucoup d'égards, des gesticulations de la chorée ; cette analogie est tellement marquée que, avant la publication des travaux qui l'ont fait admettre dans la clinique usuelle, la sclérose en plaques a été quelquefois désignée sous les noms de chorée rythmique, paralysie choréiforme.
Il est toujours facile cependant de distinguer les mouvements désordonnés et bizarres de la chorée proprement dite des oscil-lations rythmiques de la sclérose multiloculaire. Remarquons en premier lieu que, dans celle-ci, il s'agit par exemple du membre supérieur, dans l'acte de porter la main à la bouche, la direction générale du mouvement persiste en dépit des obstacles occasionnés par les secousses du tremblement, secousses qui, comme nous le disions il y a un instant, s'exa-gèrent cependant à mesure que la main approche du but à atteindre. Au contraire, dans la chorée, la direction générale du mouvement serait, dans l'accomplissement de ce même acte, troublée', dès\l'origine,par des mouvements contradictoires, d'une étendue tout à fait disproportionnée, et qui font manquer le but. Ajoutons que les mouvements de la chorée se montrent tout à coup, inopinément, alors que les membres sont dans un étatde repos complet; ainsi, en dehors de toute intervention de la volonté, vous voyez le choréique tirer la langue, faire une grimace, lever brusquement un de ses membres, etc. Or, jamais pareille chose ne s'observe dans la sclérose multilo-culaire.
Lorsque, dans Valaxie locomotrice progressive (sclérose des cordons postérieurs), les membres supérieurs sont affectés, il s'y produit, à l'occasion des actes intentionnels, des mouvements incoordonnés qui rappellent jusqu'à un certain point les gesti-culations de la chorée et le tremblement de la sclérose multilo-culaire. Voici à l'aide de quels caractères la confusion pourra être évitée. Il faut noter tout d'abord que, dans l'incoordination des ataxiques, il n'existe pas, à proprement parler, de trem-blement, des secousses rythmiques, mais bien des gestes plus ou moins désordonnés, plus ou moins brusques, plus ou moins étendus. Etudiez avec soin, chez la malade que je vousprésente, les mouvements de la main, dans l'acte de la préhension d'un
objet de petit volume, et vous y reconnaîtrez des particularités vraiment spécifique. Vous verrez comment, au moment de saisir l'objet, les doigts s'écartent démesurément et s'étendent à l'excès en s'inclinant vers le dos delà main. Puis l'objet est saisi tout à coup, sans mesure, d'une manière presque convul-sive par une flexion brusque et disproportionnée de tous les doigts. Cela appartient à l'ataxie; jamais vous n'observerez rien de semblable dans la sclérose en plaques. J'ajoute en dernier lieu — et ce dernier trait est vraiment décisif — que, dans l'ataxie, l'occlusion des yeux a toujours pour effet d'exagérer d'une manière très prononcée l'incoordination des mouve-ments, tandis qu'elle ne modifie en rien les secousses rythmi-ques de la sclérose multiloculaire.
Nous ne devons pas oublier toutefois que quelques-uns des symptômes de l'ataxie se trouvent entremêlés quelquefois avec ceux de la sclérose en plaques, quand les îlots scléreux occupent, dans certaines régions de lamoelle, une assezgrande étendue, en hauteur, des cordons postérieurs. Un fait, dont l'histoire se trouve consignée tout au long dans l'Amas cl'ana-tomie pathologique de M. Cruveilhier, peut être cité à titre d'exemple de ce genre (1).I1 s'agit de la nommée Paget. La ma-lade, pour saisir et diriger une épingle, avait besoin du secours delà vue, sans quoi l'épingle s'échappait des doigts. A l'autopsie, on trouva une des plaques de sclérose occupant les colonnes postérieures dans une assez grande étendue du renflement cervical. Mais je ne veux pas insister, pour l'instant, plus lon-guement surce point que nousaurons plus d'une fois l'occasion de mentionner à nouveau.
Nous nous sommes occupés jusqu'ici, à peu près exclusive-ment, du tremblementen tant qu'il occupe les membres supé-
1. Cruveilhier. — Atlas d'anatomie pathologique, livraison, 38, Pl. I et II.
rieurs ; mais nous savons déjà qu'il peut agiter la tête,le tronc, les membres inférieurs. 11 se présente sur ces divers points avec tous les caractères que nous avons signalés à propos des membres supérieurs, c'est-à-dire que, absent pendant le repos complet, ce tremblement se manifeste à l'occasion des mouve-ments intentionnels, ou dans les attitudes qui ne peuvent être maintenues qu'à l'aide d'une tension active et plus ou moins énergique de certains muscles ou groupes de muscles.
Pour compléter ce qui est relatif à ce symptôme,nous devons entrer dans quelques détails.— C'est là, Messieurs, ainsi que je l'ai depuis longtemps proclamé, un symptôme à peu près cons-tant, dans la forme cérébro-spinale de la sclérose en plaques. Il ne faut pas oublier toutefois qu'il existe des cas exceptionnels relatifs à cette forme, et où — circonstance tout à fait inexpli-cable jusqu'ici — le tremblement n'a pas figuré dans l'ensemble symptomatologique. J'ai observé pour mon compte plusieurs faits de ce genre. Mais il ne faut pas oublier, Messieurs, que le tremblement peut avoir existé, à un degré plus ou moins prononcé,à une certaine époque de la maladie,et avoir disparu dans le temps où le sujet se présente à notre observation. 11 importe donc, à cet égard, d'interroger avec le plus grand soin les malades chez lesquels ce symptôme paraît faire défaut.
Il est de règle que le tremblement disparaît alors que les membres sont immobilisés, à une époque plus ou moins avan-cée de la maladie, par la contracture permanente. S'il est vrai que le tremblement se montre quelquefois presque dès le début, il faut reconnaître toutefois que c'estun symptôme tardif. Enfin, Messieurs, il est très fréquent, presque habituel, que le trem-blement ne dure pas aussi longtemps que la maladie elle-même ; il s'amoindrit à mesure que les sujets s'affaiblissent, et s'efface parfois complètement à l'époque de la terminaison fatale.
III.
Vous connaissez maintenant, Messieurs, un des symptômes les plus originaux et les plus importants de la sclérose en pla-ques généralisées. Une étude plus approfondie et plus circon-stanciée du cas que nous avons sous les yeux va nous permettre de recueillir bien d'autres indices non moins précieux. Nous allons découvrir, chez notre malade, tout un groupe de symp-tômes que j'ai proposé d'appeler céphaliques, par opposition aux symptômes spinaux. Ce groupe comprend certains troubles de la vue, de la parole et de l'intelligence.
A. Occupons-nous d'abord des troubles cle la vision. Ce sont la diplopie, l'amblyopie et surtout le nystagmus.
a) La diplopie, de même que cela a lieu dans l'ataxie locomo-trice, est un phénomène du début, en général tout à fait transi-toire, mais qui mérite d'être signalé en passant.
b) Vamblyopie est au contraire un symptôme durable, et d'ailleurs plus fréquent, de la sclérose en plaques cérébro-spi-nale; je crois pouvoir affirmer que très rarement, en opposi-tion à ce qui s'observe dans la sclérose postérieure, elle aboutit à une cécité complète (1). C'est là une particularité digne de remarque, surtout si l'on songe que, après la mort, des plaques de sclérose occupant toute l'épaisseur du cordon nerveux ont été trouvées sur les nerfs optiques, dans le cas où, pendant la vie, on avait constaté un simple affaiblissement delà vue (2). Cette
1. Dans une observation rapportée par M. Magnan (Archiv. de physiologie, t. II, p. 795), il y avait atrophie papillaire des deux yeux avec cécité complète.
2. Observation de la nommée Aspasie Byr, communiquée par M. Vulpian.
disproportion apparente entre le symptôme et la lésion consti-tue un des arguments les plus puissants que Ton puisse invo-quer pour montrer que la continuité fonctionnelle des tubes nerveux n'est pas absolument interrompue, bien que ceux-ci, dans leur trajet à travers les plaques de sclérose, soient dépouillés de leur gaine de myéline et réduits au cylindre d'axe.
L'examen ophtalmoscopique, en général rendu très difficile par suite de l'existence du nystagmus, fait reconnaître, en pareil cas, ◀tantôt▶ une intégrité à peu près complète de la papille du nerf optique alors même que l'amblyopie est cependant très accentuée, ◀tantôt▶ une lésion partielle, ◀tantôt▶ enfin dans les cas rares oùla cécité est complète (1 ), une atrophie totale (coloration d'un blanc nacré, extrême ténuité des vaisseaux, etc.) avec ou sans excavation de la pupille.
Tout se borne chez Mlle V... à une amblyopie assez pro-noncée des deux yeux. L'examen ophtalmoscopique n'a permis de reconnaître ici aucune lésion bien déterminée. Un fait qui mérite d'être relevé, c'est que, chez elle, les apparitions d'éclairs, d'étincelles, ont précédé raffaiblissement de la vue. J'ai noté le même phénomène dans plusieurs autres cas d'am-blyopie liée à la sclérose multiloculaire.
c) Le nystagmus est un symptôme d'une assez grande impor-tance diagnostique, puisqu'il s'observe environ dans la moitié des cas. On ne le rencontre, que je sache, que très excep-tionnellement dans l'ataxie. Vous pouvez reconnaître qu'il existe chez Mlle V... accuséàun haut degré. Il s'agit là, vous le voyez, de petites secousses, qui font osciller simultanément
Cette observation est rapportée in extenso dans un travail de M. H. Liouvillc intitulé : Observations détaillées de deux cas de sclérose en îlots multiples et disséminés du cerveau et de la moelle épinière. (Mémoires de la Société de bio-logie, 1868, p. 231.) 1. Observation citée par M. Magnan.
les deux globes oculaires de droite à gauche, puis de gauche à droite, ou inversement. Il est des cas où le nystagmus fait défaut tant que le regard reste vague sans direction précise, mais se manifeste tout à coup, d'une manière plus ou moins prononcée, aussitôt que les malades sont invités à fixer atten-tivement un objet.
B. Un symptôme plus fréquent encore que ne l'est le nystag-mus, — presque consfantdans la sclérose multiloculaire céré-bro spinale, puisque nous le trouvons signalé vingt fois sur vingt-trois cas que nous avons analysés,— c'est un embarras particulier de la parole que vous pouvez étudier chez notre malade, dans son type de complet développement.
La parole est lente, traînante, par moments presque inintelli-gible. Il semble que la langue soit devenue « trop épaisse » et le débit rappelle celui des gens avinés. Une étude plus attentive fait reconnaître que les mots sont comme scandés : il y a une pause entre chaque syllabe, et celles-ci sont prononcées lente-ment. Il y a de l'hésitation dans l'articulation des mots, mais, à proprement parler, rien qui ressemble au bégayement. Cer-taines consonnes, les Z, les p, les g, sont particulièrement mal prononcées.
Il existe chez Mlle V..., ainsi que vous pouvez le constater, une certaine lenteur dans les mouvements de la langue ; vous reconnaissez même que, tirée hors delà bouche, elle est agitée d'un tremblement très manifeste. Il ne faudrait pas croire que ce soit là un phénomène constant et plusieurs fois, j'ai reconnu que la parole pouvait être embarrassée à un haut degré, sans que la langue présentât la moindre trace de tremblement. Toujours d'ailleurs, du moins d'après mes observations, la langue con-serve son volume normal et jamais je ne l'ai vue ridée à sa surface, comme cela s'observe dans certains cas de paralysie labio-glosso-laryngée avec atrophie des muscles linguaux.
D'abordàpeine appréciable, l'embarras delà parole s'aggrave progressivement pendant le cours de la maladie jusqu'à ren-dre parfois le discours à peu près incompréhensible. — il est des cas où on le voit s'aggraver tout à coup, comme par accès, pour s'amender ensuite temporairement.
En somme, l'embarras de la parole qu'on observe dans la sclérose cérébro-spinale se rapproche, à beaucoup d'égards, du symptôme correspondant de la paralysie générale progressive. Je crois même que, dans bien des cas, en dehors du secours fourni par la considération des phénomènes concomitants, la distinction serait à peu près impossible. Ajoutez que le rappro-chement peut être rendu plus étroit encore par cette circon-stance que, dans la sclérose multiloculaire, de même que dans la paralysie générale, l'émission des mots est parfois précédée — ainsi que vous pouvez vous en assurer chez notre malade — par une légère contraction, comme convulsive, des lèvres.
Quoiqu'il en soit, ce trouble dans l'articulation des mots, sur lequel j'appelle votre attention, est un symptôme très important de la sclérose multiloculaire. Il peut contribuer puissamment à fonder le diagnostic, principalement dans les cas, exceptionnels d'ailleurs, où le tremblement de la tête et des extrémités supé-rieures fait défaut.
Ace symptôme peuvent s'adjoindre successivement, surtout dans les périodesavancées de la maladie, certains troubles de la déglutition, de la circulation etmême de la respiration. Ce sont là des symptômes ^paralysie bulbaire progressive qui doi-vent donner l'éveil parce qu'en s'aggravant d'une manière ra-pide ils ont quelquefois déterminé tout à coup, presque inopi-nément, la terminaison fatale. En raison de l'intérêt qui s'y rattache au point de vue du pronostic, ils seront l'objet d'une étude spéciale.
C. Environ dans les trois quarts des cas, le vertige est un des
phénomènes qui marquent le début de la sclérose multiloculaire des centres nerveux. Autant que j'en puis juger, d'après les renseignements qui m'ont été donnés par les malades que j'ai interrogés à ce sujet, il s'agit là en général, d'un vertige gyra-toire. Tl semble que tous les objets tournent avec une grande rapidité et que l'on subit soi-même un mouvement circulaire : menacé de perdre l'équilibre, le malade s'attache aux corps en-vironnants. Le plus souvent, ce vertige revient par accès de courte durée ; quelquefois cependant, il persiste presque sans interruption, durant un certain temps, surajouté au tremble-ment et à l'état paralytique des membres; il contribue parfois, pour une bonne part, à rendre la station ou la marche titubante, presque impossible. 11 ne faut pas confondre la titubation avec l'incertitude de la démarche qui se rattache à la diplopie ; cette dernière cesse d'exister dès que le malade tient fermé l'un de ses yeux.
Le vertige dont il s'agit est un symptôme d'autant plus inté-ressant qu'il u'appartient ni à l'ataxie locomotrice, ni à la paralysie agitante et qu'il peut, par conséquent, aider au dia-gnostic.
D. La plupart des malades, atteints de sclérose multiloculaire que j'ai eu l'occasion d'observer, ont présenté, à une certaine période de l'affection, un faciès vraiment particulier. Le regard est vague, incertain; les lèvres sont tombantes, entr'ouvertes ; les traits expriment l'hébétude, quelquefois même la stupeur. A cette expression dominante de la physionomie, correspond presque toujours un état mental qui mérite d'être signalé. 11 y a un affaiblissement marqué de la mémoire ; les conceptions sont lentes: les facultés intellectuelles et affectives émoussées dans leur ensemble. Ce qui paraît dominer chez les malades, c'est une sorte d'indifférence presque stupide à l'égard de toutes choses. Il n'est pas rare de les voir ◀tantôt▶ rire niaisement, sans
aucun motif (1), et ◀tantôt▶, au contraire, fondre en larmes sans plus de raison. — Il n'est pas rare non plus de voir éclater, au milieu de cet état de dépression mentale, des troubles psychi-ques qui revêtent l'une ou l'autre des formes classiques de l'aliénation mentale.
Un des malades de Valentiner, habituellement mélancolique, était de temps à autre atteint du délire des grandeurs. Un homme, dont l'histoire a été rapportée tout récemment par le docteur Leube (2), se croyait destiné à devenir roi ou même em-pereur ; il disait posséder un grand nombre de bœufs, des chevaux, de belles habitations, etc. Il devait, disait-il, épouser bientôt une « comtesse », etc. (3).
Mlle V.. a été prise, il y a quelques semaines, d'un vérita-ble accès de lypémanie. Elle avait des hallucinations de la vue et de l'ouïe : elle voyait des personnages effrayants et entendait des voix qui la menaçaient « de la guillotine ». Elle était con-vaincue que nous voulions l'empoisonner. Pendant vingt jours, elle a refusé toute espèce de nourriture, et nous nous sommes vus contraints de l'alimenter, pendant tout ce temps-là, à l'aide de la sonde œsophagienne. Aujourd'hui, ces accidents ont à peu près complètement disparu. Néanmoins, les voix se fontenten- dre encore de temps à autre. — Vous voyez la malade être prise pendant notre examen d'un rire convulsif qu'il lui est impossible de modérer et auquel bientôt vont succéder les larmes.
1. Une malade du service de M. Charcot, dont nous aurons à reparler par la suite, Dr..., Hortense, est prise très fréquemment, et sans motif, d'accès de rire qu'elle ne saurait maîtriser. Sujette déjà avant sa maladie à des mouve-ments de colère, elle a remarqué avec peine qu'ils augmentaient depuis le début de son affection. (B).
2. Ueber multiple inselformige Sklerose des Gehirns und Riickenmarks {Deutsch. Arch. 8 Bd. 1 heft. Leipzig, 1870, p. 14).
3. Une des malades, Aspasie B..., observée par M. Liouville dans le service de M. Vulpian, avait des hallucinations. — Bosine Spilale, dont nous avons résumé l'histoire (Bourneville et Guérard, toc. cit., p. 92), d'après M. Valen-tiner, était tombée, plusieurs mois avant la terminaison fatale, dans une véri-table stupidité. (B.)
IV.
Pour en finir, Messieurs, avec l'étude descriptive du cas que je vous ai présenté comme un type de sclérose multilocu-laire des centres nerveux, il me reste à diriger votre attention sur l'état des membres inférieurs.
Vous avez pu remarquer que Mlle V... ne peut se lever de son siège, se tenir debout, essayer de faire quelques pas, si elle n'est pas fortement soutenue par deux aides. Il est aisé de reconnaître que la cause de cette impuissance motrice est surtout la rigidité, comme tétanique, qui s'est emparée des membres inférieurs et qui, déjà très prononcée lorsque la malade est couchée ou assise, s'exagère encore, au plus haut point, lorsqu'il s'agit pour elle de se lever ou de marcher.
Cette contracture des membres inférieurs qui, aujourd'hui, est permanente, ne s'est manifestée chez V... que très récem-ment : elle est, en effet, un symptôme des périodes avancées de la maladie. Toujours, dans l'évolution du processus morbide, elle estprécédée, de longue date, par un état parétique, offrant quelques traits particuliers que je vais essayer de vous faire connaître d'abord.
En ce qui concerne ce point particulier, l'histoire clinique de Mlle V... a été traversée par certains accidents qui, sans êter absolument exceptionnels, ne sont pas, toutefois, dans la règle. Aussi dois-je l'abandonner pour un instant, me réservant de la reprendre tout à l'heure. Dans la descrip-tion qui va suivre, je vais faire appel aux détails consignés dans un certain nombre d'observations que j'ai réunies et où la période parétique s'est développée suivant les conditions normales.
Parésie des membres. — Il s'agit là d'un affaiblissement plus ou moins prononcé des puissances motrices des membres qui se manifeste fréquemment dès le début de la maladie, et auquel il ne s'adjoint, le plus ordinairement, aucun trouble marqué de la sensibilité.
En général, l'un des membres inférieurs est affecté en premier lieu et seul tout d'abord. Il paraît lourd, difficile à mouvoir ; le pied tourne dans la marche, au moindre osbtacle, ou le membre entier fléchit tout à coup sous le poids du corps. L'autre membre se prend à son tour tôt ou tard ; cependant, comme la parésie progresse le plus souvent avec une extrême lenteur, elle permet aux malades, pendant longtemps encore, de marcher tant bien que mal et de vaquer à leurs occu-pations ; mais un jour vient enfin où, par l'aggravation de la paralysie motrice, ils peuvent être confinés au lit. Les membres supérieurs sont envahis, eux aussi, soit simulta-nément, soit l'un après l'autre, communément à une époque éloignée du début. Souvent, à l'origine, il y a dans ce symptôme des rémissions : ainsi, il n'est pas rare de voir les membres inférieurs affaiblis reprendre pour un temps, leur énergie première. Ces rémissions peuvent même se reproduire parfois, à deux ou trois reprises. Je signale cette particularité à votre attention, parce qu'elle ne se retrouve certainement pas au même degré dans les autres maladies chroniques de la moelle épinière.
Je dois revenir un instant, pour y insister sur l'absence déjà notée des troubles de la sensibilité. Les malades se plaignent bien, parfois, de fourmillements, d'engourdissements, siégeant dans les memhres affaiblis, mais ces symptômes sont presque toujours passagers et peu accusés. D'ailleurs, il est facile de constater que la sensibilité cutanée est, sur les membres affectés, presque toujours conservée dans tous ses modes. Les douleurs en ceinture, les crises fulgurantes, qui jouent un
rôle si prédominant dans les premières périodes de l'ataxie locomotrice progressive, font ici défaut. Il en est de même de la perte de la notion de position des parties, laquelle appartient également àTataxie. Elle n'existe pas dans la sclérose multilo-culaire régulière et les malades atteints de cette dernière affection peuvent, les yeux fermés, déterminer avec précision l'attitude qui a été imprimée à leurs membres. L'occlusion des yeux n'a pas non plus d'influence marquée sur la station debout ni surla démarche. Celle-ci est incertaine, embarrassée, titubante, en raison composée de la faiblesse musculaire et du tremblement qui, tôt ou tard,ne manquent pas de s'y ajouter; les pieds, tenus écartés pour élargir la base de sustentation, traînent péniblement sur le sol donl ils ont de la peine à se détacher. Quand la titubation est très prononcée, les malades sont menacés de tomber à chaque instant, et ils se laissent choir, en effet, souvent. Les membres inférieurs ne sont pas lancés enavant,sans mesure, convulsivement comme cela a lieu si ordinairementdans la sclérose des cordons postérieurs. Les sphincters ne prennent part que très rarement à l'affais-sement des muscles des membres, — ce qui établit un contraste avec beaucoup d'affections spinales où l'on voit, au contraire, de très bonne heure, des troubles de la vessie et du rectum venir se joindre aux autres symptômes. Enfin, pour compléter le tableau, nous devons l'aire ressortir l'absence habituelle de troubles trophiques musculaires dans la paraplégie liée à la sclérose multiloculaire. Les muscles affaiblis conservent, pendant fort longtemps, presque jusqu'au dernier terme, leur relief et leur consistance : soumis à l'exploration faradique, ils ne présentent, à aucune époque, de traces d'un affaiblissement notable de le contractilité électrique.
Immixtion de symptômes insolites. — Je viens de men-tionner, chemin faisant, un certain nombre de symptômes que
Charcot. Œuvres complètes, t. i. 16
j'ai pris soin d'élaguer parce qu'ils n'appartiennent pas au type régulier de la maladie. Il importe de vous taire connaître maintenant, en manière de correctif, que ces symptômes s'entremêlent pourtant, dans certains cas, avec les phéno-mènes ordinaires de la sclérose multiloculaire, et s'accusent même parfois à tel point que l'erreur deviendrait peut-être inévitable pour un observateur non prévenu. Sous ce rapport, l'observation de V... peut nous fournir des renseignements précieux. J'y relève, à cet effet, quelques détails qui ont été consignés à la date du 24marsl867, c'est-à-dire il y a plus de trois ans. A cette époque, où la parésie et le tremblement étaient d'ailleurs déjà assez prononcés dans les membres infé-rieurs pour que la malade fut dans l'impossibilité de marcher autrement que soutenue par deux aides, on a noté ce qui suit: Pendant la marche, les pieds sont un peu projetés « comme chez les ataxiques ». — Lorsque les yeux sont clos, il y a . exagération de la litubation, perte de l'équilibre, etlachute aurait lieu si la malade n'était pas fortement maintenue » — Aux membres inférieurs « la sensibilité tactile a diminué d'une manière notable », La malade ne sait pas indiquer, les yeux fermés, l'attitude qui a été imprimée à ses membres. — Elle y éprouve de temps à autre de violentes crises de douleurs fulgurantes. On constate enfin l'existence d'une douleur en ceinture.
Vous venez de reconnaître, dans cette énuméralion, la série presque fout entière des phénomènes qui servent à caractériser cliniquement l'ataxie locomotrice progressive. Quelques-uns d'entre eux se retrouvent aujourd'hui chez notre malade, mais, en général, cependant, notablement atténués ou relé-gués au second plan. Est-ce à dire que même à l'époque où ils semblaient prédominer, ils fussent de nature à embarrasser sérieusement le diagnostic ? Non. certes, et j'ai la convie-trou que, dans fous les cas du même genre, vous éviteriez de
prendre le change en tenant, compte des observations sui-vantes.
Le fait même que la parésie des membres inférieurs, qui n'existe pas dans la sclérose postérieure, ou qui ne s'y montre fout au moins que dans les phases avancées, se trouverait mêlée aux symptômes ataxiques ou surtout les précéderait, vous mettrait déjà sur la voie. Vous auriez cle plus à enregistrer certainement la coexistence de quelques-uns des symptômes qui n'appartiennent qu'à l'induration multiloculaire, savoir: le tremblement des extrémités, Y embarras de la parole, les vertiges, le nystagmuS, etc. Il importe de bien comprendre, d'ailleurs, la raison qui fait que les symptômes ataxiques se manifestent quelquefois dans le cours de l'induration multilo-culaire, ainsi que je l'annonçais un peu plus haut. Il ne s'agit pas là, suivantmoi, d'une combinaison des formes élémentaires de deux maladies — l'ataxie locomotrice progressive et la sclérose en plaques cérébro-spinale. Pour mon compte, je n'ai jamais rencontré, sur le cadavre, la coexistence de l'induration grise multiloculaire avec la sclérose fasciculée postérieure, et sans nier que cette association puisse exister, je la crois au moins infiniment rare. Il est assez commun, au contraire, que les plaques scléreuses qui, dans la règle, siègent principale-ment sur les cordons antéro-latéraux, franchissent les sillons postéro-latéraux et empiètent sur les cordons postérieurs. Quelquefois même, je les ai vues, de\Tenuesconfluentes, occuper une bonne partie de l'épaisseur de ces cordons, clans toute l'étendue d'une des régions de la moelle épinière, de la région lombaire, par exemple. Or, dans tous les cas du dernier genre, les symptômes ataxiques s'étaient, pendant la vie, manifestés à des degrés divers. Jenedoule pasqu'une disposition semblable ne doivent rendre compte un jour des douleurs fulgurantes, de l'incoordination motrice et, en un mot, de fous les phéno-
mènes du même ordre,qui se trouvent consignés dans l'obser-vation de Mlle V... (1).
Des symptômes insolites d'un autre genre peuvent se sur-ajouter encore aux symptômes réguliers delà sclérose multilo-culaire. J'ai vu, dans plusieurs cas, d'ailleurs parfaitement ca-ractérisés de cette affection, survenirune atrophiede certains muscles ou groupes de muscles rappelant, tant par son siège que par son mode d'envahissement, l'atrophie musculaire à marche progressive. 11 m'a été donné de reconnaître deux fois la raison anatomique de cette complication nouvelle: dans ces deux cas, le processus irritatif dont les foyers de sclérose sont
1. Les observations de sclérose en plaques dans lesquelles les cordons posté-rieurs sont intéressés de manière à occasionner quelques-uns des symptômes de l'ataxie locomotrice sont assez nombreuses. Nous rappellerons en premier lieu le cas de Paget, consigné par M. Cruveilhier dans son Atlas: — puis les trois laits que nous avons rapportés avec détails dans notre mémoire. Le premier con-cerne une femme nommée Broisat, qui est morte dans le service de M. Charcot Sclérose en plaques occupant surtout les cordons postérieurs) : les deux autres peut-être plus caractéristiques en ce sens que les symptômes et les lésions de ia sclérose en plaques et de l'ataxie locomotrice étaient plus accusés, sont em-pruntés à Friedreich. Enfin, nous résumerons brièvement un autre fait que nous avons observé, durant le siège, dans le service de M. Marrotte.
11 s'agit d'une femme Lcgr.., Joséphine, âgée de 46 ans, dévideuse de soie, malade depuis deux ans. Elle offrait les symptômes suivants au point de vue de l'ataxie locomotrice : difficulté de la marche, les yeux étaient fermés: nolion de position îles membres inférieurs en grande partie perdue: fréquentes douleurs fulgurantes dans les genoux et les jambes; douleurs en ceinture. Mais, à côté de ces phénomènes, on notait : un affaiblissement paralytique assez considérable des membres inférieurs : la conservation des différents modes de la sensibilité aux membres inférieurs et supérieurs: l'intégrité de la vision. —Cette femme a succombé à une pyélo-cystite compliquée d'eschares au sacrum. — Autopsie: plaques scléreuses sur le nerf moteur oculaire externe gauche et sur les nerfs optiques; — plaques de sclérose sur la protubérance, le pédoncule cérébelleux supérieur du côté droit, etc. : — plaques de sclérose à la surface des ventricules latéraux, dans l'intérieur du centre ovale et à la face antérieure du bulbe el dans le 4e ventricule.—Sur la moelle,nous avons trouvé: 1° une plaque de sclérose longue de dix centimètres, occupant le cordon postérieur gauche ; — 2° une autre, mais moins étendue en largeur et en hauteur, sur le cordon postérieur cdroit ; —3° au-dessous, une autre plaque assez circonscrite, occupant les deux ordons postérieurs; — 4° enlin, sur les faces anléro-lalérnles de la moelle existaient plusieurs petites plaques de sclérose. B).
le siège, s'était communiqué, en certaines régions de la moelle, aux cellules nerveuses des cornes antérieures de la substance grise et ces cellules, en conséquence, avaient subi des altéra-tions profondes. Or, d'après les recherches que je vous ai expo-sées, il n'est guère douteux que l'amyotrophie progressive, qu'elle soit protopathique ou au contraire consécutive, relève le plus souvent d'une lésion irritaiive des grandes cellules dites motrices (1 ).
Contracture permanente des membres. Epilepsie spi-nale. — Il est temps de revenir maintenant à la contracture des membres inférieurs qui, chez V..., constitue aujourd'hui un phé-nomène permanent et que vous pouvez étudier dans son type le plus parlait. C'est là, Messieurs, un symptôme habituel des phases avancées de la sclérose multiloculaire, il ne succède pas d'emblée, sans transition, à laparésie. A une certaine époquede la période parétique, on voit se reproduire, soit spontanément, soif sous l'influence de certaines excitations, des espèces d'ac-cès pendant lesquels les membres inférieurs se raidissent dans l'extension en même temps qu'ils s'accolent pour ainsi dire l'un à l'autre. Les accès, qui durent quelques heures, et parfois quelques jours, sont d'abord séparés par des intervalles plus ou
1. Erbstein a relaie Deutsches Archiv fur Klimiche Medicin, t. X, l'asc. G, p. 595), l'histoire d'un malade qui a succombé à la sclérose en plaques l'orme bulbo-spinale ,chez lequel on avait observé pendant la vie Vatrophie de la por-tion antérieure de la langue. L'examen histologique fit voir, plus lard : 1° de nombreux foyers de dégénérescence, non seulement interposés entre les fais-ceaux d'origine de L'hypoglosse, mais les intéressant aussi et interrompant par conséquent leur continuité. Une coupe permit de découvrir que le noyau du grand hypoglosse était remplacé par un îlot de tissu sclérosé : 2° les libres musculaires de la partie antérieure de la langue avaient subi la dégénérescence graisseuse : la lésion avait envahi quelques-uns des faisceaux musculaires de la base de l'organe. — Chez une malade nommée Vincent, qui a succombée à une sclérose en plaques. M. Charcot a observé une atrophie des muscles de l'éminence thénar. La paume delà main offrait une excavation an fond de la-quelle on voyait les tendons des muscles fléchisseurs. (B,
moins longs. Plus tard, ils se rapprochent et, à un moment donné, la contracture permanente se trouve définitivement éta-blie. Lorsque les choses en sont à ce point, voici ce qu'on ob-serve: les membres inférieurs, de même que cela avait lieu lors des accès, sont dans l'extension ; les cuisses sont étendues sur le bassin, les jambes sur les cuisses ; les pieds offrent l'attitude du pied bot varus équin; les genoux sont, de plus, tellement serrés l'un contre l'autre qu'on ne peut les écarter sans un grand effort. Les deux membres inférieurs sont très générale-mont affectés simultanément et au même degré :leur rigidité est parfois si prononcée qu'en soulevant l'un d'eux, le malade étant au lit, on soulève en même temps la moitié inférieure du corps tout d'une pièce. Ce n'est que dans des cas rares, et seulement aux phases ultérieures de la maladie, que la flexion de la cuisse et de la jambe prédomine sur l'extension. La con-tracture permanente peut s'emparer, — le fait esl d'ailleurs assez exceptionnel — des membres supérieurs qui, eux aussi, sont alors en général dans l'extension forcée, et restent ainsi, étroitement appliqués de chaque côté du tronc. 11 s'agit là, Messieurs, d'un spasme qui occupe simultanément et à peu près au même degré les muscles antagonistes, car il est presque aussi difficile, les membres étant fléchis, de les étendre, que de les fléchir lorsqu'ils sont étendus.
Lorsqu'on saisit dans la main l'extrémité de l'un des pieds et qu'on l'étend un peu brusquement sur la jambe, il se produit presque aussitôt,dans touteTétendue duraembre correspondant, une sorte de tremblement convulsif qui rappelle la trémulalion déterminée par l'intoxication strychnique. Cette trémulation, qu'il faut bien se garder de confondre avec le tremblement par-ticulier qui survient à l'occasion des mouvements voulus, ne reste pas toujours bornée aumembredont le pieda été étendu; elle se propage quelquefois au membre du côté opposé : l'agita-tion peut se montrer alors, parfois, assez intense pour se com-
muniquer à tout le corps et même au lit où repose le malade. Elle persiste chez certains sujets pendant plusieurs minutes ou même beaucoup plus longtemps, après la cessation de l'excita-tion qui l'a mise en jeu. On peut la faire cesser tout à coup, ainsi que l'a montré M. Brown-Séquard et comme je l'ai plu-sieurs fois observé après lui, en saisissant à pleine main Fun des gros orteils du malade et en le fléchissant subitement et avec for-ce. Immédiatement après cette manœuvre, la rigidité tétanique et le tremblementconvulsif cessent dans les deux membres qui, momentanément, deviennent « parfaitement souples et pliables comme après la mort, avant l'apparition de la raideur cadavéri-que (1) ». La faradisationje pincement de la peau de la jambe, plus rarement le massage du membre inférieur, l'impression du froid, le chatouillement de la plante du pied, peirvent faire naître la trémulalion convulsi\re. Celle-ci se développe aussi, ◀tantôt▶ spontanément, du moins en apparence, ◀tantôt▶ sous l'in-fluence des efforts que fait le malade pour vomir, pour aller à laselle, pour se dresser dans son lit oupour en descendre et met-tre te pied à terre. La marche, que n'interdit pas toujours d'une façon absolue la rigidité permanente, — les malades s'avancent alors sur la pointe du pied, sans que le talon touche à terre,— provoque aussi le tremblement convulsif. Enfin, cetremblement peut encore se produire temporairement, de concert avec la rigidité, même pendant le cours de la période parétique, sous l'influence d'un ou de plusieurs des modes d'excitation qui viennent d'être passés en revue.
Messieurs, le phénomène dont je viens d'esquisser les prin-cipaux caractères n'est autre que Vépilepsie spinale, décrite par M. Brown-Séquard. — Nous l'observons chez Mlle V... dans la forme que j'ai proposé d'appeler tonique. — Cette forme.
1. Brown-Séquard. — Archives de physiologie, t. I, p. 158.
qui est celle qu'on observe le plus habituellement dans l'indu-ration grise multiloculaire, peut être opposée à la forme salta-toire, laquelle prédomine au contraire dans l'ataxie locomotrice progressive et dans quelques autres affections spinales.
La contracture permanente des membres etl'épilepsie spinale ne doivent pas nous arrêter plus longtemps. Ces symptômes, en effet, n'appartiennent pas exclusivement, tant s'en faut, à la sclérose multiloculaire des centres nerveux. Us seront donc étudiés à part, d'une façon générale et dans leurs rapports avec les diverses affections de la moelle épinière où ils peu-vent se manifester.
HUITIÈME LEÇON
Des attaques appoplectiformes dans la sclérose enpla-ques. — Des périodes et des formes. — Physiologie pathologique. — Etiologie. — Traitement.
Sommaire. — Attaques apoplectiformes. — Leur fréquence dans la sclérose en plaques disséminées. —Considérations générales sur les attaques apoplecti-formes dans la paralysie générale et dans les cas de lésions cérébrales en foyer de date ancienne hémorrhagie et ramollissement du cerveau . — Pa-thogénie des attaques apoplectiformes : insuffisance de la théorie de la con-gestion. — Symptômes : État du pouls : élévation de la température centrale. — Cas d'attaques apoplectiformes chez d'anciens hémiplégiques; — Impor-tance de la température ou point de vue du diagnostic.
Des périodes dans la sclérose en plaques. —Première, seconde et troisième périodes. — Symptômes de paralysie bulbaire. — Des formes et de la durée de la sclérose en plaques.
Physiologie pathologique. — Relation entre les symptômes et les lésions.
Etiologie. — Influence du sexe et de l'âge.— Hérédité. — Affections nerveuses antérieures. — Causes occasionnelles : action prolongée du froid humide ; traumatisme. — Causes morales.
Pronostic. — Traitement.
Messieurs,
Je me propose aujourd'hui d'appeler en premier lieu votre attention sur certains accidents cérébraux qui peuvent venir compliquer la symptomatologie de la sclérose en plaques céré-bro-spinale. Il s'agit d'à ttaques apoplectiformes qui seprésen-fenf quelquefois à plusieurs reprises dans le cours de la maladie et qui, parfois, terminent la scène. Ces attaques ne se sont pas produites, jusqu'ici, chez Mlle V,.., dont l'histoire clinique est d'ailleurs si complèteàbeaucoupd'égards; mais rien ne permet
d'affirmer qu'elles ne surviendront pas quelque jour. En effet, ce n'est pas là une complication rare : je la trouve signalée dans un cinquième environ des faits que j'ai rassemblés et je l'ai, pour mon compte, observée au moins dans trois cas (\).
L'ensemble symptomafique qui constitue les attaques en question n'appartient pas eu propre à la sclérose multiloculaire. 11 se présente dans nombre d'affections qui intéressent à la fois plusieurs points de l'axe cérébro-spinal, en particulier dans la paralysie générale progressive. C'est même dans cette dernière maladie que les attaques congestives— ce nom sert à la dési-gner assez communément, du moins en France, —ont été sur-tout étudiées en raison de leur fréquence. On les rencontre là sous les formes assez variées qu'elles peuvent revêtir. Aussi la description de ces attaques dans la paralysie générale progres-sive a-t-elle motivé de nombreuses divisions et subdivisions. Mais, en somme, toutes tes variétés de forme que l'observation clinique a fait reconnaître, — je ne veux envisager ici que les attaques de quelque intensité, —peuvent être ramenées, si je ne me trompe, à deux types fondamentaux, à savoir : 1° les attaques apoplectiformes (pseudo-apoplexy des méde-cins anglais); 2° les attaques eonvulsiees oxxépilepti formes. Les caractères des deux types peuvent d'ailleurs s'entremêler et se confondre dans un même accès. Seul le premier type a été rencontre, quant à présent, dans la sclérose en plaques ; mais il n'est pas douteux qu'en se multipliant, les observations relatives à cette affection permettront un jour de compléter le tableau.
Parmi les autres maladies organiques des centres nerveux dans lesquelles on observe fréquemment les attaques épilepti-formcs ou apoploctiform?s, je me bornerai à signaler certaines
1. Observation lit du mémoire de M. Vulpian, communiquée par M. Char-cot ; — Observation de la nommée Bry (Charcot) : Observation de Nicolas, présentée à la Société de Biologie, par M. Joffroy.
lésions cérébrales en foyer de dates anciennes et accompagnées d'hémiplégie permanente. Telles sonïYhémorrhagie cérébrale et le ramollissement dit cerveau, lorsqu'ils ont occupé les régions de l'encéphale dont la lésion a pour efï'ef de déterminer presque à coup sûr les altérations cérébro -spinales connues sous le nom de sclérose* fasciculées descendantes.
Entre ces lésions partielles du cerveau et la paralysie géné-rale progressive, il semble au premier abord qu'il n'existe aucun point de contact. Voici cependant, Messieurs, un trait qui les rapproche : les observations de M. Magnan et celles de M. Wesl-phal ont fait voir que, dans la paralysie générale, aux lésions de la périencéphalite se surajoute très souvent une altération sclé-reuse, ◀tantôt▶ diffuse, ◀tantôt▶ fasciculée, qui occupe à la fois les pédoncules cérébraux, la protubérance, le bulbe et certaines régions de la moelle épinière. Or, ces lésions cérébro-spinales, tant en raison de leur mode de distribution que par la nature même du processus morbide, méritent d'être assimilées aux scléroses fasciculées descendantes consécutives à l'hémorragie ou au ramollissement du cerveau. Nous savons, d'un autre côté, que, dans la sclérose multiloculaire, les plaques scléreuses oc-cupent non seulementla moelle épinière (Voir Pl. V et VI) et le cerveau proprementdit(PI. 111, IVel VII), mais, en outre très ha-bituellement, les diverses parties de l'isthme de l'encéphale et en particulier, le bulbe (Pl. 111, Fig. 1 et 3, Pl. VIII). Vous voyez par laque l'existence de lésions irritatives disséminées un peu partout dans l'axe cérébro-spinal, mais toujours présentes dans l'isthme est un caractère commun à toutes les affections en appa-rence si disparates auxquelles se surajoutent les attaques dites congeslives. Je signalerai surtout à votre attention l'existence constante de la lésion bulbaire, laquelle, très vraisemblable-ment, est un élément prédominant, dans la production de ces attaques.
Quoi qu'il en soit. Messieurs, il s'agit là d'altérations perma-
nentes, à évolution lentement progressive. Elles ne sauraient par conséquent, sans le concours d'autres lésions, expliquer le développement d'accidents qui se produisent le plus souvent presque subitement et peuvent disparaître très rapidement sans laisser de traces. Je n'ignore pas que beaucoup de médecins font intervenir ici, aujourd'hui encore, une congestion sanguine partielle, une fluxion qui, suivant les besoins de la cause, se porterait sur telle ou telle partie de l'encéphale. Je ne saurais, pour mon compte, souscrire à cette hypothèse. Pour justifier mon scepticisme àcet égard, j'invoquerai d'abord les souvenirs de ceux d'entre xtous qui, dans cet hospice, sont attachés aux services d'aliénés. Combien de fois n'ont-ils pas été désappoin-tés en ne rencontrant pas, à l'autopsie, la lésion congestive sur laquelle ils comptaient ? Mais j'invoquerai surtout les observa-tions que j'ai été à même de recueillir dans le champ habituel de mes études. Maintes fois, j'ai eu l'occasion de \roir succomber à la suite d'attaques, soit épilept iformes, soit apoplectilbrmes, des sujets atteints depuis longtemps d'hémiplégies par le fait du ramollissement ou de l'hémorrhagie intra-eucéphaliques. Or, en pareil cas, quelque attention que j'aie apportée à l'autopsie, il m'a toujours été impossible de découvrir, soif dans les centres nerveux, soit dans les viscères, une région récente congestive, œdémateuse ou autre, pouvant expliquer les symptômes graves qui avaient marqué la terminaison fatale ; je n'ai rencontré ja-mais que les lésions anciennes— foyers ocreux, plaques jaunes ou foyers d'infiltration celluleuse — qui tenaient l'hémiplégie sous leur dépendance elles dégénérations secondaires du méso-céphale et de la moelle qui sont la conséquence de ces lésions partielles des hémisphères. Je crois en somme que, dans l'état actuel de la science, l'absence de lésions propres est, anatomi-quement parlant, un trait commun à ces attaques, quelle que soit d'ailleurs la forme qu'elles affectent et la maladie à laquelle elles se rattachent,
En ce qui concerne la symptomatologie des attaques apoplec-tiformes et épileptiformes, pour ne point entrer dans les détails d'une description en règle, je me bornerai, Messieurs, à rele-ver les particularités suivantes. La scène s'ouvre en général inopinément, sans prodromes bien accentués, ◀tantôt▶ par une obnubilation rapide et plus ou moins prononcée des facultés intellectuelles, ◀tantôt▶ par un comaprofond survenant tout à coup. ^1 s'y adjoint, dans certains cas, des convulsions qui rappellent celles de l'épilepsie ordinaire, mais qui se localisent toutefois, en général, à un côté du corps (attaques épileptiformes). D'au-tres fois,les convulsions font défaut [attaques apoplectiformes). Dans les deux cas, il est fréquent de voir se développer,, dès l'origine, une hémiplégie plus ou moins complète, ◀tantôt▶ avec flaccidité, ◀tantôt▶, mais plus rarement, avec rigidité des mem-bres paralysés. Les symptômes peuvent s'accuser progressive-ment dans l'espace de quelques jours et conduire à la mort. Celle-ci s'annonce en général par le développement rapide (ïesckares à la région sacrée. Si, au contraire, le malade doit survivre, la disparition des accidents ne se fait pas longtemps attendre; l'hémiplégie est le seul symptôme qui persiste pen-dant quelque temps encore, mais elle se dissipe elle-même, lot ou tard, sans laisser de traces.
Les attaques se produisent habituellement plusieurs fois, en général à de longs intervalles, pendant le cours de la maladie. En ce qui a trait à la sclérose en plaques, elles ont été notées trois fois dans l'observation III du mémoire de M. Vulpian, trois fois dans le fait de Zenker (1) et jusqu'à sept fois dans celui de M. Léo (2). Toujours ces accès ont laissé après eux une aggrava-tion notable et persistante de tous les symptômes de la maladie primitive.
1. Bourneville et Guérard, Luc. cit , p. 112.
2. Ibid., p. 112.
L'esquisse que je viens de vous présenter, Messieurs, serait par trop imparfaite, si je ne signalais pas à votre attention les troubles de la circulation et de la calorification qui, en règle générale, se manifestent dans le cours des attaques. Le pouls se montre toujours plus ou moins accéléré, mais de plus, et c'est là le point important, la température des parties centrales s'élève rapidement ; elle peut dans les premières heures qui suivent l'invasion atteindre 38", 5 ou même 39°. Il est fréquent qu'au bout de 12 ou 24 heures, elle s'élève jusqu'à 40° et se maintienne à ce chiffre pendant quelques heures, sans que la situation soit pour cela nécessairement compromise. Mais si le malade doit survivre, la température décroît bientôt rapide-ment. Un chiffre au-dessus de 40° amène presque toujours la terminaison fatate.
Ces modifications de la température centrale ont été étudiées par M. Wesfphal dans les attaques épileptiformes et apoplecfi-formes de la paralysie générale progressive; je les ai retrou-vées dans les attaques qui surviennent chez les sujets atteints ^hémiplégie ancienne, consécutive à l'hémorragie ou au ramollissement du cerceau. Afin de mieux fixer vos idées, à ce sujet, je crois utile de xrous présenter très sommairement les détails de deux observations relatives aux cas du dernier genre.
Le premier fait concerne une femme âgée de 32 ans, atteinte d'une hémiplégie du côté droit, datant de l'enfance. Il y avait atrophie générale, rigidité et raccourcissement des membres, paralysie, ainsi que cela se voit généralement en pareil cas. Cette femme était sujette à des attaques épileptiformes. Elle fut amenée à l'infirmerie quelques heures après le début d'une attaque plus intense que d'habitude. Le soir même de son entrée, la température était au-dessus de 38°; le lendemain, elle avait atteint 40°. Les accès devinrent subinfrants: ils se
répétèrent environ une centaine de fois par jour. Des eschares se formèrent rapidement à la région sacrée et la mort survint le sixième jour. L'exploration rectale donna ce jour-là 42°,4-A l'autopsie, on trouva, à la surface de l'hémisphère cérébral du côté gauche, une dépression considérable répondant à une plaquejaune, vestige d'un vaste foyer de ramollissement. L'hé-misphère était de plus atrophié dans son ensemble. On ne put découvrir aucune trace d'une lésion récente, soit dans les cen-tre nerveux, soit dans les viscères.
Le second cas est celui d'une femme de 61 ans, atteinte d'hémiplégie droite consécutive à une hémorrhagïe cérébrale datant de deux ans. Cette femme avait éprouvé déjà plusieurs attaques épileptiformes, ou apoplectiformes, en général d'ail-leurs assez légères. Un jour, survint un accès épileptiforme intense et prolongé, suivi d'état apoplectiforme. Deux heures après le début des accidents, la température du rectum était de 38%8; cinq heures plus lard, elle s'élevaità40°. Le lende-main malgré la cessation des convulsions, la température était de 41 degrés et le surlendemain, jour de la mort, elle attei-gnait 42°,5. L'autopsie fit reconnaître deux foyers ocreux, l'un siégeant dans le corps strié, l'autre dans l'épaisseur d'une cir-convolution. Il n'existait aucune lésion récente, capable d'expli-quer les accidents qui avaient déterminé la mort.
Il ne m'a pas été donné encore de suivre jour par jour, et aux diverses époques de la journée, l'évolution delà tempéra-ture centraledans un cas d'attaque apoplectiforme survenant, chez un sujet atteint de sclérose en plaques. Néanmoins, on peut relever dans plusieurs observations des résultats partiels, qui ne permettent pas de douter que, même sous ce rapport, les choses se comportent exactement dans la sclérose multilo-culaire, comme dans la paralysie générale progressive et dans
les cas de lésions en foyer des hémisphères. Ainsi la malade, dont l'histoire a été rapportée par M. Zenker, fut prise vers la fin de sa vie d'une attaque apoplectiibrmeavechémiplégïedu côté droit. Or, le même jour de l'attaque, le pouls étant à 136, la température atteignait 39°,6. Le lendemain, le thermomètre inarquait40°. Le surlendemain, laparalysie s'était amendée etla température était retombée au chiffre physiologique. Chez le nommé Nolle, observé par M. Léo, une attaque apoplecfiforme se déclara dans la soirée. Le lendemain matin, de bonne heure, le pouls donnait 144 et ta température était à38°,o- Cette atta-que, la septième que le malade eût éprouvée, devait dans la nuit même se terminer par la mort. Dans le cas de N..., dont Thistoire a été recueillie dans mon service par M. Joffroy, cinq heures seulement après l'invasion d'une attaque apoplecfi-forme, avec perte incomplète de la connaissance et résolution générale des membres, la température rectale était à 40°,3, le pouls à I2U.Lelendemain,les accidentsapoplectiformes s'étaient dissipés et en même temps le pouls ainsi que la température étaient revenus à l'état normal (1).
Si je me suis arrêté avec quelque insistance sur les modifi-cations que subit la température du corps, dans les attaques apoplectiformes et épileptiformes de la paralysie générale et de quelques autres affections cérébro-spinales,c'est qu'à mon sens, on trouve là un caractère qui peut, dans certains cas, être mis àprofitpour le diagnostic. Il n'estpas nécessaire, jepense, d'en-trer dans de longs dévelpppements pour faire ressortir combien il est difficile, en présence d'un malade qui vient d'être frappé d'apoplexie,avec ou sans accompagnement de convulsions, de décider, rl'après la seule considération des symptômes exté-rieurs, s'il s'agit de Y apoplexie vraie, résultant de laformation
1. Société de Biologie, I. I. .• série, 1869-1870, p. 145.
actuelle d'un foyer cérébral soit d'hémorragie, soif de ramollis-sement, ou au contraire d'une simple attaque congestive. Eh bien, l'examen de la température centrale fournirait, en pareille occurrence, un renseignementdécisif. J'ai démontré, en effet par desobservations répétées (1), que, dansl'apoplexie vraie, princi-palement lorsqu'elle se rattache à l'hémorragie cérébrale, la température s'abaisse consfammentquelques instants après l'at-taque et se maintient ensuite, en général, pendant vingt-quatre heures au moins, au-dessous du taux normal, alors même qu'il se produit des accès convulsifs, intenses et répétés. Or, nous venons de voir que, dans les attaques dites congestives, la tem-pérature s'élève au contraire, dès l'invasion des premiers symp-tômes, au-dessus du chiffre physiologique et tend à s'élever encore progressivement pendant toute la durée de l'accès.
DES PÉRIODES ET DES KOKMES DAISS LA SCLÉROSE EN PLAQUES.
Messieurs, après avoir considéré un à un les éléments divers qui composent la symptomatologie de la sclérose multiloculaire lorsqu'il s'agit d'un cas complet et parvenu déjà à une période avancée de son cours, il convient de montrer, par une vue d'en-semble, comment se groupent et s'enchaînent ces éléments aux diverses phases et dans les diverses formes de la maladie. Celle-ci, en effet, ne se présente pas, tant s'en faut, revêtue de tous ses attributs à toutes les époques de son évolution. A l'origine, elle peut n'être constituée que par la réunion de deux ou trois symptômes, et, de plus, il est des cas où, jusqu'à la terminaison
1. Charcot. —Noie sur la temp, des parties centrales dans l'apoplexie liée à Vhémorrh. cérébrale et au l'amollissement du cerveau. (Société de Biologie, t. IV, 1867, p. 92 et Œuvres eompl., t. IX, p. 91). — Voyez aussi Charcot. — Leç.sur la thermo. clinique, publiées par Joffroy. (Gaz. hebd., 1869, p. 32i, 742, 821 et Œuvres compl. t. VII, p. 293). — Bon rue ville : Études cliniques et thermométriques sur les maladies du système nerveux. Paris, 1870-73.
Charcot. Œuvres complètes, t. i. 17
fatale, le tableau symptomatologique reste incomplet. Or, c'est surtout lorsque la maladie en est encore à une époque voisine de son début ou lorsqu'elle revêt une forme imparfaite, qu'il importerait d'apprendre à la reconnaître aux moindres indices. (Voir F Appendice, n° IV.)
J'ai proposé d'établir, dans le développement progressif de la maladie, trois périodes : la première s'étend de l'instant où apparaissent les premiers symptômes jusqu'à l'époque où la rigidité spasmodique des membres réduit le malade à une im-puissance presque absolue. La seconde comprend tout le temps, habituellement fort long encore, durant lequel le malade, con-finé au lit ou pouvant à peine faire quelques pas dans sa cham-bre, conserve néanmoins l'intégrité de ses fonctions organiques. La troisième, enfin, commence au moment où, en même temps que tous les symptômes cle la maladie s'aggravent simultané-mentales fonctions de nutritions oulfrent d'une manière sensible. Il y aura lieu, à propos de cette période ultime, de relever les accidents, qui, dans l'ordre ordinaire des choses, marquent les derniers temps de la maladie et précipitent la terminaison fatale.
1.
Première période.— Le mode d'invasion et d'enchaînement des symptômes présente des variantes qui méritent d'être signa-lées à votre attention.
Quelquefois ce sont les symptômes céphaliques qui ouvrent la scène ; ainsi les malades commencent par se plaindre devertiges habituels, de diplopie plus ou moinspassagère ; peu à peu se prononcent Y embarras de la parole et enfin lengs-tagmus, La réunion de ces symptômes composerait déjà un en-semble assez caractéristique et qui, alors même que le trem-
blement provoqué parles mouvements et laparésie des membres ne viendrait pas tôt ou tard s'y adjoindre, permettraient cependant d'établir le diagnostic sur de fortes présomptions.
Mais tel n'est pas le mode d'invasion le plus commun; le plus souvent, ce sont les phénomènes spinaux qui s'accu-sent les premiers, si bien que, pendant plusieurs mois et quelquefois même pendant plusieurs années, les malades pourront n'offrir d'autres symptômes qu'un affaiblissement, une parésie plus ou moins prononcée des membres inférieurs, montrant de la tendance à s'aggraver d'une manière lentement progressive et à s'étendre aux membres supérieurs. En pareil cas, la situation du clinicien est nécessairement des plus diffi-ciles. Car, en somme, la parésie des membres inférieurs est un symptôme quelque peu banal, commun à une foule d'affections diverses; elle se présente pourtant dans la sclérose mulfifocu-laire, vous ne l'avez pas oublié, avec quelques traits parti-culiers qui pourraient peut-être indiquer la voie. Ainsi, quelque prononcée qu'elle soit, — à part ce cas exceptionnel où la lésion prédominerait sur les cordons postérieurs,— efle ne s'accom-pagne d'aucun trouble delà sensibilité, d'aucun trouble appré-ciable dans la nutrition des masses musculaires ; de plus, il ne s'y lie d'ordinaire aucun désordre fonctionnel du côté de la vessie ou du rectum; enfin, il n'est pas rare de voir se produire des rémissions, voire même des intermissions complètes qui ont pu faire espérer une guérison définitive (1). Mais il est clair que ces indices, même avec le concours de tous les autres, ne sauraient fournir encore que des renseignements assez vagues.
1. Dans notre mémoire, nous avons résumé un certain nombre de faits dans lesquels on a observé des rémissions assez complètes pour que les malades, qui étaient paralysés, aient pu reprendre leurs occupations (Voy. loc. cit., obs. iv, ix. x, xi, etc.) Dans une observation de M. Vulpian que nous avons également rapportée (p. 138, i! yen! une série d'améliorations et d'aggrava-tion? alternatives. Nous allons les indiquer brièvement.
Alors que la maladie était encore récente, on vil survenir, à la suite d"un(.
La certitude ne peut guère s'établir que si le tremblement spé-cial ou.quelqu'un des symptômes céphaliques viennent se su-rajouter aux symptômes spinaux.
Jusqu'ici, Messieurs, je vous ai représenté l'invasion et l'en-chaînement ultérieur des accidents comme lents et uniformé-ment progressifs. C'est là, en effet, de beaucoup le cas le plus fréquent; mais il importe que vous n'ignoriez pas que, dans certaines circonstances, exceptionnelles à la vérité, le début peut s'opérer tout à coup, inopinément, ou à la suite de quel-ques prodromes peu significatifs.
Ainsi le vertige et la diplopie s'étant déclarés soudainement, la parésie des membres et la titubation ont pu venir s'y joindre au boutde quelquesjours,detellesortequelamaladie s'esttrouvée pour ainsi dire immédiatemeni constituée. C'estce quiaeulieu, entre autres, chez une jeune malade nommée Vinch..., que quel-ques-uns d'entre vous ont pu voir dans nos salles. D'autres fois, le début est marqué, comme chez une des malades de Valenti-ner, par une brusque invasion de la parésie, dans l'un des mem-bres inférieurs; ou encore, ainsi que cela s'est présenté dans le cas de M. Léo et chez une de mes malades dont M. Vulpian a rapporté l'histoire (1), une attaque apoplectiformc précédée pen-dant quelques jours ou quelques semaines de vertiges, de cépha-lagie, et suivie d'hémiplégie temporaire, inaugure l'invasion.
variole, un rétablissement [tour ainsi dire complet. Cette amélioration persiste pendant trois années. A celle époque, les régies se suspendirent: de nouveaux symptômes, légers d'ailleurs, se manifestèrent pour disparaître eux-mêmes avec le retour des menstrues. Deux ans plus tard, la malade a un ictère auquel succèdent de nouveaux accidents. Ceux-ci s'amendcnl : mais, à l'occasion d'une bronchite, la parésie des membres reparaît plus considérable et, après des rémissions et des recrudescences successives, elle devient permanente.—Par-fois la rémission est imcomplète el ne porte que sur quelques symptômes, eu particulier l'incontinence d'urine et des matières fécales. — Chez un malade observé par M. Baerwinckel, il y eut une rémission passagère (B.).
1. Vulpian. — Note sur la sclérose en plaques de la moelle épinière, obs. n, in Mémoires de la Société médicale des hôpitaux, 1869.
Enfin, Messieurs, il est un cas sur lequel j'appellerai encore votre attention et où le début se trouve masqué par une affec-tion qui, le plus souvent, est considérée comme accidentelle, étrangère à la maladie principale, bien qu'en réalité elle s'y rattache, suivant moi, au contraire, intimement par un lien non reconnu jusqu'ici. Je fais allusion à des crises gastriques ou gastralgiques, comme vous voudrez les appeler, lesquelles sont parfois intenses, accompagnées de lipothymies, de vomis-sements répétés, etc. Elles ont plusieurs fois ouvert la scène, et bientôt les symptômes habituels delà sclérose multiloculaire leur ont succédé ; il n'est pas rare d'ailleurs de les voir repa-raître à plusieurs reprises et s'entremêler avec ces symptômes pendant les premiers temps de la maladie. Dans ce genre, une observation publiée par M. Liouville (1) et le cas rapporté par M. Zenker sont de bons exemples à citer ; ces accidents sont d'autantplus dignes d'être remarqués que nous les retrouverons, à peu près avec les mêmes caractères, dans d'autres formes de sclérose de la moelle épinière et en particulier dans la sclérose fasciculée postérieure (ataxie locomotrice), principalement danslaphaseinitialedecetteaffection.il est donc possible que les crises gastriques, coïncidant ou alternant avec les douleurs ful-gurantes des membres, soient en pareil cas, avec la diplopie, etpeut-être une légère titubation les yeux étant fermés, les seuls symptômes actuels de la maladie en question, dont le véritable caractère est alors trop souvent méconnu (2). Ces mêmes crises gastriques se rencontrent, ainsi que nous l'avons observé, mon ami Duchenne (de Boulogne) et moi, dans la forme de myélite centrale subaiguë ou chronique qui produit les symptômes de la paralysie générale spinale. Mais je ne veux pas m'arrêter
1. Mémoires delà Société de Biologie, 5e série, t. I, p. 107. Paris, 1870.
2. Voir ce que M. Charcot a dit à ce sujet dans ses leçons faites à la Salpê-trière en 1868 (Dubois. — Études sur quelques points de l'ataxie locomotrice. Paris, 1868. Des crises gastriques, p. 56. — Leçons sur les maladies du sys-tème nerveux, t, II, 1873, Leçon II, p. 36,)
plus longuement sur ce sujet que je compte reprendre bientôt en lui donnant tous les développements qu'il comporte.
II.
Deuxième période. — En général, dès la fin de la première période, la sclérose multiloculaire se présente déjà douée delà plupart des symptômes qui la caractérisent. Ces symptômes s'aggravent et se prononcent encore pendant la seconde, et il s'y surajoute la contracture spasmodique des membres, avec ou sans accompagnement d'épilepsie spinale, par suite de quoi les malades qui, jusque-là, avaient encore pu marcher, tant bien que mal, se trouvent désormais réduits à l'impuissance à peu près absolue et confinés définitivement à la chambre ou même au lit. La contracture qui signale le début de cette période est unphénomènepresque toujours très tardif; ilnesemontreguère, le plus souvent, que deux, quatre, six ans même après l'appari-tion des premiers accidents de la sclérose multiloculaire.
III.
Troisième période. —Le commencement de cette dernière période est marqué, ainsi que je vous l'annonçais, par l'affai-blissement progressif des fonctions organiques ; l'inappétence devient habituelle, la diarrhée fréquente et bientôt survient un amaigrissement général qui se prononce de plus en plus (1).
