ICONOGRAPHIE
PHOTOGRAPHIQUE
DE
LA SALPETRIERE
(Service de M. CHARGOT)
PAR
BOURNEVILLE et P. KEGNARD
PARIS
AUX BUREAUX OU PROGRÈS MÉDICAL V. A DELAHAYE LECROSNIER, ÉDITEURS
6, rue des Écoles, 6. Place de l'École-de-Médecine.
1 8 79-1880
PREMIÈRE PARTIE
DU SOMMEIL CHEZ LES HYSTÉRIQUES DES POINTS OU ZONES HYSTÉROGÈNES
DU SOMMEIL CHEZ LES HYSTÉRIQUES
Si l'on examine avec soin les diverses fonctions organiques des hystériques, on se convainc bientôt qu'elles ne sont à peu près jamais dans des conditions normales. L'hystérique semble toujours être en dehors de la règle : tantôt▶ ses organes agissent d'une façon exagérée, ◀tantôt▶ au contraire leurs fonctions sont ralenties au point de paraître quelquefois supprimées.
C'est ainsi que le besoin de manger pourra être exagéré (boulimie) ou tout à fait nul (abstinence), qu'une constipation opiniâtre sera remplacée par de la diarrhée ; — qu'une polyurie sera suivie d'une ischurie plus ou moins complète ; — que, chez une malade anesthésique, on trouvera des points où la sensibilité sera considérablement exaltée; — c'est ainsi encore qu'à la dépression des facultés intellectuelles succédera leur exaltation. Une observation attentive nous
montre qu'il en est de même pour le sommeil. Certaines malades sont tourmentées par une insomnie persistante, souvent rebelle aux agents thérapeutiques les plus puissants, tandis que d'autres — ou les mêmes malades à une autre période de leur existence — tombent dans un état léthargique qui constitue de véritables attaques de sommeil.
Nous étudierons d'abord le sommeil ordinaire des hystériques, à propos de la malade dont nous allons rapporter l'histoire, car nous voulons, avant tout, conserver à Y Iconographie son caractère essentiellement clinique.
OBSERVATION I
SoMmaibe. — Antécédents. — Père aliéné ; — mère et sœur nerveuses. — Convulsions dans l'enfance ; — colères; — attaques syncopales ; — secousses. — Chagrins. — Apparition des règles. — Modifications successives des attaques.
Hémianesthésie et hyperesthésie ovarienne droites. — Analgésie du bras gauche. — Caractère, allures, etc.
Description des attaques en 1877. — Difficulté de la compression ovarienne. — Attaques ne comprenant que la période de délire. — Contracture partielle du sterno-mas-toïdien droit. — Attaques sans période apparente de délire. — Refus de manger. — Modifications de la température sous l'influence des attaques.
Variétés des attaques : A. de dyspnée, A. syncopales, A. de contracture, A. épilepti-formes, A. hystéro-épileptiques complètes, A. avec prédominance du clonisme (clow-nisme), A. de délire.
Arrêt des attaques : compression ovarienne, compresseur, nitrite d'amyle, iodure d'é-thyle, chloroforme, éther. — Action de ces divers agents; délire.
Périodes d'excitation maniaque. — Contractures des membres inférieurs et du membre supérieur gauche. — C. artificielles. — C. des muscles de la langue et du larynx : aphonie. — Modifications de la sensibilité sous l'influence des plaques métalliques, de l'électricité statique, etc.
Sommeil à l'état ordinaire. — Somnambulisme : hyperexcitabilité musculaire, catalepsie.
Relation entre les règles et les attaques. — Marche des attaques. État de la malade et description de ses attaques en i 879 : Troubles vaso-moteur» ; ¦« effets de la compression sur les attaques sérielles.
W... Marie, lingère, née à Paris, est entrée dans le service de M. Charcot le 6 mai 1877 : elle était alors âgée de dix-huit ans.
Renseignements fournis par la malade. — Père, d'origine suisse charpentier, sobre, caractère violent : un jour, dans un accès de colère, il aurait voulu jeter notre malade par la fenêtre. Il est devenu fou, et a été conduit à Sainte-Anne d'où il aurait été transféré en province, au moment de la guerre.
Mère, lingère, morte il y a quatre ans d'une affection chronique de la poitrine (toux, hémoptysies) ; sobre, attaques de nerfs seulement après contrariétés ; — elle avait été orpheline de bonne heure 2.
Pas de consanguinité.
Neuf enfants, dont cinq sont morts, quatre de convulsions, une d'épilepsie (?) à douze ans. Des survivants, notre malade est l'aînée; un garçon, âgé de dix-huit ans, n'a pas d'accidents nerveux mais aurait eu quelques hémoptysies; — un autre garçon a été placé à la mort de la mère : on ne sait ce qu'il est devenu; — enfin une fille, qui est dans un orphelinat, serait, paraît-il, sujette à des « faiblesses » (1879).
Notre malade aurait été élevée au sein par sa mère, aurait marché de bonne heure; mais, à vingt-deux mois, elle aurait eu des convulsions à la suite desquelles elle serait devenue paralytique, sourde et sans parole. C'est vers l'âge de sept ans que sa situation se serait améliorée. — Durant cette période, accès de colère, rougeole, croûtes dans les cheveux, ophtalmie chronique qui n'a pas laissé de traces; engelures très accusées.
W... a peu fréquenté l'école parce qu'elle était « mau-
1 et2 C'est ce qui explique le peu de détails que nous possédons sur les ascendants de la malade.
vaise» ; aussi, sait-elle à peine lire et écrire. Elle était très susceptible, se disputant avec ses parents, se fâchant pour le motif le plus futile, ayant de violentes colères dans lesquelles elle se roulait par terre ; sa mère lui jetait de l'eau au visage : elle se remettait, pleurant et riant.
A douze ans, elle fut mise en apprentissage pour apprendre la fourrure, dans une maison où elle resta deux ans. Dès la première année, elle fut sujette à des accidents nerveux plus graves que ceux qu'elle avait eus jusqu'à cette époque : elle perdait connaissance, urinait sous elle. Comme ces phénomènes survenaient surtout la nuit, on put la garder. Durant la seconde année (treize ans), son patron, si on l'en croit, l'embrassait chaque fois qu'il la trouvait seule et aurait essayé, mais en vain, d'avoir des rapports avec elle. Sous l'influence de ces tribulations, les crises nerveuses auraient augmenté de fréquence et W... aurait commencé à avoir des secousses : « Tout ce que je tenais dans mes mains m'échappait et ma patronne, supposant que je le faisais exprès ou que j'agissais par colère, me faisait payer les objets que je cassais. » Un jour, elle s'est enfuie, est retournée chez sa mère, disant que son patron avait voulu la battre. Celui-ci, prétextant de sa maladie, n'essaya pas de la reprendre.
De quatorze à quinze ans, W... demeura avec sa mère, travaillant à la lingerie. C'est alors qu'elle fit la connaissance d'un ouvrier bijoutier, Louis, avec lequel elle eut des relations.
Ayant perdu sa mère (quinze ans) W... retourna chez son patron, le marchand de fourrures. Peu après, elle eut avec lui des rapports sexuels qui se renouvelèrent pendant son séjour (huit mois) i. Enfin, comme cet homme lui déplaisait, qu'elle ne voulait plus céder à ses désirs, elle s'enfuit et se réfugia chez une amie de sa mère. Huit jours plus tard, elle quitta cette dame pour entrer à l'hôpital Temporaire en qualité de fille de service.
1 Le plus souvent elle avait des attaques après le coït ; une fois, elle en aurait eu pendant l'acte même. Les attaques auraient été plus rares.
Planche I.
HYSTÉRO-ÉPILEPSIE
état normal
Là, elle noua des relations avec un jeune homme qu'elle allait voir ses jours de sortie. Au bout dè trois ou quatre mois, elle abandonna l'hôpital, alla passer huit jours à la campagne avec son amant (Alphonse) qui lui comprimait la région ovarienne droite lorsqu'elle avait ses attaques.
Revenue à Paris, elle demanda asile dans un couvent rue du Cherche-Midi. Les attaques étaient presque constamment nocturnes. Après un séjour de deux mois dans une maison, elle se plaça à Saint-Mandé. Là, nouvel amoureux, Louis, deuxième du nom, qu'elle revoit souvent dans ses attaques. Elle n'était, d'ordinaire, malade que la nuit; mais, deux mois après son entrée, elle aurait eu une attaque le jour et aurait déchiré du linge. On la congédia, et afin de faciliter son admission dans le service spécial des épileptiques, elle vint à la Salpêtrière comme fille de service. Elle en remplit les fonctions durant quelques jours, prit un lit à l'infirmerie et enfin fut reçue dans la section des épileptiques non aliénées le 6 mai 1877.
Les règles ont paru à dix-sept ans et demi ; elles ont été précédées pendant deux ou trois jours de douleurs violentes dans le bas-ventre. Un mois auparavant, W... avait craché un peu de sang durant trois ou quatre jours. Les attaques seraient devenues plus fréquentes et les séries plus prolongées, depuis l'apparition des règles.
1877. 7 mai. — Hémianesthésie du côté droit ; diminution de la sensibilité au bras gauche. — Hyperesthésie ovarienne droite, s'exagérant à l'approche des attaques. — W... est grande (Ira, 6i), d'une forte corpulence (70 kilog.). Elle est blonde et d'un teint lymphatique. La peau est blanche et offre à la fois, de nombreuses éphélides (Planche I). Les seins sont très volumineux. Cicatrice à la partie supérieure et antérieure de la cuisse gauche.
Son intelligence atteint à peine la moyenne. La mémoire est assez bonne; mais W... pense qu'elle a diminué depuis un an, ce qu'elle attribue à l'usage fréquent de Yéther. Son regard est brillant ; la vue et le contact des hommes produisent chez elle une espèce d'excitation particulière. W... est peu
active, sïrrite facilement, mais cela ne dure pas. Avec quelque habileté, il est aisé de la conduire. — Les allures de W... sont tout à fait celles des hystériques. Elle place à la tête de son lit toutes sortes d'objets : une pelote bleue, des roses artificielles, des images à couleurs voyantes, des médailles religieuses, etc. Elle porte un scapulaire.
14 mai. — W... est en attaques. — Décubitus dorsal. — Face rouge, dirigée à gauche; paupières closes, globes oculaires portés en bas et à gauche ; pupilles normales ; rigidité générale dans l'extension ; doigts fléchis, le pouce sous les autres. La bouche entr'ouverte laisse sortir constamment un peu d'écume. De temps en temps, secousses qui soulèvent les bras et les épaules. C'est sur cette rigidité générale, qui se prolonge durant plusieurs heures, que se greffent pour ainsi dire les attaques elles-mêmes.
Période épilepto'ide. —La rigidité augmente ; la respiration, qui était assez rapide, se suspend, la congestion de la face s'accentue davantage ; l'écume est plus abondante. Parfois, on note quelques secousses tétaniques.
Période clonique. — Après un court repos, on observe des mouvements de balancement de la tête qui, bientôt, se soulève et bat l'oreiller durant quelques secondes.
Période de délire. — Respiration plus fréquente ; pupilles dilatées ; petites plaintes ; mouvements des lèvres ; la malade parle bas, sans qu'on l'entende d'abord ; puis, elle appelle : « Rlanche!... Blanche! » (C'est le nom de sa sœur). « Ah ! ils sont tombés !... Blanche !... Blanche !... »
Elle revient à elle; regarde d'un air étonné : « J'étais donc malade... » Elle se plaint d'avoir mal à la tête, la vue embrouillée et d'être fatiguée.
21 mat. — Plusieurs fois, la compression ovarienne avait été essayée sans succès, en raison du volume exagéré du ventre ' et de la tension des muscles. Aujourd'hui, la malade étant en 1 attaques depuis plusieurs heures, M. Charcot parvient à vaincre
la résistance musculaire, et W... reprend connaissance. L'arrêt n'a duré que cinq minutes. Aujourd'hui les attaques présentent quelques modifications.
Période épilcptoïde. — Augmentation de la rigidité, puis secousses tétaniformes générales, respiration plus fréquente, écume.
Période clonique. — Après un court repos, durant lequel on remarque quelques secousses isolées, comme électriques, W... bat le lit avec ses mains, pousse des cris redoublés, bat l'oreiller avec la tête et a des mouvements alternatifs de flexion et d'extension des membres inférieurs. (C'est, en quelque sorte, une ébauche des grands mouvements que M. Charcot a décrits sous le nom de clownisme).
Période de délire. — Mêmes caractères.
Pendant cette série qui a duré une demi-heure, nous avons vu survenir la période de délire à l'état isolé. Ainsi, la malade étant en rigidité générale, sans qu'il y ait eu ni période épi-leptoïde, ni période clonique, s'est mise à marmotter, puis à dire : « Blanche! Blanche!... Viens vite!... Mon Dieu, Blanche, viens vite ! »
A la fin de la série, W... se plaint de douleurs à la tête et par tout le corps, de battements de cœur, d'une sensation de froid, et demande à boire.
25 mai. — La malade, qui assure avoir fréquemment des crampes dans le côté droit du cou, présente ce matin une contracture partielle du sterno-mastoïdien droit. Ce muscle est très dur, tendu, douloureux dans une longueur de 5 à 6 centimètres. L'autre muscle sterno-mastoïdien est absolument souple. Applications de compresses de chloroforme.
27 mai. — La contracture, sans avoir tout à fait disparu a notablement diminué.
kjuin. — Hier, dans la soirée, W... n'était préoccupée que de sa « boule » qui montait et descendait sans cesse. Elle a été prise d'attaques vers neuf heures. A dix heures, état de
2
rigidité générale. Par instants, cette rigidité s'accroît, et, après un repos de quelques secondes, la malade a de grands mouvements cloniques, fléchissant et laissant retomber violemment la tête et le tronc, et cela cinq ou six fois de suite. Puis, elle retombe dans sa rigidité sans paraître avoir de délire. En un mot, les attaques se composeraient uniquement des deux premières périodes : épileptoïde et clonique. Relevons en passant que le cloivnisme s'accentue.
La compression de la région ovarienne droite est pratiquée ; bientôt, les paupières s'écartent, les pupilles se dilatent largement : « J'étouffe... j'étouffe! » dit la malade, qui a des mouvements de déglutition. Elle soulève la tête, regarde d'un air étonné : « Où suis-je? » La conscience revient peu à peu; les pupilles sont redevenues normales. — La sécrétion vaginale n'a pas semblé augmentée. (L'examen a été fait deux fois, à une heure d'intervalle.)
Juillet. — Uanesthésie est devenue générale.
23 août. — Série d'attaques, arrêtée par le nitrile d'amyle.
25 août. — W... n'a pas été malade depuis l'administration du nitrite d'amyle. Hier, elle a brisé des carreaux, est restée longtemps couchée sur le sable dans la cour, puis s'est cachée dans l'atelier, refusant de rentrer au dortoir. On l'a mise en cellule, où elle est encore ce matin. Elle ne veut pas manger.
27 août. — W... est pâle, souffre dans le côté droit du ventre, étouffe, a des battements de cœur, et, d'une voix brève, réclame la camisole. Tandis qu'on la lui met, la face change plusieurs fois de couleur. Le pouls est à 92. Bientôt, les pulsations se précipitent ; la malade, qui était assise, laisse tomber la tête sur l'oreiller. Les yeux et la face se dirigent à gauche, les pupilles sont normales, les paupières se ferment, tout le corps est pris de rigidité (période épileptoïde, phase tonique). On note ensuite quelques secousses (phase clonique ébauchée), et enfin de l'écume avec respiration précipitée (phase de stertor incomplète).
Période clonique : grands mouvements du tronc, des jambes.
avec soulèvement du ventre, qui offre, comme d'habitude, un tympanisme très prononcé.
Repos : respiration à 36; P. à 140; T. V. 38°. L'écume persiste. De temps en temps, secousses, qui souvent précèdent de quelques secondes l'arrivée d'une attaque; celles-ci ne sont annoncées par aucun cri. Parfois, mais non constamment, les pupilles se dilatent quand la rigidité s'exaspère.
De 11 heures à midi, treize attaques. Après la treizième : T. V. 38°,2. La sécrétion vaginale a paru un peu plus abondante. — La série (vingt et une attaques) a fini à une heure et demie. — Soir : T. R. 37°,8.
28 août. — Pas d'attaques. T. R. 37°,3.—Soir : T. R. 37°,6.
29 août. — Pas d'attaques. T. R. 37°,5 le soir.
6 septembre. —La vision est plus faible à droite qu'à gauche. Les pupilles réagissent également. Les mouvements des globes oculaires sont normaux. Nulle différence entre les yeux à l'ophtalmoscope. (Landoit.)
Outre ses grandes attaques, W... a quelquefois des attaques syncopales : elle pâlit, s'affaisse et perd connaissance.
9 décembre. — Série de cinquante-quatre attaques en six heures.
1878. 11 mai. — La malade a été très excitée dans ces derniers temps , s'est livrée à des actes de violence, déchirant le linge, brisant les vitres, mettant le désordre, etc.; aussi M. Charcot l'a-t-il fait passer dans la section des aliénées (service de M. Delasiauve) , où nous avons continué son observation.
13 mai.— Attaques : inhalation à'iodure d'èthyle. L'attaque est arrêtée à la période tonique ; l'inhalation étant continuée, W... délire, parle de son amie Cri... : « Je connais bien ton histoire; sois tranquille, ne pleure pas... Tout ce que tu m'as confié est gravé dans mon cœur... C'est comme toi; je pense bien que tout ce que je t'ai dit, tu le tiendras secret... S'ils te tourmentent trop, réponds que cela ne les regarde pas... On dit que c'est de ta faute si je suis aux aliénées, mais je ne t'en veux pas... C'est là ce qui m'a fait de la peine... Puis, j'ai ma
petite sœur... Pauvre petite!... Ce que je t'ai donné hier, garde-le bien... Recommande à Gl... de ne pas dire que je lui ai écrit... Cache-la bien; tu me ferais prendre... » Elle fait des recommandations à la malade qui lui sert de messagère.
A diverses reprises, des attaques survenant, l'inhalation est recommencée : « Dis à Gl... de ne pas se priver pour moi, j'ai ce qu'il me faut, etc. »
20 mai. — Après une contrariété insignifiante, hier, W... est devenue mélancolique, a pleuré, et, le soir, a été prise à'étouf-fements sans attaque, sans perte de connaissance. Comme elle accusait de grandes souffrances, l'interne de garde, appelé, lui a projeté de l'eau à la figure : aussitôt, ont éclaté des attaques arrêtées par le chloroforme. La nuit a été bonne, et, ce matin, sans qu'on ait observé, assure-t-on, rien d'insolite, la malade présentait une contracture générale : les membres inférieurs auraient été envahis les premiers, et, une heure plus tard, les bras. A ce moment (8 heures), W... avait encore sa connaissance. Actuellement (9 heures), elle est inconsciente et offre l'état de rigidité habituelle dans les attaques, avec ces différences : 1° la tête est dans l'extension forcée, le cou tendu, gonflé ; 2° il n'y a pas d'attaques complètes, tout se borne à la rigidité : c'est une véritable attaque de contracture. Parfois, il se produit des secousses des épaules, des bras ou des jambes. P. à 84; R. à 18. — La malade est revenue à elle vers onze heures.
26 novembre. — Le 24, au soir, attaques. Hier, 25, agitation, déclamations contre les internes et les médecins, etc.; elle a passé toute la journée assise par terre dans la cour; elle refuse de parler et de manger. — A minuit, attaques qui ont continué sans interruption jusqu'à la visite.
Période épileptoïde. — a) Phase tonique : exacerbation de la rigidité ordinaire. — b) Phase tétant forme : frémissement des muscles de la face, secousses tétanifbrmes rapides des membres. — c) Phase de stertor : respiration un peu bruyante, écume blanche.
Période clonique. — Après un repos momentané, grands mouvements eloniques, puis cri modulé, repos.
Période de délire. — Elle parle d'un Emile, qu'elle voit dans le laboratoire, auprès de l'horloge, puis d'un M. Lec... (?) Elle recommande à Gl... de ne rien dire, l'assurant qu'elle ne dit rien elle-même, etc.
T. V. 38°,2. Pas de sécrétion vaginale. — W... aurinésous elle, ce qui lui arrive assez communément.
13 décembre. — Deux plaques de cuivre, appliquées sur les jambes, au niveau des jarretières, font revenir la sensibilité dans un rayon de 4 à 5 centimètres.
La malade ayant depuis quelques jours des secousses qui l'énervent, nous lui administrons de Yéther.
Hilarité, puis délire : « Donne-moi encore de l'éther... » Elle rit, se tortille, maintient la compresse contre son nez et sa bouche : « Ah ! tu sais bien, tu te feras attraper... » Elle réclame de l'éther : « Embrasse-moi... » Se tortille, rit aux éclats. Après quelques instants de calme, elle se débat, riant toujours : « Ah ! mon cœur ! » Elle porte la main à la région précordiale. « Ah! Gl..., s'il te demande quelque chose sur moi, dis-lui que tu ne sais rien et que les affaires des autres ne te regardent pas... Alphonse! viens donc, mon ami, viens ; ils ne veulent pas, etc. » — L'inhalation a fait disparaître les secousses.
Dans le courant des deux derniers mois, le compresseur a pu arrêter les attaques. Le 31 décembre, W... est replacée dans le service de M. Charcot.
1879. 10 janvier. — Sous l'influence de Y électricité statique (machine de Ramsden), la sensibilité revient dans toute la moitié droite du corps.
26 janvier. — Apparition des règles, qui finissent le lendemain. Du/23 au 31, pas d'attaques.
30 janvier. — La sensibilité persiste à droite. Afin de maintenir la sensibilité, qui, après la première séance d'électrisation
disparaissait, M. Vigouroux a fait appliquer des plaques de cuivre sur le bras et la jambe du côté droit. — W... distingue toutes les couleurs à droite et ne reconnaît que le rouge à gauche.
22 février. — Les règles ont paru cette nuit. Ce matin, dix attaques. Éther et chloroforme. L'écoulement menstruel finit le 23; pas d'attaques jusqu'à la fin du mois.
19 mars. — Attaques le 16 : éther et chloroforme. Rien le 17 et le 18. Les règles, parues ce matin, cessent le 20. Ce jour-là, attaques de contracture : éther et chloroforme. — Quelques heures plus tard, nouvelles attaques arrêtées par les mêmes agents. Les 22, 26, 27, etc., attaques.
Avril. — Pas de règles.
5 mai. — Agitation calmée par l'éther et le chloroforme. — Le 7, apparition des règles, qui finissent le 8. Le 7, rien; le8, attaques, agitation; les 9 et 10, attaques.
15 mai. — H y a deux jours, à la suite d'attaques, W... a eu du délire. Elle a été calme le 13, a bien dormi dans la nuit du 13 au 14 : au réveil, sans attaques, retour du délire. Elle prend diverses attitudes, parle bas et pousse, à intervalles plus ou moins longs, des exclamations; revoit des scènes d'un roman : « Fabrice a tué Mmo de la Rivière. » Sa physionomie exprime l'effroi. D'ordinaire, W... est assise sur son lit. On la fait manger à la sonde matin et soir. Elle est inconsciente, urine sous elle. — Pendant la nuit dernière, elle a sans cesse bavardé, répétant souvent la phrase citée plus haut. Elle ne commet pas de violences.
Ce matin, le délire continue; la face est un peu amaigrie, les yeux excavés, les pupilles dilatées : « Je vais au cimetière... Un enfant sous une pierre... » Elle voit des scènes de la Fille maudite : « Ah ! on l'a frappée, cette femme ! » Elle pousse un cri de douleur : « Il faut laisser partir ce garçon... Il est couché sur des gravois au fond du cimetière. » Attitudes variables, ton et geste impératifs. Tout le temps, elle remue les lèvres. — La compression ovarienne est de nul effet. — T. R. 37°,8. — Soir : T. R. 37°,8.
16 mai. — W... a été électrisée : le délire n'en a pas moins continué. Alimentation par la sonde œsophagienne. Elleavomi i une partie des liquides ingérés. Insomnie ; bavardage incessant. On l'a placée sur la chaise-percée, elle a uriné.
Ce matin, W... est couchée, immobile. Parfois, secousses des bras, des épaules. La physionomie est très mobile ; les yeux sont dirigés un peu en haut ; les pupilles sont légèrement dilatées, égales, contractiles. Lorsqu'on essaie de faire boire W..., elle rejette le verre, fait un bond en arrière et pousse un cri. — La compression échoue. — T. R. 37°,6.
Dans l'après-midi, on a provoqué une attaque, on lui a donné de l'éther et du chloroforme, et le délire a disparu.
4, 11, 12, 20 juin. — Agitation durant plusieurs heures, à chacune de ces dates. — Le 22, étant agitée, elle se sauve sur le boulevard et est mise en cellule. —Le 23 et le 24, agitation, attaques : éther et chloroforme.
26 juin. — Attaques épileptiformes. —Apparition des règles qui finissent le 27. Ce jour-là, deux attaques épileptiformes.
15 juillet. — Dispute avec une épileptique : elles se soufflettent.
21 juillet. — Rien le 19 et le 20. Apparition des règles; attaques. Fin des règles, le 22 ; sept attaques. Rien le 23 et le 24.
22 août. — Attaques épileptiformes. — Règles qui s'arrêtent le 24. Pas d'attaques le 23. — Le 24, attaques ; contractures. W... donne un coup de pied à l'interne de garde qui refusait de lui administrer autant d'éther qu'elle en voulait.
26 août. — Hier, étant au gymnase, et éprouvant les prodromes habituels de ses attaques, elle se comprima elle-même, et se hâta de rentrer dans le service. Une fois couchée, on lui administra un peu d'éther. Gomme elle trouvait qu'on ne lui en donnait pas suffisamment à sa guise, elle s'est emportée et, par punition, on l'a mise en cellule et on a appliqué le compresseur qu'elle a encore ce matin, au moment de la visite. Alors, elle a une contracture des deux membres inférieurs dans
l'extension et l'adduction et du membre supérieur gauche : l'avant-bras, fléchi à angle droit, croise le dos. L'appareil est retiré; il survient une attaque qu'on arrête par la compression: avec le retour de la connaissance, on constate la disparition de la contracture. Le compresseur est remis en place.
27 août. — W... a gardé l'appareil. Elle a été tranquille. Ce matin, elle déclare qu'elle est toujours sous le coup de ses attaques et demande qu'on la calme. P. 76 ; T. Y. 38° à peine. Vulve et vagin peu humides. Le compresseur étant retiré, nous observons une série d'attaques.
ire attaque. —A. Période épileptoïde. — a) Petits bruits pharyngiens; pas de cri ; la face se porte à gauche, conserve sa coloration rosée ; les paupières se ferment et sont immobiles ; les yeux se dirigent en haut et à gauche ; les pupilles paraissent conserver leurs dimensions ; les mâchoires se contracturent, les membres supérieurs s'allongent, deviennent rigides, se tordent et se rapprochent de telle sorte que les poignets sont presque en contact par leur face dorsale ; les membres inférieurs sont également rigides, ceux-ci dans l'extension et l'adduction ; les pieds sont en varus équin : ceci constitue la première phase (Pl. II).
b ) La face se congestionne ; ses muscles sont agités de petites secousses convulsives, qui bientôt envahissent les bras et les jambes. Au bout de quelques secondes, elles sont remplacées par des secousses cloniques, à oscillations circonscrites, sans déplacement du tronc.
c ) La face rougit ; la respiration devient stertoreuse ; on entend une espèce de renâclement, et en même temps la tête est secouée latéralement ; la commissure labiale gauche laisse sortir une écume blanche.
B. — Période clonique. — Sans qu'il y ait de repos appréciable, on voit se produire les grands mouvements (clownisme).
C. — Période de délire. — W... remonte dans son lit, s'asseoit, ouvre les paupières jusqu'alors fermées, regarde à
Planche II.
ATTAQUE HYSTÉRO-ÉPILEPTIQUE
tétanisme
Planche III.
ATTAQUE HYSTÉRO-ÉPILEPTIQUE
ARC DE CERCLE
Planche IV
ATTAQUE HYSTÉRO-ÉPILEPTIQUE
DÉLIRE
Planche V.
ATTAQUE HYSTÉRO-ÉPILEPTIQUE
délire erotique
gauche ;laphysionomie exprime la terreur: «Maman ! maman ! » (Si on la réveille dans ce moment, elle dit qu'elle voit un lion rouge. (Pl. IV.)
ne attaque. — a) Période épileptoïde. — Mêmes caractères. — b) Période clonique. — Petits cris précédant les grands mouvements alternatifs de flexion et d'extension qui ébranlent le lit, puis le corps se met en arc, décrivant une courbe à convexité antérieure et ne reposant plus sur le lit que par les pieds et la nuque. La tête est dans l'extension forcée, de telle sorte que l'oreiller se rabat sur le visage qu'il dissimule ; les bras sont un peu écartés du tronc, les doigts sont fortement fléchis, le pouce gauche en dedans, le droit en dehors ; les poignets fléchis. De temps en temps, on entend des mouvements de déglutition. Cette attitude est conservée pendant une vingtaine de secondes. (Pl. III.)
m" attaque. — a) Période épileptoïde. — Mêmes caractères.
b) Période clonique. —Petits cris et vagues abdominales, suivis des grands mouvements habituels, dont le nombre varie de cinq à dix; pas d'arc.
c) Période de délire. — W... se couche à droite, se tortille; sa physionomie exprime la volupté : « Oh ! Alphonse! » Elle croise les bras, soupire. Si, à ce moment, on la réveille par la compression ovarienne, elle avoue qu'elle s'imagine être dans les bras de son amant. (Pl. V.)
ive attaque (11 h. 25). — a) Période tonique. — Caractères ordinaires ; dans aucune de ces attaques, il n'y a eu de mouvement de moulinet.
b) Période clonique. — Grands mouvements, durant quatre secondes.
c) Période de délire. — Attitude de la sirène, corps tendu, jambes fléchies à angle droit sur les cuisses, bras gauche tourné. Durée quarante secondes.
ve attaque. — a) Période épileptoïde. — Quarante-cinq secondes. — b) Période clonique. — Dix secondes.
3
c) Période de délire.— Quarante secondes. Effroi « Maman! ôtez cette tête ! » Elle regarde à gauche ; les pupilles sont normales. (Pl. IV.)
vi° attaque.— a) Période épileptoïde. — b) Période clo-nique. — Bat le lit.
c) Période de délire. — W... se met en sirène, couchée sur le côté gauche et sur le ventre, les jambes fléchies sur les cuisses, etc. Regard effrayé; pupilles très dilatées. Durée une minute.
vne attaque. — a) Période épileptoïde. — Durée cinquante secondes. — b) Période clonique. —Durée six secondes. — c) Période de délire. —- Soixante-quatre secondes. W... est en arc, à convexité antérieure.
vin" attaque. — a, b) Périodes épileptoïde et clonique. — Les mêmes.
c) Période de délire. — W... soupire : « Maman! on frappe ! Oh ! on frappe. » Elle pleure, s'agite, se débat. « Laissez-moi partir ! Oh ! maman ! oh ! non ! » Elle pleure de nouveau.
ix° attaque.—a, b)Périodes épileptoïde et clonique. —Mêmes caractères.
c) Période de délire. — Immobile sur le dos ; figure calme, congestionnée, chaude ; pupilles normales. De temps en temps, petites secousses. Respiration forte, rapide. W... regarde en l'air, parle bas. Réveillée par la compression ovarienne, elle dit qu'elle causait avec... La compression étant suspendue, nouvelle attaque.
xe attaque. ¦— a, b) Périodes épileptoïde et clonique. — Mêmes caractères.
c) Période de délire. — Peur, regard fixe ; pupilles dilatées : « Maman ! » compression : elle déclare voir un lion rouge. — Entre les attaques, il y a généralement un repos. (Pl. VI.)
Planche VI.
ATTAQUE HYSTÉRO-ÉPILEPTIQUE
repos
P. 116 ; T. V 38°,1. Sécrétion vaginale assez abondante. — On cesse la compression. Survient la onzième attaque l.
Le chloroforme est administré durant assez longtemps ; au début, W... rit et, s'adressant à un être imaginaire, elle dit : « Assieds-toi là! » Elle s'endort promptement. Quand la malade est tout à fait endormie (11 h. 55) : P. 80 ; T. V. 37°,9.
Durant les attaques, nous avons tracé sur la poitrine, avec la pointe d'une épingle, le nom de la malade et sur le ventre, le mot Salpêtrière. Il s'est produitune bande érythémateuse de plusieurs centimètres de hauteur et sur cette bande les lettres se sont dessinées en relief, ayant environ deux millimètres de largeur; peu à peu l'érythème a disparu, les lettres persistant. (Troubles vaso-moteurs).
28 août. — W... s'est réveillée à midi. Elle n'a pas eu d'attaques depuis ce moment. — Ce matin, les lettres sont réduites à un trait semblable à une égratignure.
31 août. — Prise d'attaques hier soir, dans la cour ; on l'a comprimée, remontée dans son dortoir, et on lui a mis le compresseur qu'elle a gardé jusqu'à ce matin. L'appareil enlevé et remplacé par la main, on donne le chloroforme. Nous écrivons avec la pointe d'une épingle le nom de la malade en travers de la partie supérieure de la poitrine, le mot août sur chaque jambe, Salpêtrière sur le ventre. Une bande érythémateuse assez large se développe promptement; puis, les lettres se dessinent en relief; ces phénomènes apparaissent plus lentement sur les jambes que sur la poitrine et le ventre.