En même temps se dessine une aggravation de tous les symp-tômes propres à la maladie: l'obnubilation de l'intelligence va jusqu'à la démence ; l'embarras de la parole est porté à son comble et le malade ne s'exprime plus que par un grognement
1. C'est surtout à cette période de la maladie que Ton peut voir survenir des
inintelligible. — Puis les sphincters se paralysent et il n'est pas rare de voir la muqueuse de la vessie devenir le siège d'une in-flammation ulcéreuse. C'est alors que se montrent, à la région sacrée et sur tous les points des membres inférieures soumis à une pression prolongée, des eschares qui prennent parfois des proportions énormes et consécutivement toute la série des accidents qui se rattachent à cette complication, tels que : fusées purulentes, intoxication purulente ou putride, etc. La mort ne tarde pas à s'ensuivre.
Le plus souvent la vie est encore abrégée par l'intervention de quelque maladie intermittente : la pneumonie, la phtisie caséeuse, la dysenterie, peuvent être comptées parmi les plus fréquentes de ces affections terminales (1).
J'ai réservé, pour la mentionner d'une manière toute spéciale, l'apparition de quelques symptômes de paralysie de bulbaire, parce qu'ils sont capables, en s'aggravant brusquement, de précipiter le cours des événements et d'amener la terminaison fatale avant même que les phénomènes de la dernière période se soient manifestés. En même temps que la parole devient de plus en plus difficile, il se produit en premier lieu un embarras de la déglutition qui, transitoire d'abord, devient bientôt permanent. Puis se montrent de temps à autre des accès de dyspnée plus ou moins graves, et la mort peut survenir dans un de ces accès, J'ai observé tout récemment deux cas qui se sont terminés de
accidents susceptibles, peut-être, d'être rangés parmi les troubles trophiques. Tels sont : 1° un ramollissement des vertèbres, des trochanters, de la tète du tibia, des os du tarse, etc. (Bourneville et Guérard, loc. cit.. cas du Dr Pennock, p, 83; : — 2° une cyphose et une scoliose à droite, signalées dans un cas de Priedcreich (B. et (1., loc. cit., p. 213-214) : — un épanchement de liquide dans les deux articulations fémoro-tibiales (Obs. de M. Malherbe). 'B.)
1. Dans les cas qui ont été publiés récemment, nous retrouvons le plus souvent les affections terminales indiquées par Al. Charcot. Il ressort de la statistique que nous avons dressée que les maladies pulmonaires (pneu-monie, pleurésie purulente, tubercules) l'emportent de beaucoup sur les autres. Nous devons encore signaler 1 • l'cubitus aigu, la pyëïo-cysUte 'un cas', !'«?_ dème de la glotte (un cas). (B.)
cette manière, L'autopsie à fait reconnaître, dans ces deux cas, qu'uneplaque de sclérose avait envahi le plancher du quatrième ventricule, où elle englobait les noyaux d'origine de la plupart des nerfs bulbaires (1).
1. C'est ainsi qu'unL succombé la nommée Vaulh..., qui a l'ait l'objet de la leçon précédente et la nommée Bezot, qui a été couchée pendant longtemps salle Saint-Luc, n° 10. Nous allons résumer rapidement les traits principaux de leur histoire.
I. — Vauth..., Joséphine C..., est entrée le 21 mars 1867, dans le service de M. Vulpian et est morte le 7 février 1871, dans le service de M. Charcot (32 ans). De 14 à 21 ans, étourdissements suivis de vomissements. Grossesse à 22 ans qui met lin aux vomissements. La sclérose en plaques disséminées a débuté à 23 ans et demi: faiblesse de la région lombaire, fatigue très grande des membres inférieurs, élancements dans la jambe droite, affaiblissement delà vue, diplopie.—A 25 ans, faiblesse des bras qui sont,parfois, le siège de douleurs. 1867. Nystagmus, diplopie. Intégrité des masses musculaires. Perte de la no-ion de position des membres
inférieurs; Parésie et trem-blement des membres supé-rieurs. Partout la sensibilité tactile est en grande partie perdue. — Amélioration mo-mentanée par le nitrate (l'ar-gent.
1868. La malade ne peut plus se tenir debout, les symptômes sont plus accusés à droite qu'à gauche, le trem-blement des membres supé-rieurs a augmenté. Douleurs fulgurantes fréquentes, sur-Fig.ib.— Elle représente les lésions observées sur une ^0ll^ dans la moitié uauche coupe pratiquée à la partie la plus élevée de la région ' ' ' ,
lombaire : on voit que les cordons postérieurs sont de la face. — Etourdissements pris dans toute leur largeur, et que la lésion prédo- vertigineux se montrant à mine a leur partie movetme.
des intervalles rapprochés. Le nystagmus est plus accusé. En mai, XI. Vulpian fait prendre à la malade deux pilules de 0 gr. 015 d'extrait de fève de Calabar. Peu après, accès de faiblesse avec exagération du tremblement, sueurs froides, pâleur de la face. — (Ces phénomènes sont peut-être dûs à la fève de Calabar), A partir de juillet, 3 pilules de fève de Calabar. En novembre, M. Vulpian supprime la fève de Calabar et, comme il est survenu dans les derniers temps de l'incontinence d'urine, il prescrit 3pillules deO gr. 03 d'extrait de belladone. L'incontinence d'urine, après avoir présenté des amendements passngers, cessa dans le courant de décembre, —1870, janvier, Troubles psychiques ^Yoirpag
Après les détails dans lesquels je viens d'entrer, il me paraît inutile d'entreprendre la description particulière des diverses formes que peut revêtir la sclérose multiloculaire. Les formes cérébrale:, et spinale correspondant à un envahissement incom-plet des centres nerveux parla sclérose, c'est, si Ton veut, la maladie arrêtée dans son développement, dans sa progression, soit ascendante, soit descendante. La série symptomatologique
237). Dans le courant de cette année, les symptômes que nous avons notés ont augmenté d'intensité et, de plus, il s'y est ajouté des symptômes de paralysie bulbaire. Ceux-ci se sont aggravés assez rapidement et la malade est morte, en quelque sorte asphyxiée, le 7 février 1871.
Autopsie. — Il existe de nombreuses plaques de sclérose dans le cerveau et la moelle. En raison des symptômes ataxiques offerts par la malade, les lésions de l'axe spinal, doivent être consignées ici. Il y avait des plaques de scléros* dans toute la hauteur des cordons latéraux. Quant aux cordons postérieurs, ils sont pris un peu partout, mais principalement à partir de l'extrémité inférieure de la région dorsale. La Figure 15 représente les lésions observées sur une coupe pratiquée à la partie la plus élevée de la région lombaire. A ce niveau,
les cordons postérieurs sont pris dans toute leur étendue 'Fig 15, c), mais sur-tout à la partie moyenne. Les cordons latéraux sont relativement moins lésés.
II. — Bez... Pauline, 35 ans, céliba-taire, bonne d'enfants, est entrée le 17 février 1871 dans le service de M. Charcot. Aux symptômes ordinaires de la sclé-rose en plaques sont venues s'ajouter, vers le mois de mai, de la dyspnée et de la dysphagie. La gêne de la déglutition obligeait la malade à manger avec une grande lenteur. Le retour des aliments par les fosses nasales ne fut observé qu'à la fin de la vie. La malade est morte d'asphyxie le 12 juin sans qu'on eût noté de râles dans la poitrine.
Autopsie. — Plaque de sclérose sur le chiasma des nerfs optiques se prolongeant sur les bande-lettes ; — pl. de sclérose dans les ventricules et dans le centre ovale. — Sur une coupe faite à un cen-timètre au-dessus du bord inférieur de la protu-bérance, au niveau de l'origine apparente du nerf trijumeau, on découvre une plaque de sclérose large et irrégulière (Fig. 16, b, b').
Fig. 16. — a, pneumogastri que.— b, petite p laque de sclérose : — c, plaque de sclé-rose.
Fig Al—a, pneumogas-trique : — b, hypo-glosse : — c, plaques de sclérose,
s'en trouve pour ainsi dire écourtée ; mais les symptômes, con-sidérés isolément, n'en sont pas pour cela modifiés. La première forme est très rare, la seconde assez fréquente, au contraire, mais, en somme, la forme cérébro-spinale représente le type normal, celui que nous rencontrons le plus souvent dans la clinique.
La sclérose multiloculaire cérébro-spinale accomplit, en grand, son évolution totale dans l'espace de six à dix années (1) ; cela établit un nouveau contraste avec la paralysie agitante dont la durée normale est beaucoup plus longue. La forme spinale laisse habituellement plus de répit ; elle peut ne se terminer qu'au bout de vingt ans et même plus tard encore (2).
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE ; ÉTIOLOGIE ; PRONOSTIC ET TRAITEMENT.
Pour terminer cette étude, il me resterait, Messieurs, avons entretenir de la physiologie pathologique, de l'étiologïe, et
Une autre coupe transversale, répondant à la partie moyenne des olives, fait voir une autre plaque de sclérose [Fig.il, c) paraissant intéresser le pneumogas-trique (Fig. 17, a). L'examen microscopique des nerfs a montré de nombreux tubes granulo-graisseux dans l'hypoglosse, des traces d'irritation de la gaine de Schwann dans le nerf pneumogastrique. Huant aux autres organes, et en parti-culier le pharynx, le larynx et les poumons, ils étaient sains (B.).
1. Il est assez difficile d'établir, quant à présent, la durée moyenne de la sclé-roseea plaques. Dans un premier relevé(Bourneville et Guérard, loc. cit., p. 148) comprenant 17 cas, nous avons trouvé une moyenne de 8 à 10 ans. Dans une statistique portant sur 13 cas nouveaux, nous avons obtenu une moyenne de 7 ans et demi. Le minimum de la durée de la maladie a été un an cas de M. Mal-herbe. In Journal de médecine de l'Ouest., 1870, p. 168, et Buschwald. Ueber multiple Sidérose der Hirns und Rûckenmarks, in Deutsches Archiv fur KHn. Medicin, c. x, l'as. îv et v, p. 478 , 1872). Le maximum a, été de 16 à 17 ans (B.
2. Dans trois cas de sclérose en plaques disséminées, avec prédominance des lésions dans les cordons postérieurs, la maladie a duré onze, vingt-un et vingt-huit ans. (Bourneville. — Nouvelle élude sur quelques points de la sclé-rose en plaques disséminées, 1869.)
enfin du traitement de la sclérose multiloculaire des centres nerveux. Malheureusement, les documents que je pourrait invo-quer relativement à ces divers points sont peu nombreux, im-parfaits encore pour la plupart, et j'en serai réduit, par consé-quent, à vous présenter quelques remarques très sommaires.
A. La raison du mode de répartition si singulier qu'affectent les îlots scléreux dans les diverses parties du système nerveux central, nous est, quant à présent, complètement inconnue, M. Rindfleich(l) a avancé que le point de départ de la formation des foyers de sclérose serait dans le s\ stème vasculaire. Suivant lui, l'inflammation des parois despetifs vaisseaux qu'on rencon-trerait toujours au centre des plaques en voie de formation serait le fait initial ; de ce point central, l'irritation se propage-rait au réticulum de la névroglie et rayonnerait dans toutes les directions. Évidemment ce ne serait, là encore, que reculer la difficulté. D'ailleurs, ce rôleprédominant accordé aux vaisseaux dans l'évolution du processus morbide n'est rien moins que démontré. Je suis même très disposé à croire, d'après mes propres observations, que les altérations des vaisseaux et celles du réticulum marchent du même pas, parallèlement, sans s'influencer réciproquement.
Quoi qu'il en soit, étant donné le siège des îlots sclérosés dans les divers départements des centres nerveux, peut-on en déduirelaproductiondesphénomènes dont l'ensemble constitue la symptomafologie delà sclérose en plaques? Cela est possible, au moins en partie. Déjà nous vous avons l'ait remarquer que l'incoordination motrice, la perte de la notion déposition, les douleurs fulgurantes qui s'observent dans un certain nombre de cas, peuvent être, dans ces cas-là, rapportées à l'envahissement des faisceaux postérieurs de la moelle épinière dans une certaine
1. Ilinrîlleiscli. — Histol. Détail zu der grauen Degeneration von Gehirn und Riickenmarck (Virchow's Archiv, 1863, l. XXVI, p. 474).
étendue en hauteur. D'un autrecôté, la prédominance habituelle des plaques de sclérose sur le trajet des cordons anléro-laléraux rend compte, ainsi que je vous le démontrerai bientôt, de l'exis-tence à peu près constante de la parésie ou de la paralysie des membres, suivis tôt ou tard de contracture permanente. Le nystagmus, l'embarras de la parole, sont en rapport avec la localisation habituelle des plaques dans l'épaisseur de la protu-béranceet du bulbe. Mais un grand nombre d'autres symptômes sont d'une interprétation beaucoup plus difficile. Tel est, entre autres, le tremblement particulier qui se manifeste dans cer-taines attitudes du corps et dans l'exercice des mouvements x^olontaires. J'ai exprimé l'opinion que la longue persistance des cylindresaxiles, dépouillés de leur enveloppe de myéline, au sein des foyers sclérosés, joue peut-être ici un rôle important ; la transmission des impulsions volontaires s'opérerait encore par la voie de ces cylindres dénudés, mais elle aurait lieu d'une façon irrégulière, saccadée, et ainsi se produiraient les oscilla-tions qui troublent l'exécution des mouvements intentionnels.
Cette résistance des cylindres axiles n'est certainement pas un phénomène exclusivement propre à l'induration multilocu-laire ; mais elle se montre là plus prononcée que dans les autres formes de la sclérose des centres nerveux. Elle peut être invoquée encore, je crois, pour rendre compte de la lenteur avec laquelle les symptômes parétiques progressent dans la sclérose en plaques, et du long espace de temps qui s'écoule avant l'époque où ils font place à la paralysie complète et à la contreture permanente.
B. Ce que l'on sait concernant les conditions qui président au développementde la sclérose en plaques se réduit à fort peu de chose. 11 paraît établi toutefois, dès à présent, que la maladie est beaucoup plus commune chez les femmes que chez les hommes. Ainsi, parmi les cas que j'ai rassemblés dans mes premières
études, trois ou quatre seulement concernent des hommes. Les faits qui ont été "publiés depuis lors n'ont pas modifié, d'une manière sensible, ce résultat. En réunissant aux dix-huit cas qui figurent dans la monographie de MM. Bourneville etGuérard, 16 cas nouveaux, nous avons un total de 34 cas, dont 9 hommes et25 femmes.
De ces mêmes documents, il ressort que c'est là une mala-die de la jeunesse ou de la première moitié de l'âge adulte. On l'a observée chez des sujets âgés de 14, 15, 17 ans (1). Mais elle paraît débuter le plus souvent entre 20 et 25 ans. Rare-ment elle apparaît après 30 ans. L'âge de 40 ans semble être d'un autre côté la dernière limite que puissent atteindre les sujets atteints de sclérose en plaques.
Relafivementà l'influence héréditaire, nous n'aurions à citer qu'un seul exemple où elle ait paru jouer un certain rôle. Cet exemplenousaélécommuniquéparM. Duchenne (de Boulogne). Dans les antécédents pathologiques des malades eux-mêmes nous n'avons à relever en général que des indices très vagues : l'hystérie y figure dans quelques cas ; mais, le plus souvent, on ne trouve mentionnés que des accidents névropathiques assez mal déterminés : la migraine de temps à autre, ou des névralgies (2).
1. Dans un travail de M. Leubc Ueber multiple inselforming Sidérose des Gehirus und Ruckenrnarks, in Deutsches Archiv, 8, Bd., 1 heft, 1870. p. IV, nous trouvons une observation qui concerne un enfant qui présenta les pre-miers, symptômes de la sclérose en plaques disséminées à l'âge de 7 ans. Elle mourut à l'âge de 14 ans et demi. Bésumé : nystagnms léger : paralysie faciale droite; a taxi e très prononcée des extrémités, surtout à gauche : tremblement de la tête ; parole difficile : atrophie des jambes. — Autopsie : Sclérose du pont de Varole et de ses annexes, presque générale à droite, disséminée à gauche. Le cerveau et le cervelet, dans leurs couches corticales, sont le siège d'une double dégérescenec jaune blanchâtre ou gris d'acier, ◀tantôt▶ diffuse, ◀tantôt▶ en plaques disséminées. Dans la moelle — et principalement la moelle allongée — la sclérose occupe, en première ligne, les cordons postérieurs, puis les cor-dons latéraux, enfin les cordons antérieurs (B.),
2. Il est, toutefois, une condition éliologique qui mérite d'être mentionnée:
Parmi les cm/ses occasionnelles, on trouve plusieurs ibis signalée l'action prolongée du froid humide (1). Dans un cas, les premiers symptômes se seraient développés peu de temps après une chute.
Mais ce sont les circonstances d'ordre moral qui, le plus communément, sont invoqués par les malades. Les chagrins prolongés, par exemple ceux entre autres que peut occasionner une grossesse illicite, ou encore les désagréments et les ennuis qu'entraîne une position sociale plus ou moins fausse, telle qu'est souvent celle de certaines institutrices. Voilà pour ce qui concerne les femmes (2). Quantaux hommes, il s'agit pour la plupart de gens déclassés, placés en dehors du courant
c'est l'influence cle certaines maladies aiguës sur le développement de la sclé-rose. \;oici, à l'appui de cette assertion, l'indication de quelques faits.
1" Dans un cas de Erbstein (Deutsches Archiv fur KUnische Medicin, t. X, fase. 0, p. 696), la sclérose en plaques a débuté durant la convalescence d'une fièvre typhoïde. La malade éprouva alors une faiblesse dans les membres et de l'embarras dans la parole, les mots étaient scandés, la prononciation était peu distincte et monotone.
2° Une malade de service de M. Charcot, Nie... Julie, remarqua un certain degré de faiblesse dans les membres inférieurs après une attaque de choléra. Un peu plus tard, elle eut une fièvre typhoïde à partir de laquelle la faiblesse des jambes fit des progrès, d'une façon lente mais continue, à tel point que bientôt elle fut obligée de se servir d'une canne A. Joffroy. — Mémoires de la Société de biologie, 1869, p. 146).
3° Dans l'observation rapportée par MM. Fontaine el Liouville, il est dit que les premiers indices de la sclérose furent précédés par des vomissements bi-lieux, abondants qui durèrent dix à quinze jours. II. \Àou\\[le, \n Mémoires de la Société de biologie, 1869, p. 107).
4° Enfin,' nous citerons le cas d'une femme nommée Dr.. Hurleuse, chez la-quelle les premières manifestations delà sclérose en plaques se sont montrées alors qu'elle venait d'avoir une variole grave.
1. Un malade, observé par M. Baerwinkel, s'aperçut d'une difficulté des mouvements de la jambe droite trois jours après avoir fait une chute dans l'eau. L'action du froid humide est d'autant plus réelle dans ce cas que le ma-lade laissa ses habits sécher sur lui B.).
2. The Lancet (1873, vol. 1, p p. 236) a publié le résumé d'un cas de sclérose en plaques observé par M. Moxon â Guy's tlospital, où l'on voit notées comme cause : a) une maladie fébrile avec diarrhée qui a duré plusieurs semaines, /;) une émotion morale vive ressentie par la malade qui trouva son mari couché avéC une autre femme 1. .
général, trop facilement impressionnables, mal armés pour soutenir ce qu'on appelle, dans la théorie de Darwin, la lutte pour la conservation de la vie(Struggle for life). C'est là, en somme, une étiologie quelque peu banale et que l'on retrouve, pour ainsi dire, à l'origine de toutes les maladies chroniques du système nerveux central.
C. Le pronostic jusqu'ici est des plus sombres. En sera-L-il toujours de même ? On peut espérer que, lorsque la maladie sera mieux connue, le médecin apprendra à tirer parti de ces tendances spontanées aux rémissions qui se trouvent signalées dans un bon nombre de cas. 11 ne faut pas oublier d'ailleurs que, quant à présent, la véritable notion du mal n'est, en général, reconnue que lorsque déjà les lésions sont très pro-fondes, partant peu accessibles à l'influence des moyens cura-tifs (Voira 1'Appendice, n° IV, p. 422).
1). Irai-je, après ce qui précède, vous entretenir longuement de thérapeutique ? Le temps n'est pas venu encore où cette question pourra être abordée sérieusement. Je ne puis vous parler que des quelques essais tentés jusqu'à ce jour, et dont les résultats, malheureusement, se sont montrés, en général, peu favorables.
Le chlorure d'or et le phosphure de zinc paraissent avoir plutôt exaspéré les symptômes. La strychnine a quelquefois fait cesser le tremblement ; mais son influence a toujours été temporaire. J'en dirai autant du nitrate d'argent. Dans plu-sieurs cas que j'ai observés, il paraît avoir eu sur le tremble-ment et sur la parésie des membres une influence très favo-rable, mais qui, à la vérité, ne s'est pas longtemps maintenue. Une contre-indication formelle à l'emploi de ce médicament serait l'existence de la contracture permanente, et surtout de l'épilepsie spinale : l'emploi du nitrate d'argent aurait, en effet, presque à coup sûr, pour résultat d'exaspérer ces symptômes.
Vhydrothérapie, dans un cas, paraît avoir produit un amen-dement passager ; dans un autre, par contre, elle a complète-ment échoué.
Varsenic, la belladone, le seigle ergoté, le bromure de po-tassium ont été également administrés dans la sclérose enpla-ques, sans avantage marqué. J'en dirai autant de l'application de la faradisation et de l'emploi des courants continus. Mais, relativement à ce dernier agent, il importe d'avoir recours à de nouvelles expérimentations avant de se prononcer d'une manière définitive (1).
1. D'autres médicaments ont été employés sans plus de succès que ceux qu'à énumérés M. Charcot: tek sont l'huile phosphores, Viodure de phosphétyla-mine, etla fève de Galabar. —Depuis la publication de la première édition de ces leçons, il a paru un certain nombre de travaux ou d'observations sur la sclé-rose en plaques. Comme ils ne font que confirmer les descriptions tracées par M. Charcot, nous nous bornerons à une simple énumération : 1° Tinial : Etude sur quelques complications de la sclérose en plaques disséminées: th. de Paris, 1873; —2° et3° H. Schiile : Beitrage zur multiplen Sclérose des Gehirnsund Rilckenmarks, in Deutsches Archiv furhlin. Médecin, 1870, Bd. VIII. p. 259; —WettereBeitrage zur Hirn. Rilckenmarks Sclérose: même recueil, 1871, Bd-VIII, p. 223: —4° Baldwin: A case of diffused cérébral Sclerosis. [Journal of mental science, 1873, juillet, p. 304); —5° Moxon : Two Cases of insular Sclerosis of the Brain and the spinal Chord(The Lancet, vol. I, p. 471, 609 1875); — 6° Blizzard : Disseminated cerebro-spinal Sclerosis, Und., vol. l,p 45) ;—7° Moxon : Eight Cases of insular of Sclerosis the Brain and spinal Chord. (Ginfs Hosp. Rep. 3° série, t. XXI, London, 1875). (Note de la 2e édi-tion, : — 8° Wilson : A Case of Dissem. insular Sclei 'osis (13rit. Med. Journ.i 1876, II, p. 673) : — 9° Dreschfeld : Two Case of cerebro spinal Sclerosis in Children (Med. Exam., 1877, p. 842 : —10° Pitres : Des anomalies de la sclé-rose en plaques (Rev. mens, de Méd. et de Chir., 1877, p. 893) : — ll°Dowse : Case of spinal Sclerosis (The Lancet, 1877. II, p. 651) ; —12°Cas de Sparkes 'Med. Times and Gazette, 1877, II, p. 692) ; — 13° Bevan Lewis [Journ. of Ment. Science, 1878, jan.,p. 564J ; 14° ltumphreys (Med- Times and Gaz., 1877, II, p. 491;; 15° Cheadle (/ôirf.,1878,1, p. 139);—16» J. Simon (Journ. de Méd. et de Chir. prat., 1878, p. 17 : —17" Dickinson [Med. Times and Gaz., 1872, I, p. 112); --18° Dowel 'Journ. ofMenl. Science, jan.,1880, p. 490);— 19° Harhinson ( The Med. Press, and Cire, 1880, I, p. 123. (B) Note de la 4° édit. Voir à I'Appendice, a» IV.)
TROISIÈME PARTIE
Hystérie. — Hystéro-Epilepsie.
Charcot. Œuvres complètes, t. i.
NEUVIÈME LEÇON
De l'ischurie hystérique.
Sommaire. — Préambule. —De l'ischurie hystérique. — Différence qui la sépa-rent de l'oligurie. — Considérations générales. — Vomissements suplémen-taires.— Historique. — Causes qui ont t'ait suspecter la réalité de l'ischurie hystérique. — Distinction cidre l'ischurie calculeuse et l'ischurie hystéri-que .
Observation. —Paralysie et contracture hystériques. — Hémianesthésie com-plète. — Hémiopie et achromatopsie. — Ilyperesthésie ovarienne. - Rétention d'urine. — Tympanisme.— Attaques convulsives, trismus. — Apparition de l'ischurie hystérique.— Précautions prises pour éviter toute cause d'erreur. — Anurie totale. — Vomissements urémiques. — Balancement entre la quantité de l'urine excrétée et les vomissements. Analyse chimi-que des matières vomies, des urines et du sang. — Suspension des acci-dents.
Retour de l'ischurie hystérique. —Nouveaux rétultats de l'analyse chimique.
Gravité de I'anurie ordinaire et de l'anurie expérimentale.— Limite de la durée des accidents compatible avec la vie. — Influence de l'évacuation d'une quan-tité même minime d'urine. — Rapidité de l'apparition des symptômes dans l'ischurie calculeuse ; sa lenteur dans l'ischurie hystérique. —L'innocuité de8 accidents est en rapport avec la dose d'urine produite dans l'organisme. — Résis-tance des hystériques à l'inanition.
Mécanisme de l'ischurie hystérique. — Insuffisance de nos connaissances à cet égard.
I.
Messieurs,
J'ai l'entention de reprendre et de compléter dans les confé-rences de cette année la série d'études que nous avions entre-prises, il y a deux ans, et que sont venus brusquement inter-rompre les tristes événements que vous savez
Au moment où nous avons dû nous séparer, par une appli-cation de recherches préalables concernant les troubles trophi-ques liés à une influence du système nerveux, j'essayais, vous vous en souvenez sans doute, démontrer comment bon nombre d'affections du système musculaire, jusque-là rattachées à une cause périphérique, sont en réalité, subordonnées à des lésions siégeant dans certaines régions bien déterminées de l'axe gris spinal.
Ce groupe d'affections musculaires, que j'ai proposé d'appeler myopathies spinales ou de cause spinale, nous occupera d'une façon toute particulière. Je reviendrai aussi sur le groupe si intéressant des scléroses de la moelle épinière et, entre autre:, sur celle qui détermine l'ensemblesymptomalique désigné sous le nom (ïataœie locomotrice progressive (1). Le sujet est loin d'être épuisé, et j'aurai l'occasion de signaler, relativement à ces affections, plusieurs faits nouveaux ou connus d'une ma-nière imparfaite et que des travaux entrepris dans cet hospice ont mis en lumière,
Je traiterai aussi des paraplégies (2) produites par une com-pression lente, de\améningite spinale chronique etde quelques maladies du cerveau et delà moelle épinière dont l'histoire a été jusqu'ici très négligée.
Mais, avant de vous ramener vers ces questions ardues, je ne puis résister, Messieurs, au désir de mettre à profit un certain nombre de cas très remarquables d'hystérie qui se trouvent actuellement réunis dans nos salles. 11 importe de saisir avec empressement cette bonne fortune, car, en raison de la mobilité propre à la grande névrose quejeviens de nommer, les symp-tômes qui s'offrent aujourd'hui à un haut degré de développe-ment pourraient être demain complètement effacés.
1. Voy : Leçons sur les maladies du système nerveux, t. II, l''e et 2° parties.
2. Charcot, loc. cit., t. II, l™ partie.
Parmi ces cas, il en est un digne d'attention entre tous, qui fera l'objet de notre première entrevue: c'est, —si je ne m'a-buse, — un exemple légitime d'une affection rare, très rare, et dont l'existence même est contestée par la plupart des médecins.
11 ne faut pas dédaigner, Messieurs, l'examen des cas excep-tionnels. Ils ne sont pas toujours un simple appât pour une vaine curiosité. Maintes fois, en effet, ils fournissent la solution de problèmes difficiles. En cela, ils sont comparables à ces es-pèces perdues ou paradoxales que le naturaliste recherche avec soin, parce qu'elles établissent la transition entre les groupes zoologiques ou qu'elles permettent de débrouiller quelque point obscur d'anatomie ou de physiologie philosophiques. ¦
C'est de Yischurie hystérique que je veux vous parler. Dès l'abord, je dois entrer dans quelques explications au sujet de cette dénomination que quelques-uns d'entre vous entendent peut-être prononcer pour la première fois.
A. Ischurie et impossibilité d'uriner, dans la langue tech-nique, vous le savez, c'est tout un. La signification des mots is-churie hystérique, toutefois, est plus restreinte.
Il ne s'agit pas là de la simple rétention d'urine dans la ves-sie, fait vulgaire chez les hystériques. On sait que très commu-nément, en pareille circonstance, pendant des mois, des années même, l'intervention de la sonde est nécessaire; mais alors, l'urine extraite de la vessie est abondante ou, tout au moins, son taux ne s'éloigne pas du chiffre normal.
Dans Yischurie deshystériques, l'obstacle n'est ni dans l'u-rèthre, ni dans la vessie, Il est plus haut, soit dans les uretères, soit dans le rein lui-même, soit plus loin encore ; il y a là une question à juger. Le fait capital, c/est que la quantité d'urine rendue en vingt-quatre heures, à l'aide de la sonde, — car l'ischurie hystérique est presque toujours compliquée de réten-
tion uréthrale, — cette quantité, dis-je, est notablement au-dessous du chiffre physiologique ; souvent même elle est réduite à zéro et, pendant plusieurs jours, il y a, en définitive, sup-pression absolue d'urine.
B. Il convient d'ailleurs, dans l'espèce, d'établir des caté-gories.
Voligurie ou même la suppression totale d'urine, peut n'être qu'un phénomène passager chez les hystériques et qui, du reste, comme l'a fait remarquer avec raison M. Laycock, pourra fréquemment passer inaperçu. C'est ainsi qu'on observe quelquefois chez ces malades, surtout aux époques catamé-niales, une suppression complète d'urine qui ne dépasse pas vingt-quatre ou trente-six heures. Peut-être y a-t-il en même temps un peu de malaise et d'accélération du pouls , mais bientôt quelques cuillerées d'urine sont expulsées et tout ren-tre dans l'ordre (1).
Les faits sur lesquels je veux fixer votre attention sont bien différents de ceux auxquels je viens de faire allusion. Ils offrent l'ischurie hystérique à son maximum de développement, à l'état de symptômes permanents. Durant des jours consécutifs, des semaines, des mois, la quantité d'urine rendue en vingt-quatre heures peut être insignifiante, à peu près nulle. Parfois même, il y a, pendant une série de plusieurs jours, suppression com-plète d'urine.
Lorsque les choses prennent cette tournure, à la suppression se joint, d'une manière en quelque sorte obligatoire, un autre phénomène qui est pour ainsi dire le complément du premier : je veux parler de vomissements se répétant tous les jours et même plusieurs fois par jour, aussi longtemps que dure l'ischu-rie, et dont la matière présente quelquefois, dit-on, l'aspect ou
1. Laycok. — A Treaf.ise on t.he Nervous Diseuses of Women. London, 1840 p. 229.
l'odeur de l'urine. Toujours est-il que, dans deux ou trois cas,
1 analyse chimique a découvert, dans ces rom issemenls, la pré-sence d'une certaine quantité (f urée. * En résumé, Messieurs, l'iscliurie hystérique nous offrirait,
dans l'espèce humaine, la reproduction plus ou moins exacte de quelques-uns des phénomènes observés chez les animaux dans les cas de néphrotomie et d'oblitération des uretères par une ligature.
Les expériences de Prévost et Dumas, et en particulier celles de MM. Cl. Bernard et Barreswil, nous apprennent, \rous le savez, que, dans ces mutilations, il s'opère par l'intestin, une élimination supplémentaire, dans laquelle on retrouve,, suivant les uns, dwcarbonate d'ammoniaque provenant de la décom-position de l'urée (Cl. Bernard), suivant les autres, l'urée elle-même (Monck). Quoiqu'il en soit, tant que s'effectue cette élimination, les animaux ne paraissent guère souffrir, et c'est seulement lorsqu'ils s'affaiblissent et que l'excrétion supplé-mentaire n'a plus lieu qu'éclatent les accidents graves qui bientôt occasionnent la mort.
Vous saisissez les analogies el du même coup, vous êtes frap-pés du contraste : les accidents cérébraux sont inévitables, à un moment donné, dans les cas d'expérimentation chez l'ani-mal, tan dis que chez l'hystérique, le balancement entre t excré-tion rénale et l'excrétion supplémentaire peut persister pendant des semaines, des mois, sans qu'il en résulte jamais aucun trouble appréciable dans la santé générale. Mais je ne veux pointm'arrêter, pour l'instant, sur ce point; j'y rexnendrai par la suite.
11.
Telle est, Messieurs, l'ischurie hystérique, au moins dans ce qu'elle a d'essentiel, d'après les rares auteurs qui ont admis son
existence, car, je le répète, la réalité de cet accident a été mise en doute. Vous ne le verrez indiqué dans aucun des traités ou des articles récents sur l'hystérie, même dans les plus complets etles plusjustementestimés. Il n'en est nullement faitmention, entre autres, dans le grand ouvrage de M. Briquet. En somme, parmi les auteurs contemporains, M. T. Laycock,professeur à l'université d'Edimbourg, est peut-être le seul pathologïste qui, dans ses écrits, ait donné droit de domicile à l'ischurie hys-térique. Aprèsavoir consacré àce sujet une série d'articles (1), où il relate deux observations originales, M. Laycock y est revenu dans son livre bien connu sur les Maladies nerveuses des femmes (1840). Partout ailleurs, si l'ischurie hystérique est mentionnée, ce n'est qu'en passant, à titre de renseignement, et non sans une pointe d'ironie à l'adresse des observateurs qui se sont laissé alleràprendre au sérieux ce prétendu symp-tôme.
Il n'est pas sans intérêt, par contre, de noter que les physio-logistes, Haller en tête,puis Carpenter et Cl. Bernard, ceux-ci toutefois sans rien affirmer, se sont montrés, sous ce rapport, beaucoup moins sceptiques quene l'ont été, par exemple, Prout et R. Willis.
Jusque dans ces derniers temps, j'ai partagé l'incrédulité presque générale à l'égard de l'ischurie hystérique, prévenu d'ailleurs par les enseignements de mon maîlre Rayer, qui ne manquait jamais de s'étendre longuement sur les supercheries de tout genre dont les hystériques se rendent coupables. Et il n'hésitait pas à confesser que lui-même — qui était un obser-vateur sagace et d'une grande pénétration, — il avait failli plu-sieurs fois en être victime. Depuis, mes opinions se sont quel-que peu modifiées en présence du cas que je vais vous exposer tout à l'heure.
1, The Edimburgh médical and surgical Journal, 1838.
Avant dè vous placer en mesure déjuger par vous-mêmes si ma conversion a été trop précipitée, permettez-moi de recher-cher avec vous les principales circonstances qui ont fait que certains auteurs passent entièrement sous silence l'ischurie hystérique, tandis que d'autres la citent uniquement pour la reléguer au nombre des chimères.
1° En premier lieu, il convient de remarquer que l'ischurie hystérique est un phénomène rare, du moins sous sa forme très accentuée, car il estimpossible, nous l'avons déjà dit, que souvent l'ischurie légère demeure inaperçue.
a. Ainsi M. Laycok, qui a consulté partout, n'a pu aligner que 27 cas, sur lesquels deux seulement lui appartiennent.
S. Ajoutons qu'un critique un peu sévère réduirait encore très certainement cechiffre. La majeure partie des observations est très ancienne (seizième et dix-septième siècle) et elles ne présentent pas le caractère de précision que nous exigeons à notre époque. D'autres sentent l'imposture d'une lieue. A qui fera-t-on croire, par exemple, qu'une femme puisse rendre par l'oreille, en 24 heures, 2'i00 grammes d'un liquide qui, soumis à l'analyse, contenait de l'urée? Et ceci n'est pas tout :1a même femme rejetait simultanément par le nombril un liquide ana-logue qui s'écoulait par jet : « spirted out », c'est l'expression qu'emploie le rédacteur de l'observation. Et cependant, tous ces détails, et bien d'autres encore, sont consignés avec l'appa-rence du plus grand sérieux dans The American Journal of the médical Science (1828). Autorisez-moi, je vous prie, à passer sous silence le nom du médecin qui a pris ce fait sous sa responsabilité.
2° Ceci m'amène à vous dire un mot de la simulation. On la rencontre à chaque pas dans l'histoire de l'hystérie, et l'on se surprend quelquefois à admirer la ruse, la sagaci'é et la téna-cité inouïes que les femmes, qui sont sous le coup de la grande névrose, mettent en œuvre pour tromper..., surtout lorsque la
victime de l'imposture doit être un médecin. Dans l'espèce, il ne me paraît pas démontrôqùe la parurie erratique des hysté-riques ait été jamais simulée de loufespièces et pour ainsi dire créée par les malades. Eu revanche, il est incontestable que, dans une foule de cas, elles se sont plu à dénaturer, en les exagérant, les principales circonstances du cas, et à lui impri-merie cachet de l'extraordinaire, du merveilleux.
Voici, en général, comment les choses se passent. L'anurie ou l'ischurie avec les vomissements existent seuls pendant un certain temps, et le phénomène est réduit par conséquent à sa plus grande simplicité. Mais bientôt, principalement si les accidents semblent exciter riniérôtetlacuriositédes médecins, de l'urine pure sera expulsée parles vomissements, en quantité considérable ; il en sortira parles oreilles, par le nombril, par les yeux et même par le nez, ainsi que cela eut encore lieu dans le fait tiré du journal américain. Enfin, si l'admiration est poussée à son comble, il s'y joindra peut-être des vomisse-ments de matières fécales !
Parmi les cas du dernier genre, celui qui, en France, a eu le plus de retentissement, est relatif à une nommé Josep/u'ne Routier, qui, durant plus de quinze mois, figura, vers 1810, à la clinique du professeur Leroux. Le malade avait offert d'abord les symptômes de l'ischurie simpleavec une parurie erratique. Nysten, qui rapporte le fait, avait analysé les matières vomies et y avait reconnu l'existence de l'urée. Peu après, survinrent l'écoulement d'urine par le nombril, les oreilles, les yeux, les mamelons, et enfin l'évacuation de matières fécales par la bou-che. Vous voyez, Messieurs, que c'est constamment la même série, — quels que soient le pays, le siècle, où les observations sont recueillies. La fraude fut découverte par Boyer. Il suffit d'user de la camisole de force pour faire cesser les phénomènes extraordinaires, et on trouva dans le lit de la malade des bou-lettes de matière fécale dures et toutes préparées ! Par mal-
h.em,\esRecherchesdephj/siologieetdechimiepathologiques venaient d'être publiées. 11 fallut faire amende honorable. Une note fut insérée dans le Journal général de médecine, et une autre fut annexée à quelques-uns des exemplaires du livre de Nysten.
En face dé ces faits, faut-il conclure que tout est imposture dans l'ischurie hystérique ? Je ne le crois pas, Messieurs, et j'espère que vous vous rangerez à mon avis, quand vous aurez pris connaissance de foutes les particularités de l'histoire de ma malade.
Il est une dernière circonstance qui est bien propre à jeter aussi un jour défavorable sur les observations d'ischurie hysté-rique : c'est que, en dehors de l'hystérie, la suppression d'urine pour peu qu'elle se prolonge au delà de quelques jours (3, 4, 5 jours à peine), est un symptôme des plus graves et qui se termine à peu près nécessairement par la mort.
Laissant de côtelés casd'anurie dépendant d'une maladie de Rright aiguë ou chronique qui sont trop complexes pour pren-dre placeici, jechoisirai pour type Y oblitération calculeuse des uretères survenan t chez des i ndividus jusque-là en bonne san té. Dans ces conditions, ◀tantôt▶ l'un des reins a été réduit, par une maladie antérieure, à une coque fibreuse remplie de kystes et partant est devenu impropre à la fonction d'urination; ◀tantôt▶ et c'est le cas le moins fréquent, les deux uretères sont oblité-rés à la fois. Peu importe d'ailleurs, pour notre objet, que cette oblitération se produise avec ou sans accompagnement des douleurs de la colique néphrétique. Eh bien, Raifort (l),Aber-crombie et tous les auteurs qui se sont attachés à l'élude de ces cas s'accordent à reconnaître que, si l'anurie persiste plus de quatre à cinq jours, les symptômes comateux, avec ou sans convulsions,apparaissent inévitablement et sont bientôtsuivis
1. Med. Transact., published by the Collège of physicians, t. VI, 1820.
de mort. La vie se prolonge un peu, si une quantité même mi-nime d'urine peut être rendue, mais le résultat final ne varie pas.
Il y a, toutefois, le chapitre des exceptions que nous devons d'autant moins négliger que nous en tirerons bénéfice.
1° Dans lecasdu docteur Laing (deFochaber;, citeparRobert Willis (1), l'anurie dura dix jours, et il y eut guérison.
2° Chez un malade de W. Roberts (de Manschester) la somno-lence ne survint que le huitième jour, quatre jours a van t lamort(2)
3° Le plus remarquable exemple de prolongation de la vie, en semblable occurence, est à ma connaissance, celui qui a été publié récemment par M. Paget dans les Bulletins de la Société clinique de Londres (3). Bien que l'anurie fût absolue, les symptômes comateux ne se montrèrentque le quatorzième jour. Le quinzième, le malade évacua un certaine quantité d'urine. Les accidents s'aggravèrent néanmoins et la termi-naison fatale eut lieu le vingt-troisième jour.
Quoi qu'il en soit, de même lorsqu'il s'est agi de l'expéri-mentation chez les animaux, ici encore, le contraste est frap-pant entre Y ischurie calculeuse, qui tue d'une manière à peu près certaine et Yischurie hystérique, qui laisse vivre, sans troubles notables de la santé générale, pendant de longs mois. Il y a là une difficulté sérieuse. Est-elle vraiment insurmonta-ble ? C'est ce que nous nous proposons de rechercher plus tard.
III.
Mais il est temps, Messieurs, d'aborder l'étude du fait cli-
1. Urinary Diseases. London, 1838, p. 35.
2. Voy. l'histoire de c î malade ; in Bourncville.— Etudes clin, et therm., etc., p. 175, et la traduction du travail de AI. Roberts m Mouvement médical, 1871.
3. J Pajet. — Case of suppression of urine very slowy fatal in Transac. of the clinical Society in London, t, II, 1869,
nique qui sert de fondement à notre entretien. En premier lieu, il faut bien établir sur quel terrain ont porté nos obser-vations. Et dans ce but, ce que j'ai de mieux à faire, c'est de vous montrer la malade et de faire ressortir d'abord devant vous les symptômes qui existent actuellement et parmi les-quels vous reconnaîtrez les traits de l'hystérie intense, invété-rée, marquée par une réunion caractéristique de symptômes permanents.
^Etch..., Justine^iée dans les Basses-Pyrénées, est âgée de quarante ans. Elle a exercé la profession d'infirmière. Elle est entrée à la Salpêtrière en 1869; nous suivons donc la marche cle sa maladie depuis quatre ans.
Quelle est la situation actuelle ? Ce qui frappe tout d'abord chez elle, c'est la contracture énorme qui affecte les membres supérieur et inférieur gauches. Cette contracture, qui ne cesse ni pendant le sommeil naturel, ni pendant le sommeil chloro-formique, à moins qu'il ne soit poussé en quelque sorte à ses dernières limites, s'est développé subitement le 20 mars 1870, à la suite d'une grande attaque. Disons toutefois que, antérieu-rement, le membre supérieur était tout à fait paralysé, mais flasque, et déjà le membre inférieur correspondant était rigide. Cette dernière circonstance, jointe à la rapidité avec laquelle s'est produite la contracture autorisa à déclarer, dans ce temps-là, qu'on n'avait pas affaire à une lésion cérébrale en foyer.
Un autre trait distinctif qui existe chez cette malade, c'est mmhémianesthésie complète, occupant les deux membres con-tractures, le tronc et la face du môme côté. Non seulement l'anesthésie intéresse le tégument externe, mais elle s'étend encore à la portion des membranes muqueuses et aux organes des sens situés dans la moitié gauche du corps. Ainsi, pour ce qui concernelavision,onnote, chezcettefemme, de Xhcmiopie et de Yachromatopsie, phénomène signalé dans de semblables
circonstances, par M. Galezowski et sur lequel nous revien-drons.
Parvenue à ce degré, l'hémianesthésie nous fournit, dans l'espèce, un ensemble de symptômes presque spécifiques : je dis presque et non pas absolument spécifiques parce que nous verrons bentôt que des lésions cérébrales grossières, circons-crites à certains départements de l'encéphale, les reproduisent, au moins en partie.
Un symptôme très important que nous offre encore Etch..., c'est une douleur siégeant au-dessus de l'aine gauche M. Bri-quet adonné à cette douleur le nom de cœlialgie, et il en place l'origine dans les muscles. Pour moi, d'accord en cela avec Négrier, Schutzenberger et Piorry, je pense que c'est Y ovaire qui est en jeu. Quoi qu'il en soit de son siège exact, cette dou-leur, que j'appellerai hyperesthésie ovarienne, est jusqu'à un certain point pathognomonique. La pression, en l'exaspérant, détermine des sensations irradiées, toutes spéciales. Ces sensa-tions partent delà région ovarienne et gagnent successivement : 1° l'épigastre, 2° le cou, en se traduisant dans ces régions par une oppression plus ou moins considérable, la sensation bien connue de boule ou de globe ; 3° la tête, où Virradiation est caractérisée par des bourdonnements, des sifflements dans l'oreille gauche, delà céphalalgie avec battements, que la ma-lade compare à des coups de marteau, occupant la tempe gau-che, et enfin une obnubiiafion de la vue dans l'œil correspon-dant. Je me contente, pour le moment, d'énumérer ces phénomènes qui méritent une description plus minutieuse.
Parmi les autres symptômes, je ne dois pas oublier Préten-tion des urines et le ballonnement du ventre qui, eux aussi, sont dans ce cas des phénomènes permanents. Enfin, cette femme est sujette à des attaques spéciales, ◀tantôt▶ tétaniformes, ◀tantôt▶ épileptiformes, d'autres fois se rapprochant du type vul-gaire de l'hystérie. Ainsi, ce matin, vous pouvez reconnaître
un accident datant dune attaque survenue ii y a deux jours: c'est le trismus, convulsion qui empêche l'alimentation natu-relle depuis ce jour-là.
IV.
La malade peut actuellement se retirer. Nous serons plus libres, en son absence, pour vous raconter les autres parti-cularités de son histoire. C'est une véritable odyssée. Aussi, serai-je souvent obligé d'abréger, en ayant soin, néanmoins, d'indiquer la filiation des accidents.
La première attaque convulsive a éclaté en 1855. Dans quelles circonstances, nous le savons. 11 \ a là tout un roman, une affaire de viol (?), dans laquelle il est difficile de se débrouiller. Ce qui est plus sûr, c'est que cette attaque paraît avoir été d'une violence extrême: la malade est tombée dans le feu; elle s'est brûlé la face, et vous avez pu voir les stigmates indélébiles qui sont résultés de cet accident. A partir de cette date, les attaques ont continué à se reproduire de temps à autre, avec le même caractère, mais assez rarement, deux ou trois fois par an environ.
Dix ans plus tard, la rétention d'urine apparaît. La malade est prise d'une hémiplégie avec flaccidité du côté gauche à la suite d'une attaque, et entre dans le service de M. Lasèguc.
Admise la même année (1869) à la Salpètrière, nous consta-tons : 1° une hémiplégie gauche, avec flaccidité du membre supérieur et contracture du membre inférieur, 2° une hômia-nesthésie et de l'achromatopsie du même côté. Les symptômes offerts alors par Elch... sont consignés dans les thèses de MM. Hélot et Berger.
En 1870, les choses restent à peu près dans le même état, si ce n'est qu'une nouvelle attaque est suivie d'une contracture
du membre supérieur gauche; et, lors de mes leçons, en 1870, je vous ai présenté cette malade comme un spécimen de la l'orme hémiplégique de la contracture hystérique (1).
Dans le mois de mars 1871, une attaque donne lieu à une hémiplégie flasque du côté droit. Au bout d'un mois, la contrac-ture remplace la flaccidité. En avril, nous avions donc sous les yeux une contracture aussi intense que possible des quatre membres, contracture absolue, persistant nuit et jour, pendant le sommeil et la veille, résistant môme au sommeil chlorofor-mique, ou, foui au moins, ne se résolvant qu'à la dernière limile.
Ainsi, cette femme, vous le voyez, était condamnée à un repos absolu au lit; elle était dans l'impossibilité de se servir de ses membres, conditions excellentes pour faciliter la surveillance. J'eus soin, en outre, de placer auprès d'elle deux infirmes dé-vouées, comme elle confinées au lit, et prêtes à tout me révéler si elles découvraient quelque supercherie. J'avais là la meil-leure police, celle des femmes par les femmes; car vous savez que si les femmes font des complots entre elles, il est bien rare qu'ils réusissent. Ces renseignements suffisent, je crois, pour vous convaincre, Messieurs, que, dans cette première période, la simulation a été impossible. Mes amis, MM. Brown-Séquard et Rouget, qui virent la malade à cette époque, se déclarèrent, d'ailleurs, satisfaits de toutes les précautions prises.
Il nous reste à vous montrer maintenant comment, au milieu de ces conditions favorables à une observation régulière, s'est produit le phénomène de l'ischurie.
L'ischurie a commencé dès le mois d'avril 1871. Antérieure-ment déjà, une femme, employée au service, qui sondait la malade plusieurs fois par jour, s'aperçut que parfois la quantité
1. Cette leçon, que l'on trouvera plus loin, a été d'abord publiée dans la Revue photographique des hôpitaux de Paris. 1871, p. 103. La Planche XXV de la Revue représente celle malade.
d'urine extraite par le cathétérisme était minime ; que, d'autres fois, elle était nulle pendant deux ou trois jours et même davantage, sans que jamais les draps du lit fussent mouillés.
A. ces symptômes, qui persistèrent en mai et en juin, s'ad-joignirent bientôt des vomissements s'effecluant, d'ailleurs, sans effort. Je fis mine tout d'abord de n'être point surpris de tous ces accidents. Je me bornai à recommander d'observer discrètement nuit et jour la malade : à aucun moment, elle ne fut prise en défaut.
Je vous prie de jeter les yeux sur les tableaux (Pl. IX, X et XI) que je vous présente, et où vous pourrez suivre dans les diverses phases de leur évolution les accidents qui se sont offerts à notre observation. Le tableau commence au 16 juil-let 1871, époque à partir de laquelle je fis recueillir jour par jour, séparément, et les urines et les vomissements. Il s'arrête en octobre 1871 Pl. IX, X.)
Du 16 au 31 juillet, la quantité des matières vomies avarié de 500 à 1,750 centilitres, la moyenne quotidienne étant de 1 litre. La quantité des urines a varié entre 0 et 5 grammes : moyenne, 2 grammes 50 en vingt-quatre heures. Pendant cette période, l'ischurie a été absolue de deux jours l'un (Pl. IX.)
En août, la moyenne des urines a été de 3 grammes; celle des vomissements de 1 litre dans les vingt-quatre heures. Pen-dant ce mois, l'anurie s'est, à plusieurs reprises, montrée com-plète pendant plusieursjours. Mais remarquez que jamais l'ab-sence totale d'urine n'a persisté pendant plus de onze jours.
Du 1er au 30 septembre, la moyenne des vomissements a été de 1 litre 1/2 par jour, celle des urines ne s'élevant pas au-dessus de 2 grammes 50 (Pl. X.)
Un fait mis en relief par l'examen et la comparaison des courbes consignées sur le tableau, c'estque la ligne des vomis-sements s'élève, d'une manière générale, quand celle des urines
Charcot. Œuvres complètes, t. i. . . 19
s'abaisse et inversement. 11 y a donc eu un balancement assez régulier entre les deux phénomènes.
Quel a été l'état général pendant cette longue période de quatre mois qu'a duré l'observation ? A aucune époque nous n'avons remarqué de troubles dignes d'être notés. L'alimenta-tion, vous le comprenez sans peine, était restreinte ; l'esto-mac rejetait presque aussitôt, sans fatigue, — caractère relevé avec raison parM. H.Salter (1) dans le vomissement hystérique — la plus grande partie des aliments qui s'y introduisaient. Eh bien, malgré ces fâcheuses conditions, la nutrition ne souffrit guère. C'est là, du reste, un fait connu depuis longtemps, en dehors de l'anurie dans les cas de vomissements incoercibles des hystériques.
J'avais pensé, des l'origine, que les vomissements de notre malade devaient contenir de l'urée. Les premières recherches entreprises à cette effet demeurèrent infructueuses. Le procédé employé était insuffisant. J'invoquai alors le concours de M. Gréhant, dont la compétence en ces matières est indiscu-table. 11 nous le prêta avec la plus grande obligeance.
22 centilitres cubes d'urine recueillis le 10 octobre,et repré-sentant la totalité des urines rendues ce jour-là, donnèrent à l'analyse 0 gr. 179 d'urée. Le 11 octobre, la totalité des vomis-sements, s'élevant à 1. 460 centimètres cubes, donna 3 gr. 699 d'urée.
Afin de déterminer si le sang de notre malade renfermait une plus forte proportion d'urée qu'à l'état physiologique, nous nous décidâmes à pratiquer une petite saignée. Pour ce faire, et en raison des obstacles que la contracture opposait à l'opération,il fut indispensable d'endormir la malade. M. Gréhant retira 0 gr. 036 d'urée pour 100 grammes de sang obtenu chez Etchv..., et 0 gr. pour 100 grammes de sang d'une per-
1. The Lancet, nos 1 et 2, t, II, 1868.
sonne saine, examinée comparativement. On voit que le résultat des deux analyses a été identique.
Par malheur pour nosinvesligations, l'emploi du chloroforme eut pour conséquence de modifier profondément les symptômes que nous observions avec tant d'intérêt; il y eut à la suite, pendant plusieurs jours, une incontinence d'urine. La contrac-ture disparut adroite : il ne fallait plus songer aux observations exactes. Les vomissements, d'ailleurs, se suspendirent bientôt, et les urines revinrent progressivement au taux normal.
V.
Tels sont, Messieurs, les résultats de la première série d'é-tudes qui nous ont décidé à entreprendre la réhabilitation de l'ischurie hystérique comme fait clinique réel. Les mêmes acci-dents, du reste, devaient reparaître bientôt, sous un aspect moinssaisissantpeut-être, maistoutaussi digne d'intérêt. Dans cette seconde phase, il n'y a pas eu d'anurie complète, même temporaire. Nous avons observé une simple oligurie. L'abon-dance des vomissements a été moindre. En un mot, si les accidents avaient été un peu moins accusés, et si nous n'a-vions pas été éclairé par l'observation antérieure, il eût pu se faire incontestablement que l'évacuation supplémentaire d'urée eût échappé.
Voyons succinctement ce qui s'est passé dans cette deuxième période. Après une rémission plus ou moins complète des symp-tômes, nous avons vu reparaître d'abord la rétention d'urine, c'était en janvier. Le mois suivant, à la suite d'une attaque, nous notons des alternatives de polyurie (2 litres d'urine par jour) etd'oligurie. En mars, la sécrétion urinaire diminue déci-dément, et, le 18 du même mois, les vomissements apparais-sent de nouveau. Jusqu'au 31 mars, la moyenne quotidienne des
matières vomies fut de 500 grammes. En avril, cette moyenne fut de 800 grammes pour les vomissements et de 100 grammes pour les urines (Pl. VII). Durant celte nouvelle phase d'expé-rimentation, nous n'étions pas dans des conditions aussi fa-vorables que la première fois. Le membre supérieur droit était redevenu à peu près libre. Partant, il était urgent que nous nous missions à l'abri de toute cause d'erreur. Outre la surveil-lance ordinaire, dont on ne se départit pas un seul instant, nous eûmes recours aux précautions suivantes : de temps en temps, on visitait avec soin le lit de la malade ; on ne laissait à sa disposition ni vases ni sondes, etc. Enfin, je parvins à lui per-suader qu'il serait peut-être avantageux, pour remédier à sa con-tracture qui persistait à gauche, qu'on lui maintint les bras à l'aide de la camisole , elle y consentit. Le camisolemenl, toute-fois, ne fut pas absolument continuel ; on le suspendaità l'heure des repas pendant lesquels la malade était surveillée par la per-sonne qui la faisait manger.
M. G réhanta analysé, à diverses époques du mois, les urines et les vomissements de douze jours. Durant ce laps de temps, la moyenne quotidienne des urines a été de 206 grammes con-tenant 5 gr. 09 d'urée. La moyenne quotidienne des vomis-sements, c'est-à dire 362 grammes, renfermait 2 gr. 138 d'urée. En réunissant les deux quantités d'urée, nous avons un chiffre bien minime, 5 gr. 233. Je puis vous présenter un échan-tillon d'oxalate d'urée quia été extrait par M. Gréhant des vomis-sements rendus pendant vingt-quatre heures. Nous utiliserons ce résultat dans un instant.
Pas plus que précédemment, nous n'avons constaté d'éva-cuation supplémentaire par l'intestin ou la peau. La malade est d'habitude constipée, et cette fois encore nous n'avons rien remarqué de particulier vers le tégument externe. La santé générale n'a pas éprouvé de changements notables et la tempe-
rature ne s'est jamais élevée au-dessus de 37° et quelques dixièmes (1).
Ainsi, Messieurs, cette nouvelle épreuve ne lait que confir-mer la première,et fout concourt, comme vous le voyez à faire reconnaître Y existence de l'ischurie hystérique avec partir ie erratique, à titre de phénomène pathologique avéré, en dehors de toute simulation. Si cette conclusion est légitime, il est clair que les observations anciennes reprennent quelque valeur. 11 est nécessaire seulement d'y dégager le faux du vrai ; d'en éliminer, par exemple, certains symptômes extraordinaires, tels que l'écoulement de l'urine par le nez, les yeux, etc., et les vomissements de matière fécale. Quelques-uns de ces cas se présentent d'ailleurs dans tous leurs détails avec les carac-tères d'un fait véridique. Dans cette catégorie, nous rangerons, par exemple, le fait du Dr Girldstone (de Yarmouth) et quel-ques autres encore.
VI.
Je voudrais maintenant rechercher avec vous, Messieurs, si la contradiction que nous avons reconnue entre Yanurie ordi-naire quis:'observe chez l'homme ou Yanurie expérimentale-ment produite chez les animaux d'une part, et Yischurie des
1. Etch.... a offert, cette année môme (1875), une nouvelle période d'ischurie hystérique. En examinant le tracé (Pl. XI), qui représente la quantité d'urine rendue chaque jour et celui qui résulte des 112 analyses chimiques faites par XI. P. Regnard, on remarque que, pendant trois mois, la malade rendait quoti-diennement de 15 à 20 grammes d'urines, contenant de 3 à 4 décigrammes d'urée. Certains jours, pourtant, au milieu de crises douloureuses, la malade émettait en quelques heures jusqu'à quatre litres d'urine, renfermant 27 grammes d'urée.— Pendant cette période, Etch.... n'a pas présenté de vomissements par où l'urée ait pu s'évacuer, comme cela avait eu lieu dans les périodes dont il est question dans la leçon (Voir, à ce propos, une communication que nous avons faites avec XI. P. Regnard à la Société de Biologie, 3 juillet 1875). — Nous aurons l'occasion de dire plus loin dans quelles circonstances cette ischuriea cessé tout à coup. Voir p. 358). B.
hystériques, de l'autre est aussi absolue qu'elle semble l'être au premier abord.
Dans le premier groupe de faits, la mort est à peu près cer-taine dans un bref délai : dans le second, la santé générale se maintient en quelque sorte parfaite pendant un temps indéfini. L'opposition est on ne peu plus tranchée. N'est-il pas possible, néanmoins par un examen approfondi de toutes les circons-tances, de saisir la raison de ce désaccord? Je ne suis pas, tant s'en faut, en mesure de résoudre le problème d'une ma-nière décisive. Aussi, dois-je me contenter de vous présenter à cet égard une hypothèse qui, peut-être, vous paraîtra plau-sible, mais que je vous prie, en tout cas, de ne prendre que pour ce qu'elle vaut.
Que les animaux succombent constamment à la suite de la néphrotomie ou d'une ligature permanente des uretères, il n'y a là rien que de fort naturel. Toutefois, on est en droit de se demander ce qui arriverait si l'on pouvait instituer une expé-rience dans laquelle, par exemple, l'obstruction expérimentale des uretères serait intermittente. Prolongerait-on l'existence si, dans dépareilles conditions, il s'établissait un balancement régulier entre la fonction rénale et la fonction supplémentaire? Malgré tout l'intérêt qu'il y aurait à résoudre ce problème, je l'abandonne pour revenir à la pathologie de l'homme.
Reprenons donc l'exemple de l'obstruction calculeuse des uretères que nous avons invoquée plus haut.
Une première remarque qui vient à l'esprit est celle-ci : chez notre malade, l'anurie complète n'a jamais dépassé une période de dix jours. Or, d'après les explications qui précèdent, ce n'est pas encore là la limite extrême à laquelle, dans l'obstruction des uretères, les symptômes d'intoxication urémique se pro-noncent nécessairement, puisque, dans l'observation de Paget, l'intégrité des fonctions, le maintien de la santé générale, ont persisté jusqu'au quatorzième jour. Sans doute chez Etchev...,
la quantité d'urine expulsée dans les jours intercalaires est très minime ; mais, quelque minime qu'elle soit, elle a une véritable importance, car tous les auteurs, depuis Halford, ont reconnu l'amendement, le soulagement considérable qui sur-viennent dans l'ischurie urétérique des calculeux, lors de l'é-mission des plus petites quantités d'urine.
Autre particularité : le calculeux est frappé, surpris pour ainsi dire en pleine santé, tandis que, si j'en juge d'après notre observation, l'ischurie hystérique n'atteint son apogée que d'une manière progressive. Peut-être y a-t-il là une question d'accoutumance dont il estjuste de tenir compte. Loin de moi, toutefois, la pensée de croire que les hystériques jouissent d'une immunité particulière, d'une espèce demithridatisme à l'égard de l'intoxication urémique. Cette résistance qu'elles offrent dans les conditions qui nous occupent, tient vraisem-blablement aune autre cause : il y a plutôt là une question de doses. Je m'explique,
Le chiffre presque insignifiant d'urée évacuée dans les vingt-quatre heures par notre malade, soit par l'urine, soit par les vomissements, a sans doute frappé votre attention. Durantune période de douze jours, avons-nous dit, elle n'a rendu quoti-diennement que 5 grammes d'urée. Ce chiffre est bien infé-rieur, vous le voyez, à celui que Schérer a trouvé chez un aliéné qui jeûnait depuis trois semaines ; 9 à 10 grammes d'urée en vingt-quatre heures, voilà quel était ce chiffre. Nous avons vu, d'ailleurs, qu'il n'y a pas lieu de faire intervenir dans notre cas une évacuation supplémentaire par les selles ou les sueurs. Or, dans toute intoxication, et l'urémie n'échappe vraisem-blablement pas à cette règle, il faut tenir compte de l'élément dose.
Eh bien, n'est-il pas vraisemblable que cette diminution même du chiffre de l'urée, à laquelle correspondait sans doute-une diminution corrélative des matières dites extractives, doit
rendre compte, cheznotre malade, de l'absence de tout symp-tôme d'intoxication urémique?
Nous sommes ainsi amené à admettre que chez Etchev..., il a existé, pendant tout le temps qu'a duré l'ischurie, un ralen-tissement dans les phénomènes de désassimilitation, se tra-duisant par une diminution absolue du chiffre des matières excrémentitielles.
Cette condition, d'ailleurs, est peut-être commune à tout un groupe d'hystériques. Il y a longtemps qu'on a remarqué, en effet, que certaines de ces malades résistent admirable-ment, dans le cas de vomissements incoercibles, à une alimen-tation très restreinte, insuffisante, sans perdre de leur embon-point et sans qu'il en résulte des troubles notables delà santé. Il serait assurément intéressant, en pareille occurence, d'ana-lyser comparativement, jour par jour, le sang- et les urines, afin d'y déterminer la proportion de l'urée et des substances extrac-tives. Il serait possible, qu'àl'aide de ce moyen, on obtînt la solution du problème, que je ne puis qu'indiquer aujourd'hui.
VII.
Quel est le mécanisme de l'ischurie hystérique ? Où siège l'obstacle qui s'oppose à l'accomplissement de l'excrétion uri-naire ?L'urèthre et la vessie n'y sont certainement pour rien. L'obstacle est-il dans l'uretère, dansle rein lui-même?Nul in-dice n'autorise à songer à une phlegmasie de la glande rénale ou des uretères ; la composition des urines, de même que les autres symptômes, protesteraient contre une pareillehypothèse. Ilestplutôt admissible qu'il faut invoquerune action du système nerveux. L'influence du système nerveux sur l'excrétion uri-naire n'est pas douteuse: qu'il nous suffise de rappeler à titre d'exemple que, chez les chiens, dont le ventre est ouvert, il peut se produire, par ce fait même, une suppression momen-
tanée des urines, ainsi que l'a vu M. Cl. Bernard; que dans l'o-pération de la fistule vésico-vaginale, il arrive également par-fois que les urines soient supprimées pendant un certain laps de temps, c'est un fait sur lequel Jobert (de Lamballe) appelait l'attention.
S'agirait-il, dans notre cas, d'une oblitération spasmodique des uretères ? On sait que ces conduits jouissent de propriétés contractiles très accusées ; ainsi, Mulder les a vus se contracter énergiquement chez un individu atteint d'exstrophie de la vessie, et Valentin a dit avoir vu, de son côté, survenir, sous l'influence d'une irritation des centres nerveux, une contraction très prononcée de ces mêmes canaux (1). L'analogie, à son tour paraîtrait étayer cette présomption : chez les hystériques, il est assez fréquent de voir des contractures de la langue, de l'œso-phage, etc., de longue durée. L'ischurie hystérique, d'après cela, devrait être rapprochée de l'oblitération calculeuse des uretères. Malheureusement, des objections d'une certaine va-eur sont contraires à cette vue.
Les recherches expérimentales de M. Max Harmann démon-trent, vous le savez, que la proportion de l'urée diminue dans l'urine relativementau volume de celle-ci, lorsqu'on établit dans l'uretère une contre-pression.Lapressionparvient-elleàO m. 060 millimètres de mercure, on ne trouve plus d'urée dans l'urine.
M. Robert (de Manchester) (2;a confirmé la réalité de ce fait chez l'homme. Dans un cas d'obstruction calculeuse de l'ure-tère, il s'échappa une petite quantité d'urine claire, contenant seulement0 gramme, 50 centigrammes d'urée pour 1,000 gram-mes. Or,chez notre hystérique, les urines renferment 15 gram-mes d'urée pour 1,000 grammes, chiffre qui se rapproche, comme on voit, du chiffre normal.
1. Donder's Physiologie.
2. The Palh. of Suppression of Urine. In The Lancet, 1868, may 23 et 30. — 870, juin 18 et Mouv. méd. , trad. Bourneville, 1871, p 22, 23 et 128.
D'après cela, Messieurs, ce ne serait pas dans l'uretère que siégerait l'obstacle dans l'ischurie hystérique. Où réside-t-il ? Faut-il invoquer ici une influence du système nerveux, ana-logue à celle que Ludwig a découvert à propos delà glande sa-livaire ? En l'absence de tout renseignement à cet égard, nous ne pouvons que laisser la question en suspens (1).
1. Depuis que cette leçon a été faite par M. Charcot (juin 1872), M. Ch. Fernet a communiqué à la Société médicale des hôpitaux une note intitulée: DeVoligu-rie et de Vanurie hystériques et des vomissements qui les accompagnent (Union médicale, 17 avril 1873, p. 566.) Après avoir résumé les opinions de M. Charcot, M. Ch. Fernet rapporte une observation intéressante dont voici l'analyse.
Marie L..., 19 ans, chloro-anémique, a été réglée à 16 ans. La menstruation a toujours été irrégulière. Une sœur de la malade est sujette à de fréquentes at-taques d'hystérie. En janvier 1871, Marie L... eut une frayeur qui occasionna une attaque d'hystérie. En mai, faiblesse extrême, malaise, douleurs dans les membres (Régime fortifiant: quinquina, fer, bains de mer). A la fin du mois d'août, à la suite d'un bain de mer, Marie L... fut prise, pour la première fois, de vomissements. « Elle commença par rendre les aliments solides; puis, au bout de quelques jours, elle arriva à vomir tout ce qu'elle prenait... Ces vomis-sements se répétèrent sans interruption jusqu'aux mois d'octobre, puis se cal-mèrent pendant une quinzaine de jours pour reparaître avec leur intensité pre-mière et persister sans répit... En mars 1872, L... entre à l'Hôtel-Dicu (service de M. Moissenet). Traitement : lotions froides; glace et Champagne; vésica-toire morphine à l'épigastre. Les vomissements diminuèrent peu à peu, ne re-parurent plus que par intervalles, et la malade sortit de l'hôpital le 15 avril ne vomissant plus. — Durant les mois de mai et de juin, vomissements rares. Ils revinrent en juillet, après des contrariétés, et s'arrêtèrent de nouveau peut-être grâce au bromure de potassium. A la fin de juillet, une nouvelle émotion mo-rale les fait reparaître avec leur fréquence et leur persistance antérieures.
Marie L... entre une seconde fois à l'Hôtel-Dicu, le 18 août 1872. C'est alors que M. Ch. Fernet put l'observer. Elle présentait les symptômes suivants: fai-blesse excessive, anémie très marquée, et caractérisée surtout par la décolora-tion de la peau et des muqueuses; névralgie intercostale; sensibilité ovarienne développée du côté gauche, douleur à. la pression ; anesthésie en divers points de la peau: anesthésie plantaire complète; analgésie profonde des membres su-périeurs; achromatopsie de l'œil gauche qui ne distingue pas la couleur jaune : vomissements. La malade assure que depuis leur apparition, elle ne rend qu'une miuime quantité d'urine, que souvent elle reste plusieurs jours sans en rendre une seule goutte. — ksept. Régime lacté exclusif. — Du 4 au 9 sept., il n'y eut qu'une émission d'urine ^150 gr. environ). A partir de cette époque M. Ch. Fernet fit mesurer exactement, d'une part, les quantités des aliments ingérés, d'autre part, la quantité des matières vomies et d'urine rendue et, après avoir indiqué dans un tableau ces quantités jour par jour, il ajoute; l'examen
du tableau qui précède permet d'établir une relation étroite entre l'état de la fonction urinaire et les vomissements. Dans une première période de temps comprise entre le 9 et le 16 septembre, c'est-à-dire pendant huit jours pleins, les urines sont complètement supprimées durant les six premiers jours et leur quantité est très faible pendant les deux derniers ; or, dans ce laps de temps, la malade, soumise au régime lacté, rejette par le vomissement la quantité des matières liquides équivalente d'abord à la moitié ou aux trois quarts des liqui-des ingérés pendant les quatre premiers jours, puis sensiblement égale à la quantité de lait qu'elle prend pendant les quatre derniers jours.
» Dans une seconde période comprenant neuf jours (du 18 au 26 septembre ) la quantité des matières vomies semble avoir diminué ; mais il n'en est rien si l'on compare cette quantité à celle des aliments ingérés ; en fait, le régime ayant été modifié et se composant maintenant de bouillon froid, de viandes crues et de limonade, les vomissements représentent encore la presque totalité des ali-ments ingérés : or, pendant ce temps, il y a eu un peu d'urine dans les deux premiers jours (15 gr. et 250 gr.), mais leur émission est de nouveau suspendue dans les sept jours qui suivent.
» Enfin dans une troisième période qui dure quatre jours (du 27 au 30 sept.), nous voyons la fonction urinaire se rétablir et le chiffre de l'urine atteindre le taux normal (1,000 gr., 500 gr., 1,100 gr., les deux derniers jours). En même temps, les vomissements diminuent le secondjour et cessent le 3e et le 4°. »
« Voulant s'assurer, comme l'a indiqué Al. Charcot, si les vomissements ne pourraient pas être imputés à l'élimination supplémentaire de l'urée par l'esto-mac, M. Ch. Fernet a fait analyser par M. E. Hardy l'urine et les matières vo-mies. Du tableau récapitulatif de ces analyses, il ressort qus l'urée s'est toujours présentée en quantité notable de 0 gr. 55 à 1 gr. 87, dans ces matières vomies: en outre, que, quand la sécrétion urinaire a été supprimée, la quantité d'urée contenue dans les matières vomies a été graduellement croissante durant ce laps de temps (du 19 sept, au 27, le chiffre s'est élevé de 0 gr. 62 à 1 gr. 08); enfin, que du jour où l'urine rendue par la vessie a atteint un chiffre qu'on peut con-sidérer comme normal, l'urée a diminué dans la sécrétion gastrique pour dis-paraître sans doute en même temps que les vomissements. »
Une action morale, — la prescription de pillules dites fulminantes [mica punis) a occasionné un changement brusque dans l'état de Marie L... à partir du 27 septembre. Les vomissements se sont arrêtés, la sécrétion urinaire a repris son cours. Enfin, la malade est sortie en assez bon état de l'hôpital dans le cou-rant de novembre. M. Ch. Fernet a fait ressortir, en terminant sa note, les nom-breux points de contact qui existe entre la malade de M. Charcot et la sienne.
— Nous citerons encore une thèse de M. Secouel : Des vomissements uré-miques chez les femmes hystériques (Paris, avril 1873). On y trouvera une observation qui, toute insuffisante qu'elle soit, à certains égards, paraît devoir être rattachée à l'ischurie hystérique. — L'observation de la malade qui fait l'objet de la précédente leçon a été publiée in-extenso dans nos Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie et l'hystérie, p. 151 ^B.).
DIXIÈME LEÇON
De l'hémianasthésie hystérique.
Sommaire. — Hémianesthésie et hyperesthésie ovarienne dans l'hystérie. — Association fréquente de ces deux symptômes. — Fréquence de l'hémianes-thésie des hystériques. — Ses variétés : elle est complète ou incomplète. — Caractères de l'hémianesthésie hystérique. — L'ischémie et les convulsion-naires. — Lésion des sens spéciaux. — Achromatopsie. — Relation entre l'hémianesthésie, l'hyperesthésie ovarienne, la parésie et la contracture. — Variabilité des symptômes dans l'hystérie. — Valeur diagnostique de l'hé-mianesthésie hystérique. — Restriction qu'il convient d'y apporter.
Hémianesthésie dépendant de certaines lésions encéphaliques. — Analogies qu'elle présente avec l'hémianesthésie des hystériques. — Cas dans lesquels l'hémianesthésie de cause encéphalique ressemble à, l'hémianesthésie des hys-tériques. — Siège des lésions encéphaliques capables de produire l'hémia-nesthésie. — Fonctions de la couche optique : théorie anglaise et théorie française. — Critique. — Nomenclature allemande des diverses parties de l'encéphale. — Ses avantages au point de vue de la circonscription des lé-sions. — Cas d'hémianesthésie observés par Tiïrck : siège spécial des lésions encéphaliques dans ces cas. — Observation de M. Magnan. — Altération des sens spéciaux.
Messieurs,
Il est deux points de l'histoire de l'hystérie, sur lesquels je veux insister particulièrement dans cette leçon et dans la sui-vante. Ce sont, d'une part, l'hémianesthésie hystérique, et d'autre part, l'hyperesthésie ovarienne. Si je rapproche ces deux phénomènes l'un de l'autre, c'est que, en général, on les trouve tous les deux associés chez les mêmes malades. A propos de l'hyperesthésie ovarienne, j'espère vous rendre évidente l'influence déjà signalée autrefois et, plus tard, mis en doute,
de la pression de la région ovarienne sur la production des phénomènes de l'accès hystérique ; je vous ferai voir que cette manœuvre détermine, soit seulement les prodromes de l'atta-que hystérique, soit l'attaque complète dansun certain nombre de cas. Il en ressortira pour vous l'exactitude de l'assertion émise naguère par le professeur Schutzenberger, à propos de ce phénomène, malgré les dénégations opposées par quelques observateurs.
Je vous indiquerai aussi un procédé que j'ai trouvé ou plutôt retrou\ré, et qui permet d'arrêter, chez quelques malades, les accès hystériques, mêmes les plus intenses. Il s'agit de la com-pression méthodique de la région ovarienne. M.Briquet nie la réalité des effets de cette compression. Je ne puis être de son avis, et ceci me conduit à vous présenter une remarque géné-rale concernant le livre de M. Briquet (1). Ce livre est excellent ; c'estle fruit d'une observation minutieuse, d'un labeur patient, mais il a peut-être un côté faible : tout ce qui louche àl'o\raire et à l'utérus y est traité avec une disposition d'esprit singulière de la part d'un médecin. C'est une sorte de pruderie, un senti-mentalisme inexplicable. 11 semble qu'à l'égard de ces questions, l'auteursoit toujours dominé par une seule préoccupation. « En \roulant tout rapporter à l'ovaire et à l'utérus, dit-il, par exemple, quelque part, on fait de l'hystérie une maladie de lu-bricité, une affection honteuse, propres à rendre les hystériques des objets de dégoût et de pitié. » En vérité, Messieurs, ce n'est pas là la question. Pour mon compte, je suis loin de croireque la Ud+ricitê soit toujours en jeu dans l'hystérie, je suis même convaincu du contraire. Je ne suis pas non plus partisan exclusif de la doctrineancienne,qui place le point de départ de la maladie hystérique tout entière dans les organes génitaux ; mais avec Schutzenberger, je crois qu'il est péremptoirement
1. Briquel (P.). — Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie. Paris, 1859.
démontré que, dans une forme spéciale de l'hystérie—que j'ap-pellerai, si vous vouliez, ovarienne ouovarique—l'ovaire joue un rôle important. Cinq malades, que je ferai passer tout à l'heure devantvous, sont, si je ne me trompe, des exemples évidents de cette forme de l'hystérie; vous pourrez, en les examinant, vous assurer de la véracité de la description que je vais entreprendre.
1.
\ous connaissez tous f hémianesthésie ^es hystériques. 11 y aurait quelque ingratitude^ â~l^^ en quoi consiste ce
symptôme, car il a été révélé par des études toutes françaises. Piorry, Macario, Gendrin, l'ontdécrit touràtour et ont j insisté sur ses caractères. Ce n'est que longtemps après eux que Szo-kalsky Ta fait connaître en Allemagne, et il n'a eu qu'à con-firmer, par des observations, d'ailleurs très recommandables, les faits énoncés par nos compatriotes.
Afin de me restreindre, j'envisagerai seulement, — et cela suffira pour le but que je mepropose,— l'hémianesthésie com-plète, telle qu'elle se présente dans les cas intenses. A ce degré même, c'est encore un symptôme fréquent puisque, suivant M. Briquet, il se rencontre 93 fois sur 400. Relativement au siège qu'il occupe, on trouve, toujours, d'après cet auteur, 70 cas pour le côté gauche et 20 pour le droit.
Vous savez de quoi il s'agit en pareille circonstance. Les deux moitiés du corps étant supposées séparées par un plan antéro-postérieur, tout un côté, — face, cou, tronc, etc., — aperdula sensibilité, et si très souvent cette perte de la sensibilité porte seulement sur les parties superficielles (tégumentexterne), elle envahit quelquefois aussi les régions profondes (muscles, os, articulations).
L''hémianesthésie hystérique se montre, vous le savez, sous deux aspects principaux : elle est complète ou incomplète. L'«-nalgésie,avec ou sans insensibilité à la chaleur et au froid où thermo-anesthésie, est, dans l'espèce, une des variétés les plus communes. La netteté avec laquelle les parties anesthésiées sont séparées des parties saines est encore un caractère impor-tant de l'hémianesthésie hystérique. Sur la tête, la face, le cou, sur le tronc, la délimitation est souvent parfaite et correspond, je le répète, à peu de chose près, à la ligne médiane. Un autre trait qui mérite bien d'être mentionné, c'est la pâleur et le re-froidissement relatifs du côté anesthésié. Ces phénomènes, liés à une ischémie plus ou moins permanente, ont été observés maintes fois. Brown-Séquard et Liégeois ( 1 ) en ont cité des exem-ples. Cette ischémie peut être caractérisée dans les cas intenses, par la difficulté qu'il y a à tirer du sang des parties anesthésiées à l'aide d'une piqûre d'épingle.
J'ai noté cette particularité dans le temps. Voici dans quelles circonstances : des sangsues ayant été appliquées sur une ma-lade atteinte d'hémianesthésie hystérique, je remarquai que les piqûres fournissaienttrès difficilement du sang du côté anesthé-sié, tandis qu'elles en donnaient comme d'habitude du côté sain. Grisolle qui était, vous le savez, un observateur très sage et très sévère, avait constaté la même chose. Cette ischémie, qui d'ailleurs, poussée à ce degré est assez rare, peut expliquer certains faits réputés miraculeux. Dans l'épidémie de Saint-Mé-dard, par exemple, les coups d'épée que l'on portait aux con-vulsionnaires ne produisaient pas, dit-on, d'hémorrhagie. La réalité du l'ait ne peut être repoussée sans examen ; s'il est exact que beaucoup de ces convutsionnaires se soient rendues coupables de jonglerie, on est obligé de reconnaître cependant, après une étude attentive de la question, que la plupart des phé-
1. Liégeois. — Mémoires de la Société de Biologie, 3e série, h 1, p. 274.
nomènesqu'elles onlprésentéset dontl'histoirenous a transmis la description naïve(l),étaient, non pas simulés de toutes pièces, mais seulement amplifiés, exagérés. 11 s'agissait là, presque toujours, la critique l'a démontré, de l'hystérie poussée au plus haut point; et pour que, sur ces femmes frappées d'anesthésie, une blessure par un instrument piquant, tel qu'une épée, ne fût pas suivie d'écoulement de sang, il suffisait, vous le comprenez d'après ce qui précède, que l'instrument nefût pas poussé trop profondément.
11 est encore d'autres caractères de Fhémianesthésie hystéri-que qui méritent tout notre intérêt, tantau point de vue clinique qu'au point de vue de la théorie, heëmembranes muqueuses sont atteintes d'un côté du corps comme le tégument externe. Les organes dessens eux-mêmes sont affectés à un certain de-gré du côtéanesthésié. Le goût peut avoir disparu sur la moitié correspondante de la langue, depuis la pointe jusqu'à la base. Vodorat est émoussé. La mie est affaiblie d'une manière très notable et si l'amblyopie occupe le côté gauche, il peut se pré-senter un phénomène très remarquable, sur lequel M. Gale-zowski a appelé l'attention et qu'il a désigné sous le nom d'achromatopsie. Nous reviendrons ailleurs sur ce point (Voir Appendice, n° 5).
Vhémianesthésie hystérique ne semble pas toucher les vis-cères. Ainsi, pour ne parler que de l'ovaire, au lieu d'une anes-thésie, c'est une hyperesthésieque l'on constate. Cetorgane peut être très douloureux à la pression, alors que la paroi abdo-minale correspondante est absolument insensible. Or, il existe, Messieurs ..entre le siège de riiémianesthésie et celui de l'hyper-esthésie ovarienne, une relation très remarquable. Si celle-ci
I. Carré de Montgcron. — La vérité des miracles opérés à Vintercession de M- de Paris et autres appelants, clc., 1737.
occupe le côté gauche, l'hémianesthésie siège à gauche et inver-sement. Quand l'hyperesthésie ovarienne est double, il est de règle que l'anesthésie se montre généralisée et occupe par conséquent la presque totalité du corps.
Ce n'est pas seulement entre le siège de l'hémianesthésie et celui de l'hyperesthésie ovarienne qu'une semblable relation existe ; elle est aussi très évidente en ce qui concerne laparésie ou la contracture des membres. Ainsi, lorsque la parésie ou la contracture doivent survenir, c'est toujours du côté de l'hémia-nesthésie qu'elle se manifeste.
L'hémianesthésie, telle qu'elle vient d'être décrite, est, dans la clinique de l'hystérie, un symptôme d'autant plus impor-tant qu'il est à peu près permanent. Les seules variations qu'il présente sont relati\res au degré, à l'intensité des phénomènes qui le composent et quelquefois aussi, nous devons le dire, à la fluctuation de quelques-uns d'entre eux.
V^hromatopsi^)dsidece nombre : constatée très nettement, il y a quelques semaines, et à différentes reprises, chez une de nos malades, elle a disparu aujourd'hui.
11 importe de ne pas oublier, à ce propos, que l'hémianes-thésie estunsymptôme qu'ilfaut chercher, ainsiqueM. Lasègue l'a fait remarquer très judicieusement (1). Il est, en effet, beau-coup de malades qui se trouvent toutes surprises quand on leur en révèle l'existence.
11.
Je veux reL-hercher maintenant jusqu'à quel point l'hémia-nesthésie, telle qu'elle vient d'être décrite, est un symptôme propre à l'hystérie. En réalité, il est très rare qu'elle puisse être reproduite avec l'ensemble de tous ses caractères par une autre
J. Archives générales de médecine, 1864, t. I, p. 385.
Charcot. Œuvres complètes, t. i. 20
maladie. Son existence bien constatée est donc un indice pré-cieux et qui fera reconnaître maintes fois la nature de bon nombre de symptômes qui, sans cela, seraient restés douteux. C'est un point sur lequel M. Briquet a eu raison d'insister avec force ; pour montrer l'intérêt de cette notion, il a rappelé le cas où une femme, à la suite d'une émotion morale vive, serait tombée rapidement dans un coma plus ou moins profond, précédé ou non de convulsions (forme comateuse de l'hystérie"! etchez laquelle on aurait observé, au réveil, une hémiplégie du mouvement plus ou moins complète. C'est là un ensemble de circonstances qu'il n'est pas très rare de rencontrer dans la pra-tique. Or, en pareille occurrence, il peut arriver que la situa-tion soit embarrassante pour le médecin. Eh bien, la présence de l'hémianesthésie, revêtue de tous ses caractères qui, alors, ne ferait vraisemblablement pas défaut, pourrait, dit M. Briquet, mettre sur la voie. Cette assertion est parfai-tement exacte, je n'ai rien à y reprendre, si ce n'est cependant sur un point.
S'il est vrai que l'hémianesthésie soit un symptôme presque spécifique, en ce sens qu'on ne le retrouve pas avec les mêmes caractères dans l'immense majorité des cas de lésions maté-rielles de l'encéphale (hémorrhagie, ramollissement, tumeurs), on ne sauraitadmettre que ce caractère est absolu; il est inexact, surtout, de dire que Yhémianesthésie développée sous l'in-fluence des lésions encéphaliques diffère toujours de l'hé-mianesthésie hystérique, en ce que dans celle-là, la peau de la face ne participe pas à l'insensibilité, ou que. quand elle existe, elle ne siège jamais du même côte que celle des membres. C'est là une inexactitude qu'on voit re-produite, à peu près avec les mêmes termes, dans la thèse d'ailleurs très intéressante de M. Lebreton (1).
1. Lebreton. —Des différentes variétés de la paralysie hystérique. Thèse de Paris, 1868.
J'éprouve quelque répugnance àm'attaquer encore à l'œuvre si remarquable de M. Briquet, mais plus cette œuvre est esti-mable, et justement estimée, plus les inexactitudes qui ont pu s'y glisser acquièrent de gravité. Cette considération justifiera, je l'espère, ma critique.
Messieurs, dansdescas à la vérité exceptionnels, mais parfai-tement authentiques, certaines lésions cérébrales en foyer peuvent reproduire l'hémianesthésie avec tous les caractères qu'on lui connaît dans l'hystérie, ou peu s'en faut. Permettez-moi d'entrer à ce sujet dans quelques développements.
La doctrine classique, du moins parmi nous, doctrine qui invoque d'ailleurs à lafois les données de l'observation clinique et celles fournies par l'expérimentation chez les animaux, veut que les lésions cérébrales en foyer qui affectent si profondément la motilité—en particulier quand elles occupent la région de la couche optique et du corps strié—restent à peuprès sans effet sur la sensibilité. A ce point de vue, Messieurs, le résultat est, dit-on, toujours le même, qu'il s'agisse de lésions intéressant spécialement le corps strié, la couche optique, ou encore l'avant-mur.
Tout d'abord, lorsqu'il s'agit de lésions à développement brusque, déterminant une attaque apoplectique et portant sur l'un quelconque des points qui viennent d'être énumérés, le symptôme qui frappe, c'est une hémiplégie, plus accusée au membre supérieur qu'à l'inférieur et s'accompagnant de flacci-dité. A la face, la paralysie affecte d'ordinaire le buccinateuret l'orbiculaire des lèvres ; le plus souvent aussi la langue est tirée du côté paralysé. A la paralysie du mouvement se surajoute une paralysie des nerfs vaso-moteurs qui se traduit par une élévation de la température du membre paralysé. Quelquefois, cette para-lysie vaso-motrice apparaît dès l'origine.
Quant à la sensibilité, elle n'est pas modifiée d'une manière
appréciable, ou, au moins, d'une manière durable. Les.sYm.s spé-ciaux n'offrent aucun changement sérieux, à moins de compli-cation, par exemple Y embolie de l'artère centrale de la rétine, il s'agit d'un ramollissement consécutif à la migration d'une végétation valvulaire, ou encore la compression, par voisinage, d'une des bandelettes optiques, dans le cas d'un foyer hémor-ragique quelque peu volumineux. Tel est, en résumé, l'en-semble symptomatique que l'on rencontre dans l'immense majorité des faits d'hémorragie ou de ramollissement affectant les points de l'encéphale que nous avons indiqués.
Incontestablement, Messieurs, c'est bien ainsi que se passent les choses dans la grande majorité des cas. Mais, à côté de la Éèglet^i^ y a le chapitre des exceptions. 11 est des cas, et pour rïf§n cv^spte,j'enaiobservéplusieursdecegenre, dans lesquels
lavgensifer'Jité est affectée d'une façon prédominante et dans """" (/) \
lesT^elsglfanesthésie persiste, même après la restauration du ;^oy^ement.
X^C^s-'à^férations delà sensibilité peuvent se présenter avec les caractères suivants : L'anesthésie affecte toute une moitié du corps et s'arrête juste à la ligne médiane. La moitié correspon-dante de la face, la peau aussi bien que les membranes mu-queuses (1), se montrent insensibles, absolument comme dans riiémianesthésie hystérique. 11 est possible d'observer alors Y analgésie et la thermo-anesthésie, avec conservation de la sensibilité tactile, ainsi que l'ont constaté MM. Landois et Mosler (2). Enfin, il est encore des cas, plus rares à la vérité et jusqu'ici imparfaitement observés, mais qui, malgré tout, on bien leur valeur, cas qui rendent probables les altérations, en pareille circonstance, des sens spéciaux du côté opposé à la lésion encéphalique, c'est-à-dire du même côté que l'hémia-nesthésie.
1. Hirsch. — Klinische Fragments, I, Abt., p. 207. Kœnigsberg, 1867.
2. Lamluis cl Mosler. — Berline)1 Min. Wochens., 1868, p. 401.
Los médecins du siècle dernier avaient déjà remarqué ces faits exceptionnels. Borsieri, entre autres, raconte l'histoire d'un malade qui, trois mois auparavant, avait été frappé d'apo-plexie et chez lequel l'anesthésie existait encore, quoique la motilifé fût revenue. .11 cite quelques autres observations du même genre, empruntées à divers auteurs (1).
Des faits analogues ont été rapportés par Abercrombie, An-dral, plus récemment par Hirsch, Leubuscher, Broadbent, H. Jackson (2) et surtout par L. Tûrck. Seul, ce dernier a su donner, relativement au siège que les lésions encéphaliques occupent dans ces cas-là, des notions décisives.
Presque toujours, lorsque l'hémianesthésie se présente avec ces caractères, la couche optique est lésée d'une manière-sinon exclusive du moins prédominante (Broadbent, II. Jackson). En ce qui me concerne, j'ai vu l'hémianesthésie se surajouter à l'hémiplégie chez plusieurs sujets atteints d'hémorrliagie céré-brale et toujours alors, j'ai rencontré à l'autopsie la lésion de la-couche optique dont, pendant la, vie, j'avais cru pouvoir an^ noncer l'existence. *
Faut-il, Messieurs, induire de ce qui précède que la lésion de la couche optique est la véritable cause organique de l'hémia-nesthésie observée dans fous les cas ? C'est là une question qui mérite de nous arrêter.
Je suis amené à vous parler de la théorie physiologique qu'on pourrait appeler théorie anglaise, puisque ce sont deux auteurs anglais, Todd et Carpenter, qui l'ont, les premiers, je crois, émise et soutenue. D'après cette théorie, la couche op-tique serait le centre de perception des impressions tactiles: elle répondrait, en quelque sorte, aux cornes postérieures de la
1. Borsieri. — lust. pract., vol. III, p. 70.
2. 11. Jackson. — Noie on Ihe. Functions of llie optic Thalamus, in London Hoipital Reports, 1806, l. III, p. 373.
substance grise de la moelle. Le corps strié, lui, serait l'abou-tissant du tractus moteur et en rapport avec l'exécution des mouvements volontaires : il serait l'analogue des cornes anté-rieures de la moelle.
Cette théorie, dont Schrceder Van der Kolk (1) s'est montré partisan déclaré, est, si l'on peut ainsi dire, l'antipode de la doctrine française que vous trouverez exposée d'une manière très complète dans les Leçons de M. Vulpian. D'après celle-ci, le centre où les impressions sensitives se transforment en sen-sations ne serait pas dans le cerveau proprement dit, puisqu'un animal auquel le cerveau, y compris la couche optique et le corps strié, a été enlevé, continue à voir, à entendre, à ressentir la douleur, etc. Ce serait donc plus bas, dans la protubérance et peut-être aussi dans les pédoncules cérébraux, que résiderait le centre des impressions sensitives.
Suivant cette hypothèse, on apprécie comme il suit, dans le domaine pathologique, les faits bien avérés où une lésion de la couche optique coïncide avec la diminution ou l'abolition de la sensibilité sur le côté du corps,frappé d'hémiplégie. Souvent, il s'agit là, dit-on, et cet argument est parfaitement fondé, de lésions récentes telles que Vhémorragie intra-encéphalique ou le ramollissement, ou bien encore de tumeurs, lésions par suite desquelles la couche optique se trouve distendue à l'ex-trême et qui peuvent, en conséquence, avoir pour effet de dé-terminer la compression des parties voisines, des pédoncules cérébraux, par exemple. Il est bien établi, d'un autre côté, que, dans nombre de cas, la couche optique peut être lésée, même profondément et dans une grande partie de son étendue, sans qu'il s'en suive aucun trouble spécial, dans la transmission des impressions sensitives.
1. Schrceder van der Kolk.— Pathol. und Thérapie der Geisfenkrankhei/eri. Braunschweig, 1863, p. 20.
Au dernier argument, les auteurs anglais, M. Broadbent, entre autres (1), opposent que lacouche optique, centre présumé des impressions sensitives, doit sans doute être assimilée à l'axe gris de la moelle épinière ; celui-ci, comme on le sait, continue à transmettre ces impressions, alors même qu'il a subi les dé-sordres les plus graves, pour peu qu'un petit lambeau de subs-tance grise subsiste, capable de rattacher le bout inférieur au bout supérieur. J'avoue que la comparaison me paraît forcée, du moment surtout où l'on pose en principe que la couche op-tique doit être considérée comme un centre; car, en ce qui con-cerne la transmission des impressions sensitives, l'axe gris de la moelle n'est évidemment qu'un conducteur.
Quoi qu'il en soit, voilà, Messieurs, où en sont les choses. A mon sens, la question en litige ne pourra être résolue d'une manière définitive qu'à l'aide de bonnes observations cliniques, auxquelles viendra s'adjoindre le contrôle d'études anatomiques très soignées, dirigées principalementdans le but d'établir, avec une grande précision, le siège des lésions encéphaliques, aux-quelles pourraient être rattachés les symptômes constatés pen-dant la vie. Déplus, les circonstances de l'observation devront se montrer telles que l'influence de la compression ou de tout autre phénomène de voisinage puisse être complètement écartée. Or, Messieurs, dans l'état actuel de la science, les faits réunis-sant toutes ces conditions-làsont, autant que je sache du moins, excessivement rares. On peut citer toutefois, comme se rappro-chant de cet idéal, les cas qui ont été présentés par L. Tùrck à l'Académie des sciences de Vienne (2) et auxquels j'ai déjà fait allusion. Ils sont au nombre de quatre.
1. Broadbent. — Médical Society. London,1865, et Med. chirurg. Review.
2. Sitzungsher. derkais. Akademie der Wissenschaften zu. Wien. 1859. Voyez l'analyse de ces laits à la page 315 et aux pages suivantes.
Dans les faits relatés par L. Tûrck, il s'agit, Messieurs, soit d'anciens foyers hémorragiques représentés par des cicatrices ocreuses, soit de foyers de ramollissement parvenus à l'état d'infiltrationcelluleuso. Danstous les cas,l'hémiplégie,liée à la présence des foyers, avait disparu depuis longtemps lors de l'au-topsie ; mais l'hémianesthésie avait persisté jusqu'à la termi-naison fatale. Les parties de l'encéphale intéressées par l'altéra-tion sont indiquées avec soin.
La nomenclature germanique des diverses parties de l'encé-phale, toute rebutante qu'elle nous paraisse, en raison de la multiplicité et de la singularité des termes, présente cependant à mon sens, un avantage incontestable : c'est, passez-moi la comparaison, une géographie très complète, où le plus petit hameau se trouve désigné par un nom. La nomenclature ffan çaise a le mérite, sansdoute, de tendre à la simplification; mais c'est parfois au détriment de l'exactitude absolue: elle est sou-vent incomplète. Or, pour les questions du genre de celle qui nous occupe, il n'est pas de détail si minutieux qu'il soit, qui doive être négligé. A tout prix, il faut tenir compte des moin-dres détails, car nous ignorons totalement, dans l'état où en est encore, à l'heure qu'il est, la physiologie du cerveau, si tel petit point, qui n'a pas de nom dans la nomenclature française, n'est pas une position de première importance.
Faisant appela la nomenclature en usage de l'autre côté du Rhin, cherchons à nous orienter, afin de bien reconnaître le siège des parties lésées dans les observations de L. Tûrck.
Je mets sous vos yeux une coupe frontale faite au travers des hémisphères cérébraux, immédiatement en arrière des émi-nences mamillaires (Fig. 18). Vous reconnaissez sur cette coupe, immédiatement en dehors des ventricules moyens le noyau caudé (noyau intra-ventriculaire du corps strié), qui, danscette région,n'estplus réprésenté que par une toute petite
masse de substance grise ; — au-dessous de lui, et en dedans, la couche optique, offrant ici un grand développement ; — en dehors de la couche optique, la capsule interne, formée princi-palement par des tractus de substance blanche qui ne sont autres que le prolongement de l'étage inférieur du pédoncule
Fig. 18. — Coupe transversale du cerveau. — a, couche optique: — b, corps strié, noyau lenticulaire: — r, corps strié, noyau caudé; — f, indication de la couronne rayonnante de Reil : — 2,2', 2", foyers apoplectiques (obs. II du mé-moire de Tiirck, p. 316) ; — 3, indication d'un foyer apoplectique (Obs. III, du mémoire de M. Tiirck.) Voir la note p. 316.
cérébral, et qui vont s'épanouir dans le centre ovale pour con-courir à la composition de la couronne rayonnante ; — plus en dehors, le noyait extra-ventriculaire du corps strié où l'on distingue trois noyaux secondaires désignés par les numéros 1, 2, 3 : le troisième, le plus externe, est désigné parfois sous le nom de Putamen. — Plus en dehors encore, se trouve une mince lamelle de substance blanche, la capsule externe, et, mfin une bandelette de subtance grise, Xavant-mur (Vor-mauer).
Or, Messieurs, dans les cas de M. Tùrck, les lésions avaient
envahi à la fois la partie supérieure et externe de la couche optique, le troisième noyau de la partie extra-ventriculaire du corps strié ,1a partie supérieure de la capsule interne, la région correspondante de la couronne rayonnante et la substance blanche avoisinante du lobe postérieur.
Il s'agit là, par conséquent, de lésions complexes ; mais elles permettent tout au moins de circonscrire la région dans laquelle devront être dirigées les recherches. Des études ultérieures et suffisamment multipliées nous feront bientôt connaître l'altéra-tion fondamentale, celle à laquelle devra être rattachée l'exis-tence de l'hémianesthésie.
Quelques autres faits dTiémianesthésie de cause cérébrale, publiés postérieurement à ceux de Tûrck, signalent des altéra-tions portant sur la même conscription de l'encéphale et n'a-joutent d'ailleurs rien d'important aux résultats obtenus par cet' observateur. Tel est entre autres le cas de M. Hughlings Jackson (1); ici encore, l'altération n'était pas limitée au thala-mus; elle s'étendait au noyau extra-ventriculaire du corps strié : il s'en suit donc que la capsule interne avait dû être lésée dans sa partie postérieure. Il en a.été de même dans le fait observé parM. Luys(2): le centre médian de la couche optique étaitlésé, mais l'altération avait envahi le corps strié (vraisem-blablement le noyau extra-ventriculaire) .
En résumé, on peut conclure, je crois, de ce qui précède que, dans les hémisphères cérébraux, il existe une région complexe dont la lésion détermine l'hémianesthésie ; on connaît approxi-mativement les limites de cette région ; mais, actuellement, la
1. The disease was not strictly limited to the thalamus... Outwards the di-scase extended throughthe small longue of corpus sfrialum, which cui'ves round the outside of the thalamus, and tlience up Lo the grey malter of the eonvolulions of the Sylvian fissure. (LondonHospital Reports, loc. cit., t. III, p. 376.)
2. Luys. — Iconographie photographique des centres nerveux, p. 16.
localisation ne saurailêtre poussée plus loin, et personne n'est en droit de dire si c'est, dans la région indiquée, la couche optique qui doit être incriminée plutôt que la capsule interne, le centre ovale, ou encore le troisième noyau du corps strié.
Quant à présent l'anesthôsie de la sensibilité générale parait seuleavoir été été signalée, en conséquence d'une altération des hémisphères cérébraux ; de telle sorte queJTo/mubilation des \ sens spéciaux resterait comme caractère distinctif de l'hémia-nesthésie des hystériques. Mais il est permis de douter que les organes des sens aient été attentivement explorés dans les faits
d'hémianeslhésie par lésion cérébrale publiés jusqu'à ce jour ;_j
les observations ne contiennentaucunementionà cet égard (1).
1. Nous ne connaissions, à l'époque où cette leçon a été faite, les observations de L. Tiirck, que par la mention très brève qui en a été donnée dans le Traité des maladies du système nerveux de M. Rosenthal. Depuis lors, nous avons pu nous procurer, grâce à l'obligeance de AI. Alagnan, la traduction complète du mémoire de Tùrck (Ueber die Beziechuug gevisses Kranheitsherde de gossen Gehirnes zur Aneslhésie. Ans dem xxxvi Band S. 191 des Jaherganges 1859 des Sitzungsberichte der mathem. naturw. Classe der Kais. Akademie der Wisscns-cbaften). Nous croyons utile de donner la substance de ce travail.Après avoir rappelé que d'ordinaire dans l'hémiplégie déterminée par la formation des foyers apoplectiques dans le cerveau (hémorragie et ramollissement), la sensibilité re-paraît, en règle générale très promptement, l'auteur rapporte quatre cas dans lesquels l'anesthésie a persisté au contraire à un degré très accusé.
Cas I. — Fr. Amerso,72 ans. En août 1858, hémiplégie gauche. Bientôt la mo-tilité reparaît. — 12 nov. Les mouvements du membre supérieur gauche sont énergiques et rapides ; ceux du membre inférieur correspondant présentent une légère parésie. Il existe une anesthésie très intense du côté gauche (membres, tronc, etc.). A la l'ace, la sensibilité est de ce côté seulement diminuée. De temps en temps, fourmilements dans tout le côté gauche. Alort le lor mars 1859.
Autopsie. Au pied de la couronne radiée de l'hémisphère droit, immédiate-ment en dehors de la queue du corps strié, on trouve une lacune de la dimen-sion d'un pois (Infiltration cellulaire). La paroi antérieure de cette lacune siège à deux lignes en arrière de l'extrémité antérieure de la couche optique. A deux ou trois lignes plus loin, on voit une autre lacune, moins grande, qui s'étend jusqu'à quatre ou cinq lignes en arrière de l'extrémité postérieure de la coupe optique, de telle sorte que, comme la longeur habituelle de la couche optique est de 18 lignes, la portion de la couronne radiée qui avoisine ordinairement la queue du corps strié était perforée devant en arrière par l'ancien foyer de ramollisse-ment dans une étendue de onze lignes. Un foyer semblable intéresse la partie externe de la troisième partie du noyau lenticulaire. Il commence à peu près à
Je suis porté à croire, pour mon compte, cpie la participation des sens spéciaux sera, en pareil cas, reconnue quelque jour, lorsqu'onaurapris soin de la chercher. Voici sur quoi je me fonde.
Il existe dans la clinique des maladies organiques des centres nerveux un appareil symptomatique peu connu, peu remarqué encore, je le crois du moins, et dont j'aurai l'occasion de vous entretenir quelque jour en détail. Il s'agit d'une sorte de con-
tleuxlignes en arrière du bord antérieur de la couche optique et finit a quatre li-gnes environ de l'extrémité postérieure de la couche optique. Dans son long trajet d'un pouce,il occupait la plus grande longueur du côté interne de la troisième partie du noyau lenticulaire et une partie de la capsule interne. Dans la moitié postérieure de leur parcours ces deux foyers n'étaient plus éloignés, en un point, que d'une ligne, il en résultait que, à cet endroit, presque toute la couronne radiée était sé-parée delà capsule interne et delà couche optique. — Moelle épinière : amas de corps granuleux;, assez abondants dan;, le cordon latéral gauche, rares dans le cordon antérieur.
Cas II. — S. Jean, 55 ans. Attaque suivie d'hémiplégie, le 25 octobre 1851. Deux mois plus tard, la paralysie des extrémités disparut, de telle sorte que le malade avait la possibilité d'étendre le bras, de serrer avec assez de vigueur et démarcher sans appui, mais en boitant.— Octobre 1855. Depuis l'attaque, anes-thésie des membres du côté gauche (face, tronc également aneslbésiés, quoique à un moindre degré). La motilité est revenue : toutefois les membres du côté gauche sont moins forts que ceux du côté droit. Mort le 31 octobre 1858.
Autopsie. Cicatrice ancienne, plate, ayant 5 lignes environ de largeur et 8 de longeur, située à la partie supérieure et externe de la couche optique droite. La cicatrice commence à quatre lignes et demie en arrière de l'extrémité antérieure du noyau lenticulaire ; elle commence à deux lignes en arrière de l'extrémité an-térieure de la couche optique et se termine à peu près trois lignes en avant de l'extrémité postérieure delà couche optique (Fig. 18, 2') ; Il y avait, en outre, une lacune dans le lobe inférieur droit (Fig. 18,2"), une autre dans le lobe anté-rieur du môme côté, deux de la grosseur d'une tête d'épingle dans la partie anté-rieure de la couche optique droite ; deux dans le pont de Varole ; enfin une dans la portion droite et supérieure gauche du cervelet. On n'a pas noté de dégénéra-tion secondaire de la moelle.
Cas III. — Fr. Hasvelka, 22 ans. Ier nov. 1852. Attaque apoplectique, hémiplé-gie à droite avec anesthésie intense de la moitié correspondante du corps. Au bout de cinq semaines, la paralysie motrice diminua.—Sfév. 1853. Les mouve-ments sont tout à fait libres adroite. Toute la moitié droite du corps est le siège d'une anesthésie très prononcée (cuir chevelu, oreille, face et tronc). L'anesthésie est tout aussi accusée aux paupières, à la narine, a la moitié droite des lèvres et cela non seulement à l'extérieur, mais encore à l'intérieur. La conjonctive ocu-laire droite est moins sensible que la gauche. Le chatouillement est moins bien perçu dans la narine droite que dans l'autre. Même différence pour les conduits
vulsion rythmique qui occupe tout un côté du corps face y compris, du moins fort souvent, et qui revêt ◀tantôt▶ les appa-rences de la secousse clonique de la chorée, ◀tantôt▶ celles du tremblement de la paralysie agitantee tremblementliémila-téral se montre quelquefois primitivement; d'autres fois,ilsuc-cède à une hémiplégie dont le début a été subit, et i l commence à apparaître, dans ce dernier cas, à l'époque où la paralysie motrice commence à s'amender. La lésion consiste dans la pré-sence, soit d'un foyer d'hémorragie ou de ramollissement, soit
auditifs. Sur la moitié droite do la bouche (langue, palais, gencives, joue), la sensation de chaleur est moins vive que sur la moitié gauche. A la pointe de la langue, à droite et dans une longueur d'un pouce, le malade ne sent pas le goût du sel. Même chose pour la partie droite du dos et de la racine de la lan-gue. A droite, encore, Y odorat est affaibli et la vision est moins nette. Lorsqu'on a fait rétrécir les pupilles en approchant une lumière des globes oculaires, la pu-pille droite se dilate ensuite plus que la gauche. L'ouïe est normale des deux côtés.— 26 fév. L'ancsthésie a diminué : les mouvements sont plus énergiques. — 15 mars. Amélioration temporaire de la vue: il n'y a pas de différence entre les deux yeux. — Avril. L'ancsthésie existe encore sur toute la moitié droite du corps (attouchement, pincement). L'affaiblissement de la vue a fait des progrès à droite. — Morl le 4 avril.
Autopsie. Dans la subslance blanchi' du lobe supérieur gauche, on découvrit un foyer de ramollissement de la longueur de deux pouces et de la largeur d'un pouce. 11 s'enfonçait dans les circonvolutions inférieures de l'opercule et gagnait la surface du cerveau. Son extrémité postérieure correspondait à celle de la cou-che optique. Dans sa portion la plus large, le foyer n'était séparé que de trois li-gnes de la queue du corps strié. Les circonvolutions cérébrales placées au-des-sous étaient sur une éleudue égale à celle d'un floiùn, jaunes, ramollies et dé-primées (Fig. 18, 3). Couche optique, saine. Peut-être un petit fragment de la 3e partie du noyau lenticulaire a-t-il été touché. Le foyer avait détruit une longueur assez considérable de la substance blanche et les deux tiers externes du pied de la couronne radiée. — Moelle ; légère agglomération de noyaux dans la partie la plus postérieure du cordon latéral.
Cas IV. — Anne B..., femme âgée, morte le 22 février. Elle avait depuis plusieurs années, une hémiplégie du côté droit, avec une anesthésie intense dans lamême partie du corps. En outre, anesthésie sensorielle .'vue, odorat, goût) du même côté et fourmillements.
Autopsie. Foyer apoplectique ancien, pigmenté de brun, situé le long de la partie externe de la couche optique gauche et tout près de la queue du corps strié. Il commence à six lignes en arrière de l'extrémité antérieure de la couche optique et s'étend jusqu'à deux ou trois lignes en avant de l'extrémité postérieure de la couche optique. En avant, il est à une demi-ligne et en arrière à deux ou trois lignes au-dessus de la face supérieurede la couche optique qui est considé-
d'une tumeur; dans tous les cas de ce genre que j'ai observés jusqu'ici, et dans les faits analogues que j'ai recueillis dans les auteurs, elle occupait la région postérieure de la couche optique et les parties adjacentes de l'hémisphère cérébral situées en dehors de celles-ci.
Or, rhémianesthésie est un accompagnement assez habituel — mais non constant toutefois — de cet ensemble de symptô-mes et elle siège du môme côté que le tremblement (1).
Elle existait à un haut degré chez un homme dont M. Magnan a communiqué récemment l'histoire à laSociété de Biologie,et chez lequel la forme de tremblement, dont j'ai voulu vous donner une idée sommaire, se montrait des plus accusés. Tout porte à croire — je ne puis être plus affirmatif, l'autopsie n'ayant pas été pratiquée — que la lésion encéphalique était, chez cet homme, du même genre, quant au siège, que celle que j'ai rencontrée chez mes malades. Eh bien, dans ce cas, M. Magnan a reconnu, delamanière la plus nette, que la sensi-bilité tactile n'était pas seule en cause ; les sens spéciaux étaient eux-mêmes affectés, comme ils le sont dans l'hémianesthésie
rablement enfoncée à ce niveau. Long d'un pouce, profond de quatre à cinq li-gnes, le foyer touche une grande étendue de la partie postérieure du rayonne-ment du pédoncule cérébral, une partie delà capsule interne et peut-être aussi une portion du noyau lenticulaire. — Moelle: accumulation de corps granuleux dans la partie postérieure du cordon latéral droit.
En résumé, les foyers siègeaienL à la périphérie externe des couches optiques, s'étendaient d'avant en arrière suivant l'axe longitudinal du cerveau sans atteindre le plus souvent les extrémités delà couche optique. Ils avaient de huit lignes à un pouce de longueur, atteignant dans la substance blanche jusqu'à deux pouces. Les régions lésées étaient : la partie supérieure et extrême de la couche optique : la 3e partie du nucléole lenticulaire ; la partie postérieure de la capsule interne comprise entre la couche optique et le noyau lenticulaire: la portion correspon-dante de la subtance blanche du lobe supérieur qui lui est opposée. Toujours plusieurs de ces régions étaient atï'ectées en même temps. Les fibres qui vont de la substance blanche de l'hémisphère dans la partie externe de la couche optique étaient constamment lésées.
1. Voyez, dans le Progrès médical des 23 janvier et G février 1875, une leçon de M. Charcot sur VUémichorée post-hémiplégique. (Notede la 2" édition.) — Cette leçon a été insérée dans le tome II des Leçons sur les maladies du sys-tème nerveux, p. 358. (Note de la 3e éd.).
hystérique. Du côté frappé (l'hémianesthésie, l'œil était atteint d'amhlyopie, l'odorat perdu, le goût complètement aboli.
Il devient vraisemblable par là, si je me trompe, que lTiê-mianesthésie complète, avec troubles des sensspéciaux, el telle, par conséquent, qu'elle se présente dans l'hystérie, peut être produite, dans certains cas, par une lésion en foyer des hémis-phères cérébraux (1).
1. Les vues exposées dans cette leçon, relativement à l'hémianesthésie d'ori-gine encéphalique, ont trouvé une nouvelle confirmation clinique dans un cas que nous avons recueilli dans le service de M. Charcot (Progrès médical, 1873, p. 244), et dans les expériences faites chez les animaux par M. Veyssièrc. (Recherches cliniques el expérimentales sur Vhémianesthésie de cause céré-brale. (Paris, 1874. — Ce travail contient aussi des observations cliniques intéressantes.) (Note de la 2e édition.) (B.).
ONZIÈME LEÇON
De l'hyperesthésie ovarienne.
Sommaire. — Hystérie locale des auteurs anglais. — Douleur ovarienne : sa fréquence; considérations historiques. — Opinion de M. Briquet.
Caractères de l'hyperesthésie ovarienne. — Son siège exact. — Aura hysté-rique ; premier nœud : — globe hystérique ou second nœud ; — phénomè-nes céphaliques ou troisième noeud. — Le premier nœud a son point de départ dans l'ovaire. — Lésions de l'ovaire ; desiderata.
Rapports entre l'hyperesthésie ovarienne et les autres accidents de l'hystérie locale.
De la compression ovarienne. — Son influence sur les attaques. — Manière de la pratiquer. — La compression ovarienne comme moyen d'arrêter ou de prévenir les convulsions hystériques est connue depuis longtemps : son application dans les épidémies hystériques. — Epidémie de Sa'mt-Médard : Les secours. — Analogies qui existent entre l'arrêt des convulsions hysté-riques par la compression de l'ovaire et l'arrêt de l'aura épileptique par la ligature d'un membre.
Conclusion au point de vue de la thérapeutique. —Observations cliniques.
Messieurs,
Par la dénomination assez pittoresque et certainement très pratique d''Hystérie locale ou partielle, local hysteria, les mé-decins anglais ont l'habitude de désigner la plupart des acci-dents qui persistent d'une manière plus ou moins permanente dans l'intervalle des attaques convulsives chez les hystériques, et qui permettent presque toujours, en raison des caractères qu'offrent ces accidents, de reconnaître la grande névrose pour ce qu'elle est, même en l'absence des convulsions.
L'hémianesthésie, la paralysie, la contracture, les points
douloureux fixes, siégeant sur diverses parties du corps (ra-chialgie, pleuralgie, clou hystérique) appartiennent, d'après cette définition, à l'hystérie locale.
I.
Parmi ces symptômes, il en est un qui, en raison du rôle prédominant qu'à mon sens il joue dans la clinique de certaines formes de l'hystérie me paraît mériter toute votre attention. Je veux parler de la douleur qui siège dans l'un des flancs/surtout ans le*gauçhe, mais qui peut occuper aussi les deux flancs, aux limites extrêmes de la région hypogastrique. Je fais allusion à la douleur ovarienne ou ovarique, dont je vous ai dit un mot dans la dernière séance ; mais je ne veux pas em-ployer sans réserve cette dénomination avant d'avoir justifié, et j'espère que cette tâche me sera facile, l'hypothèse qu'elle con-sacre implicitement.
Cette douleur, je vous la ferai pour ainsi dire toucher du doigt dans un instant ; je vous en ferai reconnaître tous les caractères, en vous présentant cinq malades qui forment la presque totalité des hystériques existant actuellement parmi les 160 malades qui composent la division consacrée dans cet hospice aux femmes atteintes de maladies convulsives, incu-rables, et réputées exemptes d'aliénation mentale.
"•.
Vous voyez déjà par cette simple indication que la douleur iliaque est chose fréquente dans l'hystérie; c'est là un fait re-connu depuis longtemps par la majorité des observateurs.
Qu'il me suffise de citer, pour les temps déjàéloignés de nous, Lorry etPujol,qui ont plus particulièrement relevé l'existence
Charcot. Œuvres complètes, t. i. 21
des douleurs hypogastriques et abdominales chez les hysté-riques .
Il est singulier, après cette mention, de voir que Brodie, qui, le premier peut-être, a reconnu tout l'intérêt clinique de l'étude de Vhystérie locale, ne traite pas d'une manière spéciale de la douleur abdominale (1).
Il sembleêtrede tradition quele senspratique des chirurgiens anglais soit attiré par les dificultés cliniques que présentent les symptômes locaux de l'hystérie. M. Skey, qui à cet égard s'est fait le continuateur de Brodie, dans une série très intéressante de leçon s sur les formes locales chirurgicales del'hystérie{2), comme il les appelle, décrit avec complaisance la douleur ilia-que ou delà région ovarienne, très commune à son avis, et qui, suivant lui encore, contrairement du reste à la réalité, se rencontrerait surtout dans le côté droit.
Vous savez que, en France, Schutzenberger, Piorry etNégrier ont insisté tout spécialement sur ce symptôme qu'ils rattachent sans hésitation à la sensibilité anormale de l'ovaire.
En Allemagne, Bomberg a,surcepoint, suivi Schutzember-ger ; toutefois, il y a lieu de remarquer que, parmi nos contem-porains, les auteurs allemands, pour la majeure partie, passent à peu prés complètement sous silence tout ce qui est relatif à la douleur hypogastrique. Tels sont, par exemple, Hasse et Valen-tinier. 11 est clair par là que ce symptôme, après avoir joui d'une certaine faveur, en raison sans doute des considérations théori-ques qui s'y rattachent, se trouve aujourd'hui en quelque sorte démodé.
Les symptômes aussi, vous le voyez, ont leur destin \Habent sua fata.. Je ne serais pas étonné que l'influence, d'ailleurs si
1. Brodie. — Lectures illustratives of certain local nervous Affections, 1837. Nous avons fait traduire ces leçons en français par notre ami le Dr Aigre, alors interne de M. Charcot. (B.).
2. P.-C. Skey. — Hysteria..., Local or surgical forms of hysteria, etc., six lectures, etc. London, 1870.
légitime, exercée par le livre de M. Briquet, ne soit pour beau-coup dans ce résultat. Il convient maintenant de voir jusqu'à quel point nous devons suivre cet auteur éminent dans la voie qu'il nous trace.
111.
Ce n'est pas, tant s'en faut, queîjVI. Briquetjff'ait pas reconnu l'existence très fréquente de douleurs abdominales, fixes, chez les hystériques, il a même créé^onmot pour désigner ces dou-leurs —(^œtïalyty, de xoiXoç ventre, et un mot, bien que ce ne soit qu'un mot, c'est déjà quelque chose qui arrête l'esprit. Dans 200 cas d'hystérie sur 430, M. Briquet a rencontré lacœlialgie. Toutefois, je dois vous faire remarquer que, sous ce nom, il comprend à la fois les douleurs de la partie supérieure de l'ab-domen et les douleurs hypogastrique et iliaque ; mais il est convenu que ces dernières comptent parmi les plus communes.
Au premier abord, il semble donc qu'il n'y ait qu'un désaccord apparent entre M. Briquet et ses prédécesseurs. Or, il n'en est rien, et xroici où est l'abîme qui les sépare.
Tandis que MM. Schutzenberger, Piorry et Négrier placent dans l'ovaire le siège principal^ le foyer, pour ainsi dire, delà douleur iliaque, M. Briquet n'y voit qu'une simple douleur musculaire, une myodyniehystérique. Suivant lui : 1° la dou-trëur^am~^iyramidal ou de l'extrémité inférieure du muscle droit a été prise bien à tort pour une douleur utérine ; 2° la douleur de l'extrémité inférieure du muscle oblique répondrait à la pré-tendue douleur ovarique, — telle est la thèse de M. Briquet.
IV.
Recherchons ensemble, Messieurs, sur quel fondement elle repose. Pour arriver à ce but, je vais faire appel aux observa-
lions que j'ai été à même de recueillir dans cet hospice sur une grande échelle. Je vais donc décrire cette douleur telle que j'ai appris à la connaître.
1° ◀Tantôt▶ c'est une douleur vive, très vive même : les mala-des ne peuvent supporter le moindre attouchement, le poids des couvertures, etc. ; elles s'éloignent brusquement, par un mou-vementinstinctif, du doigt investigateur. Joignez à cela un cer-tain degré de gonflement de l'abdomen, et vous aurez l'ensem-ble clinique de la fausse péritonite, — spurious peritonitis des médecins anglais. Il est évident qu'ici les muscles et la peau elle-même sont de la partie. La douleur occupe alors une assez grande étendue en surface, et, partant, il est assez difficile de la localiser. CependantTodd (1), et c'est là une remarque dontj'ai reconnu plursieurs fois l'exactitude, signalent dans certains cas une hyperesthésie cutanée circonscrite à une portion arrondie de lapeau, ayantde2à3poucesdediamèlre. Cette hyperesthésie siégerait en partie dans l'hypogastre, en partie dans la fosse iliaque, et répondrait, selon cetauteur, à la région de l'ovaire.
2° D'autres fois, la douleur n'est pas spontanément accusée ; il faut la chercher par la pression, et, en pareille circonstance, on note les phénomènes suivants: a) la peau est partout anesthésiée ; — frjles muscles, s'ils sont lâches, peuvent être pinces et soulevés sans douleurs ; — c) cette première explora-tion montre que le siège de la douleur n'estpas dans lapeau ni dans les muscles. 11 est par conséquent indispensable de pousser l'investigation plus loin, et, en pénétrant en quelque sorte dans l'abdomen, à l'aide des doigts, on arrive sur le véritable foyer de la douleur .
Cette manœuvre permet de s'assurer que le siège de la dou-leur en question est à peu près fixe, qu'il esl toujours à peu près
1. Todd. — Clinical Lect. nervous System. Lee t. xx, p. 448. London, 1856.
le même : aussi n'est-il pas rare de voir lesmalades le désigner avec une concordance parfaite. Sur une ligne horizontale pas-sant par les épines iliaques antérieures et supérieures, faites tomber les lignes perpendiculaires qui limitent latéralement l'épigastre et à l'intersection des lignes verticales avec l'hori-zontale se trouve le foyer douloureux qu'accusent lesmalades et que la pression, exercée à l'aide du doigt, met d'ailleurs en évidence.
L'exploration profonde de cette région fait reconnaître aisé-ment la portion du détroit supérieur qui décrit une courbe à concavité interne : c'est là un point de repère. Vers la partie moyenne de cette crête rigide, la main rencontrera le plus sou-vent un corps ovoïde, allongé transversalement et qui, pressé contre la paroi osseuse, glisse sous les doigts. Lorsque ce corps est tuméfié, ainsi que cela se présente fréquemment, il peut offrir le volume apparent d'une olive, d'un petit œuf, mais avec un peu d'habitude, sa présence peut être facilement constatée, alors même qu'il reste bien au-dessous de ces di-mensions.
C'est à ce moment de l'exploration que l'on provoque surtout la douleur, et qu'elle se révèle avec des caractères pour ainsi dire, spécifiques. Il ne s'agit pas là d'une douleur banale, car c'est une sensation complexe qui s'accompagne de tout ou partie des phénomènes de Y aura hysterica tels qu'ils se produisent d'eux-mêmes à l'approche des crises, et cette sensation provo-quée, les malades la reconnaissent pour l'avoir ressentie cent fois.
En somme, Messieurs, nous venons de circonscrire le foyer initial de l'aura, et du même coup, nous avons provoqué des irradiations douloureuses vers l'épigastre (premier nœud de l'aura,,dans le langage de M. Piorry) compliquée parfois de nausées et de \romissements;puis,si la pression est continuée, surviennent bientôt des palpitations de cœur avec fréquence
extrême du pouls, e-t enfin se développe au cou la sensation du globe hystérique [deuxième nœud).
En cepoint, s'arrête dans les auteurs la description des/lrra-dilLtTônlTascena l'aura hystérique. Mais,
d'après ce que j'ai observé, rémunération ainsi limitée serait incomplète, car une analyse attentive permet de reconnaître, le plus souvent, certains troubles céphaliques qui ne sont évidem-ment que la continuation de la même série de phénomènes. Tels sont, s'il s'agit, par exemple, de la compression de l'ovaire gauche^ des sifflements intenses qui occupent l'oreille gauche et que les malades comparent au bruit strident que produit le sifflet d'un chemin de fer, une sensation de coups de marteau frappés sur la région temporale gauche, puis, en dernier lieu, une obnubilation de la vue marquée surtout dans l'œil gauche,
Les mêmes phénomènes se montreraient sur les parties cor-respondantes du côté droit, dans les cas où l'exploration por-terait, au contraire, sur l'ovaire droit.