1er septembre. — L'ancien mot W..., tracé sur la poitrine, est encore apparent, mais très pâle; les jambages des lettres sont linéaires. — Celui d'hier, inférieur, a presque tout à fait disparu. Il n'y a plus rien sur les jambes. Hier, W... s'est cachée jusqu'à onze heures du soir dans les jardins.
2 septembre. — Sommeil provoqué. — 1° Phase de Vhyperex-
* Dans cette série, nous avons observé des modifications des pupilles, particulièrement dans la période de délire ; dans d'autres séries, il nous a semblé qu'elles conservaient les mêmes dimensions, que le délire fût gai ou triste.
citabilité musculaire.—M.X...regarde fixement la malade; au bout d'une minute, on observe un léger spasme, les paupières se ferment, la tête s'incline sur l'épaule droite, la malade est endormie. (Pl. VIL) En tapotant avec le bout du doigt le nerf facial au-devant de l'oreille droite, on détermine la contracture des muscles de la moitié correspondante de la face. La même excitation, pratiquée sur le muscle sterno-mastoïdien droit, fait contracter ce muscle : la face se porte à gauche. — En grattant, pour ainsi dire, avec les doigts les muscles fléchisseurs des doigts et des avant-bras, on amène une contracture dans la flexion des mains et des avant-bras. (Pl. VIII.) M. Charcot a désigné ce phénomène sous le nom d[hyper'excitabilité musculaire.
Pour faire cesser les contractures artificielles, il faut exciter, dans une certaine mesure, les muscles antagonistes. L'expérience a été répétée plusieurs fois par les assistants.
Durant ce somnambulisme, les paupières sont toujours fermées, et les membres, soulevés, retombent inertes.
2° Phase cataleptique. — M. Charcot ouvre les paupières droites seulement : alors, le bras droit, élevé, conserve l'attitude qu'on lui a. imposée ; l'hyperexcitabilité musculaire a disparu. Rien n'est changé à gauche. — Les paupières droites sont fermées, le bras correspondant retombe lourdement. — Si on ouvre les paupières gauches et droites, on produit l'état cataleptique des deux côtés.
Dans une autre expérience, les paupières étant closes, on contracture le membre supérieur droit dans la demi-flexion, on comprime la région ovarienne. La malade se réveille en conservant sa contracture.
Vingt minutes plus tard, W... est endormie de nouveau par le regard : on excite les extenseurs des doigts et de l'avant-bras pour détruire la contracture. On réveille la malade en lui soufflant au visage.
3 septembre. — L'ancien mot tracé^.sur la poitrine est encore un peu apparent. 11 ne reste plus aucune trace du dernier. — Hier, W... a acheté du tabac qu'elle a fumé dans une vieille
Planche VII.
SOMNAMBULISME PROVOQUÉ
sommeil
Planche VIII.
SOMNAMBULISME PROVOQUÉ
HYPEREXCITABILITÉ MUSCULAIRE
pipe. Elle a eu bientôt des nausées, des sueurs froides, etc., ce qui a causé un certain émoi, parce qu'on ignorait la cause de cet accident '.
5 septembre. — Nous trouvons W... avec le compresseur. Elle demande qu'on mette fin à ses attaques, afin qu'elle puisse se rendre à la gymnastique. — Le compresseur enlevé, des attaques éclatent, offrant quelques modifications en ce qui concerne la période de délire, qui roule sur les incidents de son escapade du 31 août : 1° « Je me trouve mal, mon ami!... Oh ! la la ! » Petites plaintes, met la main sur son cœur : « Oh ! la la ! » Physionomie souriante. Elle le cherche.
2° Visage souriant. Paupières fermées. Mouvements des jambes : « Mais non, je ne sens rien. » Rit, se tortille : « Mais non, faut pas. » Rit aux éclats, tourne la tête; croise les bras sur sa poitrine, comme si elle pressait quelqu'un. (Pl. V.)
3° « Je suis maudite par mes parents... Tout me manque, excepté la terre... » Elle a peur, se débat, s'asseoit sur son lit. Le regard exprime l'épouvante, puis la menace. Elle parle bas.
Durant cette série, nous avons pratiqué plusieurs fois la compression à la période du délire : la malade, réveillée, n'a jamais voulu raconter ce qu'elle voyait.
Après la douzième attaque, nous administrons Yéther. Au bout d'une vingtaine de secondes, elle commence à causer : « Tu me changes, vois-tu. Je ne vois plus la même chose. » Physionomie souriante : « Ne te tourmente pas, je m'en vais bientôt, entends-tu?... Vous qui savez commander... » Elle fait un geste dramatique : « Oh! ces plantes sont-elles jolies ! Ah ! c'est pour les prix qu'on met des guirlandes là-bas!... » 2 Pendant le reste de l'inhalation, elle ne prononce que des mots sans suite.
1 Les èpileptiques et les hystériques de M. Charcot sont réputées non aliénées, et jouissent à peu près de la même liberté que les vieillards de l'hospice, c'est-à-dire qu'elles peuvent se promener dans les cours, en dehors de la section.
Elle est allée voir les préparatifs que l'on faisait au gymnase pour la distribution des prix de XEcole des infirmières.
9 septembre. — W... a le compresseur depuis hier soir. Elle assure qu'elle est encore sous le coup de ses attaques.
5 h. 25. Inhalation à'étker. Elle dit qu'elle est dans la nuit, qu'il y a des étoiles, des raies semblables à des tracés : « Tu mets tes étiquettes?... Là-bas ! dis... cette femme toute nue! » Elle voit des animaux qui sortent d'une boîte : « Ote-moi ces serpents!... Mon Dieu!... Oh! oh!... Je veux mourir... Ah! c'est fort... » ◀Tantôt▶ elle se débat, ◀tantôt▶ elle rit aux éclats. Elle répète, souvent plusieurs fois, les mots qu'on prononce auprès de son lit.
5 h. 40. Le compresseur est retiré; bien que l'inhalation continue, il survient une attaque que l'on arrête par la compression ovarienne, exécutée avec la main.
5 h. 45. « Ne me touchez pas, si je suis une saleté... Pourquoi me mettez-vous un machin?... Cette bête... » On lui demande : Quelle bête? — « Est-ce que vous croyez que je sais le nom des bêtes, répond-elle. » — Dès qu'on suspend la compression, le corps est pris de rigidité.
5 h. 50. — Nous remplaçons l'éther par le chloroforme. Elle s'endort promptement.
Quoique l'inhalation d'éther ait été poursuivie durant vingt-cinq minutes, la malade a peu parlé ; son délire est discret. Le plus souvent, on est obligé d'avoir recours, à la fin, au chloroforme : c'est ce qu'on a fait un grand nombre de fois, surtout depuis le 1er janvier de l'année courante.
10 septembre. — Cinq minutes après notre départ, elle s'est réveillée en pleurant, disant qu'elle ne sentait plus ses membres, qu'elle était paralysée. Elle a vomi, ce qui lui arrive parfois après le chloroforme. — Selon elle, le chloroforme ne lui donnerait pas de visions comme l'éther; elle aurait des sifflements dans les oreilles et perdrait vite toute notion de ce qui se passe. — W... a été très agitée pendant la nuit.
Elle a été endormie, ce matin, par le regard. On a produit successivement différentes contractures qu'on a fait disparaître, sauf une contracture des muscles de la langue et du larynx :
elle ne peut pas parler du tout. On essaie vainement, après l'avoir endormie de nouveau, de décontracturer les muscles du larynx; seule, la langue est débarrassée.
Sous l'influence du chloroforme, la contracture se dissipe très promptement. W... revient à elle au bout de quinze minutes, et mange énormément, de même qu'à la suite des inhalations d'éther.
11 septembre. — W... éprouve, avant ses attaques, les phénomènes ordinaires de Y aura. Voici en quoi ils consistent : 1° exagération de la douleur permanente des régions ovariennes, principalement de la gauche: — 2° sensation d'une boule qui monte vers l'épigastre; — constriction épigastrique, palpitations cardiaques ; — 3° constriction laryngienne ; — 4° troubles céphaliques, vue, ouïe, battements dans les tempes.
Outre ces phénomènes, nous devons signaler les suivants : modification du caractère, refus de parler ou de manger, énervement, envies de casser, de déchirer, de pleurer ou de rire ; besoin incessant de changer de place. Tympanite considérable. Sensation de tremblottement des intestins, borbo-rygmes, vagues abdominales ; alternatives de pâleur et de rougeur du visage.
Durant les séries, les attaques sont en général annoncées par des secousses, des vagues abdominales, des mouvements de déglutition et quelquefois par une dilatation de la pupille. Ce sont là, du reste, des phénomènes que nous avons enregistrés bien des fois dans les observations déjà publiées.
Inhalation de chloroforme. — Après quelques inspirations, W... commence à causer: « Oh ! ma pauvre Suzanne ! » (C'est sa sœur). Elle interpelle les assistants, qu'elle tutoie. Parfois, elle prononce plusieurs fois de suite et avec volubilité un mot qu'elle vient d'entendre, ou un mot à elle : « Palapalapola... » en exécutant le mouvement du moulinet avec les bras. Elle s'endort définitivement avec lenteur. Mais la période de délire est courte.
12 septembre. — W... est comprimée depuis une heure. —•
Chloroforme : elle s'endort sans délire et plus rapidement que de coutume. Renâclement, salive mousseuse. — Cinq minutes après la suspension du chloroforme, elle se réveille. Elle est heureuse, prononce quelques paroles d'une voix douce, chante une romance, s'agite, est caressante : « J'ai faim, mais pas de pain... d'autre chose. »
Une attaque devenant imminente, ce qui est fréquent lorsque l'inhalation n'a pas été poussée jusqu'à résolution complète, on comprime la malade et on lui administre de nouveau le chloroforme et bientôt elle délire :
« Ils ont été obligés de passer par-dessus la porte pour l'ouvrir. » Allusion au fait suivant : Avec une de ses compagnes, elle a enfermé des personnes dans un jardin et l'une d'elles a dû escalader la porte pour ouvrir la porte. W... s'endort sans parler davantage.
Relevons en passant que, dans le sommeil chloroformique, il y a des réminiscences des événements comme dans la période de délire des attaques ou le sommeil lui-même.
Etat actuel {septembre). — Fonctions digestives. L'appétit est capricieux, ◀tantôt▶ presque nul, ◀tantôt▶ exagéré. C'est principalement après les inhalations d'éther qu'il est augmenté ; alors, W... mange tout le pain qu'elle peut obtenir. Le goût •est d'ailleurs perverti ; à la viande, W... préfère les légumes, la salade, l'ail, les oignons, les artichauts, les harengs saurs, etc., etc., et met du vinaigre à peu près dans tous ses aliments. Elle boit beaucoup, surtout après l'éther. Elle est sujette à des crampes d'estomac suivies quelquefois de nausées ou même de vomissements aqueux. Jamais d'hématémèses depuis l'admission dans le service. Après les repas, il se produit d'ordinaire un gonflement de l'estomac et fréquemment de la tympanite. Les garde-robes sont rares (tous les trois, quatre ou cinq jours).
Fonctions respiratoires et circulatoires. — Elles n'offrent rien d'anormal. Notons seulement des palpitations, un léger souffle à la base et rappelons les troubles vaso-moteurs. Le pouls est régulier, à 72.
Sécrétions. — La sécrétion salivaire est normale. — Les
attaques, clans les premiers temps provoquaient des sueurs abondantes ; il n'en est plus ainsi aujourd'hui : la malade prétend que ce changement est dû à l'usage fréquent de l'éther. —¦ W... urine beaucoup après ses attaques durant lesquelles elle n'a plus d'incontinence comme autrefois ; loin de là, elle aurait plutôt une certaine tendance à avoir de la rétention : elle tomberait ainsi d'un excès dans l'autre.
Menstruation. — Les règles sont très rarement précédées de douleur. Elle surviennent d'habitude la nuit ou pendant les attaques. Tant qu'elles durent, W... est portée à la tristesse, est énervée, a des envies de pleurer : « Si je ne pleure pas, dit-elle, j'étouffe et je suis agitée. » Elle n'éprouverait pas d'excitation génitale et aurait plutôt du dégoût pour les hommes.
- La force musculaire est diminuée : au dynamomètre Mathieu, on obtient 75 à droite et 55 à gauche.
Sensibilité générale. — Elle est abolie par tout le corps dans ses différents modes et aussi bien pour les muqueuses (auriculaire, oculaire, buccale, vulvo-vaginale, etc.) que pour la peau. Les yeux fermés, W... est incapable d'indiquer avec exactitude la position de ses membres, de désigner les objets qu'elle tient dans ses mains, et de marcher avec assurance.
W... présente plusieurs régions hystérogènes :
1° Sur le bord externe de chaque sein, au niveau de l'un des espaces intercostaux, dans une étendue de 2 à 3 centimètres de diamètre. Suivant la malade, il n'y aurait pas de différence entre les deux côtés ; la pression sur une seule de ces régions ne détermine pas d'attaques, mais la « fait avaler. » La pression simultanée, et assez énergique, produit aussitôt une crise convulsive ;
2° La pression est douloureuse de chaque côté de la cinquième vertèbre dorsale, mais n'occasionne pas de phénomènes rappelant Y aura ;
3° Les deux régions ovariennes sont hyperesthésiées. La pression donne lieu à la sensation de boule ; cette sensation s'arrête àl'épigastre ; il n'y a pas de troubles céphaliques et jamais il ne survient d'attaque. W... déclare que la sensation pro-
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duite est plutôt agréable, mais ne veut pas donner plus de détails ;
4° Il existe encore un point douloureux à la partie centrale du flanc gauche. Toutefois, une pression même un peu forte est, aujourd'hui, impuissante à faire naître une attaque.
Au niveau de ces diverses régions, l'anesthésie cutanée est absolue. — Il n'y a pas de clou hystérique.
Sensibilité spéciale. — Le tic-tac d'une montre appliquée sur l'oreille gauche est à peine perçu; il est entendu à 10 centimètres de l'oreille droite.
Vue. — W... ne distingue à gauche que le rouge ; à droite, elle a la notion de toutes les couleurs, sauf du violet.
Odorat. — Il est aboli à gauche, un peu diminué à droite.
Goût. — Le sel, le sucre, le poivre, la coloquinte, ne sont perçus ni d'un côté ni de l'autre.
Sens génital. — Les rapports sexuels ne produisent aucune sensation; on l'accuse de froideur. Elle est heureuse qu'on l'embrasse; tout se passe dans la tête.
Sommeil. — Il vient lentement; elle pense à tous les petits événements des jours précédents; elle revoit les hommes qu'elle a connus. Souvent, au bout de quelques instants, elle se réveille en sursaut. Elle a des cauchemars ou des rêves agréables : elle a peur, s'imagine qu'elle est dans un cimetière, voit un fantôme1; elle saute à bas de son lit, et, une fois debout, s'aperçoit qu'elle a rêvé ; ne rêve pas d'animaux. D'autrefois, elle revoit ses amoureux, a des sensations lascives « plus que dans la réalité » , sensations qui la fatiguent. — Une fois réveillée, elle se rendort difficilement. Cinq ou six heures de sommeil lui suffisent : « Je ne suis pas dormeuse, » dit-elle.
Somnambulisme. — On fixe la malade : les pupilles restent
1 II s'agit là du souvenir d'une scène réelle, ainsi que cela est fréquent dans les rêves. Un soir, pendant qu'elle était à l'infirmerie générale, une lille de service, pour faire peur à ses compagnes, s'imagina de s'envelopper dans un drap, de monter sur une table les bras étendus et menaçants. W... entra la première et fut vivement effrayée.
Planche IX.
CATALEPSIE
ATTITUDE PROVOQUÉE
Planche X.
CATALEPSIE
SUGGESTION
normales jusqu'à l'apparition du sommeil. Alors, elles se contractent; les paupières battent; les globes oculaires ont de la tendance à se porter en haut. A un moment, la malade soupire et semble résister à l'influence qu'on exerce sur elle, sans pouvoir y échapper; la physionomie exprime une sorte d'éton-nement; les yeux deviennent humides, brillants. Enfin, les paupières s'abaissent et se ferment; on entend un ronflement très léger, la tête s'incline sur l'épaule gauche : la malade est endormie. Si on écarte les paupières, on constate que les yeux sont dirigés à gauche et en haut et que les conjonctives sont humides.
Durant cette période, comme nous l'avons vu , il existe une hyper excitabilité musculaire très prononcée. En frictionnant le sterno-mastoïdien gauche, on détermine une contracture de ce muscle, et la tête se porte à droite. Pour la faire disparaître, ou bien l'on donne de petits coups sur ce muscle avec l'extrémité du doigt, ou bien on frictionne le sterno-mastoïdien droit jusqu'à ce que la tête soit devenue rectiligne.
Tandis que la malade est dans cette situation, que ses paupières sont closes, si on lui commande de compter, elle obéit : «1,2, 3, 4, 5 ». On écarte les paupières droites, elle continue : « 6, 7, 8, 9. » On ferme de nouveau les paupières droites, la malade continue de compter : « 10, 11, 12. » Alors, on ouvre les paupières gauches : aussitôt, elle s'arrête, pour reprendre : « 13, 14, 15, etc., dès que les paupières gauches ont été abaissées. (Aphasie provoquée.)
Lespaupières sont écartées, et on observelesphénomènes cataleptiques; les bras, soulevés (Pl. IX),conservent cette attitude aussi longtemps qu'on le veut. Quand on les ferme, les bras retombent : lentement, jusqu'à ce qu'ils aient atteint la ligne horizontale, puis brusquement; et, à ce moment, il y a un mouvement de déglutition, accompagné d'un petit bruit pharyngien. — C'est également lorsque lespaupières sont ouvertes qu'on observe le phénomène de la suggestion : alors la physionomie exprime les sentiments en harmonie avec l'attitude générale : sur la Planche X, la malade est dans Y attitude de la supplication.
Pendant le sommeil, on observe parfois des secousses des bras et des mouvements de déglutition.
Au réveil, — qu'il s'opère par la compression ovarienne ou en soufflant sur le visage , — on note un spasme pharyngien, avec bruit, un peu de stertor, et la bouche laisse sortir de l'écume.
Si l'on compare les descriptions que nous avons données des attaques à diverses époques de la maladie, on s'aperçoit de suite qu'elles ont subi des modifications remarquables.
A l'origine, la période êpileptdide l'emportait de beaucoup sur lapériode clonique et la période de délire, qui n'existaient pour ainsi dire qu'à l'état d'ébauche. Peu à peu ces deux dernières périodes se sont accusées davantage, et, aujourd'hui, nous observons les grands mouvements cloniques et une période de délire bien plus longue et bien plus variée.
Dans le cours de l'observation, le lecteur a certainement noté ces singulières attaques caractérisées en quelque sorte par l'un des symptômes des grandes attaques : telles sont les attaques syncopales — sur lesquelles nous avons souvent appelé l'attention (');
— les attaques de dyspnée; — les attaques de contracture, constituées presque uniquement par la rigidité;
— les attaques épileptiformes, qui se bornent à la première période de l'attaque complète : c'est là une
1 Iconographie photographique de la Salpétrière, t. I, p. 81, etc.; et t. II, p. 95, 113, 116, etc.
forme intéressante sous le rapport clinique, car un observateur non prévenu, qui se contenterait de la vue de ces attaques pour poser son diagnostic, serait exposé à croire qu'il a sous les yeux, non pas une hystérique mais une épileptique.
La période clonique elle-même a prédominé sur les autres périodes, contrairement à la règle commune.
Enfin, et c'est là un point très curieux, W... nous a offert une attaque de délire, à l'état isolé, indépendamment des périodes épileptoïde et clonique. Nous n'insisterons pas de nouveau sur cette variété d'attaque, dont nous nous sommes précédemment occupés avec détail. Nous croyons plus utile de résumer brièvement les traits principaux des attaques complètes et relever un fait déjà consigné dans l'observation de Marc..., à savoir l'existence chez W... dans ces derniers temps, de ce que nous appellerons des attaques composées.
Dans toutes les attaques qui forment Y attaque composée, la période épileptoïde est la même ; seules la période clonique et la période de délire subissent des modifications.
Après la période épileptoïde de la première attaque, il y a un court repos; puis W... pousse un grand cri, se soulève, exécute les grands mouvements de la période clonique, suivis d'un nouveau moment de calme.
Enfin, W... s'asseoit tout d'un coup en se reculant
comme si elle était menacée d'un danger subit. Le visage offre l'expression d'une profonde terreur, les paupières sont largement ouvertes, les yeux hagards, le bras droit est demi-fléchi, placé parfois au-devant du cou, à l'instar d'un bouclier. « Maman ! maman ! Oh ! ce lion! » s'écrie la malade. Si l'on provoque le retour de la connaissance à l'aide de la compression ovarienne, et que l'on interroge la malade, elle raconte qu'elle se promenait dans une forêt, qu'elle était avec un jeune homme, que les oiseaux chantaient, qu'elle était heureuse, quand soudain elle aperçoit un lion énorme, dont les yeux d'un rouge de sang sont fixés sur elle. W... veut se sauver,, mais le lion fait un bond et saute à sa gorge qu'il déchire avec ses dents.
La compression étant suspendue, une nouvelle attaque survient. La période épilepîoïde a les caractères ordinaires. La période cIonique n'est constituée que par des mouvements de la tête, qui se soulève et retombe brusquement, en battant l'oreiller. Ensuite, W... se met en arc de cercle : le corps ne repose plus que sur le sommet de la tête, qui est renversée, et sur la pointe des pieds qui sont en varus équin, de telle sorte qu'entre la face postérieure du tronc et le lit, il y a un intervalle de 30 à 40 centimètres1.
W... conserve cette position durant près d'une minute; ensuite elle retombe lourdement sur son lit;
1 La Planche III donne une idée très imparfaite de l'arc qui n'a pu être photographié dans les attaques où il est le mieux caractérisé.
la lête se porte à gauche — ce qui est à peu près la règle — et une troisième attaque éclate : période épi-leptoïde habituelle ; — période clonique à petits mouvements. Alors, W... se tourne sur le côté droit; la figure est souriante, les paupières sont closes; les bras sont croisés étroitement sur la poitrine; la malade semble presser quelqu'un sur son sein. (Pl. V.) Bientôt, elle soupire, prononce des paroles inarticulées, puis elle dit : « Oh! non! c'est bête... » Elle rit.
Une quatrième attaque se produit : période épilep-toïde; — période clonique à grands mouvements. Ensuite, W... esquisse l'arc de cercle antérieur direct et retombe sur le côté droit, le corps étant toujours recourbé (arc antéro-latéral). Au bout de 40 à 50 secondes, nouvelle attaque reproduisant cette fois très exactement la première attaque.
A différentes reprises, nous avons constaté la régularité de ces attaques; nous avons essayé d'avoir des renseignements précis sur les scènes qui se déroulaient dans son délire, mais nous n'avons pas obtenu de réponses satisfaisantes : souvent W... refuse de faire des confidences.
A quelque période que ce soit, la compression de l'ovaire gauche arrête l'attaque et détermine le retour de la connaissance qui persiste aussi longtemps que dure la compression ; si on la suspend, ce n'est pas la fin de l'attaque qu'on observe, c'est
une nouvelle attaque qui se déroule. Et, comme chez W..., les attaques qui constituent ce que nous appelons les attaques composées , se succèdent dans un ordre régulier, méthodique, il s'ensuit qu'on peut produire en quelque sorte à volonté telle ou telle des attaques, en s'appuyant sur ce fait, fourni par l'observation, que la compression opérée au début d'une attaque en supprime toutes les autres périodes.
Supposons, par exemple, que W... soit à la période de délire de la première attaque de l'attaque composée, c'est-à-dire au moment où elle voit le lion : on comprime la région ovarienne gauche ; la conscience revenue, on suspend la compression; nouvelle attaque. On comprime cle nouveau, ce qui a pour résultat de supprimer Y arc de cercle antérieur. — On retire la main qui comprimait, troisième attaque; si, alors, on comprime encore, on empêche la période de délire, caractérisée par la scène d'amour, de se manifester. La même opération, à savoir, suspension de la compression, laisse apparaître la période épileptoïde de la quatrième attaque; la compression supprime l'arc de cercle antéro-la-téral. Si, après ces diverses manœuvres, on laisse l'attaque suivante évoluer librement, on assiste à une attaque qui présente tous les caractères de la première attaque de Y attaque composée.
Il est donc possible, chez W..., ainsi que nous l'a
vons constaté maintes fois avec notre ami le Docteur Blondeau, qui a fixé notre attention sur ces phénomènes, de supprimer ou de faire apparaître telle ou telle des quatre attaques qui forment Y attaque composée.
Telle est la marche générale des attaques chez W... Parfois, nous avons relevé des modifications plus ou moins temporaires de la période de délire et reconnaissant pour cause l'intervention d'événements récents. C'est ainsi que, durant quelque temps, nous avons vu s'ajouter à la série ancienne, deux attaques nouvelles : la période de délire, dans l'une, était silencieuse, — la malade, couchée sur le dos, restait immobile, concentrée en elle-même; — dans l'autre, elle s'asseyait sur son lit, terrifiée, s'écriant : « Oh! cette tête ! Otez la tête ! »
Nous ignorons ce qui se passe dans le délire de la première attaque surajoutée; en ce qui concerne la seconde, voici ce que nous avons appris : Un jour, le garçon d'amphithéâtre apporta au laboratoire, pour être photographiée, la tête d'une malade qui avait succombé à la suite des progrès d'une tumeur énorme, ayant occasionné une difformité considérable. W... s'étant introduite subrepticement dans le laboratoire, on n'eut pas le temps de couvrir cette tête : de là une violente impression que son imagination reproduit dans les attaques.
Nous ne nous arrêterons pas davantage sur ce phénomène que nous avons signalé et commenté déjà dans
5
d'autres observations 1 et nous terminerons l'exposé de ce qui a trait aux attaques par quelques mots sur les moyens dont on dispose aujourd'hui pour les arrêter.
Dans le cas actuel, la compression échouait à l'origine; les tentatives faites par M. Charcot, par nous, etc., demeuraient sans résultat, et cela parce que ni les uns ni les autres nous ne parvenions à vaincre la résistance des muscles de la paroi abdominale. Peu à peu, les tentatives ayant été renouvelées, nous sommes parvenus à vaincre cette résistance et à enfoncer la main au fond du bassin, c'est-à-dire à comprimer la région ovarienne, à sentir battre l'artère iliaque. Depuis lors, la compression ovarienne a toujours réussi à couper l'attaque en cours ; mais, dès qu'elle était suspendue, on voyait apparaître une nouvelle attaque. Ce n'est donc que par une compression prolongée qu'il était possible d'empêcher le retour des attaques : le compresseur remplissait ce but et tant qu'il était appliqué, la malade était tranquille. Toutefois, cette tranquillité n'était pas absolue, car W... sentait qu'elle était toujours sous le coup de ses crises, et qu'elles éclateraient aussitôt que l'appareil serait enlevé. D'où il ressort que le compresseur suspend Y état de mal hystéro-épileptique, mais ne l'arrête pas en réalité.
1 Bourneville. — Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie et l'hystérie, 1876; — Louise Lateau ou la stigmatisée belge, 1876; —Bour-neville et Regnard. — Iconogr. photogr. de la Salpétrière, t. Ier, 1876-77; t. II, 1877-78.
Ce résultat est obtenu par l'emploi d'agents d'un autre ordre, par des agents chimiques, L'éther réussissait dans les premiers temps; mais, peu à peu, son action s'est atténuée au point que, pour juguler les attaques, il fallait une dose énorme, ce qui entraînait une longue durée de l'inhalation. C'est ainsi qu'on a été conduit à administrer le chloroforme après avoir fait inhaler de l'éther pendant 10, 15 minutes, etc. Cette double anesthésie a été mise à contribution un grand nombre de fois chezW... Le chloroforme a été donné seul, à son tour, et son action est d'habitude rapide.
Soit dans le cas en discussion, soit dans d'autres cas, nous avons eu recours, avec des succès divers, au bromure déthyle, à Yiodure déthyle, au valérate d'amyle, à Y ammoniaque, et surtout au nitrite d'amyle.
De tous les agents que nous avons énumérés, le nitrite d'amyle est le plus efficace : avec lui, la série est d'ordinaire arrêtée d'une façon définitive, tandis qu'avec les autres, les attaques, suspendues momentanément, reparaissent après un répit de quelques minutes, d'une ou deux heures au plus.
L'une des complications des attaques de W..., la contracture, doit être relevée en quelques mots. Elle a affecté ◀tantôt▶ les membres du côté gauche (forme hémiplégique), ◀tantôt▶ les membres inférieurs (forme paraplégique) : ce sont là des variétés vulgaires. Mais, ce qui est plus curieux, elle a intéressé l'un des muscles
sterno-mastoïdiens et produit un torticolis hystérique : cette contracture, que nous avons déjà mentionnée dans plusieurs observations *, offrait des caractères particuliers chez W... En effet, une portion seulement du muscle était rigide. Rappelons enfin la contracture du sphincter de la vessie déterminant une rétention d'urine; — une contracture artificielle des muscles du larynx qui a disparu, grâce au chloroforme, après avoir résisté à diverses manœuvres.
DES RÉGIONS HYSTÉROGÈNES
Nous désignons sous le nom de régions hystérogènes des régions du corps, en général très circonscrites, au niveau desquelles une pression plus ou moins forte produit dans un temps variable, en partie ou en totalité, les phénomènes qui caractérisent l'attaque hystérique et qui jouent souvent et spontanément un rôle important dans Yaura hystérique.2
On doit les distinguer de la dermalgie, dans laquelle la sensibilité de la peau est non seulement exagérée mais encore douloureuse, le moindre contact déterminant une vive souffrance. Chez Marc..., aune certaine période de sa maladie, la simple application de la main sur n'importe quelle partie du tronc ou des
' Iconog. phot. de la Salpétrière, t. 1er, p. 53t hq- t. \\f p- ^gg. 2 L'aura hystérique comprend toutes les sensations qui annoncent l'approche de l'attaque.
membres, arrachait des cris de douleur1 . — Parfois, l'hyperesthésie cutanée est limitée à l'un des seins et l'attouchement le plus léger occasionne une sensation pénible 2 ; ou bien elle siège en même temps sur la muqueusedes orifices naturels, à la vulve, par exemple, comme nous l'avons vu chez Marc... que nous citions tout à l'heure. En pareil cas, suivant la remarque de M. Briquet, l'hyperesthésie, « loin d'être, comme on pourrait le penser, une cause d'excitation des organes génitaux, rend le simple contact tellement douloureux, qu'elle oppose un obstacle insurmontable au rapprochement des sexes3. »
L'un des caractères distinctifs les plus importants est le suivant : tandis que, dans la dermalgie, la sensibilité cutanée est exaltée, au niveau des régions hysté-rogènes la peau a généralement perdu toute sensibilité au toucher, au pincement, à la piqûre, etc.
Les régions hystérogènes ont une étendue qui varie entre un à deux ou trois centimètres de diamètre. — Celles que nous connaissons aujourd'hui occupent le siège suivant : 1° la ligne médiane de la tête, à partir de la réunion du frontal aux pariétaux jusqu'au sommet de la tête; — 2° le sternum; —3°et 4° l'un des espaces intercostaux, au voisinage du bord correspondant du sternum ou de l'épaule au-dessous de l'extrémité
1 Icon. phot. de la Salpétrière, t. Ier, obs. v, p. 108-143.
2 Ibid., t. II, obs. m, p. 187-196.
3 Traité clin, et thérap. de l'hystérie, p. 205.
externe de la clavicule; — 5° et 6° ou au-dessus ou en dehors des seins sur une ligne verticale qui descendrait du milieu de l'aisselle; — 7° ou au-dessus des seins; — 8° les apophyses épineuses de quelques-unes des vertèbres cervicales et dorsales ou leurs gouttières; — 9° la partie centrale des flancs; — 10° la région des ovaires; — et enfin, 11° le pli de l'aine, à quelques centimètres au-dessous de la crête de l'os iliaque. (Fig. I et 3):
Nous avons décrit les régions hystérogènes de W. . . et indiqué leur siège (p. 25). Lorsque cette malade est sous le coup de son attaque, qu'elle a ressenti les phénomènes lointains (aura médiate) (p. 23), elle éprouve une douleur au niveau de l'ovaire gauche, puis la sensation « d'une grosseur » qui va et vient de celte région au creux de l'estomac amenant une cons-triction pénible. Cette situation peut se prolonger pendant des heures, un jour au maximum : c'est la première phase de l'aura ovarienne. Ensuite, la boule oscille du creux de l'estomac à la partie inférieure du cou, en se compliquant de palpitations cardiaques. Deux conditions peuvent se présenter : « ◀tantôt▶, dit la malade, j'avale ma boule; ça fait un bruit dans ma gorge et l'attaque n'aboutit pas; ◀tantôt▶ au contraire, l'attaque éclate. » Dans ce dernier cas, durant le temps où la boule hystérique s'étend de l'épigastre au cou, il survient des élancements qui, partant de la région hystérogène latéro-mammaire gauche, forment en
s'irradiant une sorte de demi-cercle : c'est la seconde phase de l'aura ovarienne [aura hystêrogène); elle dure de 5 à 10 minutes tout au plus; enfin se manifestent les troubles céphaliques avec les caractères indiqués par M. Charcot : battements dans la tempe gauche, bourdonnements d'oreille, etc.