L'analyse ne peut être pousrée plus loin ; car, lorsque les choses en sont à cepoint, laconscience s'affectepiofondément et,dansleur trouble, lesmalades n"ont plus la faculté de décrire ce qu'elles éprouvent. L'attaque convulsive éclate d'ailleurs bientôt, pour peu qu'on insiste.
A part les phénomènes qui ont trait à la dernière phase de l'aura hystérique {phénomènes céphaliques), je viens de vous rappeler, Messieurs, toute la série de phénomènes obtenus dans l'expérience de Schutzemberger, et nous sommes ainsi conduit à reconnaître, avec cet éminent observateur, que la pression du flanc dans la région ovarienne ne fait que reproduire artifi-ciellement la série des symptômes qui se développent sponta-nément chez les malades dans le cours naturel des choses.
Je n'ignore pas que, suivant M. Briquet, l'aura hystérique débuterait, dans l'immense majorité des cas, par le nœud épi-gastrique ; je n'ignore pas non plus que, à l'appui de son asser-
tion, cet auteur cite des chiffres imposants. Mais il ne faut pas toujours courber la tête devant les chiffres, et l'on est en droit de se demander si M. Briquet, qui s'est montré quelque peu sévère à l'égard des ovaristes, ne s'est pas laissé à son four entraîner par quelque préoccupation qui lui aurait fait négliger d'inscrire dans la série des phénomènes de l'aura la douleur iliaque initiale.
Si j'en juge d'après mes propres observations, toujours le point iliaque précède en date, de si peu que ce soit dans le dé-veloppement de l'aura, le point épigastrique, et constitue par conséquent le premier anneau de la chaîne.
V.
Il me reste, Messieurs, à établir que ce point particulier où réside la douleur iliaque des hystériques correspond au siège même de l'ovaire, et j'aurai par là rendu très vraisemblable, sinon démontré d'une façon absolue, que le corps ovalaire, dou-loureux, d'où partent les irradiations de l'aura hystérique spon-tanée ou provoquée, est bien l'ovaire lui-même.
On se fait, en général, je le crois du moins, une idée impar-faite du lieu exact qu'occupé l'ovaire pendant la vie. Lorsque, l'abdomen étant ouvert, les intestins relevés, on trouve dansle petit bassin, derrière l'utérus, en avant du rectum, les annexes de l'utérus flasques, flétries, comme ratatinées, il ne s'agit pas là évidemment d'un état répondant aux conditions vitales ;et il est clair qu'après la mort, les plexus artériels des trompes et des ovaires, dont la richesse et les propriétés érectiles ont été si bien mises en lumière par mon ami le professeur Rouget (de Montpellier), ont depuis longtemps cessé leur rôle. Il ne faut pas oublier, d'un autre côté, que l'ouverture du corps change très certainement les rapports réels des annexes de l'utérus.
Cela est si vrai que, sur les cadavres congelés ( 1 ), l'ovaire occupe une situation moins inférieure, et qui rappelle dans une certaine mesure celle qu'on lui reconnaît chez le nouveau-né. Sur cette coupe, empruntée à l'atlas de M. Legendre, coupe pratiquée perpendiculairement au grand axe du cadavre d'une femme de 20 ans, supposé couché, et qui passe à2 centimètres au-dessus du pubis, vous voyez un des ovaires coupés en deux, tandis que l'autre est resté au-dessus de la surface de section ; d'après cela, chez la femme r.dulte, l'ovaire serait situé à la hauteur et même un peu au-dessus du détroit supérieur, débordant avec la trompe vers les fosses iliaques. Ce résultat concorde de tous points avec celui que donne la palpation pratiquée pendant la vie. J'ajou-terai que si, un cada\rre reposant sur la table d'autopsie, au niveau du point correspondant à celui où nos hystériques accu-sent la douleur iliaque, on enfonce, d'avant en arrière et de haut en bas une longue aiguille, on a grand' chance—je m'en suis assuré plusieurs fois, de transfixer l'ovaire.
Cette situation de l'ovaire paraît d'ailleurs avoir été implici-tementreconnueparM. ieD1' Chéreaudans ses excellentes lVw-des sur les maladies de l'ovaire (2), lorsqu'il dit que chez les femmes, dont les parois abdominales ne sont pas trop résistan-tes, on peut reconnaître la tuméfaction ou même seulement la sensibilité de l'ox^aire. L'introduction du doigt par le rectum ne serait, d'après notre auteur, un moyen d'exploration supé-rieur que dans les cas où la paroi abdominale oppose des obs-tacles insurmontables.
Messieurs, après toutes les explications dans lesquelles je viens d'entrer, je crois pouvoir conclure que c'est bien à Vovaire à / ovaire seul, qu'il faut rapporter la douleur iliaque
1. E.-Q. Legendre. — Anatomie chirurgicale homolographique, etc., pl. X, Paris, 1858. Paris, 1841,
fixe des hystériques. A la vérité, à do certaines époques, et dans les cas intenses, la douleur, par un mécanisme que je n'ai pas à indiquer pour le moment, s'étend jusqu'aux muscles, à la peau elle-même, de manière à satisfaire à la description de M. Briquet; mais je ne saurais trop le répéter, ainsi limitée aux phénomènes extérieurs, la description serait incomplète, et le véritable foyer de la douleur resterait méconnu.
VI.
11 conviendrait de rechercher maintenant quel est l'état anatomique de l'ovaire, dans le cas où il devient le siège de la douleur iliaque des hystériques. Sur ce point, dans l'état actuel des choses, nous ne pouvons malheureusement vous donner que des renseignements assez vagues. Il existe parfois une tuméfaction plus ou moins prononcée de l'organe, ainsi que cela avait eu lieu dans le fait d'ovarite blennorrhagique rapporté dans le mémoire de M. Schutzenberger. Mais c'est là une circonstance plutôt exceptionnelle, et il importe de remar-quer que l'inflammation commune de l'ovaire peut exister avec tous ses caractères, sans que les irradiations décrites plus haut surviennent, soit spontanément, soit sous l'influence des provocations. M. Briquet n'a pas failli à faire ressortir cette circonstance, et, cette fois, il était parfaitement dans son droit. Il faut donc reconnaître hautement que toute inflam-mation ovarienne n'est pas indistinctement propre à provo-quer le développement de Faura hystérique. Le gonflement ovarien chez les hystériques fait parfois complètement défaut ; d'autres fois, il est peu prononcé, et il paraît assez vraisem-blable que la tuméfaction dont l'ovaire est le siège, en pareil cas, résulte d'une turgescence vasculaire analogue à celle qui se montre à la suite de certaines névralgies. L'anatomie patho-
logique ne nous a fourni, jusqu'ici, aucune donnée positive à cet égard : on pourra donc, quant à présent, désigner indiffé-remment l'état de l'ovaire dont il s'agit, sous les noms à'hyper-kinésie (Swediaur), (Yovaralgie (Schulzenberger), (Yovarie (Négrier), car peu importe le nom, eu définitive, lorsque le fait est bien constaté.
Vil.
L'ovaire étant accepté pour point de départ de l'aura hysté-rique — au moins dans un groupe de cas — il n'est pas sans intérêt démontrer actuellement qu'une relation importante, en quelque sorte intime, existe entre ta douleur ovarienne et les autres accidents de l'hystérie locale.
Vous pouvez reconnaître, en effet, Messieurs, chez les ma-lades que je vous présente, une concordance remarquable du siège de la douleur iliaque et du mode de localisation des symptômes concomitants. Je ne reviendrai pas sur les phéno-mènes céphaliques de l'aura qui, ainsi que je vous le faisais remarquer tout à l'heure, s'accusent du même côté que la dou-leur ovarienne : je me bornerai à faire ressortir que l'hémia-nesthésie, la parésie et la contracture des membres occupe-ni le côté gauche, lorsque Yovarie siège à gauche, et inversement lorsqu'elle siège à droite. Je vous ferai remarquer aussi que, quand la douleur ovarienne siège à la fois adroite et à gauche, les autres accidents se montrent bilatéraux, prédominant tou-tefois du côté où la douleur iliaque est le plus intense.
A plusieurs reprises, nous avons assisté chez quelques-unes de nos malades à un brusque changement de siège de la dou-leur ovarienne, entre autres, chez la nommée Ler... Lorsque chez cette femme l'ovarie venait à prédominer du côté gauche
les symptômes céphaliques de l'aura, la contracture des mem-bres, etc., offraient temporairement leur maximun de déve-loppement de ce même côté, pour prédominer ensuite du côté droit, alors que l'ovaire droit se montrait de nouveau le plus douloureux.
Il ne faut pas oublier que lovaralgie paraît être un phéno-mène constant, permanent par excellence, dans la forme d'hys-térie qui nous occupe, de telle sorte que, jointe à quelque autre indice de la même catégorie, elle pourra vous conduire sur la voie du diagnostic dans les cas difficiles.
VIII.
Il me reste, Messieurs, à entrer dans l'exposition de faits qui seront peut-être considérés par vous comme la partie la plus saillante de cette étude. Ces faits, en réalité, sont de nature, si je ne me trompe, à mettre encore davantage en relief le rôle vraiment prédominant de lovaralgie dans l'une des formes de l'hystérie.
^émmmmmm
Vous xrenez de voir comment la compression méthodique de l'ovaire peut déterminer la production de l'aura, ou même par-fois de l'accès complet. Je veux essayer de vous démontrer maintenant qu'une compression plus énergique est capable d'enrayer le développement de l'accès lorsqu'il en est à son début ou même d'y couper court, lorsque déjà l'évolution des accidents convulsifs est plus ou moins ax^ancée. C'est du moins ce que vous pourrez observer très nettement chez deux des ma-lades que j'ai mises sous vos yeux. — Chez elles, l'arrêt déter-miné par la compression,lorsque celle-ci a été convenablement pratiquée, est total, définitif. Chez deux autres, cette manœuvre modifie seulement les phénomènes de l'accès, à un degré va-riable, sans en amener toutefois la cessation. Et veuillez bien
remarquer qu'il ne s'agit pas, chez elles toutes, de l'hystérie convulsive commune, vulgaire, si je puis m'exprimer ainsi, mais bien de l'hystérie convulsive considérée dans son type unanimement re onnu comme le plus grave, je veux parler de 1 liystéro-pp ile\ « ie.
Supposons que, chez l'une de ces femmes, l'accès vienne d'éclater. La malade est tombée à terre tout à coup, en pous-sant un cri: la perte de connaissance est complète. La rigidité tétanique de tous les membres qui, en général, inaugure la scène, est poussée à un haut degré; le tronc est fortement recourbé en arrière, l'abdomen proéminent, très distendu et très résistant.
La meilleure condition, pour une démonstration parfaite des effets de la compression ovarienne, en pareil cas, est que la malade soit étendue horizontalement sur le sol, ou, si cela est possible, sur un matelas, dans le décubitus dorsal. Le médecin, alors, ayant un genou en terre, plonge le poing fermé dans celle des fosses iliaques que, l'observation. antApipnrp )ui aura déjajmtcéJitxeifiusiÈge habituel de la douleur ovarienne.
Tout d'abord, il lui faut faire appel à toute sa force, afin de vaincre la rigidité des muscles de l'abdomen. Mais, dès que celle-ci une fois vaincue, la main perçoit la résistance offerte par le détroit supérieur du bassin, la scène change, et la réso-lution des phénomènes convulsifs commence à se produire.
Des mouvements de déglutition plus ou moins nombreux, et parfois très bruyants, ne tardent guère à se manifester; la conscience alors presque aussitôt se réveille, et à cet instant, ◀tantôt▶ la malade gémit et pleure, criant qu'on lui fait mal, — tel est le cas de^Marc...^— ◀tantôt▶, au contraire, elle accuse un soulagement, dont elle témoigne sa reconnaissance: — « Ah !
c'est bien! cela fait du bien! » s'écrie toujours, en pareille
-------------—_—*—~.
circonstance, la nommée ^ren_e_viè;y^
Le résultat, quoi qu'il en soil, est en somme toujours le
mémo, et pour peu que vous insistiez sur la compression, pen-dant deux, trois ou quatre minutes, vous êtes àpeu près assurés que tous les phénomènes de l'accès vont se dissiper comme par enchantement. Vous pourriez, d'ailleurs, varier l'expérience, et, à\rotre gré, en suspendant un moment la compression pour la reprendre, arrêter l'accès ou le laisser se reproduire, en quelque sorte, autant que \rousle voudriez.
Une fois qne l'on a définitivement triomphé delà résistance, très sérieuse du reste, qu'offrent toujours, à l'origine, les pa-rois abdominales, il n'est pas nécessaire d'user de toutes ses forces et l'application des deux premiers doigts de la main sur le siège présumé de l'ovaire suffit pour obtenir l'effet désiré. Toutefois, la manœuvre, surtout si elle doit être prolongée durant quelques minutes est toujours assez fatigante pour l'opérateur. J'ai songé à la modifier. Peut-être pourrait-on avoir recours au sac rempli de grains de plomb que M. Lanne-longue a mis en usage dans un autre but, ou encore à l'ap-plication d'un bandage approprié (1): c'est une question àétu-dier. Quant à présent, les personnes du services,au courantdu procédé, le mettent journellement en pratique chez lesmalades auxquelles il est réellement utile.
IX.
11 est assez singulier, Messieurs, qu'un procédé dont l'exécu-tion est aussi simple, et qui, incontestablement, peutrendre des services réels, soit tombé, comme il l'est de nos jours, en dé-suétude complète. Ainsi que je vous l'ai laissé pressentir, l'in-vention de ce procédé, tant s'en faut, ne m'appartient pas ; peut-
1. Sur les indications de M. Charcot el sur les nôtres, M. Poirier a imaginé im^on)coiiipreiiseur de V ovaire (l'royrès m éd., 1878, p. 393). Note de la 4e éd. (B.).
ôlre remonte-t-elle aux temps les plus antiques ; toujours est-il qu'elle est certainement antérieure au xvi° siècle. Voici d'ail-leurs ce que quelques recherches, faites un peu à la hâte,, parmi les livres les plus poudreux, et par conséquent les moins fré-quentés de ma bibliothèque, m'ont appris à ce sujet.
I^WilliSy-dès le xvn" siècle, dans son Truite des maladies con-cùtsfves (1), s'exprimait ainsi qu'il suit: « Il est certain, dit-il que le spasme convulsif qui vient du ventre est arrêté et qu'on l'empêche de monter au cou et à la tête, par une compression def abdomen, faiteàl'aide des bras enlacés autour du corps, ou à l'aide de draps bien serrés. » 11 raconte ailleurs être parveuu lui-même à arrêter un accès, par une pression énergique, exé-cutée avec les deux mains réunies sur le bas-ventre. Mais déjà Mercado (1513) avait depuis longtemps conseillé les frictions sur le ventre,dans le but de réduire la matrice, qu'il supposait se déplacer, suivant la doctrine ancienne (2). Un de ses compatriotes Monardès,procédait,paraît-il,plus résolument (3) : ilplaçait,pen-dant l'accès, sur le ventre des malades, une grosse pierre.
Il ne parait pas, toutefois, que cette pratique se soit beaucoup répandue;je ne la vois, en effet, mentionnée ni dans Laz. Ri-vière, ni dans F. Hoffmann. Boerhaave, seul, au commence-ment du xvme siècle, insiste de nouveau sur la compression de l'abdomen dans l'attaque hystérique ; elle doit être produite, suivant lui, à l'aide d'un coussin, fortement serré par des draps placés entre les fausses côtes et la crête iliaque. On sou-lage ainsi, dit-il, presque à cour sûr les malades, pourvu que la sensation du globe n'ait pas encore dépassé le diaphragme(4).
1. XVillis. — De morbis convulsivis, t. II, p. 34.
2. D.-L. Mercalus. — Opéra, lit. III. — De virginum et viduarum affeclio-nïbus. p. 546. Francfort, 1620.
3. Négrier. — Recueil de faits pour servir à l'histoire des ovaires el des affections hystériques de la femme. Angers, 1858, p. 168, 169,
4- Van Swietcn. — Comm., t. III, p. 417.
Dans les temps modernes, Récamier, remettant en honneur cette méthode, comme vous le voyez déjà fort ancienne, plaçait sur le ventre des malades un coussin sur lequel un aide venait s'asseoir. Son exemple n'a guère été suivi, que je sache, que par Négrier, directeur de l'École de médecine d'Angers, dont le Recueil de faits pour sertir à l'histoire des ovaires et des affections hystériques chez la femme, publié en 1858, ne paraît pas avoir eu d'ailleurs un bien grand retentissement. Le procédé de Négrier est plus méthodique que celui mis en œuvre par ces prédécesseurs; c'est l'ovaire qui, dans la compression, devient pour lui le point de mire. « Une forte et large pression, exercée par l'intermédiaire de la main sur la région ovarienne, suffit, dit Négrier, dans plusieurs cas pour enrayer et supprimer complètement l'attaque con-vulsive. »
Mais laissons pour un instant de côté la pratique régulière, et recherchons quels ont été les procédés à l'aide desquels dans certaines épidémies hystériques célèbres, les assistants por-taient secours aux convulsionnaires. Parmi ces moyens de se-cours mis en œuvre, nous trouvons signalée une pratique fort curieuse à étudier, et dont Pidée première, selon toute vraisem-blance, aura dû être suggérée par quelque convulsionnaire. Je veux parler de la compression du ventre. 11 est, en effet, des hystériques qui, en proie aux premiers tourments de l'aura, mettent instinctivement d'elles-mêmes en action la compres-sion ovarienne. Tel est le cas, par exemple, d'une de nos malades, la nommé Gen..., dont je vous ai déjà entretenu. 1 Cette femme a pris depuis longtemps l'habitude d'arrêter le développement de ces accès par la compression de l'ovaire gauche ; elle y réussit le plus souvent lorsque l'invasion du mal n'a pas été par trop rapide. Dans le cas contraire, elle fait ^
appel aux assistants et les prie de l'aider dans cette manœuvre.
Examinons d'un peu plus près ces faits empruntés à l'histoire des épidémies convulsives : il y a là matière à une étude rétros-pective cpii rijfist pas iSans intérêt.
Le savant Hecker, parlant des individus atteints de la danse de Saint-Jemr(f)', dit qu'ils se plaignaient fréquemment d'une grande anxiété épigastrique et demandaient qu'on leur compri-mât le ventre avec des draps.
Mais, c'est surtout l'épidémie, dite de Saint-Médard, qui nous fournit sur ce sujet les~"docutnents les plus intéressants. Vous n'ignorez pas comment elle survint, alors que l'exaltation reli-gieuse des jansénistes, persécutés à propos de la huile Unirje-nitus, était portée à son comble. L'épidémie qui prit naissance sur le tombeau du diacre Paris, mort en 1727, a présenté deux périodes bien distinctes (2).
La première a été remarquable surtout — du moins à notre point de vue — par la guérison d'un certain nombre de ma-lades, parmi lesquels figurent plusieurs cas bien avérés de con-tracture permanente des hystériques (3) ; dans la seconde, ont prédominé des conxmlsionsplusou moins singulières,mais qui, en somme, ne diffèrent en rien d'essentiel de celles qui appar-tiennent à l'hystérie lorsqu'elle revêt la forme épidémique. Or, c'est à ce moment-là qu'apparaît, dans l'épidémie de Saint-Mé-dard, la pratique des secours.
En quoi ces secours consistaient-ils? Pour la plupart des cas il s'agissait là de manœuvres ayant pour but de déterminer une
1. Hecker. — Danse de Saint-Jean, à Aix-la-Chapelle. 137-4. — Epidémie de Saint-Witt, à Strasbourg, 1438.
2. Carré de Montgeron, loc. cil.
3. Bourneville et Voulet. — De la contracture hystérique permanente ; appréciation scientifique des miracles de saint Louis à Saint-Denis el des miracles de Saint-Médard, p. 7-17, etc., Paris, 1872.
forte compression de l'abdomen ou de le frapper violemment à l'aide d'un instrument ou d'un objet quelconque. Ainsi, il y "l avait : 1° le secours administré à l'aide d'un pesant chenet dont on frappait le ventre à coups redoublés ; 2° le secours dit du pilon, qui ne s'éloigne guère du précédent ; 3° dans un autre cas, un homme joignait les deux poings et les appuyait de toutes ses forces sur le ventre de la convulsion naire, et, pour mieux faire encore, il appelait d'autres hommes à son aide; 4° trois, quatre ou même cinq personnes montaient sur le corps de la malade ; — une convulsionnaire, appelée par ses correli-gïonnaires sœur Margot, affectionnait plusparticulièrement ce mode de secours ;,5° ilest un cas, enfin, oùl'on disposait de lon-gues bandes que l'on tirait fortement à droite et à gauche, afin de comprimer l'abdomen. — Ces secours, quelque fût d'ailleurs leur mode d'administration, étaient toujours, paraît-il, suivis d'un grand soulagement.
Hecquet, médecin de l'époque, no voulait voir dansées con-vulsions, rapportées par d'autres à une influence divine, qu'un phénomène naturel, — et en cela, il avait parfaitement raison. Mais je ne puis plus être de son avis, lorsque dans son livre in-titulé : Du naturalisme des convulsions, il prétend que les secours n'étaient autres que « des pratiques dictées par la lu-bricité ». Je ne vois pas trop, pour mon compte, ce que la lubri-cité pouvait avoir àfaire avec ces coups de chenet et de pilon, administrés auec une extrême violence, bien que je n'ignore pas ce qu'est capable d'enfanter, dans ce genre, un goût dé-pravé. Je crois qu'il est beaucoup plus simple et beaucoup plus légitime d'admettre que les secours, — à parties amplifica-tions suggérées par l'amour de la notoriété, — répondaient à une pratique tout empirique, et dont le résultat était de pro-duire un amendement réel dans les tourments de l'attaque hystérique.
Charcot. Œuvres complètes, r. i. 22
X.
Vous avez certainement saisi, Messieurs, les analogies qui existent entre cet arrêt des convulsions hystériques ou hystéro-épileptiques, déterminé par la compression de l'abdomen et l'arrêt qu'on obtient quelquefois des convulsions par la com-pression ou la ligature des membres d'où partent, en pareil cas, les phénomènes de l'aura ; et c'est ici peut-être le lieu de vous rappeler qu'une brusque flexion du pied fait cesser tout à coup, ainsi que l'a montré M. Brown-Séquard, la trépidation convulsive deVépilepsie spinale, observée dans certains cas de myélite.
Vous n'ignorez pas qu'en pathologie expérimentale ces faits cliniques trouvent jusqu'à un certain point leur interprétation. Je ne puis entrer dans les détails pour le moment ; qu'il me suffise de vous remettre en mémoire que, chez lesanimaux.de nombreuses expériences mettent en évidence la suspension de l'excitabilité réflexe de la moelle épinière par le fait de l'irrita-tion des nerfs périphériques.
Ainsi, l'expérience de Herzen nous montre que chez une gre-nouille décapitée, c'est-à-dire placée dans une condition excel-lente pour exalter à son maximum l'excitabilité réflexe de la moelle, si cette partie des centres nerveux est irritée dans sa partie inférieure, il sera impossible, tant que l'excitation sub-sistera, de mettre en jeu l'excitabilité des membres supérieurs. Et, inversement, si chez une grenouille préparée de la même façon, vous entourez d'un lien fortement serré les membres supérieurs, tant que la ligature persistera, l'excitation des membres inférieurs ne sera pas suivie de mouvements réflexes. C'est du moins ce que démontre une expériencede Lewisson.
Toujours est-il que si ces faits expérimentaux sont d'une analyse plus facile, ils ne sont pas encore, dans l'état actuel de la science, plus aisément explicables que les phénomènes cor-respondants observés chez l'homme.
XI.
Je ne puis insister plus longuement, car le temps mepresse. J'aurais voulu cependant vous montrer Fintérêt qu'il y a, au point de vue pratique, àsuprimer les accès d'hystérie grave ou à en modérer, tout au moins, l'intensité. Mais ce côté de la question sera plus convenablement mis en lumière quand j'aurai fait ressortir, dans une des prochaines séances, lesconséquences qu'entraîne la répétition des accès, ou autrement dit Y état de mal hystéro-êpileptique. Je me bornerai, quant à présent, à formuler ainsi qu'il suit les conclusions de la présente étude :
La compression énergique deV ovaire douloureux n'apas d'influence directe sur la plupart des symptômes permanents del'hystérie, tels que contracture, paralysie, hémianesthé-sie, etc. ; mais elle a une action souvent décisive sur l'attaque convulsive dont elle peut diminuer l'intensité et, parfois même, déterminer l'arrêt.
XII.
Je dois en terminant, Messieurs, faire passer devant vos yeux les malades que j'ai eues surtout en vue dans la description qui précède, et faire ressortir les particularités les plus saillantes qu'elles offrent à l'observation.
Cas I. —(MarcT^)2*1 ans, atteinte d'hystéro-épilepsie depuis l'âge de 16 ans. On ne sait trop à quelle cause il faut, chez elle rattacher l'affection. Quoi qu'il en soit, au point de vue de l'hysférielocale, elle nous offre : une hémianesihésie, deVova-rie, de la parésie, tout cela du côté gauche. Elle est, de plus, sujette à des vomissements fréquents et a présenté deYachro-matopsie de l'œil gauche.
Les attaques sont précédées par une aura caractéristique ; les phénomènes prodromiques partent de l'ovaire gauche et les symptômes céphaliques sont très accusés. Quant aux attaques elles-mêmes, elles se composent de trois périodes : a) convul-sions tétaniformes, épileptiformes, écume; — b) grands mouve-ments du tronc et des membres inférieurs (période des contor-sions) ; dans ce temps la malade prononcedesparoles bizarres, et paraît être en proie à un délire sombre ; — e) pleurs, rires, annonçant la fin de l'accès. Chez elle, on détermine un arrêt prompt et absolu de tous les phénomènes par la compression de l'ovaire gauche (1).
Cas II. —(Cot...p 21 ans, a vu l'hystérie débuter à 18 ans. Les mauvais traitements qu'elle subissait de lapartde son père, adonné aux excès de boisson, et plus tard la prostitution, ont sans doute exercé une certaine action étiologique. L'hystérie locale, ici. est encore plus marquée que dans le premier cas. Nous avons à observer adroite une hémianesthésie, une dou-leur ovarienne, une contracture permanente, avec trépida-tion du membre inférieur.
L'attaque s'annonce par une aura bien nette, partant de l'ovaire droit et se terminant par des symptômes céphaliques
1. \Toir l'observation complète de Marc... dans Bonrncville et Regnard. — Iconogr. photogr. delà Salpétrière. t. I, p. 108-145. (Note de la 4° éd.). —Voir aussi le t. III du même ouvrage (p. 93^ où se trouve la (in de cette observation et l'autopsie.
très évidents. Les convulsions, surtout toniques, se compliquent d'accidents épileptiformes; C... se mord la langue, écume, etc. La période des contorsions vient ensuite et est très accentuée. Souvent l'attaque se termine par des mouvements de bassin, avec constriction laryngée, pleurs, urines abondantes. Chez elle, aussi, la pression ovarienne modère l'intensité des phéno-mènes de l'accès sans toutefois l'arrêter. Dans les premiers mois de l'année, cette malade a été atteinte d'un état de m cil hystéro-épileptique sur lequel nous reviendrons clans une prochaine leçon (1).
Cas 111. -^JLegr... Geneviève)cst née à Loudun ; singulière coïncidence! C'est, vous le savez, le pays où s'est passé le triste drame dont Urbain Grandier a été la victime.
Geneviève est âgée de 28 ans; l'hystérie date de l'époque de la puberté. Parmi les symptômes permancnls de l'hystérie locale, nous observons chez elle une hémianesthésie gauche, bien accusée, une douleur ovarienne gauche avec une tumeur facile à constater; enfin un état mental bizarre.
L'aura est très caractérisée, et, ce qui prédomine, ce sont les palpitations cardiaques et les symptômes céphaliques. En ce qui concerne les attaques elles-mêmes, elles se divisent en trois périodes: 1° convulsions épileptiformes, écume et stertor; — 2° puis, grands mouvements des membres et de tout le corps;
— 3° enfin, période de délire, pendant laquelle elle raconte tous les événements de sa vie, à la fin des grands accès.
Parfois la malade, dans cette dernière phase, a des hallucina-tions : elle voit des corbeaux, des serpents ; de plus, elle s'aban-donne à une sorte de danse, et alors elle nous offre, à l'état embryonnaire pour ainsi dire et sous la forme sporadique, un spécimen de ces danses du Moyenâge décrites sous le nom d'épi-
1. Voir l'observation complète de cette malade dans: Bourneville et Voulet,
— De la contracture hystérique permanente, Obs, yju, p, 41,
démies saltatoires, A ce propos,, je vous ferai remarquer que certains cas d'hystérie, constituant en quelque sorte des varié-tés dans l'espèce, présentent à l'état rudimentaire les diverses formes convulsives qui se montrent à un degré beaucoup plus accentué dans les épidémies, C'est du reste là un point qu'a parfaitement développé Valentiner dans son intéressant travail sur l'hystérie (i).
Chez Geneviève, la compression de l'ovaire détermine un arrêt, pour ainsi dire soudain de l'attaque. Elle se rend nette-ment compte de cette influence, car elle-même essaie de com-primer la région qui donne naissance à l'aura ou, lorsqu'elle n'y peut parvenir, elle réclame, ainsi que nous l'avons déjà dit, le secours des assistants (2).
Cas IV. — Ler..., âgée de 48 ans, est une malade bien con-nue de tous les médecins qui depuisolus. de20 ajnsont fréquenté cet hospice à divers titres. C'est, en d'autres termes, un cas célèbre dans les annales de l'hystéro-épilepsie. Vous trouverez relatée, dans la thèse de M. Dunant (de Genève), la première partie de son histoire. Ler^.. a cessé d'être réglée^jLy, a .quatre ans, et malgré cela, les accidents nerveux persistent. Nous vous faisions reconnaître, tout à l'heure, dans Geneviève, le taren-£££f£^^2H™^û-â^Ilê Ç t. ruidim e ri tai r e ; JLrejr^ estjjn e démoniaque, ^^ossédée ; ou encore elle présente l'image à peine affaiblie d'une de ces femmes qu'on nommait Jerkers dans les Camp-meetings méthodistes et qui offraient dans leurs crises les attitudes les plus ^*ayante|!) ^Voy. Fig. 19, 20 et 21.)
L'origine vraisemblable des accidents nerveux chez Ler..., mérite d'être signalée. Elle a eu, comme elle le dit, une série cle
1. Valentiner ((Th.). — Die Hystérie ujnd ihre Heilung. Voir l'extrait publié dans les numéros de juin 1872 du Mouvement médical.
2. Nous avons publié l'observation de Geneviève dans l'Iconographie photogra-phique de la Salpêtrière, tomeI,:p. 48-90; t. II, p. 202-208.
^m^. 1° à 11 ans, elle a été épouvantée par un chien enragé; 2° à 16 ans, elle a été saisie d'effroi à la vue du cadavre d'une femme assassinée; 3° à 16 ans, nouvelle frayeur déterminée par
Fig. 19. —Attitude de Ler... pendant l'attaque : période des contorsions. (Fac-similé d'un croquis fait d'après nature).
des voleurs qui, aumoment où elle traversait un bois, se pré-cipitèrent sur elle pour lui enlever l'argent qu'elle portait.
L'hystérie locale se compose, chez elle, d'une hémianesthé-sie,d'ovarie, de parésie et par moments de contracture des
membres supérieurs et inférieurs, occupant le côté droit. Par-fois les phénomènes envahissent le côté gauche, et, alors, con-
Fig. 20. — Attitude de Lér... pendant l'attaque : période des contorsions. (Fac-similé d'un croquis fait d'après nature).
formément à notre description, se présente uneovarie double, avec anesthésie double, etc.
Les attaques, qui s'annoncent par une aura ovarique bien caractérisée, sontmarquées d'abord par des convulsions épilep-
tiformes et télaniformes; après quoi se produisent de grands mouvements, à caractère intentionnel, dans lesquels la malade, prenant les poses les plus effrayantes, rappelle les attitudes que l'histoire prête aux démoniaques. [Période des contorsions (Fig. 19,20 et 21.)] A ce moment de l'allaque, elle est en proie
Fig. 21. — Attaque hystéro-épileptique. —Période des contorsions. (Dessin fait par M. P. iticher, d'après un croquis de M. Charcot).
à un délire qui roule évidemment sur les événements qui pa-raissent avoir déterminé les premières crises : elle adresse des invectives furieuses à des personnes imaginaires : « Scélé-rats ! voleurs ! brigands ! Au feu ! au feu ! Oh! les chiens! on me mord! » autant de souvenirs, sans doute, des émotions de la jeunesse.
Lorsque la partie convulsive de l'accès est terminée, il sur-vient en règle générale ; 1° des hallucinations de la vne ; la ma-
lade voit des animaux effrayants, des squelettes, des spectres; 2° une paralysie de la vessie ; 3° une paralysie du pharynx ; 4°enfin, une contracture permanente plus ou moins prononcée de la langue.
Ces derniers accidents rendent parfois nécessaires pendant plusieurs jours le cathétérisme vésical et l'alimentation par la sonde œsophagienne.
La compression de l'ovaire, chez Ler..., est presque de nul effet sur les convulsions (1).
Cas V. — Vous connaissez déjà cette malade ; il s'agit d Et-chev..) qui nous a fourni les éléments de notre leçon sur l'is-churie hystérique (2). Nous relevons encore, dans ce cas, une hémianesthésie, de Yachromatopsiefde la contacture et de Yovarie à gauche. Les attaques sont surtout tétaniformes, to-niques. Nous n'avons pas eu, jusqu'ici, l'occasion d'essayer chez elle l'influence de la compression ovarienne sur les con-vulsions (3).
1. Nous avons publié l'observation complète de cette malade dans le Progrès médical (Nos 16-33, 1874), et dans nos Recherches cliniques el thérapeut. sur l'épilepsie et l'hystérie, p. 116-150. (B.)
2. Voir Leçon IX, p. 275.
3. Outre le compresseur de l'ovaire de M. Poirier, nous devons citer le compresseur de M. Ch. Péré (Progrès médical, 1881, p. 941) et celui de M. G. Ballet.
DOUZIÈME LEÇON
De la contracture hystérique.
Sommaire. — Formes de la contracture hystérique. — Description de la l'orme hémiplégique: analogies et différences entre la contracture hysté-rique et celle qui dépend d'une lésion en foyer du cerveau. — Exemple de la forme pjn^ajD.hégicnie de la contracture hystérique.
Pronostic. — Soudaineté de la guérison dans quelques cas. — Interpré-tation scientifique de certains fait réputés miraculeux. — Incurabilité de la contracture chez un certain nombre d'hystériques. — Exemples. — Lésions anatomiques. — Sclérose des cordons latéraux. — Variétés que présente la 'contracture. — Pied bot hystérique.
Messieurs,
Dans son traité fondamental sur l'hystérie, M. Briquet, bien qu'il n'accorde pas à l'histoire de la contracture permanente dont un ou plusieurs membres, chez les hystériques, peuvent être atteints, tout le développement qu'à mon sens elle com-porte, trace cependant avec une grande sûreté de main les traits les plus saillants de ce symptôme. C'est là, écrit-il, une com-plication rare. Il ne l'avait, en effet, rencontrée que six fois à l'époque où il a publié son ouvrage. Dans un cas, la contrac-ture occupait un seul membre; dans deux autres, elle se pré-sentait sous une forme hémiplégique, etdans les trois derniers, elle revêtait la forme paraplégique. Il est parfaitement exact que la contracture hystérique peut offrir tous ces aspects. Vous allez, du reste, vérifier le fait par vous-mêmes, car je suis assez heureux pour pouvoir faire passer sous vos yeux deux malades qui présentent l'une la forme hémiplégique, l'autre la forme
paraplégique de la contracture hystérique. Nous sommes ainsi mis à même de vous faire loucher du doigt les particularités
Fig. 22. — Contracture du membre supérieur gauche.
les plus intéressantes relatives à cette manifestation singu-lière de l'hystérie.
I.
Etch..^aujourd'hui âgée de 40 ans, est atteinte depuis vingt mois d'hémiplégie gauche. Vous voyez le membre supérieur
de ce côté dans la demi-flexion (/'?//. 22); il est le siège d'une rigidité considérable, ainsi qu'en témoignent la difficulté que l'on éprouve à exagérer la flexion et l'impossibilité d'obtenir l'extension complète (1).
Le membre inférieur gauche est dans l'extension ; ses di-verses parties sont, pour ainsi dire, dans une attitude forcée : la cuisse est fortement étendue sur le bassin, la jambe sur la cuisse ; le pied offre la déformation du pied bot équin taras le plus prononcé. En outre, les muscles adducteurs de la cuisse sont, eux aussi, fortement contractures. En somme, toutes les jointures sont également rigides, et le membre, dans son en-semble, forme comme une barre inflexible, car, enle saisissant par le pied, vous pourriez soulever tout d'une pièce la partie inférieure du corps de la malade. J'insiste sur cette attitude du membre inférieur, parce qu'elle est très rare dans l'hémiplégie liée à l'existence d'une lésion cérébrale en foyer, et qu'elle est, au contraire, pour ainsi dire la règle dans la contracture hysté-rique. Dans ce dernier cas, la flexion permanente de lacuisse et de la jambe, si j'en juge d'après mes observations, est un fait réellement exceptionnel.
Il s'agit là d'une contracture permanente dans l'acception rigoureuse du mot ; je me suis assuré qu'elle ne se modifie en rien pendant le sommeil leplus profond ; elle ne subit pas dans la journée, d'alternatives d'aggravation et de rémission. Seul, le sommeil provoqué par le chloroforme la fait disparaître pour peu que l'intoxication ait élé poussée un peu loin.
Bien que chez notre malade la contracture hémiplégique date, je le répète de près de deux ans, vous voyez que la nutrition des muscles n'a pas souffert sensiblement. J'ajouterai encore que la contractilité électrique est resiée à peu près normale.
2. Aujourd'hui juillet 1873), la. contracture des membres gauches, chez E... se retrouve avec tous les caractères qu'elle offrait à l'époque où la présente leçon a élé faite, c'est-à-dire en juin 1870. — \Toir la note de la page 358.
Je vous ferai remarquer, en passant, qu'en redressant forte-ment la pointe du pied, on détermine dans le membre inférieur une contracture avec trépidation qui persiste quelquefois peu dant longtemps, alors que le pied, abandonné à lui-môme, a repris son attitude primitive.Vous savez que cettemême.trépida-tionfse rencontretrèsjhabituellementdans|la paralysie avec con-tracture, liée à une lésion organique spinale, lorsque, par exemple, les cordons latéraux sont sclérosés ; mais je l'ai observée également dans nombre de cas où la contracture hystérique s'est terminée tout à coup par là guérison. Vous voyez par là que ce phénomène n'a pas, au point de vue du diagnostic anatomique, une valeur absolue (1).
1. Dès 1868, dans mes leçons de la Salpêlrière, j'ai appelé l'attention sur le tremblement particulier qui, chez certains sujets atteint de paralysie ou seule-ment de parésie des membres intérieurs, se produit dans le pied lorsque, saisis-sant avec la main l'extrémité de celui-ci, on le redresse brusquement. (X7oir P. Dubois. Études sur quelques points de l'ataxie locomotrice progressive. Thèse de Paris, 1868.)
La trépidation ainsi provoquée s'arrête, en général, aussitôt qu'on cesse de maintenir le pied dans la flexion dorsale ; elle persiste cependant quelquefois un peu après. Limitée au pied dans beaucoup de cas, elle s'étend souvent au mem-bre tout entier et se propage même quelquefois au membre inférieur de l'autre côté. Dans le cas où le tremblement dont il s'agit peut être provoqué par la ma-nœuvre indiquée plus haut, il se manifeste fréquemment aussi, soit spontanément du moins en apparence, soit sous l'influence des mouvements que fait le malade pour se dresser dans son lit, pour en descendre et mettre le pied à terre, ou encore pour marcher.
La trépidalionprovoquée ou spontanée l\i\)led se montre dans les circonstances variées, oùles faisceaux latéraux de la moelle épinière sont devenus, dans une certaine étendue, le siège d'un travail lent de prolifération conjonctive. Ces con-ditions sont, on le voit, les mômes que celles, où, plus tardivement que le trem-blement, se produit la, contracture permanente. Ainsi, la trépidation spontanée ou provoquée, soitlimitée au pied, soit généralisée, s'observe dans la sclérosesy-métrique des cordons latéraux, dans la sclérose enplaques, toutes les fois que les foyers spinaux occupent les faisceaux latéraux dans une étendue de plusieurs cen-timètres en longueur; on les observe lorsque la sclérose descendante s'est établie consécutivement à la compression de la moelle, déterminée par une tumeur, à la myélite transverse aiguë ou subaiguë, ou encore dans Vàsclérose latérale con-sécutive à certaines lésions du cerveau, telles entre autres, que le ramollissement en foyer ou l'hémorragie des corps opto-striés, intéressant la capsule interne. La trépidation en question n'est donc pas l'apanage d'une maladie en particulier,
A part la différence que nous avons signalée à propos de l'attitude du membre inférieur, toutes les particularités que nous venons de rappeler pourraient, à la rigueur, s'appliquer à un cas d'hémiplégie organique, résultant d'une lésion pro-fonde de l'encéphale, hémorrhagie ou ramollissement, par
exemple. ^.^m*!******^^
Un nouveau; Irait de ressemblance est celui-ci : Hémiplé-gie, chez Etch..., a débuté tout à coup, pendant une attaque. La malade, à la suite de cette attaque, est restée sans connais-sance durant plusieurs jours.
Après avoir indiqué les analogies, il faut faire ressortir les différences. Elles sont nombreuses, péremptoires et de fait, le plus souvent, rien n'est plus simple, en s'aidant de ces carac-tères presque toujours présents, que de rapporter la contrac-ture hystérique à sa véritable origine.
1° Remarquez en premier lieu, Messieurs, l'absence de para-lysie faciale et de déviation de la langue, lorsque celle-ci est tirée hors de la bouche. Vous savez que ces phénomènes
elle se lie à des maladies d'origine très diverse, mais auxquelles la sclérose la-térale est un trait commun. Toutefois, sa présence dans des cas de contracture hystérique, terminée brusquement par laguérison, montre qu'elle ne saurait être rattachée toujours à l'existence d'une lésion matérielle appréciable des fais-ceaux latéraux. (Dubois, loc. cit. — Charcot et Joffroy. Arch. de Physiologie 1867. p. 632 et suiv. — Charcot. Leçons sur les Maladies du Système nerveux, 1« édition, 1872-1873, pp. 218, 307, 319.)
Tout récemment, M. Westphal et M. Erb ont consacré chacun à l'étude de ces symptômes un travail accompagné de vues physiologiques ingénieuses. Suivant ces auteurs, la trépidation provoquée du pied (laquelle est désignée par M. Westphal sous le nom de Fûsphanomen), serait un phénomène réflexe ayant son point de départ dans les tendons. (OE. Erb. Sehnenreflexe bel Gesun-den und bei Riichenmaskskranken. In Archiv fur Psychiatrie. IV Bd. 3e heft., p. 792, 1875. —C. Westphal. Ueber einige Bewegungs-Erscheimungen an gc-lâhmhtem Gliedern.— Même recueil, p. 883. — W. Erb, Ueber einen winig bekannten spinalen Symptomencomplex. In Berliner Klin. Woschenschrift. 1875, n° 26.)
Dans quelques cas de paralysie des membres supérieurs, lorsqu'il s'agit par exemple d'une hémiplégie consécutive à une lésion de la capsule interne, et
existent au contraire toujours à un certain degré dans l'hémi-plégie, par lésion en foyer du cerveau (1).
2° Notez ensuite l'existence d'une analgésie et même d'une anesthésie pour ainsi dire absolue, étendue à toute la moitié du corps, répondant au côté paralysé, occupant par suite la face, le tronc, etc. Cette altération de la sensibilité intéresse non seulement la peau, mais encore les muscles et peut-être les os ; elle s'arrête exactement à la ligne médiane.
Cette sorte de généralisation de l'anesthésie à tout un côté du corps, tête, tronc et membres, cette limitation, en quelque sorte géométrique, des parties anesthésiées par un plan vertical qui divise le corps en deux moitiés égales, appartiennent pour ainsi dire en propre à l'hystérie (2). Quoi qu'il en soit, ce symptôme ne s'observe que très rarement dans Y hémiplégie de cause cérébrale, et s'il s'agissait de Yhémiplégie spinale, c'est-à-dire résultant de la lésion d'une moitié unilatérale de la moelle épinière, l'anesthésie, ainsi que l'a montré M. Brown-Séquard, occuperait le côté du corps opposé à la paralysie motrice.
3° Nous axions à relever encore bien d'autres caractères dis-tinctifs. La malade est intelligente et rien n'autorise à suspec-ter sa sincérité; elle peut donc nous renseigner d'une façon véridique sur le mode d'évolution de son affection. Voici, en quelques mots, son histoire.
Il n'y aurait pas eu chez elle, semble-t-il, d'antécédents
que la contracture permanente n'est pas trop accentuée, on réussit à produire,eu redressant vivement les doigts, un tremblement spasmodique de la main en tout semblable à la trépidation provoquée du pied (J.-M. C).
1. Suivant M. Hasse (Handb. der l'athol., etc., 2 Auflag. Erlaiigen, 1869), on devrait à M. Althaus d'avoir signalé l'absence de la paralysie faciale et de la déviation de la bouche et de la langue dans l'hémiplégie hystérique. 11 n'en est rien ; ce caractère se trouve déjà mis en relief dans les Leçons sur le sys-tème nerveux de R.-13. Todd.
Voir la Leçon X, sur VHémianesthésie.
hystériques. La maladie a débuté à 34 ans, après une violente secousse morale, par une attaque avec perte de connaissance. Cette attaque, selon toute vraisemblance^ a pris la forme épi-leptique de l'hystérie. Etch..., en effet, pendant l'accès est tom-bée dans le feu, et "elle porte sur la figure des traces de la brûlure qu'elle s'est faite dans cette circonstance. De nouvelles attaques, ◀tantôt▶ franchement hystériques, ◀tantôt▶ prenant quel-ques-uns des aspects de Tépilepsie, sont survenues, à plusieurs reprises, durant les années suivantes; mais c'est à 40 ans que sont apparus les symptômes permanents de l'hystérie que nous avons à étudier aujourd'hui. Nous devons indiquer au milieu de quel concours de circonstances ils se sont développés, car nous trouvons là quelques traits caractéristiques.
a) Les règles, jusque-là régulières, se dérangent; la malade a de temps en temps des vomissements de sang (1) ; son ventre est le siège d'un ballonnement considérable avec douleur vive à la pression de la région ovarienne gauche, douleur d'un caractère spécial, s'accompagnant de sensations particulières qui s'irra-diaient vers la région épigastrique et que la malade reconnais-sait comme précédant la plupart de ses attaques. Ces douleurs, comme d'ailleurs le ballonnement et la rétention d'urine, existent encore aujourd'hui.
b) Presque en même temps, Etch.., est affectée d'une réten-tion cVurine persistante, qui nécessite habituellement le cathé-térisme.
e) Les choses en étaient là lorsque, en octobre 1868, survient une attaque très intense, accompagnée de convulsions et suivie
1. C'est là un accident fréquent chez les hystériques lorsque la menstrua-tion est notablement troublée.
Charcot Œuvres complètes, t. i. 23
d'un état apoplectiforme avec respiration stertoreuse ; c'est alors que débuta tout à coup Y hémiplégie.
Eh bien,Messieurs,ce ballonnement considérable duventre, ces douleurs de la région ovarienne cette rétention des urines, constituent un ensemble de symptômes dont l'importance;, au point de vue du diagnostic, est à peu près décisive. Rien de semblable ne s'observe dans les prodromes des hémiplégies de cause cérébrale, et il est au contraire très habituel de voir ces symptômes précéder l'apparition des phénomènes permanents de l'hystérie: hémiplégie ou paraplégie. C'est un point que M. Briquet n'a pas manqué de faire ressortir; on le trouve éga-lement relevé comme il convient, du moins en ce qui concerne la paraplégie hystérique, par M. Laycock, dans les termes sui-vants : « La paraplégie plus ou moins prononcée des extrémités inférieures, dans l'hystérie, est toujours accompagnée — il au-rait pu ajouter : « et précédée » — par un degré correspondant de perturbation dans les fonctions des organes pelviens, cette perturbation se traduit par la constipation,, la tympanite, la pa-ralysie vésicale, l'accroissement ou la diminution de la sécrétion urinaire, l'irritation ovarienne ou utérine, etc. (1).
d) Lorsque Etch... est entrée à la Salpêtrière, il y a un an (juin 1869), l'hémiplégie datait déjà de sept ou huit mois. Indé-pendamment de toutes les particularités, si caractéristiques, qui viennent d'être rappelées, l'état des membres paralysés pouvait, lui aussi, être invoqué en faveur de l'origine hystérique de la paralysie. Ainsi, tandis que le membre supérieur était dans un état de flaccidité complète, absolue, le membre inférieur pré-sentait au genou une rigidité très marquée. Ce serait là une anomalie considérable dans un cas d'hémiplégie consécutive à une lésion cérébrale, car, en pareil cas, la rigidité tardive se
i. Treatise on the nervous Diseuses of Women. London, 1840, p. 240.
manifeste toujours de préférence dans le membre supérieur.
e) La contracture, qui, aujourd'hui, occupe le membre supé-rieur, remonte à quelques mois seulement, et elle s'est déve-loppée tout à coup, sans transition, à la suite d'une attaque. Ce n'est pas de la sorte, vous le savez, que procède la contracture tardive dans l'hémiplégie due à l'hémorragie ou au ramollisse-ment du cerveau ; constamment, dans ce dernier cas, la con-tracture s'établit lentement, d'une manière progressive.
Ainsi, Messieurs, en tenant compte de toutes les circonstances qui viennent d'être énumérées, rien n'est plus facile que de reconnaître chez Etch..., la véritable cause du mal. Il en sera de même encore dans le fait suivant, qui est relatif à un cas de
paraplégie hystérique (i).
11.
¦'^Alb^^gée de vingt-un ans,enfant trouvée, estatteinte depuis deux ans environ d'une contracture permanente des membres inférieurs, qui sont, comme vous pouvez le constater, dans l'extension et tout à fait rigides. De même que chez Etch..., la contractilité musculaire n'est pas amoindrie. Les membres sont amaigris, mais d'une façon générale, et cet amaigrissement tient à ce que la malade estaffectéede vomissements presque incoer-cibles qui l'empêchent des'alimentersuffisamment. On note,en outre, une analgésie à peu près complète des membres para-lysés.
\
i. Il a déjà été question de eettc malade dans la Leçon IX, p. 275. — On trouvera son histoire complète dans nos Recherches cliniques et thérapeutiques sur Vépilepsie et Vhystérie, p 151. B.
Voici maintenant des circonstances vraiment décisives qui permettent d'établir le diagnostic.
a) Alb... a des attaques hystériques depuis l'âge de 16 ans ; — b) elle estatteinte, depuis quatre ans, d'une rétention d'urine réclamant ordinairement le cathétérisme ; c) elle présente un ballonnement énorme de l'abdomen;—cl) les régions ovariennes sont douloureuses à la pression, et, en insistant un peu dans l'exploration, on ne tarderait pas à provoquer une attaque hys-térique ; — é) la contracture des membres inférieurs est sur-venue tout d'un coup, sans transition, et c'est là un point que nous avons fait ressortir déjà dans l'observation précédente. Or, de semblables symptômes ne s'observentpas dans la progression delà sclérose des cordons latéraux...
III.
Ainsi, Messieurs, rien déplus simple, je le répète, que l'in-terprétation clinique de ces deux cas, en ce qui concerne le diagnostic. Mais voici le point où, dans ces cas mêmes et dans les cas analogues, des difficultés sérieuses peuvent surgir ?
Qu'adviendra-t-ilde ces malades ? Depuis deux ou trois ans, la paralysie avec la contracture a persisté, chez elles, sans amen-dement. Cette contracture pourra-t-elle se résoudre quelque jour, ou, au contraire, doit-elle persister indéfiniment et consti-tuer de la sorte une infirmité incurable? Voilà des questions que nous devons poser sans nous engager, toutefois, à y répondre d'une façon catégorique.
A. llestpossible que, malgré sa longue durée, cette contracture disparaisse sans laisser de trace, demain peut-être, dans quel-ques jours, dans un an ; on ne peut rien préjuger à cet égard.
Entouscas,sila guérison a lieu, elle pourra être soudaine(i). Du jour au lendemain, tout peut rentrer dans l'ordre; et s'il se
Fig. 23. — Contracture hystérique du membre inférieur droit.
trouve qu'à cette époque la diathèse hystérique soit épuisée, ces malades reprendront la vie commune.
1. Une femme sera restée confinée au lit pendant plusieurs mois, tout à l'ait incapable de se servir de ses membres inférieurs ; le médecin aura abandonné tout espoir de lui être secourable, lorsque, tout à coup, sous l'influence d'une cause morale puissante, on la verra sortir de son lit non longer the victim of nerves bulthe vansquisher, comme dit Thomas Carlyle, et se mettre à marcher tout aussi bien que si elle n'eût jamais été atteinte de paraplégie. C'est là une des terminaisons de la paraplégie hystérique que le médecin ne doit pas perdre
A ce propos, Messieurs, je ne puis pas ne point m'arrèter un instant devant ces guérisons rapides, inespérées souvent, d'un mal qui, pendant si longtemps, se sera fait remarquer par sa té-nacité et par sa résistance àtous les agents thérapeutiques. Une émotion morale vive, un ensemble d'événements qui frappent fortement l'imagination, la réapparition des règles depuis long-temps supprimées, etc., sont fréquemment l'occasion de ces promptes guérisons.
J'ai vu dans cet hospice trois cas de ce genre, que je vous de-mande la permission de résumer brièvement.
l°Dans le premier cas, il s'agissait de la contracture d'un membre inférieur (Fig. 23) datant de quatre ans au moins. En raison de l'inconduitede la malade, je fus obligé de lmadresser une vigoureuse semonce et de lui déclarer que je la renvoyais.
de vue et qui montre bien le danger qu'il y aurait pour lui à décréter l'incura-bilité dans les cas de ce genre. » (Th. Laycok. A Treatise on the ncrvons Diseuses of Women. London, 1840, p. 289.) (Note de la lre édition.)
— Cette prévision s'est réalisée, cette année même, pour la première des deux malades auxquelles il est fait allusion dans ce passage, souligné dans la pre-mière édition. La situation d'Etchv..., à la date du 21 mai pouvait se résumer ainsi qu'il suit : rétention d'urine, avec périodes d'ischurie, depuis neuf ans; — contracture du membre inférieur droit ; — contracture des membres du côté gauche datant de six ans; — contracture des mâchoires nécessitant l'emploi de la sonde œsophagienne, et qui remontait à près d'une année ; — aphonie qui durait depuis dix mois. Le 22 mai, à 7 h. 1/4 du soir, attaque marquée surtout par de l'oppression, une contracture des muscles du cou à gauche, lesquels portent le menton derrière l'épaule gauche. La malade n'a pas perdu connais-sance ; elle croit qu'elle va mourir ; elle crie, la contracture des mâchoires a disparu. Elle s'agite, on cherche à la contenir : avec son bras droit devenu libre, elle repousse ceux qui la tiennent. Elle veut aller à la fenêtre pour y avoir de l'air; comme on s'y oppose, sa colère augmente, et, sous cette influence, on voit cesser successivement la contracture de la jambe droite, puis celle de la jambe gauche, enfin celle du bras gauche. On laisse Etch... se lever; à 8 heures, lu guérison était complète, ou peu s'en faut. Dès le lendemain, la sécrétion urinaire était redevenue normale. (Planche XI). L'amblyopie, l'ancsthésie, n'ont disparu complètement qu'au bout de quelques jours, et la malade n'a conservé, comme trace de sa contracture permanente, que quel-ques craquements dans les jointures, principalement celle du membre inférieur
Dès le lendemain, la contracture avait entièrement cessé. Ce fait est d'autant plus important que l'hystérie convulsive n'exis-tait plus que dans les souvenirs de cette femme. Depuis deux ou trois ans, la contracture était la seule manifestation de la grande névrose.
2° Le second cas concerne une femme également atteinte d'une contracture limitée à un seul membre. Les crises hystéri-ques proprement dites avaient depuis longtemps disparu. Cette femme fût accusée de vol : la contracture qui avait duré plus de deux ans se dissipa tout à coup à l'occasion de l'ébranlement moral que produisit cette accusation.
3° Dans le troisième cas, la contracture avait pris la forme hémiplégique ; elle affectait le côté droit et était surtout pro-noncée au membre supérieur. Laguérison survint presque tout à coup, dix-huit mois après le début, à la suite d'une vive con-trariété. Il n'y avait pas alors d'anesthésie ; la malade, tout en avouant avoir éprouvé des troubles nerveux bizarres, niait l'existence passée des véritables attaques hystériques.
Il faut bien connaître, Messieurs, la possibilité de ces gué-risons qui, aujourd'hui encore, font crier au miracle, mais dont les charlatans seuls se font gloire. Avant notre siècle, ces faits-làétaients souvent invoqués lorsqu'il s'agissait d'établir devant les plus incrédules l'influence du surnaturel en thérapeutique. A ce point de vue, vous lirez avec intérêt un article publié dans la Revue de philosophie positive (1er avril 1869),par le vénérable M. Littré (1). Je fais allusion à un écrit intitulé : Un fragment de médecine rétrospective (Miracles de saint Louis),et dans lequel on trouve l'histoire de plusieurs cas de paralysie guérie
gauche. Finalement, les seuls vestiges des anciens accidents sont aujourd'hui des craquements, d'ailleurs peu prononcés, se montrant dans les jointures des membres autrefois contracture.- (15). (Note de la 2° édition.) 1. La philosophie positive, Bévue, etc., t. V. 1869. p. 103.
après des pèlerinages faits à Saint-Denis, au tombeau où les restes du roi Louis IX venaient d'être déposés. Trois de ces cas surtout sont intéressants pour nous, à cause de la précision des détails. Ils se rapportent à des femmes, jeunes encore, frappées subitement de contracture de l'un des membres inférieurs ou des deux membres du même côté du corps, lesquels présen-taient en outre une anesthésie considérable. Chez ces femmes, la guérison était survenue tout d'un coup, au milieu de circons-tances bien propres à émouvoir l'imagination. Vous voyez, Messieurs, que les choses ont peu changé depuis la fin du xme siècle (1).
B. Mais si la guérison de ces malades est possible, vraisem-blable même, elle n'est pas nécessaire, et il peut se faire que la contracture persiste à titre d'infirmité incurable. Voilà une assertion qu'il ne me sera pas difficile de justifier. Mais permet-tez-moi de vous faire remarquer tout d'abord que vous ne trouverez, sur ce sujet, dans la plupart des auteurs, que des assertions vagues, incertaines, vraiment peu satisfaisantes.
a) Je vous présente une femm e,âgée maintenant de cinquante-cinq ans et qui, il y a dix-huit ans, fut prise à la suite d'une at-taque hystérique de la paraplégie avec contracture, dont vous pouvez encore aujourd'hui rec onnaître les principaux caractères. La contracture, à l'origine,s'amendait de temps à autre tempo-rairement. Mais depuis plus de seize ans, elle n'a jamais subi la moindre modification ; il s'agit ici d'une véritable rigidité des muscles avec prédominance de l'action des extenseurs et des adducteurs ; même après seize ans d'immobilité des membres
1, Bien peu changé, en effet, car les guérisons prétendues miraculeuses, dont on a voulu faire tant de bruit dans ces derniers temps, ne diffèrent par aucun ca-ractère appréciable des miracles de saint Louis. C'est ce dont on pourra se con-vaincre par la lecture de l'ouvrage qu'a récemment publié H. Diday, sous ce titre : Examen médical des miracles de Lourdes Paris 1873. (B,)
inférieurs, les parties liagmenteuses n'y sont pour rien, du moins aux genoux, ainsi qu'une exploration faite alors que la malade avait été soumise à l'anesthésie du chloroforme nous a permis de le vérifier. Seule, la déformation des pieds, qui rap-pelle celle du varus équin, ne s'est point modifiée pendant le
Fig. 24. — Contracture hystérique des deux membres inférieurs.
sommeil chloroformique. Les muscles des jambes et des cuisses sont notablement atrophiés ; la contractilité faradique y est amoindrie. Depuis plusieurs années, l'hystérie paraît complète-ment épuisée chez cette femme, et il est devenu fort peu pro-bable qu'aucun événement ^puisse, chez elle, rien changer désormais à l'état des membres inférieurs (Fig. 24) (1).
1. X^oir l'observation complète de cette malade à la page 53 de notre Mémoire
b) Quelle condition est donc survenue et a entretenu ainsi l'existence de cette paraplégie avec rigidité des membres ? Évidemment, dans les cas récents de contracture hystérique, la modification organique, quelle qu'elle soit,quelque siège qu'elle occupe, qui produit larigidité permanente, est très légère, très fugace, puisque les symptômes qui lui correspondent peuvent disparaître tout à coup, sans transition. Il est certain qu'avec les moyens d'investigation dont nous disposons aujourd'hui, la nécroscopielaplus minutieuse ne serait pas en état de retrouver, en pareil cas, les traces de cette altération. Mais en est-il de même dans les cas invétérés?Non, Messieurs ; je crois pouvoir avancer, en me fondant sur la connaissance d'un fait analogue, que, chez cette femme, il s'est produit, aune certaine époque, une lésion scléreuse des cordons latéraux, lésion que lanécros-copie permettrait actuellement de reconnaître.
Il m'est arrivé, en effet, d'observer une fois, chez une femme hystérique, atteinte, depuis une dizaine d'années, de contrac-ture des quatre membres, et dont le début avait été subit, une sclérose qui occupait symétriquement, et à peu près dans toute la hauteur de la moelle, les cordons latéraux. A diverses reprises, cette femme avait vu la contracture céder temporaire-ment, mais après un dernier accès, celle-ci était devenue défi-nitive (1).
intitulé : De la contracture hystérique permanente ou Appréciation scientifique des miracles de saint Louis, de saint Médard, etc. (B.)
1. Société médicale des hôpitaux. Séance du 25 janvier 1865.
De même que, parfois, on observe une lésion spinale anatomiqucment appré-ciable dans les cas invétérés de contracture hystérique, de même aussi les trou-bles de la vision peuvent quelquefois s'accompagner de lésions du fond de l'œil que l'ophtalmoscope fait reconnaître. Un élève de la Salpêtrièrc, M. A. Svynos. a consigné dans sa thèse inaugurale (Des umblyopies et des amauroses hystéri-ques ; Paris, juillet 1873), à peu près tout ce qui a trait à ce sujet. Il a, en particulier, décrit tout au long les phénomènes ophtalmoscopiques, recueillis à plusieurs reprises chez Etchev...