W... assure qu'elle n'a aucune douleur au niveau de la région hystérogène latéro-mammaire gauche quand l'attaque avorte et que, si cette région est prise, l'attaque est fatale.
Les régions hystérogènes sont plus ou moins nombreuses : il est des malades qui n'en présentent qu'une seule; d'autres en possèdent plusieurs. Nous trouvons un exemple du premier genre dans le fait suivant.
OBSERVATION II
Sommaire. — Grand-père alcoolique. — Père alcoolique ; intelligence médiocre. —Oncle paternel épileptique. — Grand'mère maternelle épileptique et alcoolique. — Pas de consanguinité. — Sœur morte de convulsions. — Une autre mise en correction jusqu'à vingt et un ans.
Attaques syncopales consécutives à une peur à quatorze ans, au moment de la première époque menstruelle. — Nouvelle émotion morale en août 1878 (seize ans) ; augmentation des attaques syncopales. — Première attaque hystéro-épileptique en décembre 1 878.
Hémianesthésie et hyperesthésie ovarienne gauches ; hémianalgésie droite (avril 1879). — AnesthéSie générale (août 1879).— Arrêt des attaques par la compression ovarienne gauche, par l'éther, etc.
Attaques de contracture. — Régions hystérogènes. — Sommeil. — Somnambulisme.
Pil... E..., lingère, était âgée de 17 ans à son entrée à la Salpètrière (service de M. Charcot) le 12 avril 1879. — Nous
laisserons de côté ses antécédents indiqués dans le sommaire pour ne décrire ici, avec détails que les régions hystérogènes (Fig. 1), leur relation avec l'aura, le sommeil naturel et le sommeil provoqué.
10 Clou hystérique. — Il siège au sommet de la tête, occupe une étendue de 4 centimètres de diamètre, est un peu plus large à gauche qu'à droite. A cet endroit, la traction des cheveux, le passage du doigt ne sont pas perçus. Une pression même modérée, le passage brusque du peigne, sont douloureux. Une forte pression calme la souffrance. Il existe une douleur spontanée presque continue, comparée par la malade à des picotements, à des coups de marteau. Elle offre des exacerbations accompagnées d'une tendance au sommeil, que P... apaise elle-même en appuyant. Ces exacerbations se montrent de préférence après les attaques ; avant, il n'y a rien de semblable. — La pression ne produit pas de crise con-vulsive, ni aucun des phénomènes de l'aura.
2° Région hystérogène sus-mammaire gauche, au niveau du 4e espace intercostal, un peu en dedans d'une ligne verticale qui passerait par le mamelon. Elle a les dimensions d'une pièce de un franc. La peau correspondante est insensible au toucher, mais sensible à la piqûre d'épingle, au pincement. Pas de douleur spontanée en dehors des attaques. La pression développe très promptement une grande attaque.
3° Région ovarienne gauche, où l'anesthésie est complète. Il n'y a pas de douleurs dans l'intervalle des attaques. Avant les crises convulsives, cette région, est le point de départ d'une sensation douloureuse, que la malade compare à une boule qui va et vient de là au creux de l'estomac où elle éprouve une constriction pénible. Cette première phase de l'aura dure au plus une demi-journée, 30 minutes au minimum.
La boule remonte ensuite jusqu'au larynx1, se complique de palpitations cardiaques : c'est pendant cette seconde phase
1 Chez beaucoup de malades la boule s'arrête à la partie inférieure du cou, au niveau de la fossette sus-sternale ; chez d'autres, comme chez P..., elle atteint jusqu'au larynx même.
— qui dure habituellement 10 minutes — qu'intervient la région hystérogène sus-mammaire : elle est la source d'une douleur vive, lancinante, qui n'irradie pas vers l'ovaire.
Une fois parvenue au larynx, l'aura précipite sa marche : les objets environnants paraissent tout rouges, et cela des deux côtés ; — la tête est lourde ; — les tempes sont le siège de battements, principalement la gauche ; il y a des sifflements dans les oreilles, surtout à gauche, enfin P... perd connaissance au bout de cinq minutes. — Il n'y a pas d'hallucinations. 1
Les attaques comprennent les périodes classiques : p. épi-lepto'ide très brève, ébauchée ; —p. clonique; arc de cercle;
— p. de délire, avec hallucinations (P... voit des rats, etc.) Parfois, attaques de contracture : après avoir ressenti les
prodromes ordinaires, la malade devient entièrement rigide : les jambes sont allongées et rapprochées ; les bras sont rigides et entre-croisés sur la poitrine, la connaissance est abolie. Au bout d'une heure et demie, P... est revenue à elle sans avoir eu de convulsions ni de délire. On voit que ces sortes d'attaques sont limitées à la phase tétanique de la période épileptoïde.
Sommeil. — Avant l'apparition des attaques syncopales2, le sommeil était bon ; à partir de cette époque (14 ans), sommeil agité, de courte durée. Si l'on en croit la jeune malade, elle aurait eu des insomnies très prolongées ; l'une d'elles aurait duré deux semaines. Elle n'a pas eu d'attaques de sommeil.
P... se couche à 9 heures, s'endort très difficilement, vers
1 P... a des points un peu sensibles en debors des seins, au niveau du rebord des fausses côtes gauches (latéralement), et du flanc correspondant : dans tous ces points, il n'y a qu'une douleur lancinante, sans aucun des phénomènes de l'aura.
2 Symptôme de ces attaques : nausées, vision colorée (elle voit tout en rouge), sueur froide dans le dos, pâleur du visage : « je devenais toute verte », puis, perte de connaissance. L'évanouissement durait 20 ou 30 minutes au début ; plus tard, il se prolongeait pendant 3 heures.
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il heures sans avoir devisions dans la période intermédiaire à la veille et au sommeil. Une fois endormie, elle a des rêves constants, les uns pénibles, les autres agréables. Les premiers roulent sur des scènes de meurtre ; des hommes inconnus veulent la tuer ; — elle revoit sa sœur, la scène dans laquelle elles se sont disputées, ou bien elle la voit se promenant avec un homme et lui cherche querelle1, dispute avec elle; — elle s'imagine qu'elle va se noyer2, etc. ; se réveille en sursaut, tout effrayée et ne peut plus se rendormir, « parce que ça lui revient toujours à l'esprit. » Elle ne parle pas tout haut. — Dans les rêves agréables, elle se promène avec ses camarades de pension, elle est dans un jardin, entend de la musique, etc. — Avant les attaques, le sommeil est encore plus troublé ; après, il est plus tranquille. — « Je ne suis pas dormeuse, dit-elle, et dès qu'on approche de mon lit, je me réveille. »
Dans la période de délire des attaques hystéro-épileptiques, elle assiste à ces mêmes scènes; de plus, elle s'imagine que sa sœur veut tout emporter de chez elle, bien qu'il n'y ait eu aucune tentative de ce genre, et elle veut la tuer ; elle voit son oncle, sa tante, son cousin Hippolyte, qu'elle « aime beaucoup». Les seuls noms qu'elle prononce, sont ceux de sa tante et de son cousin...
Sommeil provoqué. — 4 h. 45 : la malade est endormie par l'occlusion des paupières, avec l'application, sur les globes oculaires, des pouces, dont l'extrémité appuie sur la portion interne des arcades orbitaires. — 11 y a une certaine résistance, P... soupire, la respiration est anxieuse, parfois on note une longue inspiration; enfin, la malade, vaincue, s'endort; elle est dans la résolution la plus complète; soulevés, les membres retombent inertes ; l'insensibilité est absolue. Le pouls est à 124. — Des frictions légères pratiquées sur les
1 Elle n'a jamais vu sa sœur avec son amant.
- Reproduction d'une scène réelle qui a causé la première attaque syncopale.
muscles fléchisseurs des doigts et de l'avant-hras produisent une contracture artificielle dans la flexion, que l'on fait disparaître en pratiquant la même manœuvre sur les muscles antagonistes.
Catalepsie. — Les paupières, qui étaient closes, sont ouvertes. Les membres, le corps tout entier, prennent l'attitude que l'on veut et la conservent très longtemps. — On abaisse les paupières, aussitôt les bras qui étaient élevés tombent le long du tronc, P... fait une grande inspiration : elle est revenue dans son état primitif.
Sommation. — Alors, on peut provoquer la contracture des muscles (hyperexcilabilité musculaire). Nous déterminons une contracture du bras droit dans la demi-flexion. —• On écarte les paupières, il s'écoule des larmes en abondance ; la contracture persiste. On réveille P... en lui soufflant brusquement au visage. Elle conserve sa contracture. P. 108.
4 h. 56. P... est réendormie par surprise, c'est-à-dire en appliquant rapidement la main sur le front. Elle est, par conséquent dans la période de sommation ou de somnambulisme. En tapotant sur les muscles extenseurs des doigts et de l'avant-bras droit, on fait disparaître la contracture.
Des questions sont posées à la malade ; elle y répond. On ouvre les paupières droites, la parole est supprimée ; on referme l'œil droit, elle parle, compte 1, 2, 3, 4, 5, 6 ; à ce moment, on écarte les paupières droites, elle s'arrête aussitôt ; — on ferme ces paupières, elle reprend : 7, 8, 9, etc. Chaque fois qu'on écarte les paupières, P... a une secousse.
Hémi-somniation et hémi-catalepsie.— On ouvre les paupières droites: le bras correspondant, soulevé, conserve l'attitude qu'on lui a imposée; l'hyperexcitabilité musculaire a disparu. Et, comme les paupières gauches sont restées fermées, on note, de ce côté, l'absence de phénomènes cataleptiques et la présence de l'hyperexcitabilité musculaire, des contractures artificielles, etc.
Catalepsie; suggestion. — Les paupières des deux côtés sont ouvertes, P... est dans la période cataleptique. On place les membres, le corps, dans des attitudes menaçantes, suppliantes, etc. ; mais la physionomie ne subit aucune modification. (Il s'agit là de la suggestion par rapport aux attitudes de la malade elle-même).
On prend le regard, en plaçant deux doigts dans la direction des axes optiques (fascination), la malade suit du regard, en tournant la tête ; ses pieds ne tournent pas ; — l'approche des doigts jusqu'à son visage ne la fait ni reculer ni tomber.
Hallucinations provoquées. — L'expression de la physionomie n'est plus en harmonie avec les attitudes de la malade elle-même, mais avec les gestes, les mouvements de l'expérimentateur, ou la forme des objets. Après avoir saisi le regard de la malade, M. Regnard fait, avec les doigts, dans le voisinage des yeux, des mouvements rapides, simulant ceux des ailes d'un oiseau; P..., interrogée, dit : Ah ! un oiseau ! Puis on fait le simulacre de l'oiseau qui s'envole dans l'air ; P... s'écrie : Ah ! il est envolé !
On fixe son attention en bas et on exécute le mouvement d'écraser promptement quelque chose. Alors, P... a peur et dit : « Une bête!... » — Quelle bête? — « Un serpent. » La frayeur redouble.
M. Regnard attire son attention sur un des assistants, affirme qu'il a les yeux verts et rouges. Elle prétend que « ce n'est pas beau ». — On reproduit ensuite l'expérience du serpent, afin de distraire son attention; — puis, celle de l'oiseau; ensuite, on fixe son esprit sur Y assistant, en déclarant qu'il a un rond rouge autour des yeux ; enfin, on réveille P... en lui soufflant au visage. Elle regarde Yasssistant avec stupéfaction, se détourne en faisant la moue. Interrogée sur les motifs de sa conduite, elle finit par répondre que Y assistant est affreux et, après insistance, dit que c'est parce qu'il a un rond rouge autour des yeux, et que ceux-ci sont verts et rouges.
On réveille P... en lui soufflant au visage ; on la rendort par
surprise; on la réveille par la compression ovarienne droite. (Elle est actuellement insensible de tout le corps.)
Somnambulisme. — P... est réendormie par surprise : mouvement de déglutition accompagné d'un petit bruit ; pas d'écume. P. 108. Face colorée. Les paupières étant écartées, on observe que les pupilles sont dilatées, qu'elles sont contractiles, que les globes oculaires exécutent de petites oscillations. — Par instants, la respiration est plus fréquente, un peu haute. — Au bout de trois ou quatre minutes, on note un léger tremblement des mains. Le pouls (P.) est toujours à 108. La respiration (R.) s'accélère, arrive à 44 par minute ; P... semble être menacée d'une attaque. Pour la calmer, il suffit de prendre ses bras (passes des magnétiseurs) : la respiration se ralentit sur-le-champ.
M. Regnard la saisit par la main, qu'il lâche aussitôt ; elle le suit, fait le tour des obstacles (les paupières sont toujours fermées, en d'autres termes, P... est en somnambulisme). Dès qu'on fait le geste d'arrêt, P... devient immobile.
Hallucinations provoquées. — Les paupières écartées, les yeux sont dirigés artificiellement vers le ciel. Qu'y a-t-il là-haut? — Une Sainte-Vierge. — Gomment est-elle? — Elle a un voile..., un chapelet en argent. — Qu'a-t-elle dans les bras ? — Rien. — Qu'y a-t-il à ses pieds ? — Des roses, etc. — Le regard est dirigé vers la terre. Qu'y a-t-il là? — Une bête. — Non, c'est le diable. Elle se sauve, dit qu'il est noir, qu'il a des griffes.
Quand cette malade a été endormie plusieurs fois, les manœuvres les plus simples suffisent pour l'endormir de nouveau. Que l'expérimentateur lui dise : je veux que vous dormiez, elle s'endort; —je veux que vous dormiez quand je frapperai dans ma main : — au bruit, elle s'endort.
Phénomènes consécutifs. —P... est énervée, agacée, se plaint de souffrir de la tête ; elle n'a aucune notion, ni du temps qui s'est écoulé depuis le début de ces observations, ni de ce qu'on lui a fait, ni de ce qu'elle a dit (5 h. 30).
Ainsi, dans Je cas qui précède, il n'existe qu'une véritable région hystérogène, placée au-dessus du sein gauche. Chez d'autres malades — et ce sont les plus nombreuses — les régions hystérogènes sont multiples. Alors, leur activité n'est pas la même : les unes répondent sur-le-champ à la plus légère excitation; — les autres ne déterminent d'attaques que si la pression a été énergique, et après un temps assez long; — enfin, il en est d'autres où la pression ne parvient à produire que quelques-uns des phénomènes de Y aura.
OBSERVATION III
Sommaire. — Mère hystérique. — Frère aveugle de naissance. — Cousine issue de germain hystérique. — Pas de consanguinité.
Cauchemars dans l'enfance. — Première attaque à douze ans, avant les règles. — Cho-rée. — Premier séjour à la Salpètrière : amélioration.
Hemiancsthésie et hyperesthésie ovarienne gauches (1878). —Attaques épileptiformes, puis attaques complètes, suivies de catalepsie. — Régions hystérogènes ; leur relation avec l'aura. — Sommeil. — Somnambulisme naturel. — Pas de clou hystérique.
Mat... E. Françoise, âgée de 20 ans, à son entrée à la Salpètrière (service de M. Delasiauve) le 27 décembre 1878. — Rien du côté du père. — La mère a eu pendant longtemps des attaques d'hystérie. — M... a eu sa première attaque à 12 ans. Elle offre une anesthésie complète de toute la moitié gauche du corps, avec troubles des sens spéciaux du côté correspondant. On trouve chez elle les régions hystérogènes suivantes :
1° Rachialgie au niveau des 8e, 9e, 10e vertèbres dorsales, prédominant sur les apophyses épineuses. La sensibilité existe dans les gouttières gauches des vertèbres correspondantes. Une
friction même modérée détermine aussitôt une attaque. (Fig. 2).
2° Région sous-mammaire. Elle siège à 2 centimètres à peine au-dessus du rebord des fausses côtes gauches, sur une ligne verticale qui passerait à un centimètre en dedans du mamelon. La peau correspondante est insensible. (Fig. 1). .
3° Région hystérogène sus-inguinale. — Elle occupe sur le pli transversal formé par le ventre qui est gros, une surface de 2 centimètres de diamètre, située à égale distance du milieu du pli de l'aine gauche et de la région ovarienne. A ce niveau, l'anesthésie est complète. Une pression d'intensité moyenne fait éclater une attaque complète.
i° Hyperesthésie ovarienne gauche, avec insensibilité cutanée.
Aura. — M... éprouve d'abord durant un temps variable (quelquefois une demi-journée), un malaise général; le ventre se gonfle considérablement, est le siège de « bouillonnements », de mouvements onduleux ; la face se décompose : « j'ai le bas de la bouche tout blanc et le pourtour des yeux tout jaune, » dit la malade. Elle a, de plus, des secousses dans les quatre membres (A. médiate). —Puis survient une douleur au niveau de la région hystérogène sus-inguinale gauche, laquelle gagne presque aussitôt la région ovarienne correspondante, d'où, part la sensation d'une boule qui monte au creux de l'estomac. Cette première phase dure 2 ou 3 heures.
Ensuite, M... a des palpitations cardiaques; la boule hystérique va et vient du creux de l'estomac à la partie antérieure du cou, dans toute sa hauteur, mais prédomine au-devant du larynx. C'est pendant cette phase (5 minutes), que la région hystérogène sous-mammaire, — qui auparavant était déjà le siège de picotements — intervient à son tour ; il s'y manifeste des élancements très pénibles « qui se promènent tout autour du sein. » L'attaque, à ce moment, est inévitable et, au bout de quelques minutes, les troubles céphaliques se développent, aboutissant promptement à la perte de la connaissance.
La rachialgie n'intervient pas dans le développement de l'aura. La pression sur les apophyses vertébrales correspon-
dantes doit être assez vigoureuse pour amener une attaque ; elle n'est pas, d'ailleurs, immédiate; M... a d'abord des se-
Fig. 1.
cousses, change de couleur et les convulsions n'éclatent que 10 à 15 minutes après l'excitation.
La pression sur la région sous-mammaire agit plus vite ; mais la zone hystérogène par excellence c'est la région sus-
Fiff. S.
inguinale : là, une pression modérée détermine en quelques secondes une attaque parfaitement caractérisée.
7
La compression ovarienne arrête les attaques à la condition d'être très énergique et prolongée, et de porter sur les deux régions ovariennes ; elle est difficile à pratiquer, en raison de la distension énorme du ventre (tympanite) et de la tension des muscles abdominaux. — Une forte pression sur la région sous-mammaire donne les mêmes résultats.
Sommeil. — Avant d'être sujette aux attaques d'hystéro-épilepsie, M... était très impressionnable, colérique et avait de fréquents cauchemars : des hommes lui faisaient peur, la menaçaient ; elle parlait tout haut.
Depuis qu'elle est malade, le sommeil est encore plus mauvais. Lorsqu'elle était chez ses parents, il lui est arrivé de se lever la nuit, de sortir par une fenêtre, d'aller sur les toits et cela sans en avoir conscience (somnambulisme). Elle aurait eu, aussi, à la suite d'une série d'attaques, un sommeil cataleptique qui aurait duré deux jours.
Elle s'endort quelquefois dès qu'elle est couchée, le plus souvent au bout d'une heure, et ne voit pas de fantômes dans la période intermédiaire à la veille et au sommeil.
Une fois endormie, elle a des rêves effrayants : on l'assassine, on la trompe, on essaie de l'égorger, elle tombe dans l'eau, elle appelle au secours ; ou bien elle voit la Salpêtrière en flammes, et elle crie : « Au feu ! » Elle récite tout haut les scènes des romans qu'elle a lus, ce dont elle est incapable dans l'état de veille. Elle se réveille fréquemment en sursaut, effrayée. D'autres fois, elle a des rêves gais : elle est avec ses amies, habillées de robes blanches, elle entend les cloches qui sonnent à toute volée ; — elle est au bal, en partie de plaisir, etc.
A la veille des attaques, le sommeil est plus agité, compliqué de sursauts, de rires nerveux sans motifs. — Après les attaques, il est plus tranquille et si, comme cela a eu lieu plusieurs fois, elle est deux, trois mois ou davantage sans avoir de crises, le sommeil est relativement calme et assez long.
Sommeil provoqué ou léthargie. — On endort M... par le regard : battement des paupières, état d'impatience, lar
moiement; puis, la tête s'incline lentement, les yeux se portent en haut, les paupières se ferment, papillottent ; résolution complète.
Contrairement à ce qu'on observe chez la plupart des autres malades, M... ne présente pas à'hyperexcitabilitémusculaire ; elle est dans l'état cataleptique. (D'habitude, elle reste les yeux ouverts). — Le corps, les membres, prennent et conservent toutes les attitudes qu'on leur donne. — Malgré cela, on retrouve chez elle quelques-uns des phénomènes du somnambulisme. Ainsi, elle répond aux questions qu'on lui pose. Qu'avez-vous fait aujourd'hui? Des chemises. — Combien gagnez-vous ? 40 centimes. — Que voyez-vous ? C'est tout gris.
— Où êtes-vous? Dans le laboratoire, etc.
Pas d'aphasie ni d'hallucinations provoquées, ni de suggestion. — Durant toute la durée de l'expérience, il y a du nys-tagmus et du larmoiement. Pour la réveiller, il faut souffler vivement et plusieurs fois sur la figure.
On la rendort — plus vite que tout à l'heure — en appuyant les pouces sur l'extrémité interne des arcades orbitaires, la tête étant penchée en arrière afin de faire porter les globes oculaires en haut. — On la réveille par la compression ovarienne gauche, et on la rendort par surprise en projetant vivement la main vers la face. — On la réveille en projetant de l'eau sur les joues, et on la rendort à distance : il y a une sorte de lutte, un léger froncement du sourcil, du muscle frontal, etc.
— Ni au moment où elle s'endort, ni au moment où elle se réveille nous n'avons noté de stertor.
Phénomènes consécutifs. — M... se plaint de nausées et d'une sensation de froid, et, de fait, elle frissonne.
L'irrégularité que nous observons chez M... trouve peut-être son explication dans ce fait que, dans les attaques, elle a fréquemment des phénomènes cataleptiques, ainsi que nous l'avons dit plus haut.
Attaques. — Les attaques ont subi diverses modifications. Pendant les deux premiers mois, elles étaient absolument limitées à la période épileptoïde.
a) Phase tonique. — Les paupières sont animées de petites palpitations, puis s'ouvrent largement. Les yeux se dirigent en haut. Les pupilles, qui étaient normales, se dilatent modérément. M... pousse plusieurs cris sourds, rauques, ondulés et, en même temps, la face et la tête se portent à droite. La bouche, restée ouverte, laisse voir la langue immobile. — La respiration est suspendue. — Les bras, rigides, s'allongent, sans décrire de mouvement de moulinet, se rapprochent de l'axe du corps en comprimant l'un contre l'autre les seins, volumineux, au point de faire sur eux une empreinte des plis de la chemise. Les doigts sont fortement fléchis; les pouces placés entre l'index et le médius. — Les membres inférieurs sont dans l'extension et l'adduction.
b) Phase clonique. — La face se congestionne, les muscles des joues et des lèvres sont le siège de convulsions ainsi que ceux des paupières qui se ferment. La bouche, toujours ouverte, permet de voir la langue, dont la pointe est relevée vers le palais, agitée de mouvement de torsion. On note encore des bruits pharyngiens, une respiration saccadée, des mouvements tétaniformes des quatre membres, également très prononcés des deux côtés, et auxquels succèdent quelques larges secousses cloniques des bras1.
c) Phase de stertor. — Enfin, la bouche se ferme, et des commissures labiales s'écoule une écume assez abondante et quelquefois sanguinolente.
Dans Yintervalle des attaques, ainsi que dans la phase de stertor 2, la rigidité générale persiste, mais est moins intense que durant la phase tonique. Des secousses soulèvent les membres, principalement ceux du côté gauche.
Ces attaques — les seules pendant quelque temps — étaient constamment multiples, au nombre de 100, 150 en 24 heures;
* Dans quelques attaques, le bras gauche est seul le siège de ces convulsions cloniques.
* Nous préférons cette dénomination à celle de phase de résolution, parce que, en réalité, il n'y a pas de résolution puisque le corps et les membres demeurent rigides tant que dure Y état de mal.
elles constituaient un véritable état de mal dans lequel, du reste, .a température ne dépassait pas 38°.
Vers le milieu de février, survient une première modification : Les attaques se composent de la période épileptoïde, avec tous les caractères que nous lui avons assignés et des phénomènes suivants :
Après le stertor, on observe un court repos, durant lequel le ventre est le siège de mouvements et de bruits, et les seins ballotés ; puis la malade exécute des bruits de soufflet de plus en plus rapides, rappelant ceux de la locomotive qui se met en marche.
Ensuite, le corps se met en arc de cercle de telle façon qu'il ne repose plus que sur la nuque et les talons et que, entre le dos et le lit, il y a une distance de plus de 60 centimètres. Au bout de 10 secondes, la malade retombe sur le lit et recommence ses bruits de soufflet, non plus doux comme tout à l'heure, mais aigus, stridents. Peu à peu les bruits redeviennent doux; il survient un court repos et la malade pousse des « couacs » auxquels succèdent un cri douloureux et des ah! ah! : une nouvelle attaque éclate.
Enfin une nouvelle modification s'est produite et M... a des attaques complètes avec les trois périodes : p. épileptoïde, p. clonique et p. de délire.
Catalepsie.—Après les attaques complètes, M... reste souvent dans un état cataleptique ; ainsi, le 19 août 1879, elle a une attaque épileptiforme vers 9 heures et demie, et jusqu'à 11 heures elle a conservé la situation suivante : face naturelle, paupières closes, yeux en haut, ◀tantôt▶ à gauche, ◀tantôt▶ à droite, insensibles au toucher; nystagmus; pupilles normales, peu contractiles. Les membres offrent un certain degré de raideur, facile à vaincre et conservent l'attitude qu'on leur impose, les jambes pendant 5 minutes, les bras durant 8 minutes.
On voit que, chez M..., il y a trois régions où une pression, plus ou moins intense, détermine en un
temps plus ou moins long, une attaque hystéro-épileptique ; en un mot, que ces régions ont une intensité variable. Chez elle, de même que chez beaucoup d'autres malades, tous les points hystérogènes occupent le côté anesthésié : ils sont tous à gauche, et, à cet égard, son cas est régulier. Afin de ne laisser subsister aucun doute dans l'esprit du lecteur, nous allons rapporter brièvement un autre fait, d'une précision et d'une régularité remarquables.
OBSERVATION IV
Sommaire. — Père alcoolique. — Mère nerveuse, alcoolique. — Pas de consanguinité. — Frère atteint d'épilepsie absinthique.
Ophtalmie purulente consécutive à la rougeole (six ans) et suivie de cécité presque absolue.—Idées mélancoliques.— Attaques syncopales (treize-quatorze ans). — Début des grandes attaques à vingt-trois ans après une contrariété.
Etat de la malade en 1876 : troubles digestifs. — Hémianesthésie et hyperesthésie ovarienne gauches. — Suspension des attaques pendant 5 mois après une inhalation de nitrite d'amyle.
Régions hystérogènes ; leur rôle dans l'aura. — Sommeil ; influence des attaques. — Délire de l'éthcr.
Dr... Aug..., était âgée de trente ans lorsqu'elle est entrée àlaSalpêtrière(servicede M. Charcot) le20janvier 1876.—Nous ne prendrons de son observation que les parties qui ont trait aux régions hystérogènes et au sommeil. Dr... est hémianesthé-sique du côté gauche.
1° Clou hystérique. — Il est situé au niveau du vertex *, s'étend de chaque côté de la ligne médiane, davantage à gauche, et a une largeur égale à celle d'une pièce de 2 francs. La pres-
1 Sommet de la tête.
sion est très douloureuse : « Ça me porte au cœur, ça m'étouffe et je sens quelque chose qui monte du ventre au cœur. » Si on appuyait fortement, la malade croit qu'elle aurait une attaque. — Il existe, à cet endroit, une douleur spontanée, très aiguë, contusive. Le passage brusque du peigne est douloureux. Le contact, le grattage, la traction des cheveux sont indolores ; en un mot, sauf à droite, la sensibilité de la peau est abolie. Les cheveux tombent un peu partout et au même degré dans la portion du cuir chevelu qui répond au clou hystérique. (Fig. 2.)
2° Rachialgie. — Occupant l'apophyse épineuse de la septième vertèbre cervicale ; la gouttière gauche est sensible à la pression qui est de nul effet dans la gouttière droite. La sensibilité de la peau au toucher, à la piqûre, etc., est détruite dans la région correspondante à la rachialgie. C'est là où la pression détermine surtout et promptement une attaque hystéro-épileptique. Il n'y a pas de douleur spontanée.
3° Zone intercostale gauche, dans le huitième espace intercostal, à 5 centimètres de l'épine dorsale, de 1 centimètre de diamètre. Anesthésie. Ni douleur spontanée, ni attaque provoquée. (Fig. 2.)
4° Point douloureux au centre du flanc gauche. La pression donne lieu à une sensation d'étouffement. Pas d'attaque (?).
5° Hyperesthésie ovarienne gauche, avec insensibilité de la peau. La pression ne détermine pas d'attaque. La compression ovarienne réussit très aisément à mettre fin aux crises convul-sives. — Nous n'avons pas découvert d'autres régions hystéro-gènes.
Aura. — Pendant un jour, quelquefois deux jours, la région ovarienne gauche est le siège de douleurs lancinantes « comme si on traversait le ventre avec des aiguilles. » Arrive ensuite la sensation de boule qui monte à l'épigastre ; cette sensation, toujours ascendante, au dire de la malade, se répète plusieurs fois et occasionne un sentiment de constriction au creux de l'estomac. Cette montée de la boule durerait environ 15 minutes.
Puis, D... a des palpitations cardiaques, la boule va de l'épigastre à la partie inférieure du cou où elle détermine de la suffocation. C'est à ce moment qu'intervient la zone hystérogène rachidienne ; son intervention se manifeste par des élancements surplace. « Quand je suis prise au cou et entre les épaules, déclare la malade, l'attaque n'est pas 5 minutes à venir. » En effet, les troubles céphaliques se succèdent promptement : douleurs dans les orbites, flammes devant les yeux, battements dans la tempe gauche, « soufflements et brouhaha » dans l'oreille du même côté et finalement perte de connaissance.
La région hystérogène rachidienne ne manquerait jamais de jouer un rôle dans l'aura. Le clou hystérique et la zone intercostale n'y participeraient pas.
Sommeil. — D... ne s'endort guère que vers minuit, soit 3 heures au moins après qu'elle est couchée. Quand elle est sur le point de s'endormir, elle a des secousses dans les membres du côté gauche, des inquiétudes dans les deux jambes, principalement la gauche ; elle s'imagine aussi qu'on lui parle. Aussitôt qu'elle s'endort, elle a des rêves, les uns agréables, les autres pénibles :
1° Elle voit des hommes qui lui font des propositions qu'elle accepte ; ◀tantôt▶ ce sont les hommes avec lesquels elle a eu des relations, ◀tantôt▶ des hommes « inconnus. » Elle éprouve des sensations voluptueuses et se réveille « en train... » ;
2° Ou bien, elle aperçoit des hommes qui lui font des grimaces parce qu'elle refuse de céder à leurs désirs ; elle voit des bières, des morts, tombe dans les précipices, dégringole du haut des falaises, est enlevée par la mer, etc. Elle essaie de se retenir, veut crier, n'y parvient pas et se réveille en sursaut.
Avant les attaques, le sommeil est encore plus agité et c'est après elles qu'il est comparativement tranquille.
D... se réveille 5 ou 6 fois chaque nuit et ne se rendort que très difficilement. Quelquefois même, le sommeil ne revient pas. Les plus longues insomnies complètes n'ont point dépassé deux nuits ; elle n'a pas eu d'attaques de sommeil.
Action de Téther. — Lorsqu'elle a fait quelques inspirations, sa physionomie exprime le plaisir et il est assez facile de la faire causer. Elle voit son « Alphonse. » « Dans ce temps-là, j'étais jeune, j'avais dix-huit ans. » Il lui semble qu'il est là, qu'il l'embrasse ; elle éprouve des sensations génitales analogues à celles que produisent les rapports réels et que décèlent d'ailleurs certains mouvements. « Je ne devrais pas dire cela » répète-t-elle après chaque confidence. « Quand je suis malade, je le vois toujours. J'en ai connu d'autres, mais je n'ai jamais aimé que lui. »
D... est un peu excitée, comme au début de l'ivresse ; la figure est colorée, la parole est vive, haute, souvent irrespectueuse, contrairement à ses habitudes. Ses mouvements sont brusques. Elle cause en quelque sorte malgré elle. « Yoilà trois nuits que je ne dors pas..., je n'ai pas dormi 2 heures par nuit... Je vois des hommes... Il y a bien des choses que jene vous ai pas dites... Il y ades choses quejevous ai cachées.»
Invitée à parler, elle raconte que pendant la Commune elle était chez des sœurs, qu'un jour elle est allée avec deux de ses compagnes savoir ce que les fédérés faisaient dans le couvent de la rue de Reuilly, qu'elles ont été arrêtées sous prétexte d'espionnage. Ensuite elles ont essayé de se sauver. Un fédéré lui a mis le pistolet sous la gorge la menaçant de la tuer si elle voulait encore s'enfuir. Quelques jours plus tard, elle aurait eu des rapports avec l'un des fédérés. « C'est une chose forcée que j'ai faite avec cet homme ; cependant il n'était pas mal... Quand j'ai mes attaques, je le revois, il me fait peur..., je crois avoir le pistolet sur le cou.... » Elle revient à elle peu après qu'on a cessé l'inhalation. — En résumé, l'éther produit surtout des sensations agréables.