Pendant longtemps, chez cette malade, dont il a été question à diverses re-prises (Leçon IX, p. 275, Leçon XI, p, 320), on n'avait découvert sur le fond de l'œil gauche, frappé d'amblyopie hystérique, aucune lésion : mais un dernier
Des fait qui précèdent (1), il est sans doute légitime de tirer quelques inductions relatives àla physiologie pathologique delà contracture hystérique. D'après les considérations que nous avons émises, les cordons latéraux, ou tout au moins la par-tie postérieure— celle qui tient sous sa dépendance la contrac-ture permanente dans les cas de sclérose en plaques ou fasci-
examen pratiqué le 20 mars 1873 par M. Galezowski a fait reconnaître les altéra-tions suivantes : 1° la papille est uniformément rouge clans toute son étendue, phénomène qui est la suite d'une congestion papillaire ; — 2° les contours de la papille sont effacés, troubles, en raison d'une exsudation séreuse diffuse, qui s'é-tend sur la rétine le long des vaisseaux: — 3° la branche principale de l'artère centrale qui se distribue dans la partie inférieure de la rétine présente une di-latation fusiforme, tandis que, près de la papille, elle parait être en état de con-traction spasmodique. Selon M. Galezowki, il y a lieu de supposer que tous ces désordres sont dus a la contraction spsamodique des artères, par places, et à leur dilatation dans d'autres endroits. De là des congestions papillaires sur certains points et des anémies sur d'autres, ce qui amène une infiltration séreuse péri-papiilaire. (B.) Voir aussi l'observation rapportée par M. Bonnefoy dans le Mou-vement médical, 1873, p. 276. (Note de la lpe édition.)
Chez toutes les malades atteintes iVamblyopic hystérique, examinées récem-ment par M. Landolt à la Salpêtrière, le champ visuel pour le blanc et pour les couleurs est rétréci concentriquement, même dans le cas où l'acuité visuelle et la perception centrale des couleurs sont normales dans l'œil du côté non anes-thésie. Toutes les fonctions de la rétine de l'œil du côté malade ont diminué pro-portionnellement. Pour les détails relatifs au rétrécisse meut du champ visuel, pour les couleurs, chez les hystériques, voir la Planche XII, Fig, 2, qui repré-sente les phénomènes observés chez Marc... et les détails qui l'accompagnent. (Note delà 2° édition.)
1. Aux observations rappelées par M. Charcot, il convient d'ajouter la sui-vante, recueillie à la Salpêtrière clans son service et qui confirme en tous points son enseignement.
Berthc Chat..., âgée dedix-huit ans et demi (juillet 1873), a été sujette de-puis son enfance jusqu'à douze ans à des épistaxis survenant toujours par la na-rine droite, et de douze ans jusqu'à quinze ans à des céphalalgies à peu près mensuelles. A quinze ans, sans cause connue, en dehors de toute influence héré-ditaire appréciable, elle eut tout à coup une attaque convulsive, avec perte de connaissance. Rares pendant la seizième et la dix-septième années, les atta-ques se sont multipliées pendant la dix-huitièmes année. Les unes, appartenant à l'hystérie simple, reviennent tous les deux ou trois mois, les au-tres relevant de l'hystéro-épilepsie se montrent assez régulièrement tous les mois. L'apparition des règles (janvier 1873) n'a pas modifié, d'une façon appré-ciable, la fréquence et les caractères des crises convulsives.
Au moment de son entrée à la Salpêtrière (sept. 1872),cette jeune fille présentait à droite : 1° une hémianesthésie complète ; 2° de l'hyperesthésie de l'ovaire.
culée — ces cordons, dis-je, sont désignés comme étant le siège de modification organiques, d'abord temporaires, et qui donneraient lieu au contractures hystériques, A la longue, ces modifications, quelles qu'elles soient,font place à des altérations matérielles plus profondes : une sclérose véritable s'établit. Peut-être n'est-elle pas au-dessus des ressources de l'art ; mais dans tous les cas, elle ne permet très certainement plus d'espé-rer cette brusque dispariton des contractures qui constitue un des caractères les plus frappants de la maladie lorsqu'elle n'est pas parvenue encore aux phases les plus avancées de son évolution.
Existe-t-il quelque signe qui permette d'indiquer, à coup sûr, le caractère du cas, de savoir par exemple si la sclérose a définitivement ou non élu domicile dans les cordons latéraux ? Je ne crois pas, Messieurs, que l'on puisse, dans l'état actuel de la science, signaler un seul symptôme qui présente à cet égard une valeur pronostique absolue.
Ltrépidation convulsive desmembres contractures, provo-quée ousurvenantspontanément^pz'/ejos/e spinale tonique),
8 octobre. A la suite d'une attaque accompagnée de délire pendant 12 heures environ, contracture du membre inférieur droit avec pied bot varus équin ; la contracture se complique d'un tremblement presque constant (épilepsiè spinale). — Du 10 au 25 octobre, la situation reste la même, malgré l'apparition d'une attaque hystéro-épileptique.
octobre. Grises convulsives dans lesquelles l'hystérie prédomine.Durant la deuxième crise, les personnes qui maintenaient la malade, de peur qu'elle ne se blessât, ont senti la jambe droite, qui, jusqu'alors, avait toujours été dans l'exten-sion, se fléchir brusquement sur la cuisse et lorsque la malade est revenue à elle, la contracture avait cessé. Chat... a conservé pendant quelques jours un certain degré de faiblesse dans le membre inférieur droit, principalement dans le pied qui se renversait en dedans.
Novembre. Berthe marche sans boiter; le pied droit se renverse encore quel-quefois en dedans et la pointe du pied bute, par instant, contre le pied gauche. Parfois aussi, la jambe droite est prise d'un tremblement qui dure cinq à six mi-nutes et auquel succède une sorte d'engourdissement qui se prolonge en géné-ral pendant toute la journée : « Alors, je ne sens plus ma jambe, dit la malade. »
1873. La faiblesse musculaire a diminué progressivement. Aujourd'hui (8 juil-let), Chat... est aussi forte d'un côté du corps que de l'autre; l'hémianesthésie
un certain degré d'émaciation des masses musculaires, un peu d'amoindrissement dans l'énergie de la contractilité électrique, ne devraient pas, si j'en juge d'après les observations qui me sont propres, faire désespérer complètement devoir la contrac-ture disparaître sans laisser de traces. Au contraire, l'atrophie limitée plus particulièrement à certains groupes de muscles, surtout s'il s'y joignait des contractions fibrillaires, analogues à celles qu'on observe dans l'atrophie musculaire progressive ou un affaiblissement très notable de la contractilité faradique, devrait faire supposer non seulement que les cordons latéraux sont profondément lésés, mais que, en outre, les cornes anté-rieures de la substance grise ont été envahies. Je n'ai observé, jusqu'à présent, ces derniers symptômes que dans des cas de contracture hystérique de date très ancienne et qui ne laissaient plus guère d'espoir de voir les membres affectés reprendre jamais leurs fonctions normales.
J'ajouterai enfin que l'existence d'une lésion organique spi-nale plus ou moins profonde serait mise à peu près hors de doute si, sous l'influence du sommeil déterminé par le chloro-forme, la rigidité des membres ne s'effaçait que lentement ou persistait même à un degré prononcé.
A mon avis, tant que ces symptômes ne sont pas nettement accusés, il ne faut désespérer de rien. Il importe, d'ailleurs, de ne pas oublier que la sclérose latérale, alors même qu'elle est parfaitement établie, n'est pas, tant s'en faut, j'espère vous en donner bientôt la preuve, une affection incurable.
Chez les malades sur lesquels je viens d'appeler votre atten-tion, la contracture occupait soit la totalité d'un membre, soit même deux membres, ou plus encore. Mais il est des cas où la rigidité spasmodique reste limitée à quelque partie d'un mem-
et la douleur ovarienne droites n'ont pas changé. Ce t'ait nous montre une fois de plus que lapar alysie hystérique avec contracture peut disparaître subitement sans le secours d'aucune intervention. (B.)
bre,aupied par exemple etproduit une sortedep/eci bot hyêtê* rique (Talipedal Distorsions de T.Laycock) tout récemment, le docteur R. Boddaert à communiqué à la Société de médecine de Gand (1) un cas de ce genre fort intéressant. La contracture axrait donné lieu àladéformationconnuesouslenomdepiedbotvarus. Des faits analogues on tété recueillis etpubliés par le doc teurLi tlle (2), par C. Bell (3), par F.-C. Skey, etpar quelques autres auteurs.
Si je ne me trouxrais retenu par certaines convenances, je pourrais, Messieurs, rapporter à mon tour dans tous ses détails l'histoire d'un cas qui rappelle celui qu'a publié M. Boddaert.
Qu'il me suffise ne vous dire qu'une jeune fille,âgée actuelle-mentdexùngt-deuxans,trèsnerveuseetappartenantàunelàmill où les affections nerveuses prédominent,fut prise,il yatroisans, tout à coup, sans cause connue et sans ax^oir offert jusque-là de symptômes caractérisés d'hystérie, d'une contracture doulou-reuse des muscles de la jambe gauche. Cette contracture, qui imprime au pied l'attitude du varus équin le plus accentué,avait cédé d'abord, pendant la première année, à plusieurs reprises; mais, depuis près de deux ans, elle paraît définitive (juin 1870).
Plusieurs des muscles de la jambe ont subi une atrophie pro-fonde; ils présentent, de plus, des contractions fibrillaires très accusées et répondent mal aux excitations électriques. Je crois, par conséquent, qu'il y a peu de chances de voir la con-tracture se résoudre, d'autant plus qu'elle ne s'amende que très imparfaitement durant le sommeil produit par le chloro-forme. Je signalerai encore une particularité fort intéressante, au point de vue clinique : chez cette jeune malade, les atta-ques hystériques se sont manifestées seulement dans le courant des derniers mois...
1. Annales de la Société de médecine de Gand, 1859, p. 93.
2. A Treatise on the Nature and Trealment of clud Foot and analog. Dis-torsions. London, 1839, Case 25.
3. The nervous System of the human Body,'ie édit. 1836, case 177.
4. Hysteria, etc. Six Lectures dilirered lo the Sludenls of St-Bartholomew's liospital. 1866, 3' édit. London, 1870, p. 102.
TREIZIÈME LEÇON
De l'Hystéro-épilepsie.
Sommaire. — Hystéro-épilepsie. — Sens de cette dénomination. — Opinions des auteurs. — Hystérie épileptiforme, hystérie à crises mixtes. — Variétés de Phystéro-épilepsie : hystéro-épilepsie à crises distinctes : — hystéro-épilep-sie à crises combinées ou attaques-accès.— Différences et analogies entre l'épilepsie et l'hystéro-épilepsie. — Signes diagnostiques fournis par l'examen de la température centrale dans l'état de mal hysléro-épileptiquc et l'état de mal épileptique. —Elat de mal hystéro-épileptique : ses phases. — Caractè-res cliniques de l'état de mal hystéro-épileptique. — Gravité de certains cas exceptionnels d'hystéro-épilepsie. — Observation de Wunderlich.
Messieurs,
Dans la courte description clinique que je vous ai donnée à propos de chacune des malades qui ont passé sous vos yeux, lors de nos dernières réunions, j'ai eu soin de mettre en relief les principaux caractères que présentent les attaques convul-sives dont elles sont atteintes.
Vous avez pu reconnaître aisément qu'il ne s'agissait pas chez elles d'attaques vulgaires, rentrant du premier coup, sans discussion, dans le type classique. Ce n'est pas, d'ailleurs, seu-lement par l'intensité que ces accidents convulsifs se distin-guent, c'est encore par la forme qu'ils revêtent, et, ce qui frappe le plus l'observateur, témoin de ces attaques, c'est de retrouver parmi les convulsions cloniques de l'hystérie certains traits plus ou moins prononcés qui rappellent Yépilepsiè.
De fait, la forme convulsive, qui s'observe chez toutes ces
femmes, est celle qu'on a désignée dans ces derniers temps sous le nom à'hystéro-épilepsie, et, remarquez-le bien, c'est la seule forme qu'on rencontre chez elles. Toutes ces femmes ne seraient donc pas simplement des hystériques, ce seraient des hystéro-épileptiques. En quoi diffèrent-elles des hystériques ordinaires? C'est là un point sur lequel il importe d'être fixé, et, pour atteindre ce but, je vous demande la permission d'entrer dans quelques développements.
I.
À s'en tenir aux termes mêmes de la dénomination mise en usage—hystéro-épilepsie—ilparaît ne pouvoir exister aucune équivoque. Cela veut dire que chez les malades auxquelles ce nom est affecté, l'hystérie se montre combinée avec l'épilepsie, de manière à constituer une forme mixte, une sorte d'hybride composé mi-partie d'hystérie et d'épitepsie. Mais cette appella-tion répond-elle à la réalité des choses. Ane les regarder qu'à la surface, il semble en être ainsi, puisque nous avons re-connu dans les attaques quelques-uns des traits de l'épilepsie. C'est de cette façon, du reste, que paraissent l'entendre la plu-part des auteurs modernes. L'hystéro-épilepsie serait pour eux un mélange, une combinaison, à doses variables selon les cas, des deux névroses ; ce n'est pas seulement l'épilepsie, ce n'est pas seulement l'hystérie; c'est à la fois l'une et l'autre.
Telle est, je le répète, la doctrine la plus répandue. Tou-tefois, elle n'est pas, tant s'en faut, universellement acceptée, et le camp des opposants est nombreux encore. Là, on se refuse à admettre la légitimité de cet hybride, moitié épilepsie, moitié hystérie.
A la vérité, on ne nie pas que l'épilepsie et l'hystérie puissent se rencontrer chez un môme individu. L'observation la plus
superficielle protesterait contre une semblable assertion. Rien n'autorise non plus à croire qu'il y ait antagonisme des deux névroses, et il serait possible même, bien que cela ne soit pas démontré, que les sujets qui sont sous le coup de l'une d'elles soient, par là même, prédisposés à contracter l'autre. Mais, en pareil cas, ajoute-t-on, les accidents convulsil's restent distincts, séparés, sans s'influencer réciproquement d'une façon notable et surtout sans se confondre au point de justifier la création d'une espèce mixte, intermédiaire, en un mot, d'un hybride.
Quelle est donc, dans cette opinion, la signification de ces attaques dont l'existence est si nettement établie par les cas mêmes qui servent de fondement à notre étude et où l'épilepsic semble s'entremêler avec les symptômes ordinaires de l'hystérie convulsive ?
Vépilepsie ne serait là que dam la forme extérieure ; elle ne serait pas dans le fond des choses. En d'autres termes, dans ces cas, il s'agirait uniquement et toujours de l'hystérie, revêtant l'apparence dejj épilepsie.Le nom hystérie épilepti-forme, employé, si je ne me trompe, par Louyer-Villermay, l'un des premiers, conviendrait à désigner ces attaques mixtes. La convulsion à forme épileptique y apparaîtrait comme elle apparaît dans tant d'autres affections du système nerveux, à titre d'élément accessoire, sans rien changer à la nature delà maladie primitive.
JJ.
Voilà, Messieurs, la thèse à laquelle je me rattache pleine-ment. Elle a été soutenue déjà par quelques auteurs très compétents. Parmi eux, je puis citer Tissot, Dubois (d'Amiens), Sandras, M. Briquet, qui se montrent sous ce rapport très explicites. « Les accès d'hystérie », dit M. Tissot, « ressemblent
Charcot. Œuvres complètes, t. i. Si
quelquefois beaucoup à l'épilepsie. » Aussi, eu a-t-on fait une forme particulière de l'hystérie, sous le nom dH hystérie êpi-leptiforme. Mais ces accès n'ont pas, néanmoins, le vrai caractère de l'épilepsie (1).
M. Dubois (d'Amiens) considère l'hystérie épileptiforme comme de l'hystérie ayant un degré de plus dans l'intensité des symptômes (2). Sandras exprime la même opinion (3).
M. Briquet,qui a écrit sur ce sujet un article marqué au coin de la plus saine observation, dit que cette espèce hystérie à attaques mixtes n'est qu'une forme parliculière de l'hystérie ; ce n'est que de l'hystérie très intense ; le pronostic ne s'en trouve pas essentiellement modifié ; le genre de cause qui a occasionné l'hystérie, les conditions spéciales à l'individu affecté, seraient la source de ces modifications dans la forme des attaques. La nature même de l'hystérie n'en est pas fon-cièrement changée.
Veuillez remarquer, Messieurs, qu'il n'y a pas là seulement une question de mots, il y a aussi une question de nosographic, et par conséquent une question de diagnostic et de pronostic. Ces circonstances suffiront, je l'espère, pour justifier à vos veux les détails dans lesquels je suis obligé d'entrer afin de faire pénétrer dans vos esprits la conviction qui m'anime à cet égard.
111.
Recherchons donc sur quels fondements s'appuie la doctrine régnante. L'hystérie et l'épilepsie, dit-on, peuvent se combiner de diverses manières chez un même sujet. Sur 276 malades,
1. Tissot. — Maladies des nerf s, t. IV. p. 75.
i. Dunanl. — De Vhysléro-épilepsie, p. 11.
3. Ranciras. — Maladies nerveuses, i. I. p. 205.
M. Beau, qui a étudié dans cet hospice, aurait relevé cette com-binaison chez 32 d'entre elles. Elle se fait d'après des modes variés et il y a lieu d'admettre les catégories suivantes :
A. Dans un premier groupe, les attaques hystériques et les accès d'épilepsie restent distincts : c'est ce que M. Landouzy a proposé d'appeler hystéro-épilepsie à crises distinctes. Eh bien, Messieurs, ce serait là le cas le plus fréquent, car on en compte 20 exemples sur les 32 cas de M. Beau. 11 convient d'ailleurs d'établir dans l'espèce deux subdivisions.
1° L'épilepsie est la maladie primitive ; sur elle, l'hystérie vient ensuite se greffer, à son heure, c'est-à-dire, et le plus sou-vent, à l'époque de la puberté sous l'action de certaines causes et, en particulier, des émotions morales.
Un cas de Landouzy, cité par M. Briquet, mérite à ce propos d'être résumé devant vous. Une jeune femme,épileptique depuis l'enfance, se marie àl'àge de dix-huit ans. Bientôt la maladie, qu'elle avait dissimulée, se révèle. De là, des contrariétés vives qui engendrent l'hystérie. Les attaques propres aux deux né-vroses étaient disjointes et conservaient,sans s'influencer,leurs caractères spécifiques. Un rapprochement, entre la malade et son mari, rapprochement occasionné par une grossesse,, en ra-menant le calme dans le ménage, fait cesser l'hystérie, mais l'épilepsie persiste.
2° D'autres fois, l'épilepsie succède à l'hystérie. Cette condi-tion paraît être beaucoup plus rare que la précédente. M. Bri-quet, cependant, en rapporte un exemple qui lui est personnel et dans lequel les accès étaient nettement séparés. Chez les ma-lades de cette catégorie, l'intelligence s'obnubile à la longue in-contestablement par le fait de l'épilepsie.
3° On a encore mentionné d'autres combinaisons d'ordre
secondaire. Ainsi : a) l'hystérie convulsive coexiste avec le petit mal (Beau, Dunant) ; b) l'épilepsie convulsive est surajou-tée à quelques-uns des accidents de l'hystérie non convulsive (contracture,anesthésie,etc.) Nous possédons, par devers nous, un cas de ce genre.
Mais ces diverses associations ne changent rien au fond des choses. Le plus souvent, les deux affections, dans l'hystéro-épilepsie, existent simultanément et marchent sans agir l'une sur l'autre d'une manière sérieuse, chacune d'elles conservant ses allures et le pronostic qui lui est propre. A l'égard de cette première forme de l'hystéro-épilepsie, tout le monde est d'ac-cord. Le débat ne porte que sur la seconde.
B. Dans celles-ci, Y hystérie et l'épilepsie sont coévales ; elles se sont développées en même temps. Les crises, ici,ne demeu-rent pas distinctes; elles ne l'ont jamais été. Dès l'origine, le mélange s'est effectué et, dans les attaques ultérieures,les deux formes convulsives se montreront toujours combinées,bien qu'à des degrés divers, sans être jamais à aucun moment complète-ment disjointes.
On a encore donné à cet état le nom d'hystéro-épilepsie à crises combinées. Dans le jargon depuis longtemps usité, dans le service spécial de la Salpêtrière, les crises sont en pareil cas désignées sous le nom à"1 attaques-accès.
IV.
V a-t-il véritablement de Yépilepsie dans les crises mixtes? Telle est la question que nous devons maintenant discuter. A cet effet, il convient de prendre la description de l'hystéro-épi-lepsie à crises mixtes consentie par les auteurs et de l'examiner sous tous ses aspects. J'emprunte à M. Briquet surtout cette
description de Val laque-accès. Elle me paraît concorder de tous points avec les résultats démon observation personnelle.
a) Dès l'origine, l'attaque mixte revêt son caractère propre ; dès cet instant, c'est de l'hystérie épileptiforme. Je rappelerai à votre souvenir la malade Etchev... qui, dans son premier accès, est tombée dans le feu et s'estabîmé la figure (1). Û
b) Il y a toujours des prodromes constitués par Y aura hysté-rique telle que nous l'avons décrite. Cette aura, en général de longue durée, occupe l'abdomen, l'épigastre et n'affecte pas, en tout cas, la tête seule et d'emblée, ou l'une des extrémités, ainsi que cela a lieu dans Xépilepsie avec aura, ; aussi est-il parfai-tement exact de direquTTesTiystéro-épileptiques à crises mixtes puissent, lors du développement d'un accès, se garantir, trou-ver un abri.
c) Dans l'attaque convulsive, \s(0iase dite épileptique ou-vre en général lascène. Tout à coup, cri, pâleur extrême, perte de connaissance, chute, distorsion des traits de la physionomie ; puis une ridigité tonique s'empare de tous les membres. Cette ridigité est, remarquez-le bien, rarement suivie de secousses cloniques, brèves, à courtes oscillations, et prédominant dans un côté du corps, comme dans l'épilepsie vraie. Cependant, la face peut être à un haut degré tuméfiée, violette ; il s'écoule de la bouche un écume quelquefois sanguinolente, occasionnée parla morsure de la langue ou des lèvres. Enfin, il peut y avoir un relâchement général des muscles, du coma et une respiration stertoreuse pendant un espace de temps plus ou moins prolongé.
1. Il s'agit là encore; de la malade dont il est question Leçon IX, p. 275.
d) A cette première phase sur laquelle, je le répète, porte principalement la discussion, succède la phase clonique. Alors, tout est hystérie ; on voit survenir les grands mouvements à caractère intentionnel, des contorsions, qui expriment par-fois les passions les plus variées, l'effroi, la haine, etc. (1 ) ;en même temps éclate le délire de l'accès.
e) La fin de l'attaque est marquée par des sanglots, des pleurs,, des rires^ etc.
Ces diverses phases ne se suivent pas toujours d'une façon aussi régulière ; elles s'enchevêtrent parfois et, ◀tantôt▶ l'une, ◀tantôt▶ l'autre, prédomine. Chez la nommée C... entre autres, la phase tonique l'emporte à un haut degré sur les autres et quelquefois se montre presque exclusive.
V.
Nous voici parvenus, Messieurs, au point délicat. En quoi cette hystérie à crisescomjplexes se sépare-t-elle de l'hystéris ordinaire, si elle s'en sépare réellement? En quoi se rapproche-t-elle de l'épilepsie vraie, s'il y a lieu d'établir un tel rappro-chement.
L'apparition de convulsions du type tonique est-elle donc un fait nouveau, insolite dans la description classique de l'atta-que hystérique vulgaire? Ceriainement non. Il n'est pas vrai-ment exceptionnel de voir dans l'attaque d'hystérie commune,— alors quepersonnenesongeàfaireintervenir l'élément épilepsie — de voir, dis-je, s'ébaucherdes convulsions toniques à carac-tère épileptiforme, particulièrementau début de l'attaque; tous lesauteurssont d'accord sur cepoint.Ces convulsions sont parfois
1. Voir plus haut les Fig. 19, 20 et 21.
môme tellement accentuées, que M. Briquet, a été, parla, con-duit à établir, à côté de l'attaque cloniqueou classique, une sorte d'attaque dans laquelle prédomine uneraideur semi-tétanique du tronc et des membres. Ne paraît-il pas d'après cela vraisem-blable déjà que la forme dite épileptique, n'est à proprement parler que l'exagération, le plus haut degré de développement de cette variété de l'hystérie ordinaire.
VI.
Si, d'un autre côté, nous tournons nos yeux vers l'épilepsie vraie, nous rencontrons un certain nombre, de traits distinctifs qu'il nous sera facile de mettre à profit.
Nous ferons remarquer, en premier lieu, que, d'après la des-cription que nous avons donnée, le type épilepsie n'est jamais représenté dans les attaques-accès, que d'une manière incom-plète, et pour ainsi dire à l'état d'ébauche ; mais, à la vérité, ce ne serait pas là encore un argument péremptoire. Voici un caractère- plus significatif.
Jamais vous ne voyez apparaître soit le petit mal, soit le vertige épileptiqueàam les descriptions de l'hystéro-épilepsie à attaques mixtes. Nous pourrions ajouter encore, car il y a là matière à une importante distinction, que dans cette forme de l'hystéro-épilepsie, l'attaque épileptiforme, même la plus in-tense, est, d'après nos observations, modifiée, parfois même arrêtée dans son développement par la compression de l'o-vaire, ce qui n'a jamais lieu,— nous nous en sommes assurés maintes fois — dans l'épilepsie vraie (1).
Dans les attaque mixtes, alors même que leur retour est très fréquent, jamais, — c'est là un fait reconnu par les auteurs,
1. Voy. Leçon XI, p. 320.
jamais, dis-je, l'obnubilation de l'intelligence et la clémence ne sont l'aboutissant des attaques, contrairement à ce qui aurait lieu, d'une manière presque fatale, s'il s'agissait réellement de l'épilepsie. Je ne crois pouvoir mieux faire que de vous rap-peler à ce propos le cas de la malade Ler..., qui, depuis près de quarante ans, est sujette à l'hystérie épileptiforme la plus vio-lente. Cette femme est sans doute bizarre, singulière dans ses allures, mais son intelligence est demeurée ce qu'elle était à l'origine. Les renseignements que nous avions pris ne peuvent laisser subsister aucun doute à cet égard(1). En somme,dans les cas de ce genre, et telle est aussi l'opinion de M. Briquet, le pro-nostic n'est pas autre que celui de l'hystérie intense. De cette considération découle une conséquence d'ordre pratique qui est bien de nature à fixer votre attention.
11 est enfin un dernier caractère sur lequel je vous demande la permission d'insister, parce qu'il n'a pas, à ma connaissance, été relevé jusqu'ici et que, selon moi, il est décisif. Il s'agit d'un ca-ractère fourni par l'exploration thermométrique. Je saisis, non sans empressement, l'occasion qui se présente de vous montrer, par un nouvel exemple, le parti qu'on peut tirer de ce mode d'exploration dans la clinique des maladies du système nerveux.
Ce n'est pas, Messieurs, que, sous le rapport des modifications imprimées à la température centrale, les convulsions toniques épileptiformes des hystériques diffèrent en quoi que ce soit des convulsions de l'attaque épileptique. L'attaque hystérique toni-nique, pour peu qu'elle ait quelque intensité, élève la tempéra-ture d'un degré, voire même d'un degré et quelques dixièmes (38°— 38°, 5), tout comme le faitl'attaque d'épilepsie vraie. C'est là un résultat dont nous avons eu nombre de fois, dans ce service, l'occasion de contrôler l'exactitude (2).
1, Nous avons déjà parlé de cette malade, p. 342.
2. Bourneville. — Études cliniques et thermo-métriques sur les maladies du système nerveux, p. 247: — Bévue phot. des hôp., 1869.
Mais si, en ce qui concerne le caractère thermique, l'accès d'hystérie épileptiforme et l'accès d'épilepsie vr,- se confon-dent, il n'en est plus de même lorsqu'il s'agit d'accès qui s'a-grègent et s'enchevêtrent de manière à constituer ce que, pour l'épilepsie, on appel laG es s-érie^m Y état de mql£
Fig. 25. — Température prise un peu après le 11e accès. Du Lr jour (soir) au 2e jour (matin), 31 accès. H- Température après une rémission de quatre heures. A partir de là, les accès s'éloignent et cessent le 3e jour. La ligne ponctuée répond au pouls.
Il y a d'ailleurs, dans cet état de mal des épileptiques, à dis-tinguer ce qu'on nomme les petites séries, composées de 2 à 6 accès, et les grandes séries, où l'on compte jusqu'à 20, 30 accès oumêmeplus dans les vingt-quatre heures. C'est à ces dernières que je m'adresserai exclusivement, parce que le phé-nomène surlequel je veuxinsister se montre alors dansson type
de complet développement. En pareil cas, Messieurs, c'est-à-dire lorsque les accès de J'épilepsie vraie se répètent en grand nombre, dans un court espace de temps, la température cen-trale s'élève d'une manière très remarquable ; et très certaine-ment cette élévation thermique ne peut pas être rattachée exclusi-vementàla répétition non plus qu'à l'intensité des contractions musculaires toniques, car les convulsions peuvent cesser com-plètement pendant plusieurs jours et la température néanmoins se maintenir pendant ce temps-là à un taux très élevé. Nous pouvons reconnaître et suivre ces particularités sur le tableau que je mets sous vos yeux, etquinousmontre les modifications qu'a présentées la température centrale chez la nommée Chevall.., pend int le cours de Y état de mal épileptique qu'elle vient de subir tout récemment {Fig. 25).
11 ne faut pas ignorer que cette élévation de la température est, dans la grande majorité descas, mêmeaprès toute cessation de convulsions, un indice du plus fâcheux augure ; elle s'ac-compagne d'ailleurs le plus souvent d'un étatgénéral qui, par lui-même déjà, donne beaucoup à penser ; ainsi, tantôtil existe un délire plus ou inoins accusé, —que M. Delasiauve rapporte à la congestion méningitique, — ◀tantôt▶ au contraire un coma plus ou moins profond, — congestion apoplectiforme des au-teurs ; — dans les deux cas il y a prostration des forces, séche-resse de la langue, tendance à la formation rapide d'escarres au sacrum; quelquefois enfin, production d'unehémiplégïe tran-sitoire, dont la raison n'a pas encore été révélée par l'autopsie. Cependant, et c'est là uni' donnée fort importante à consigner, cette élévation de la température, alors même qu'elle dépasse il0, et qu'elle s'accompagne des symptômes graves qui vien-nent d'être énumérés, n'est pas un signe annonçant néces-sairement une terminaison fatale. Vous voyez par l'observa-tionmême de Chevall... qu'onpeutguérir, encore, au milieu de toute ses fâcheuses circonstances. L'élévation de la tempéra-
ture au-dessus de 41° n'est donc pas nécessairement terminale, en pareil cas ; et il y a par conséquent quelque chose à rabattre des assertions émises à cet égard par M. Wunderlich d'abord et après lui par M. Erb (1).
I L'observation de la nommée Glievall.. est consignée tout au long, jusqu'à la date du 26 ma;'.s 1872, dans nos Études cliniques et thermom. sur les maladies du système nerveux. (Obs. XXXIII, p. 285.) Depuis cette époque, Chev... Ed-mée a été prise de nouveaux accidents qui ont eu une issue fatale. Nous pensons d'autant plus utile de les relater ici que, outre qu'ils complètent l'observation ancienne, ils apportent une nouvelle preuve à l'appui des opinions émises par M. Charcot dans la présente leçon.
1873. —9 février. Depuis une semaine environ Ch... est agacée, irritable: parfois même elle devient violente au point qu'on est obligé de l'attacher (exci-tation maniaque.)
10 fév. La nuit dernière l'agitation a encore augmenté : Ch... a empêché, par ses cris, les autres malades de dormir. Elle s'est calmée cependant à partir de3 heures du matin. On a compté trois accès durant la nuit. De 1 heure de l'après-midi à3 heures, les accès se sont multipliés. A 3 heures: P. 104 ; T. R.380, 6.
II fév. Hier de 1 heure à 9 heures du soir, on a compté 43 accès ; depuis lors jusqu'au matin à 7 heures, 70 accès. De7 heures à 11 heures, au moment où cette note a été prise, 35 accès. Voici la description des accès.
Cinq ou six secondes avant leur arrivée, les pupilles surtout la droite, sedila~ tent largement. Quelquefois, à ce phénomène, s'ajoutent de petites plaintes, des grincements de dents et, par exception un léger cri. Alors commence l'accès: les globes oculaires sont animés de convulsions très accusées (nystagmus), la face pâtit et se dévie à gauche ; le regard, d'abord fixe, et dirigé en avant, se porte à gauche. Le bras correspondant se soulève, puis se raidit en même temps que le bras droit qui, lui, reste appuyé sur le lit. La raideur tétanique gagne en-suite les membres inférieurs. Au bout de quelques secondes, on observe une demi-occlusion des paupières gauches qui sont animées, ainsi que les muscles de la même moitié delà face, de convulsions rapides.
10 à 15 secondes plus tard, la face et les yeux se retournent vers la droite; le tronc s'incline dans le même sens ; les paupières gauches s'enir'ouvent et de-meurent à peu près immobiles : mais, en revanche, les convulsions s'emparent des paupières droites et des muscles de la moitié droite de la face. La bouche, primitivement tirée à gauche, est tirée à droite, Les convulsions cloniques, ap-parues durant cette phase et qui avaient d'abord envahi les membres du côlé gauche, prédominent maintenant à droite.
Enfin, l'accès se termine par du ronflement, une lividité faciale aussi pronon-cée'que possible, de l'écume à la bouche. A la lin de l'accès, les pupilles re-prennent leurs dimensions normales.
Pendant les rémissions, la malade est dans la résolution complète. Soulevés, les membres retombent inertes. Le pincement énergique produit un piéger sou-lèvement du bras gauche maisrienà droite. Le chatouillement de la plante des pieds suscite des mouvements réflexes plus intenses à gauche qu'à droite. Tandis
Je vous rappellerai, en passant, que cette élévation rapide de la température n'appartient pas en propre, tant s'en faut, à
qu'il n'y a pas d'injection de l'œil droit, à gauche, il existe une hypérémie con-sidérable de la moitié inférieure du globe oculaire etune vascularisation moindre de la paupière inférieure. Les narines sont pulvérulentes. Le tube digestif n'offre rien de particulier: il y a eu hier une garde-robe après lavement. lh... urine sous elle. Plaque érythémateuse sur la fe.^se droite. Sueurs abondantes, plus prononcées par instant. A 11 heures : P. 120 : R. 49, bruyante; T. H. 40°, S. A midi : P. 130 ; R. 60.
6 heures, soir. — Depuis 11 heures du malin, on a inscrit 76 accès, dont 12 depuis 4 heures 1/2. R.60 ; T. R. 41°, 3. Sueurs copieuses sur tout le corps sans différence entre les deux moitiés. Toute la parlie gauche du corps 'face» tronc, etc.) est manifestement plus chaude que la partie droite.
Les paupières sont à demi ouvertes : les yeux sont portés en haut ; les pupilles sont modérément dilatées (la droite l'est toujours davantage.) Avant chaque ac-cès, la dilatation des pupilles s'accroît d'une manière remarquable. Le nystag-mus semble apparaître presque en même temps. Ni vomissements, ni selles, ni urines. Même état de la fesse droite. Respiration stertoreuse.
S heures. P... : R. 70 ; T. R. 41°, 2. — Quatorze accès. A partir de cet instant la malade n'a plus eu d'accès. Elle est morte à 3 heures du matin. La température vaginale, prise par une autre personne, était à 41°, 2. A 11 heures dumatin — le 11 février, c'est-à-dire huitheures après la mort, T. R. 40°. — (Le cadavre est resté dans le lit). Les pupilles sont moyennement dilatées et au même degré. Nombreuses vergetures surle ventre, le dos, les fesses etlcs cuisses.
Autopsie le 18 février. Les os, la dure-mère "et ses sinus n'ont rien d'anormal , La quantité daliquide céphalo-rachidien n'estpas augmentée. Suffusion san-guine sur la face convexe des hémisphères, surtout à droite. — Artères de la base saines. — Encéphale, 1,360 gr. La pie-mère est très légèrement injectée à la base du cerveau ; cette injeetion est un peu plus accusée au niveau du lobe sphénoïdal. Des deux côtés, la pie-mère se détache facilement et le cerveau est humide au môme degré.
Hémisphère droit. Il pèse 5 gr. de plus que le gauche. Sur certaines circon-volutions, principalement celles qui avoisinent la scissure de Sylvius, existent une coloration hortensia, quelques petites éraillures et, sur quelques-unes, un pointillé très fin. La circonvolution de la corne d'Ammon présente une indura-tion très évidente. Cette induration, qui remonte en dedans le long de ladite circonvolution, prédomine à son extrémité. —Hémisphère gauche. La circon-volution de la corne d'Ammon offre une induration bien moins marquée et cir-conscrite à son extrémité. — Cervelet, isthme, rien à noter.
Moelle. La substance grise à l'œil nu paraît un peu déformée.
Thorax. Congestion assez forte delà moitié inférieure des poumons. Déplus, il y a un foyer d'hépatisation rouge, récent dans le lobe inférieur. — Cœun estomac, rate, sains; pas d'ecchymoses. — Foie, non hypérémie. — Reins, anémie de la substance corticale;pyramides distinctes. — Verne, rien. — Utérus assez gros; corps jaune récent sur l'un dés ovaires ; petits kystes sur l'autre. (B.)
l'état de mal épileptique, on l'observe encore, par exemple, dans les attaques dites c(mgestive$,apoplectiformes ouépilep-tiformes de laparalysiegénéraleprogressive,a,msi que l'a, le premier, montré M. Westphal, qui, d'ailleurs, a donné du fait une interprétation peu conforme à la réalité (i). On l'observe aussi dans les attaques fort analogues aux précédentes qui peu-vent survenir dans le cours de la sclérose en plaques (2), et,en-fin, dans les attaques, avec ou sans convulsions,qui s'observent dans les cas de foyer cérébral ancien (hémorragie ou ramol-lissement) ou de tumeur cérébrale, quelle qu'en soit la nature. Cette élévation thermique contraste d'une manière remarquable avec l'abaissement initial qui existe à peu près toujours, au mo-ment de la formation du foyer hémorragique cérébral, et c'est là, ainsi que je l'ai démontré, un caractère qui peut être utilisé pour le diagnostic.
Mais il est temps d'en revenir à l'hystérie épileptiforme dont cette digression nous a quelque peu éloignés. Tout comme dans l'épilepsie vraie, les accès composés s'observent dans l'hystéro-épilepsie. Landouzy parle d'une hystérique qui avait eu jusqu'à 100 accès par jour. Vétat de mal hystéro-épileptique peut d'ailleurs se prolonger pendant un laps de temps considérable. Georget cite l'observation d'une femme chez laquelle les accès se sont montrés à peu près continus pendant une durée de qua-rante-cinq jours.
Chez notre malade Co..., dont les crises ont un cachet épi-leptiforme, si prédominant et si fortement accentué, Vétat de mal a persisté pendant plus de deux mois, et, par moments, les accidents ont été portés au plus haut degré d'intensité. Ainsi le 22 janvier, entre autres, les convulsions épileptiformes se sont succédé sans interruption depuis neuf heures du matin jusqu'àhuit heures du soir : de huit à neuf heures, il y a eu un
1. Westphal, loc, cit.
2. Voyez la LeçoN VIII, p. 249.
Lemps de repos, puis les attaques ontrepris comme de plus belle, sans le moindre retour à la lucidité, et ont persisté à peu près pendant le même espace de temps. On peut, d'une manière approximative, évaluer sans exagération le chiffre des attaques épileptiformes qu'elle a éprouvées à cette époque, dans l'espace d'un jour, à 130 ou 200 environ.
La persistance d'un tel état, sans que la mort s'en soit suivie, ne montre-t-elle pas déjà qu'un abîme sépare Tépilepsie vraie de l'hystéro-épilepsie ? — « Si ce n'était pas là de l'hystérie », disaient en parlant de Go..., les surveillantes du service, témoins de ses accès et habituées à ce genre de malades, « si c'était de l'épilepsie véritable, il y a longtemps que cette femme aurait succombé. » Cette remarque est parfaitement judicieuse, parfaitement fondée.
Fia. 26.
Eh bien, Messieurs, et voici le point sur lequel je veux sur-fout insister'.jamais pendant cette longue période convulsive la température rectale ne s'est, chez Co..,sensiblement modifiée ; elle a été en moyenne de 37°,8 : elle ne s'est élevée jusqu'à 38°,5 que d'une façon toutà fait exceptionnelle et transitoire(Fig.26). — Je dois ajouter que jamais, pendant ce temps, l'état général ne nous a inspiré la moindre inquiétude, malgré l'alimentation insuffisante et l'énorme dépense de force musculaire qui a dû se
faire. La situation mentale, d'un autre côté, n'était pas, tant s'en faut, aussi profondément modifiée que cela eût eu lieu nécessairement, s'il se fût agi de la vraie épilepsie ; à aucune époque, il n'y a eu d'évacuations involontaires d'urine ou de matières fécales; dans les courts répits que ses attaques lui laissaient, la malade se levait pour satisfaire à ses besoins.
Dans ces intervalles aussi, d'ailleurs très brefs, la nature hystérique du mal, surtout dans les premières semaines, repa-raissait dans tout son jour. Une fleur dans les cheveux, des frisures bizarres, un vieux morceau de miroir, placé sur la planchette du lit, témoignaient suffisamment des occupations favorites de cette femme dans les temps de répit.
Mais je veux surtout signaler à votre attention le caractère thermique que l'observation nous à fait reconnaître. Il résulte-rait en somme de tout ce qui précède, que si dans Y état de mal épileptique, à grandes séries, la température s'élève très rapi-dement à un haut degré, en même temps que la situation devient des plus graves, aucontraire, à-msYélatdemalhystéro-épilep-tique à longue série, la température ne dépasse guère le chifïre normal, et d'ailleurs l'état général concomitant n'est pas de nature à inspirer de l'inquiétude. 11 n'est pas nécessaire d'in-sister longuement, je pense, pour mettre en relief un contraste aussi frappant.
Je ne voudrais pas, toutefois, Messieurs, que vous prissiez absolument au pied de la lettre le dernier terme de la propo-sition que je viens d'émettre ; sans doute il répond à la réalité, pour la très :grande majorité des cas, mais il y a le chapitre des exceptions. II n'est pas, en effet, sans exemple que l'hys-térie se soit, pendant la phase convulsive, terminée par la mort. A la vérité, ce sont presque toujours des attaques d'un genre particulier, des attaques dyspnéiques, qui amènent ce triste résultat (1) ; mais, je le répète, les attaques convulsives
1 Briquet, lac. cit., [. 283 et 538.
elles-mêmes peuvent y conduire. Je puis, à titre d'exemple, vous rappeler un l'ait de ce genre publié par M. Wunder-lich(l). 11 s'agit d'un cas d'hystéro-épilepsie comparable àbeau-coup d'égards à celui dontje viens de vous entretenir. Pendant plus de huit semaines, la malade en question éprouva des at-taques épileptiformes, en nombre d'ailleurs assez restreint, et quines'accompagnaientpas d'augmentation notable delà tem-pérature ; sans cause connue, sans l'intervention d'accidents nouveaux, deux jours avant la mort, la scène changea tout à
1 Voici la traduction, par notre ami E. Teinturier, de l'observation de Wim-derlich, à laquelle M. Charcot fait allusion.
Observation. — Huit semaines de convulsions hystériformes à marche apy ré-tique et sans danger apparent. — Revjjxyienl fâcheux et subit, sans augmen-tation d'intensité des convulsions. Mort au bout de quelques heuresjmèc une température de43° C,'— Autopsie. —^Annc Vog7fl7iMxinmitlin1is7scrvante, mens-truée deux fois dans les derniers quatorze jours, avant de tomber malade, d'ail-leurs bien portante, fut prise pour la première fois, le 13 août 1855, soi-disant après une vive réprimande, de convulsions qui se répétèrent le 16 au soir et le 18 au matin et remplirent presque sans interruption la nuit du 18 au 19. Entrée le 19, à midi, elle présenta à minuit, dans le bras gauche, où l'on avait constaté de la paralysie, mais pas d'insensibilité, des soubresauts modérés, puis elle éprouva un sentiment d'angoisse, poussa un léger cri, et éprouva des convulsions d'abord dans la moitié gauche de la face, puis dans la droite aussi; la bouche était ouverte, les paupières alternativement ouvertes et fermées, le globe de l'œil fortement tourné an i:aul. Puis survinrent dans le3 extrémités inférieures et le bassin de violentes et rapides convulsions cloniques projetant ces parties en avant, en arrière et de côté. La l'ace devint cyanosée et l'écume sortit de la bou-che. Au bout d'une minute, respiration profonde et supérieure : relâchement des membres et de la face. Ensuite sommeil paisible en apparence ; enfui bâillement, ouverture des yeux et retour de la conscience après six minutes.
La malade est en bon état, sa langue est peu chargée: la température est à 38°,12, le pouls à 140 (après l'accès), rien d'anormal. Elle dit seulement ne pou-voir remuer le bras gauche, et demande qu'on ne la touche pas, parce que, au-trement, elle aurait des convulsions. Cependant elle serre fortement de la main gauche.
Dans la nuit du 19 au 20, 6 accès et dans la journée du 20, 7. Pas d'albu-mine dans l'urine; fort sédiment urique. Langue chargée. Température matin et soir, 38°,12; pouls 132 ; R. 24-32. Dans la nuit du 20 au 21, 7 accès; ^.jus-qu'au matin du 22. Température o7(,,76: selles normales; léger trouble albu-mineux de l'urine.
Les jours suivants de 8 à 16 accès par jour. État supportable d'ailleurs; pas d'élévation notable de la température (le plus souvent normale, jamais au-dessus
coup : la malade tomba dans le collapsus, et dans un court es-pace de temps la température s'éleva jusqu'à 43°.
Cet exemple suffira, Messieurs, pour vous montrer qu'en présence d'un cas d'état de mal hystéro-épileptique de quelque intensité, malgré toutes les chances d'une issue favorable, il ne serait pas prudent de s'abandonner à une sécurité complote, absolue.
de 38°, 12, sauf un soir à 38°,75), pouls ordinairement au-dessus de 112 ; langue chargée. Le 16, éruption miliaire, conflncnte, en vésicules, au bout des doigts. Urine chargée de phosphate, sans albumine. Dans les accès, ◀tantôt▶ elle perd connaissance, ◀tantôt▶ elle ne la perd pas, crie quelquefois beaucoup. La sensi-bilité persiste dans le bras et la jambe gauches.
7 septembre. — Les accès deviennent plus fréquents, durent plusieurs jours sans interruption; pendant les accès, elle parle souvent et crie. Évacuations fré-quentes d'urines et de matières dans le lit. Amélioration, puis état stationnairc jusqu'au 2 octobre au soir, où la malade offre un accès de collapsus marqué. Dans la nuit du 3, pas d'accès particuliers. Au matin, agitation des bras, stra-bisme divergent. La tête penche à droite et à gauche, connaissance conservée, légère cyanose. A partir de 10 heures, imposibilité d'avaler : à midi, trismus ; a 1 heure 3/4, fortes convulsions respectant la tête ; pouls extrêmement fréquent ; température 41°,87 ; forte cyanose, écume à la bouche, râle trachéal. Mort à 2 heures 1/4; température 43°. Un quart d'heure après, température 42°,75.
Autopsie. — Corps en bon état; larges taches cadavériques aux endroits dé-clives ; pas de rigidité musculaire. Le crâne et ses viscères gorgés de sang; cir-convolutions postérieures un peu aplaties : susbtancc cérébrale un peu dure. Léger épaississement trouble de la pie-mere de la base. Cavités cérébrales de capacité à peu près normale, à parois de consistance ordinaire. — Pont et moelle injectés de sang rouge grisâtre, sale. — Poumons injectés et œdématiés.
— Cœur normal; foie graisseux çà et là, exsangue. — Estomac dilaté, d'ailleurs normal comme les intestins. — Reins fortement gorgés de sang ; concrétion du volume de la moitié d'un pois dans un calice du rein gauche. — Utérus normal.
— Kystes nombreux de la grosseur d'un pois dans les ovaires. (Wunderlich. — Arch. der Heilkunde, t. V, p. 210.)
Charcot. OEuvres complètes, t. i. 25
QUATORZIÈME LEÇON
De la chorée rythmique hystérique.
Sommaire. — Symptômes. —¦ Caractères des troubles moteurs. — Analyse des mouvements du tronc, des membres, de la tète, de la langue. — Chorea major. — Nature de l'affection : elle relève de l'hystérie. — Preuves à l'appui, ovaric et hémianesthésie droites ; — altérations des sens: —effets transitoires de l'application des plaques d'or et d'étain dans l'hystérie. — Leur action per-manente dans l'hémianesthésie de cause organique. — Caractères des attaques convulsives. — Action de la compression ovarienne.
La chorée rythmique appartient au groupe des symptômes permanents de l'hys-térie.— Disparition momentanée sous l'influence de la compression ovarienne. — Relation avec les attaques. — Cas de Trousseau, Briquet, Murchisson, etc. — Traitement: insuccès de l'éther; — etlicacité du nitrile d'amyle.
Messieurs,
11 s'est produit ces jours derniers, chez une des malades de notre service, atteinte depuis longtemps d'hystéro-épilepsie à crises mixtes (Hysteria major), un état pathologique rare, tout à fait digne, à ce titre, d'être placé sous vos yeux, mais qui de sa nature, est essentiellement instable, mobile, comme l'est, dit-on, le sexe sur lequel il se développe de préférence.
Les phénomènes, dont il s'agït,datent de plusieurs jours déjà, mais il peut arriver que demain, dans un instantpeut-être—on ne saurait rien prévoir à cet égard —- ils aient cessé d'exister. L'occasion est donc pressante ; il importe de la saisir. C'est pourquoi j'ai pris le parti de commencer les conférences de
celte année (l)sansprêliminaires, sans préambule enenirantde plein pied dans l'étude clinique, qui est d'ailleurs l'objet prin-cipal que nous poursuivons dans ces conférences.
Je désignerai sous le nom de chorée rythmique hystérique Pétat pathologique sur lequel j'appelle votre attention. L'ana-lyse descriptive que je vais vous présenter nous fournira amplement, je l'espère, les moyens de justifier tous les termes de cette dénomination.
La jeune malade que vous voyez là, couchée, parfaitement consciente de ses actes, et d'ailleurs fort bien portante, est âgée de 19 ans à peine ; son histoire clinique antérieure est cepen-dant déjàfort longue, fort accidentée (2). Je vous en signalerai les principaux épisodes dans un instant. J'aborde immédiate-ment l'exposition des symptômes que j'ai hâte de \rous faire connaître.
Ce qui vous frappe le plus, certainement, tout d'abord, ce sont les grands mouvements dont la tête, le tronc et les membres d'un côté du corps, ceux du côté droit, sont sans cesse agités. Au premier aperçu, ces mouvements paraissent désordonnés ; il semble difficile de les soumettre à l'analyse. Toutefois, un examen plus attentif permet d'y reconnaître bientôt un certain nombre de traits généraux. Ainsi, Vagitation peut-être décom-posée, pour chaque partie, en mouvements alternatifs, surtout de flexion et d'extension, toujours les mêmes, absolument uni-formes.
Vous voyez le tronc s'infléchir fortement sur le bassin, {Fig. 27), entraînant la tête qui, à son tour, s'incline sur la poi-trine, et il est un moment où le front ne s'éloigne guère de plus de 50 centimètres du genou droit, qui, dans ce temps là est
1. Novembre-décembre 1877, (Progrès médical, 9 fév. 1878).
2. Ou la trouvera relatée complètement dans : Bourneville et Kegnard. — Iconogr, photoç/r. de la Salpêtrière, t. II. p. 1-22-18G.
dans l'extension forcée , puis la tête et le tronc se redressent, décrivant une trajectoire {Fig. 29J, qui figure un demi-cercle parcouru tout à l'heure, en sens inverse, dans le mouvement de flexion, si bien qu'au dernier terme, le dos, puis l'occiput, retombent lourdement sur l'oreiller ; presque aussitôt le mou-vement de flexion recommence, suivi bientôt du mouvement d'extension et ainsi de suite {Fig. 28). On dirait l'image d'une salutation profonde et répétée, rendue ridicule par sa répéti-tion même et par son exagération (Fig. 27, 28, 29.)
Remarquez que ces actes se reproduisent suivant un rythme très régulier. Aujourd'hui nous comptons de 30 à 40 saluta-tions par minute; hier et avant-hier l'agitation étant plus grande, ils ont x^arié, dans le même temps, de 40 à 80. En même temps, les membres supérieur et inférieur du côté droit, simultanément, s'étendent, puisse fléchissent alternativement, suivant le même rythme.
Les mouvements des diverses parties méritent, d'ailleurs, d'être étudiées avec plus d'attention, non seulement indivi-duellement, mais encore dans leurs relations réciproques, dans leur isochronisme.
Prenons le temps où la flexion de la tête et du tronc est aussi prononcée que possible (Fig. 28) ; en ce moment, le membre supérieur, tout entier, est dans l'extension; son grand axe, dirigé verticalement, forme un angle droit avec le plan du lit sur lequel la malade est couchée ; étendu sur le bras, l'avant-bras' subit en outre un mouvement de pronation, en vertu duquel la paume de la main se dirige en dehors. Cette attitude du membre supérieur rappelle assez bien, vous le voyez, celle qui se produit dans le mode de natation, qu'on appelle vulgai-rement la coupe marinière. Dans cet instant, la jambe est étendue sur la cuisse, le pied fléchi sur la jambe, reproduisant d'une façon très accusée le déformation du pied bot équin :
alors le membre inférieur, rigide dans toutes, ses parties, est fortement appliqué sur le matelas.
La flexion des deux membres {Fig. 28) commence à se pro-duire aussitôt que se prononce le redressement du tronc, et elle s'accentue progressivement du môme pas que celui-ci. Lorsque la révolution est accomplie, c'est-à-dire au moment où la tête
Fig. 27. — Dessinée par P. Richer, d'après un croquis fait sur nature par M. Charcot.
et le tronc, tout à fait étendus, retombent sur l'oreiller, Pa-vant-bras est fortement fléchi sur le bras, la main surl'avant-bras.et les doigts fléchis eux-mêmes arrivent à toucher l'épaule par leurs extrémités. Simultanément, et dans la même propor-tion, la cuisse s'est fléchie sur le bassin, la jambe sur la cuisse, de façon que le talon s'est mis presque en contact avec la fesse correspondante. Cette attitude de flexion forcée des membres ne dure qu'un instant, car elle fait bientôt place au mouvement d'extension. Celui-ci s'accuse de plus en plus, à mesure que la flexion de la tête et du tronc, qui a recommencé à se produire, s'accentue davantage.
Telle est la série de phénomènes qui, depuis une dizaine de jours, se reproduit, d'une façon monotone, avec une régularité
presque mathématique, sans cesse et sans trêve, nuit et jour si ce n'est cependant durantles quelques heures où survient le sommeil. Au momentdu réveil, il se manifeste un fait très cu-
Fig. 28. —Dessinée par P. Richer d'après un croquis fait sur nature par M. Charcot.
rieuxsur lequel jereviendrai dansun instant. Les membresqui, durant la veille, sont incessamment agités de mouvements alternatifs de flexion et d'extension, se montrent pendant quel-ques instants, le membre inférieur surtout, le siège d'une rigi-
Fig. 29. — Dessiné par P. Richer.
dite musculaire, qui rappelle la contracture hystérique. Mais cette ridigité esttransitoire, de très courte durée, et bientôt re-commence la série des mouvements d'extension et de flexion.
Remarquez que les membres du côté droifsont seuls agités de ces mouvements ; ceux du côté gauche restent tout à fait libres.
Ainsi de la main gauche, malgré les grandes oscillations du tronc, la malade peut, avec assurance, porter à sa bouche, sans répandre une goutte du liquide, un verre rempli d'eau ; elle peutencore, de cette main, tracer sur le papier quelques carac-tères, et écrire même son nom très lisiblement.
Quelques nouveaux détails sont nécessaires pour compléter le tableau dont l'esquisse vient d'être tracée.
Examinez avec attention ce qui se passe du côté delà face au moment où la tête et le tronc se renversent en arrière; vous voyez qu'en cet instant la commissure labiale droite estmomen-tanément tirée en dehors et à droite. La déviation cesse au moment même où la tête s'infléchit en avant. Il se produit ainsi une grimace intermittente et rythmée fort singulière. Si dans le temps où cette grimace se produit vous priez la malade d'al-longer la langue, de la sortir de la bouche, vous constatez que la pointe de l'organe se porte très fortement vers la droite. Des mouvements involontaires de la langue, dans cette même direc-tion, se produisent à chaque instant dans la bouche et, comme ils coïncident avec la déviation de la commissure labiale, il en résulte une grande gêne dans la prononciation. Les mots sont coupés, scandés, altérés par un « zézaiement » très accentué ; chau-chon est prononcé au lieu de chausson, chan-chon au lieu de chanson.
Nous allons, pour en finir avec cette étude descriptive faite sur nature, prier lamaladede se lever ; les mouvements invo-lontaires sont, vous le voyez, tout aussi prononcés dans la sta-tion verticale qu'ils l'étaient dans la situation horizontale. La jeune malade ne peut se tenir debout sans s'aider du bras gauche qu'elle appuie sur le lit. Avec le secours d'une personne étran-gère, elle peut faire quelques pas en avant ; elle progresse alors avec un balancement rythmé du corps,un mouvement cadencé des membres du côté droit qui rappellent assez bien la danse
dite « mazurka ». Telle est, du moins, l'opinion émise par quelques personnes compétentes en pareille matière.
Vous en avez vu assez,Messieurs,je pense,pour être amenés à reconnaître que l'affection que vous avez sous les yeux peut être appelée une chorée, si,toutefois, nous prenons le mot dans son acception la plus large, en tant, par exemple, qu'il sert à désigner les affections de nature diverse où il existe des gesti-culations, des mouvements involontairesà grand rayon,mouve-ments permanents, incessants, persistants, sans repos ni trêve, à part cependant le temps où survient le sommeil. Car il ne s'agit pas ici,cela devient évident dès le premier coup d'œil, de la chorée vulgaire (chorea minor, chorée de Sydenham), telle que vous pouvez l'observer chez une autre malade, Alten.., que j'ai fait placer auprès de la première, afin de mieux accuser le contraste. Chez Alten..., les mouvements involontaires se rap-portent au type classique et consistent, par conséquent, en des gesticulations non rythmées, vraiment désordonnées, irrégu-lières, à peu près indescriptibles ou échappant du moins à toute formule un peu précise. Chez la jeune G..., au contraire, la chorée — qui dans le cas particulier est une hémichorée, puisque les mouvements, pour les membres du moins, sont limités à un côté du corps — la chorée, dis-je, est du genre de celles que mon collègue, M. le Professeur Sée, clans un travail très important et que vous connaissez tous, a proposé de dési-gner sous le nom de systématiques ou rythmiques (i) .Ces qua-lifications, remarquez-le bien, s'appliquent parfaitement à notre cas ; chez notre malade, en effet, la chorée peut être dite ry-thmique, puisque les mouvements pathologiques affectent un rythme très régulier. Elle peut être dite aussi systématique, puisque ces mouvements, à chaque temps du rythme,se repro-duisent d'après un type constant, uniforme.
1. Sée (G.). — Mémoires cle l'Académie de médecine, 1850, t. XIV.
Nous pourrions chercher à préciser encore plus les termes et montrer que les mouvements pathologiques que nous étu-dions doivent être rattachés à la variété des chorées dites mallêatoires ; à proprement parler, « malléatoire y signifie que les gesticulations sont comparables aux mouvements ca-dencés que décrit le bras du forgeron qui frappe sur l'en-clume. (Malleator: forgeron. —Maliens: marteau). Mais l'action de frapper sur l'enclume n'est pas la seule qui puisse être imitée dans ce genre de chorée. Si l'on persiste à chercher des termes de comparaison dans l'exercice de certains actes physiologiques ou professionnels, on pourrait,envisageant sur-tout les mouvements du bras et de la jambe du côté droit, dire que chez G... la chorée est natatoire; on l'appellerait plus vo-lontiers saltatoire si l'on considérait, au contraire, plus particu-lièrement ce qui se passe lorsque la malade, debout, essaie de faire quelques pas et exécute,chemin faisant une sorte de danse.
Mais peu importe au fond les nuances ; il suffira pour carac-tériser la situation, de relever que, d'une façon générale, les mouvements involontaires dont il s'agit reproduisent, tant bien que mal, des actes voulus, intentionnels.
Après avoir reconnu le cas qui nous occupe,pour un exemple bien caractérisé de chorée rythmique, il nous faut montrer maintenant que la qualification d'hystérique lui, est en outre, légitimement applicable, ou, en d'autres termes,que l'affection choréiforme est là, au premier chef, sous la dépendance de la maladie antérieure Yhystérie, dont elle représente une des manifestations multiples et variées.
Etablir chez notre malade l'existence du fond hystérique sera, je pense, une tâche facile ; les preuves à l'appui de notre asser-tion vont abonder.
L'étude des antécédents nous apprend que chez G... l'hystérie convulsive a commencé à se manifester dès l'âge de 13 ans.
Nous avons vu celte jeune fille présenter journellement dans cet hospice, pendant une période de près de deux années, de la à 17 ans environ, et de façon la plus accentuée,les symptômes locaux permanents de la forme d'hystérie que nous a\7ons pro-posé d'appeler ovarienne, alors que la menstruation n'avait pas encore paru. L'apparition des règles, qui a eu lieu il y a 2 ans, n'a modifié en rien d'essentiel le tableau clinique. Les paroxys-mes convulsifs et les phénomes locaux ont persisté comme devant et je \rais, dans un instant, vous en faire constater l'exis-tence actuelle. Je pourrais vous citer plusieurs autres cas d'hys-térie ovarienne développée plusieurs années avant la menstrua-tion, et, d'un autre côté, je vous présenterai prochainement deux femmes du service, chez lesquelles les crisesconvulsives hystéro-épileptiques ainsi que le cortège, à peu près obligatoire en pareille circonstance, des symptômes d'hystérie locale, ont persisté,sans autre modification qu'une atténu ition légère,pen-dant plusieurs années,après l'accomplissement de laménopause. Ces faits du domaine pathologique concordent, — je le ferai remarquer en passant, — avec les faits d'ordre physiologique, nombreux aujourd'hui, qui tendent à établir que l'activité de l'ovaire est de beaucoup antérieure à la fonction menstruelle et lui survit (1).
Voici maintenant rémunération des principaux symptômes d'hystérie locale dont la présence peut être actuellement recon-nue cheznotremalade. 11 existe une ovaralgieouovarie droite, très nettement prononcée, fixe, toujours présente à un certain degré; la douleur iliaque,par laquelle elle se manifeste,s'exalte spontanément à l'approche des crises. En tout temps, on l'exas-père par la pression. C'estau niveau de ce point douloureux que la sensation d'aura prémonitoire des attaques semble prendre origine pour remonter vers l'épigastre, la région précordiale, le
1. Voir entre au 1res, sur ce sujet: De Sinéty : Arch. de physiologie, 1875, p. 50, et Barker: Pliiladelph. Med. Times 1874, Jahresbericht, 1874, p. 278.
cou, latête,etc.— Toute la moitié droite du corps, la tête, cou, tronc, membres, — est occupée par une anesthésie complète, absolue. Vous voyez, en effet, comment un pli épais de la peau de l'avant-bras, de la nuque, de la jambe, les plis interdigitaux delà main droite, sont traversés de part en part, à l'aide d une aiguille volumineuse et assez mal appointée, sans que le sujet ait la moindre notion de ce qui se passe. Sur ce même côté droit, il y a également thermo-anesthésie complète ; de plus, les sens spéciaux sont, eux "aussi, tous affectés bien qu'à des degrés divers.