Ces deux dernières observations peuvent être considérées comme nous fournissant des types réguliers des régions hystérogènes multiples, en ce sens que ces régions occupent exclusivement le côté de l'hémianes-
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thésie et de l'hyperesthésie ovarienne. Parfois, les zones hystérogènes sont doubles et symétriques ; — dans certains cas, une région hystérogène siège du côté de rhémianesthésie et on en trouve une autre du côté opposé ; — dans d'autres cas, également exceptionnels, il est vrai, les régions hystérogènes occupent toutes le côté où la sensibilité persiste. Nous allons rapporter des exemples de ces deux variétés.
OBSERVATION V
Sommaire. — Père et oncle paternel alcooliques. — Mère sujette aux migraines. — Cousin issu de germain idiot. — Pas de consanguinité.
Accidents scrofuleux. — Emotions morales vives. — Fuites répétées suivies d'arrestations par la police des mœurs. — Rapports sexuels. — Début des attaques.
Etat de la malade en janvier 1879 : hémianesthésie gauche. — Hyperesthésie ovarienne droite, etc. — Aura.
Métalloscopie : sensibilité zinc. — Phénomène du transfert. — Retour et persistance de la sensibilité.
Description des attaques. — Influence de Ve'ther, du chloroforme, du bromured'e'thyle, du vale'rate d'amyle, du nitrite d'amyle, de Y ammoniaque, de V électricité.—Modifications de la température, des sécrétions.
Electrisation : retour partiel de la sensibilité cutanée, de la notion des couleurs. — Transfert.
Régions hystérogènes : ovaralgie, rachialgie, région latéro-mammaire droite. — Influence de la pression. — Rôle des régions hystérogènes dans Y aura.
Du sommeil en dehors des attaques, avant et après les attaques : cauchemars, rêves agréables.
P... Adeline était âgée de 20 ans à son entrée à la Salpêtrière (service de M. Delasiauve) le 19 novembre 1878. Nous avons eu l'occasion de l'observer lorsque nous remplacions notre vénéré maître.
Père, ouvrier en paillassons, mort en 1878, à l'âge de 53 ans : il était un peu nerveux, violent et commettait des excès de bois-
son (vin surtout, plus tard absinthe). L'un de ses frères était également alcoolique ; un autre a succombé à des accidents cérébraux dans sa vingtième année.
Mère, cuisinière, 50 ans, très impressionnable; elle a quelquefois des migraines, n'a jamais eu d'attaque de nerfs, elle est médiocrement intelligente et paraît avoir des idées hypo-chondriaques, un de ses cousins germains était «comme idiot.»
Pas de consanguinité.
6 enfants : 1° garçon mort à 7 mois, on ne sait de quoi; 2° fille, âgée de 22 ans, bien portante;— 3° notre malade; — 4° fille morte du croup à 17 ans, — 5° fille, 13 ans et demi; chétive ; — 6° fille âgée de 10 ans, bien portante, a eu beaucoup de convulsions dans l'enfance et une paralysie des paupières fptosisj.
Adeline est née à terme, a été allaitée par sa mère jusqu'à 14 mois, a marché et parlé à 15 ou 16 mois. Durant son enfance elle a eu :1a rougeole vers quatre ans ; des écoulements d'oreille, des ophtalmies graves; pas de convulsions. — Elle est allée à l'école jusqu'à 14 ans, mais n'a pas appris grand'chose ; elle était capricieuse.
Les règles ont paru à 14 ans, après quelques coliques. Elles sont régulières, abondantes, durent deux jours et s'accompagnent d'abattement et de douleurs dans le ventre et la tête. — Onanisme présumé.
Placée à 15 ans et demi chez un marchand de comestibles, elle fut obligée de traîner une voiture, et comme on se moquait d'elle dans le quartier, elle se plaignit à son père delà besogne qu'on lui imposait ; celui-ci vint aux informations, et donna tort à sa fille; quelques jours après, ayant touché 25 francs qui lui étaient dus pour son mois, P... se sauva.—Elle se réfugia dans un hôtel meublé d'un quartier excentrique, et, pour gagner sa vie, allait éplucher deslégumes auxHalles centrales. Elle gagnait 3 francs chaque nuit. C'est là que sa mère la retrouva 48 jours après sa fuite. On l'avait fait rechercher en vain par la police.
Rentrée chez ses parents, elle a travaillé avec eux à faire des tapis. Elle avait souvent des discussions avec son père. Au
bout d'un an, ayant noué des relations avec un M. Paul, elle s'enfuit de nouveau ; vécut 3 semaines maritalement avec son amant; fut arrêtée par deux agents de la police des mœurs, conduite à la préfecture de police, examinée au spéculum et rendue à sa famille qui la mit en correction au couvent de Saint-Michel.
Trois mois plus tard, elle revient à la maison paternelle, est envoyée chez une plumassière demeurant dans le voisinage. Bientôt, elle se sauve; le lendemain, son père la découvre â la foire aux pains d'épice, montée sur un cheval de bois.
Peu de temps après, Adeline s'enfuit à Neuilly où elle demeure cachée dans un hôtel, vivant avec une autre jeune fille1, venant travailler à Paris. Elle fut arrêtée de nouveau par les agents de la police des mœurs et conduite par ses parents au couvent Saint-Michel. Durant son séjour dans cette maison, elle a eu une fluxion de poitrine.
Quelque temps après, elle retourne chez ses parents, s'enfuit encore une fois. Un jour, elle est invitée par deux femmes de mœurs légères à venir prendre le café chez elles. Là, elle trouve un homme qui l'avait poursuivie les jours précédents; elle résiste à ses désirs, veut s'en aller ; l'homme cherche à la retenir, elle se bat avec lui, lui échappe et est prise de sa première attaque en descendant l'escalier, (Souvent dans son délire, elle revoit cet homme).
Bientôt la police s'empare d'elle; on la met à Saint-Michel. Un mois après sa première attaque, elle en a une nouvelle. Les sœurs la'rendent à sa famille ; des querelles surviennent entre elle et sa sœur. Elle se sauve encore, est ramassée quelques jours plus tard par les agents des mœurs, menée à Saint-Michel d'où elle a été dirigée sur la Salpêtrière parce qu'elle avait des attaques tous les jours.
Vers 15 ans et demi, elle a eu une peur très vive occasionnée par son père qui, rentré ivre, tenta de se couper le cou avec un rasoir. Cette scène l'a bouleversée, elle était pâle, jetait des cris épouvantables, «avait les sens tournés». Toutefois, elle
1 Pas de saphisme, ni de rapports sexuels, à son dire.
n'aurait pas perdu connaissance. Enfin, 5 ou 6 mois plus tard, elle aurait eu une discussion très vive avec un de ses patrons qui l'accusait, à tort, d'avoir volé un couvert d'argent. Elle avait ses règles qui se sont arrêtées.
Malgré ses fuites plus ou moins justifiées et qui ont motivé son arrestation à maintes reprises, sa conduite n'aurait pas été aussi mauvaise qu'on peut le supposer. Sa mère pense qu'elle n'aurait eu de rapports sexuels que pendant deux de ses absences. Elle est douce, affectueuse, « a un cœur excellent1».
1 Nous avons voulu savoir si les renseignements que nous avait donnés la malade étaient exacts et nous avons obtenu les notes suivantes : « La fille P..., A...-M...-J..., âgée de 21 ans, plumassière, née à Paris, a été arrêtée 5 fois par le service des mœurs dans les circonstances suivantes : Io Le 25 août 1876, pour fait de débauche, à 4 heures du soir, chez un marchand de vins de la rue Soufflot. Elle demeurait alors 26, rue Dupin. Elle a été relaxée et rendue à sa mère; — 2° Le 2 juin 1877, sur le boulevard Haussmann, pour racolage, à 1 heure 1/2 du matin. Elle a déclaré demeurer rue Dauphine. A la suite de cette arrestation, elle a été l'objet d'une ordonnance de correction; — 3° Le 30 décembre 1877, sur le boulevard Saint-Michel, où elle racolait à minuit. Elle demeurait alors rue Daguerre. Le 3 janvier 1878, une nouvelle ordonnance de correction à six mois fut rendue contre elle; — 4° le 20 juillet 1878, pour provocation à la débauche, à 1 heure du matin, dans la rue Scribe. Elle fut encore envoyée en correction pour six mois ; — 5° En juillet 1879, à 10 heures du soir, pour racolage dans le bois de Boulogne.
« La nommée P... a été séquestrée le 15 octobre 1878, à l'asile de Sainte-Anne, comme étant atteinte d'hystéro-épilepsie. Transférée le 20 octobre à l'asile de la Salpêtrière, elle s'en évada le 6 juillet 1879, et fut arrêtée huit jours après pour être réintégrée à Sainte-Anne, le docteur Lasègue l'ayant reconnue aliénée; aurait été traitée à Saint-Lazare comme syphilitique. »
Cette note confirme les renseignements que P... nous a fournis en les complétant sur certains points et en les exagérant fort probablement sur d'autres. C'est ainsi que, malgré des examens répétés, depuis deux ans, nous n'avons jamais découvert la moindre trace de manifestation syphilitique. La peau est absolument immaculée; l'aspect général excellent. Ce n'est pas pour satisfaire une vaine curiosité que nous avons demandé ces renseignements ; c'est parce que nous tenions à vérifier, comme nous l'avons toujours fait, les dires de la malade et, si nous les avons consignés ici, c'est afin de montrer une fois de plus combien ces malades commettent d'actes irréguliers dans lesquels il est difficile de faire la part de la maladie. Certes, P... est loin de ressembler aune débauchée, ainsi que les arrestations nombreuses qu'elle a subies porteraient à le croire.
1879.19 Janvier. — P... est grande, a la peau blanche, les cheveux châtains, les traits réguliers, une physionomie agréable. Le regard, humide, a quelque chose de particulier. —Elle a une bonne tenue, un langage réservé ; elle est très douce et laborieuse.Elle sait lire, écrire; la mémoire est assez bonne; toutefois, l'intelligence est plutôt au-dessous de la moyenne.
Les seins sont développés. — Le système pileux est assez abondant.
La sensibilité est normale à droite. A gauche, anesthésie complète.
Sens spéciaux. — Ils sont normaux à droite. — A gauche, la vision est affaiblie ; mais il n'y pas de phosphènes. Le violet et le noir ne'sont pas perçus. Léger strabisme convergent à gauche. — L'ouïe est très obtuse (otite ancienne) ; — Yodo-rat est moins fin ; — il en est de même du goût.
A gauche, les muqueuses oculaires , vulvaire sont insensibles;
— les muqueuses auriculaires, nasale et buccale n'ont qu'une sensibilité obscure.
Contrairement à ce qu'on observe chez la plupart des hystériques, les fonctions digestives, chez P..., s'accomplissent régulièrement; parfois, pourtant, elle a des crampes d'estomac; — pas de vomissements.
La respiration est régulière, P... a eu plusieurs bronchites, sans hémoptysie. — Le pouls est assez petit, 64-68; les battements du cœur sont un peu faibles, sans bruit de souffle. De temps en temps, P... a des palpitations. Les muqueuses sont pâles.
Les règles sont irrégulières, reviennent à des époques trop rapprochées. Elles sont abondantes pendant deux jours et annoncées par des douleurs dans le bas-ventre et dans les reins.
— Pertes blanches fréquentes.
Aura. — 5 à 10 minutes seulement avant les attaques. P... a une douleur au niveau de la région ovarienne droite, qu'elle compare à des tiraillements et à des élancements. Ensuite elle sent quelque chose d'indéfini qui monte vers le creux
de l'estomac. A partir de ce moment, tout est confus. Il résulte de ces renseignements que l'aura n'a qu'une très courte durée.
10 janvier. — Application pendant 20 minutes de plaques de zinc au-dessous du coude droit dans une hauteur de 6 centimètres. — La sensibilité n'est pas revenue dans la région symétrique gauche.
11 janvier. — L'anesthésie persiste au-dessous du coude droit. — Application de plaques de zinc sur-l'avant bras gauche durant 15 minutes, pas de modification.
13 janvier. — La plaque anesthésique droite persiste. — Après s'être assuré de l'existence de l'anesthésie sur la jambe gauche, on applique un collier de plaques de zinc autour du mollet. Aucun changement en 15 minutes.
14 janvier. — Application des plaques de zinc sur la jambe gauche (9 h. 1/2). A 10 3/4, la sensibilité commence à revenir au niveau des plaques. Peu à peu, la zone semble s'agrandir et finit par avoir 6 centimètres de hauteur. — Le transfert s'est opéré : à droite (côté sain), la sensibilité est abolie dans la région qui correspond à celle où la sensibilité a reparu du côté gauche. — A trois heures de l'après-midi, mêmes phénomènes que ci-dessus.
15 janvier. — La sensibilité a reparu à droite, l'anesthésie a envahi de nouveau toute la jambe gauche. —A 10 heures et demie, application de plaques de zinc au-dessous du pli du coude à 11 heures 3/4, retour de la sensibilité dans une hauteur de 5 centimètres environ, anesthésie dans la région symétrique droite (Transfert.)
16 janvier. La sensibilité existe depuis le coude jusqu'au poignet gauche et au-dessus du coude dans une hauteur de 4 ou 5 centimètres en avant, de trois centimètres en arrière. — A droite, la sensibilité est normale sur tout le membre supérieur.
17 janvier. — Sensibilité normale sur toute la moitié droite du corps. — A gauche, la sensibilité est revenue sur tout le bras et sur le tronc, en avant et en arrière, jusqu'à la ceinture, à la face et au cou. — Dans les régions qui ont recouvré la
sensibilité, les différentes excitations sont moins nettes qu'à droite. — L'amblyopie persiste à gauche.
19 janvier. — Etant à l'église, P... a eu une attaque syncopale, suivie d'une amaurose complète 1 .• elle ne voyait plus du tout, on a dû la conduire comme une aveugle. Au bout d'une heure et demie, seconde attaque syncopale qui a duré 10 minutes et après laquelle la vision a reparu à droite.
21 janvier. — Il n'a été fait aucune application nouvelle. — l/anesthésie a envahi de nouveau le cuir chevelu, la face et le cou à gauche. La sensibilité est conservée sur le thorax, de la clavicule à la ceinture, et sur le bras gauche jusqu'au poignet. La main est insensible (transfixion, etc.). — Uamblyopie est toujours très prononcée à gauche ; de ce côté, P... ne distingue qu'une ombre.
24 janvier. — La malade a été prise d'une série d'attaques ce matin à 8 heures et demie. Dans l'intervalle des crises, elle présente l'état suivant :
La tête est dans l'extension à peu près directe ; la face est fraîche, les joues sont roses, les paupières presque fermées; les yeux dirigés en haut, les pupilles dilatées, les lèvres entr'-ouvertes, les mâchoires contracturées. — Le cou est violemment tendu, gonflé.
Les membres supérieurs sont rigides, allongés, les doigts fléchis, le pouce placé en dehors. — Les membres inférieurs sont rigides, allongés, rapprochés; les pieds en varus équin.
De temps en temps, on remarque des secousses qui soulèvent les épaules, les bras, ou la tête.
Attaque. — a) Phase tonique. — La tête se déplace, la face se porte fortement à droite ; la bouche s'entr'ouvre et la malade pousse un cri étouffé. Les paupières sont animées de palpitations. La rigidité générale augmente, sans qu'il y ait de mou-
1 Nous avons parlé maintes fois de Vamaurose hystérique, entre autres dans le t. Ier de Ylconog. phot. de la Salpêtrière, p. 129 et 151 ; —Rech. clin, et thérap. sur l'épilepsie et l'hystérie, obs. de Ler... et d'Etch..., p. 122, 146, 166.
vement de moulinet des bras. La phalange du pouce se met dans l'extension forcée (subluxation) et la phalangette à angle droit sur la phalange.
b) Phase clonique. — Puis surviennent du mâchonnement, des mouvements de protraction et de rétraction de la langue, des secousses tétaniformes dans les membres supérieurs, des mouvements de latéralité de la tête et quelques convulsions cloniques courtes.
c) Phase destertor. — La respiration, qui avait été suspendue durant la première phase, se précipite, et la bouche laisse sortir un peu d'écume.
A la fin des attaques, Adeline voit son ancien amant, l'embrasse, le possède; ou bien elle aperçoit des têtes bizarres, des pigeons de toutes couleurs qui se sauvent, etc. Ces visions semblent venir du côté gauche.
La sécrétion vaginale n'est pas exagérée. Il n'y a pas de sueur. T. V. 37°, 9. — Sous l'influence des inhalations d'éther, la malade revient vite à elle.
26 janv. — P... a été tranquille, jusqu'à ce matin, 9 heures et demie; alors, elle a été prise d'une nouvelle série d'attaques. Une heure après le début : T. V. 37°,7. — Les inhalations de chloroforme arrêtent les attaques. Dans la soirée, nouvelle série qui finit à minuit après la 82e crise.
26 janv. — Ce matin, à 7 heures , on a trouvé P... blottie dans la cour, au milieu de la neige. On a eu de la peine à la faire rentrer.
27 janv. — Action de l'électricité. — La vue est toujours à peu près nulle à gauche; de ce côté, P... ne voit que des ombres confuses. L'anesthésie est absolue sur la moitié gauche du cuir chevelu, de la face, du cou, etc.
Application, à 10 heures, sur le front des plaques d'une petite pile de deux éléments au sulfate de cuivre. — A 10 h. 40, P... distingue la main, un doigt, un crayon. — A 10 h. 50, elle prétend avoir un « brouillement » dans l'œil gauche. — A 11 h. 30, elle reconnaît, sur une pièce de dix centimes, la tête,
9
les lettres, etc. ; elle voit le rouge, le bleu, le noir et le blanc. A 11 h. 45, elle distingue toutes les couleurs. La conjonctive oculaire gauche est insensible comme avant l'expérience. La sensibilité est revenue à gauche sur la partie du front qui correspond àla plaque de la pile; en revanche, il s'est produit de Yanesthésie au niveau de la plaque qui reposait sur la moitié droite du front. (Transfert.) La notion des couleurs a été conservée à droite. Jusqu'à 5 heures de l'après-midi, la vision est devenue de plus en plus nette à gauche et presque la même qu'à droite. A partir de 5 heures, elle s'est obscurcie progressivement.
28janv.—A gauche, amblyopie et achromatopsie ; anes-thésie du cuir chevelu, de la face, du cou jusqu'à la clavicule, du quart inférieur de l'avant-bras, de la main, du tronc au-dessous de la ceinture et du membre inférieur gauche. — Sensibilité de la poitrine et de toute la moitié droite du corps.
29janv. — Après nous être assuré que la situation est la même qu'hier, nous appliquons des plaques d'étain. Au bout d'une heure environ, la sensibilité est revenue, depuis la racine des cheveux jusqu'à la clavicule gauche, mais elle est abolie sur la région similaire droite. Il n'y a eu aucune modification de la vue.
31 Janv. — Electrisation. — La main gauche, insensible, est placée dans le manchon de la pile Grenet. La sensibilité reparaît en 7 ou 8 minutes sur la main et le quart inférieur de l'avant-bras gauche. — Deux heures plus tard, la sensibilité persistait à gauche, mais était abolie sur la main et la partie inférieure de l'avant-bras, à droite. (Transfert.)
jer février, — Même état. — 2 fév. — Insensibilité des deux mains.
3 fév. — Insensibilité des deux mains, des deux avant-bras, des deux côtés du cou, de la face, du cuir chevelu. — Vision normale à droite ; amblyopie à gauche.
6 fév. — La sensibilité est tout à fait normale sur la moitié droite du corps ; elle est abolie sur la moitié gauche, sauf à
partir de la clavicule jusqu'à la ceinture en avant, de l'épine de l'omoplate aux fausses côtes en arrière.
P... est en attaques. Après la huitième, nous lui administrons en inhalation 20 gouttes de bromure d'éthyle. La malade reprend promptement connaissance, mais retombe bientôt en attaques. Nouvelle inhalation. — Le bromure d'éthyle, qui s'évapore vite, détermine une sensation de vertige : tous les objets environnants semblent tourner. Ni les lèvres ni la face ne sont décolorées.
7 fév. — L'inhalation de bromure d'éthyle a été suivie d'un répit de 2 heures, puis les crises ont reparu. P.... assure qu'elle a eu hier, pendant toute l'après-midi, des douleurs de tête, des nausées, puis des vomissements bilieux; elle n'a pas eu de garde-robe depuis sept jours. —Ipéca stibié; et le lendemain, purgatif.
12 fév. — De 9 heures à 10 heures un quart, on a compté 30 attaques qui, de même que les précédentes, sont absolument limitées à la période épileptoïde de la grande attaque hystéro-épileptique : ce sont de véritables attaques épilepti-formes. —Dans l'intervalle, P... demeure rigide, et parfois le tronc décrit un arc latéral qui s'accentue au moment de la phase tonique. — Sécrétion vaginale assez abondante. T. V. 37°,7.
13 fév. — De 3 h. 1/2 à 5 h., 40 attaques.
13 fév. — 25 attaques pendant la nuit et 18 ce matin. Chloroforme.
19 fév. — De 9 à 10 heures, 14 attaques1. Inhalation ammoniaque : P... revient vite à elle; au bout de quelques minutes, les attaques reparaissent : chloroforme.
26 fév. — P... a été tranquille ces derniers jours, sans doute parce qu'elle travaillait à se faire un costume pour le bal du
1 Jamais nous n'avons vu le mouvement de moulinet : les bras, placés le long du corps, se rapprochent simplement de l'axe médian en se plaçant en pronation, attitude très commune.
carnaval, elle a dansé beaucoup hier soir. Ce matin, à 8 heures, série de 33 attaques en moins de 3 heures.
6 et 7 mars. — Séries d'attaques. — 10 mars. — En 3 heures, 38 attaques. Inhalation de 60 grammes à'éther. Le retour de la connaissance est rapide; toutefois, si l'inhalation n'est pas continuée pendant quelque temps, les attaques reviennent. P... ne bavarde pas.
22 mars. — De 9 heures 1/2 à 11 heures, 35 attaques : T. Y. 37°,6. Application de 12 éléments de la pile de Graiffe : un pôle sur la région frontale, l'autre sur la région ovarienne. La malade a des mouvements de déglutition et reprend connaissance à peu près comme elle le fait dans l'action du chloroforme. — Les alternatives du courant déterminent des mouvements de déglutition, une contraction des muscles de la face, et le retour momentané de la connaissance. — L'application de l'un des tampons sur le cou, le second restant posé sur la région ovarienne ne donne pas de résultats aussi avantageux. — Une attaque a été arrêtée net par une alternative du courant fourni par huit éléments seulement.—Il n'y a pas d'arrêt définitif.
23 avril. — Attaques épileptoïdes dans lesquelles le corps se met en arc latéral gauche ou droit.
29 avril. — Toute la moitié droite du corps est sensible et toute la moitié gauche insensible : en arrière, l'anesthésie est exactement limitée à la crête des apophyses épineuses ; en avant, l'insensibilité commence un peu à gauche de la ligne médiane du corps. Le thorax, dans les limites indiquées, est sensible.
Au niveau des 16e, 17e, 18e vertèbres dorsales, la pression provoque une attaque que ne suspend pas une surpression.
11 mai. — Hier soir, 20 attaques en une heure. — Réapparition des attaques ce matin. Dans l'intervalle des crises con-vulsives, le corps décrit un arc de cercle; la tête est si fortement étendue que le front, les yeux et le nez sont appliqués sur l'oreiller. La compression sur les régions hystérogènes (région
ovarienne droite, — région sous-mammaire droite, — au niveau des 6, 7 et. 8e vertèbres dorsales). détermine des attaques. — Chloroforme.
16 mai. — Après la 20e attaque, T. V. 37°,4.
20 mai. — De 7 heures et demie à 8 heures, secousses ; de 8 heures à 11 heures, 25 attaques. Inhalation prolongée à'éther; pas de délire de parole. On essaie en vain de faire causer ou chanter la malade.
22 mai. — Série d'attaques. Après la 10e, inhalation de valérate d'amyle. Durant l'inhalation, P... a plusieurs attaques, il faut une plus grande quantité de ce médicament que d'éther ou de chloroforme, pour mettre fin à Y état de mal hystéro-épi-leptique.
26 mai. — En faisant de la gymnastique, P... s'est enfoncé une aiguille dans le sein droit : extraction par pulsion sans incision. Presque immédiatement, attaques arrêtées par le chloroforme.
7 juin. —Attaques : inhalations à'éther, sans délire particulier. P... déclare spontanément qu'il lui faitplus de mal que le chloroforme et le nitrite d'amyle. Ce dernier médicament a été employé deux ou trois fois chez elle ; il met fin aux attaques qui ne reparaissent pas dans la journée.
% juillet. — Adeline sort en permission. Arrivée chez sa mère, celle-ci étant souffrante demande à son gendre de la conduire au Conservatoire des arts-et-métiers afin de la distraire. Là, pendant que son beau-frère regardait une glace, P... s'est sauvée ; elle est allée chez deux de ses parents qui lui ont remis quelque argent. Mais, aulieuderentreràlaSalpêtrière, elle s'est rendue dans une maison meublée, rue de laTombe-Issoire où elle est restée trois jours. Le 10 juillet, elle est allée se promener avec une amie de hasard au bois de Boulogne où les agents des mœurs l'ont arrêtée « pour racolage et provocation à la débauche. » Elle a été conduite à la préfecture de police, reconnue, expédiée à l'asile Saint-Anne d'où elle est envoyée à la Salpêtrière le 21 août.
Novembre-décembre. — Les attaques ne sont pas modifiées ; Y hémianesthésie est complète à gauche, sauf entre la clavicule gauche et le sein correspondant, où il y a des endroits, quelquefois même de simples points sensibles sans être encore tout à fait normaux.
Zones hystérogènes. — Pas de clou hystérique, bien que l'exploration de toute la tête ait été faite avec soin. — Il n'y a pas non plus de zone hystérogène sternale; ni de zone hystéro-gène au niveau des flancs ou du rebord des fausses côtes.
Io Hyperesthésie de la région ovarienne gauche. — A ce niveau, la peau est absolument insensible. Profondément, la malade éprouve des douleurs lancinantes deux ou trois heures avant les attaques, et cela seulement depuis quelques mois car nous avons vu que, naguère, elle tombait sans être prévenue ; puis, elle a la sensation de « quelque chose » qui part de cette région et monte au creux de l'estomac où elle a la sensation « d'une barre » ; ce « quelque chose,» qu'elle ne décrit pas plus exactement, monte du ventre à l'épigastre, de là au cou, descend et remonte un certain nombre de fois; à ces phénomènes s'ajoutent des palpitations, des sensations douloureuses occupant les autres zones hystérogènes, des « sautements et des bouillonnements » dans le ventre ; enfin surviennent des battements dans les deux tempes, prédominant à droite, des troubles de la vision et des bourdonnements du côté gauche. On voit par là que les symptômes de l'aura correspondent de tous points à la description de M. Charcot.
Autrefois, il n'y avait rien à droite, mais la moitié droite du corps est maintenant envahie par quelques-uns des symptômes permanents de l'hystérie (anesthésie partielle, zone hystérogène latéro-mammaire) qui suffisent à expliquer les phénomènes notés du côté de la tempe droite.
Une pression, même modérée, sur la région ovarienne gauche, détermine aussitôt une attaque et ce n'est que par exception qu'une compression forte et prolongée parvient à l'arrêter.
2° Rachialgie.— Elle existe : a) au niveau de l'apophyse épineuse et de la gouttière vertébrale gauches de la deuxième ver
tèbre dorsale; mais à un degré peu prononcé;— b) et au niveau des apophyses épineuses et des gouttières gauches des 5e, 6e, 7e et 8e vertèbres dorsales où une pression même légère suffit à provoquer une attaque sur-le-champ. Les compagnes de la malade connaissent ce point sensible, et, pour la taquiner, ou par méchanceté, lui ont maintes fois donné des attaques en appuyant à l'improviste sur cette région. Dans notre examen, malgré l'attention que nous apportions à ne pas exercer une pression trop forte, nous avons déterminé une attaque.
La sensibilité est conservée au niveau de la rachialgie et même un peu au-dessus, dans une largeur de 5 centimètres ; toutefois, elle est moins nette qu'à droite et par conséquent il n'y a pas d'hyperesthésie. — Une pression vigoureuse ne nous a point paru suspendre les convulsions (?).
3° Zone latéro-mammaire droite. — Elle siège au niveau de deux espaces intercostaux (environ 4 centimètres sur 4 selon la malade) et vers le milieu du bord externe du sein. Une pression légère a provoqué une attaque que nous avons pu arrêter en pressant énergiquement. — La sensibilité cutanée est abolie dans la partie correspondante et, de plus, occupe une région circonscrite en haut par la clavicule droite, en bas par une ligne horizontale passant à deux centimètres au dessous du sein ; en dehors par une ligne verticale qui partirait du milieu de l'aisselle, en dedans par la ligne médiane du sternum.
P... assure qu'elle ne ressent pas d'habitude de douleurs au niveau de la zone rachidienne ni de la zone latéro-mammaire ; mais, avant les attaques, elle a, dans ces deux régions, des tiraillements, des élancements, qui vont du siège de la rachialgie à la zone latéro-mammaire et réciproquement.
Aura. — Quatre ou cinq heures avant l'attaque, le ventre se ballonne (tympanite) et est le siège de mouvements de soulèvement accompagnés de bruits faciles à entendre.
La région ovarienne gauche devient douloureuse; P... sent « quelque chose » qui remonte au creux de l'estomac. Parfois, les phénomènes de l'aura se bornent à cette phase et l'atta
que avorte. Mais, en général, après que la sensation que nous venons d'indiquer a duré pendant une ou deux heures, les autres symptômes de l'aura se déroulent successivement.
Il y a « quelque chose » qui va du creux de l'estomac au cou; elle a « comme des fils électriques qui vont de la région ovarienne gauche, à la région hystérogène dorsale, laquelle est le siège de « tortillements ». Cette douleur du dos ne dure pas plus de dix minutes. « Quand ça m'attrape là, dit la malade, j'étouffe, j'ai des palpitations et je suis perdue. »
Bientôt, en effet, la sensation de constriction du cou augmente ; des langues de feu, des étoiles de toutes les couleurs se promènent devant les yeux, principalement devant l'œil gauche, les oreilles bourdonnent, les tempes sont le siège de battements, et cela surtout à gauche, enfin se produit une sensation de vertige : P... perd connaissance, l'attaque éclate.
La zone latéro-mammaire droite ne participe que par exception aux phénomènes de l'aura.
La production artificielle de l'attaque est la plus rapide par la pression de la région hystérogène vertébrale, puis par celle de l'ovaire ; enfin par celle de la région latéro-mammaire droite. 1
Sommeil. —P... s'endort quelquefois très bien mais le plus souvent vers onze heures ou minuit, elle est agitée, n'a pas de visions avant l'arrivée du sommeil. Elle rêve beaucoup, principalement des événements de la journée. Elle a des cauchemars, voit des gens qu'on égorge, le sang couler, veut aller au secours des victimes et se réveille « en peur ». Elle revoit des scènes de la Commune : un zouave qu'elle a vu fusiller au square de la Tour-St-Jacques ; une femme et ses deux enfants qu'on fusille sur la place du Châtelet, etc.2
1 II n'y a pas de zone latéro-mammaire gauche. — Depuis quelques mois, P..., dans ses attaques, a une contracture de la langue qui devient toute noire, ou une contracture des mâchoires : l'une et l'autre disparaissent en provoquant artificiellement une attaque (janvier 1880).
a Elle a pu assister à ces scènes affreuses parce qu'elle s'échappait de chez ses parents qui demeuraient dans le voisinage. Elle n'avait à cette époque que 12 ans.
P... a aussi des rêves agréables dans lesquels ses anciennes connaissances se présentent à elle... Le plus léger bruit la réveille ; elle se rendort difficilement ; elle n'est pas dormeuse. Elle n'a pas eu d'attaques de sommeil; mais elle a eu des insomnies, passant quelquefois cinq ou six nuits sans dormir1.-
Elle assure que, avant les attaques, le sommeil n'est pas modifié ; tandis que, après les attaques, le sommeil est encore plus long à venir : c'est le contraire qu'on observe chez la plupart des autres malades.
Après Yéther, prédominance des rêves agréables ; — après le chloroforme, prédominance des rêves désagréables ; — après le nitrite d'amyle, les rêves sont toujours désagréables.
Sommeil provoqué ou léthargie. — L'insensibilité est limitée actuellement au membre inférieur gauche ; tout le reste du corps est sensible.