Il y a « anosmie » dans lanarine droite, perte absolue du goût sur la moitié droite de la langue, depuis la pointe jusqu'à, la base, diminution de l'acuité auditive de l'oreille droite, amblyopie avec dyschromatopsie de l'œil droit. De cet œil, G. ..a complète-ment perdu la perception des couleurs dites centrales, le violet et le vert, tandis qu'elle distingue encore fort nettement les cou-leurs périphériques, à savoir le rouge, l'orangé, le jaune et le bleu. Acettehémianesthésie correspond, comme c'est l'habitude en pareille occurence, un certain degré d'hémiamyosthénie. Ainsi, tandis que pour la main gauche la pression dynaraomé-frique est de 25 kilg., elle est représentée, pour la main droite, par 15 kilg. seulement. Relevons une fois de plus, puisque l'oc-casion s'en présente, la concordance rémarquable,et sur laquelle j'ai maintes fois insisté antérieurement, du siège de la douleur iliaque et du mode de localisation des symptômes concomi-tants (1 ). L'ovaralgie siège à droite, et c'est le droit qu'occu-pent l'hémianesthésie etl'ovarie ; c'est encore du côté droit que se manifeste chez G... la contracture des membres lorsqu'elle se produit à la suite des attaques, et vous avez pu remarquer que ce sont aussi les membres du côté droit qui sont aujouf=-' d'hui agités des mouvements choréiformes rythmiques.
1. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. I, p. 330.
Il est au moins fort vraisemblable que tous ces phénomènes occuperaient au contraire le côté gauche du corps si l'ovarie siégeait à gauche (1).
- Je me borneraià cet exposé sommaire et je vous épargne les détails que mes études antérieures vous font aisément prévoir. J'ai voulu seulement vous montrer qu'en ce qui concerne les phénomènes locaux, le cas de G... est un exemple très régulier, très classique, dans la catégorie de l'hystérie ovarienne. Il est encore un point, cependant, sur lequel je veux m'arrêter un instant, parce qu'il touche à des questions d'actualité. Notre malade, pour parler la langue de M. Burcq, est une hystérique poly'métallique. Elle est sensible àl'oret à rétain, c'est-à-dire que si, chez elle, vous appliquez sur une région quelconque des parties anesthésiées, soit une plaque d'étain, soit quelques piè-ces d'or, xrous constatez, au bout de 10 à 15 minutes d'appli-cations, que la sensibilité a reparu dans tous ses modes, non seulement sous la plaque métallique elle-même, mais encore au-dessous et au-dessus dans une certaine étendue. Ilest,vous le savez, suivant les observations de M. Burcq— observations reconnues aujourd'hui comme parfaitement exactes, du moins sur ce point —des hystériques sensibles exclusivement à l'or, d'autres au fer, d'autres au cuivre, au zinc ou à l'argent. Il est aussi, ainsi que vous le xroyez par l'exemple que nous avons sous les yeux, des hystériques polymétalliques, c'est-à-dire sensibles à plusieurs métaux. Le fait d'être influencée de la façon qui vient d'être indiquée, par une simple application métallique n'est pas, contrairementà l'opinion autrefois émises parTrousseau, un caractère exclusivement propre à lnémia-nesthésie des hystériques.
1. Il existe quelques rares exceptions à celte règle, j'ai vu une fois l'hémianes-thésie occuper le côté gauche tandis que l'hémianesthésie ovarienne siégeai! à droite. M. le D1' Barlow (de Londres) a publié un fait du même genre.Un autre cas a été rapporté dans le t. III de VIconographiephotogr. de la Salpêtrière,p.18.
Nous avons observé, en effet, deux cas d'héniianestliôsiecé-rébrale complète, et de date ancienne, liée à une lésion orga-nique, où ces applications ont eu, comme dans l'hystérie, pour résultat de provoquer le retour de la sensibilité normale. Mais,, tandis que, dans ces deux cas, les résultats obtenus ont été défi-nitifs, permanents, à ce point qu'ils subsistent depuis plus d'un an, ils ont toujours été transitoires dans les faits d'hémianes-thésie hystérique que nous avons observés (1). Dans les cas du dernier genre une 1/2 heure, 2 heures, 24 heures au plus, après que les plaques ont été enlevées, l'anesthésie s'est reproduite telle qu'elle était avant l'application. Cette mobilité môme, ce caractère transitoire des phénomènes est, peut-être, justement, un trait qui distingueï'hémianesthésie hystérique de l'hémianes-thésie cérébrale de cause organique.
Pour ce qui est relatif aux crisesconvulsives, je me borne-rai à dire, qu'à cet égard encore, G... peut être considérée comme un véritable sujet d'étude. Chez elle, en effet, les diver-ses phases qui, d'après la description quejevousai présentée, composent un accès hystéro-épileptique dans son type de com-plet développement, se succèdenl avec une régularité remarqua-ble : 10 Phase des convulsions épileptiformes généralisées, ter-minée par une courte période de stertor ; 2° Phase clonique par excellence oudesgrandsmouvementsdu corps, des contorsions; 3° Phase des attitudes passionnelles ou, si vous l'aimez mieux, des poses plastiques. La période du délire consécutif à la crise si prononcée chez quelques sujets, est, au contraire, dans ce cas, à peine esquissée. Telle est la série des phénomènes qui, constamment, dans toutes les attaques, et dans les attaques subintrantes dont l'enchaînement constitue un état de mal, se reproduisent chez G... toujours suivant le même mode et dans
1 Voir l'observation dans le Progrès médical, 1877, p. 381.
Je même ordre. J'ajouterai enfin, —c'est là un caractère, à mon sens, de premier ordre, que la compression méthodique de la région ovarienne droite, pourvu, bien entendu, qu'elle soit con-duite conformément aux règles (1),fait cesser chez elle, immédia-tement, lesphénomènes de l'attaque quels qu'ils soientet qu'elle que soit la période durant laquelle la manœuvre est pratiquée.
J'en ait dit assez, je l'espère, pour vous faire reconnaître que notre malade, ainsi que je l'avais annoncé, présente tous les ca-ractères de l'hystérie ovarique sous la forme la plus régulière, la plus classique. Je vais essayer de vous montrer maintenant que la chorée rythmique, dont elle estaujourd'hui tourmentée, ne représente pas une complication fortuite, un épisode étran-ger à l'histoire de la grande névrose, mais qu'elle se rattache, au contraire, à la diathèse hystérique, par des liens très étroits, comme une affection subordonnée, au même titre que les pa-ralysies,les contractures, les crises eonvulsives elles-mêmes.
Je ferai remarquer, en premier lieu, quenotre chorée acom-mencé àse manifester il y a dix jours, aussitôt après lacessalion d'une attaque, c'est-à-dire dans les circonstances où se dévelop-pent fréquemment les divers phénomènes d'ordre moteur, para-lysies, con raclures des membresappartenant à la série hysté-rique ordinaire. Je relèverai encore que la crise, à la suite de laquelle la chorée s'est produite, s'étaitfait remarquer par sa courte durée et une atténuation relative de tous les symptômes : qu'elle n'avait pas été suivie de ce sentiment de détente qu'ac-cusent généralement les malades de cegenre, lorsque l'accès est vraiment terminé ; de telle sorte, qu'à ce point de vue, l'agita-tion choréiforme pouvait être considérée comme la continuation, la prolongation, sous une forme nouvelle, de l'attaque hysté-rique avortée. Mais voici un argument plus péremploire. Ainsi que nous nous en sommes assuré ces jours-ci, par des expé-
i. Leçons sur les maladies du système nerveux, l. I, p. 320.
riences répétées, et ainsi que vous allez le constater vous-mêmes de visu, la compression méthodique de la région ovarienne droite a pour résultat certain, constant chez notre malade, l'ar-rêt complet des mouvements rythmiques.
Je pratique la manœuvre en question : quelques plaintes, une tuméfaction de la région antérieure du cou, plusieurs mouve-ments bruyants de déglutition, laprotrusion de la langue enfin annoncent que le résultat prévu va se produire. Vous voyez, en effet, les mouvements rythmés du tronc et des membres s'arrêter brusquement, comme par enchantement. Délivrés de l'agitation à laquelle ils étaient tout à l'heure en proie, les membres ne récupèrent pas pour cela leurs fonctions normales.
Ils sont devenus, les menbres inférieurs surtout, le siège d'une rigidité musculaire considérable, de tous points compa-rable à la contracture qui, ainsi que je vous l'ai fait remarquer plus haut, se produit chaque matin, temporairement au mo-ment du réveil, avant que l'agitation ne reprenne son cours.
Je vous proposais tout à l'heure de reconnaître dans la chorée rythmique une attaque en quelque sorte prolongée et trans-formée. Ne pourrait-on pas maintenant, en se fondant sur ce qui précède, rapprocher cette chorée de la contracture et les envi-sager comme des accidents de même valeur pathologique, des équivalents, pouvant se substituer l'un à l'autre dans la série des affections hystériques ?
Cet arrêt si remarquable des mouvements choréiformes, sous l'influence de la compression ovarienne, n'est cependant, Mes-sieurs, qu'une suspension, qu'une trêve. 11 persiste tant que persiste la compression; aussitôt que celle-ci est suspendue, vous voyez la contracture disparaître et les mouvements ryth-més du tronc et des membres, tout à l'heure étendus et rigides, recomm ence r com me d e pl u s b elle. Pour m i eux vous convai n c r e, je répète la compression à quatre ou cinq reprises, et chaque fois
vous voyez toute la série des phénomènes se reproduire exac-tement comme dans la première expérience.
De tout ceci, je crois pouvoir conclure que la choiée ryth-mique observée chez notre malade se rattache à l'ovarie, au même titre que les crises convulsives ordinaires et qu'elle doit prendre rang parmi les manifestations très variées de la diathèse hystérique.
11 est temps d'envisager actuellement le côté pratique. Déve-loppés à la suite d'une attaque, c'est-à dire dans les conditions où se manifestent très ordinairement les paralysies et les con-tractures, les mouvements choréiformes devront-ils, comme cela a lieu si fréquemment pour les accidents susnommés, per-sister tels quels, jusqu'à la première attaque, peut-être fort éloignée, qui pourra survenir? N'est-il pas possible, par une in-tervention appropriée, de brusquer la situation, de délivrer la malade et l'agitation qui l'épuisé, de la ramener enfin, en attendant mieux, à l'état où elle était il y a dix jours ? Les effets de la compression ovarienne sur ceux des accidents qui sont justiciables de l'hystérie ne sont pas toujours fugaces et tempo-raires. Je vous ai fait xroir, dans une autre occasion, qu'en per-sistant dans la compression ou en la répétant à de courts intervalles, pendant plusieurs heures, on parvient quelquefois à faire disparaître les accidents d'une façon définitive. Par cette manœuvre, nous avons plusieurs fois réussi à couper court à xmétatdemalhystéro-épileptique qui,abandonné à lui-même, se serait prolongé peut-être pendant plusieurs jours. On peut réussir encore à dissiper brusquement une contracture de la mâchoire, de la langue, des membres, lorsque ces accidents ne se sont point— passez-moi le mot — depuis longtemps instal-lés (1) ; on est parvenu également à mettre un terme à un mu-
1. Voir Bourncville, Progrès médical, 1877, pp. 385 et 487, et Iconographie photographique de la Salpélrière, t. I, p. 108.
tisme hystérique qui datait déjà de plusieurs mois (1).L'analo-gie porte à penser que la compression ovarienne prolongée et répétée aurait sans doute aussi pour résultat défaire disparaî-tre définitivement les convulsions rythmées. Ceci montre, Mes-sieurs, que, dans les effets de cette manœuvre, il ne faut pas voir seulement un moyen de diagnostic, un élément propre à éclaircir la théorie du mal ; il y a là, encore, un moyen théra-peutique; mais sa mise en œuvre est parfois difficile, peu pra-tique. En somme, ce n'est pas d'ailleurs le seul moyen auquel nous pensons nous adresser, dans les circonstances où nous nous trouvons. D'après nos observations, l'application dans la région ovarienne d'un sac de glace, prolongée pendant une demi-heure, et répétée plusieurs fois par jour durant plusieurs jours, a souvent pour résultat d'éloigner les attaques et d'en atténuer l'intensité. Mais l'effet deces applications est généra-lement lent à se produire, les résultats obtenus ne sont pas toujours très frappants.
Il sera préférable, je crois, de nous adresser soit aux inhala-tions à'éther, soit à celles de nitrite cVamyle. Les effets des inhalations d'éther chez les hystériques ont quelque chose de particulier. Peu étudiés encore, ils mériteraient certainement d'être bien connus (2). Chez certains sujets, par exemple, ces inhalations peuvent servir à révéler, par la production de symp-tômes non équivoques, la maladie jusque-là restée latente ; chez d'autres, où celle-ci est au contraire, en pleine activité, nous les avons vues déterminer, très fréquemment, ◀tantôt▶ l'une, tantôtl'autre phase de l'attaque et quelquefois la série touten-tière. Or,uneattaque, àun moment donné, chez une hystérique, peutjouer le rôle d'une crise favorable et provoquer la brusque
1. Debove etLiouville. — Progrès médical, 1876, p. 145.
2. Depuis l'époque où cette leçon a été faite, nous avons continué à consigne avec détails les effets de l'éther chez les hystériques dans les deux derniers volumes de Ylconogr. phot. de la Salpêtrière et surtout dans le IIIe, comme nous avions commencé à le faire dans le premier volume. (B.).
Charcot. Œuvres complètes, t. i. 26
cessation d'accidents fâcheux, qui, depuis longtemps peut-être, résistaient à tous les agents employés. Pour ce qui est du nitrile d'amyle pris en inhalations, c'est, ainsi que l'a montré M. Bour-neville (1), un moyen particulièrement efficace pour couper court promptement et définitivement à un état de mal hystéro-épileptique, alors même qu'il se présente sous la forme la plus accentuée. A ce titre, il nous parait rationnel d'en proposer l'essai dans la circonstance actuelle. Nous aurons recours à l'étirer d'abord, puis au nitrite d'amyle, si le premier vient à échouer, et nous ne manquerons pas de vous tenir au courant des résultats que nous aurons obtenus.
Si nous réussissons, comme nous l'espérons, à faire cesser les convulsions rythmées, nous aurons délivré la malade d'ac-cidents qui l'importunent et la fatiguent énormément et dont la durée, dans le cas où on les abandonneraità eux-mêmes, ne peut guère être prévue. Ce sera déjà quelque chose, sans doute. 11 est clair, toutefois, que nous n'aurons par là modifié en rien la maladie foncière. Mais je ne veux pas, pour le moment, m'arrête? sur le traitement de la diathèse hystérique. C'est un sujet qui réclame de longs dévoloppements et que je compte étudier avec vous, tout particulièrement, dans une occasion prochaine.
Il ne vous sera pas difficile de relever dans la littérature mé-dicale un certain nombre de cas que vous pourrez rapprocher de celui qui fait le sujet de notre entretien. Sans remonter au-delà de l'époque contemporaine, je vous rappellerai que la chorée rythmique des hystériques est l'objet d'une mention particulière dans le mémoire, cité plus haut, de M. G. Sée. Trous-seau n'a pas manqué d'en parler, avec quelques développe-ments, dans saclinique, et il cite trois observations qui appar-tiennent évidemment à cette catégorie. Il relève, avec raison,
1. Recherches cliniques et thérap. sur l'épilepsie et l'hystérie et Iconogr. photogr. de la Salp., t. I, II et III ; passim.
parmi les circonstances propres à caractériser l'affection, en outre des symptômes hystériques antécédents ou concomitants, la forme môme des accidents , à savoir surtout : l'harmonie, la régularité des mouvements choréiformes ; il paraît attacher une certaine importance diagnostique à ce fait que ses malades par-venaient, par un effort de leur volonté, à atténuer ou même a suspendre momentanément ces mouvements. On ne sauraitvoir là, Messieurs, un caractère unique. Vous remarquerez, en effet, que chez G... quels que soient les efforts de volonté aux-quels elle se livre à notre sollicitation, l'agitation rythmée des membres et du tronc persistent tels quels. M. Briquet, dans le chapitre de son traité (1), qu'il consacre aux convulsions sur-venant chez les hystériques hors le temps des attaques, relate, lui aussi, quelques observations intéressantes de chorée rythmique. Le cas de Mlle de LaB., en particulier, montre que cette affection peut, quelquefois persister, comme le fait trop souvent la contracture hystérique, pendant plusieurs an-nées. Je citerai encore une observation de M. Murchison, rap-portée par M. C. Handfield Jones dans ses " Studies on fonc-tionnai nervous disorders" (2). Dans ce cas, comme dans le nôtre, les mouvements choréiques se montraient limités à un côté du corps ; ils étaient interrompus de temps à autre par des accès, dans lesquels les parties tout à l'heure agitées étaient momentanément prises de rigidité. La malade pouvait, ainsi que cela avait lieu dans les observations de Trousseau, les mo-dérer ou les arrêter par un effort de volonté. Il me paraît inu-tile de multiplier ces exemples.
Avant de terminer, il est encore un point sur lequel je dois insister. Je ne saurais dire, quant à présent, si toutes les cho-rées rythmiques sont, ipso facto, hystériques. Mais très cer-
1. Briquet. — Traité (Vhystérie, p. 420.
2. London, 1870, p. 367,
tainemenl toutes les chorées relevant de Vhystérie ne sont pas pour cela nécessairement rythmiques. A l'appui de mon asser-tion, il me suffira de vous présenter un autre malade, la nom-mée Vend..., chez laquelle, vous le constatez, l'agitation cho-réique rentre évidemment, quant à la forme des mouvements pathologiques, dans la description de la chorée vulgaire. As-sise, il n'y a pas de repos pour elle ; la tête, le tronc, les mem-bres des deux côtés, sont sans cesse agités par des mouvements contradictoires. Debout, elle ne peut se soutenir sans aide ; les genoux se fléchissent, puis se redressent à chaque instant ; si elle marche, elle est à tout moment menacée de tomber. Les mouvements en question sont irréguliers, désordonnés au pre-mier chef; vous n'y pouvez néanmoins reconnaître ni rythme, ni cadence, rien non plus qui rappelle un acte intentionnel. Chez Ve..., cependant, les caractères de l'hystérie ne sont pas moins prononcés que chez G... Outre les attaques qui se présen-tent ici avec les trois grandes phases caractéristiques de l'hys-téro-épilepsie, je relèverai l'existence permanente d'une anes-thésie générale, avec amyosthénie, surtout prononcée du côté droit et d'une ovaralgie double égalememenl, mais, ainsi que vous pouviez le pressentir, surtout prononcée adroite. V...est une hystérique h sensibilité zinc. J'ajouterai enfin, et c'est là un trait dont l'importance ne peut vous échapper, que chez elle, comme chez G..., la compression méthodique de la région ovarienne qui, dans le cas particulier, doit être pratiquée si-multanément des deux côtés, a pour effet de suspendre momen-tanément les mouvements choréiques, tout comme elle arrêle les attaques (1).
J'ai trop longtemps peut-ête retenu votre attention sur un cas, dont vous ne rencontrerez sans doute le pendant que bien
1. Voir sou observation complète dans Ylconogr. phologr. de la Sàlpétrière, t. 11, p. 63-122.
rarement dans votre pratique. Mais le clinicien ne saurait dé-daigner les cas exceptionnels, anormaux, qui lui fournissent l'occasion particulière d'exercer sa sagacité ; d'ailleurs, il ne fautpas les considérer sons le jour d'un simple appât pour une curiosité vaine ; maintes fois, en effet, ils pourront fournir au pathologiste la solution de problèmes difficiles (1).
1. Voici quelques renseignements sur la marche ultérieure des accidents chez la malade qui a fait l'objet de la leçon qui précède.
12 novembre. — Inhalation iïéther. Cet agent détermine un délire semblable àcelui qu'onobserve durant les sériés d'attaques ; loquacité, confidences involon-taires, hallucinations, modifications variées de la physionomie, etc. Ce délire a persisté pendant deux heures environ, et alors, les mouvements choréiques, étaient suspendus. Puis G... a eu trois attaques qui ont laissé après elle une contracture des membres du côté droit. Enfin, après avoir eu quelques se-cousses, G... a été reprise de sa chorée rythmique jusqu'à 8 heureset demie, moment où elle s'est endormie.
13 novembre. — Nous retrouvons la jeune malade avec les mouvements que nous avons décrits. Le nitrite d'amyle est administré à son tour. Toute agitation cesse jusqu'à 2 heures de l'après-midi. Depuis lors jusqu'à3 heures, G... a trois petites attaques après lesquels la chorée ryhmique est revenue. Une nou-velle inhalation de nitrite d'amyle y met fin encore une fois.
14 novemhre. — G... n'a plus de mouvements choréiques, mais nous offre une contracture du membre inférieur droit, des mâchoires et de la langue. Ces diverses contractures ont disparu sous l'influence du nitrite d'amye et toute la journée elle est restée telle qu'elle est d'ordinaire.
^novembre. — Aujourd'hui G... présente des mouvements choréiformes ir-réguliers qui ressemblent beaucoup à ceux de sa compagne AV... dont il est parlé dans la leçon.
18 novembre. — Les mouvements choréiques irréguliers persistent et sont même plus accusés qu'il y a trois jours.
19 novembre. — Hier, G... a eu des attaques de 8 heures à minuit. Tranquille ensuite jusqu'à 8 heures, ce matin, elle a été reprise et a eu 25 attaques jus-qu'à une heure de l'après-midi. — A partir de là, les mouvements choréiques ont définitivement cessé. (B.)
APPENDICE
APPENDICE
i.
Observation de paralysie agitante.
(Voir la Planche I, qui représente l'attitude caractéristique des malades atteints de paralysie agitante)
Antécédents. — Cause probable de la paralysie agitante. — Début : faiblesse qui envahit successivement les membres.— Tremblement de la tête, puis desmem-r bres.
État de la malade en 1874: Attitude générale ; — Tremblement ; — Marche ;
propulsion et rétropulsion ; — Température, pouls, etc. Modifications survenues dans la maladie du mois de juillet 1874 au mois de
juillet 4877.
Gavr..., Anne-Marie, 62 ans, marchande des quatres saisons, admise à la Salpêtrière le 31 décembre 1872, est entrée dans le service de M. Charcot, salle Saint-Alexandre, n° 3, le 12 no-vembre 1873.
Antécédents. —Son père, charpentier, est mort d'un accident lorsqu'elle n'avait que 12 ans. Sa mère, qui a succombé à 74 ans, était nerveuse, s'emportait tacitement, mais n'avait pas de trem-blement ni de paralysie. Sa sœur unique est morte d'une pleu-résie à 40 ans. — Aucun des membres de sa famille qu'elle a connus n'aurait été atteint d'affections nerveuses et en particulier de tremblement.
Gavr... est venue à Paris à 4 ans. Son enfance et sa jeunesse se sont passées sans incidents notables. Elle a été réglée régulière-ment à partir de 14 ans. Mariée à 28 ans, elle a eu cinq enfants.
Ses grossesses et ses couches, en général, ont été bonnes. De ses cinq enfants, l'aîné est mort, âgé de 80 ans, pendant la Commune ; — le 2e et le 3e, deux garçons, sont bien portants ; — le 4" enfant est une fille, âgée de 28 ans, qui est sujette à des attaques ner-veuses, d'ailleurs assez éloignées ; — le oe enfant est mort du-rant l'accouchement.
Notre malade assure n'avoir jamais eu de maladie sérieuse, entres autres ni rhumatismes ni choreé. Bien qu'elle ait été mar-chande des quatre saisons pendant treize ans, elle n'aurait point fait d'excès de boisson. Elle a toujours habité des logements sa-lubres, exposés au soleil. Elle était heureuse en ménage et n'a jamais souffert de privations.
Début de la maladie. — C'est en 1868 qu'a débuté sa maladie. Voici dans quelles circonstances: son troisième fils, qu'elle affec-tionnait plus spécialement, est venu lui apprendre subitement qu'il venait de signer un engagement comme soldat. Cette nou-velle l'a vivement affligée; elle a pleuré beaucoupet, dèslesjours suivants, elfe s'est aperçue qu'etle avait de la faiblesse dans le bras droit. Bientôt la faiblesse a gagné le bras gauche, le membre inférieur droit, puislegauche simultanément;elle avait,pendant la nuit, dans les jambes, des crampes qui la faisaient crier. Elle aurait eu ensuite de la faiblesse dans les « reins » . A son arrivée à la Salpêtrière (décembre 1872), elle était moins affaiblie qu'au-jourd'hui (Bjuillet 1874). Le tremblement aurait envahi les mem-bres dans tes premiers mois de 1873 et aurait frappé d'abord le membre supérieur droit. Enfin ella a remarqué, à peu près à la, même époque, qu'elle avait de fa rétropulsion: un jour ayant fait un faux pas, elle a été entraînée en arrière malgré elle.
État actuel (8 juillet 1871). — L'attitude générale de la malade dans la station verticale, est celle qu'a décrite M. Charcot dans fa Leçon V (p. 169) et que représente si fidèfement fa Planche dessinée par M. P. Richer. Le tronc et la tête sont inclinés en avant; le cou est tendu et on dirait que la tête est fixée sur une tige rigide. Les traits de fa physionnomie sont absolument immo-biles, les plis du front sont à peine accusés; fes paupières sont médiocrement ouvertes, la malade peut toutefois les relever et tes abaisser sans difîcutté. Les yeux, peu expressifs, sont dirigés en avant; pour regarder latéralement, la malade est obligée de tourner le corps. Quelquefois les lèvressont accolées l'une contre l'autre, mais, le plus souvent, la bouche estentr'ouverte, lalèvre inférieure, tombant, laissant apercevoir l'arcade dentaire corres-pondante; parfois, la salive s'écoule involontairement de la bou-che. Les lèvres et la langue ne tremblent pas. La déglutition serait presque toujours laborieuse.
Lesbrassonlfégèrementécartésdu tronc ; lesavanf- bras, demi
fléchis, sont disposés do telle sorte que les mains reposent sur la région ombilicale et que les coudes sont un peu éloignés du tronc. Le pouce, légèrement infléchi, s'appuie d'habitude sur l'index ; les autres doigts sont un peu fléchis et ramassés les uns contre les autres. La disposition des mains est la même des deux côtés.
Les jambes sont rapprochées sans que, toutefois, les genoux se touchent. Si les jambes sont écartées, l'équilibre est incertain. Que les yeux soient ouverts ou fermés, la malade se tient de la môme façon.
Elle s'asseoit lourdement, tout d'un coup. Elle ne peut se lever que si on l'aide, encore est-on obligé de déployer une certaine force. Elle se met à marcher après hésitation, s'avance d'abord à petits pas, puis la marche se précipite, il y a propulsion. « Parfois, dit Gavr...., je suis poussée très loin, jusqu'à ce que je rencontre un mur, sans cela je tombe. » La rétropulsion est aussi évidente ; pour la constater, il suffît, comme le fait M. Charcot, de tirer légè-rement la malade par sa jupe. Aussitôt, elle marche à reculons et avec une vitesse telle qu'elle ne tarderait pas à tomber si on ne la surveillait. Pour se retourner, la malade hésite encore plus que pour se mettre en marche.
Le tremblement est à peine accusé, surtout au repos. La tête tremble un peu plus, par moments, que les mains. Lorsque celles-ci sont d'aplomb, elles restent généralement immobiles. La malade peut fléchir la tête plus qu'elle ne l'est d'ordinaire, mais il lui est impossible de l'étendre complètement parce que « la co-lonne vertébrale est raide »,
Ni céphalalgie, ni vertiges, ni étourdissements. L'intelligence est conservée, la mémoire bonne. Le sommeil, chez elle, est moins court que chez la plupart des malades de son espèce. Il serait même bon si elle n'était souvent réveillée par des douleurs dans les talons : « ça me pique et on dirait de l'eau qui coule dans l'in-térieur du talon. » Elle se plaint d'une sensation constante cle chaleur et ne garde qu'un drap sur elle, même pendant l'hiver.
Nous avons indiqué Métal des forces mesurées au dynamomètre, à la page 175, et celui de la température, à la page 179. Nous n'y reviendrons donc pas.
1875. Juillet. — La faiblesse est allée en augmentant. L'attitude générale est la même ; toutefois, la tête et le tronc s'inclinent de plus en plus en avant, et, en outre, il s'est produit une sorte d'in-clinaison latérale qui fait que la moitié droite du corps précède, dans la marche, la moitié gauche.
Maintenant les lèvr'es sont presque toujours accolées l'une à l'autre, la supérieure est ramassée, plissée ; quelquefois, au dire de la malade, elles seraient raides toutes les deux. Les arcades dentaires ne sont pas pressées, l'une contre l'autre. Il semblerait
que la malade rapproche les lèvres pour diminuer le tremblement du menton ; malgré cette précaution, les lèvres sont animées de petits mouvements qui rappellent, selon la comparaison de la ma-lade, les mouvements des lèvres du lapin. Môme dans la bouche la langue tremble ; allongée, elle tremble davantage.
Le tremblement de la tête se compose de secousses antéro-pos-térieures, quelquefois latérales, d une amplitude très circonscrite. Ainsi que cela a été dit dans le cours de la Leçon, ces oscillations sont communiquées à la tète par le tronc. Quand la malade est assise, les jambes tremblent, les pieds frappent de petits coups ra-pides sur le parquet. En résumé, le tremblement a fait des pro-grès à la tête et aux membres inférieurs, mais n'a guère changé aux membres supérieurs. Notons aussi que le besoin de déplacement, qui était peu accusé en 1874 et ne se faisait sentir que durant le jour, est plus marqué aujourd'hui et tourmente la malade non seulement pendant la journée, mais encore pendant le séjour au lit. — Le sommeil est moins long qu'autrefois. — La malade se promène encore dans la salle et dans la cour de l'infirmerie.
1877. Juillet. — La maladie s'est notabtement aggravée depuis deux ans. — L'attitude générale deGav... s'est modifiée en ce sens que l'inclinaison de la tête sur l'épaule gauche s'est accusée da-vantage ainsi que la torsion et Vinclinaison du corps à droite. Les traits de la face sont comme figés; les paupières sont à demi ouvertes, le regard fixe. Les lèvres, actuellement, sont écartées d'un demi-centimètre, tremblantes et laissent voir la langue qui est sans cesse en mouvement. Le cou est très rigide ; les muscles trapèze, sicrno-mastoïdien gauches sont fortement contractures. Toutefois la malade peut tourner fa face vers la droite.
Les bras, toujours disposés en anse, sont rigides dans toutes leurs jointures ; fa rigidité est plus marquée dans les coudes et plus à droite qu'à gauche. Les phalangettes des 3e et 4° doigts ont une tendance à se porter dans l'extension. La malade parvient, mais avec une grande lenteur, à porter l'une et l'autre de ses mains à la face.
Les membres inférieurs ne présentent qu'une légère raideur ; elle prédomine dans les articulations tibio-tarsiennes. Le trembiement est moins intense aux jambes qu'aux bras. En effet, il y a de instants où les pieds reposent tranquillement sur le parquet.
Depuis un an, Gav... est incapable de marcher seule ; depuis un mois, elle ne peut, même aidée, aller à la salle de bains ; on est obligé de l'y porter sur un brancard. — La propulsion et la rétro-pulsion paraissent avoir disparu ; mais il est difficile d'affirmer fe fait, au moins pour la rétropulsion, la malade se retenant ou s'af-faissant dès qu'on ta tire un peu par sa jupe.
Gav... ne mange plus seule ; son sommeil est meilleur : elle s'en-dort avec quelque peine, mais une fois endormie elle ne se réveille
qu'au bout de cinq à six heures. La sensation de chaleur, le besoin de déplacement, — sauf la nuit pour celui-ci— sont toujours aussi accusés qu'autrefois. — Douleurs dans les jointures, qu'elle com-pare à des piqûres, plus intenses dans les coudes, au niveau de la région occipitale, à la partie postérieure du cou et dans les reins : c'est à ces dernières que la malade attribue l'incurvation du tronc. — Les douleurs vives, qu'elle éprouvait eu 1873 dans les talons, ont disparu. — Les fonctions circulatoire, respiratoire, di-gestive, excepté une constipation opiniâtre, s'accomplissentrégu-lièrement. — La température paraît augmenter; la température moyenne de 3 jours a été le matin de 37°, G ; le soir de 38°, 1.
1879. Mars. — G... va s'affaiblissant peu à peu; quelquefois, elle tombe du fauteuil sur lequel elle reste assise toute la jour-née, sans pouvoir remuer. -— Les changements de température, les temps humides ou orageux augmentent les douleurs. G... a fréquemment des maux de tête, accompagnée parfois d'épistaxis peu abondantes. — Quelquefois aussi, le soir, le tremblement prend une intensité telle qu'il empêche la malade de dormir. — OEdème des jambes. — Eczéma erratique : quand il est très mar-qué, les douleurs diminuent.
1880. Mai. — G... a souffert beaucoup de son eczéma qui s'est généralisé durant l'année dernière. Actuellement, il a bien di-minué et la malade est dans une situation relativement bonne. Elle a pris de l'embonpoint. Les fonctions digestives sont nor-males, sauf qu'elle n'a de selle que tous les huit jours, après lave-ment. — Elle passe une partie de son temps assise surunfauteuil, plaçant sur une chaise l'une ou l'autre jambe. — Front plissé; pattes d'oie très accusées ; paupières demi-closes, sillons naso-labiaux assez accusés; bouche légèrement entrouverte. Immo-bilité des traits ou expression moqueuse. — Léger tremblement de la lèvre inférieure. — G... parle peu, entre les dents. — Une malade lui fait faire chaque jour le tour de la salle en la soute-nant. — Même tremblement des mains, des jambes. — Mêmes besoins de déplacement et même sensation de chaleur, etc. —Le tronc est incliné à angle droit sur bassin, avec torsion et in-curvation sur la droite (Pl. II). — Les facultés intellectuelles (raisonnement, mémoire, etcj sont conservées. — Caractère doux. — Impressionnabilité assez vive. (B.)
Du tremblement dans la maladie de Parkinson.
(Paralysie agitante).
M. Charcot a consacré une bonne partie de sa leçon du 19 novembre 1876 à la paralysie agitante en insistant toute-fois plus particulièrement sur différents points de l'histoire de cette maladie.
Tout d'abord, M. Charcot s'est attaché à montrer que la dé-nomination de paralysie agitante est impropre. 11 est, en effet, singulier de donner le nom de paralysie à une affection dans laquelle, pendant longtemps, la force musculaire est con-servée. Le mot « paralysie », outre qu'il n'est pas justifié, a encore l'inconvénient d'inquiéter les malades, de les conduire à s'imaginer qu'ils sont sous le coup d'une lésion organique grave et menaçant l'intégrité des facultés intellectuelles.
Le qualificatif « agitante » ajouté au mot «paralysie » n'est pas non plus absolument exact — au moins appliqué à certai-nes formes, cependant très accusées, bien que le tremblement y fasse défaut, et dont le diagnostic peut être rigoureusement établi.
Ces considérations ont amené M. Charcot à proposer d'ap-peler cette affection: maladie de Parkinson, du nom du mé-decin anglais qui, le premier, en 1817, a sérieusement attiré l'attention sur elle.
On sait que M. Charcot s'est efforcé de séparer nettement la paralysie agitante d'une autre maladie, très intéressante, elle aussi la sclérose en plaques. On connaît la description minu-tieuse qu'il en a tracée et dont chaque année ses auditeurs, par l'examen direct des malades, peuvent vérifier l'exactitude.
Néanmoins, Ja conviction n'est pas faite, paraît-il, dans tous les esprits et, en particulier, on a contesté les assertions de M. Charcot relatives aux caractères du tremblement de la tête.
D'après M. Charcot, le tremblement de la maladie de Par-kinson débute le plus souvent par l'un des membres et segéné-raliseensuite peu àpeu« tout enrespectantcependantlatête(l) ».
Aun autre endroit de ses Leçons, M. Charcot répète que, dans la règle, la tête etle cou restent indemnes. (Loc. cit., 1er édition, p. 154).
Plus loin, enfin, lorsqu'il compare le tremblement dans la sclérose en plaqueset dans la paralysie agitante, M. Charcot s'exprime ainsi à ce sujet à propos de deux femmes atteintes de paralysie agitante :
« Vous observerez, en outre, que chez elles latêteneprend pas part au tremblement ou si elle paraît agitée par des oscilla-tions, celles-ci lui sont évidemment communiquées ; il s'agit là d'une transmission des secousses dont les membres et le torse sont le siège. L'absence du tremblement de la tête me paraît être un fait à peu près général dans la paralysie agitante. (Loc. cit., p. 203).
L'opinion de M. Charcot, on le voit, est exprimée d'une façon formelle. Quelques médecins ont contesté la réalité de ce fait et ontavancé que les oscillations rythmiques, dans certains cas de paralysie agitante, portent également sur Vextrémité céphalique. (Voir Mouv. Méd., 6 mai.) Il faut donc répéter que, dans la paralysie agitante, les mouvements qui animent quelquefois la tête lui sont communiqués par le tronc. M. Char-cot compare ce phénomène de transmission à celui qu'éprouve le cavalier qui subit les mouvements que lui communique sa monture.
Pour prouver que cette explication est vraie, M. Charcot a eu l'idée défaire disposer sur la tête de ses malades, et perpendi-culairementau front, une baguette terminéepar unplumet: cha-cun des assistants a pu constater chez plusieurs sujets atteints
1. Leçons sur les maladies du système nerveux. lie édition, p. 145.
de maladie de Parkinson que, quand les malades sont libres, le plumet est sans cesse en mouvement. Mais si, à l'aide d'un artifice quelconque, par exemple en élevant fortement le tronc et les bras, onarrêteles mouvements des membres supérieurs, on suspend du môme coup celui de la tête et les plumets devien-nent immobiles. 11 ressort de là bien évidemment que l'opinion formulée par M. Charcot est rigoureusement exacteetque, dans la règle, la tète ne tremble pas, du moinsparelle-meme.
Un autrepointsur lequel M. Charcot abeaucoup insisté, c'est que le tremblement ne constitue pas un symptôme nécessaire de la maladie de Parkinson. il est, eneffet, une forme de cette maladie, forme fruste par excellence, pour employer les ex-pressions mêmes de M. Charcot, dans laquelle le tremblement est si léger qu'il passe inaperçu des malades, ou n'apparait qu'au bout de trois ou quatre ans, ou même fait complètement défaut.
Déjà dans la première édition de ses Leçons, M. Charcot a parlé de cette forme fruste. Il a rapporté sommairement l'his-toire d'un malade de sa clientèle privée, et nous avons consigné dans une note l'observation d'une malade de son service, à la Salpêtriôre, nommé Guill..., et chez laquelle le tremblement n'avait paru que quatre ans après le début du mal. M. Charcot a rappelé ces faits et, de plus, il en a cité deux autres dont voici le résumé,
Observation I.—Habitation humide ; chagrins. — Névralgie frontale (?). —Faiblesse du pouce de la main gauche, puis de lamain droite. —Lenteur de la démarche. — Aititudegénérale.— Aspect de la physionomie. — Propulsion. —Besoin de déplacement.—Sen-sation de chaleur. Circonscription du tremblement qui a passé ina-perçu du malade. — Caractères de l'écriture. (Obs. de M. Charcot).
M. R..., associé d'une grande maison de tapisserie à Paris, âgé de quarante-sept ans, s'est présenté dans mon cabinet en dé-cembre 1868. Il m'a raconté que durant de longues années, il a demeuré habituellement, pendant toute la durée du jour, dans un bureau humide. Mais il insiste surtout, parmi les causes qui, dans son opinion, ont dû contribuera développer la maladie dont il souffre, sur les grands tracas qu'il n'a cessé d'éprouver depuis qu'il est associé.
Il yaquatre ans, M. R..., a souffert pendant deux ou trois mois d'une douleur de tête très vive, siégeant sur le front du côté gauche et à la racine du nez du même côté. Les douleurs, revenant par paroxysmes, s'accompagnaient souvent d'une rougeur intense de l'œil gauche. Elle se sont terminées, comme il le raconte, par un rhume de cerveau, occupant la narine gauche. Auparavant, ilya 12 ou 15, il avait éprouvé, à plusieurs reprises, des douleurs articulaires, qui n'ont jamais été assez intenses, toutefois, pour constituer une véritable maladie.
C'est peu de temps aprèslacessation de la névralgie frontale (?) que la maladie actuelle aurait débuté. Le premier symptôme observé paraît avoir été ce que M. R... appelle une faiblesse du pouce delà main gauche. 11 s'en est aperçu en jouant aux cartes. Il éprouvait une certaine difficulté à tenir son jeu de cette main; peu à peu la main, puis l'avant-bras, et le membre tout entier enfin sont devenus faibles. Jamais iln'aexisté dans ces parties de fourmillements, d'engourdissements, de douleurs d'aucun genre. Il n'y a jamais existé non plus, le malade l'assure du moins, la moindre trace de tremblement. La main droite s'est prise plus tard de la même façon ; alors M. R... a commencé à ne plus pou-voir écrire que lentement, péniblement. Bien que l'écriture soit restée régulière, les caractères tracés sont tellcmentpetits,qu'il faut s'armer d'une loupe pour les lire distinctement. Les membres inférieurs se sont affaiblis en dernier lieu.
Lors de l'entrée du malade dans mon cabinet, j'ai été frappé immédiatement de la lenteur de sa marche et, en général, de tous ses mouvements. Son attitude et sa physionomie présen-taient également quelque chose de tout à fait caractéristique. Il se tient, marche et s'assied tout d'une pièce ; on le dirait empoté, soudé dans toutes les articulations. La tête est légèrement incli-née en avant ; il lui est impossible de la tourner vivement soit à droite, soit à gauche. Le regard est fixe,les traits sans mobilité. Ils expriment, à un certain degré, la stupeur et la tristesse. M. R... ne peut qu'à grand'peine faire une grimace. Le visage offre une pâleur singulière; on le dirait recouvert d'un masque. — Le débit est particulièrement lent : chaque parole coûte un effort, tamoin-conversation produit de la fatigue. Du reste, pas traces d'em-barras dans l'articulation des mots.
M. R.. marche le corps incliné en avant; il progresse à petits pas;les membres inférieurs, et les supérieurs, eux aussi, sont rigides, demi-fléchis. Il ressent parfois une certaine tendance à la propulsion, c'est-à-dire qu'il se voit obligé de marcher plus vite qu'il ne le voudrait.
Il éprouve un incessant besoin de changer de place ; quand il est assis il désire se lever et, à peine levé, il voudrait s'asseoir. En un mot, comme il dit : il ne se trouve bien nulle part. Cela est surtout marqué ta nuit, au lit : les membres ont à peine pris une
Charcot. Œuvres complètes, t. i. 27
attitude qui paraît favorable aa repos qu'il la faut changer, en raison du sentiment de fatigue douloureux dont ils deviennent bientôt le siège.
D'ailleurs, à part cette sensation de fatigue, de pesanteur qui existe dans les membres pour ainsi dire d'une façon permanente à un certain degré, on ne constate chez M. R... aucun trouble de la sensibilité : pas d'anesthésie. pas d'hyperesthésie, seulement de tempsà autre, principalement la nuit, un sentiment de chaleur qui le porte à se découvrir. 11 s'est produit, depuis quelques mois, un amaigrissement général assez prononcé, mais on n'observe aucune trace d'atrophie partielle. Aucun désordre à noter, du reste, dans la santé générale.
Pendant le temps que j'examinais M. R...,jem'aperçusque,par instants, sa main gauche, abandonnée sur le genou correspondant, était agitée par un léger tremblement. Je le lui fis observer. 11 en parut fort étonné, et m'assura, une fois de plus, qu'il n'avait jamais remarqué dans aucune partie de son corps la moindre trace de tremblement. « Toute ma maladie, ajouta-t-il, me paraît con-sister en ce que ma volonté, d'ailleurs aussi ferme que par le passé, n'est plus écoutée par les muscles qui ne répondent que lentement et tardivement. »
Je me suis assuré que la main gauche était la seule partie qui présentait le tremblement en question. Je priai M. R... de prendre la plume de la main droite et d'écrire quelques mots. Il traça len-tement, mais d'une main ferme, des caractères réguliers, telle-ment lins à la vérité que, ainsi que je l'ai dit plus haut, on peut a peine les déchiffrer à l'œil nu.
Les mains ne présentent pas de déformation permanente : mais les doigts prennent facilement, et sans que le malade en ait con-science, l'attitude particulière qu'ils offrent lorsqu'on tient une plume à écrire.
A une époque où, chez M. R____ tous les autres caractères
assignés par M. Charcot à la paralysie agitante étaient présents et avaient acquis une intensité déjà considérable, seul le trem-blement— que quelques auteurs tendent à considérer comme un trait essentiel à la maladie, était pour le moins àpeine accusé puisqu'il avait échappé au malade lui-môme. De plus, il était de date récente et la maladie existait — avec tous ses autres symptômes, dequis quatre années à l'époque où le tremble-ment a été pour la première fois remarqué. Le second fait n'est pas moins démonstratif.
Observation II. — Rhumatisme articulaire aigu. —Malaises. — Douleurs et raideurs musculaires. — Bave. — Attitude générale. — Lenteur de la marche. — Latéropulsion. — Aspect de la phy-sionomie. — Ecriture normale. — Absence complète de tremble-ment (Obs.communiquée par M. Charcot.)
Mme G..., âgée de 40 ans environ, estattachéeà un établisse-ment hydrothérapique bien connu, à titre de professeur de gym-nastique.
Elle a subi, il y a 20 ans, une attaque de rhumatisme articulaire aigu ; un peu plus tard, une fièvre typhoïde qui paraît avoir été assez grave ; en dernier lieu une pneumonie.
Peu de temps après la guerre, elle commença à ressentir cer-tains malaises indéfinissables ; elle était moins alerte, elle se sen-tait raide, incapable d'exécuter des mouvements rapides et par conséquent fort gênée dans ses exercices. Un jour, en montant une échelje, elle ressentit dans la jambe gauche une douleur vive avec crispations des orteils. Ces crampes douloureuses se repro-duisent encore aujourd'hui dans le même membre de temps à autre. Les douleurs sourdes, accompagnées de raideur muscu-laire, se sont fait sentir alors et se font sentir encore actuellement à la nuque, dans les reins, quelquefois aux épaules.
Il y a six mois, la malade a remarqué qu'une grande quantité de salive s'écoulait involontairement de sa bouche. Le phénomène s'est modifié depuis quelques semaines sous l'influence d'un traitement approprié. (Hyoscyamine : 4 ou 5 milligr. par jour en pilules.)
Aujourd'hui, l'attitude de Mm° G... est particulièrement raide et pour ainsi dire empesée. La démarche est lente et pénible ; le départ est surtout difficile et précédé d'un temps d'hésitation. Il n'y a pas de tendance à la propulsion ou à la rétropulsion ; mais, de temps en temps, Mme G... se sent invinciblement entraînée vers le côté gauche. {Latéro-pulsion.)
Au repos, comme pendant la marche, la tête reste immobile, lé-gèrement fléchie. Les traits sont inertes, les yeux fixes, fa bouche serrée. Les parotes s'échappent lentement, faiblement articulées et avec un timbre légèrement nasonné.
Les deux bras, pendant le long du corps, sont un peu rigides dans la demi-flexion. Les doigts sont légèrement fléchis, les poi-gnets un peu étendus : la volonté peut modifier ces attitudes, mais non sans effort.
Il n'existe pas la moindre trace de tremblement, même aux mains. La malade peut écrire encore d'une écriture très fine, mais très lisible et dont les caractères ne paraissent nullement trem-blés, même quand on les examine à l'aide d'une loupe. Ces carac-tères sont tracés lentement, péniblement, et il a fallu en ma pré-sence plus d'un quart d'heure pour écrire une dizaine de mots.
Bien qu'il n'y ait pas, comme on voit à propremement parler, de tremblement des mains, il y a lieu de remarquer qu'à l'occasion de certains actes, comme celui de prendre un mouchoir dans la poche, les doigts sont parfois agités de quelques secousses rythmées, d'ailleurs très fugitives.
A part le tremblement qui manque complètement, nous retrouvons chez Mme G... tous les symptômes principaux de la maladie de Parkinson. L'aspect général de cette dame, plus peut-être encore que celui de M. R..., nous rend compte d'une singulière erreur de diagnostic qui est quelquefois commise. En raison de l'attitude empesée des malades, de la gêne des mou-vements devenus d'une lenteur extrême : en raison de l'immo-bilité des traits qui font ressembler la figure à un masque en cire et imprime un certain cachet d'hébétude à la physionomie ; en raison aussi de l'écoulement involontaire de la salive et de l'embarras de la parole, on a pu croire plusieurs fois,en pareille circonstance, qu'il s'agissait d'un ramollissement du cerveau, principalement lorsque la rigidité s'était montrée surtout pro-noncée sur les membres d'un côté. Il y a là une erreur qu'il importe de relever : c'est le cas de relever aussi que les facultés intellectuelles, dans la maladie de Parkinson, sont intactes. M. Charcot ne manque aucune occasion de signaler cette inté-grité de l'intelligence qui persiste le plus ordrnairement jusqu'à la fin.
(B.)
Au spécimen reproduit dans le cours de laLECoiv V(p. 167), nous ajouterons les suivants empruntés à la collection de M. Charcot et à la nôtre. L'écriture des malades diminue sou-vent de grandeur {Fig. 30 et 31) et parfois paraît normale au
Fig. 30.
premier abord. Mais, si, comme le recommande M. Charcot, on Fexamime à la loupe, on s'aperçoit aisément que les traits sont tremblés, particularité qui ne frappait pas à l'examen pratiquée l'œil nu.
Fig. 31.
Fig. 32.
Les mêmes caractères se retrouvent aussi lorsque 1 écriture n'est pas encore rapetissée (Fig. 32). En présence d'un cas de
Caractères de l'écriture des malades atteints de maladie de Parkinson.
maladie de Parkinsonmi début et sur le diagnostic duquel on aurait quelque doute, il sera donc utile d'examiner l'écriture à la loupe.
Fig. 33 et 34.
D'après les figures 33 et 34, représentant des spécimens de l'écriture à trois ans d'intervalle, l'écriture, après a'voir un peu diminué de hauteur, paraît être devenue plus grosse. (B.)
Sclérose en plaques disséminées : Cas fruste de la forme spinale ; — possibilité de la guérison. — Nouvelle observation (Planches VII et VIII.)
Dans l'une de ses conférences cliniques de l'an dernier à la Salpêtriere, M. Charcot a fait voir à ses auditeurs une malade atteinte desclérose enplaques disséminées, et, profitant de cette occasion, il leur a rappelé de nouveau les lésions anatomiques et les symptômes morbides qui caractérisent cette affection. 11 a insisté ensuite sur deuxpoints encore peu connus : l'existence de cas particuliers, frustes, comme il les appelle, et la possibi-lité delà guérison de la sclérose enplaques. Nous allons donner ici un résumé des observations sur lesquelles il s'est appuyé.
Fisch... M.-A., est âgée actuellement de 24 ans. A fâge de 8 ans, elle éprouva une douleur vive, avec impossibilité de mou-voir les membres inférieurs. Elle fut confinée au lit pendant six mois. Quand elle recommença à marcher, elle avait le pied droit roide. Sept mois plus tard, roideur du membre inférieur gauche qui l'oblige de nouveau à rester couchée pendant plusieurs mois.
En 1873, étant àtaSatpêtrière, elle aune série à'attaques épilep-tiformes, avec écume à la bouche. Consécutivement, les membres supérieurs deviennent roides et on note un embarras de la parole, la vue s'affaiblit ; quand la malade rit, la bouche demeure entr'ou-verte. Dans le courant de la même année, on observa une aggra-vation du côté des membres inférieurs qui furent pris de trépida-tion spontanée et, à un moment, il survint de tremblement de la main droite dans les mouvements volontaires.
En 1874, les symptômes sont les mêmes, sauf l'embarras de la parole qui est plus prononcé.
Aujourd'hui (décembre 1870), on constate tes symptômes sui-vants : Rigidité des membres inférieurs dans l'extension ; — trépidation spontanée et provoquée ; — rigidité et parésie des membres supérieurs, prédominant dans le membre supérieur droit ; — absence de tout tremblement dans les mouvements vo-lontaires. La sensibilité est conservée. — La parole est un peu gênée, mais, sous ce rapport, il y a une notable amélioration rela-
tivement à ce qui existait il y a deux ans, il n'y a pas de trem-blement de la tête ni de nystagmus. En un mot, on remarque chez cette malade une amélioration considérable des symptômes céphaliques.
Cette malade nous offre donc un cas de sclérose en plaques fruste dans la forme spinale. Elle nous montre aussi que la sclérose en plaques peut, parfois, subir des temps d'arrêt con-sidérables dans son évolution. Chez la malade dont nous allons parler maintenant et dont l'observation a été communiquée à M. Charcot par le docteur E. Wilson, l'amélioration a été plus accusée et a porté non seulement sur quelques symptômes, comme dans les cas précédent, mais sur tous les symptômes.
A. S.., âgée de 9 ans (1876), a été prise, ào ans, de vertige, et de diplopie et quelques jours après de strabisme de l'œil gauche. Ce dernier symptôme a bientôt disparu. Un mois après le début, on voit survenir, du jour au lendemain, du tremblement des mem-bres inférieurs. A 7 ans, l'enfant marchait comme une personne ivre. Puis, la tête et les membres supérieurs sont envahis. La malade est incapable de se tenir debout ; on observe le tremble-ment spécial des mains à l'occasion des mouvements. Quand on veut la lever, le corps entier est agité de secousses rythmiques tellement violentes que l'on est obligé de la recoucher. La parole est lente, les mots sont scandés, il y a du nystagmus.
Trois ans après le début (fin 1875), la diplopie et l'embarras de la parole ont cessé. Le tremblement des mains a diminué. La ma-lade peut s'asseoir sur son lit.
Actuellement (fin 1876), l'amélioration est encore beaucoup plus sensible. La malade commence à écrire un peu ; elle voit beaucoup mieux, peut se tenir debout, marcher seule et même faire une promenade d'un mille et cela pour ainsi dire sans tremblement. Celui-ci reparaît encore quelquefois quand la malade est émo-tionnée.
Cette observation vient justifier les réserves émises par M. Charcot (p. 271), en ce qui concerne \e pronostic àe lasclé-rose en plaques. L'explication est plus difficile h donner. Tou-tefois, la résistance que les cylindres axiles opposent à l'enva-hissement de la lésion, mêmes aux périodes avancées de la maladie, résistance que M. Charcot a cru pouvoir invoquer pour rendre compte de la lenteur avec laquelle les symptô-
mes paréLiques progressent, permettrait peut-être aussi d'ex-pliquer cette possibilité du retour des fonctions. (B.)
— Nous ajoutons à cette édition les planches VII et VIII rela-tives auxlésions delà sclérose en plaques. Elles ont été dessi-nées sur des pièces que nous devons à l'obligeance de notre ami M. le docteurDebove. Voici le résumé de l'histoire du malade.
Rena..., Louis, 36 ans, gardien de la paix, est entré à Bicêtre le 1er avril 1880.
Aucun antécédent héréditaire. — Fièvre typhoïde à22ans pour laquelle il serait resté six mois à l'hôpital de la Pitié. — Pneu-monie durant le siège. — Ni rhumatisme, ni syphilis, ni alcoo-lisme.
A la fin de 1871, R... a remarqué que la marche était parfois chancelante et qu'il se produisait un léger tremblement lorsqu'il portait un verre à la bouche. Après trois mois de repos, et l'usage des bains sulfureux, ces phénomènes disparurent (rémission) et il put reprendre son service jusqu'en 1873. Alors reparurent la dif-ficulté de la marche, surtout après une station debout prolongée, et le tremblement des membres supérieurs, notamment quand il buvait ou écrivait. A ces troubles se joignirent une diminution de la mémoire, de l'embarras de la parole, un sentiment de fatigue presque constant, de l'affaiblissement delà vue et enfin un amai-grissement général. Il fut obligé de cesser son service et d'entrer à l'hôpital. Après avoir fait un séjour pfus ou moins iong dans divers établissements et, en dernier lieu à Lariboisière, il entra à Bicêtre le 1er avril 1880.
En janvier 1881, il présentait les symptômes suivants: Au repos, le malade n'offre aucun tremblement, mais celui-ci se manifeste dans les membres supérieurs dès qu'un mouvement est exécuté. C'est principalement dans l'acte de boire qu'on l'observe avec ses caractères classiques.
Lorsque R...., assis, veut se mettre debout, les membres décri-vent de légères oscillations. Dans la marche, les jambes fléchis-sent souvent tout à coup et la chute s'ensuit. La faiblesse prédo-mine à droite. Le phénomène du tendon, très exagéré de ce côté, est nid à gauche. Parfois refroidissement et cyanose des extré-mités.
Sensibilité conservée. —Pas de contracture. — Diminution de la vue. —Nystagmus. — Céphalalgie fréquente. — Mémoire très affaiblie. — Pas de vertiges ni d'attaques apoplectiformes. —La parole est scandée et la langue animée de mouvements vermicu-laires.
Cettesituationresteàpeuprèslamêmejusqu'en novembre 1881. A cette époque, on constate les premiers signes d'une tuberculose pulmonaire. Ellle s'aggrave promptement et le malade succombe le 11 février 1882.
Autopsie. — La moelle épinière est plus dure qu'à l'état normal ; elle est presque de consistance fibreuse danslaplus grande partie de son étendue. On aperçoit, disséminées à la surface, de petites plaques grises ayant quelques millimètres de largeur et dont la longueur varie dequelquesmillimètresàquelquescentimètres. — A leur niveau, la pie-mère est très adhérente. — A l'œil nu, sur des coupes transversales, on trouve des plaques de sclérose dissé-minées et sans ordre: elles occupent, j^ici, le cordon antérieur, là le cordon latéral ; ailleurs, le cordon de Goll ; en d'autres endroits, elles intéressent une partie de l'un et de l'autre de ces cordons, Ces lésions semblent avoir une hauteur en général très limitée.
Le bulbe et surtout les olives sont encore plus durs que la moelle ; leur surface est parsemée de plaques. La plus étendue siège sur la pyramide antérieure droite.
Protubérance, — Sur sa surface convexe on compte huit petites plaques. Le plancher du quatrième ventricule est irrégulier, bos-selé, dur et sclérosé, sauf en quelques points. Une coupe trans-versale pratiquée sur la partie médiane, fait voir une sorte de semis de plaques de sclérose. — De nombreuses coupes du cerve-let n'ont fait découvrir aucune lésion.
Cerveau. — Les surfaces des ventricules latéraux sont parsemées de grandes plaques grises, dures, qui empiètent sur le corps strié, la couche optique, le corps calleux. Les coupes faites au niveau des plaquesinontrent qu'elles ontune épaisseur de quelques mil-limètres. — Les nerfs optiques sont durs et résistants. (B)
Des troubles de la vision chez les hystériques.
(Voir Leçon X).
Dans une de ses dernières conférences à la Salpêtrière, M. Charcot a appelé l'attention de ses auditeurs sur quelques-uns des troubles de la vision qui s'observent le plus habituellement chez les hystériques. Aux faits de cette catégorie, déjà expo-sés par lui dans diverses circonstances et qu'il a rappelés, il en a ajouté d'autres qui n'ont pas encore été signalés.
M. Briquet, on le sait, a depuis longtemps mentionné l'exis-tence de divers phénomènes morbides qui occupent l'œil du côté où siège l'hémianesthésie : de ce côté, «la malade voit mal, les objets ne dessinent pas nettement leur image ; les draps du lit et le papier paraissent gris, les caractères d'un livre ne sem-blent pas d'un beau noir et ils sont souvent si peu distincts que lesmalades nepeuvent pas les lire ; elles voient sur le livre du gris plus foncé sur du gris moins foncé...Lorsque l'anesthésie est portée au dernier degré, elle donne lieu à l'amaurose (1). u
On doit à M. Galezowski d'avoir montré que ce genre d'am-blyopie s'accompagne régulièrement de dy schromnlopsie ou d2adn;omatopsie, c'est à dire d'une distinction défectueuse ou absolument nulle des couleurs.
Il est remarquable que cette perversion du sens de la vue, en ce qui concerne la notion des couleurs, s'opère suivant cer-taines règles, certaines lois que M. Lan doit a bien fait connaître à la suite de recherches entreprises sur les malades du service de M. Charcot.
1. Traité cliniq. et thérap. de l'hystérie, p. 923.
A l'état normal, toutes les parties du champ visuel ne sont pas également aptes à percevoir les couleurs. Il est des cou-leurs pour lesquelles le champ visuel est physiologiquementplus étendu que pour d'autres, et ses différences se reproduisent chez tous les sujets à peu près, suivant la même règle pour cha-que couleur. Ainsi, dans la grande majorité des cas, c'est pour lé bleu que le champ visuel est plus vaste ; viennent ensuite le jaune, puis l'orangé, le rouge, le vert ; enfin, le violet n'est perçu que par les parties les plus centrales de la rétine.
Dans l'amblyopie hystérique, ces caractères de l'état nor-mal se montrent en quelque sorte exagérés à des degrés variés. Là, en effet, les divers cercles qui correspondent dans l'explora-tion (1) aux limites de la vision pour chaque couleur se rétrécis-sent concentriquement d'une façon plus ou moins accentuée suivant la loi reconnue pour l'état normal. On comprend, sans peine, d'après cela, les nombreuses combinaisons qui pourront se produire dans les cas d'hystérie où. ce genre d'amblyopie sera parvenu à un haut degré.
Le cercle du violet, — couleur centrale par excellence, — pourra se rétrécir jusqu'à revenir nul, et la malade, distinguant nettement toutes les autres couleurs, sera incapable de nommer leviolet ; puis, la maladie progressant, ce sera le tour du vert, —autre couleur centrale ;—puis, le tour du rouge, de l'orangé. Le jaune et le bleu, — couleurs përiphériqîics, — continue-roufii être perçus jusqu'à la dernière limite. Ce sont, en effet, l'observation le démontre, les deux couleurs dont la sensation dans l'amblyopie hystérique se conserve le plus longtemps. Il y a cependant, on pouvait s'y attendre, des exceptions a la règle commune, en ce sens que certains malades, et le cas n'est pas très rare, M. Charcot s'en est assuré encore tout récem-ment, persistent à voir le rouge, alors que la notion du jaune et même du bleu s'est déjà éteinte; mais on peut, quant à pré-sent, dit M. Charcot, considérer comme une règle absolue que
1. Landolt. — Leçons sur le diagnostic des maladies des yeux, p. 155 et suivantes.
les couleurs centrales, le verl et le violet, ce dernier surtout, cessent d'être perçus avant que la notion du rouge et des autres couleurs, en général, disparaisse.
A un degré plus élevé encore de l'amblyopie hystérique, il peut se faire que toutes les couleurs cessent d'être perçues ab-solument, la notion de la forme étant conservée, et alors les objets n'apparaissent plus en quelque sorte aux yeux du malade que sous l'aspect où ils se présentent daus une peinture grise « en camaïeu » ou dans une aquarelle « à la sépia ». Enfin, au dernier terme, l'amblyopie hystérique jaeut faire place — le cas est assez rare — aune véritable ajnaurose(l).