Sommation (5 h. 14). — Regnard essaie d'endormir P... par
1 Varc de cercle, dans lequel les malades sont soulevées au-dessus du lit, la rigidité du corps, l'insomnie, que nous trouvons chez nos deux dernières malades, le mutisme, le refus de manger, que nous avons notés chez d'autres malades, étaient, autrefois, considérés comme des indices de possession. En voici un exemple :
« Françoise Haguart, qui parut en 1587 devant les tribunaux, avait livré sa fille Jeanne au démon lorsqu'elle n'avait encore que sept ans. Elle avait avoué son crime au juge, et la déclaration de la fille se trouvait d'accord avec celle de la mère. La première avait été relâchée à cause de sa jeunesse ; mais la mère avait été condamnée au feu. Une dame respectable se chargea de l'enfant, afin de l'élever dans la crainte de Dieu et de l'arracher ainsi au démon. La chose semblait avoir réussi, lorsqu'une nuit Jeanne, pendant qu'elle était au lit entre deux servantes, fut enlevée tout à coup comme si le démon eût voulu l'emporter ; et c'est ce qui serait arrivé si les servantes n'avaient crié : « Seigneur Jésus, sauvez-nous ! » Le mauvais esprit se voyant troublé dans son entreprise, laissa sa proie suspendue entre les soliveaux et s'en alla. Tous les voisins furent témoins de ce qui était arrivé ; car, aux cris des servantes, ils accoururent et virent de leurs yeux la jeune fille suspendue en l'air. La roideur de ses membres, le refus qu'elle fit pendant huit jours de prendre aucune nourriture, son silence et ses insomnies pendant tout ce temps prouvèrent qu'il n'y avait là aucune supercherie. » (Remi, p. 192, d'après Gôrres. La Mystique divine, naturelle et diabolique, trad. Sainte-Foi, t. V, p. 183-184.)
10
le regard. Elle résiste, ne veut pas qu'on l'endorme. On observe quelques soubresauts, de petits mouvements de déglutition. « Je ne veux pas. » R... ferme les paupières et comprime les globes oculaires et les arcades orbitaires avec ¦les pouces : à 5 h. 17, P... s'endort sans stertor ni larmoiement, ni spasme pharyngien. Anesthésie totale; — hyperexcitabilité musculaire.
Somnambulisme.—P... suit, au commandement, l'expérimentateur; descend les marches, évite les obstacles ou les rejette violemment; je cherche à la prendre par la main, elle me repousse violemment.
On lui ordonne d'écrire. Elle le fait, après résistance, de mauvaise humeur, écrit ses nom et prénoms, le jour, hésite sur le mois , trace l'année rapidement et rejette le porte-plume. (Elle a les paupières closes.) Durant cet exercice, les mains tremblent; aussi les lettres sont-elles un peu irrégulières.
Catalepsie. — On ouvre les paupières : état cataleptique. Les membres, le tronc gardent les attitudes exagérées qu'on leur impose. L'hyperexcitabilité musculaire a disparu. Les pupilles sont un peu plus dilatées qu'au début. Les yeux sont humides.
Somnambulisme. — Les paupières sont fermées : disparition des phénomènes cataleptiques; retour de l'hyperexcitabilité musculaire, etc. On ne parvient pas à la faire parler. — Les tentatives faites pour écarter les paupières montrent qu'il existe, à ce moment, une sorte de spasme. Nystagmus, globes oculaires portés en haut et en dedans.
La malade est réveillée avec une certaine difficulté, puis rendormie après une courte lutte. (Elle frappe du pied, est impatiente.) Les paupières sont écartées : catalepsie. Pas de suggestion, malgré des essais multiples. — On ne parvient pas à prendre le regard, soit parce que les yeux se dirigent toujours en haut, soit à cause du strabisme naturel.
P... est réveillée en lui soufflant au visage, puis réendormie par surprise en fermant les paupières et appliquant les pouces
simultanément sur les yeux et l'extrémité externe des arcades orbitaires. On cherche de nouveau, mais en vain, à produire les phénomènes de suggestion et les hallucinations provoquées. On essaie de la réveiller en appuyant sur la région ovarienne gauche, il survient une attaque qu'on arrête avec quelques inhalations de chloroforme.
Phénomènes consécutifs. — Les réveils se sont opérés sans stertor, ni mouvements de déglutition. P... se plaignait de fatigue, de douleurs de tête, de nausées, mais ne paraissait avoir aucune notion de ce qu'on avait fait.
En 1879, les attaques ont eu approximativement la marche suivante :
Janvier......séries Juillet......évasion1
Février....... 30 Août......évasion
Mars........ 82 Septembre.....108
Avril........229 Octobre.......153
Mai.........181 Novembre...... 19
Juin........ 44 Décembre......410
Les caractères tout à fait particuliers des attaques de P... nous obligent à interrompre la description des régions hystérogènes, pour signaler au lecteur, comme ils le méritent, les caractères des attaques. Nous avons vu qu'elles étaient constituées exclusivement par la période épileptdide des grandes attaques hystéro-épileptiques, de telle sorte que, au premier abord, on était porté à croire qu'il s'agissait là d'accès épilepti-ques. Ce fut, en effet, la première remarque de M. Gharcot, quand nous lui fîmes voir, en état de mal,
1 La malade est sortie de la Salpêtrière en permission, le 6 juillet, s'est sauvée de chez sa mère, a été arrêtée le 14 juillet, conduite à Sainte-Anne où elle est restée jusqu'au 21 août.
cette jeune fille qu'il ne connaissait pas, parce qu'elle appartenait au service de M. Delasiauve.
Toutefois, certains signes tirés de l'attaque elle-même montraient que l'épilepsie était hors de question. Durant la période de stertor, de même que chez Ma... (Obs. III), la résolution faisait défaut, la rigidité générale persistait tout en étant moindre qu'au moment de la phase tonique.
En second lieu, la température centrale se maintenait au-dessous de 38° après 20, 30 attaques ou davantage; or, si l'on avait eu à faire à une épilep-tique, après 20 ou 30 accès analogues, on aurait enregistré 39° ou même un chiffre plus élevé (état de mal épileptique).
En troisième lieu, lorsqu'on comprimait la région ovarienne gauche, on provoquait aussitôt une nouvelle attaque, et on sait que, chez les épileptiques, une pareille manœuvre est absolument de nul effet. Chez Ma... au contraire (Obs. III), à l'époque où, elle aussi, ne présentait que des attaques épileptiformes1 la compression ovarienne arrêtait de suite l'évolution de la crise, effet qu'on n'observe pas non plus dans le cas d'accès épileptiques.
Enfin, la malade reprenait connaissance, sans offrir aucun trouble intellectuel grave : elle causait, riait, se levait, se remettait au travail, ne con-
1 Nous avons déjà décrit les attaques épileptiformes bien des fois dans les deux premiers volumes de Y Iconographie.
servant qu'un peu de fatigue, tandis qu'une série aussi prolongée d'accès épileptiques laisse toujours à sa suite, ◀tantôt▶ une stupeur très accusée, ◀tantôt▶ un état maniaque intense, une prostration physique très prononcée, accidents qui ne disparaissent qu'au bout de plusieurs jours1.
Enfin, la connaissance des antécédents et surtout de l'état de la malade dans l'intervalle des attaques, ne laissait aucun doute sur la réalité de l'hystérie : Hémianesthésie, hyperesthésie ovarienne, régions hys-térogènes, aura, caractère, habitudes, etc.
En ce qui concerne les régions hystérogènes qui sont au nombre de trois chez P..., on a vu qu'elles possédaient une intensité différente : La plus active est la zone rachidienne, puis vient la région ovarienne, enfin la zone latéro-mammaire droite. L'hyperesthésie ovarienne suit, dans ce cas, la règle, c'est-à-dire qu'elle existe du côté anesthésié. La région hystérogène latéro-mammaire siège, au contraire, du côté droit. Toutefois, il convient de faire remarquer que, au niveau de cette région hystérogène et tout autour, dans une certaine largeur, la sensibilité cutanée a disparu, circonstance qui fait que le cas actuel est moins en dehors de la règle qu'il ne le semblerait au premier abord. Mais il n'en est plus ainsi dans l'observation
1 Plus tard, le corps ayant pris l'attitude en arc, que nous n'avons jamais vu dans les accès d'épilepsie, et les séries d'attaques ayant été suivies d'hallucinations, le diagnostic est devenu plus facile.
ci-après ou avec une hémianesthésie du côté droit, nous avons toutes les zones hystérogènes du côté gauche.
OBSERVATION VI
Sommaire. — Mère alcoolique atteinte de strabisme. — Pas de consanguinité. — Frère atteint de polydactylie.
Etat de la malade en 4876 : hémianesthésie droite. —Hyperesthésie ovarienne gauche. Attaques complètes, classiques. —A. syncopales. — A. de contracture. — A. épilep-tiformes , etc.
Contractures des mâchoires ; de la langue ; des membres supérieurs et inférieurs ; des doigts, etc.
Arrêt des attaques : Compression ovarienne ; — Nitrite d'amyle ; — Ether ; — Chloroforme, etc.
Idées mélancoliques. — Tentatives répétées de suicide.
Régions hystérogènes, anomalie. — Rôle de ces régions dans l'aura. — Sommeil.
B... Evelina, lingère, était âgée de 21 ans à son entrée à la Salpêtrière (service de M. Delasiauvb) le 11 novembre 1876. De son observation, très instructive à de nombreux points de vue et dont le sommaire ci-dessus ne donne qu'une idée imparfaite, nous ne prendrons que les passages qui se rapportent aux zones hystérogènes.
1° Rachialgie. — Elle s'étend de la 4 e à la 10e vertèbre dorsale, atteignant sa plus grande intensité au niveau des apophyses épineuses des 8e 9e et 10e vertèbres. Elle existe aussi le long des gouttières correspondantes et prédomine dans les gouttières gauches. Dans toute la hauteur de cette zone ; des deux côtés, et dans une largeur maxima de 3 centimètres, la sensibilité est plus délicate à gauche (côté sensible) et existe à droite (côté anesthésié). — Il n'y a pas de douleur spontanée et, dans les attaques ordinaires, d'origine ovarienne, cette zone ne participe pas aux phénomènes de l'aura. Provoque-t-on une attaque par la pression des apophyses épineuses, aussitôt, B... a eu secousse générale : « Je suis comme électrisée, dit
elle , » il survient des élancements vers l'ovaire gauche ; mais l'attaque n'éclate pas sur-le-champ, à moins qu'on ait appuyé brutalement : ce n'est qu'au bout d'une demi-heure, quelquefois de deux heures, qu'arrive la perte de connaissance.
2° Régions hystérogènes des flancs. — Elles sont situées entre la crête iliaque et le rebord des fausses côtes, sur la partie latérale du corps, et mesurent 7 centimètres de hauteur sur 7 de largeur. — A gauche, la sensibilité est plus délicate au niveau de cette zone que dans les parties voisines. —Adroite, actuellement, l'anesthésie est totale à la face, au cou, au membre supérieur, au tronc; elle s'arrête à une ligne horizontale passant à égale distance du sein et de l'ombilic. Au-dessous de cette ligne, la sensibilité existe, mais est obtuse, si ce n'est, précisément, au niveau de la zone hystérogène du flanc droit. Le chatouillement simultané des deux zones est plus vif à gauche.
La pression d'une seule zone ne détermine d'attaque qu'à la condition d'être très forte. La pression, même modérée, des deux zones à la fois amène une attaque : un jour, en serrant les cordons de ses jupes, elle s'est donnée involontairement une attaque. Cette manœuvre retentit immédiatement, sur l'ovaire gauche et l'attaque est pour ainsi dire subite.
3° Hyperesthésie ovarienne. — Elle siège à gauche, c'est-à-dire, nous le répétons, du côté sensible et, dans la région correspondante à l'ovaire (3 centimètres sur 3), la peau a une sensibilité plus délicate, sans être maladive. — Avant les attaques, et quelquefois pendant deux jours, B... a la sensation d'une chose qui va et vient de la région ovarienne au creux de l'estomac. Puis, elle a des palpitations, et la « chose » monte de l'épigastre à la partie inférieure du cou. Il n'est que temps, alors, qu'elle se couche, car elle éprouve successivement de la suffocation, des battements dans les tempes, surtout la gauche, la vision est brouillée, des petits corps étoiles, de configuration variée et de toutes couleurs, tourbillonnent devant elle, surtout à gauche; enfin bourdonnements plus violents à gauche et perte de connaissance.
En même temps que les phénomènes de l'aura s'élèvent du creux de l'estomac au cou, apparaissent des douleurs lancinantes, allant d'un flanc à l'autre, s'entre-croisant et faisant participer à l'aura les zones hystérogènes des flancs : cette phase (aura hystérogène) de l'aura dure au plus dix minutes. La rachialgie ne subit aucune modification.
La pression sur la région ovarienne ne provoque pas d'attaque. — La compression ovarienne échoue très souvent parce qu'il est extrêmement difficile, chez B.... de pénétrer jusqu'au fond du bassin. — Uovaire droit ne semble jamais intervenir dans les attaques.
Avant les attaques, B... n'a pas d'autres troubles de la vision que ceux qui ont été mentionnés. — Après les attaques, qui se sont terminées spontanément, elle revoit quelquefois les scènes pénibles qui ont traversé son existence, l'homme auquel sa mère l'a livrée, etc., etc. Les visions se montrent directement devant elle et non pas du côté droit (côté insensible), ainsi que cela s'observe communément, suivant la remarque de notre maître.
Chez Ev..., les attaques offrent plusieurs variétés; d'ordinaire elles sont complètes et la période de délire se compose d'une phase gaie et d'une phase triste qui se reproduit d'une manière très manifeste sous l'influence de Yéther, comme le démontre l'extrait suivant de son observation, à la date du 7 mai 1878.
Inhalation d'éther. — Rires bruyants. « Mais regardez donc là-bas, comme c'est drôle!... Regardez là-bas, là-bas!... C'est-il drôle! C'est-il rigolo 1... Sont-ils bêtes de ne pas regarder là-bas !... Eh bien! moi aussi, ça m'est bien égal... » Elle chante : « Là-bas! Là-bas... Les petits agneaux, qu'est-ce qui casse les verres... » Elle rit aux éclats. « Au revoir, les petits enfants... Regardez tout ce monde..., tout ce monde (ter)... Gomme il y a du monde (ter)...
Elle devient triste : « Faut-il que j'aie des misères sur terre !... Quelles souffrances ! (bis)... Mon Dieu, mon Dieu ! »
Les idées gaies reparaissent : « Comme c'est gentil là-bas !... »
Retour de la tristesse. Elle se lève sur son lit, pousse des cris
d'effroi, d'angoisse. « Ah ! mon Dieu... Regardez donc... Je vous en supplie, ayez pitié de moi !.. Ah! regardez donc... Je ne veux pas, non, non... Faut donc que je sois faite pour souffrir !.. »
Après quelques instants de calme, elle exécute rapidement des mouvements alternatifs d'extension et de flexion du tronc, et son visage exprime la plus vive satisfaction, indice de plaisirs voluptueux. Puis, elle chante les Dragons de Villars, sa romance favorite.
Le chloroforme détermine un délire plus court dans lequel les idées gaies tiennent moins de place. Enfin, après l'administration du nitrite damyle, les troubles intellectuels seraient moins nombreux et presque constamment de nature triste.
Sommeil. — Quelquefois, B... s'endort de suite; mais le plus souvent, le sommeil n'arrive que 2 ou 3 heures après qu'elle est couchée. Dans la période intermédiaire à la veille et au sommeil, elle voit des choses sans signification, des figures bizarres, de toutes couleurs, des têtes difformes. Quand elle est endormie, elle a des cauchemars, tombe dans des précipices, veut se retenir, se débat, parle tout haut et se réveille brusquement. Les incidents de sa vie se représentent moins souvent à son esprit durant son sommeil que dans la période^ de délire des attaques.
Le sommeil est interrompu : « C'est rare que je dorme une nuit complète. » Une fois éveillée, B... a beaucoup de peine à se rendormir. — Elle a des insomnies fréquentes, mais qui ne dépassent pointtrois nuits et surviennent de préférence dans les nuits qui précèdent les attaques. — Elle n'aurait jamais eu d'attaques de sommeil.
Quelque temps avant son entrée à la Salpêtrière, B... a fait partie d'une « société de magnétiseurs » sur laquelle nous n'avons pas, jusqu'à ce jour, de détails précis et elle aurait eu ce qu'elle appelle un « sommeil magnétique » qui a duré deux jours. On a dû la réveiller, elle ne sait comment ; elle était ensuite « hébétée ». « On cherche, on ne sait pas où l'on est. »
De la description que nous avons tracée, il ressort
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que, chez B... E..., deux des principales régions hystérogènes, celle du flanc gauche et celle qui répond à l'ovaire, occupent bien, comme nous l'avions annoncé, le côté sain. — L'une des zones est double et symétrique, celle des flancs. — Leur intensité n'est pas la même : tandis que la pression sur la région rachidienne n'est suivie d'attaques qu'après un malaise qui se prolonge une trentaine de minutes, la même manœuvre sur les régions hystérogènes des flancs produit immédiatement une attaque.
État de la sensibilité cutanée au niveau des régions hystérogènes. — Dans beaucoup de cas, et en particulier dans les cas réguliers, la sensibilité de la peau est abolie dans les points qui répondent à la région hysté-rogène. L'un des cas (Obs. V), irrégulier quant au siège, est correct sous le rapport qui nous occupe, puisque, au niveau de la région hystérogène, il existe une anesthésie absolue.
Chez d'autres malades, au contraire, la peau a conservé sa sensibilité dans une étendue de quelques centimètres, espèce d'îlot sain sur la moitié du corps frappée d'insensibilité.
Enfin, nous venons de voir que dans I'Obs. VI, la sensibilité était pour ainsi dire plus vive, sans être exaltée, au niveau des régions hystérogènes siégeant sur la moitié saine du corps. A quoi tiennent ces anomalies? Nous l'ignorons.
Disparition des zones hystêrogènes. — Certaines attitudes peuvent empêcher la pression sur les régions hystêrogènes de produire une attaque et c'est à l'aide de cet artifice que des malades empêchent, ou mieux,, retardent la découverte de cette région. C'est ainsi que Geneviève 1 dont la zone hystérogène siège au niveau des 7e, 8e et 9e vertèbres dorsales, échappe parfois aux effets de la pression en portant les épaules en arrière, en incurvant fortement le dos \
L'emploi prolongé du bromure de potassium diminue quelquefois l'activité des régions hystêrogènes, particulièrement quand l'administration de ce médicament coïncide avec une diminution spontanée des attaques3.
Lorsque les attaques se suspendent spontanément, on voit les symptômes permanents de l'hystérie (hémia-nesthésie, hyperesthésie ovarienne) s'atténuer peu à peu ; eh bien, il en est de même des régions hystêrogènes qui, elles aussi, appartiennent à la même catégorie de symptômes; on les voit répondre de moins en moins à la pression et enfin, ne plus y répondre du tout. L'observation VII en fournit la preuve.
1 Voir : Iconogr. phot. de la Salpêtrière, t. I, p. 48, et t. II, p. 202.
! Lorsqu'on prend une douche froide, la sensation produite par le jet, lorsqu'il frappe entre les deux épaules, est beaucoup plus désagréable si le tronc est fléchi, que s'il est redressé le plus possible.
3 II est commun d'observer chez les hystériques des périodes de 2, 3, 4 mois durant lesquelles il ne se produit pas d'attaques.
OBSERVATION VII
Sommaire. — Père sujet à des migraines. — Tante maternelle hystérique. — Oncle paternel aliéné. — Pas de consanguinité.
Convulsions jusqu'à cinq ans. — Emotions vives à onze ans : première attaque (1870). Etat de la malade (1876) : hémiaiicsthésie et hyperesthésie ovarienne gauches. — Attaques classiques, mais légères : arrêt par la compression ovarienne. Régions hystérogènes.
F.-Eug. Cl..., était âgée de 17 ans lors de son admission à la Salpêtrière (service de M. Gharcot) le 15 mars 1876.
Régions hystérogènes. — 1° Rachialgie au niveau des apophyses épineuses des 6e, 7e, 8e vertèbres dorsales. — 2° Zone de chaque côté du sternum, au niveau du 4e espace intercostal : la pression détermine un peu d'oppression. — 3° Zone latéro-mammaire double, plus intense à gauche. — 4° Point inguinal gauche, à 5 centimètres environ au-dessous de l'épine iliaque antérieure gauche : la pression occasionne les sensations de « quelque chose, qui remonte et fait étouffer ». — 5° Hyperesthésie ovarienne gauche.
Une forte pression n'amène pas d'attaques ; il n'y a pas de douleurs spontanées, au niveau de ces régions, sauf pour la région ovarienne. — Pas de clou hystérique. —L'hémianesthésie gauche, qui existait autrefois, a disparu. La sensibilité est à peu près tout à fait normale ; la malade n'a pas eu d'attaques hystériques depuis plusieurs mois i.
Geneviève nous fournit un exemple analogue. Depuis quelque temps, elle n'a pas d'attaques, la sensi-
1 Cette jeune fille offre un trouble localisé de la sécrétion sudorale : au niveau de l'aisselle droite, coloration rouge vermillon des poils ; sécrétion assez abondante qui tache le linge en rouge.
bilité est revenue sur tout le corps et la rachialgie, qui était très intense chez elle, agissant instantanément sous l'influence de la pression, a presque complètement disparu et la pression est de nul effet. — Chez cette même malade, alors qu'elle avait des attaques très répétées, nous avons vu1 la rachialgie et l'anes-thésie disparaître temporairement sous l'action d'une émotion morale vive'2.
Rôle des régions hystérogènes dans les attaques. — L'existence des régions hystérogènes chez les hystéro-épileptiques et chez les hystériques permet de provoquer à volonté les attaques. Il va de soi que l'on doit être très réservé dans la production artificielle des attaques, une fois que l'on a constaté le siège et l'intensité des régions hystérogènes. Cette connaissance, d'ailleurs, est très utile et met quelquefois le médecin en mesure de rendre de réels services aux malades. Voici dans quelles circonstances :
Parfois, les phénomènes de l'aura se prolongent démesurément, produisant un malaise général,, une irritabilité excessive, des secousses multipliées, parfois même un état voisin de Y excitation maniaque, etc. : en pareille occurrence, les malades considèrent l'éclo-
1 Iconogr. phot, de la Salpêtrière, t. I, p. 48-108.
* Voir pour la description des zones hystérogènes chez d'autres malades : Iconogr. phot, de la Salp,, t. I, p. 89, 143;— t. II, p. 111, 140,161, 191, 205, 207. — Bourneville. — Rech. clin, et thér. sur l'épilepsie et l'hystérie, 1876, p. 104, 144, etc.
sion des convulsions comme un soulagement et il n'est pas rare de les voir recourir à l'une de leurs compagnes afin de se faire donner une attaque.
D'autres fois, les hystéro-épileptiques sortent de leurs attaques avec une contracture des mâchoires, de la langue, etc., ou avec un hoquet fatigant, etc., ou avec une amaurose. Partant de ce fait connu que ces symptômes disparaissent fréquemment à la suite d'attaques, le médecin, ayant à traiter de tels accidents, est parfaitement autorisé à provoquer une crise convulsive en pressant sur la région hystérogène principale.
Dans toutes les observations que nous avons relatées et dans toutes celles que nous possédons, où la constatation a pu être faite, l'une des régions hystérogènes, la plus active, joue un rôle dans Yaura. Tant qu'elle est restée silencieuse, l'attaque est en suspens ; il est même possible qu'elle avorte, que la boule soit avalée , pour employer les expressions de plusieurs de nos malades. Mais, à partir de l'instant où la principale région hystérogène intervient, les phénomènes de l'aura, plus ou moins lents jusqu'alors, précipitent leur marche et l'attaque est fatale.
La région ovarienne, la plus commune des régions hystérogènes, jouit d'une double propriété : souvent à l'aide d'une pression modérée, il est possible de faire éclater une attaque, que l'on peut arrêter par une compression plus ou moins énergique. La connaissance de ce fait, que notre maître, M. Gharcot, a si bien mis en
relief1, conduisait naturellement à rechercher s'il en était de même pour les zones hystérogènes. L'expérience a montré que très fréquemment, sinon toujours, il était facile d'arrêter les attaques en cours, en exerçant une forte pression sur la principale région hystéro-gène2.
Nous rappellerons encore que la région hystérogène la plus puissante semble être la région ovarienne, ainsi que l'a dit M. Charcot dans les leçons qu'il vient de terminer (nov.-déc. 1879). La preuve en est donnée par cette expérience, maintes fois répétée par M. Charcot : si l'on comprime la région ovarienne d'une hystérique, l'excitation de la zone hystérogène la plus active ne parvient plus à provoquer une attaque. Disons enfin que les attaques déterminées par l'excitation des régions hystérogènes, outre qu'elles peuvent être généralement arrêtées par une surpression de la zone excitée, le sont aussi, le plus souvent, par la compression ovarienne.
Des développements qui précèdent, il ressort, à notre avis, que les phénomènes qui naissent au niveau des régions hystérogènes doivent être rangées à côté
1 Charcot (J.-M.) — Leçons sur les maladies du système nerveux, rec. par Bourneville, t. I, Lec. xi, p. 320, 3e édit.
1 Chez un jeune garçon hystéro-épileptique,àv 13 ans, Lam.., que nous observons dans notre service à Bicêtre, on produit les attaques hystéro-épileptiques classiques, en rebroussant légèrement les cheveux au niveau de son clou hystérique. L'attaque en cours est facilement arrêtée par une pression énergique.
de l'hyperesthésie ovarienne, et qu'ils appprtiennent par conséquent au groupe des symptômes permanents de l'hystéro-épilepsie.
DU SOMMEIL DES HYSTÉRIQUES
Lorsqu'on interroge les parents des hystériques sur le sommeil de ces malades durant leur enfance ou leur jeunesse et avant l'apparition des attaques, ils vous racontent souvent que le sommeil était troublé par des rêves, surtout par des rêves pénibles. Tel était plus particulièrement le cas de B... dont nous avons rapporté l'observation1. Mais, la maladie une fois constituée, les troubles, légers jusqu'alors, deviennent beaucoup plus graves. Les interrogatoires auxquels nous avons soumis les malades et la surveillance que nous avons fait exercer sur elles, nous permettent de tracer un tableau sommaire des caractères du sommeil des hystériques, et de compléter les descriptions plus ou moius incomplètes qui en ont été données 2.
Avant de s'endormir tout à fait, les hystériques s'assoupissent et se réveillent en sursaut, à diverses reprises; elles ont des secousses, des sensations de fourmillement, des impatiences, principalement dans
1 Iconogr. phot. de la Salpétrière, t. II, p. 187.
* Voir, entre autres, sur ce sujet, l'important article consacré à l'hystérie par M. le Dr Bernutz dans le Dictionn. de méd. et de chir. prat.
la moitié du corps qui est insensible. Dans cette période intermédiaire à la veille et au sommeil, elles ont quelquefois des hallucinations, s'imaginent qu'on leur cause, croient voir des personnes, des têtes bizarres, etc., autour de leur lit.
Lorsque le sommeil est arrivé, il se produit presque toujours des rêves nombreux et que l'on peut classer en rêves pénibles ou cauchemars, en rêves agréables et en rêves indifférents; ces derniers portent sur les petits incidents du jour, les autres sur les événements de leur existence qui ont le plus vivement frappé leur imagination.
Cauchemars. — Les malades assistent à des querelles, à des fusillades, à des noyades; elles luttent contre un danger, résistent à des hommes qui veulent les violer ; voient des incendies, appellent au secours; elles sont entraînées dans des précipices, enlevées par les vagues, etc., etc. Elles sont agitées, parlent tout haut, prononcent des paroles entrecoupées, sanglotent, profèrent des injures, etc.
Ces rêves les fatiguent, elles se réveillent en sursaut, épouvantées, tout en sueur, et, pendant quelques instants, les scènes effrayantes continuent à se dérouler devant elles bien qu'elles aient les yeux ouverts et que l'infirmière leur cause et les rassure. Quelquefois, pour échapper au danger, elles se dressent tout de bout sur
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leur lit, sautent parterre... et alors elles s'aperçoivent que le danger était imaginaire 1.
Rêves agréables. — Les hystériques sont transportées dans leurs familles, dans leurs pensions, jouent avec leurs camarades ; elles sont au théâtre, au concert, entendent la musique, etc.; elles revoient leurs amoureux, s'imaginent avoir des rapports sexuels, et éprouver des sensations plus voluptueuses que dans la réalité. Geneviève a été très sujette — et pendant longtemps — a des rêves de cette nature : c'était une véritable succube 2.
Une fois éveillées, dans le cours de la nuit, les malades se rendorment difficilement ; alors, elles retombent quelquefois dans leurs rêves, ou bien, de ce moment au lever, elles se réveillent fréquemment et sont encore plus agitées que dans le premier sommeil.
Les nuits qui précèdent immédiatement les attaques sont, en général, les plus mauvaises ; c'est surtout, dans cette période, qu'elles ont des rires nerveux, des cauchemars plus répétés, des secousses, etc. Après les attaques, le sommeil est relativement meilleur.
4 De nos jours, les cauchemars sont à peine mentionnés dans les livres classiques, tandis qu'autrefois, ils étaient l'objet de descriptions spéciales. Quelques peintres ont représenté « les cauchemars » ; tels sont entre autres Fiissli, dont le tableau a été gravé par Falckeisen, par Raddon et par Burke; Th. Lane, dont le tableau a été gravé par Dawe.
* Voir Iconographie phot. de la Salpétrière, t. I, p. 48-108, et t. II, p. 202-226.
Une seule malade fait exception (p. 73). — D'autres fois, le sommeil qui succède aux crises convulsives se complique de somnambulisme naturel ou de phénomènes cataleptiques : tel était, entre autres, le cas de Math... (Obs. III, p. 50.)
Si l'on compare les rêves des hystériques au délire qu'elles ont après leurs attaques, on constate de suite une grande analogie : les rêves, de même que le délire, se présentent sous deux formes, l'une gaie, l'autre triste.
Insomnies. — Il n'est pas rare d'entendre les hystériques se plaindre de ne pas dormir, réclamer du chloral,des injections sous-cutanées de morphine, etc. Nous avons dit que Dr... (p. 56), était deux nuits sans sommeil, Béch... trois nuits (p. 81), P... A... cinq ou six nuits; P... prétend être restée, cinq, huit et même quinze jours sans dormir (p. 41). Si l'on cède à leurs désirs, si on leur accorde les médicaments qu'elles sollicitent, peu à peu on est forcé d'augmenter les doses et il se produit une véritable morphio-manie. L'une des hystériques, dont nous avons consigné l'histoire intéressante dans le premier volume de Y Iconographie (p. 110-145), nous en fournit un exemple très frappant; aussi, croyons-nous bon de rapporter ici la fin de son observation.
OBSERVATION VIII
Sommaire. — Hystéro-épilepsie. — Hémi-anesthésie gauche, etc. — Disparition de l'anesthésie. — Contractures passagères. — Phénomènes vaso-moteurs.
Abus des injections sous-cutanées de morphine (morphiomanie), de l'éther, du chloroforme et du chloral. — Accidents dus à la morphiomanie : tremblement, hyperesthésie générale, cauchemars, insomnies, crampes, troubles digestifs, augmentation de la température, etc. — Disparition de ces accidents. — Retour à l'abus. — Marche des règles. — Relation entre elles et les attaques. — Mort subite. — Résultats négatifs de l'autopsie.
1879. 8 janvier. — Série d'attaques pendant deux heures.— 15 janvier. La sensibilité existe des deux côtés. Vomissements et diarrhée dus probablement aux injections de morphine qu'on lui fait tous les jours, à la dose de 2, 4 ou 6 centigrammes. — De temps en temps, elle a des contractures passagères, très douloureuses qui sont calmées par Yéther.—Pas de règles pendant les trois premiers mois. — Onze attaques en janvier, dix en février et en mars.
Avril. — Règles le 8 et le 9 ; cinq attaques le 25, quatre le 29.
Mai. — Ni règles, ni attaques. M... a fréquemment des spasmes, des contractures, des tortillements. Elle s'excite tant qu'on ne] lui fait pas d'injections sous-cutanées ou qu'on ne lui donne pas d'étherou de chloroforme. Malheureusement, on cède trop souvent.
Juin. — Ni règles ni attaques.
Juillet. — Pas de règles ; treize attaques.
27 août. — Ni règles ni attaques. Depuis le mois d'avril, elle a eu quotidiennement 3 à 6 injections d'une solution d'un gramme de morphine pour 30 grammes d'eau et très souvent de Yéther et du chloroforme ; enfin, elle prend depuis longtemps un julep avec 4 grammes de chloral. Le teint est terreux; M...
éprouve une sensation de chaleur par tout le corps, elle cherche à mettre ses mains sur des objets froids, sur du fer, elle ne garde qu'un drap sur elle. La sensibilité cutanée est exagérée. M... est tourmentée encore par des fourmillements dans les doigts, les jambes ; elle a des impatiences dans tous les membres.
La langue est chargée, l'appétit nul, il y a des vomissements bilieux; de plus, douleur à l'épigastre et autour de l'ombilic; élancements dans le ventre et à l'anus ; diarrhée assez abondante.
Sommeil. — M... s'endort assez facilement, et presque aussitôt, elle s'imagine tomber dans des précipices, fait des sauts, s'accroche aux barres de son lit, elle voit des mains qui cassent des œufs sur sa couverture, des fantômes « ignobles » qui mettent leurs mains glacées sur sa figure ; elle croit que des hommes se cachent sous son lit ; elle parle tout haut. Maintenant tous ses rêves sont pénibles : elle n'a plus, comme autrefois, de rêves amoureux. Quand elle est éveillée, les visions persistent ; elles existent des deux côtés.
Phénomènes vaso-moteurs. — Les lettres tracées avec une épingle sur la partie antérieure de la poitrine produisent une bande érythémateuse ; puis, les lettres se dessinent en relief d'un millimètre et demi de largeur. La rougeur apparaît quelques secondes après l'excitation.