Ces altérations chromatiques du champ visuel se manifestent principalement, comme on Ta dit, dans l'œil correspondant au co^Lé.hémianesthésie; mais il est habituel que le champ visuel pour les couleurs se montre en même temps rétréci, à la vérité à un degré beaucoup moindre dans l'œil du côté opposé. C'est pourquoi il n'est pas très rare de rencontrer des hystériques qui, par exemple, ne distinguant de l'œil gauche, répondant au côté hémianesthésie, que les couleurs périphériques, à sa-voir le jaune et le bleu, auront perdu, seulementpour l'œil du côté opposé, la notion des couleurs centrales, à savoir, au premier chef, le violet, puis le vert. On comprend théoriquement l'existence d'une foule d'autres combinaisons fondées sur le même principe, et ces combinaisons trouvent chaque jour leur réalisation dans la clinique.
Il est bien entendu que ces troubles visuels de l'hystérie sont tout fonctionnels et qu'ils ne s'accompagnent, dans le fond de l'œil, d'aucune altération visible àl'ophtalmoscope. La papille et la rétine sont dans des conditions tout à fait norma-les. L'examem comparatif du fond de l'œil des deux côtés ne dénote même aucune différence appréciable dans la vasculari-sation des parties.
11 faut ajouter que cet ensemble de symptômes peut pré-senter la même ^mobilité classique que les autres manifesta-
1. Charcot. — Leçons- sur les localisa/ions cérébrales,]). 118.
lions locales de la diathôse hystérique, et comme celle-ci se montrer et disparaître soudainement ou, au contraire, s'éta-blir à l'état de phénomène persistant.
Ainsi, par exemple, la dyschromatopsie préexistante et plus ou moins permanente ehez telle ou telle malade fera place chez celle-ci toutà coup à l'achromatopsie complète, dans le temps où, placée sous le coup de (l'aura prémonitoire, elle est mena-cée d'une attaque convulsive etdisparaîtra après l'attaque aussi vite qu'elle s'était produite. Une amaurose absolue portant sur les deux yeux pourra aussi s'établir momentanément à la suite de l'attaque(Observ. de Lero... (1) enmême temps que l'anes-thésie, dépassant ses limittes habituelles, aura envahi toute l'étendue du corps. 11 peut également arriver que l'amaurose monoculaire ou la ceci lé complète se développera spontané-ment, brusquement ou progressivement sans avoir été précédée par l'orage convulsif (Obs. de Marc... (2). En somme, ainsi qu'on l'a fait pressentir, l'amaurose complète, portant sur les deux yeux, est dans l'hystérie, un fait relativement rare. Bri-quet ne l'avait rencontrée que trois fois (Loc. cit., p. 293). licite comme des faits exceptionnels lescas relatés par Pomme, Allègre, Landouzy. M. Charcot ne l'a guère observée plus sou-vent que M. Briquet. Au contraire, la dyschromatopsie, l'achro-matopsie et même l'amaurore complète d'un œil, celui qui correspond au côté ou siègent l'hémianesthésie et l'ovarie sont des phénomènes,, en pareils cas, vulgaires.
Une combinaison très intéressante au point de vue clinique et que M. Charcot a rencontrée plusieurs fois est la suivante: La malade présente d'un côté,le droit par exemple, seulement un peu d'analgésie sur le tronc et les membres, tandis que sur la face du même côté l'anesthésie est très accentuée, com-plète. En même temps, l'achromatopsie est absolue pour les
1. Bourneville. — Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie et l'hystérie, p. 1H7,145 et 166.
2. Voir l'observ. complèle dans : Bourneville et Regnard. — Iconographie phot. de la Salpétrïere, t. I, p. 129-151.
deuxyeux,ou tout au plus la malade perçoit-elle de l'œil gauche, et encore seulement par moments, les couleurs périphériques, à savoir le bleuet le jaune. Cette combinaison s'est présentée entre autres d'une façon très nette chez une jeune malade hys-térique, adressée à M. Charcotpar M. le docteur Fieuzal, et qu'il a montrée dans son cours. Dans ces cas, le rétrécissement, en quelque sorte normal dans l'espèce, du champ visuel pour les couleurs de l'œil relativement sain, s'est exagéré, comme on voit, au point — et c'est en cela que l'anomalie consiste — d'égaler presque le rétrécissement de Fœil primitivement et principalement affecté. Cette anomalie montre, si l'on peut ainsi dire, la voie pour l'interprétation de certaines amauroses hystériques, dans les quelles rexistencedel'hémianesthésie etde quelques autres symptômes permanents fondamentaux de la diathèse ferait défaut ou serait peu accentué.
Tout remarquables qu'ils soient, il importe de le relever, ces symptômes de l'amblyopie hystérique, à part toutefois la mobi-lité très fréquente et la concomitance à peu près nécessaire d'autres phénomènes propres à la diathèse, n'appartiennent ce-pendant pas en propre à l'hystérie. C'est là un point sur lequel M. Charcot a, depuis longtemps, beaucoup insisté. Il a montré en effet (1) que tous se retrouvent, avec leurs nuances variées, dans l'amblyopie monoculaire avec hémianesthésie sensorielle et sensitive, relevant des lésions en foyer du cerveau qui siègent dans les parties postérieures de la capsule interne, sur le point qu'il a désigné dans ses leçons sous le nom de carrefour sensitif (2) : même diminution de l'acuité visuelle,même rétrécissement concentrique et gé néral du champ visuel pour les couleurs, mar-qué dans les deux yeux, mais prédominant beaucoup dans l'œil du côté opposé au siège de la lésion intra-encéphalique ; même absence de lésions du fond de l'œil,appréciables à l'ophtalmos-cope.Les divers caractères de ce genre d'amblyopie appartien-nent donc, on le voit, à l'hémianesthésie cérébrale en général,
1. Leçons sur les Localisations dans les maladies du cerveau, p. 119.
2. Leçons sur les Localisations, etc., p. 100 et 104.
et non pas à l'hémianesthésie hystérique en particulier. On comprend l'intérêt qu'offre cette relation, non seulement au point de vue pratique mais encore au point de vue théorique. En effet, le siège qu'occupent les lésions organiques en foyers capables de déterminer la production deïhémianesthésie totale — sensorielle et sensitive — de cause cérébrale, semble dési-gner tout naturellement le siège que doivent occuper les lésions non appréciables par nos moyens actuels d'investigation, dy-namiques comme on les appelle encore quelquefois, qui tien-nent sous leur dépendance l'hémianesthésie correspondante des hystériques.
Ces dernières lésions, en conséquence, siègent vraisembla-blement, soit sur les fibres mêmes qui traversent le carrefour sensitif, soit sur leur prolongement à la surface du cerveau, soit encore sur toutes les parties à la fois.
M Charcot, dans cette même conférence, a insisté sur un autre genre de trouble visuel, depuis longtemps remarqué par lui, qu'il considère comme très fréquent chez les hystériques et qui,cependant, à sa connaissance du moins,n'a pas encore été signalé. On sait que des hallucinations très accentuées et très variées de la vue sont un accompagnement pour ainsi dire nor-mal du délire des hystériques. Or, des hallucinations de ce genre se montrent très fréquemment chez ces malades dans l'intervalle des orages convulsifs, à leur suite ou encore dans le temps même où ceux-ci menacent d'éclater. Il est très com-mun de voir, dans le service, des hystériques dans leur pé-riode de calme, assises tranquillement, occupées à des tra-vaux d'aiguille, se soulever brusquement, quitter leur siège et pousser un cri comme si elles étaient surprises par la vue d'un objet effrayant dont elles voudraient fuir le contact. De fait, si on les interroge touchant le motif de ces mouvements im-prévus, elles racontent qu'elles ont cru voir des animaux, sur-tout des rats et des chats, d'autres fois des bêtes fantastiques courir sur le parquet ou sur le mur voisin. Plus rarement, c'est l'apparition de têtes grimaçantes qui a été cause de l'ef-
froi. On apprend, de plus, que les animaux imaginaires, géné-ralement de couleur noire ou grise, plus rarement d'un rouge vif, se présentent toujours pour chaque malade, du même côté, et le côté ou l'hallucination se dessine est toujours celui qui cor-respond à l'hémianesthésie, par conséquent à l'amblyopie.
Ainsi, si l'hémianesthésie siège à droite,c'est toujours à droite de la malade que les animaux imaginaires apparaissent; inver-sement, c'est toujours à gauche, si, comme on a coutume de le dire dans le service, la malade est gauchère. —Habituellement les animaux passent en série et courent rapidement, venant de derrière la malade et se dirigeant en avant. Ils disparaissent en général aussitôt qu'elle tourne les yeux directement de leur côté ; cependant, il peut arriver que riiallucination persiste plus longtemps dans toute sa vigueur, lorsque l'hystérique est à l'époque d'une grande marée nerveuse, en étatdemal, ou sort d'une crise.
M. Charcot a présenté à ses auditeurs et interrogé devant eux un certain nombre de femmes hystériques qui présentent très habituellement et d'une façon très accentuée ce genre de trou-ble visuel.
l^Ma^c??)— Hémianesthésie et ovarie gauches, dyschroma-topsie de l'œil gauche. Voit souvent tout à coup des rats gris ou noirs courir à gauche d'elle, sur le parquet ou sur les draps de son lit.
2° Wit. — Anesthésie totale, mais prédominant à gauche ; achromatopsie de l'œil gauche, ovarie double prédominant à gauche. Au sortir de ses attaques, elle est souvent tourmentée par la vision de lions qui se détachent en rouge vif sur le mur blanc de la salle où elle est couchée. Ces animaux apparaissent toujours sur le côté gauche de la malade, ils courent rapide-ment et disparaissent aussitôt qu'elle les regarde en face.
3° Vend... voit dans l'intervalle de ses attaques, mais sur-tout lorsque celles-ci sont sur le point d'éclater, ◀tantôt▶ un chat noir, ◀tantôt▶ un fantôme blanc, se dessiner à gauche ; la ma-
Gharcot. Œuvres complètes, t. i. 28
Jade est atteinte d'anesthésie totale, d'ovaric double ; mais ces phénomènes prédominent à gauche ; dischromatopsie de l'œil gauche.
4° B... Alors môme que la malade est en état de calme, elle est souvent effrayée par l'arrivée brusque et opinée d'un gros chat gris qui, apparaissant sur sa droite, semble sauter sur elle tout à coup, et dont elle croit même sentir le contact. Cette malade est atteinte d'hémianesthésie et d'ovarie à droite.
S0 G..., atteinte d'hémianesthésie, d'ovarie et d'achromatop-sie du côté droit, voit souvent sur sa droite, courir sur le sol des chats et des rats noirs qui semblent venir de derrière elle.
6° Angèle a perdu la vue à peu près complètement dans son enfance à la suite d'une maladie des milieux de l'œil. — Quand elle est menacée d'avoir des attaques, il lui arrive fréquemment de s'imaginer voir des hommes rouges se présenter tout à coup sur sa droite. Cette malade est atteinte d'hémianesthésie et d'ovarie droites (1).
On pourrait facilement multiplier ces exemples.
Ce sont là les principaux troubles de la vision qu'on rencon-tre d'une façon habituelle dans l'hystéro-épilepsie (Hysteria, major) et aussi fréquemment, dans l'hystérie vulgaire (Hys-teria minor). Bien d'autres troubles visuels peuvent s'observer encore dans ces mêmes circonstances, mais ils y sont beaucoup plus rares: tels sont les défauts d'accommodation, certaines for-mes de diplopie, etc. ; tel est surtout le cas que présentait une malade adressée par M. Galezowski et sur lequel ce dernier, à l'invitation de M. Charcot, est entré devant l'auditoire dans quelques développement dont on trouvera la substance dans le Progrès médical (1878, n° S.)
(B.).
1. On trouvera l'histoire complète de ces six maladies dans les trois volumes de VIconogr. photogr. de la Salpêtrière (1876-1880).
Description de la grande attaque hystérique 1.
(Voir Leçon XIIIy.
I. Les auteurs reconnaissent deux espèces d'hystéro épilep-sie: d'hystéro-épilepsie ci crises distinctes, dans laquelle les symptômes de l'hystérie et de l'épilepsie se manifestent séparé-ment dans des crises qui ne se confondent jamais et qui sont ◀tantôt▶ des attaques d'hystérie, ◀tantôt▶ des accès d'épilepsie ; Y hystéro-épilepsie à crises mixtes dans laquelle les signes de l'hystérie et de l'épilepsie apparaîtraient mélangés ; ces crises mixtes portent depuis longtemps parmi les employés dans le service spécial de la Salpêtrière, le nom assez significatif d'attaques-accès (2).
Il ne sera question ici que de la seconde forme d'hystéro-épilepsie, c'est-à-dire de l'hystéro-épilepsie à crises mixtes. M. Charcot défend depuis longtemps l'opinion qui ne voit dans l'hysléro-épilepsie à crises mixtes, que le degré le plus intense de l'hystérie, et pour éviter toute confusion,il propose d'appeler hysteria major cette forme de la maladie ; l'épilepsie ne serait là, d'après lui, que dans la forme, elle ne seraitpas dans le fond des choses. C qsïY hystérie épi lept if orme de Louyer-Villermay.
Les attaques convulsives qui se voient dansl'hystéro-épilepsie ainsi entendue ont été considérées longtemps comme un mé-lange confus de phénomènes les uns hystériques, les autres épileptoïdes, enchevêtrés d'une façon inextricable, et échap-pantparcelamêmeà toute description méthodique et régulière.
1. Compte rendu par P. Richer.
2. Les crises convulsives de l'hystérie s'appellent attaques. Le mot accès est réservé pour les crises épileptiques. Quelle est l'origine de cette nomenclature, à quelle époque remonte-t-elle ? On l'ignore absolument.
M. Charcot, contrairement à cette opinion, s'attache à dé-montrer que tous ces phénomènes, en apparence, si désordon-nés et si variables de l'attaque d'hystéro-épilepsie, se déve-loppent suivant une règle, une loi. Il décrit d'après nature un type représentant Xattaque complète, sorte d'étalon auquel peuvent être attachées, dans leurs variétés nombreuses, les attaques frustes, incomplètes ou anormales.
Description de l'attaque complète. — L'attaque complète se compose de quatre périodes; elle est précède de prodromes.
a) Quelques jours à l'avance, la malade est prise de ma-laises, d'inappétence, de vomissements. Elle devient taciturne, mélancolique, ou est en proie aune excitation qui rend la sur-veillance parfois très difficile. L'hémianesthésie augmente d'in-tensité. L'insensibilité s'étend quelquefois aux deux côtés du corps ; souvent, elle résiste à l'action des agents sesthésiogènes ('applications métalliques, aimant, etc., etc.,), qui la modifiaient plus ou moins rapidement dans les conditions ordinaires. L'a-myosthénie augmente également, les hallucinations de la vue sont plus fréquentes; elles consistent d'ailleurs surtout en visions d'animaux, chats,rats,vipères, corbeaux, etc..La zone hysté-rogène est plus sensible; il suffit d'une légère excitation des téguments sur cette zone pour faire éclater les convulsions. On voit souvent survenir des crampes, du tremblement limité à un membre, ou des secoussesgénérales, accompagnées de vertige, et qui ont de grandes analogies avec ce que Herpin dans le do-maine de l'épilepsie, appelle commotions épileptiques.
Bientôt se montrent les phénomènes de l'aura hystérique qui précèdent immédiatement l'attaque et qui apparaissent en géné-ral dans l'ordre suivant : douleur ovarienne (1), irradiations vers l'épigastre, palpitations, sensation du globe hystérique au cou, sifflements d'oreilles, sensation de coups de marteau dans la ré-gion temporale, obnubilation de la vue. Puis laperte de connais-sance marque le début de l'attaque qui se déroule ainsi qu'il suit :
1 Les malades auxquelles s'appliquent la présente description sont pour la presque totalité atteintes Yovarie.
1° Période épilepioïde, — Elle peut ressembler et ressem-ble le plus souvent à s'y méprendre à l'attaque d'épilepsie vraie : convulsions toniques, cloniques, puis stertor. Mais, malgré ces apparences, deux faits prouvent péremptoirement que l'épilep-sie n'est là que pour la forme : 1° la compression ovarienne peut arrêter plus ou moins brusquement, bien entendu dans les cas où Yovarie existe, les convulsions à quelque moment de la pé-riode épileptoïde qu'on la pratique ; 2° .les interversions de cou-rants électriques produisent le même effet. Il en est de même d'une forte friction exercée sur les points hystérogènes. Or, jamais aucun de ces moyens n'a pu, non seulement enrayer, mais même atténuer les convulsions de l'épilepsie vraie. Il y a lieu de diviser cette période épileptoïde en trois phases :
a) Phase tonique.— Elle débute le plus souvent par quel-ques mouvements de circumduction des membres supérieurs, en même temps que survient la perte de connaissance, l'arrêt momentané de la respiration, la pâleur puis la rougeur du vi-sage, le gonflement du cou, la distorsion des traits de la face et quelquefois la protrusion de la langue. Le cri du début de l'attaque signalé par les auteurs se réduit le plus souvent à une inspiration sifflante et à quelques bruits gutturaux. Cette phase tonique se termine par l'immobilisation tétanique de tout le corps.
b) Phase clonique. — Les membres et tout le corps sont animés d'oscillations brèves et rapides dont l'amplitude aug-mente par degrés et qui se terminent par de grandes secous-ses généralisées. Les muscles de la face, animés des mêmes mouvements, la rendent horriblement grimaçante.
e) Phase de résolution. — La face demeure bouffie, les yeux sont fermés, tous les muscles sont dans la résolution la plus complète, la respiration devient stertoreuse.
MM. Regnard et Richeront donné à l'aide dumyographe de Marey, le tracé de cette première période de l'attaque (1).
1. Études graphiques sur l'attaque hystéro-épileptique, par Regnard ctlli-ehei\ [Revue Mensuelle, septembre 1878).
2° Période des contorsions et des grands mouvements. Clownisme. — Après un moment de calme assez court qui. suit le stertor, la seconde période commence. Elle est cons-tituée par deux ordres de phénomènes distincts : les contorsions-et les grands mouvements. Les contorsions consistent en des attitudes bizarres qui ne semblent soumises qu'à la loi de l'é-trange, de l'impossible et de l'illogique. Ces attitudes sont fort variées, l'une des plus communes est l'arc de cercle: la ma-lade est courbée en arrière, les pieds et la tête reposent seuls sur le lit, le ventre formant le sommet de la courbe.
Les grands mouvements consistent le plus souvent en des oscillations rapides et étendues de toute une partie du tronc ou des membres seulement. Le plus fréquent des grands mouve-ments est celui-ci : la malade se redresse comme pour se re-mettre sur son séant; sa tête s'abaisse jusqu'au niveau de ses genoux, puis elle se renverse brusquement en arrière, heur-tant violemment l'oreiller. Ce mouvement se répète jusqu'à vingt fois de suite; il est souvent précédé ou interrompu par des cris automatiques dont le timbre perçant rappelle le sifflet de chemin de fer. D'autres fois, ces grands mouvements sont complètement désordonnés, la malade semble lutter contre un être imaginaire ou essaie de se débarrasser des liens qui la retiennent. Elle pousse des cris affreux, elle est prise d'une sorte de rage qui la porte à se frapper, à se mordre ou à s'ar-racher les cheveux.
3° Période des attitudes passionnelles. —L'hallucination préside manifestement à cette troisième période. La malade entre elle-même en scène et par la mimique expressive et ani-mée à laquelle elle se livre, les phrases entrecoupées qui lui échappent, il est facile de suivre toutes les péripéties du drame auquel elle croit assister et où elle joue souvent le principal rôle. Deux ordres d'idées bien différents se partagent ordinai-rement les hallucinations de la malade ; le tableau a deux faces, l'une gaie et l'autre triste : dans l'ordre gai, la malade se croit par exemple transportée dans un jardin magnifique, sorte d'E-
den, où souvent les fleurs sont rouges et les habitants vêtus de rouge. On y joue de la musique. La malade y rencontre l'ob-jet de ses rêves ou de sesafTections antérieures et les scènes eroti-ques suiventquelquefois. — Les tableaux tristes sontdes incen-dies, la guerre, la Commune, des assassinats, etc. ; presque toujours, il y a du sang répandu.
4° Période terminale. Enfin la malade revient au monde réel. Elle reconnaît les personnes qui l'entourent, mais elle demeure plus ou moins longtemps dans un délire, le plus sou-vent mélancolique, troublé par des hallucinations. Elle voit des animaux, des rats, des chats noirs, des vipères, des cor-beaux, etc. Ces visions causent la plus grande frayeur à la ma-lade et se montrent principalement du côté hémianesthésique ainsi que cela a lieu, comme l'a montré M. Charcot, dans les pé-riodes de calme. Il s'ajoute parfois des contractures généralisées fort douloureuses et qui disparaissent assez rapidement, ou des contractures partielles qui ne provoquent aucune douleur, mais peuvent persister beaucoup plus longtemps.
L'attaque régulière, l'attaque type, ainsi composée de ces quatre périodes, offre une durée moyenne d'un quart d'heure ; mais elle peut se répéter pour constituer des séries d'attaques dont le nombre varie de vingt à deux cents et plus. Lamalade peut demeurer alors dans une sorte A'état de mal, analogue à l'état de mal épilepfique, mais qui peut se prolonger vingt-quatre heures et plus. — H y a lieu de relever ici plusieurs caractères diagnostiques importants à connaître : l'absence d'é-lévation thermique qui ne manquerait pas à se produire s'il s'agissait de l'état de mal épileptique, l'influence de la com-pression des ovaires, celle du frottement exercé sur les zones hystérogènes, et celle de l'intervention des courants galvani-ques, etc.
II. L'attaque convulsive de la grande hystérie, avec les ca-ractères qui viennent d'être tracés, n'est pas, bien entendu, particulière aux malades réunies dans le foyer où ont été re-cueillies nos observations. On sait depuis longtemps que l'imi-
talion peut avoir une certaine influence, sur la forme que revê-tent les accidents de l'attaque hystérique. Mais ce n'est pas ici le cas en ce qui concerne tout au moins les grands traits de notre description. Ces traits se retrouvent tels quels, sans mo-dification fondamentale, chez les malades isolées de la ville, oul'influence de Pimitationne peutêtre en jeu; on les retrouve aussi dans les observations faites à l'étranger ; c'est ce dont té-moignent, par exemple, les faits recueillis récemment en Ecosse par M.leDr Inglis, assistant à l'asile d'Edimbourg. On retrouve dans les descriptions de ces auteurs la succession des diverses phases: épileptique, des grands mouvements, des attitudes passionnelles, etc., etc. L'influence décisive de la compression de l'ovaire y est également signalée expressément, etc. Les descriptions de M. le Dr Leidesdorf (de VienneJ témoignent dans le même sens.
D'un autre côté, l'étude des anciennes épidémies convulsi-ves montre aussi, jusqu'à l'évidence, que l'hystéro-épilepsie n'a pas changé avec le temps. On retrouve dans les relations qui ont été données de ces épidémies, les principaux caractè-res sur lesquels nous avons insisté. Les convulsions épileptoïdes sont presque constantes, etnettement indiquées, mais les au-teurs s'étendent principalementsur la description de la seconde phase, dont les affreuses contorsions et les étranges mouve-ments les avaient surtout frappés, et sont fréquemment attri-bués par eux, à l'influence d'une force surnaturelle. Varc de cercle, par exemple, est signalé dans la plupart des épidémies célèbres, danslTrystéro-démonopathie des religieuses de Sainte-Elisabeth à Louviers, vers 1642-1646, dans l'hystéro-démono-pathie chez les nonnes d'Uvertet (Allemagne), et aussi chez les convulsionnaires de Saint-Médard...,
Les attaques passionnelles se retrouvent isolées sous forme d'extases ou de représentations, suivant l'expression usitée parmi les convulsionnaires de Saint-Médard. — Enfin, chez ces même convulsionnaires, on trouve le récit d'accès de délire
religieux et prophétique qui se rattachent clairement au délire de la période terminale de l'attaque.
Un point d'étude, d'un intérêt plus immédiat, consiste dans le rapprochement que l'onpeut faire entre la description précé-dente de l'attaque d'hystéro-épilepsie et la description qu'ont donnée les auteurs classiques de l'attaque d'hystérie vulgaire. Il résulte clairement de ce rapprochement qu'on ne saurait sé-parer ces deux affections pour en faire deux maladies de nature différente, et que l'hystérie vulgaire ou petite hystérie ne doit être considérée que comme une atténuation, ou, si l'on veut, l'état rudimentaire de l'hystéro-épilepsie ou hystèria ma-jor. Quelques citations, empruntées aux ouvrages'de deux de nos principaux classiques en matière d'hystérie, MM. Briquet et Bernutz, en fourniront aisément la preuve.
Au milieu de la description que M, Briquet donne des con-vulsions qui composent l'attaque d'hystérie vulgaire, le passage suivant a manifestement trait aux convulsions épileptiformes cle la première période :
« La face se gontle... Les mâchoires se serrent l'une contre l'autre, de manière à produire le mâchonnement, le grincement ou le claquement des dents. Le cou se gonfle, les muscles de cette partie et ceux de la poitrine se contractent spasmodiquement. Les parois thoraciques ou restent immobiles avec leurs muscles contractés de manière à menacer d'asphyxie (phase tonique) ou se meuvent convulsivement et rapidement comme dans les plus fortes anhélations (phase clonique) ; les muscles des parois abdo-minales sont agités des mêmes mouvements que ceux de la poitrine. »
M. Bernutz est peut-être plus explicite encore:
« Au moment où le cri hystérique se produit, la suffocation paraît à son summum; if y a une sorte de spasme tonique général, de roidissement quelquefois tétanique de tout te corps, la figure est voluptueuse,injectée...Le cou est tuméfié, les carotides battent avec violence, les veines jugulaires sont gonflées, distendues, en même temps que l'abdomen est légèrement météorisé, enfin l'op-pression est considérable ,comme s'il y avait menace d'asphyxie... Ordinairement, le temps de l'accès que nous venons de signaler
est très court, et des convulsions plus ou moins générales (2e pé-riode) succèdent immédiatement à la perte de connaissance. »
Qui ne reconnaîtra là, pour le moins, une ébauche de la pé-riode épileptoïde ?
La 2e période semble constituer à elle seule la plus grande partie de l'attaque d'hystérie vulgaire. Aussi les auteurs la décrivent-ils longuement. Voici la description qu'en donne M. Briquet:
« Le plus ordinairement, les malades s'agitent, ◀tantôt▶ comme si elles voulaient échapper à des violences, ◀tantôt▶ comme si elles se débattaient contre une étreinte... : d'autres fois.., les membres supérieurs et inférieurs se meuvent dans tous les sens; la flexion, l'extension, la rotation, l'adduction, l'abduction se succèdent avec la plus grande rapidité. Le corps se meut ◀tantôt▶ comme un ver, ◀tantôt il se contracte dans tous les sens, bondit et s'échappe des mains qui le retiennent. La tête s'agite sur le tronc, en avant, en arrière, décote... Les mains se portent instinctivement,soit vers le col qu'elles saisissent avec violence, comme pour en arracher un corps qui y causerait une grande gêne, soit vers l'épigastre que les malades cherchent à déchirer, ou à frapper les poings fermés; d'autres fois, elles tententde s'arracher les cheveux, de se déchirer le visage, comme le feraient les femmes éperdues. La force em-ployée dans ces actes est telle, que plusieurs personnes vigoureu-ses peuventà peine contenir une frêle jeune fille qui, dans ces moments,est capable déployer ou de briser les tiges de fer d'un lit. »
M. Briquet a signalé d'ailleurs, lui aussi, les cris de fureur qui accompagnent souvent les mouvements désordonnés de cette seconde période :
« Il est cependant un certain nombre d'hystériques dont les cris durent tout le temps de l'attaque et ces cris sont analogues à ceux que pousseraitun opéré quise laisserait aller à la souffrance, ou à ceux que ferait une personne qui se débattrait contre des vio-lences qu'on exercerait sur elle ; ce sont des cris de fureur, de vé-ritables rugissements. »
La description de M. Bernutz se rapproche beaucoup de celle de M. Briquet ;
« Ces convulsions qui ont, lorsqu'elles sont types, une physio-nomie si spéciale que les personnes étrangères à la médecine, elles-mêmes, les reconnaissent, sont très difficiles à décrire à
cause du désordre qu'elles présentent. Les membres un instant raidis (lrc période) se tordent convulsivement, se projettent en divers sens, passant rapidement de l'abduction à l'adduction, de l'extension à la flexion et vice versa, comme dans une sorte de lutte suscitée par la souffrance, et en particulier, parla suffoca-tion à laquelle les malades sont en proie, à laquelle elles sem-blent vouloir échapper en portant automatiquement leurs mains à la poitrine et au col, qu'elles se lacèrent parfois dans les ef-forts insensés qu'elles font pour en arracher l'obstacle qui les étouffe. »
La 3e période ou période des attitudes personnelles n'estpas moins nettement indiquée, dans ces descriptions, que les pério-des précédentes. M. Bernutz même se sert d'un mot qui se rap-proche beaucoup de celui employé par M. Charcot, puisqu'il désigne sous le nom d'expressions passionnées les divers mou-vements auxquels se livre la malade à ce moment de l'attaque :
( Au moment, dit-il, où, après un certain temps de durée, les mouvements convulsifs ont perdu de leur énergie, et où la figure ne présente plus qu'une turgescence modérée, on voit se produire chez un certain nombre d'hystériques une phase nouvelle. Leur faciès jusque-là atone, à peu près comme dans le sommeil, s'a-nime, devient le siège d'expressions diverses, auxquelles contri-buent celles des yeux qui, jusque-là étaient couverts par les paupières ou animés d'un mouvement de clignotement, et parfois en même temps de nystagmus. On voit chez quelques-unes se produire successivement la mimique cle toutes tes expressions passionnées ; de la terreur, qui ouvre ordinairement la scène, de la colère, etc., pour se terminer par l'expression de la volupté, qui résulte surtout de l'inclinaison des yeux, portés en haut et en dedans, à moitié cachés sous la paupière supé-rieure.
» La succession cle ces expressions passionnées, auxquelles coopèrent non seulement les contractions des muscles du visage mais celles des membres et du tronc, qui s'accompagne parfois de cris qu'arrachent la terreur ou la colère, ou de paroles plus ou moins incohérentes, est plus ou moins complète chez les diverses malades.
» Elle est très souvent limitée à l'expression d'angoisse d'abord, et de volupté ensuite, ce qui a puissamment contribué à accrédi-ter l'opinion hippocratique, lorsque surtout il y a en même temps que le spasme cynique des yeux, une propusion rythmique du bassin, et qu'on constate à la fin de l'accès, une sécrétion abon-dante du mucus vaginal, qui a été signalée par les auteurs an-ciens. »
En résumé, les altitudes passionnelles sont très faciles à reconnaître dans cette longue citation. M. Briquet n'a pas man-qué de les remarquer et les passages suivants les désignent assez clairement.
« Les malades présentent une succession de tableaux dans les-quels on peut retrouver l'expression de toutes les passions de l'âme, et celle de toutes les sensations.
» Pendant les convulsions, les malades sont souvent prises d'un délire plus ou moins vif et qui a généralement une manière d'être toute spéciale... Il est toujours bruyant, très agité, et rarement incohérent. Il a généralement rapport soit à des scènes auxquelles la malade se croit présente ou auxquelles elle se reporte, soit aux pensées qui l'occupent habituellement ou qui l'ont beaucoup frappée ; il faut le considérer comme une sorte de rêve. Enfin, on voitqueiquefois survenir pendant l'attaque... des hallucinations.., des extases... »
Enfin, le délire de la 4e période n'a pas non plus échappé à la sagacité de ces observateurs. M. Bernutz s'exprime ainsi :
« Au moment où cette expression s'efface (l'expression passion-née de la période précédente), on voit les yeux s'humidifier, puis les larmes couler en abondance et constituer une véritable crise de sanglots, dans laquelle les malades recouvrent complètement connaissance... On voit chez quelques malades, au lieu d'un accès de tarmes se produire un accès de rire convulsifet chez d'autres, un accès de demi-délire, dans lequel elles racontent d'une façon incohérente et inintelligible parfois, imagée chez d'autres, un événement dont elles ont été frappées,ou se laissent aller invo-lontairement à des indiscrétions quelquefois très compromettan-tes pour elles ou pour les autres. »
M. Briquet s'exprime comme il suit :
« Après avoir duré quelque temps, les convulsions cessent... la connaissance revient, mais à peine est-elfe revenue, quêtes san-gtots éclatent... Dans quelques cas, au lieu de pleurs, c'est un rire sans motifs... Enfin, chez un petit nombre de malades, il reste un état de délire et de rêvasserie, pendant lequet les malades font des choses déraisonnables. »
Ainsi,en rassemblantet encoordonnant ces fragments épars, rien ne manquera plus àla description, et si l'on songe que les auteurs auxquels nous empruntons nos citations n'ont eu en vue que l'attaque d'hystérie vulgaire ou petite hystérie, on trouvera
là un puissant argument en faveur de l'opinion soutenue par M. Charcot qui ne voit dans l'hystéro-épilepsie que le degré le plus intense de l'hystérie. On y trouvera aussi un argument de plus en faveur de l'excellence de la méthode, qui consiste à con-sidérer les grands types avant d'en venir à l'étude des formes frustes et atténuées, car il est incontestable que la description de l'attaque d'hystérie vulgaire s'éclaire singulièrement lors-qu'on la considère à la lumière des notions fournies par l'étude de la grande hystérie.
III. Par ce qui précède, nous sommes conduits tout naturel-lement à l'étude des formes frustes ou des variétés de l'attaque d'hystéro-épilepsie.
M. Charcot admet que J'attaque d'hystéro-épilepsie peut se modifier suivant deux modes principaux : 1° par extension ou prédominance d'une période aux dépens des autres lorsqu'elles s'atténuent ou même s'effacent : ainsi se produisent : a) Vatta-que épileptoïde; b) l'attaquedémoniaque ; c) l'attaque d'ex-tase; d) Vattaque de délire; 2°par immixtion d'éléments étran-gers à la constitution fondamentale de l'attaque, tels que le somnambulisme et la catalepsie par exemple.
A. Variétés par prédominance d'une des périodes. — lre Variété. —Forme ép ileptoïde. L'attaque hystéro-épileptique se trouve,dans cette variété, réduite en quelque sorte à la première période, à l'exclusion plus ou moins complète des autres pé-riodes. La phase épileptoïde peut se répéter au point de simuler l'état de mal de l'épilepsie vraie avec toute son apparence de graviLé. Mais l'emploi des divers moyens usités pour modifier l'attaque d'hystérie fait disparaître ces convulsions si effrayantes et vient affirmer la nature hystérique de la maladie. De plus, en regardant d'un peu plus près, on remarquera quelques phéno-mènes convulsifsapparfenantplus particulièrement à l'hystérie; tels sont les mouvements de circumduction du commencement de la phase tonique, le gonflement du cou,la persistance de la contracture pendant la phase de résolution. Enfin, on voit sou-
vent dans l'intervalle des accès épileptoïdes paraître un lambeau des autres périodes qui vient s'intercaler ôn quelque sorte. Ce sera, par exemple,un commencement d'arc de cercle, ou l'es-quisse d'une attitude passionnelle. On n'observe rien de sem-blable dans l'épilepsie vraie. Je rappellerai en terminant l'ab-sence de l'élévation thermique qui accompagne au contraire toujours l'état de mal épileptique (1).
2° Variété. — Forme démoniaque. Celle variété est princi-palement constituée par la prédominance des phénomènes de la 2e période, clownisme,grands mouvements, et l'atténuation des autres périodes. Les contorsions prennent un développement exagéré, et justifient la dénomination que M. Charcot a donnée à cette variété. Les malades, en effet, reproduisent dans les principaux traits la description que nous ont laissée les auteurs touchant les anciens possédés. Les membres se contournent et se contorsionnent dans les attitudes les plus bizarres : la distor-sion des traits, la protrusion de la langue rendent la physiono-mie effrayante; beaucoup étendent les trois premiers doigts de lamain, de maniôreà simuler le geste de lajettatura; des cris affreux, des accès de rage, complètent l'horreur de ce tableau. — La lre période épileptoïde est le plus souvent représentée, dans celte variété, par quelques-uns de ces phénomènes convul-sifs particuliers, mais les autres périodes font d'habitude complètement défaut.
3e Variété. —Attaque d'extase. Les attaques d'extase ont été décrites par les auteurs classiques, mais il ne les ont pas rattachées en général au type fondamental. Cependant Briquet s'exprime ainsi : « Les attaques d'extase peuvent se produire de deuxmanières ; quelquefois elles sont précédées par les préludes ordinaires des attaques de spasmes ou de convulsions hysté-riques, de sorte que l'extase n'est qu'un des incidents de l'atta-que ; d'autres fois les malades tombent brusquement en extase sans aucun prodrome. »
1. Voir : Bourneville et Regnard. — leonogr. photogr. de la Salpêlrïere, notamment le t. III, p. 75-76. (B.)
Cette variété d'attaque peut être reproduite expérimentale-ment par les inhalations d'éther. Elle est constituée par lapré-dominance de la 3e période ou des attitudes passionnelles, pré-cédées parfois dequelquesphénomènesépileploïdesqui sont alors comme le sceau de la maladie ; mais les attitudes passionnelles peuvent aussi semontreràl'élat d'isolement complet.L'attaque peut même être réduite aune seule attitude passionnelle qui se prolonge plus ou moins; ainsi se produit l'attitudeextatique.
4e Variété. — Attaque de délire. C'est le délire de la 4e pé-riode qui représente alors toute l'attaque ; il s'y joint cependant souvent quelques phénomènes épileptoïdes au début. Le ma-lade fait des discours, prophétise, etc.. Les dissertations pro-phétiques des convulsionnaires de Saint-Médard peuvent être considérées comme un exemple de cette variété de l'attaque hystéro-épiieptique.
B. Variétés de Vattaque hystéro-épileptique par immix-tion de phénomènes cataleptiques ou somnambuliques. — La catalepsie et le somnambulisme, dont nous avons étudié les caractères dans un précédent compte-rendu (1), surviennent parfois spontanément chez les hystériques, sans montrer aucune relation apparente avec l'attaque convulsive. M. Briquet con-sidère la catalepsie comme névrose complètement distincte, quoique fort voisiné de l'hystérie. Mais il peut se faire que les deux états se rencontrent simultanément chez un même sujet, et les phénomènes de catalepsie et de somnambulisme viennent se surajouter aux phénomènes de l'attaque convulsive. Les ob-servations de catalepsie et de somnambulisme ne sont pas rares., et tous les auteurs qui ont traité de l'hystérie ont parlé des atta-ques de catalepsie et des attaques de somnambulisme. On lira entre autres avec intérêt, à ce sujet, l'observation de M. Mes-net (Archives générales de médecine, 1860), et celle de M. Moissenet (Premier fascicule des Actes delà Société médicale des hôpitaux : Observation de sommation spontanée. »)
1. Voir le n° 52 du Progrès médical de 1878.
On y verra que les attaques de catalepsie ou de somnam-bulisme débutaient habituellement chez les malades qui font l'objet de ces observations, par de violentes convulsions hys-tériques. Souvent aussi, la catalepsie ou le somnambulisme se terminaient de la même façon, c'est-à-dire après des convul-sions à la suite desquelles la malade recouvrait complètement l'usage de ses sens, sans conserver aucun souvenir de ce qui s'était passé. C'est ainsi que les choses se sont produites dans les 5 ou 6 cas, recueillis par M. Charcot, dans sa pratique de la ville.
11 semble, d'après cela, que lorsque les phénomènes de cata-lepsie ou de somnambulisme viennent compliquer l'attaque, ils succèdent à la l'e ou la 2e période, remplaçant la 3e période ; ou bien ils s'intercalent entre deux phases épileptoïdes. Il est intéressant de rappeler ici comment, dans les expériences de catalepsie ou de somnambulisme provoqués, le début de la catalepsie ou du somnanbulisme est marqué généralement par quelques phénomènes épileptoïdes (inspiration sifflante, mouvements de déglutition bruyants, écume à la bouche...), qui se reproduisent presque de la même façon au moment où l'on fait sortir les malades de l'état dans lequel elles étaient plongées (1).
1. Progrès médical, 1879, n° 2.
I. De l'influence des lésions traumatiques sur le déve-
loppement des phénomènes d'hystérie locale.
II. Traumatisme et paralysie agitante ».
1. On sait que certaines affections, subordonnées à une ma-ladie diathésique, peuvent se développer à l'occasion d'une ac-tion traumatique et se localiser dans les parties mêmes où la pression, la contusion, la foulure, etc., se sont produites. C'est le cas pour le rhumatisme articulaire aigu ou chronique,la goutte, ainsi que M. Charcot l'a fait plusieurs fois ressortir (2). M. le professeur Verneuil et ses élèves ont d'ailleurs, dans ces der-niers temps, mis parfaitement en valeur toutl'intérêt qui s'atta-cheà l'étude des faits de cegenre, pourlepointde vue chirurgical.
On sait moins peut-être que certains phénomènes locaux de l'hystérie se manifestent quelquefois delà même façon et sous ces mêmes influence. B. Brodie nel'ignorait pas, ainsi qu'en té-moignentplusieurs passages de l'admirable petit livre intitulé : Lectures illustrâtives of certain local nervous affections (London, 1837(3); il est, dit M. Charcot, peut-être lepremierau-teurqui ait, d'une façon unpeu explicite, appelé l'attention sur cesphénomènes d'« hystérie locale », comme il les appelle, développées par l'action directe d'un traumatisme. « Il arrive très fréquemment, écritBrodie, que les symptômes locaux d'hysté-rie paraissent devoir être rattachés à l'action d'une cause ex-térieure , et comme l'action traumatique dont il s'agit est souvent très légère, en disproportion apparente avecles effets produits, ceux-ci s ont souvent mal compris, mal interprétés ; on les prend
1. Résumé d'une leçon faite à la Salpétrière en décembre 1877.
2. Leçons sur les maladies des vieillards, p. 125, 227.
•3. Ces leçons ont été traduites pur notre ami le Dr Douglas Aigre.
Ghahcoï. Œuvres complètes, t. i. 29
pour quelque chose de très différent de ce qu'ils sont en réa-lité. »
(( Il n'est pas rare, ajoute l'émi ne nt chirurgien (Loc. cit., p. 57) de voir, par exemple, une jeune femme, dont le doigta été piqué ou pincé, se plaindre peu après le petit accident, d'une douleur qui, des doigts, s'étend par en haut sur la main et l'avant-bras. La douleur sera probablemenlcompliquée d'une action convulsive des muscles du bras ou encore d'une con-tracture continue des muscles fléchisseurs ou de la partie anté-rieure du bras, dételle sorte que l'avant-bras sera tenu courbé, d'une façon permanente, au moins tant quelamalade restera éveillée, car le spasme est généralement relâché pendant le sommeil. »
«..... Une jeune fille de 11 à 12ans s'était piqué l'index de
la main gauche avec la pointe d'une paire de ciseaux. L'acci-dent fut suivi immédiatement d'une douleur occupant le trajet du nerf médian. Dès le lendemain, était survenue une contrac-ture des muscles, par suite de laquelle l'avant-bras devint fixé à angle droit sur le bras. Quelques jours après, tous les mus-cles de la main et de l'avant-bras furent le siège de spasmes violents, produisant dans la main et l'avant-bras, des mouve-ments convulsifs singuliers. Puis survinrent des nausées et des vomissements et, pendant deux jours, tout ce qu'on introduisit dans l'estomac était immédiatementrejeté. Parla suite, les autres membres furent affectésde lamêmefaçon, etildevint impossible à la jeune malade cle marcher ou même de se tenir debout. Par moments, se montrait une contracture du diaphragme avec me nace de suffocation, ou encoreunc occlusion permanente de la mâchoire, déferminéepar une contracture du muscle masséter. ouenfin une douleur de fête vive et qui, par son caractère, rap-pelait la douleur du doigt piqué... Une intervention chirurgi-cale (p. 80) tentée à plusieurs reprises, eut plutôt pour effet d'aggraver le mal... La guérison eut lieu cependant au bout cle deux ans, spontanément. »
M. Charcot a fait allusion, dans sa leçon à un certain nombre
decasqu'il arecueillis dans saprafique, etquimettent en pleine lumière l'intérêt théorique et pratique des observations de Bro-die.Ces laits seront l'objet d'une publication ultérieure.Aujour-d'hui, nous nous bornons à l'exposé de deux d'entre eux, rap-portés à titre d'exemple.
Obs. 1. — Vers le milieu du mois d'avril 1877, Mlle X..., en tombant de sa hauteur, se heurta le clos de la main droite contre un tabouret. Il s'ensuivit une douleur assez vive et un peu de gonflement. Deux ou trois jours après, le petit doigt de cette main commença à se fléchir d'une façon permanente, puis fa flexion gagna successivement tes autres doigts, et te pouce s'ap-pliqua sur l'index et l'annulaire. A partir de cette époque, le poing-reste fermé constamment, jour et nuit, même pendant le sommeil le plus profond, contrairement à la remarque faite par Brodie, dans plusieurs cas de ce genre. Laflexiondes doigts, est tellement prononcée que la réduction est à peu près impossible, etque l'on est forcé d'interposer un linge, pour empêcher les ongles de bles-ser la paume de la main. Les tentatives de réduction faites à plusieurs reprises, ont toujours été suivies d'une aggravation de fa contracture. Les choses étaient exactement dans le même état le 31 mai, c'est-à-dire six semaines après l'accident, alors que M. Charcot vit la malade en consultation avec M. le professeur Itichet et M. te docteur de Wailly. On constate ce jour-là que te poing est comme d'habitude énergiquement fermé, que le poignet est rigide lui aussi, comme les doigts, qu'enfin il existe une anes-thésie complète occupant ta main droite, le poignet et remontant j usqu'à la limite supérieure de la moitié inférieure de l'avant-bras, aussi bien en avant qu'en arrière. Le coude ne participe pas à fa contracture.
Mlle X... n'a jamais éprouvé d'attaque de nerfs. Elle est calme, d'un caractère égal,plutôt enjoué;rien n'est changé dans sama-nièred'être. 11 n'existechez elle aucune trace de douleur ovarienne. Deux fois les règles se sont montrées depuis le début de ta con-tracture, sans accident particulier. Pas de modifications quelcon-ques de la sensibilité en dehors des parties où l'ancsthésie a été constatée.Cinq jours après laconsul ta tion,sans l'intervention d'au-cune circonstance digne d'être notée,la maindeMlle X... s'estou-verte tout à coup et a récupéré tous ses mouvements.
Obs. II. — Le 17 avril 1877, la nommée HortenseX...,âgée de "21, ans, eut l'avant-bras droit serré entre un mur et un plateau tournant, sur lequel reposent les glaces à polir. Il s'ensuivit im-médiatement, sur la partie soumise à la pression, une assez vive douleur, un gonflement avec ecchymose, mais point de piaie. H... assure que, quelques instants après l'accident, une contracture
dans la demi-flexion commença à se produire dans l'annulaire et le petit doigt de la main droite, ^es jours suivants, les trois autres doigts de la même main furent envahis à leur tour par la contracture. Sous l'influence des résolutifs, le gonflement et l'ec-chymose disparurent bientôt, mais la douleur et la contracture persistant, la malade se décida à entrer à l'hôpital, service chi-rurgical de M. le Dp Leroy des Barres.
Au moment de l'admission qui eut iieu le 13 juin 1877, c'est-à-dire deux mois environ aprèsl'accident, on constate ce qui suit: Les quatre doigts internes de la main droite sont légèrement fléchis, dans l'articulation métacarpo-phalangïenne, de manière à former avec la paume de la main, un angle obtus d'environ 130° à 130°. Les deux dernières phalanges de ces mêmes doigts sont rigides, dans l'extension. Le pouce, quoique jouissant d'une certaine mobilité, n'est pas lui-même complètement libre : le poignet est rigide lui aussi; en somme l'attitude rappelle celle de la main tenant méthodiquement une plume à écrire. Dans toute l'étendue du bras, de l'avant-bras et de la main, il existe d'une façon per-manente une douleur qui s'exaspère de temps à autre spontané-ment. La douleur s'exaspère toujours et devient atroce lorsque la malade essaye d'exécuter un mouvement et aussi lorsqu'on vient à exercer la plus légère pression sur un point quelconque du membre. Elle est surtout vive lorsque la pression a lieu sur la face antérieure de l'avant-bras, particulièrement sur le trajetdu nerf médian. Si l'on insiste, il s'ensuit une sorte de crise nerveuse qui, plusieurs fois, a amené une perte de connaissance. ît n'y a ni rougeur, ni tuméfaction desparties douloureuses: l'ecchymose a depuis longtemps disparu.
La douleur exquise produite parles moindres con tacts, rendant impossible toute exploration un peu approfondie du membre, on se décide, 5 ou 6 jours après l'admission, à soumettre la malade à l'action du chloroforme. L'exploration, pratiquée alors que le sommeil est devenu complet, ne fait rien découvrir qui puisse rendre compte de douleurs si vives.On remarque que,bien quête sommeil provoqué soit très profond, les parties contracturées n'entrent pas dans un état de résolution complète ; à la vérité, on peut, non sans effort toutefois, étendre les doigts complètement ou les fléchir, mouvoir le poignet dans toutes les directions ; mais à peine abandonne-t-on ces parties à elles-mêmes qu'elles reprennent leur attitude première.
Tous ces accidents, douleur et contracture, avaient persisté jusqu'au commencement du mois d'août, sans modification quel-conque, lorsque, un des premiers jours de ce mois, sans cause appréciable, la contracture disparut brusquement en même temps que la douleur ; il était survenu une paralysie complète portante la fois sur le sentiment et sur le mouvement et occupant, dans toute son étendue, le membre supérieur droit, où existe désor-
mais une résolution complète. On s'aperçoit bientôt après que le membre intérieur du même côté est, lui aussi, paralysé du mouve-ment, comme le supérieur, niais à un moindre degré cependant, bien que l'anesthésie y soit toute aussi complète. Cette dernière circonstance donne l'idée d'explorer l'état de la sensibilité dans toute l'étendue du corps ; et l'on constate alors qu'il existe chez la malade une hémianesthésie droite, absolue,complète, portant, à la fois sur la sensibilité générale et sur les sens spéciaux, vision et odorat y compris. On reconnaît aussi, dans la région ovarienne droite, l'existence d'une douleur très accentuée que la malade n'avait pas accusée jusque-là.
A partir de cette époque, un grand nombre d'autres accidents hystériques se manifestent successivement, l'hémianesthésie persistant telle quelle, ainsi que l'ovarie, sans variations : un jour, c'est une forte dyspnée, une respiration anhélante avec menace de suffocation; un autre jour, ce sont des douleurs par-tant de la région précordiale et s'irradiant vers l'épaule gauche, ou encore une toux sèche et convulsive, une violente douleur fixée sur la tempe gauche , un autre jour, enfin, il y a rétention d'urine. Pendant plus d'un mois, la malade a vomi après tous ses repas, ce qui ne l'empêche pas de conserver un certain embon-point. 11 n'a jamais existé d'attaque hystéro-épileptique régulière.
11 est très important de remarquer que H..., réglée à 18 ans, mariée à 20 ans et bientôt mère de 2 enfants, n'avait jamais éprouvé de maladie sérieuse jusqu'à l'époque où s'est produit l'accident qui l'a amenée à l'hôpital de Saint-Denis. Elle était très nerveuse, très irritable : mais jamais il ne s'était produit chez elle d'accidents à proprement parler hystériques.
Les phénomènes qui viennent d'êtres décrits, à savoir : l'hémia-nesthésie, la paralysie, l'ovarie, les spasmes divers, etc., persis-taient encore le 21 octobre, époque à laquelle M. Charcot, grâce à l'obligeance de M. le docteur Leroy des Barres, a pu examine;' la malade.
Ce que l'on connaît, quant à présent, de plus important sur ce sujet de Y hystérie locale traumatique meut se résumer, suivant M. Charcot,, dans les propositions suivantes :
Une hyperesthésie cutanée plus ou moins exquise, des dou-leurs plus profondes localisées sur le trajet des troncs nerveux, ou paraissant quelquefois siéger plus spécialement dans une ou plusieurs articulations, une contracture permanente plus ou moins accentuée, tels sont les phénomènes qui se produisent immédiatement aprèsoupeuaprôs l'application delà cause trau-matique. Ces symptômes restent raremenl limités à la région
où celle-ci s'est exercée ; ils s'étendent rapidement, aux régions voisines et peuvent même occupertoute l'étendue d'un mem-bre. Une fois établis, ilspersistent fréquemment,tels quels, sans modification appréciable, avec une ténacité désespérante,pen-dant plusieurs semaines, plusieurs mois, voire plusieurs années. La moindre pression, le moindre frôlement, le moindre mou-vement provoqué exaspèrent les douleurs et la contracture. Celles-ci s'exaspèrent encore de temps à autre, spontanément, sans aucune provocation extérieure, sous forme d'accès. Il s'y surajoute quelquefois, principalement dans le temps des exa-cerbations spontanées, dont il vient d'être question, du gon-flement, de la rougeur, une élévation relative de la tempéra-ture des parties affectées. 11 arrive, en général, que l'hyperes-thésie et les douleurs font place, tôt ou lard, à une anesthésie plus ou moins absolue; cependant, la contracture musculaire persiste encore, néanmoins, au même degré que par le passé. Elle peut, toutefois, être à son tour remplacée par une parésie ou même une paralysie avec résolution des muscles.
Ces accidents, développés à l'occasion d'une action mécani-que, sont, le plus souvent, la première révélation deladiathèse hystérique jusque-là restée latente ; et, généralement, ils en constituent pendant longtemps l'unique symptôme, en ce sens qu'ils subsistent à l'état d'isolement, sans adjonction d'autres phénomènes nerveux. À ce double point de vue, on doit les considérer comme les équivalents de ces accidents névropa-tliiques locaux de même ordre, mais développés cette fois spontanément, qui sont un des attributs les plus singuliers de Vhystérie infantile. Il n'est pas rare,on le sait, devoir chez les petites filles de 10 à 12 ans, parexemple, soit une toux nerveuse, soit un torticolis spasmodique, ou encore la con-tracture permanente des muscles d'une extrémité ou de tout un membre, une arthralgïe enfin, simulant une arthrite ou une coxalgie, occuper la scène pathologique d'une façon àpeu près exclusive pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois, puis disparaître un beau jour, tout à coup, sans laisser de
I races. Mais ce n'est là, forl souvent, qu'un répit, qu'une trêve. Quelques mois, quelques années plus tard, alors que ces phé-nomènes précurseurs sont peut-être complètement oubliés on voit, à l'époque où s'établissent les fonctions sexuelles, l'hystérie ovarienne apparaître avec tout son cortège de phé-nomènes désormais classiques, à savoir : hémianesthésie sen-sorielle et sensitive, ovaralgie, crises convulsives caractéristi-ques, troubles particuliers dansledomainepsychique, etc., etc. D'autres fois 1' « hystérie généralisée » vient se surajouter à I? « hystérie locale » sans intermission, sans temps de repos, et la relation qui existe entre elles deux est alors facilement mis en pleine lumière.
Ce qui vient d'être dit de. Vhi/stérie IjjQûJjLinfantUe, on pourrait le répéter de tous points au sujet de l'hystérie locale déterminée par une action mécanique ; ce ne sont là, du reste, à proprement parler, que deux variétés d'une même espèce. Il est remarquable, en effet, que les traumatismes ne provoquent guère les accidents dont il est question que chez les sujets jeunes et vierges encore de toute marque un peu prononcée d'hystérie généralisée. Lorsque l'hystérie ovarienne s'est déve-loppée et établie avec tout son appareil de symptômes, les lé-sions mécaniques neparaissent plus produire les mêmes effets. Telle est, du moins, la conclusion qui semble résulter des observations recueillies par M. Charcot, et, àce propos, il cite le cas d'une malade de son service, la nommée Geneviève L... Cette femme (1), aujourd'hui âgée de trente-cinq ans, atteinte depuis longues années d'hysléro-épilepsie avec anesthésie gé-néralisée, est souvent prise à la suite de ses attaques et dans les intervalles qui les séparent de contracture des membres qui persistent pendant plusieurs jours. Plusieurs fois, en tombant à terre dans une attaque, elle s'est cassé les os d'un avant-bras, d'une jambe, Or, jamais ces fractures n'ont été l'occasion du dé-veloppement de douleurs ou de contractures (2). Laconsolida-
1. Voir l'observation, complète de Geneviève dans VIconographie photo-graphique de lu Salpêtrière, par Bourneville et P. Régnant.
2, Les fractures peuvent, comme les piqûres et les contusions, provoquer chai
lion s'en est faile dans les conditions ordinaires et sans avoir été marquée par aucun incident particulier.
On connaît, du reste, les difficultés qu'offre très habituelle-ment le diagnostic de l'hystérie locale en général, surtout lorsqu'elle se présente à l'état d'isolement. Ces difficultés ne serontpas atténuées, tant s'en faut, par ce fait, que les accidents reconnaîtront pour origine une influence traumatique. Elles aurontd'aulantplus de portée que le diagnostic erroné auquel on se sera arrêté (arthrite, coxalgie, névrite, etc.) conduira à une intervention active, presque toujours intempestive et nuisible. L'observation démontre, en effet, que dans l'espèce, les appli-cations de vésicaloires ou de cautères, la galvanisation et la faradisation, l'immobilisation prolongée, les tentatives de ré-duction de tout genre, les sections de nerfs et de tendons exas-pèrent presque toujours le mal et sont quelquefois suivis des plus fâcheux effets. En somme, c'est à peu près exclusivement la considération de l'état général qui doit inspirer la thérapeu-tique et, en ce qui concerne les phénomènes locaux, l'attitude expectante dans l'état actuel des choses est de beaucoup la plus sûre. C'est peut être le lieu de rappeler les paroles par lesquelles Brodie inaugure, dans le livre cité plus haut (p. 77), son ex-posé du traitement chirurgical des affections locales hysté-riques. «Leseonseils'que j'aurai à vous donner à ce sujet »,«dit-il, « seront le plus souvent d'ordre négatif. Il ne s'agit pas
les -ujets prédisposés le développement de l'hystérie locale : c'est ce dont té-moigne l'observation suivante empruntée à Brodie. (Loc.cit., p. 58). Femme cle trente ans environ admise à l'hôpital Saint-Georges, pour une fracture simple des doux os de l'avant-bras. Il n'y eut rien d'anormal dans la fracture, si ce n'est que la malade se plaignait d'une douleur extrême au niveau du point lésé et peu à peu la douleur s'étendit au bras jusqu'à l'aisselle, puis au même côté du cou et de la tête. Le plus petit mouvement du membre, même l'action de soulever l'avant-bras au-dessus de l'oreiller sur lequel il reposait,oecasionnait de violentes douleurs et une action convulsive du membre, bientôt suivie de ce qu'on pour-rait appeler un état de syncope hystérique. La fracture se consolida comme dans les conditions ordinaires ; mais les symptômes nerveux persistèrent pendant plusieurs semaines et cédèrent graduellement. Il est à remarquer que, deux ans auparavant, cette femme avait éprouvé des symptômes nerveux analogues, à l'occasion d'une lésion légère du coude.
« tant, en effet, de ce que vous devez entrepren dre que ce dont « vous devez savoir vous abstenir. »
II. Ce n'est pas dans l'hystérie seulement que la localisation des accidents palhologi.qu.es peut être déterminée par l'action d'une cause mécanique. Le même fait peut se produire dans d'autres maladies qui, comme l'hystérie, appartiennent au groupe provisoire des névroses. C'est le cas, par exemple, pour la paralysie agitante ou maladie deParkinson.
M. Charcot a rapporté dans le temps l'histoire d'une dame qui, en tombant d'une voiture, avait eu la cuisse gauche vio-lemment contusionnée; au bout de quelque tempsjl survint dans le membre blessé une douleur vive, occupant le trajet du nerf sciatique, et peu après un tremblement se déclara dans toute l'étendue de ce membre. D'abord passager, ce tremble-ment devint plus tard permanent, et s'étendit enfin aux autres membres. (Leçons sur les maladies du système nerveux, 1.1. p. 185.)
Les principales particularités du cas qui précède se sont re-produites, à quelques modifications près, chez deux malades que M. Charcot a présentés à ses auditeurs.
En 1873, une nommée Fauc..., âgé de55ans, se fitune entorse du pied gauche, avec gonflement, ecchymoses, etc. Peu de temps après, fenflure et ta gêne de la marche persistant encore, elle s'aperçutque son pied tremblait. Le tremblement resta localisé au membre inférieur gauche jusqu'en 1876, époque où la main du côté correspondant fut prise à son tour. Aujourd'hui, le tremble-ment est très prononcé dans les membres ducôté gauche, mais il commence à se prononcer dans ceux du côté droit. F... présente d'ailleurs tous tes autres symptômes qui caractérisent la maiadie de Parkinson: immobilité des traits, roideur du cou, fixité du regard, inclinaison du tronc en avant, tendance à la propulsion et à la rétropulsion.
T..., âgée de 72 ans, présente depuis 4 ans environ, les symp-tômes classiques de la paralysie agitante limitée au côté droit du corps. Contrairement à la règle, elle offre un tremblement très prononcé de la langue et surtout de la mâchoire inférieure. Ce tremblement a commencé à se produire en septembre dernier,
dans les circonstances suivantes : le 2 septembre en baillant, T... se luxa la mâchoire inférieure; la réduction put être faite aussi-tôt sans difficulté. C'est à partir de cette époque que la mâchoire s'est mise à trembler et en même temps la salive commença à s'écouler involontairement de la bouche.
Ces observations n'ont pas besoin de commentaires. (B.)
[Progrès médical, 1878. n° 18.
Représentation d'après nature de la danse de Saint-Guy (Chorea Germanorum), par P. Breughel. — Esquisse de Rubens.
Dans une de ses dernières conférences à la Salpêtrière, M. Charcot a fait passer sous les yeux de ses auditeurs la copie d'un dessin du xvi° siècle, lequel, évidemment pris sur nature, représente un épisode d'une de ces processions dansantes (Springprocessionem), qui, à cette époque, avaientlieu chaque année à Echternach, petite ville située entre Trêves et. Luxem-bourg', autour de la tombe deSaint-Willibrod. On sait que ces processions ont été ajuste titre considérées comme une émana-tion et un des derniers vestiges de la fameuse danse de Saint-Guy (Chorea Germanorum) qui, à plusieurs reprises, a régné sous forme pandémique, dans les provinces du Rhin, pendant le cours des xive et xve siècles (1).
Le dessin en question (Fig. 35) nous fait pour ainsi dire as-sister à une Danse de Saint-Guy (2), en quelque sorte atténuée; mais il est facile à première vue, d'y reconnaître que l'hystérie et l'hystéro-épilepsie jouaient là, comme elles l'ont fait très cer-tainement dans les épidémies proprement dites, un rôle prédo-
1. Voir à ce sujet : F.-F.-C. Hecker. Die grossen Volkkankeiten des Mittelal-tiers. Berlin, 1865, p. 143. — H. Hacse. Geschichte der Epidemischen Krankhei-ten. Iéna, 1865, p. 171. — XVicke. Versuch einer Monographie des grossen Yeitstanzes im Mittelalter. Leipzig, 1844. — Voir aussi : Ziemssen. llandbuch, 12° Bd., 2* Helft, art. Chorea, p. 393.
2. Nous rappellerons que:1a Danse de Saint-Guy, St-Veis Tan:, s'appelle en-core Sl-Modesti Tanz, Saltus Viti, St-Johannistanz, Choreomania, Orchestro-mania, Epilepsia saltatoria. Chorea Magna, seu Germanorum. Elle est,comme on sait absolument et foncièrement distincte de la maladie qu'on appelle aujour-d'hui la chorée (chorea minor, chorée de Sydenham, chorée vulgaire).
minant; c'est un simple croquis, mais c'est, on le voit, un cro-quis fort instructif pour le médecin. 11 est de la main de ce P. Breughel (1), qu'on a quelquefois surnommé le peintre des
paysans, parcequ'il s'attachait surtout à représenter les scènes populaires ou encore Wieusen Breughel, Breughel le drôle,
1. Né vers 1530, mort dans les premières années du xvuc siècle.
L'original fait partie de' la galerie de l'archiduc Albert, à Vienne. On en trouve une reproduction dans l'intéressant ou-vrage de M. P. Lacroix ( Vie militaire et religieuse au Mogen Age et à l'époque de la Renaissance. Paris, 1873, art. Pèlerinages, p. 433).
Une série de femmes, soutenues chacune par deux hommes et précédées par des joueurs de cornemuse, qui soufflent à pleins poumons dans leurs instruments, se dirigent en dan-sant, sur une seule file, vers une chapelle qu'on aperçoit dans le lointain et où se trouvent sans doute déposés les restes du saint. Ce sont des gens du commun, car leur mise est à peu près celle des paysans qui figurent dans les tableaux de Téniers et de Brauwer.
L'ordre de la procession se trouve de temps en temps trou-blé ; plusieurs des pèlerines, en effet, en proie aux tourments d'attaques dont le caractère ne peut être méconnu, gesticulent, se contorsionnent et se débattent sous l'étreinte de leurs compagnons ; ceux-ci — et c'est là peut être leur principale fonction — font tous leurs efforts pour les contenir et les em-pêcher de tombera terre. La scène est, on le voit, fort animée ; elle devait être aussi fort bruyante, car quelques-unes des éner-gumènes semblent crier à tue-tête.
Sur le second plan, se voit un ruisseau où des serviteurs empressés vont puiser à l'aide d'écuelles. L'eau qui y coule est douée peut-être de propriétés çuratives ; en tous cas, elle pouvait servir à élancher la soif dont souffraient cerlainemeut les principaux acteurs. Certains épisodes que l'artiste, en homme discret, a relégués dans les parties les moins en vue de son tableau, font reconnaître jusqu'à l'évidence que la lu-bricité n'était pas toujours, tant s'en faut, bannie de ces assemblées.
Dans cette même conférence, M. Charcot a montré un autre dessin qui concerne eucore l'histoire de l'hystéro-épilepsie. 11 s'agit d'une lithographie faite par J. Scarlefi Davis d'après une esquisse attribuée à Rubens et qui, en effet, ne paraît pas
indigne du maître] En examinant ce tableau qui représente, dans toute leur vérité, les contorsions d'une démoniaque,on se remet en mémoire quelques-unes des questions adressées à la Faculté de Montpellier par le père Santerre (de Nîmes) à l'époque où la démonopathie sévissait à la fois à Loudun et dans le Lan-guedoc (1632, 1639).
« Le pli, courbement et remuement du corps, la tête tou-chant quelquefois la plante des pieds, avec autres contorsions et postures étranges sont-ils un signe équivoque de possession? »
*« L'enflure subite de la langue, de la gorge et du visage et le subit changement de couleur sont-ils des caractères cer-tains de possession? » etc., etc.
On sait que la docte Faculté répondit avec raison, qu'il ne fallait voir dans tout cela que des phénomènes naturels ; mais elle oublia de dire que ces phénomènes appartiennent à l'affec-tion hystérique, dans sa forme grave, dont ils sont des mani-festations vulgaires.
PLANCHES
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE I
paralysie agitante
Attitude d'une malade atteinte de paralysie agitante (1874). (Voir l'observa-tion de celte malade à la page 539). Eau forte du D1' P. Richer.
V
Charcot, Œuvres complètes
Tome l- pi, I
•A.Delahaye a- Lecrosnier, Editeurs,
Charcot. Œuvres complètes, t. i. SU
PLANCHE II
PARALYSIE AGITANTE
Attitude de la même malade en 1879.
Charcot, Œuvres complètes
Tome I, PL II
A"Delahaye Lecrosnier, Editeurs,
PLANCHE III »
SCLÉROSE EN PLAQUES (ENCÉPHALE)
Fig. 1. — Cerveau tout entier vu par sa base. — a, Plaques de sclérose dis* séminées en différents endroits de la longueur des nerfs olfactifs. 6, Ilots de sclérose sur les nerfs optiques. b\ Partie restée saine d'un nerf optique.
c, Ilots scléreux sur le pédoncule cérébral gauche.
d, Plaques de sclérose disséminées en divers points de la protubérance, les unes superficielles, les autres profondes ; aspect un peu déprimé au niveau de ces plaques. Les nerfs émergeant de la protubérance paraissent sains.
e, Plaques de sclérose, occupant irrégulièrement divers points de bulbe ra-chidien et de la moelle allongée (pyramides antérieures, surtout la droite) ; olive, cordon antéro-latéral.
e', Parties restées saines sur quelques points du bulbe rachidien.
/', La coupe terminale laisse voir jusqu'où a pénétré dans la moelle même, à ce niveau, la lésion scléreuseet comment elle y est irrégulièrement distribuée. — f, Quelques points restés sains. Les nerfs émergeant du bulbe paraissent sains.
Fig. 2. — Coupe horizontale du cervelet, faite de façon à reployer facile-ment l'une sur Vautre les deux parties ainsi divisées symétriquement,
x y, Ligne d'intersection des deux plans (horizontal et vertical) résultant de la coupe.
a, Plaques de sclérose disséminées dans la substance blanche. 6, Plaque scléreuse ayant envahi le corps rhomboïdal.
c, Plaques de sclérose qui ont été sectionnées presque symétriquement en deux parties de la coupe horizontale.
d, X/aisseaux très visibles au milieu des plaques scléreuses.
e, Vaisseaux devenant de plus en plus apparents dans la substance blanche, à mesure que la coupe est laissée à l'air. Sorte de piqueté très accentué.
Fig. 3. — Portion du cerveau vu par sa base. — a, Nerfs olfactifs paraissant sains. — b, Ilots de sclérose sur les nerfs optiques. — c, Ilots de sclérose sur les pédoncules cérébraux.
d, Plaques de sclérose, disséminées en divers points cle la protubérance, les unes superficielles et les autres profondes. Aspect un peu déprimé au niveau de ces altérations. Les nerfs émergeant de la protubérance paraissent sains.
e, Plaques et îlots de sclérose occupant irrégulièrement divers points du bulbe rachidien et de la moelle allongée (pyramides antérieures, complètement; olives, incomplètement).
f, La coupe terminale fait voir jusqu'où a pénétré dans la moelle même, à ce niveau, la lésion scléreuse, et comment elle y est irrégulièrement distribuée Les nerfs émergeant du bulbe paraissent sains.
g, Sclérose, au début, dans le tissu qui constitue l'espace perforé postérieur.
1. Cette planche et les trois suivantes sont empruntées à M. H. Liouville.
CHARCOT.... 'Oeuvres complètes.
Tome 1 . PL . iii.
G. Peltier et Oyon ad nat. del
Imp. Becquet fr. Paris.
P. Lackerbauer Chromo lith.
PLANCHE IV
sclérose en plaques (cerveau) .
Fig. 1. — Coupe du cerveau faite horizontalement et laissant voir des îlots de sclérose dans différentes régions (substance blanche et substance grise).
a, Plaques et îlots de sclérose dans les régions antérieures (commissure an-térieure, partie avoisinant le 3e ventricule.)
b, Plaques scléreuses gagnant les parties antérieures des bords des ventri-cules latéraux (plaques ventriculaires).
c, Extension des îlots scléreux à l'extrémité postérieure des ventricules laté-raux (plaques ventriculaires).
d, Ilots scléreux irrégulièrement disséminés dans la substance blanche des régions cérébrales postérieures ; quelques-uns sont très profonds.
e, Vaisseaux très apparents au milieu des zones scléreuses.
f, X7aisseaux devenus de plus en plus apparents dans la substance blanche, qui paraît saine à mesure que la coupe est laissée à Pair.
Fig. 2. — Autre coupe du même cerveau, faite aussi horizontalement et. per-mettant devoir des îlots de sclérose dans d'autres régions (substance blanche et substance grise).
a, Plaques et îlots de sclérose dans les régions antérieures (commissure an-térieure).
b, Plaques scléreuses dans les parties antérieures des ventricules latéraux-
c, Plaques de sclérose dans la substance grise du noyau intraventriculaire du corps strié droit. (Elles sont multiples, séparées par des espaces sains; quel-ques-unes sont profondes.)
c , Extension des îlots scléreux a l'extrémité postérieure des ventricules la-téraux.
d, Ilots scléreux irrégulièrement disséminés dans la substance blanche des régions cérébrales postérieures. Quelques-uns sont très profonds.
e, Vaisseaux devenus de plus en plus apparents dans la substance blanche sur des points sains en apparence, à mesure que la coupe est laissée à l'air ¦^piqueté très accusé.)
CHARCOT— Oeuvres complètes.
Tome I. PL . IV.
G. Peltier ad. nat. del.
Imp. Becquet fr. Paris.
P. Lackerbauer Chromo lith.
PLANCHE V
sclérose en plaques (moelle épinière).
Fig. 1. — Moelle épinière vue par la face postérieure (la dure-mère sec-tionnée est rejetée de chaque côté).
s, Plaques et îlots de sclérose, irrégulièrement disséminés, de dimensions et formes variées, irrégulières, isolées où s'unissant par des connexions visibles à la superficie. Elles dominent, ici, surtout dans la région dorsale.
v. Vascularisation méningée (pic-mère) très prononcé.1 et empêchant de voir la vascularisation spéciale des plaques scléreuses elles-mêmes.
Fig. 2.— Moelle épinière vue par la face antérieure (la dure-mère est section-née dans toute sa hauteur et rejetée de côté).
s, Plaques et îlots de sclérose, irrégulièrement disséminés, à contours iné-gaux, isolés ou s'unissant par des connexions visibles à la superficie.
v, Vascularisation méningienne (pie-mère), dominant et empêchant de voir la vascularisation spéciale des zones scléreuses.
Fig. 3. — Coupes horizontales, faites à diverses hauteurs de la moelle épi-nière et montrant, dans toutes les régions, la profondeur des îlots scléreux, leur répartition inégale, irrégulière, soit dans les cordons de la substance blanche où elles dominent, soit dans la substance grise.
Toutes ces coupes, représentent l'état frais; elles sont vues par la face su-périeure de la section, la moelle étant placée verticalement.
a. Partie antérieure : — h, Partie postérieure ; — s, Ilots de sclérose.
Les parties sclérosées sont, du reste, reproduites avec leur teinte natui-elle qui tranche si nettement sur la substance blanche et même sur la substance grise centrale.
I, Partie supérieure de la région cervicale, immédiatement au-dessous du. bulbe.
2, Partie moyenne du renflement cervical.
3, Partie inférieure du renflement cervical,
4, Partie supérieure de la région dorsale.
5, Deux centimètres plus bas, région dorsale supérieure.
6, Un centimètre et demi plus bas, région dorsale supérieure.
7, Deux centimètres plus bas, réunion du tiers supérieur avec le tiers moyen.
8, Un centimètre et demi plus bas, région dorsale.
9, Un centimètre et demi plus bas.
10, Deux centimètres plus bas, milieu de la région dorsale.
II, Un centimètre plus bas.
12, Un centimètre et demi plus bas.
13, Trois centimètres plus bas.
.14, Partie supérieure du renflement dorso-lombaire, 15, Milieu du renflement dorso-lombaire, \(j et 17, Cône terminal,
Face postérieure .
Face antérieure .
G. Peltier ad. nat. del.
Imp. Becquet fr. Paris.
P. Lackerbauer Chromo lith.
A. Delahaye et E. Lecrosnier Editeurs.
PLANCHE VI
sclérose en plaques (moelle épinière).
Fig. 1. —Moelle épinière vue par la face postérieure (la dure-mère section-née est rejetée sur les côtés), c, Plaques de sclérose irrégulièrement disséminées.
v, Vascularisation méningienne (pie-mère) dominant et empêchant de voir la vascularisation des plaques scléreuses elles-mêmes.
Fig. 2.— Moelle épinière vue par la face postérieure (la dure-mère sec-tionnée est rejetée sur les côtés). s, Plaques et îlots de sclérose irrégulièrement disséminés. v, Vascularisation méningée (pie-mère;.
Fig. 3. — Coupes horizontales faites à diverses hauteurs de la moelle et montrant, dans toutes les régions, la profondeur des îlots scléreux, lew ré-partition inégale, irrégulière soit dans les cordons de la substance blanche où elles dominent, soit dans la substance grise.
(Toutes ces coupes sont relatives à l'état frais).
Les coupes sont vues de haut en bas, la moelle étant supposée verticalemen t placée. a, Partie antérieure. p, Partie postérieure. s, Sclérose,
(Les parties sclérosées sont reproduites avec leur teinte naturelle qui tranche nettement sur la substance blanche et même sur la substance grise centrale).
1, partie supérieure du renflement cervical.
2, Un centimètre et demi plus bas.
3, Deux centimètres plus bas (fin du renflement cervical).
4, Deux centimètres plus bas (partie supérieure de la région dorsale).
5, Un centimètre et demi plus bas.
6, Deux centimètres plus bas. s Trois centimètres plus bas.
8, Un centimètre et demi plus bas.
9, Deux centimètres plus bas.
10, Un peu plus d'un centimètre plus bas. La moelle, en ce point, est saine ou à peu près.
11, Un centimètre au-dessus du renflement dorso-tombaire.
12, Milieu du renflement dorso-lombaire.
13, Un peu au-dessus du commencement du cône terminal.
14, Filum terminale, La sclérose l'a envahi tout entier,
CHARCOT. - Oeuvres complètes
Tome I. PL. VI.
Face postérieure .
Face antérieure.
G. Peltier ad. nat. del.
Imp. Becquet fr. Paris.
P. Lackerbauer Chromo lith.
A. Delahaye et E. Lecrosnier Editeurs.
PLANCHE VII
sclérose en plaques. Fig. 1. — Face interne de l'hémisphère gauche.
a., a, a,____Plaques de sclérose occupant le corps calleux, CC : — la couche
optique, CO, la circonvolution de l'hippocampe, CH.
Fig. 2. — Sur cette figure,le corps calleux a été enlevé afin de mettre à dé-couvert la paroi ventriculaire.
CS, Corps strié. Les autres lettres ont la même signification que pour la figure 1.
CHARCOT. - Oeuvres complètes.
Tome I. Pl. VII.
Imp. Becquet fr. Paris.
A. Delahaye et E. Lecrosnier Editeurs.
PLANCHE VIII
SCLÉROSE EN PLAQUES.
Fig. 1. — Protubérance et bulbe ; face antérieure. Fig. 2. — Protubérance et bulbe: face latérale gauche. Fig. 3. — Protubérance et bulbe ; face latérale droite. Fig. 4 et 5. — Coupes de la protubérance.
Sur toutes ces figures, les parties colorées en gris cendré représentent des plaques de sclérose.
CHARCOT. _ Oeuvres complètes .
Tome I . Pl. VIII.
Imp. Becquet fr. Paris.
-A. Delahaye et E. Lecrosnier Editeurs.
PLANCHE IX
ischurie hystérique.
La ligne bleue indique la quantité d'urine rendue en 24 heures et la ligne rouge celle des vomissements.
d p .
Charcot, oeuvres complètes,
Tome I, Pl.IX
1871. Juillet
Août
Urine .2 gr. 50
Vomissements looo gr.
A. Delahaye et E. Lecrosnier, Editeurs.
Charcot. Œuvres complètes, t.. i .
31
PLANCHE X
ischur1e hystérique
La ligne bleue indique la quantité d'urine rendue en 24 heures et la ligne rouge celle des vomissements.
Les petits carrés rouges, placés immédiatement au-dessous de quelques da-tes, marquent les jours d'analyse.
Charcot,œuvres complètes.
Tome 1, Pl. X.
1872 Septembre
Octobre
Analyse des urines (u) et des vomissements (v) Urine dir 10 Octobre 22 00 Urée Ogr. 1Z9
Vomissements da I1 au 18 ; moyenne par jour : Urée 3 gr
A. Delahaye et E. Lecrosnier , Editeurs.
PLANCHE XI
ischurie hystérique.
La ligne bleue indique la quantité d'urine rendue en 24 heures, et la ligne rouge celle des vomissements.
Les petits carrés rouges, placés immédiatement au-dessous de quelques da-tes marquent les jours d'analyse.
Charcot, oeuvres complètes.
Tome I, Pl. XI.
1872. Mars
Avril
Mai,
12 jours d'analyste
Urine moyenne par jour 206cc pour: looo gr , 15 gr. d'urée Vomissements id 362 id 30 id
t j . ( Urine 3 gi 095
Uree i Vomissements 2 „ 138
5 . 133
A. Delahaye et E. Lecrosnier Editeurs.
PLANCHE XII
ischurie hystérique.
Cette planche représente les variations de la quantité d'urine et d'urée pen-dant la période d'ischurie hystérique observée chez Etch... (Leçon IX, p. 293, note), qui s'est écoulée de mars à juin 1875. — On voit que, pendant plusieurs semaines, la sécrétion venait au voisinage de zéro. Puis tout à coup, en quel-ques heures, 3 ou 4 litres d'urine et 25 à 27 gr. d'urée étaient sécrétés. Le len-demain, la phase d'ischurie reprenait. — Le 22 mai, les manifestations hystéri-ques disparaissent après une guérison soudaine. —L'ischurie ne fait pas excep-tion, et on voit la courbe remonter, osciller, mais se tenir toujours aux envi-rons de la normale.
Pendant toute cette période d'ischurie, l'alimentation de la malade a été faite à l'aide de la sonde et la même nourriture lui a été donnée chaque jour. — Les urines ont été également recueillies à l'aide de la sonde.
La ligne bleue indique la quantité d'uree rendue en 24 heures.
La ligne rouge indique la quantité d'urine rendue en 24 heures.
Charcot, œuvres complètes.
Tome I, Pl.XII.
A. Delahaye et E. Lecrosnier, Editeurs.
Imp. Lemercier Cie Paris
PLANCHE XIII
CHAMP visuel des couleurs.
Fig. 1. — Champ visuel d'un œil gauche normal. —¦ Ces champs visuels ont été obtenus à la lumière tempérée du jour avec des papiers colorés de qua-tre centimètres carrés et à l'aide du périmètre de M. Landolt. — c, point de fixation correspondant à la tache jaune.
Fig. 2. — Champ visuel gauche dans un cas A'Hgstéro-épilepsie avec Hé % ianesthésie gauche. (Marc... — Le champ visuel est rétréci concentrique-ment. Acuité visuelle àgauch » j 2 ; l'acuité visuelle et le champ sont normaux à droite. 20 ~
Landolt del.
Imp. Lemercier Cie Paris
TABLE DES MATIÈRES
PREMIÈRE LEÇON
troubles trophiques consécutifs aux lésions des nerfs.
Sommaire. — Remarques préliminaires. — Objet des conférences de cette année : elles seront consacrées à celles des maladies du système nerveux et, en particulier, de la moelle épinière, que l'on observe le plus habituelle-ment à la Salpêtrière.— Troubles de nutrition consécutifs aux lésions de l'axe cérébro-spinal et des nerfs. — Ces altérations peuvent occuper la peau, le tissu cellulaire, les muscles, les articulations, les viscères. Importance de ces altérations au point de vue du diagnostic et du pronostic. — Troubles de nu-trition consécutifs aux lésions des nerfs périphériques. — Le système ner-veux, à l'état normal, a peu d'influence sur l'accomplissement des actes nu-tritifs. — Les lésions passives des nerfs ou de la moelle ne produisent pas directement de troubles trophiques dans les parties périphériques : expé-riences qui le démontrent. — Influence de l'irritation et de l'inflammation des nerfs ou des centres nerveux sur la production des troubles trophiques. — Les troubles trophiques consécutifs aux lésions traumatiques des nerfs, considérés en particulier. — Ils résultent non des sections complètes, mais des sections incomplètes, des contusions, etc., des troncs nerveux. — Érup-tions cutanées diverses : Érythème, zona traumatique, pemphigus. — Glossy Skin des auteurs anglais. — Lésions musculaires : atrophie. — Lésions ar-ticulaires; lésions osseuses : périostite, nécrose. — Troubles trophiques con-sécutifs aux lésions non traumatiques. — Troubles trophiques de l'œil, dans les cas de tumeur comprimant le trijumeau. — Inflammation des nerfs spi-naux, consécutive au cancer vertébral, à la pachyméningite spinale, à l'as-phyxie par la vapeur de charbon, etc. Éruptions cutanées diverses (zona, pemphigus, etc.), atrophie musculaire, arthropathies, qui, en pareil cas, se développent en conséquence de la névrite. —Lèpre anesthésique : périné-vrite lépreuse, lepra mutilans.....................1
DEUXIÈME LEÇON
troubles trophiques consécutifs aux lésions des nerfs (suite). affections des muscles. troubles trophiques consécutifs aux lésions de la moelle épinière.
Sommaire. — Modifications anatomiques et fonctionnelles que subissent les muscles sous l'influence de la lésion des nerfs qui les animent. — Importance
de l'électrisation comme moyen de diagnostic et de pronostic. Recherches de M. Duchenne (de Boulogne). — Expérimentation : Longue persistance de la contractilité électrique et de la nutrition normale des muscles, à la suite de la section ou de l'excision des nerfs moteurs et mixtes chez les animaux. — Faits pathologiques : Diminution ou abolition hâtives de la contractilité électrique, suivies d'atrophie rapide des muscles dans Je cas de paralysie rhumatismale du nerf facial et de lésions irritatives, soit traumatiques, soit spontanées des nerfs mixtes. — Raison de la contradiction apparente entre les résultats expérimentaux et les faits pathologiques. Application des re. cherches de M Brown-Séquard : Seules, les lésions irritatives des nerfs déterminent l'abolition hâtive de la contractilité électrique, suivie d'atrophie rapide des muscles.
Expériences de MM. Erb, Ziemssen et 0. Weiss. — Écrasement, ligature des nerfs : ce sont des lésions irritatives. — Différence des résultats obtenus dans l'exploration des muscles suivant qu'on fait usage de la faradisation ou de la galvanisation. — Les résultats de ces nouvelles recherches sont comparables aux faits pathologiques observés chez l'homme ; ils n'infirment en rien la proposition de M. Brown-Séquard.
Troubles trophiques consécutifs aux lésions de la moelle épinière. — En ce qui concerne leur influence sur la nutrition des muscles, ces lésions forment deux groupes bien distincts. — 1er groupe : Lésions de la moelle qui n'ont pas d'influence directe sur la nutrition des muscles : a) Lésions en foyer très circonscrites, n'intéressant la substance grise que dans une très petite éten-due en hauteur: Myélite partielle, tumeurs, mal de Pott. b) Lésions fascicu-lées même très étendues des cordons blancs postérieurs ou antéro-latéraux, etc. — 2e groupe : Lésions de la moelle qui influencent plus ou moins vite la nutrition des muscles : a) Lésions fasciculées ou circonscrites qui intéres-sent les cornes antérieures de la substance grise dans une certaine étendue en hauteur : Myélite centrale, hématomyélle, etc. — b) Lésions irritatives des grandes cellules nerveuses des cornes antérieures de la substance grise avec ou sans participation des faisceaux blancs : paralysie infantile spinale, para-lysie spinale de l'adulte, paralysie générale spinale (Duchenne, de Boulogne), atrophie musculaire progressive, etc. —Rôle prédomminant des lésions delà substance grise dans la production des troubles trophiques musculaires. — La proposition de M. Brown-Séquard s'applique encore à l'interprétation de ces faits................................33
TROISIÈME LEÇON
troubles trophiques consécutifs aux lésions de la moelle épinière et du
cerveau (suite).
Sommaire. — Affections cutanées dans la sclérose des cordons postérieurs ;
Éruptions papuleuses ou lichénoïdes, urticaire, zona, éruptions pustuleuses :
leurs relations avec les douleurs fulgurantes ; elles paraissent relever de la
même cause organique que les douleurs. Eschares à développement rapide (Décubitus acutus) dans les maladies du
cerveau et de la moelle épinière. — Mode d'évolution de celte affection de
la peau : Erythème, bulles, mortification du derme. — Accidents consécutifs à la formation des eschares : a) Infection putride, infection purulente, embolies gangreneuses ;b) Méningite ascendante purulente simple, méningite ascendante ichoreuse. — Decubitus aigu dans l'apoplexie symptomatique des lésions cérébrales en loyer. Il se manifeste sur les membres frappés de paralysie, principalement à la région fessière ; son importance au point de vue du pronostic . — Decubitus aigu dans les maladies de la moelle épinière : il siège en général à la région sacrée. Arthropathies qui dépendent d'une lésion du cerveau ou de la moelle épinière.— A. Formes aiguës ou subaiguës : elles se montrent dans les cas de lésion trauma-tique de Ja moelle épinière, dans la myélite par compression (tumeurs, mal de Pott), dans la myélite primitive, dans l'hémiplégie récente, liée au ramollis-sement cérébral. Ces arthropathies occupent les jointures des membres paralysés. - B. Formes chroniques : elles paraissent dépendre, comme les amyotrophies de cause spinale, d'une lésion des cornes antérieures de l'axe gris ; on les observe dans la sclérose postérieure (ataxie locomotrice) et dans certains cas d'atrophie musculaire progressive.................... 75
QUATRIÈME LEÇON
troubles trophiques consécutifs aux lésions de la moelle épinière et du
cerveau (suite et fin). —affections des viscères.
partie théorique.
Sommaire. — Hypérémies et ecchymoses viscérales consécutives aux lésions expérimentales de diverses parties de l'encéphale, et à l'hémor-rhagie intra-encéphalique. — Expériences cle Schiff et de Brown-Sé-quard : observations personnelles. — Ces lésions paraissent dépendre cle la paralysie vaso-motrice; elles doivent former une catégorie à part. — Opinion de Schrceder van der Kolk, relative aux rapports qui exis-teraient entre certaines lésions de l'encéphale et diverses formes de la pneumonie, la tuberculisation pulmonaire. — Hémorrhagies des cap-sules surrénales dans la myélite. — Néphrite et cystite consécutives aux affections spinales irritatives, à début brusque, traumatiques ou spontanées. — Altération rapide des urines dans ces circonstances : elle se manifeste souvent dans le temps même où les eschares se dé-veloppent à la région sacrée ; elle se rattache aux lésions des voies uri-naires qui, elles-mêmes, relèvent d'une influence directe du système nerveux.
Théorie de la production des troubles trophiques consécutifs aux lésions du système nerveux. — Insuffisance de nos connaissances à cet égard. — Pa-ralysie des nerfs vaso-moteurs; hypérémie consécutive; elle ne produit pas de troubles trophiques. — Exceptions à la règle. — Irritation des nerfs vaso-moteurs; l'ischémie qui en résulte ne parait pas avoir d'influence; marquée sur la nutrition locale. — Nerfs dilatateurs et nerfs sécréteurs ; recherches de Ludwig et de Cl. Bernard ; analogies entre ces deux ordres cle nerfs. — Application à la théorie des nerfs trophiques. — Théorie de Samuel ; exposé ; critiques. —Conclusions....................... 125
CINQUIÈME LEÇON
dé la paralysie agitante.
Sommaire. — Du tremblement en général. — Ses variétés. —Tremblement in-termittent. — Tremblement continu. Influence du sommeil, du repos et des mouvements volontaires. — Distinction établie par Van Swieten. — Opi-nion de M. Gubler. — Le tremblement d'après Galien. — Indépendance de la paralysie agitante et de la sclérose en plaques. — Recherches de Par-kinson. — Travaux français: A1M. G. Sée, Trousseau, Charcot et Vulpian.
— La paralysie agitante prend droit de domicile dans les traités classiques. Caractères fondamentaux de la paralysie agitante. — C'est une maladie delà
seconde période de la vie. — Ses symptômes. — Modifications de la mar-che. — Tendance à la propulsion et à la rétropulsion. — Début: ses modes: il est lent Ou brusque. — Période d'état. — Le tremblement respecte la tête et le cou. — Changements clans la parole. — Rigidité des muscles. — Attitude du tronc et des membres. — Déformation des mains et des pieds. Ralentissement dans l'exécution des mouvements. — Perversions de la sen-sibilité. — Crampes; sentiment général de tension et de fatigue; besoin de déplacement. — Sensation habituelle de chaleur excessive. — Température dans la paralysie agitante. — Influence de la nature des convulsions (stati-ques ou dynamiques). Période terminale. — Confinement au lit. Troubles de la nutrition. — Affai-blissement de l'intelligence. — Eschares sacrées. — Maladies terminales ; elles diffèrent de celles de la sclérose en plaques. — Durée de la paralysie agitante.
Résultats nécroscopiques. — Inconstance des lésions dans la paralysie agitante: fixité des lésions dans la sclérose en plaques. — Lésions du pont de Varole et de la moelle allongée (Parkinson, Oppolzer). — Physiologie pathologique.
Étiologie. — Causes extérieures : Émotions morales vives ; — action du froid humide, longtemps prolongée: — irritation de certains nerfs périphériques.
— Causes prédisposantes. — L'âge joue un certain rôle: la paralysie agi-tante se montre plus tard que la sclérose en plaques. — Sexe. — Hérédité*
— Influence de la race......................... 155
SIXIÈME LEÇON
de la sclérose en plaques disséminées. — anatomie pathologique.
Sommaire. — Historique de la sclérose en plaques disséminées : Période fran-çaise ; — Période allemande ; — Nouvelles recherches françaises.
Anatomie pathologique macroscopique. — Aspect extérieur des plaques de sclérose. — Leur distribution: cerveau, cervelet, protubérance, bulbe, moelle épinière. — Plaques de sclérose sur les nerfs. — Forme spinale, cépha-lique ou bulbaire, cérébro-spinale. — Caractères des plaques : couleur, con-sistance, etc.
Anatomie microscopique. — Notions d'histologie normale concernant la moelle
épinière. — Tubes nerveux. — Névroglie : sa distribution. — Couche cor-ticale du réticulum. — Caractères de la névroglie. — Influence de l'acide chromique. — Capillaires artériels. Caractères histologiques des plaques de sclérose. — Coupes transversales : zone périphérique ; — zone de transition ; — région centrale.— Coupes lon-gitudinales. — Altérations des vaisseaux. — Examen des plaques de sclérose à l'état frais. — Lésions histologiques consécutives à la section des nerfs.
— Granulations graisseuses sur les coupes de plaques scléreuses à l'état frais. — Modifications de cellules nerveuses. — Mode de succession des lésions.................................. 189
SEPTIÈME LEÇON
de la sclérose en plaques disséminées. — symptomatologie.
Sommaire. — Diversité d'aspect de la sclérose en plaques disséminées, au point de vue clinique. — Causes d'erreurs de diagnostic.
Examen clinique d'un cas de sclérose en plaques. — Du tremblement; modi-fications qu'il impose à l'écriture : caractères qui le font distinguer du trem-blement de la paralysie agitante, de la chorée, de la paralysie générale et de l'incoordination motrice de l'ataxie.
Symptômes céphaliques. — Troubles de la vue : diplopie, amblyopie, nystag-mus. — Embarras de la parole. — Vertiges.
Etat des membres inférieurs. — Parésie. — Rémissions. — Absence de trou-bles de la sensibilité. — Immixtion de symptômes insolites : symptômes tabétiques ; atrophie musculaire. — Contracture permanente. — Epilepsie spinale.................................. 221
HUITIÈME LEÇON
des attaques apoplectiformes dans la sclérose en plaques. — des pério-des et des formes, — physiologie pathologique. — étiologie. — traite-ment.
Sommaire. — Attaques apoplectiformes. — Leur fréquence dans la sclérose en plaques disséminées. — Considérations générales sur les attaques apoplecti-formes dans la paralysie générale et dans les cas de lésions cérébrales en foyer de date ancienne (hémorrhagïe et ramollissement du cerveau). — Pa-thogénie des attaques apoplectiformes : insuffisance de la théorie de la con-gestion. — Symptômes : État du pouls : élévation de la température centrale.
— Cas d'attaques apoplectiformes chez d'anciens hémiplégiques. — Impor-tance de la température ou point de vue du diagnostic.
Des périodes dans la sclérose en plaques. —Première, seconde et troisième
périodes. — Symptômes de paralysie bulbaire. — Des formes et de la durée
de la sclérose en plaques. Physiologie pathologique. — Relation entre les symptômes et les lésions. Etiologie. — Influence du sexe et de l'âge.— Hérédité. — Affections nerveuses
antérieures. — Causes occasionnelles : action prolongée du froid humide :
traumatisme. — Causes morales. Pronostic. — Traitement......................... 249
NEUVIÈME LEÇON
DE L'iSCHURIÈ HYSTÉRIQUE.
Sommaire. —Préambule. —De l'ischurie hystérique.—Différences qui la sépa-rent de l'oligurie. — Considérations générales. — Vomissements supplémen-taires.— Historique. — Causes qui ont fait suspecter la réalité de l'ischurie hystérique. — Distinction entre l'ischurie calculeuse et l'ischurie hystéri-que.
Observation. —Paralysie et contracture hystériques. — Hémianesthésie com-plète. — Hémiopieet achromatopsie.— Hyperesthésie ovarienne. - Rétention d'urine. — Tympanisme.— Attaques convulsives, trismus. — Apparition de l'ischurie hystérique.— Précautions prises pour éviter toute cause d'erreur. — Anurie totale. — Vomissements urémiques. — Balancement entre la quantité de l'urine excrétée et les vomissements. Analyse chimi-que des matières vomies, des urines et du sang. — Suspension des acci-dents.
Retour de l'ischurie hystérique.—Nouveaux rétultats de l'analyse chimique.
Gravité de l'anurie ordinaire et de l'anurie expérimentale.— Limite de la durée des accidents compatible avec la vie. — Influence de l'évacuation d'une quan-tité même minime d'urine. — Rapidité de l'apparition des symptômes dans l'ischurie calculeuse; sa lenteur dans l'ischurie hystérique. —L'innocuité des accidents est en rapport avec la dose d'urine produite dans l'organisme. — Résis-tance des hystériques à l'inanition.
Mécanisme de l'ischurie hystérique. — Insuffisance de nos connaissances à cet égard................................275
DIXIÈME LEÇON
DE L'HÉMIANESTHÉSIE HYSTÉRIQUE.
Sommaire. — Hémianesthésie et hyperesthésie ovarienne dans l'hystérie. — Association fréquente de ces deux symptômes. — Fréquence de l'hémianes-thésie des hystériques. — Ses variétés : elle est complète ou incomplète. — Caractères de l'hémianesthésie hystérique. — L'ischémie et les convulsion-naires. — Lésions des sens spéciaux. — Achromatopsie. — Relation entre l'hémianesthésie, l'hyperesthésie ovarienne, la parésie et la contracture. — Variabilité des symptômes dans l'hystérie. — Araleur diagnostique de l'hé-mianesthésie hystérique. — Restriction qu'il convient d'y apporter.
Hémianesthésie dépendant de certaines lésions encéphaliques. — Analogies qu'elle présente avec l'hémianesthésie des hystériques. — Cas dans lesquels l'hémianesthésie de cause encéphalique ressemble à l'hémianesthésie des hys-tériques. — Siège des lésions encéphaliques, capables de produire l'hémia-nesthésie. — Fonctions de la couche optique : théorie anglaise et théorie française. — Critique..— Nomenclature allemande des diverses parties de l'encéphale. — Ses avantages au point de vue de la circonscription des lé
sions. — Cas d'hémianeslhésic observés par Tiirck : siège spécial des lésions encéphaliques clans ces cas. — Observation de M. Magnan. — Altérations des sens "spéciaux. . . ..........................300
ONZIÈME LEÇON
de l'hyperesthésie ovarienne.
Sommaire. — Hystérie locale des auteurs anglais. — Douleur ovarienne ; sa fréquence; considérations historiques. — Opinion de M. Briquet.
Caractères de l'hyperesthésie ovarienne. — Son siège exact. — Aura hysté-rique ; premier nœud ; — globe hystérique ou second nœud ; — phénomè-nes céphaliques ou troisième nœud. — Le premier nœud a son point de départ dans l'ovaire. — Lésions dé l'ovaire ; desiderata.
Rapports entre l'hyperesthésie ovarienne, et les autres accidents de l'hystérie locale.
De la compression ovarienne. — Son influence sur les attaques. — Manière de la pratiquer. — La compression ovarienne comme moyen d'arrêter ou de prévenir les convulsions hystériques est connue depuis longtemps : son application dans les épidémies hystériques. — Epidémie de Saint-Médard : Les secours. — Analogies qui existent entre l'arrêt des convulsions hysté-riques par la compression de l'ovaire et l'arrêt de l'aura épileptique par la ligature d'un membre.
Conclusion au point de vue thérapeutique.— Observations cliniques. . . 320
DOUZIÈME LEÇON
de la contracture hystérique.
Sommaire. — Formes de la contracture hystérique. — Description de la forme hémiplégique ; analogies et différences entre la contracture hysté-rique et celle qui dépend d'une lésion en foyer du cerveau. — Exemple de la forme paraplégique de la contracture hystérique.
Pronostic. — Soudaineté de la guérison dans quelques cas. — Interpré-tation scientifique cle certains faits réputés miraculeux. — Incurabilité cle la contracture chez un certain nombre d'hystériques. — Exemples. — Lésions anatomiques. — Sclérose des cordons latéraux. — Variétés que présente la contracture. —Pied bot hystérique............347
TREIZIÈME LEÇON
de l'hystéro-épilepsie.
Sommaire. — Hystéro-épilepsie. — Sens de cette dénomination. — Opinions des auteurs. — Hystérie épileptiforme, hystérie à crises mixtes. — Variétés de l'hystéro-épilepsie : hystéro-épilepsie à crises distinctes : — hystéro-épilep-sie à crises combinées ou attaques-accès.— Différences et analogies entre l'épilepsie el l'hystéro-épilepsie. — Signes diagnostiques fournis par l'examen
de la température centrale dans l'état de mal hystéro-épileptique et l'état de mal épileptique. — Etat de mal hystéro-épileptique ; ses phases. — Caractè-res cliniques de l'état de mal hystéro-épileptique. — Gravité de certains cas exceptionnels d'hystéro-épilepsie. — Observation de Wunderlich. . . . 367
QUATORZIÈME LEÇON
de la chorée rythmique hystérique.
Sommaire. — Symptômes. — Caractères des troubles moteurs. Analyse des mouvements du tronc, des membres, de la tête, de la langue. — Chorea ma-jor. — Nature de l'affection : elle relève de l'hystérie. —Preuves à l'appui : ovarie et hémianesthésie droites ; — altérations des sens ; — effets transitoires de l'application des plaques d'or et d'étain dans l'hystérie. — Leur action per-manente dans l'hémianesthésie de cause organique. — Caractères des atta-ques eonvulsives. — Action de la compression ovarienne.
La chorée rythmique appartient au groupe des symptômes permanents de l'hys-térie. — Disparition momentanée sous l'influence de la compression ova-rienne. — Relation avec les attaques. — Cas de Trousseau, Briquet, Mur-chisson, etc. — Traitement : insuccès de l'éther ; — efficacité du nitrite d'a-
myle............................................................. 386
APPENDICE
I. Observation de paralysie agitante................................ 409
IL Du tremblement dans la maladie de Parkinson.................... 414
III. Caractères de l'écriture des malades atteints de maladie de Parkin-
son......................................................... 421
IV. Sclérose en plaques disséminées : Cas fruste de la forme spinale;
— possibilité de la guérison....... .......................... 423
Nouvelle observation (Pl. VII et VIII).......................... 425
V. Des troubles de la vision chez les hystériques.................... 427
VI. Description de la grande attaque hystérique...................... 435
VII. I. De l'influence des lésions traumatiques sur le développement des
phénomènes d'hystérie locale ................................ 449
II. Traumatisme et paralysie agitante.......................... 457
VIII. Représentation d'après nature de la danse de Saint-Guy (chorea
Germanorum), par P. Breughel. — Esquisse de Rubens....... 459
Explication des planches.......................................... 463
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES
TABLE ANALYTIQUE
A
Achromatopsie hystérique, 287, 304, 340, 346.
Amblyopie hystérique, note, 362 ; — dans la sclérose en plaques, 233.
Amyotrophie protopathique ( V .
Atrophie musculaire). — symptoma-tique : dans la contracture hystéri-que, 365 ; d'un foyer sanguin du cerveau, note, 62; — d'une lésion hémilatérale de la moelle , 103, — de la sclérose en plaques dis-séminées, 62 , 244 ; de la sclérose des cordons latéraux, 61 ; — de la sclérose des cordons posté-rieurs, 61.
Analgésie, 303, 308, 355.
Anesthésie (Rôle de 1') dans le dé-cubitus de cause spinale, 100.
Angioneuroses, 139; — chez les hys-tériques, 140.
Apoplexie spinale, 65.
Arthrite déformante, 120.
Arthropathies des ataxiques, 5 ; — symptômes. 118; — Siège, note, 113, 119 ; lésions des jointures, 120 ; — altération des cellules des cornes antérieures, 122 ; — dans Vatrophie musculaire progressive, 124. — de cause cérébrale et spi-nale, 112 ; — dans ['hémiparaplégie traumatique, 103 : des hémiplégi-ques : historique, 113; — mode de début, note, 113; — lésions, 120; — caractères cliniques, 119.
Articulations (Affections trophiques des), 25. (V Artropathies.)
Ataxie locomotrice (Affections cuta-nées dans 1'), 76; relation ertre ces affections et les douleurs ful-gurantes, 76 ; — différences qui séparent l'ataxic du tremblement de la sclérose en plaques, 230 ; — dans la sclérose en plaques, 242.
Atrophie musculaire, 5. — consé-cutive à la section du nerf sciati-tique, 9. — Arthropathies dans 1' —, progressive, 122. — Lésions inci-tatives des cellules nerveuses dans T — 69 ; — sa tendance à la gé-néralisation, 70.
Attaques-Accès, 372, 373, 375.
Attaques apoplectiformes dans la sclérose en plaques, 249 ; — fré-quence, 249, 250, : — dans la pa-ralysie générale, 250; — pathogé-nie, 252 ; — dans les cas de foyers-apoplectiques anciens, 25L . — Variétés, 250. — Symptômes, 253.
— Pouls et température, 254. Attaque hystérique : Description,
435. — Période épileptoïde, 537; P. des contorsions et des grands mouvements, 437 ; — P. des atti-tudes passionnelles, 438 ; — P. terminale, 439. — Variétés, 445.
— Forme épileptoïde, 445. — F. démoniaque, 446. — F. extatique, 446. — Immixtion de phénomènes cataleptiques ou somnambuliques, 447.
Attitudes passionnelles, 438, 443. Attraction (Théorie de 1'), 144. Aura hystérique, 286, 325 ; — Ca-ractères de 1' —, 325 ; — 1"' nœud
Charcot. Œuvres complètes, t. i.
32
ou douleur ovarienne, 325: 2e nœud ou globe hystérique, 826 ; 3" nœud ou phénomènes céphaliques, 326. —¦ Influence de la compression do l'ovaire sur 1' —, 326, 331, 339, 340, 342, 346, 375. Avant-mur, 313.
B
Bromure de camphre, 188.
Bulbe rachidien. Lésions muscu-laires consécutives aux affections du - . 72. — Lésions du — dans la paralysie agitante, 182 ; — dans la sclérose en plaques, 193, 251.
C
Capsule interne, 313. Capsules surrénales (Hémorrhagie des) dans les lésions spinales, 128. Catalepsie, 447.
Cellules nerveuses motrices des cor-nes antérieures de la substance grise de la moelle, 62. — Lésions de ces cellules : forme aiguë (pa-ralysie infantile), 68 ; — forme chronique (atrophie musculaire progressive, 69. — Rôie des — dans la production des troubles trophiques, 72. — Dégénération jaune des cellules nerveuses, 218, 219. — Lésions des — dans la sclérose en plaques, 244, 245 ; — — dans la contracture hystérique, 365.
Cerveau ^Notions anatomiques sur le), 312.
Chloroforme, 349.
Chorée, 178, 392, 404. — Mouve-ments désordonnés de la — com-parés au tremblement de la sclérose en plaques, 280, 317. — (V. IlÉ-michorée). — rythmique hystéri-que, 386. — Définition, 387. — Observation, 387. — Symptômes, 387. — Parole, 391. — Démarche, 391. — Nature, 392. Arrêt des mouvements, 399. — Fréquence, 402. — Influence de la volonté, 403.— Traitement, 400, 401, 405.
Cicatrices vicieuses, 24.
Cirrhose des muscles, 55.
Cœlialgie hystérique, 286, 323.
Compression de l'ovaire, 331, 398.— Ses effets sur l'altaquc d'hystérie, 332. — Mode opératoire, 332. — Historique, 333.
Congestion apoplectiforme et épilep-tiforme, 378.
Contractilité électrique après les lésions pathologiques des nerfs et après les lésions expérimentales, 37 ; — dans la contracture hysté-rique, 365 ; — dans les fractures et les luxations de la colonne ver-tébrale, 66; — dans l'hématomyé-lie, 65 ; — dans la myélite aiguë centrale, 65 ; — dans la sclérose en plaques, 241. (V. Myopathies.)
Contracture hystérique -permanente 285, 339, 343, 346. — Action du chloroforme sur la —, 349. — Tré-înulation convulsive dans la —, 350. — Forme hémiplégique de la —, 347, 351. — caractères qui la différencient de l'hémiplégie orga-nique, 351 — Forme hémipara-plégique de la —, 358, 366. — Forme paraplégique, 347, 355, 360.
— Pronostic de la —, 355, 364. — Soudaineté de la guérison dans certains cas de —, 359 ; — cures réputées miraculeuses, 357. — Con-tractures incurables, 360. — Lé-sions dans la —, 361, 362. — Phy-siologie pathologique de la—,368.
— permanente dans la sclérose en plaques, 245.
— tardive dans l'hémiplégie de canse cérébrale, 351.
— des uretères, 297. Convulsionnaires, 303, 394. — Dé-moniaques, 343, 455, 356. (V. Se-cours).
Convulsions (Arrêt des) chez les hystériques par la compression de l'ovaire, 531 ;—dans l'épilepsie,338.
Corde du tympan,nerf dilatateur,140.
Corps granuleux, 215.
Corps opto-striés (Lésions des) : leurs effets, 307. — Théorie fran-çaise ,310.— Théorie anglaise,309.
Courants électriques. Différences entre les C. continus et les C. inter-rompus, 39,44. (V. Farabisation.)
Crises gastriques, 261.
D
Danse cle Saint-Guy, 459.
Décubitus aigu, 83. — Mode d'évo-lution, 86. — Affections consécu-tives au —, 88 ; — dans l'apoplexie symptomatique des lésions céré-brales en foyer, 91 ; — siège,92. — Pathogénie du —, 94, 139 ; — cle cause spinale, 86, 95 ; — siège,
96 ; — dans la myélite traumatique,
97 ; — influence du siège de la lésion spinale, 98 ; — dans l'hémi-paraplégie traumatique, 100 ; — dans la myélite spontanée, 106 ; — épo-que de son apparition, 106 ; — Rôle de la substance grise sur la production du—, 108. — Influence des lésions des nerfs sur le —, 109.
Dégénération cireuse des muscles, note, 42 ; 55.
Délire des grandeurs dans la sclé-rose en plaques, 238.
Démarche dans la paralysie agitante, 175.
Diplopie dans la sclérose en plaques, 233, 258.
Douleurs fulgurantes fPathogénie des), 78.
Dynamométrie clans la paralysie agi-tante, 163, 174.
E
Ecchymoses viscérales dans les lé-sions cérébrales en foyer (endo-carde, estomac, plèvre, vessie), 125, 126; — cle l'aponévrose épicrânienne 136 ; — dans les lésions spinales, 127.
Ecriture (Spécimens de 1') dans la paralysie agitante, 167, 421 ; — dans la sclérose en plaques, 227, 228.
Ecthyma, 76.
Electro-Diagnostic, 35.
Embolies gangreneuses, suite du dé-cubitus aigu, 88.
Encéphalite, 91.
Endocardite ulcéreuses avec embo-lies multiples et état typhoïde, 82. Epidémies hystériques, 334 ; — de
Saint-Médard, 303, 336 ; — de Saint-Louis, 359.
Epilepsie clans ses rapports avec l'hystérie, 367, 368, 370. — Des-cription d'un accès d'—, note, 379; — spinale dans la contracture hys-térique, 350, 364 ; — dans la sclé-rose en plaques, 245, 262. — Ses formes, 267. — Arrêt de 1'—, 338, 375. (V, Etat de mal épileptique).
Eruptions eczémateuses, 24 ; liché-noïdes et pustuleuses, 76 ; - pem-phigoïdes, 24, 32, 110.
Erytiième pernio, 25.
Escarre de la fesse, 4; à formation rapide, 83 ; — son siège clans les cas d'apoplexie, 92 ; — dans les at-taques apoplectiformes, 253. — sacrée, 96 ; — dans l'ataxie loco-motrice, 77 : — dans l'état de mal épileptique, 378. (V. Décubitus.)
Etat de mal épileptique, 372. (V. Température.) — hystéro-épilep-tique, 339, 397 , 400. (V. Tempéra-ture.)
Ether, 401.
Excitabilité électrique (Altérations histologiques correspondant à la diminution de 1'), 51.
Expériences de MM. Erb, Ziemm-sen, O. Weiss, 53.
F
Faisceaux racliculaires internes, 79. — Irritation des— dans la sclérose postérieure, 80.
Faradisation et galvanisation : diffé-rences d'action, 39, 55, 58 ; — dans la sclérose en plaques, 241.
Fève de Calabar dans la paralysie agitante, 187 ; — dans la sclérose en plaques, note, 272.
G
Ganglion cervical supérieur (Effets résultant cle l'extirpation du), 135. Glossy skin, 25. Globe hystérique. (V. Aura.) Griffe dans un cas de sclérose en
plaques avec lésions des cellules nerveuses, note, 63 ; — dans la pa-ralysie agitante, 170.
H
1I ématomyblie, 64. — Pathogénic, 64. — Diminution ou abolition de la contractilité électrique, 65. — Altération des urines, 129.
Hémianesthésie hystérique, 285,300, 330. — Historique, 302. — Lésions des sens, 304. — Relations entre l'hémianesthésie, l'hyperesthésie ovarienne, la paralysie et la con-tracture, 304 , 330. — Caractères qui la séparent de l'hémianesthésie de cause encéphalique, 306, 315.
— de cause encéphalique, historique, 308, 309 ; — ses caractères, 308,315.
— Cas de Tûrck, 313 ; note, 315. Hémichorée, 316, 391-
Hémiopie, 285.
Hémiparaplégie traumatique, 100. — Arthro|athies dans 1' —, 103, 106.
— Atrophie musculaire dans 1' —, 105. — Altérations des urines dans 1' —, 129.
Hémiplégie dans les attaques apo-plectiformes, 253 ; — hystérique, 349.
Histologie normale du système ner-veux, 196.
Hypérémié neuro-paralytique, 133, 135.
Hyperesthésie ovarienne, 286, 300, 304, 321, 394, 3%. — Fréquence, 321. — Historique, 321. — Carac-tères cliniques,324.— Lésions ana-tomiques de l'ovaire, 329. — Con-clusions, 338. — Faits cliniques, 340, 346, 373.
Hystérie (V. Epidémie, Hémianes-thésie, Hyperesthésie ovarienne, Ischurie, Secours) ; — épilepti-forme, 369; — ovarienne, 302 ; — grave, 306, 383; — locale, 320. — infantile, 451. — locale traumati-que, 450.
Hystéro-épilepsie, 332, 367. — Si-gnification de ce mot, 368 ; — à crises distinctes, 371. — Variétés de 1' —, 370. — Nature de 1' —, 373. — Température dans 1' —,
376. — Etat de mal hystéro-épilep-tique, 381. — Cas graves d'—,383.
I
Immobilisation des membres (Effets de 1'), 8, 12.
Incoorbination motrice, 230.
Infection purulente, suite du décu-bitus, 88.
Intoxication putride, suite du décu-bitus, 88.
Irritabilité musculaire, 41.
Irritation (Rôle de 1') des nerfs au point de vue de la production des troubles trophiques, 26.
Ischémie hystérique, 303.
Ischurie hystérique, 275 ; — passa-gère, 278; — permanente, 278; — Historique, 280 ; — Simulation, 281. — Elle diffère de l'ischurie calculeuse, 283. — Fait clinique. 285. — Tracé indicatif des vo-missements et des urines, 289. — Analyses chimiques, 290, 292. — Rémission des accidents, 291. — Réalité de 1' —, 293. — Bénignité relative de i' —, 295. — Gravité de l'ischurie calculeuse, 294. — Mécanisme de 1' —, 296.
ii
Langue (Contracture de la), 346.
Latéropulsion dans la paralysie agitante, 419.
Lèpre anesthésique, 31.
Lésions irritatives, 13, 17 ; — ocu-laires consécutives à l'irritation du ganglion de Gasser, 14, 17; — à la section dn nerf trijumeau, 10, 15 ; — dues à des lésions sponta-nées du nerf de la 5e paire, 17.
M
Mains (Déformation des) dans la pa-ralysie agitante, 170 ; — dans le rhumatisme, 171. (V. Griffe).
Maladie de Parkinson,note, 173,414.
Méningite ascendante purulente sim-ple ou ischorcusc, consécutive au décubitus, 89 ; — cervical chroni-que, 30.
Métallosgopie, 396.
Miracles de Saint Louis, 359; —de Saint-Médard, 303, 336 ; — de Lourdes, note, 368.
Moelle épinière (Effets de la section transversale de la), 11, 19.
Muscles (Affections trophiques des), 36 ; — dans la paralysie infantile, 68. (V. Amyotrophies, Atrophie musculaire, Myopathies, Sclé-rose en plaques.)
Myélite aiguë centrale, 65.— Dimi-nution de la contractilité électri-que, 65. — Lésions des capsules surrénales, 127. —Altérations des urines, 129. — Crises gastriques, 261.
— partielles : amyotrophie, 63 ; — traumatiques, 97 ; — spontanées, 106.
Myodynie hystérique, 323. Myopathies consécutives à des lé-sions de la moelle, 60.
N
Néphro-cystite consécutive aux lé-sions spinales, 129.
Néphrotomie, 279. — Gravité de la —, 293.
Nerfs (Ecrasement et ligature des, 54. — Excision des —, 58. — Plaques de sclérose sur les —, 194; — dilatateurs, 149. (V. Corde du Tympan) ; — facial (Paralysie du), 39; — glandulaires (Irritation des), 145 ; — sciatique (Résultat de la section du), 9; — sécréteurs (Recherches de Ludwig sur les) 141 ; — trijumeau (Résultats de la section du), 10, 15. — Expériences de Samuel, 14 ; — lésions sponta-nées du), 17 ; — trophiques, 21, 147; — origine de ces nerfs, 148. — vaso-moteurs, 133; — (Rôle des) au point de vue de la nutrition, 11, 21 ; — irritations des —, 139.
Névrite, 26, 27. — Troubles trophi-ques liés à la —, 28.
Névroglie (De la), 198.
Nitrite d'amyle, 401 ; — note, 405.
Nutrition (Influence du système ner-veux sur la), 4, 6 etpassim.
Nystagmus dans la sclérose en pla" ques, 167, 234.
O
Oblitération calculeuse des uretè rcs, 283. — Durée, 284. — Gravité, 293.
Oligurie hystérique, 278. Os (Affections trophiques des), 25, 32 Ovaire (Siège de 1'), 327. (V. Com-pression, Hyperesthésie ova-rienne.)
Ovarie hystérique, 286, 304, 320. P
Paralysie agitante, 155, 317, 409, 414. —Historique, 160. — Nature, 161. — Caractères généraux de la —, 161. — Début, ses modes, 164, 166, 410, — Symptômes, période d'état, 166, 410. — Caractères du tremblement, 166. — Ecriture, 167, 421. — Attitude du corps dans la —, 169, 410, 412; — sa valeur dia-gnostique, 172. — P. agitante sans tremblement, 172, 414. — Sensa-tions pénibles dans la —. 176, 413, — Période terminale, 179. — Ter-minaisons, 180. — Anatomie pa-thologique, 180. — Physiologie pa-thologique, 182.—Causes,462, 182, 184, 409. — Traitement, 186. — Influence des lésions traumatiques, 457. (V. Latéropuision, Parole, Propulsion, Rétropulsion.) —
— bulbaire, symptomatique de la, sclérose en plaques, 263.
— consécutive à la lésion des nerfs. 46, 48.
— générale progiuessive ; caractères qui la rapprochent de la sclérose en plaques, 223, 236. (V. Attaques
apoplectiformes. )
— générale spinale de l'adulte, 71 ; ses analogies et ses différences avec la paralysie infantile, 71. — hystérique, 287, 351 et passim.
— infantile, 46, 50. — lésions ana-tomiques, 72 ; — labio-glosso-la-
ryngée : lésions des cellules mo-trices, 72, 263, 236.
— pseudo-hypertrophique. 46.
— rhumatismale (Etat de la contrac-tilité musculaire dans la), 39.
Paraplégie traumatique (Altération des urines dans la), 128. (V. Hé-miparaplégie. )
Parésie des membres inférieurs dans la scélrose en plaques, 239. — Rémissions, 240.
Parole (Troubles de la) dans la pa-ralysie agitante, 168 ; — dans la sclérose en plaques, 235.
Peau 'Troubles trophiques de la), 22 ; — lisse, 25, 32.
Petit mal épileptique, 375.
Pharynx (Paralysie du), 346.
Phlegmon (Faux), 25, 86.
Pied (Déformation du), dans la para-lysie agitante, 161. (V. Trépida-tion,
Pied bot hystérique, 360, 365. Pouls dans les attaques apoplecti-ques, 254, 256. Préambule, 1.
Propulsion dans la paralysie agi-tante, 163 ; — note, 173, 175, 411. Putamen, 313.
R
Reins (Lésions des) consécutives à la section des nerfs, 128, 129. — Contradictions expérimentales, 19.
Rémission, 166, 240, 259.
Rétention d'urine chez les hystéri-ques, 277, 353, 356.
Rétropuesion dans la paralysie agi-tante, 163 ; note, 173 ; 175, 411.
Rigidité des membres et du cou dans la paralysie agitante, 159.
S
Salivation dans la paralysie agi-tante, 169. Sclérodermie, 25.
Sclérose fasciculée, 60 ; — descen-dante, 251 : — latérale dans l'hys-térie, 362 ; — postérieure, ccmpli-quant la sclérose en plaques, 231, 242, note, 264. (V. Ataxie locomo-t r i c e ;. En p la q u es dissémiu ées .(Lé-sions des cellules motrices dans la—), 72 ; — et paralysie agitante. 159, — Historique, 190. — Anato-mie macroscopique, 192. — Distri-bution des plaques dans le cerveau, 193 : — dans la moelle, 193 ; — sur les nerfs, 195. — Aspect des plaques de sclérose, 194. — Histo-logie, 195, 205. — Altérations des vaisseaux dans la —, 211. — Na-ture de la lésion, 219. — Forme spinale, 194, 222. — Forme cépha-lique ou bulbaire, 194, 222. — Forme cérébro-spinale, 1Ï5, 222.
— Causes d'erreurs de diagnostic, 223. — Diplopie, amblyopie, 233.
— Symptômes céphaliques, 233
— Nystagmus, 234. — Vertiges 236. — Faciès, 237. — Symptômes psychiques, 237. — Etat des mem-bres inférieurs, 239. — Symptô-mes insolites, 241. — Ataxie, 212. Atrophie musculaire, 241. — Con-tracture des membres, 245. — Epi-lepsie spinale, 245, 247. — Atta-ques apoplectiformes, 249. — Pé-riodes, 257. — Rémissions, 259,
— Crises gastriques, 261. — Mala-dies intercurrentes, 263. — Para-lysie bulbaire, 283. — Durée, 266. Physislogie pathologique, 266. — Causes, 268. — Influence des mala-dies aiguës, note, 259, 270. — Pro-nostic, 271, 423.-Traitement,271.
— Cas de guérison, 422. — Forme fruste de la —, 423.
Secours (Des) chez les convulsion-naires, 335.
Sections des nerfs ; complètes ou incomplètes, 22, 26, 36, 53, 213.
Simulation (De la) dans l'hystérie, 281.
Somnambulisme, 447.
T
Tarentisme, 342.
Température (Signification de l'a-baissement de la) dans l'apoplexie
cérébrale, 94. — Abaissement de la, — accompagnant les lésions irri-tatives des nerfs, 139. — Abaisse-ment de la — dépendant de l'irrita-tion du grand sympathique cervical 139; —dans la paralysie agitante, 178 ;—dans les attaques apoplecti-formes, 254 ; — dans les attaques d'hystéro-épilepsie, 376 ; — dans Y état de mal épileptique, 377, 378 ;
— dans M état de mal hystéro-épi-leptique, 382.
Torticolis hystérique, 451.
Tuermoanesthésie, 308, 308, 395.
Tremblement (Du) en général, 156,
— Différence selon l'état de repos ou d'activité, 157. — Variétés, 157.
— Historique, 158 : — dans la pa-ralysie agitante, 166, 229 : — dans la sclérose en plaques, 226. — In-fluence des mouvements, 227. — Caractères qui le distinguent de la chlorée, 280, — de l'incoordination motrice, 230.
Trépidation provoquée" du pied dans l'hystérie, 350 ; — dans la sclérose des cordons latéraux, la sclérose en plaques, la sclérose descendante, 350 (Note).
Trismus, 287.
Troubles trophiques. Siège, 4. — Différences qui les séparent des lésions passives, 8 ; — consécu-tifs aux lésions des nerfs périphé-riques, 5 ; — causes traumatiques, 25. — Lésions spontanées, 22. — Partie théorique, 131. — Théorie vaso-motrice, 133. — Théorie de l'attraction, 144. — Théorie des nerfs trophiques, 147. — Théorie de M. Samuel, 147. — Critique,
150. —Conclusions, 151. — Dans la sclérose en plaques, 263.
Tubercule de la moelle, 112.
Tympanisme, 286, 353, 356.
U
Urée dans les vomissements hysté-riques, 279, 290, 292 ; — dans les évacuations alvines consécutives à la néphrotomie, 279. — Influence de la pression sur la production do l'urée, 297.
Uretères (Contracture spasmodi-que des), 297, (V. Oblitérration.)
Urticaire dans l'ataxie locomotrice, 175.
V
Vertiges daus la sclérose en plaques, .236, 258 ; — épileptiques, 375.
Vision (Troubles delà) dansl'hvsté-rie, 427. — Historique, 427'. — Caractères, 428. — Mobilité, 429.
— Observations, 430, 433. Vomissements hystériques, 289, 296,
— urémiques, 296;— de sang, 353.
Z
Zona, 23, 30, 32 ; — dans l'ataxie lo-comotrice, 76 : — dépendant de lé-sions partielles de l'encéphale, 81 ;
— avec modification du derme, 110. — Elévation de la température au niveau de l'éruption, 137.
FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE.
Orléans. — Imprimerie G. MORAND, 47, rue Bannier.