La malade est très faible sur ses jambes; elle oscille en marchant. Elle tremble beaucoup des mains et a de la peine à écrire son nom et la date ; le tremblement se compose de petites secousses très rapides.
Traitement : Toniques, douches. — 2 injections au lieu de 4 ; — chloral. — Injection de 10 gouttes d'une solution avec sulfate d'atropine, 0 gr. 15 pour 30 grammes d'eau. Si nous procédons ainsi, c'est afin de diminuer les effets de la morphine et pour décider la malade à se désaccoutumer peu à peu des drogues qu'elle se fait administrer souvent par les médecins à l'insu les uns des autres.
29 août. — Les lettres ne sont plus représentées que par des égratignures. Il n'y a pas de différence entre les deux moitiés du corps.
La sensibilité cutanée est toujours exaltée. — Nous devons dire que chaque fois que M... a eu des maladies autres que ses attaques, telle qu'une bronchite, l'hémianesthésie qui existe d'habitude à gauche disparait.
30 août. — Les lettres ressemblent à des lignes tracées sur de la cire. — Pendant la nuit, douleurs dans les mains, les poignets, les jambes, les mollets; crampes dans les plantes des pieds. Si ceux-ci ne sont pas à plat, les orteils se con-tracturent. — Toute pression, même modérée est très pénible. — Lait glacé, bain, etc.
1er septembre. — Les lettres sont moins visibles. — Mêmes symptômes. On remplace l'une des injections de morphine avec l'ancienne solution, par une injection d'une solution au centième, de manière à diminuer progressivement la quantité du médicament.
2 septembre. — Les lettres sont très pâles, jaunâtres, et s'effacent par places. — Les troubles digestifs sont toujours aussi intenses. Douleurs généralisées, erratiques ; insomnie, plaintes, pleurs. — Viande crue; lait. Injection delà solution d'atropine; 2 injections de la solution de morphine au centième. — Soir :T. R. 38°, 4.
3 septembre. — Le tremblement est encore plus prononcé. La signature est excessivement tremblée. M... a pu garder un peu de lait ; la diarrhée diminue. Elle a toujours une sensation de chaleur insupportable, principalement dans les mains. Pour la calmer, elle plonge ses mains dans l'eau froide ; elle se trouve bien des douches. — On découvre que M... se faisait donner par d'autres une potion avec 60 gr. de rhum et une potion cordiale. — Suppression du chloral ; le reste, ut supra. — T. R. 38°, 4. — Soir : T. R. 38°.
4 septembre. — T. R. 38°. — Soir : T. R. 38°, 2.
5 septembre. — Les vomissements ont cessé ; la diarrhée
persiste. — Lè tremblement est plus accusé. — Matin et soir : T. R. 38°, 4.
6 septembre. — M... a dormi de huit heures à minuit : elle a rêvé qu'elle se noyait ; elle a vu de « vilaines figures », des mouches, des punaises, des étincelles, des lumières bleues et rouges, etc. A partir de minuit, insomnie. Elle a des « inquiétudes » dans les mains qui sont brûlantes et qu'elle baigne dans l'eau froide. — Hier, dans l'après-midi, les mains étaient rouges et très chaudes. M... se plaint de démangeaisons par tout le corps, elle se gratte, il survient des rougeurs et des papules, mais ces symptômes sont moins prononcés qu'il y a deux jours. La pression, supportable sur les bras, reste très douloureuse sur le tronc et aux jambes.
Langue saburrale, tremblante, ainsi que les lèvres, ce qui occasionne un peu d'hésitation de la parole, appétit presque nul; M... prend, en se forçant, de la viande crue et du lait; elle boit de la bière, de l'eau de Seltz et ne veut plus de vin. Elle a des crampes et des tiraillements d'estomac; le foie déborde un peu les fausses côtes ; la percussion fait souffrir la malade; le ventre est toujours endolori; sept garde-robes liquides, glaireuses ; défécation douloureuse. — Ni sucre ni albumine dans les urines.
Le tremblement des mains et des jambes est encore très marqué. — T. R. 38°. — Soir : T. R. 38°, 2.
7 septembre. — T. R. 38°. — Soir : T. R. 38°, 2. — La nuit dernière, M... a entendu une voix qui lui disait : « Vois cet homme qui s'avance », et, de fait, elle voyait un homme qui s'avançait et lui posait sa main froide sur son visage. — Eau albumineuse, etc.
8 septembre. — Sommeil moins mauvais. Nuit et jour les bruits les plus légers la font tressauter. —Le tremblement est un peu moindre. — Elle prend 200 grammes de viande crue.
— M... est très irritable depuis le début des accidents. T. R. 38°. — Soir : T. R. 37°, 8.
9 septembre. — La diarrhée a cessé, amélioration notable,
— On ne distingue plus que quelques fragments des lettres
tracées sur la poitrine et sur le ventre : on voit que leur disparition a été très lente. — T. R. 37°, matin et soir.
10 septembre. — T. R. 37°, 7.— Soir: T. R. 38°. Une injection de morphine au centième et une injection d'eau.
11 septembre. — T. R. 38°, 2. — Soir .T. R. 37°, 8.
12 septembre. — T. R. 37°, 8. — Soir: 37°.
13 septembre. — T. R. 37°. — L'amélioration a fait des progrès considérables. M... dort bien, n'a plus de cauchemars. Elle ne prend que de la viande crue ; la langue reste chargée ; il y a encore des nausées, mais les vomissements ont disparu. Diarrhée intermittente. — Le tremblement est très variable : à peu près nul hier, il est assez fort ce matin. T. R. 37°.
20 octobre. — M... a eu quatre attaques d'hystérie le 17 septembre. Sa situation est allées'améliorant déplus en plus. Les règles, qui étaient suspendues depuis le mois d'avril, ont reparu le 28 septembre et ont fini cette nuit.
23-26 octobre. — Règles. Le 26, neuf attaques. La malade a réclamé de nouveau ses injections ; pour avoir la tranquillité, on a cédé à ses réclamations et on a recommencé les injections sous-cutanées de morphine, mais avec un peu plus de modération.
6-10 novembre. — Règles. M... a eu treize attaques le 5 ; trois le 11, quatre le 13 et le 18, trois le 21, une le 24, et quatorze le 26. — On lui a prescrit de nouveau un julep avec 4 grammes de chloral.
4-8 décembre. — Règles abondantes.
13 décembre. — M... a été gaie hier dans l'après-midi ; elle s'est couchée sans offrir rien de particulier ; on lui a fait deux injections de morphine et elle a bu son julep de chloral (4 grammes). Pendant la nuit, ni ses voisines, ni la veilleuse n'ont remarqué rien de particulier. Le matin on a trouvé Marcil... morte dans son lit.
Autopsie. — L'examen des différents organes, fait avec le plus grand soin par notre ami M. E. Brissaud, interne du service de M. Gharcot, n'a fait découvrir aucune lésion. — L'analyse des liquides contenus dans l'estomac, pratiquée par M. Yvon, a été absolument négative, il s'en suit que nous ignorons absolument la cause de la mort.
Nous n'insisterons pas sur les particularités intéressantes de cette fin de l'observation si instructive de Marc... que tant de médecins ont vue dans le service de notre maître, cela nous écarterait trop de notre sujet. Les accidents dus à la morphiomanie, causée par l'insomnie pour laquelle la malade réclamait un soulagement, ont été très graves et on a pu voir combien étaient tenaces les symptômes occasionnés par la morphine du côté du système nerveux, et en particulier combien étaient intenses les troubles du sommeil \
Les insomnies que nous venons de signaler chez les hystériques se rencontrent dans d'autres états du système nerveux, plus spécialement chez les mystiques. En voici un cas entre mille :
« Dom Claude Léauté, religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, était un grand jeûneur
1 M. N. Guéneau de Mussy a consacré une des Leçons de sa Clinique médicale à Vinsomnie. Dans cette leçon, le lecteur trouvera un résumé des idées du Dr Hammond sur le sommeil. (T. T, p. 62.)
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(1722). Il s'était habitué aussi à ne dormir que trois ou quatre heures par nuit. Il ne reposait qu'assis sur une chaise ou couché sur le plancher. Son sommeil était très interrompu ; il dormait à peine un quart d'heure de suite. » (Vie de Monsieur de Paris, diacre du diocèse de Paris, 1731, p. 50 et 52).
Chez les mystiques, il s'agissait d'une insomnie voulue, provoquée, entretenue par des pratiques barbares, inspirées par le fanatisme religieux.
Certains idiots sont sujets à des insomnies prolongées. Gomme exemple, nous citerons l'enfant Napoléon Moq..., âgé actuellement de sept ans, et placé dans notre service de Bicêtre. Vers deux ans et demi ou trois ans, il est resté huit mois sans dormir. Là nuit, il se levait de son berceau, se promenait dans la chambre; tirait sur les draps, les cordons qu'il trouvait, en poussant des « gehein ! ». Dès que ses parents l'avaient recouché, il se relevait. Il ne voulait pas être couvert. Sa mère était très contente quand il dormait une demi-heure dans le jour, placé sur elle. De trois à quatre ans, le sommeil est revenu, mais toujours très court, environ quatre ou cinq heures par nuit. A partir de cinq ans. M... a dormi comme les autres enfants et son sommeil est devenu tranquille.
Les détails très nombreux que nous avons consignés dans le cours des observations qui composent les trois
volumes de Y Iconographie nous permettent d'être concis en ce qui regarde les troubles du sommeil relevant des agents pharmaceutiques employés pour arrêter les attaques.
Après le nitrite d'amyle, le sommeil est agité par des rêves qui, le plus souvent, sont de nature triste : c'est en quelque sorte une réminiscence des effets produits au moment de l'inhalation.
Après le chloroforme, si les malades s'endorment, elles ont à la fois des rêves agréables et des rêves pénibles : d'une façon générale, ces derniers prédominent.
Après Yéther, presque toutes les hystériques déclarent n'avoir que des rêves agréables et voluptueux; aussi la plupart préfèrent-elles ce médicament à tous les autres. Chez l'une d'entre elles, Béch., qui fait exception, on retrouve, durant le sommeil, les mêmes phases que dans le délire qui accompagne l'inhalation, autrement dit les rêves agréables alternant avec les cauchemars.
Pour terminer cette étude, nous avons cru devoir rechercher si le sommeil des épileptiques, et plus particulièrement le sommeil des femmes épileptiques ressemblait au sommeil des hystériques. L'enquête que nous avons faite nous a permis de constater que, dans la grande majorité des cas, le sommeil des femmes épileptiques ne différait pas sensiblement de celui des
400 DU SOMMEIL DES ÉPILEPTIQUES.
personnes bien portantes. Elles s'endorment vite et si, parfois, elles se réveillent, le sommeil revient prompte-ment; les rêves sont rares, indifférents; les cauchemars exceptionnels; le sommeil est en général profond et prolongé; beaucoup disent qu'elles sont dormeuses. Un grand nombre de malades assurent que le sommeil n'est modifié ni à l'approche des accès ni à leur suite. Quelques-unes, au contraire, déclarent que le sommeil est plus lourd avant ou après les accès ou plus lent à venir. En somme, on voit qu'il s'agit là de troubles peu sérieux, nullement comparables à ceux que nous avons observés chez les hystériques.
L'examen d'un certain nombre d'épileptiques adultes de notre service de Bicêtre, consacré aux hommes, nous a fait constater que la plupart d'entre eux avaient un sommeil naturel.
DEUXIÈME PARTIE
DES ATTAQUES DE SOMMEIL CHEZ LES HYSTÉRIQUES
DES ATTAQUES DE SOMMEIL
Les attaques de sommeil se présentent ◀tantôt▶ comme une complication des crises convulsives qu'elles prolongent, ◀tantôt▶, au contraire, elles se montrent à l'état d'isolement, remplaçant en quelque sorte les grandes attaques. M. Briquet leur a consacré un article intéressant de son Traité de l'hystérie. Il distingue les attaques de sommeil, de coma et de léthargie et rapporte, d'après les auteurs anciens, plusieurs exemples plus ou moins authentiques de chacune de ces variétés, auxquels il ajoute les faits qu'il a recueillis.
Nous n'avons observé à la Salpêtrière que des attaques de sommeil. Plusieurs des malades dont nous avons parlé, Math... et V... nous ont assuré avoir eu des accidents de ce genre, ce que leurs parents ont confirmé, avant leur admission à l'hospice. Une seule, toutefois, V..., a pu nous fournir des renseignements assez
précis. Après les avoir résumés, nous rapporterons avec plus de détails, l'histoire des malades dont nous avons observé personnellement les attaques de sommeil.
OBSERVATION IX
Sommaire. — Zones hystérogènes. — Caractères du sommeil. — Description des attaques de sommeil. — Idées de possession diabolique.
V... G..., est âgée de 26 ans et demi. — Nous avons rapporté son histoire dans le tome II de 1'Iconographie (p. 93-122). Nous allons la compléter en décrivant les zones hystérogènes qu'elle présente et les caractères du sommeil. Mais auparavant nous devons dire qu'elle a encore une hémi-anesthésie gauche complète et une analgésie du côté droit.
1° Zones hystérogènes. — Clou hystérique. — Rien à la pression; mais, un peu en arrière de l'angle antérieur des pariétaux, sur la ligne médiane, il survient parfois une douleur lancinante qui dure une journée ; le passage du peigne est alors douloureux. Cette douleur se manifeste surtout avant les attaques.
2° Hyperesthésie des flancs. — La pression simultanée des flancs, tout près du rebord des fausses côtes, détermine de la suffocation; la pression sur le flanc gauche donne lieu à une simple gène ; — sur le flanc droit rien.
3° Point latéro-mammaire. — En dehors du sein, la pression produit une sensation de serrement au cœur, avec constriction laryngée.
4° Rachialgie. — Elle siège au niveau des deux dernières
vertèbres dorsales, prédomine dans les gouttières. La pression fait mal « comme quelque chose qu'on enfoncerait en tordant ». La douleur répond à l'épigastre , amène de ia dyspnée. Si la pression est forte, il survient une attaque. Le frôlement est perçu « comme un léger picottement ». Le long des gouttières gauches correspondantes, c'est-à-dire du côté anesthésié, et dans une largeur d'un centimètre à un centimètre et demi, le pincement est perçu comme contact. — Pendant, que V... était à la Riboisière, on a produit des attaques en pressant involontairement sur cette zone. (On lui a appliqué des pointes de feu de chaque côté de la colonne vertébrale.) — Parfois, douleur spontanée, lancinante, déterminant de l'agacement, des crispations : « Il faut que je marche, il me semble que si je brisais quelque chose, cela me ferait du bien. » Si V... se cogne le dos, elle a de la suffocation, la gorge se serre, elle pousse un cri.
5° Ovarie gauche. — Les symptômes de ce côté ont notablement diminué (la malade n'a pas eu d'attaques depuis le mois de novembre 1878). Parfois, douleur lancinante; si, à ce moment, elle marche, elle est obligée de s'arrêter, parce qu'elle a en même temps une barre à l'estomac, des palpitations, de la constriction au cou ; la bouche s'ouvre et la langue se soulève : « On dirait qu'on me tire quelque chose dans tout le corps. » Elle se comprime elle-même et ces diverses sensations s'évanouissent en quelques instants. —La peau est insensible dans la région de l'ovaire. — Rien à droite.
Sommeil. — V... est lente à s'endormir, il lui faut souvent plus d'une heure. Dans la période intermédiaire de la veille au sommeil, elle a des hallucinations de la vue : elle voit des gens qui se dressent tout d'un coup devant elle , le cadavre de Marc... (Voir p. 92-97), des scènes du roman lu dans la journée, etc. Elle a fréquemment des secousses. Une fois endormie, elle est obsédée par des rêves roulant sur des sujets sombres : « J'ai toujours de mauvaises aventures », dit-elle. Gomme elle n'a pas éprouvé d'attaques depuis plus de six mois, les rêves ont un peu diminué. Le moindre bruit la réveille, et
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d'ailleurs, elle se réveille toutes les nuits en sursaut et sans cause. Elle se rendort difficilement.
Y... crie, se débat. Il y a quelque temps, ses compagnes, réveillées par ses cris, se levèrent croyant qu'elle était malade : elles la trouvèrent assise sur son lit, prête à tomber; l'une d'elles ayant appuyé les mains sur ses épaules pour la maintenir, V... fut encore plus épouvantée; elle s'imaginait que c'était la « bête sauvage » qu'elle voyait dans son cauchemar qui la saisissait et la retenait l. On eut de la peine à la réveiller et elle ne fut rassurée qu'au bout de quelques minutes.
V... n'est pas dormeuse, 5 à 6 heures lui suffisent. Elle prétend que, très communément, elle est aussi fatiguée quand elle se réveille qu'à l'instant du coucher.
Avant d'entrer à la Riboisière et durant son séjour dans cet hôpital, V... assure avoir eu des attaques de sommeil. La première serait survenue alors qu'elle était en Angleterre; elle aurait duré quatre jours : pendant ce temps, V... était immobile ; son corps était rigide et on l'aurait fait boire à la sonde sans qu'elle en eût conscience.
Les attaques de sommeil succédaient d'ordinaire à des crises convulsives; Y... n'était pas prévenue de leur arrivée. Leur durée variait d'un à quatre jours. Elles se terminaient par des pleurs, de la tristesse. « Tout me semblait drôle, je ne me reconnaissais pas du tout. » Plus on essayait de la calmer, de la consoler, plus ses pleurs redoublaient. En outre, elle était courbaturée.
A la Riboisière, l'aumônier venait la voir après ses attaques; il lui disait que c'était le diable qui la rendait malade. Sous l'influence de cette idée, sa maladie aurait redoublé d'intensité et, dans la période de délire des crises convulsives, elle voyait le diable. « Il était grand, avait des écailles, des jambes terminées par des griffes; il étendait les bras comme pour me saisir; il avait les yeux rouges; son corps se terminait par une grande
1 En pareille circonstance, les malades pourraient se livrer à des actes violents dont, naturellement, elles ne sont pas responsables.
queue comme celle des lions, avec des poils au bout; il grimaçait, riait et paraissait dire : « Je t'aurai. »
La religieuse et l'aumônier lui avaient persuadé qu'elle était « possédée du diable, parce qu'elle ne priait pas assez et qu'elle ne guérirait pas ». Elle faisait dire des messes, qu'elle payait 1 fr. ou 1 fr. 50 c. ; elle se confessait et communiait ; l'aumônier l'aspergeait d'eau bénite et faisait des signes sur elle.
Parfois, V... voyait le diable en dehors de ses attaques. Si elle était couchée, elle cachait sa tète sous la couverture pour échapper à cette vision ; mais elle le voyait quand même. Plus on lui parlait du diable, plus elle le voyait et ses attaques devenaient plus violentes et répétées.
Dans les premiers mois de son admission à la Salpêtrière, elle avait'encore des visions diaboliques. Gomme elle fréquentait moins l'église, qu'on ne lui parlait plus du diable, elle se tranquillisa peu à peu et finit par se débarrasser de cette idée « qu'elle appartenait au diable ».
Outre que cette observation nous donne déjà une idée des attaques de sommeil et qu'elle confirme ce que nous avons écrit sur les zones hystérogènes et le sommeil des hystériques, elle met en évidence l'influence néfaste de l'intervention religieuse chez des malades dont l'impressionnabilité est si grande. Assurément, le médecin de l'hôpital n'avait aucune connaissance des obsessions dont sa malade était l'objet; mais si, au lieu d'être dans un hôpital, cette malheureuse jeune fille, si digne d'intérêt par sa conduite à l'hospice de la Salpêtrière, avait été à la disposition des prêtres et des religieuses, il est fort probable qu'elle leur aurait fourni une excellente occasion de faire intervenir une influence plus ou moins miraculeuse.
Nous n'insisterons pas davantage sur ce cas imparfait, en ce sens que nous n'avons pas vu nous-même les attaques, et nous passons de suite à l'histoire de l'une des malades que nous avons pu observer sérieusement et pendant un temps assez long.
OBSERVATION X
Sommaire . — Antécédents : convulsions de l'enfance suivies de paralysie du côté gauche. — Bizarreries de caractère. — Troubles digestifs. — Sommeil à l'état ordinaire.
— Attaques de sommeil. — Amaurose hystérique. — Zones hystérogènes. — Effets de la pression. — Prodromes et symptômes des attaques de sommeil : pouls, température, etc.
— Attaques hystériques. — Troubles vaso-moteurs. — Délire. — Hypercsthésie ovarienne droite. —G jnservation de la sensibilité à droite. —Analgésie temporaire à gauche.
D... J..., 19 ans, domestique, est entrée à la Salpêtrière (service de M. Gharcot) le 10 mai 1879.
Antécédents. — Les personnes chez lesquelles la malade a été placée, il y a 9 mois, parles sœurs de l'ouvroir où elle était auparavant, nous fournissent les renseignements suivants : Son père, qui travaille dans les fermes, est ivrogne : il boit le lendemain ce qu'il a gagné la veille. — Sa mère est morte en couches. — D... a eu 4 frères ou sœurs, deux sont morts. Une sœur, âgée de 28 ans, a 4 enfants; elle n'aurait pas de maladie nerveuse. —Une autre est sourde. —Vers un ou deux mois, D... a eu des convulsions suivies d'une paralysie du côté gauche.
D... est très pieuse, d'un caractère doux, mais fantasque ; elle pleure ou rit sans motif, bavarde un jour, est taciturne le lendemain. Elle travaille au ménage, est peu habile, lourde. — Son appétit est capricieux; elle a souvent des nausées, des vomissements alimentaires, Elle se plaint fré
quemment de douleurs dans les oreilles et dans la tête. Ces accidents ne ressembleraient pas à des migraines. — On n'a jamais noté de mauvaises habitudes, ni de perversion des instincts. — On assure que, dans ces derniers mois, la paralysie du bras gauche aurait diminué.
Dès les premiers temps de son séjour chez ses patrons, D... disait que son sommeil était mauvais, qu'elle tombait quelquefois de son lit. Peu après son arrivée, on s'aperçut qu'elle était prise d'assoupissements qui duraient une ou deux heures: les paupières étaient fermées, D... n'entendait rien, glissait parfois de sa chaise, était « comme morte». On la couchait et, à son réveil, elle était tout étonnée de se voir sur son lit.
Le 10 mai, elle a eu une attaque de sommeil qui a duré 22 heures. On l'a trouvée, après le déjeuner, endormie sur le sol : les mâchoires étaient serrées, les membres étaient souples, mais se raidissaient par moments. Elle avait des mouvements de déglutition, cherchait à se tirer les cheveux. On l'a déshabillée, couchée, sans provoquer le retour de la connaissance. Pas d'écume ni de grands mouvements. La parole est revenue au bout de 22 heures et D... a été prise d'un rire nerveux. La vue aurait été abolie pendant plusieurs heures. — Après le réveil, D... se plaignait de souffrir du ventre.
22 juin. — D... s'est endormie, sans attaques, le 20, à 10 heures du soir. Elle dort encore ce matin, à la visite. Par la pression au-dessous du sein gauche (zone hystérogène), M. Charcot provoque quatre petites attaques; après la dernière, D... est réveillée.
8 juillet. — Sommeil pendant 12 heures, sans attaques au début ni à la fin : le réveil s'est opéré sans phénomènes particuliers.
11 juillet. — Sommeil de G heures du matin à 6 heures du soir.
3 et 5 août. —La malade s'est endormie le 3, à 10 heures du soir et s'est réveillée le 5 à 10 heures du matin : immobilité complète, légère raideur des membres, pas de catalepsie. Elle est réveillée, sans attaques, par la pression de la région sous-mammaire; elle est mécontente, agacée.
2\ août. — D... a été triste pendant toute la journée d'hier, mais n'a pas pleuré; elle a refusé de manger; elle paraissait résister au sommeil. A 5 heures de l'après-midi, il lui était impossible de parler, bien qu'elle n'eût pas de contracture. Une de ses compagnes a provoqué deux attaques par la pression de la zone hystérogène : la parole est revenue. — La malade s'est couchée à 6 heures et s'est endormie de suite.
Actuellement (10 heures du matin), D... est endormie, dans le décubitus latéral gauche ; la tête est dans l'extension, le cou à peine raide; la face est rouge, chaude, sudorale. Parfois on observe de petites palpitations des paupières, la conjonctive oculaire est injectée; les yeux, animés de nystagmus, sont le plus souvent dirigés à gauche; les pupilles sont dilatées; elles se contractent un peu sous l'influence de la lumière, puis reprennent leurs dimensions primitives.
Presque partout la peau est moite. Les membres supérieurs et inférieurs sont dans l'extension, à peine raides. — De temps en temps, la raideur augmente, il survient quelques petites secousses dans le bras droit.
Quelquefois la malade se retourne, sans se réveiller, elle a de la tendance à se mettre la face contre l'oreiller. Elle urine involontairement et ne revient pas à elle quand on change ses alèzes.
P. régulier, médiocrement fort, à 88 ; R. à 28, forte ; T. V. 38°. Sécrétion vaginale médiocre.
Ail heures, D... s'asseoit tout d'un coup, est étonnée, se plaint qu'on ne l'ait pas réveillée, se plonge dans son lit et pleure. Elle se rasseoit bientôt et assure que c'est fini. Interrogée, elle raconte qu'elle a des rêves tristes et gais : 1° elle a vu des hommes noirs qui l'ont emmenée de force se promener sur l'eau et l'ont jetée dans la rivière, d'où Geneviève l'a retirée; 2° elle a vu sa patronne qu'elle affectionne, s'est promenée avec son fils, âgé de 20 ans.....
La malade se lève, va uriner aux cabinets et, en revenant, est prise d'attaques. Elle en a quatre successivement.
A midi et à G heures du soir : T. R. 38°.
28 août. — Les lettres tracées avec la pointe d'une épingle sur le devant de la poitrine, déterminent une bande érythé-mateuse moins large que celle de W... et M... Les lettres se dessinent sans former de relief. Des raies transversales et verticales offrent les mêmes caractères.
29 août. — D... a reçu la visite de sa patronne et, par conséquent, a été gaie dans l'après-midi. A 8 heures du soir, elle s'est assise sur les marches du perron de la salle et bientôt s'est endormie. On l'a 'déshabillée et couchée et l'on a pris sa température sans qu'elle s'en aperçoive. T. R. 37°,4. La nuit a été tranquille. Ce matin, à 6 heures : T. R. 38°.
A partir de 9 heures et demie, D... a déliré tout en dormant : elle appelle, a peur, se cache parce que des bêtes vont la piquer. Ail heures : P. 84; T. Y. 37°,8. La sécrétion vaginale est assez abondante.
Le délire continue : « Oh! elles vont me mordre!... on me pince. (Elle gémit, soupire). Oh! oui, elles vont me mordre... Oh! je le sens bien! Elles vont mordre... Elles me pincent... Non ! elles ne me pinceront pas. » Elle se débat, mord ses draps. « Elles me pincent ! » (ter). D... pleure, sanglotte, se fourre la tête dans l'oreiller, a des mouvements de déglutition, se tord les bras. « Oui, elles me pincent, pour sûr, c'est vrai... Oh! oui, je les sens... Maman Beaufils! Otez-moi de là... Elles me pincent l'estomac. » Elle se couche brusquement sur le ventre.
Durant cette période, les paupières restent fermées; les conjonctives oculaires sont un peu injectées ; les pupilles moyennement dilatées. La face est rouge, chaude, sudorale.
Ail heures et demie, D... reprend connaissance, s'assied sur son lit, demande son jupon. Questionnée aussitôt sur ce qu'elle voyait, elle répond que des bêtes la piquaient aux genoux, aux coudes, à la poitrine ; — qu'un chien enragé l'a mordue. Elle n'a pas gâté. Elle se lève et va uriner aux cabinets. En revenant, elle tombe en attaques. Comprimée_de suite par une de ses compagnes, D... revient à elle, et quelques instants après se rendort. On la porte dans son lit.
Les letttes tracées hier ressemblent aujourd'hui à de simples égratignures. On écrit de nouveau son nom sur la poitrine, le mot Salpêtrière sur le ventre. Au bout de quelques secondes, il se produit une bande érythémateuse ; 3 ou 4 minutes plus tard, la rougeur disparaît et les lettres se dessinent légèrement en relief.
30 août. — D... s'est réveillée à midi un quart, a refusé de manger, s'est levée, est allée s'asseoir sur les marches du perron, et s'est rendormie. On l'a couchée à 2 heures. Vers 4 heures, elle a eu de l'agitation durant 10 miuutes. A 6 heures : T. R. 37°,8; — à minuit : T. R. 38°; — ce matin, à 6 heures : T. R. 37°,8.
A la visite, D... est endormie. Les bras, soulevés, s'abaissent sur-le-champ. Lorsqu'on écarte les paupières, les inférieures sont animées de palpitations. Réveillée par M. Gharcot à l'aide de la compression ovarienne droite, elle refuse de divulguer ce qu'elle voit. — Une attaque est provoquée par la pression sur la partie àw. sternum qui correspond aux troisièmes cartilages costaux [zone hystérogène). Enfin, D... est réveillée par la compression ovarienne. Elle se lève, arrange son lit, va uriner, se recouche, coud sa chemise 1 et se rendort à 10 heures et demie.
31 août. — D... s'est réveillée à midi, et depuis lors, est dans son état habituel. — Les lettres tracées la première fois sont encore apparentes ; en certains points, elles commencent à s'effacer. Les dernières lettres écrites sont un peu plus nettes.
1er Septembre. — Les lettres sont à peu près les mêmes qu'hier. — La sensibilité est normale des deux côtés.
2 sept. — Les lettres s'effacent, mais sont encore distinctes.
3 sept. — Une partie des lettres du mot tracé le premier ont disparu. Les lettres du mot tracé en second lieu ressemblent à des égratignures.
* La plupart des hystériques, quand elles se sentent sous le coup de leurs attaques, cousent leur chemise.
4 sept. — Les lettres sont de moins en moins apparentes ; elles ressemblent à des traits réguliers et non plus à des égra-tignures.
6 sept. — Les traits correspondant aux lettres se distinguent à peine de la peau. Hier soir, D... s'est endormie à 7 heures, sur le lit d'une de ses compagnes avec laquelle elle causait. On l'a portée dans son lit. A 8 heures du soir : T. R. 37°,8. — A minuit, T. R. 38°. — La malade s'est réveillée ce matin à 8 heures. Peu après, elle s'est levée, a fait son lit et est allée dans la cour où elle se promène seule, refusant de parler à qui que ce soit.
A 10 heures, nous la faisons rentrer dans la salle, nous essayons de la faire causer et nous n'obtenons d'elle que quelques paroles. L'interrogatoire l'ennuie ; elle nous quitte et va s'asseoir dans un coin, sur le parquet, le menton appuyé dans la main. De temps en temps, elle ferme les yeux et lutte évidemment de toutes ses forces contre le sommeil. Parfois, elle frotte ses paupières. Elle semble ne pas avoir la force de parler. Sous l'influence de l'électrisation, elle parle ; mais, bientôt, elle est envahie par le sommeil. Réveillée par la grande pile, elle rentre gaie dans le dortoir. •— A 2 heures de l'après-midi, elle se couche et s'endort. Soir : T. R. 37°, 8.
7 sept. — T. R. 38°. Le sommeil dure encore à ce moment (10 heures 1/2). Lorsqu'on écarte la paupière supérieure, on éprouve une certaine résistance, les yeux sont humides, dirigés en avant et se portent en haut et en dedans (nystagmus). Les pupilles sont un peu dilatées.—L'insensibilité est générale. — Les membres soulevés retombent lourdement. Il n'y a pas d'hyperexcitabilité musculaire.
Les zones hystérogènes sont : Io les deux régions ovariennes, surtout la droite ; 2° la partie du sternum qui répond aux cartilages des troisièmes cotes ; 3° les gouttières vertébrales de la dixième vertèbre dorsale; 4° la région sous-mammaire droite. La pression sur ces différents points donne lieu à des attaques incomplètes. Puis, D... se rendort. Réveillée par la compres-
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sion ovarienne, elle est heureuse, dit qu'elle était dans un beau château, qu'il y avait des fleurs de toutes les couleurs, de la musique, etc.Durant le réveil, on note àeY analgésie à gauche. A droite, la sensibilité au pincement, à la piqûre, au froid, est conservée. —D... se met à rire aux éclats, sans motif, et, au bout de quelques instants, elle se rendort. —A midi, elle se réveille, déjeune au lit, puis se lève.
8 sept. ¦— Elle est tranquille, raisonnable et travaille.
12 sept. — D... va bien. — Des mots tracés précédemment, on ne voit plus que deux lettres *.
24 sept. — Sommeil à partir de 6 heures du soir jusqu'à 10 heures du matin, le 25 : réveil par la compression ovarienne.
16 octobre. — D... se couche à 7 heures du soir; elle a deux attaques, s'endort et ne se réveille que le 17 à 6 heures du soir.
20 oct, — Apparition des règles qui finissent le 23 ; deux attaques convulsives le 22, une le 24.
25 oct. — 25 attaques et tortillements de 9 à 11 heures du matin.
28 oct. — Sommeil de 10 heures du soir à 10 heures du matin, le 25 réveillée par la compression.
10 novembre. — Sommeil qui débute à 10 heures du soir et finit le 12 à 4 heures du soir ; elle a uriné sous elle et a eu des frayeurs : elle pleurait, disait qu'on lui faisait du mal, se débattait, se tortillait, gémissait.
ilnov. — D... a eu, pendant la nuit des vomissements, bien qu'elle n'ait pas eu d'attaques ni pris de médicaments. Elle est sujette à ces accidents. — Règles du 17 au 22 nov.
17-22 décembre. — Règles ; pas d'attaques durant le mois.
* Le lecteur a certainement remarqué les détails que nous avons consignés dans le cours des observations qui composent les trois volumes de Y Iconographie, et relatifs aux troubles vaso-moteurs de l'hystérie.
1880. l6-i8 janvier. — Règles. 14-16 février. —Règles.
14-16 mars. —Règles. D... n'a pas eu d'attaques de sommeil depuisle mois de novembre. Parfois, tristesse, mauvaise humeur tendance au sommeil. Elle s'endort en général assez vite ; quelquefois, difficilement. Elle avoue être dormeuse, désirer rester au lit le matin. Le plus souvent, elle rêve beaucoup. Elle a des névralgies dentaires fréquentes.
7 avril. — Accès de colère sans motif. Elle brise un bol; puis s'en va dormir dans la cour durant deux heures. Le soir, elle est agitée, casse un carreau afin de se faire mettre en cellule.
13-16. — Règles. — 22. Agitation dans l'après-midi. D... se couche à 9 heures du soir, s'endort de suite, dort pendant toute la journée du 23, est réveillée le 24 à midi, parla compression, et est agitée durant quelques heures.
12-15 mai. —- Règles. —D... s'endort le 20 mai, à 9 heures du soir, après une période d'agitation, de cris, de rires inextinguibles, etc. La nuit du 20 au 21 a été tranquille; le 21, à midi, tout en dormant, elle pleurait sans larmes. Puis, elle a eu des tortillements, appelait la sous-surveillante, et tout cela sans se réveiller. Au moment de la visite, elle dort encore et parfois les bras sont raides.— A 4 heures, elle ouvre les yeux, regarde, appelle la sous-surveillante et se rendort ; la face est rouge, chaude, couverte de sueurs. Le pouls est régulier, modérément fort. A 8 heures, à midi et à 5 heures : T. V. 38°. Sécrétion vaginale assez abondante; d'habitude D... perd très peu en blanc. — Elle n'a pas uriné sous elle depuis le commencement de cette attaque de sommeil ; les membres sont souples ; la peau, sauf à la face, est normale. D... se réveille à 5 heures et demie et est prise d'agitation.
Simai. —HierD... s'est enfuie de la Salpêtrière avec une de ses compagnes, Rob...,et elle est allée à Arpajon, voir une de ses tantes. Elles sont rentrées spontanément ce matin à 9 heures et demie.
Juin-août. — D... n'a pas eu de nouvelles attaques de sommeil ni de crises convulsives. De temps en temps, elle est surexcitée, impatiente, chante, crie, bavarde, rit bruyamment, est sans cesse en mouvement, se plaint d'une douleur à la région cardiaque. — Le 15 juillet, elle a eu, après une exacer-bation de la névralgie intercostale, une attaque syncopale qui a duré environ 15 minutes : elle était pâle, immobile, semblable à une morte. Consécutivement congestion de la face.
Enjuin, pas de règles; — en juillet, règles du 12 au 15.
Le sommeil vient d'ordinaire assez vite, sans être précédé de visions, il est toujours agité; D... prononce touthaut des mots entrecoupés. Elle rêve actuellement, si on l'en croit, aussi souvent que quand elle avait des attaques convulsives. Elle n'aurait pas de cauchemars, mais des rêves agréables ou indifférents. — Elle se réveille fréquemment et se rendort au bout de quelques minutes : elle est dormeuse, répète-t-elle.
La sensibilité cutanée est entièrement revenue à gauche. Le chatouillement de ce côté est perçu aussi bien que du côté sain.
D... attribue sa maladie à des contrariétés insignifiantes avec sa patronne. — Dans son pays, elle avait un « petit bon ami » qu'elle connaissait depuis l'âge de 12 ans et avec lequel elle aurait eu des rapports sexuels à partir de 15 ans. Depuis son arrivée à Paris, elle n'aurait pas eu de relations sexuelles (?); mais elle avait beaucoup d'affection pour le fils de la maison oùelle était domestique. Elle rêve souvent de son ancien amant et a des sensations voluptueuses. Elle assure n'avoir jamais eu de mauvaises habitudes.
D... est de taille moyenne, d'un embonpoint assez prononcé; les seins sont volumineux ; en un mot, le développement est complet. La physionomie est douce, mais le regard, humide, dénote fréquemment un peu d'excitation, ce qui donne à la malade un air effronté. Son langage, trop libre, ses allures feraient même croire à une dépravation qui n'existe pas, ou n'existe que dans l'imagination. Elle est d'un caractère fantasque , aime le changement, travaille par caprice.
Les premiers accidents ont consisté en troubles du sommeil, en apparence insignifiants : la malade tombait de son lit. Puis, on a remarqué que, dans la journée, elle était sujette à des assoupissements qui duraient une ou deux heures sans être précédés ni suivis de convulsions. Enfin, elle a une attaque de sommeil qui persiste pendant vingt-deux heures et on se décide à la placer à la Salpêtrière.
Là, on constate que D... présente tous les symptômes de Y hystérie; hémianesthésie, hyperesthésie ovarienne du côté gauche, zones hystérogènes, grandes attaques.
Chez elle, de même que chez la malade de I'Obser-vation XI, les attaques de sommeil offrent souvent des prodromes : tristesse, alternant avec de l'excitation, rires sans motif, hallucinations et illusions variées, mouvements nerveux, secousses, enfin tendance au sommeil, à laquelle les malades essaient de résister. — Parfois, D... avait des attaques convulsives avantl1 attaque de sommeil, qui n'était alors qu'une sorte de terminaison particulière de la série.
Nous devrions maintenant résumer les symptômes qui caractérisent les attaques de sommeil, indiquer leur durée, leur marche, etc. ; mais nous croyons que cette description sera mieux placée à la suite de l'observation qu'il nous reste encore à relater et dans laquelle on trouvera des particularités nombreuses, car il s'agit d'une vieille hystérique.
OBSERVATION XI
Sommaire, — Antécédents : mère épileptique. — Début des attaques à dix-hnit ans, — Gastralgie.*—Grossesse.-j Pertes utérines.— Influence des rapports sexuels et des règles sur les attaques. — Paralysie consécutive .aux attaques. — Lactorihée.
Etat de la malade en 1866 : Douleurs abdominales. — Paraplégie. — Contracture. — Déformation des pieds. — Secousses, -r— Ançsdiésie. — Caractères des attaques. — Hallucinations, extases. — Effets de la compression épigastrique.
État de la malade en 1875 : Hyperesthésie ovarienne dôjuble?—Tympanisme. —Obésité.
— Sensibilité. — Motilité. — Déformation des pieds. — Arthrite chronique des genoux.
— Atrophie relative des membres du côté gauche.
Sommeil ordinaire. — Attaques de sommeil : Prodromes. — Symptômes. — Pouls, respiration et température. — Phénomènes cataleptiques. — Contracture. — Signes qui annoncent la fin des attaques de sommeil : mouvements cloniques, délire.
Description de l'att;ique de sommeil de 1876 : abaissement de la température centrale.
— Attaques hystériques ébauchées.
État de la malade en 1878 et en 1879. — Trépidation spontanée. — Troubles de la sensibilité. — Zones sensibles. — Effets de l'électrisation. — Zones hystérogènes.
Hel... Eudoxie, célibataire, sans profession, était âgée de vingt-sept ans, lors de son admission à la Salpêtrière le 17 février 1862. Nous l'avons observée pour la première fois en 1866, pendant notre internat dans le service de notre vénéré maître, M. Delasiauve. Depuis 1870 jusqu'à ce jour, nous l'avons suivie régulièrement.
Antécédents. — Son père serait mort d'un asthme (?) ; — sa mère aurait succombé à un cancer de l'estomac ; elle aurait été atteinte à'épilepsie (?) à la suite d'une frayeur occasionnée par la vue d'un cadavre ; les accès auraient débuté après la naissance de la malade et auraient disparu au bout de six ans. Une sœur (de mère seulement), que nous avons vue et qui a confirmé la plupart des renseignements, est nerveuse, impressionnable, mais n'a pas d'attaques.
Pas de consanguinité.
H... ne sait rien de son enfance ; elle ignore si elle a eu des convulsions ; ce qu'elle se rappelle seulement, c'est qu'elle pleurait ou riait par crises et sans motif. — Les règles, parues à
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11 ans, ont été précédées de douleurs dans les reins et le bas-ventre ; elles ont été régulières dès l'origine, sauf parfois un léger retard.
Les attaques auraient débuté à 18 ans, nous ne savons dans quelles circonstances. — Vers dix-neuf ans, H... aurait eu une gastrite ou une gastralgie pour laquelle elle aurait été soignée à l'Hôtel-Dieu d'Amiens. A vingt et un ans, elle a fait une fausse couche, à 5 mois, suivie d'accidents du côté du ventre et de pertes utérines qui se seraient répétées pendant 8 mois. Sa grossesse aurait occasionné de fréquents vomissements ; mais elle n'aurait pas modifié les attaques. En ce qui concerne l'influence des rapports sexuels, son amant, qu'elle a connu trois ans et qui est mort en prison où il avait été mis pour une affaire de contrebande, lui aurait dit qu'elles devenaient plus fortes.
A la suite d'une série d'attaques, survenues à vingt-deux ans, s'est montrée une paralysie qui persiste encore et pour laquelle elle est entrée à l'hôpital Lariboisière. Les jambes étaient rigides. Là, on lui a fait des cautérisations avec le fer rouge sur la jambe gauche. Pendant son séjour, les genoux ont été le siège de douleurs violentes — le genou gauche aurait même augmenté de volume — et on lui a mis des ventouses scarifiées dont les cicatrices sont encore visibles. A partir de cette époque jusqu'à son entrée à la Salpètrière, elle a été d'hôpital en hôpital. En novembre 1865, elle a eu lecholéra.
Etat actuel [janvier 1866). — H... présente un embonpoint notable ; le ventre surtout est volumineux. — L'appétit est presque nul ; la malade a souvent des renvois gazeux, des nausées suivies ou non de vomissements bilieux ou alimentaires, une sensation de barre et de gonflement à l'estomac, de la tympanite; les garde-robes sont rares. Dans le flanc gauche, on trouve de l'empâtement et de la matité; l'exploration est douloureuse; il ne semble pas y avoir de flot. S'agit-il là d'une ancienne péritonite circonscrite ou d'un kyste de l'ovaire, c'est ce que nous ne saurions dire, l'obésité et la douleur s'opposant
à un examen complet. La malade assure avoir la sensation d'une boule qui se déplace (?).
La respiration et la circulation n'offrent pas d'altérations appréciables. — Les seins sont très gros et la malade y éprouve fréquemment des élancements qui seraient plus intenses à l'époque des règles. Le sein gauche, depuis la fausse couche, a toujours donné écoulement à du lait. — Les règles ne l'augmenteraient pas ; elles viennent régulièrement, avec une avance de 3 jours, durent 4 jours, s'accompagnent de souffrances dans le ventre et la région lombaire, principalement à gauche, et rendent les attaques plus violentes.
Les mouvements des bras sont libres ; H... serre moins bien de la main gauche que de la droite. Parfois, lorsqu'elle a les yeux fermés, elle ne distingue pas les objets; d'autres fois, au contraire, elle les reconnaît exactement. L'avant-bras gauche (22 cent. 1/2) est un peu moins volumineux que le droit (23 cent. 1/2).
Les membres inférieurs sont paralysés, et d'habitude dans l'adduction ; la paralysie est incomplète en ce sens que la malade exécute, au lit, quelques mouvements, mais il lui est impossible de se tenir debout. La paralysie est plus prononcée à gauche. A droite, la jambe étant fléchie, si on demande à la malade de l'allonger on sent une légère résistance.
Les cuisses sont très développées (42 centimètres à gauche, 44 à droite), aussi contrastent-elles avec les jambes qui sont amaigries presque uniformément et ont un aspect fusiforme (27 centimètres à gauche, 29 centimètres à droite.) Le pied droit est normal ; le gauche est en varus équin et les orteils de ce côté sont contractures dans la flexion. — La notion de position paraît abolie à certains jours l.
La malade a souvent des secousses à peu près également dans les jambes et dans les bras, secousses qui la font sauter et la réveillent quand elles viennent la nuit.
* Cette perte de la notion de position s'observe souvent; nous l'avons mentionnée maintes fois dans nos observations.
Planche XI HYSTÉRO-ÉPILEPSIE
ÉTAT NATUREL
La vessie n'est pas paralysée; toutefois, H... ne peut pas se retenir longtemps, ni suspendre la miction commencée.
La sensibilité générale (toucher, pincement, piqûres, etc.) est abolie sur tout le corps et aussi bien pour les muqueuses que pour la peau.
Les attaques commencent ordinairement le matin à 7 heures, et finissent à onze heures. Le corps est rigide, la tête dans l'extension. H... a des mouvements cloniques très violents ; la respiration est saccadée. Les attaques se terminent par des hallucinations et de Y extase. Elle veut s'en aller, voit des lapins, des puces « grosses comme un manche à balai » ; elle rit aux éclats ; à un autre moment, elle est assise, immobile, les yeux fixes.
28 mai. — La compression épigastrique calme presque instantanément les attaques et les suspend pendant quelque temps. — Les attaques se montrent le matin à 7 heures et de nouveau vers 4 heures de l'après-midi. En raison de la périodicité des crises, on a administré, mais sans succès, du sulfate de quinine. — H... se plaint sans cesse du ventre qui lui fait mal des deux côtés. On a pratiqué des frictions variées, mis de la glace, appliqué des sangsues, des emplâtres, et tout cela en vain.
Dans le cours de l'année, elle a eu très fréquemment des crises gastralgiques. Il est assez commun aussi d'observer des vomissements à la fin des séries d'attaques.
1875. — 6 avril. —H... a engraissé considérablement depuis un an. La face est fraîche, les joues sont colorées, ainsi que les muqueuses. Les mains sont potelées ; les poignets mesurent 16 centimètres. La surcharge graisseuse est générale ; proportionnellement, les jambes et les cuisses sont moins développées.
H... mange bien; elle vomit parfois ses aliments, mais pas de sang; elle souffre beaucoup dans le ventre au niveau des régions ovariennes, où, dit-elle, elle sent une boule qui remonte
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à l'estomac, puis à la gorge. La pression sur l'une ou l'autre de ces régions est douloureuse et rappelle la sensation de boule, avec suffocation. Ces phénomènes paraissent plus intenses lorsque la pression s'exerce sur la région ovarienne gauche. — Par moments, le ventre prend presque tout d'un coup un développement exagéré. (Tyrnpanisme.) Les selles sont quotidiennes.
La malade a constamment gardé le lit depuis 1866 et n'a jamais offert aucun des accidents du décubitus.
Depuis quatre ou cinq jours, elle se plaint de souffrir dans la tête : « Ça me serre au front, j'ai des secousses dans tous les membres et même dans la tête. J'ai des bouffées de chaleur et ma figure devient toute rouge. Ça me travaille dur. » Elle a n des fourmillements dans la tête et comme des coups de couteau dans la tempe gauche. » Ces symptômes feraient défaut à droite.
Depuis quelques jours, elle a encore des battements des paupières, un brouillard devant les yeux, une propension irrésistible à dormir; durant son sommeil, elle a des soubresauts, mais ne rêve pas beaucoup et n'a pas de visions. Ces différents symptômes sont plus accusés aujourd'hui.
La respiration est normale. H... a eu l'hiver dernier une bronchite légère.
H... a des douleurs dans les bras, surtout à droite et au niveau des trois premières vertèbres dorsales : la pression exagère d'abord cette douleur, qui diminue ensuite pendant plusieurs minutes.
La sensibilité cutanée est à peu près tout à fait abolie. Nulle part, le simple contact n'est perçu. On peut pincer vigoureusement la peau, transpercer des plis avec une épingle, appliquer un vase froid, projeter de l'eau froide sur la face, le dos, le ventre*, etc., la malade ne perçoit rien, ne fait aucun mouvement.
Les muqueuses n'ont pas perdu toute sensibilité ; il y a des différences entre les deux moitiés du corps. A gauche, la conjonctive est insensible; mais, à droite, il y a une sensibilité
obtuse et le contact de la tête d'une épingle suscite quelques mouvements réflexes. Le chatouillement des narines, des lèvres, des joues et de la partie antérieure de la langue, n'amène pas de réaction. Il en est de même pour la moitié gauche de la voûte et du voile du palais. Sur la moitié gauche du palais et de la base de la langue, le contact du doigt détermine des mouvements réflexes et des efforts de vomissements. — Le titillement du mamelon n'est pas perçu; l'aréole droite se plisse fortement, la gauche ne change pas. Le mamelon droit s'érige plus que le gauche.
Les règles viennent toutes les trois semaines et coulent pendant deux jours.
La malade mange, boit, se peigne seule. Elle serre médiocrement fort de la main droite et encore moins de la main gauche.
Le membre inférieur droit est libre; la malade le fléchit, l'allonge; il possède une certaine puissance, car si on le lui fait fléchir et étendre, en s'y opposant, on constate un effort assez grand.
Le membre inférieur gauche est entièrement inerte. Le pied est en varus équin; les orteils sont fléchis. Le cou-de-pied est souple. Le genou est raide; quand on fléchit la jambe sur la cuisse, on éprouve une certaine résistance et on entend des craquements comme si de nombreuses brides se déchiraient. Bien que l'on répète cette manœuvre plusieurs fois, les craquements persistent. — La hanche est libre.
Les deux jambes sont dans l'extension avec tendance à l'adduction. Le chatouillement de la plante des pieds produit des mouvements réflexes, rares et lents à gauche, assez multipliés et plus rapides à droite. — Le mollet gauche est flasque; le droit assez ferme.
gauche.
droit.
Circonférence de la cuisse à 15 centimètres au-dessus de la rotule..............
Circonférence du mollet............
— du cou-de-pied..........
49 c. 30 c. 5 24
52 c.
31
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7 avril. — Ce matin, H... a pris un purgatif. — Nous la trouvons endormie. La physionomie est tranquille. Les paupières sont agitées de frémissements rapides, mais ne cachent pas toujours les globes oculaires. Nous secouons la tête, H... se réveille et assure ne pas avoir de rêves. Hier, dans l'après-midi, elle a dormi longtemps. Elle mange comme d'habitude.
8 avril. — Somnolence constante; réveil facile. P. 8ï.
12 avril. — La somnolence persiste et continue jusqu'au 27 avril. P. 88.
28 avril. —Hier, à quatre heures, après avoir mangé, H... a été prise d'un rire bruyant, puis de délire : elle voyait son beau-père qui lui « faisait des misères », elle pleurait, disait qu'elle allait sur la tombe de son père et de sa mère ; qu'elle était enterrée depuis dix ans. Ensuite, elle riait aux éclats, sentait une bête qui dansait dans son ventre, avait une couronne blanche sur la tête, etc. Cette excitation a continué jusqu'à minuit; alors, elle a eu de grands éclats de rire et s'est endormie.
Ce matin, elle est dans la situation suivante : décubitus dorsal, tête légèrement étendue, joues colorées, battements rapides des paupières ; si on les écarte vite, on voit que les pupilles sont très dilatées ; elles se contractent très prompte-ment.
Les membres supérieurs sont allongés et rigides dans toutes leurs jointures, excepté les doigts qui sont simplement raides. — On note la même rigidité aux membres inférieurs; seuls, les pieds sont flasques. L'abduction des cuisses est impossible.
On lui a fait avaler du potage, à l'aide de la cuiller portée au fond de la bouche ; elle avale automatiquement avec bruit et sans paraître se réveiller. Quand elle a pris suffisamment de nourriture, elle serre les dents. Bâillements, borborygmes. Urines involontaires, une garde-robe hier. — P. compté au cœur, 92, régulier; pas de souffle.
29 avril. — P. 84; R. 16 ; T. V. 37°,5. Hier, elle a eu une sorte d'accès de rire inextinguible ; elle n'a pas parlé. Les phénomènes sont les mêmes. — Tandis qu'on la fait manger,
si l'on écarte les paupières, les pupilles paraissent moins dilatées qu'elles ne le sont en dehors des repas. — Une selle involontaire après lavement.
1" mai. — P. 96; T. V. 37°, 6.— Lorsqu'on joint les mains (attitude de la prière), elles conservent cette position. —Pas de changement dans la situation générale.
4 mai. — Même état. Hier soir, accès de fou rire suivi de pleurs. — Bâillements fréquents. Les membres sont toujours contractures, ne conservent pas la position qu'on leur impose, mais reviennent aussitôt à celle qu'ils avaient auparavant. — P. 92; R. 16; T. V. 37°, 3.
5 mai. — P. 92; R. 20; T. V. 37°, 8. Parfois, mouvements de déglutition, et vagues abdominales accompagnées d'un léger bruit. Les bras, rigides, se laissent mettre dans l'abduction, et reviennent promptement à leur position primitive. — Accès de rire, dans l'après-midi, quand on la secoue vigoureusement.
6 mai. — P. 92 ; R. 16; T. V. 37°, 6.
8 mai. — P. 80; R. 20 ; T. V. 37°, 6. — Les bras, élevés, conservent cette attitude pendant 15 minutes à gauche et 20 minutes à droite.
13 mai. — P. 80-84; T. V. 37°, 6.
15 mai. — P. 84 ; R. 20 ; T. V. 37°, 6. — Mêmes phénomènes pupillaires. — Alternatives de rires , de pleurs, de bâillements. L'alimentation, qui se compose de soupes épaisses, s'effectue toujours de la même façon; parfois, vomissements; ventre très gonflé, sonore à droite, offrant de la submatité dans le flanc gauche. — Rigidité générale; extension des membres. Persistance de l'état cataleptique.
17 mai. — P. 92; R. 17; T. V. 37°, 6. — Les accès de rires ont été moins fréquents; H., n'a pas pleuré. Elle a refusé en partie la soupe qu'on lui donne; quand elle en a suffisamment, elle souffle, refoulant ainsi les aliments. Parfois, elle vomit.
18 mai. — P. 76; T. V. 37°, 6. —Le ventre est énormément distendu, sonore partout, quoique un peu moins à gauche. Nous ne retrouvons pas la submatité, autrefois constatée.
19 mai. — P. 84; T. V. 37°, 6. — La contracture générale persiste; elle est plus marquée aux bras qu'aux jambes et à la jambe gauche qu'à la droite. Les selles et les urines sont toujours involontaires. — Nous assistons à un accès de rire bruyant, avec congestion de la face et mouvements latéraux de la tête.
24 mai. — P. 84 ; T. V. 37°, 4. 28 mai. — P. 84; T. V. .37°, 5.
1er juin. — P. 92;,T. V. 37°, 8.
3 juin. — P. 84; T. V. 37°, 6. — La situation n'a pas sensiblement changé. Alternatives de rires et de pleurs ; — contracture des membres qui conservent l'attitude qu'on leur impose. — H... prend moins bien sa soupe et semble avoir des nausées.
5 juin. — Hier et ce matin, H... n'a pris que du lait, du vin et de l'eau de Seltz ; on a dû cesser les potages parce qu'ils étaient rejetés. La malade se plaint et pleure. Ce matin, on lui a fait prendre de l'huile de ricin, qui a déterminé des selles peu abondantes. La tympanite est très considérable. Le ventre est le siège de mouvements onduleux. Les autres symptômes n'ont pas changé. Les bras conservent la position qu'on leur donne durant quinze à vingt minutes. P. 92; T. Y. 37°, 6.
7 juin. — Dans l'après-midi du 5, dans la journée d'hier, et la nuit dernière, petites plaintes étouffées. A partir d'une heure du soir, hier, H... a eu des crises, offrant les symptômes suivants : les paupières étaient ouvertes, les yeux dirigés en haut ; puis, elle poussait des « Oh ! oh ! oh !», s'asseyait et laissait retomber brusquement le tronc sur le lit. Ces grands mouvements se répétaient 5 ou 6 fois de suite. Les crises étaient séparées par un répit d'environ 10 minutes. Elles ne s'accompagnaient ni de rires, ni de pleurs. Elles se sont éloignées vers 9 heures, et, de là jusqu'à minuit, H... a eu du délire : cris, chants, appels au secours, rires. Elle disait qu'elle avait une bête dans le ventre. Par moments, elle prenait son drap et simulait l'acte de laver et de savonner.
H... s'est réveillée à minuit, en quelque sorte tout d'un coup. Elle a causé tranquillement à la sous-surveillante et à une de ses voisines et ne s'est pas rendormie.
Ce matin, elle cause comme si elle n'avait rien eu d'extraordinaire. Elle se plaint d'être courbaturée par tout le corps et d'une série de phénomènes douloureux : mal dans la poitrine qui est serrée; mal dans le ventre où « ça saute » ; céphalalgie frontale avec sentiment de constriction plus intense à gauche; élancements dans l'œil gauche, dans les doigts, le coude et l'épaule du même côté; hyperesthésie ovarienne double. — La tympanite s'est dissipée; H... ne gâte plus; elle a la bouche pâteuse, une soif vive, mais ne désire pas manger; les membres ne sont plus contractures; la main gauche tremble légèrement; l'anesthésie est toujours complète.
La malade assure n'avoir aucun souvenir de ce qui a été dit ou fait autour d'elle pendant son sommeil; elle ignore si elle a eu des visions et ne sait pas pourquoi elle pleurait ou riait aux éclats. La vue est normale (objets, couleur). P. à peine perceptible aux radiales; 100, compté au cœur; T. V. 38°, 2.
14 juin. — Quelques-uns des phénomènes que nous avons notés précédemment n'ont pas encore disparu : sentiment de constriction des diverses parties du corps, avec prédominance à gauche; secousses dans les quatre membres. L'appétit est médiocre; il y a souvent des vomissements alimentaires, des crampes d'estomac, des renvois gazeux. La tympanite est revenue; les selles sont régulières, à condition d'administrer des lavements ou de la magnésie. Le sommeil est très court. — Les règles ont commencé le 8, fini le 12 ; elles ont été abondantes. (Elles étaient venues le 21 mai.)
1876. 23 mars. — Depuis son attaque de sommeil, H... prétend qu'elle a mal dormi, qu'elle avait une insomnie fatigante qui a résisté à l'opium et au chloral. Durant les deux derniers jours, elle a eu des secousses dans les jambes et dans le bras gauche qui est engourdi ; — dans la tête, qui est lourde ; la tempe gauche est le siège d'élancements. Enfin, on note une tendance
à la somnolence. Les pupilles sont normales ; le pouls, compté au cœur, est à 88.
25 mars. — La somnolence et les autres symptômes sont les mêmes. Si l'on excite la malade, elle répond d'une façon précise aux questions qui lui sont adressées. Il n'y a pas de contractures.
27 mars. — P. 88, régulier; R. 20; T. V. 36°, 9, après six mimutes d'application profonde. — Vattaque de sommeil a débuté le 25, à sept heures du soir. La nuit dernière, H... s'est réveillée, a pris le bassin, a demandé à sa voisine combien il y avait de temps qu'elle dormait et s'est rendormie au bout de 10 minutes.
Sa situation générale est la même que dans la précédente attaque. La face est rouge, un peu chaude; les paupières sont closes, fréquemment animées de palpitations rapides ; si on les entrouvre, on voit que les pupilles sont normales ; la bouche est fermée. Les bras sont rigides; la rigidité peut être vaincue ; les bras placés perpendiculairement au tronc, les doigts étant écartés, conservent cette position pendant 5 minutes et se replacent dans l'extension et rigides le long du corps. — Les membres inférieurs sont rigides; à gauche, le rigidité ne peut être vaincue.
30 mars. — L'alimentation s'opère comme l'an dernier. Il n'y a de garde-robes qu'après lavement ; les selles et les urines sont involontaires. La contracture et Y état cataleptique n'ont pas changé. P. 88; T. V. 36°, 9.
1" avril. — Les battements du cœur (84) sont assez forts et réguliers. R. 20 ; T. V. 36°, 9. La face est rouge, un peu violacée ; les paupières sont fermées, ◀tantôt▶ immobiles, ◀tantôt▶ agitées par un frémissement convulsif ; les pupilles paraissent très dilatées et se contractent très vite dès que l'écartement des paupières laisse pénétrer suffisamment la lumière. La contracture est générale ; toutefois, elle est moins accusée aux membres inférieurs. L'état cataleptique existe encore.
3 avril. — P. 84 ; R. 22 ; T. R. 37°. Accès de fou rire qui durent quelquefois 10 minutes.
Planche XII.
HYSTÉRO-ÉPILEPSIE
ATTAQUE DE SO M M E IL
5 avril. — La respiration semble gênée ; la malade rejette, par mouvements bruyants d'expuition, une salive mousseuse. Elle n'a pas eu de selles depuis trois jours. Les accès de rire continuent.
6 avril. — P. 84 ; T. V. 37°,4. Le ventre est énormément ballonné. Les accès de rire ont cessé ; en revanche, on observe des attaques hystériques ébauchées : soulèvement léger de la tête, rigidité plus forte des bras ; face rouge, battements des paupières, inspiration sifflante, expiration ronflante, petits cris : « Oue ! oue ! » écume. — D'habitude, nous assure la sous-surveillante, la malade n'a ces sortes d'attaques que quand elle est pour reprendre connaissance.
8 avril. — P. 88 ; T. V. 37°,4.
9 avril. — Hier soir, à partir de 7 heures et demie, H... a crié, chanté, etc. Son agitation s'est calmée, vers 10 heures. Alors, elle est revenue à sa condition ordinaire.
10 avril. — H... a été tranquille, raisonnable, a mangé seule. Elle ne gâte plus. A la visite, elle est un peu excitée, prétend qu'elle a « des chiens dans la tête et dans le ventre » et rit aux éclats.
12 avril. — Le sommeil est court ; pas de rêves. Le délire reparaît par instants. H... frappe le mur, rit niaisement à propos des choses les plus insignifiantes et se plaint du ventre, de la tête, surtout de douleurs au niveau de la tempe gauche où elle a des « coups de couteau. » Elle fait sa toilette et mange seule.
1877. 1er mars. — Depuis une dizaine de jours, H... est acariâtre, désagréable, demande sans cesse des ventouses scarifiées. Elle ne serait pas somnolente.
2 mars. — Hier, vers 5 heures, accès de rire, excitation. H... crie : « Viens, mon père, c'est toi qui es cause que je suis ici. » Et elle répète souvent ces mots. Elle a chanté jusqu'à 2 heures du matin, moment où a commencé Y attaque de sommeil.
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3-6 mars. — L'attaque offre les caractères habituels. Les battements des paupières sont plus ou moins rapides suivant les jours. Les accès de rire sont variables. P. 88 ; T. R. 37°,3.
7 mars. — T. R. 36°,8. — 8 mars. Soir .T. R. 37°.
9 mars. — Matin : T. R. 37°. — Soir : T. R. 37°,5. Dans les 24 heures, on a compté 8 accès de rire. Les règles ont paru cette nuit.
10 mars. — T. R. 37°,3. La ^projection brusque d'eau froide sur le visage occasionne une sorte de soubresaut, accompagné d'un spasme pharyngien.
12 mars. — Soir : T. R. 37°,8.
13 mars. — Hier, la malade a eu de fréquents accès de rire, durant lesquels elle agite la tète. Palpitations des paupières. Dès qu'on les écarte, les pupilles, qui étaient dilatées, se contractent promptement. Nystagmus. — Les jambes ne sont plus rigides, mais simplement raides.
14 mars. — De minuit à 5 heures, agitation, cris, chants, injures : « Canaille, c'est lui (son. beau-père) qui est cause que je suis malade. » Elle voyait Jésus-Christ et disait en éclatant de rire : « Jésus-Christ a un nez comme un manche à balai. » Elle paraît en vouloir beaucoup à son beau-père qu'elle traite de coquin. En revenant à elle, elle disait que son lit tournait. Ce matin, elle se plaint de douleurs, de fatigue, etc. La langue est saburrale, l'haleine nauséabonde, comme elle l'était dans les jours précédents; H... a des nausées, souffre dans les deux côtés du ventre, ne va pas à la selle.
15 mars. — La journée d'hier a été bonne. Insomnie. — H... mange seule. Ce matin elle est toute en larmes, dit qu'elle n'a rien fait « pour être guillotinée. M. Delasiauve veut me faire monter sur l'échafaud. » Elle s'imagine que le sifflet du chemin de fer d'Orléans l'appelle, qu'elle va aller à l'échafaud dans son pays. Quand on se moque de ses idées, elle rit bruyamment. T. R. 37°.
12-16 avril. — Attaque de sommeil incomplète.
25 mai. — Un nouvel examen de l'état de la malade nous permet de relever les particularités ci-après :
Embonpoint considérable ; chairs assez molles. Cicatrices de cautères à l'épigastre, c. de ventouses au-dessous des seins, sur les genoux, etc., c. de sangsues sur le ventre, c. de vésica-toires en diverses régions, c. de morsure de chien (treize ou quatorze ans) sur le cou-de-pied droit, c. de brûlure sur la face dorsale du même pied.
Les membres supérieurs ne présentent pas de modifications notables. Au dynamomètre Mathieu : 40 à droite, 30 à gauche, — Quelques craquements dans l'épaule gauche. — Même état des membres inférieurs.
De temps en temps, les deux jambes sont prises spontanément de trépidation. Parfois, pour la provoquer, il suffit de soulever l'une ou l'autre jambe.
La sensibilité est abolie sur tout le corps, sauf au-dessus de l'ombilic où il y a une zone sensible mesurant 10 centimètres de hauteur, s'étendant sur les parties latérales en s'effilant et comprenant les régions ovariennes. Au niveau de cette zone, la malade perçoit le pincement, mais non le simple contact et le chatouillement. La pression sur les régions ovariennes détermine une vive douleur : « Ça m'étouffe, ca me fait une boule qui remonte. »
Dans le jour, elle est quelquefois agitée, parle seule, chante, fait la demande et la réponse, rit. Il y a trois jours, on a dû la mettre eircellule parce que, dans son dortoir, elle se disputait sans cesse avec une autre hystérique couchée à l'autre extrémité du dortoir et à l'angle opposé et cela, bien qu'elles ne pussent se voir, un grand poêle interceptant la vue. Elles sont jalouses l'une de l'autre.
1er juin. — Le délire persiste, ce qui ne l'empêche pas de se peigner avec soin, de lisser ses cheveux, etc. Elle met les événements de sa vie en chanson, jure et rit. Elle dit qu'elle est folle, toquée, qu'elle n'a jamais été aussi folle et rit aux éclats.
13 juillet. — Elle passe son temps à se peigner, à s'arranger, à soigner ses ongles. Elle porte un ruban de velours noir sur sa camisole. Alternatives fréquentes de rires et de pleurs. Aujourd'hui, elle est triste, verse des larmes : « Je voudrais être morte. » Bientôt, elle rit.
1878. 15 avril. — Depuis le mois de juillet 1877, H... n'a pas eu d'attaque de sommeil. Sa situation ne s'est pas modifiée. Elle mange passablement, vomit (bile, aliments), a toujours des douleurs à l'épigastre (gastralgie), du gonflement de l'estomac, de la tympanite, des alternatives de diarrhée et de constipation. La miction est ou trop facile, ou difficile. — L'embonpoint est le même. P. petit, régulier.
Hyperesthésie ovarienne double, plus intense à gauche, avec sensation d'une boule qui remonte ; parfois elle s'exagère et la malade croit qu'une attaque va éclater.
Les membres supérieurs offrent les mêmes symptômes : attitude, craquements, etc. La trépidation spontanée ou provoquée persiste. Elle serait plus accusée à droite. H... dit qu'elle a des crampes dans les mollets, des douleurs qui vont des plis de l'aine aux pieds ; ces douleurs seraient plus vives à droite. Yoici la mensuration comparative des membres inférieurs :
droit. gauche.
Circonférence au niveau du pli de l'aine.... 68 c. 64 c. — à 10 centimètres au-dessus de la
rotule.................... 53 51
Circonférence à 10 centimètres au-dessous de la
rotule. . '................ 34 33 c. 5
Circonférence au niveau des malléoles..... 33 c. 5 33 c. 5
Pendant l'examen, la jambe gauche est prise spontanément de trépidation. La notion de position est perdue.
Uanesthésie n'est plus générale. Nous constatons le retour de la sensibilité en plusieurs régions : 1° Au niveau et au-dessus des ovaires (4 à 5 centimètres de diamètre) ; —2° A la partie inférieure de la poitrine et supérieure de l'abdomen
(entre les seins et une ligne horizontale passant à 12 centimètres au-dessus de l'ombilic) ; — 3° Au niveau de la base du sacrum (bande transversale de 1 à 2 centimètres de haut, finissant aux crêtes iliaques). Dans toutes ces zones, la sensibilité reste obtuse, il faut que la piqûre ou la pression soient assez fortes pour être perçues ; le simple contact n'est pas senti. Souvent aussi, de nouvelles excitations échappent à la malade : c'est en particulier ce qu'on observe pour une zone située à la partie supérieure et externe des grands pectoraux. — Les piqûres d'épingle déterminent une éruption papuleuse (troubles vaso-moteurs).
Il n'y a ni rachialgie, ni clou hystérique. —Les jointures des membres supérieurs sont libres et exemptes de craquements. La vision est un peu moins bonne à gauche (brouillard, étincelles) ; H... distingue toutes les couleurs. —L'ouïe, Y odorat et le goût sont conservés, mais obtus, principalement à gauche. — Le simple attouchement des muqueuses passe inaperçu ; mais le pincement, la piqûre sont sentis sur l'œil, la base de la langue, la luette ; anesthésie de la muqueuse vulvo-vaginale.
Sommeil. — La malade assure qu'elle dort mal parce qu'elle a des douleurs lancinantes par tout le corps ; elle a des rêves bizarres, s'imagine que le chemin de fer l'injurie, l'appelle « saloperie », qu'elle va être prise d'attaques, qu'une chienne est couchée auprès d'elle. Pas d'hallucinations de l'ouïe.
Au dynamomètre Burq : 19 à droite, 16 à gauche.
Mai. — Les muscles des membres inférieurs ont conservé leur contractilité faradique. On peut, en les faisant contracter, rendre aux pieds leur attitude normale.—Le courant continu, soit faible et prolongé, soit fort, est absolument sans action sur l'anesthésie.
On fait 12 séances d'électrisation (30 à 40 éléments), durant 10 minutes. Un électrode étant placé sur le front, ou le ver-tex, l'autre sur le rachis ou la jambe droite, nul résultat. La malade présente une inertie remarquable par rapport à cet agent.
Les pôles étant disposés comme nous venons de l'indiquer, on fait des alternatives voltaïques sans que H... accuse d'autre sensation qu'un léger éblouissement. Pendant une huitaine de jours, on applique, durant 3 ou 4 heures, deux éléments humides, les électrodes placés sur le front et l'une des jambes, sans produire aucun effet appréciable 1.
1879. Février. — Bronchite sabaiguë. T. R. oscillant entre 37°,3 et 38°,2. — La malade pèse 9Ï- kilogrammes.
Avril. — Nouvelle bronchite, offrant la même bénignité que la précédente. — Poids : 94 kilogrammes.
Anesthésie complète de la face ; de toute la moitié droite du cou, du tronc, sauf au niveau de la région ovarienne droite où la sensibilité persiste dans une étendue de 3 centimètres sur 3 ;
— anesthésie des membres supérieur et inférieur du côté droit.
— A gauche, la sensibilité est également abolie, excepté entre l'omoplate et les apophyses épineuses, au niveau de la région ovarienne, et d'une partie de la fesse.
Avant de résumer les enseignements fournis par les observations qui précèdent, relativement au sommeil, nous devons relever quelques points de l'histoire de H____
Nous connaissons cette malade depuis 1866 ; à cette époque, elle avait 31 ans; depuis lors, et plus particulièrement depuis 1871, nous l'avons suivie régulièrement ; elle a aujourd'hui 45 ans. Eh bien, durant cette longue période, Vintelligence n'a pas changé; en dehors des attaques de sommeil, des crises de rire nerveux, du délire de parole, H... est actuellement
' Ces recherches ont été faites avec M. le docteur Vijjouroux.
ce qu'elle était il y a quinze ans. Son caractère, ses allures, sa coquetterie n'ont pas subi de modification sensible. En un mot, H..., comme Rosalie L... et Etchev... , dont nous avons publié l'observation, vient montrer que, à l'inverse de Vépilepsie qui s'aggrave avec l'âge et aboutit sinon toujours à la démence au moins à une déchéance intellectuelle très prononcée , Vhystérie grave respecte d'ordinaire les facultés intellectuelles et, quand les attaques disparaissent, les hystéro-épileptiques peuvent rentrer dans la vie commune.
La paraplégie dont H... était atteinte à son entrée à la Salpêtrière, et qui a toujours persisté, a fait que cette femme a constamment gardé le lit depuis dix-huit ans. Il en est résulté un amaigrissement des jambes et un certain degré Xatrophie musculaire. Les pieds, surtout le gauche, ont l'attitude du pied bot varus équin.
La perte de la notion de position, signalée dans l'observation, est un phéno nène commun et rappelle celle qui existe dans l'ataxie locomotrice. Ici encore, nous retrouvons les secousses, sur lesquelles nous avons insisté bien des fois, et qui surviennent fréquemment chez les épileptiques.
La contracture permanente a laissé des lésions du côté des genoux, qui sont le siège de craquements, et qui ont été autrefois le siège de douleurs vives
(arthralgie hystérique) : c'est là un phénomène assez rare.
H... a eu, pendant quelque temps, tous les symptômes de la fausse péritonite : les douleurs dont les ovaires étaient le siège ( ovaralgie), la tympanite énorme, les vomissements liés à la gastralgie auraient pu faire croire à une véritable péritonite, si l'on n'avait pas eu affaire à une hystérique.
Enfin, relevons en passant : les hallucinations de la vue, les extases, l'arrêt des attaques par la compression épigastrique, etc.
Les attaques de sommeil sont peu communes. Sur le nombre, déjà respectable, d'hystériques que nous avons observés, trois seulement ont présenté ces sortes d'attaques. Sur 430 malades, M. Briquet a relevé « trois cas d'hystérie avec des attaques consistant en un véritable sommeil » ; cinq cas attaques comateuses et huit de véritable léthargie1.
1 Les hommes seraient aussi sujets aux attaques de sommeil. Il paraîtrait que Derk Klaasz, paysan de Wolkwigk, se serait endormi le 29 juin 1706 et ne se serait réveillé que le 11 janvier 1707, pour se rendormir aussitôt jusqu'au 15 mars 1707. Ce fait a paru si singulier qu'il a été reproduit par la gravure. Voici les notes que nous avons trouvé sur ce point dans le catalogue de la collection du Dr van Kaothoven, de Leyde : Gravure anon., avec explication; — même gravure avec vers au lieu d'explication; — de Bakker, entouré par les docteurs Walwijk, van der Zee et van der Woort. « Non omnibus dormit, etc. ». — Même sujet, disposition différente. « Omnibus hand dormit » ; — même sujet avec vues de Stolkwïjk, Rotterdam, Gonda, etc.; — même sujet; autre disposition ; gravure anon., grossière, avec dix couplets en deux colonnes.
Quelquefois, les attaques viennent sans prodromes ; le plus souvent, on note un certain nombre de phénomènes : les malades sont de mauvaise humeur, agacées, tristes, et pleurent; ou bien elles sont gaies outre mesure, rient aux éclats sans motif et ne peuvent se retenir; l'une d'elles avait des hallucinations de la vue; la tête est lourde; elles ont des secousses, laissent échapper les objets qu'elles tiennent à la main ; par instant, elles sont incapables de parler , quoi qu'elles fassent; elles ont une tendance très visible à dormir, contre laquelle elles luttent; les paupières se ferment. Cette situation a une durée qui varie de quelques minutes à plusieurs heures, même une journée.
Le corps et les membres offrent des alternatives de rigidité et de souplesse, ou bien sont toujours rigides; les mâchoires sont parfois contracturées. Les malades ont des secousses. Elles sont insensibles aux bruits environnants, à la piqûre, au pincement, au froid, etc. Dans aucun cas, nous n'avons vu à' hyper excitabilité musculaire. Chez H... (Obs. XI), il existait un certain degré de catalepsie : les bras, placés dans une attitude, la conservaient pendant quelques minutes.
La face est rouge, chaude, quelquefois sudorale. Les paupières sont fermées et souvent animées de petites palpitations rapides; si on essaie de les écarter, on éprouve une certaine résistance; alors on voit que les
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globes oculaires sont humides, qu'ils sont atteints de nystagmus et que les pupilles sont dilatées.
Si le sommeil se prolonge, on est obligé d'avoir recours à Y alimentation par la sonde œsophagienne ; nous avons vu comment on nourrissait la malade H..., qui, de temps en temps, était sujette à des vomissements. Le ventre est ballonné, bruyant ; les selles, ordinairement provoquées, sont involontaires. Il en est de même des urines.
Le pouls est régulier à 84, 88, 92. La respiration est d'habitude tranquille, non stertoreuse, à 16, 17, 18; à certains moments, elle est précipitée, ce qui correspond à des rêves. — La température vaginale est élevée de quelques dixièmes au-dessus du chiffre normal; elle était à 38° chez D... (Obs. X); à 37°,8 et une fois à 38",2 chez H... (Obs. XI), dont la température, en dehors des attaques, oscillait entre 36°,9 et 37°,4.
A des intervalles variables, on observe des mouvements automatiques; les malades semblent lutter, faire des efforts pour écarter des êtres ou des objets imaginaires; elles poussent des plaintes étouffées, appellent à^u secours à haute voix : la physionomie exprime la terreur. Quand les malades conservent le souvenir de leurs rêves, elles racontent qu'elles ont des rêves agréables et des cauchemars.
◀Tantôt▶, l'attaque de sommeil se termine par une attaque convulsive, ou bien par des rires, des pleurs,
de l'excitation. Les malades sont étonnées, paraissent ne plus se souvenir du lieu où elles se trouvent; elles se plaignent de courbature, de douleurs de tête, ont la vue troublée, refusent de parler. Des crises avortées, des rires inextinguibles, de plus en plus rapprochés, annoncent chez H... la fin de l'attaque de sommeil. Dans ce cas aussi, il se produit un véritable délire de parole^.
La durée des attaques de sommeil est très diverse : 12, 24,36 heures, plusieurs jours, cinq à six semaines, comme dans I'Observation XI.
Différents moyens peuvent être employés pour mettre fin aux attaques de sommeil. Telles sont la pression sur une région hystérogène (alors le sommeil survient ou sans attaques, ou après attaques), la compression ovarienne, l'électrisation.
Le diagnostic ne jious paraît pas offrir de difficultés sérieuses. Entre les attaques de sommeil proprement dites et les attaques de coma, il n'y a que des différences bien légères, portant principalement sur l'intensité des symptômes. Calme et régulière dans les premières, la respiration serait stertoreuse dans les secondes. Les attaques de léthargie s'accompagnent d'un phénomène très frappant, la mort apparente :
1 Nous avons longuement insisté sur cette variété du délire hystérique, t. I et II, passim.
« Une fois Y état léthargique bien établi, écrit M. Briquet, les malades présentaient l'aspect d'une personne très profondément endormie, la face avait son expression normale, les joues étaient décolorées, il n'y avait pas de sterteur ; dans un cas, la respiration ne se faisait que par les muscles abdominaux, le thorax restant immobile; les battements du cœur ne dépassaient jamais le chiffre normal, le plus souvent ils étaient ralentis; chez une malade ils sont descendus à 40, leur force était moyenne ; la peau était fraîche , mais non froide ; les membres étaient en résolution dans l'état d'immobilité. Quelle qu'ait été la durée de l'attaque, il n'y avait eu ni sueurs appréciables, ni sécrétion urinaire, ni expulsion de matières fécales pendant tout ce temps. Le réveil, chez le plus grand nombre , s'était fait tout simplement comme lorsqu'on sort du sommeil ; chez les autres, il y avait eu soit du délire, soit du trouble dans les idées, soit de la pesanteur de tête. Une de ces malades, celle qui avait eu l'attaque la plus forte, a déclaré que, pendant son sommeil, elle avait toujours conservé la faculté d'entendre. La plupart se rappelaient ce qui s'était passé pendant leur sommeil, quelques-unes n'en avaient aucun souvenir1 ».
Ce résumé suffira à nos lecteurs pour compléter ce que nous avons dit des attaques de sommeil. Le pronostic ne nous semble pas grave, sauf dans les cas de léthargie; encore suffira-t-il à un médecin instruit d'examiner avec soin les différentes fonctions et de pratiquer la compression ovarienne pour éviter toute erreur. Dans les trois cas que nous avons cités, les attaques de sommeil ont disparu depuis un temps plus ou moins long, plusieurs mois dans I'Observation X, plusieurs années dans I'Observation XI.
i Briquet. — Traité de l'hystérie, p. 422.
Les illusions du sommeil ont eu, autrefois, des conséquences d'une extrême gravité. N'est-ce pas à elles, n'est-ce pas aux rêves qu'il faut attribuer, pour une bonne part, le délire de ces malheureux qui, entretenus sans cesse du diable, de ses pompes, de ses œuvres, des artifices qu'on disait en sa puissance pour tromper et tourmenter les hommes, s'imaginaient avoir été au Sabbat, racontaient de prétendues scènes auxquelles ils avaient assisté, où ils avaient été acteurs; dénonçaient les personnes qu'ils assuraient y avoir vues... et que, à l'envi, prêtres et magistrats envoyaient aux bûchers?
Il était dangereux de s'élever contre les idées régnantes. Des hommes courageux se sont cependant rencontré à toutes les époques pour combattre ces cruelles erreurs, et parmi eux figurent au premier rang, et en plus grand nombre, les médecins.
En 1453, Edeline ou de Line, docteur en Sorbonne, ancien prieur d'une communauté religieuse, soutenait « qu'il y avait de la cruauté à faire périr tant de gens que les illusions des sens ou du sommeil entretenaient dans une funeste erreur de jugement1 ».
Bodin (J.), qui fut procureur du roi à Laon, était loin d'être de cet avis, et il déclare qu'il a composé son livre De la Démonomanie des Sorciers (Paris, 1580) :
En partie aufïi pour refpondre à ceux qui par liures imprimez s'efforcent de fauuer les forciers par tous moyens : en
1 Calmeil. —De la folie, etc.., t. I, p. 146.
forte qu'il femble que Sathan les ayt infpirez, attirez à fa cordelle, pour publier fes beaux liures, comme eftoit un Pierre d'Apone Médecin, qui s'efforçoit faire entendre qu'il n'y a point d'efprits, neantmoins il fut depuis aueré qu'il eftoit des plus grands Sorciers d'Italie. Et afin qu'il ne femble effrange ce que i'ay dicl, que Sathan a des hommes atiltrez pour efcrire, publier, faire entendre qu'il n'eft rien de ce qu'on di£t des Sorciers, ie mettray vn exemple mémorable, que Pierre Ma-mot en vu liure des Lamies1 a remarqué d'un nommé M. Guillaume de Line, Docteur en Théologie, qui fut accufé condamné comme forcier le douziefme Décembre, mil quatre cens cinquante trois, lequel en fin fe repentit con-feffa auoir plufieurs fois efté tranfporté auecles autres forciers la nuicl pour adorer le Diable, qui fe monftroit quelquesfois
en forme d'homme, quelquesfois en forme de bouc..... »
(Préface, p. 3.)
Edeline ou de Line finit ses jours dans l'obscurité d'un cachot froid et humide autant que malsain2. Tout le monde connaît l'éloquent plaidoyer de Jean Wier en faveur des sorciers, qu'il s'efforce de faire considérer comme des malades3. Duncan, médecin de Sau-mur, a combattu la réalité de la possession des Ursu-lines de Loudun. Yvelin, médecin de Paris, a combattu la possession des religieuses de Louviers, etc.
Mais revenons à l'exposé de quelque faits, mon-
1 On sait que l'on désignait les sorcières sous différents noms : Lamies, Lycanthropes, Malfaitrices, Nestrigones, Striges, Tempestières, etc.
2 Calmeil, loc. cit., p. 147.
3 Histoires, Disputes et Discours des illusions et impostures des diables, des magiciens infâmes, sorcières et empoisonneurs : Des ensorcelez et démoniaques, et de la guérison d'iceux : Item de la punition que méritent les magiciens, les empoisonneurs et les sorcières;t par Jean Wier, médecin du duc de Clèves; 1579.
I .
trant où menaient naguère les conceptions qui naissent dans le cerveau durant le sommeil. Nous empruntons le premier à Bodin, le terrible ennemi des sorciers :
le tient du Prefident de laTourette, qu'il a veu en Dauftné vne Sorcière qui fuft bruflée uiue, laquelle eltant couchée au long du feu, fut rauie en ectafe, demeurant fon corps en la maifon : Et parce qu'elle n'entendoit rien, fon maiftre frappoit deffus à grands coups de verge, pour fçauoir fi elle eftoit morte, on lui fift mettre le feu aux parties les plus fenfibles : pour tout cela elle ne f'efveille point. Et de fait le maiftre la maiftreiïe la laifferent eftendue en la place, penfant quelle fuft morte. Au matin elle fe trouue en fon lit couchée. De quoy fon maiftre efbahi, luy demanda ce qu'elle auoit eu : Alors elle f'efcria en fon langage : Ha mon maiftre tant m'auez ba-tue? Le maiftre ayant fait le compte à fes voyfnis, onluydift que elle eftoit Sorcière. Il ne ceffa qu'elle ne luy eut! confelfé la vérité, qu'elle auoit efté de fon efprit en raffemblée des Sorciers. Elle confeffa auffi plufieurs mefchancetez, qu'elle auoit commifes, fut bruflée *.
Nous avons souvent raconté, en abrégé, les sensations voluptueuses éprouvées par les hystériques, soit dans leur délire, soit sous l'influence de l'éther, soit enfin durant leur sommeil : le fait ci-après démontrera qu'il en était de même chez certaines femmes réputées sorcières et qui n'étaient que des hystériques :
Le cardinal Caietain, qui eft Thomas de Vio, dit auoir cognu vne femme amoureufe à l'extrémité, d'vn ieune homme,
1 Bodin, livre II, p. 91.
que le Diable l'oignit d'vn certain vnguent, luy perfuadant qu'il la mènerait en la maifon de fon amoureux. Et de faicl, celle femme ayant efté longuement en ecftafe, retournant à foy, aifeuroit auoir couché auecques fon amy, ne luy pou-uoit-on ofter de la fantaifie le contraire, l'ayant trouuée toute nuë en fon liót, fi enrhumée au demeurant, qu'il luy fut be-foin de garder le lict fort longtemps. Et fut bien empefché le Caietain de faire uoir au doigt à l'œil, par viues raifons, à celle pauure femme abufee que ce qu'elle penfoit auoir veu n'eftoit qu'vne imagination fimplementl. »
Une des malades dont nous avons relaté l'histoire, et bien connue sous le nom de Geneviève, a été sujette, et pendant longtemps, à des hallucinations génitales tout à fait semblables '2.
Caietain fait auiîi mention d'vne autre femme, qui s'eftoit auffi vantée qu'elle alloit aux Sabbats, non en efprit, mais en corps : elle fut fi impudente qu'elle affigna le jour et l'heure qu'elle y deuoit être tranfportee de fa chambre. Ceux qui auoient plus de foin de fon falut qu'elle n'auoit, Tefpient foi-gneufement fi elle difoit vray, mais rien moins, car elle fut trouuée infenfible en la chambre, après l'eclafe paifee, elle fut conuertie, en lui monftrant que le Diable l'auoit trompee feduite 3.
Cette malade n'est-elle pas comparable aussi à Geneviève, qui affirmait s'être rendue au domicile de
1 Le Loyer. — Discours et histoires des spectres, visions et apparitions des esprits, anges, démons et âmes se montrant visibles aux hommes, etc. Paris, 1605, p. 137.
2 Le Loyer. — Discours et histoires des spectres, visions et apparitions, etc., p. 137.
3 Voir : t. I, p. 49, et t. II, p. 202.
son amant imaginaire, M. X..., et qui écrivait à MmeX... : « Rappelez-vous du soir, le 15 août, cette femme voilée que vous avez vu sortir de votre chambre, à qui vous avez livré passage, eh ! bien, c'était moi... »
Plus nous comparons les récits des auteurs anciens sur les sorcières et les possédées aux observations que nous avons recueillies à la Salpêtrière depuis dix ans, plus nous y trouvons de ressemblance. Le fond est le même, les principaux symptômes sont analogues; ou gisent les différences, c'est, mais non toujours, sur les idées religieuses, les idées diaboliques : communes autrefois, parce que, à la veillée, à l'église, on entendait sans cesse parler du diable, des sorciers, etc.; elles sont devenues aujourd'hui plus rares.
Nous nous bornons à ces commentaires quant à présent, nous réservant de revenir, avec plus de détails, sur d'autres faits et, s'il y a lieu, sur la description du sabbat.
TROISIÈME PARTIE
HYPNOTISME; — MAGNÉTISME; — SOMNAMBULISME
PROCÉDÉS OPÉRATOIRES. - FAITS CLINIQUES
PROCÉDÉS EMPLOYÉS POUR DÉTERMINER LES PHÉNOMÈNES D'HYPNOTISME
Le charlatanisme et la supercherie ont été tellement mêlés à tous les faits qui regardent l'hypnotisme qu'il est maintenant ordinaire de dire que quiconque s'en est occupé a trompé ou a été trompé. Imposteur ou dupe, il ne semble pas qu'il y ait de milieu : aujourd'hui encore, les meilleurs esprits nient le magnétisme, comme on dit, et trouvent moins dangereux de détourner les yeux que d'examiner un instant.
On reconnaîtra que les expérimentateurs de la Sal-pêtrière ont montré un certain courage en rompant avec toutes les traditions, en méprisant toutes les craintes et en abordant le sujet en face.
Nous avons, pour rédiger cet ouvrage, lu à peu près tout ce qui a été écrit de raisonnable sur le sujet, et,
ce qui nous a le plus vivement frappé, c'a été de voir combien une idée erronée, une pure théorie adoptée au début des recherches sur le magnétisme, a amené les auteurs à tomber dans de grotesques erreurs et a fait jeter sur la doctrine un mépris mérité.
L'apparition des faits bizarres, attribués au magnétisme, ne pouvait pas manquer de provoquer certaines recherches. Par un grand malheur, ce fut entre les mains de véritables malades que tombèrent les premières observations. Il semblerait que certaines personnes ont l'amour de l'extraordinaire, et, en face d'un fait inexpliqué, aiment mieux s'arrêter à des explications surnaturelles. Leur esprit, imprégné d'idées superstitieuses dès l'enfance, ne répugne pas à admettre de pareilles raisons.
Pour les premiers adeptes du magnétisme, on se trouvait en face de forces nouvelles ; l'influence psychique se manifestait sous une forme encore non observée, il y avait un fluide nouveau, impondérable, passant d'un homme à l'autre et permettant au premier d'imposer au second sa volonté. — Jusque-là tout était contestable, mais on ne sentait pas encore poindre le charlatanisme intéressé. —Bientôt les individus soumis à l'hypnotisme se prirent à parler médecine et à prescrire des médicaments : les premiers expérimentateurs, pleins de bonne foi d'ailleurs, furent assez naïfs pour ne pas s'arrêter net et pour suivre dans leurs divaga
lions des charlatans qui se moquaient d'eux, c'est la deuxième période du magnétisme.
A ce moment, il a paru des centaines de volumes où l'absurdité s'étale au grand jour; on se demande si on lit des œuvres d'aliénés ou si l'auteur ne se moque pas de vous : on voit là des médecins comme Teste ou Deleuze accepter des consultations où se diagnostiquent des affections qui n'ont jamais existé même de nom : des hystériques prédisent leurs crises et les ont naturellement à l'heure dite et les observateurs prennent cela pour des maladies terribles. La femme même de Teste prédit qu'elle va mourir tel jour. Quelle anxiété pour le malheureux observateur. Le jour arrive, tous les adeptes se réunissent, l'heure passe, Mme Teste ne meurt pas. Croyez-vous que l'auteur est démonté ? Nullement : si elle n'est pas morte, c'est qu'elle avait pris une léthargie pour la mort. Tout est arrangé.
Nous pourrions réunir des volumes entiers de faits analogues : à quoi bon ? nous aimons mieux dire au lecteur d'aller aux auteurs originaux, mais nous lui conseillons de ne le point faire : c'est vraiment une douleur de voir où peut s'égarer l'esprit humain.
Voici d'ailleurs quelques échantillons. Nous copions dans Vasseur-Lombard la manière de guérir le cancer par le magnétisme :
« Le magnétiseur, après la magnétisation préparatoire, fait des passes attractives au siège du mal avec la volonté de soutirer les fluides impurs qui l'alimentent, ensuite il fait des passes répulsives vers le siège du mal avec la volonté de couper le mauvais fluide et de le chasser et il termine par des passes médiatrices sans mouvements dirigées vers le siège du mal avec la volonté de calmer les ardeurs du mal et de fortifier le principe vital affaibli. »
Le même magnétiseur n'est pas fier et traite aussi les animaux :
« La magnétisation des animaux malades se fait aussi comme celle de l'homme. Le magnétiseur se place devant l'animal dans la position qu'il lui est la plus convenable de prendre, soit à cause de sa forme, soit à cause de sa grandeur ou de sa petitesse. Il commence par exercer sa puissance fluidique sur l'animal malade par des passes répulsives faites à distance convenable, depuis la tête, en suivant le dos et les côtés, jusqu'à l'extrémité du corps avec la volonté de dégager les fluides impurs qui forment son atmosphère.
« Ensuite le magnétiseur fait quelques passes médiatrices de la tête, toujours en suivant le dos jusqu'à l'extrémité du corps et en continuant le long de ses jambes jusqu'aux pieds avec l'intention de maintenir l'équilibre dans l'organisme de l'animal.»
Le magnétisme est encore applicable à l'horticulture :
« La magnétisation des végétaux malades diffère, dans son application générale, de celle de l'homme ou des animaux en ce sens qu'elle se fait de la base du végétal au sommet. Le magnétiseur se tient debout en face du végétal à magnétiser et à
distance convenable. Il exerce son action fluidique par des passes répulsives faites de la base au sommet, en suivant le tronc ou la tige et les branches, selon son importance, avec la volonté de chasser les fluides impurs qui forment son atmosphère ambiante. Il dégage ensuite l'intérieur du végétal par des passes attractives faites avec cette inversion de la base au sommet. Il continue l'action magnétique par des passes médiatrices faites toujours de la base au sommet, en s'arrêtant un peu aux jointures des branches avec l'intention de fortifier le principe vital du végétal et de faire circuler la sève depuis ses racines jusqu'aux branches les plus élevées de son sommet. — On peut, à l'aide des mêmes procédés, magnétiser les végétaux d'un jardin, d'un verger, ainsi que toute une récolte de céréales, de légumes ou de fourrages pour les fortifier ou les faire croître, seulement on emploie pour cette magnétisation le fluide vital universel. On peut encore saturer de fluide les végétaux d'un jardin, d'un bois, d'un champ ou d'une prairie pour servir de promenade hygiénique aux malades. »
Et il a été écrit des milliers de volumes de cette force ! — Il est certain qu'en face d'un pareil fatras, il ne restait guère aux hommes de science qu'à se retirer en attendant une période meilleure, un moment où, les naïfs étant désabusés et les trompeurs démasqués, on pourrait reprendre avec fruit les études sur le magnétisme animal : si la mesure n'était pas d'un grand libéralisme scientifique, elle avait au moins l'avantage d'être une bonne précaution et d'arrêter en route bien des esprits prêts à sombrer.
C'est au milieu de toutes ces difficultés que naquit l'hypnotisme: Si le mot est nouveau la chose ne l'est guère. Dès l'antiquité, on trouve une série de phéno-
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m.ènes qui ne sont explicables que par cette singulière névrose provoquée. Et sans remonter si loin, qu'on nous permette de rappeler quelques exemples qu'il est fréquent de rencontrer de nos jours et au moment même où nous écrivons.
De tout temps, ce qu'on a appelé l'ascétisme contemplatif a été produit par la fixation prolongée de quelque objet brillant on non auquel on attachait quelque vertu, auquel on supposait quelque sainteté. — Ces contemplations, aidées d'une violente excitation intellectuelle, étaient rapidement suivies d'hallucinations, d'apparitions et même de l'attaque d'extase telle qu'elle est décrite à la fois en thaumaturgie et en médecine.
Les livres des agiographes chrétiens fourmillent de faits de ce genre et ils sont trop connus de tous pour que nous y insistions plus longtemps.
Dans l'Inde, les dévots arrivent à un semblable résultat par la fixation de l'espace : ils regardent quelquefois un point imaginaire, souvent aussi le bout de leur nez et l'effet est immanquable. Nous verrons tout à l'heure que c'est précisément ce procédé que nous employons : nous n'avons fait que le régler.
Chez les moines grecs, l'hypnotisme est peut-être plus en honneur encore que chez les religieux romains. C'est un fait, connu de tous, que ces hommes arrivent à tomber en extase par la contemplation prolongée de leur nombril.
L'islamisme lui-même, si peu mystique qu'il soit, a donné, lui aussi, naissance à des procédés spéciaux d'hypnotisation. Le son prolongé et monotone y entre pour plus que la contemplation.
Chez les disciples d'Hussein le martyr, on provoque l'extase au moyen de tambourins frappés sans cesse avec la même cadence rapide et monotone. Des initiés accompagnent par une mélopée rythmée sur le bruit d'un tambour. La cérémonie a souvent lieu la nuit et bientôt les adeptes tombent dans une sorte d'extase où l'insensibilité cutanée est telle qu'on peut reproduire sur eux les différentes phases du martyre du maître, sans leur arracher un cri, sans même qu'ils semblent se douter de rien.
Mais c'est encore dans la secte de Aïssaoua, dont bien des représentants se rencontrent dans notre colonie algérienne, que les phénomènes se montrent avec la plus grande intensité. Ceux qui ont eu la chance, fort rare, d'assister à une de leurs cérémonies ont été frappés du degré d'anesthésie auquel arrivent ces hommes.
C'est la nuit que la chose se passe, dans quelque plaine isolée; les tambourins font entendre leur bruit monotone. Les adeptes sont assis autour d'un grand feu. Peu à peu, ils tombent en extase, quelques-uns sont même pris de crises convulsives et poussent des cris prolongés : l'anesthésie devient complète et on voit les uns appliquer leur langue sur une barre de
ter rouge, tandis que d'autres, inondés de sang, mâchent à pleines dents des figues de Barbarie, dont les longues épines leur traversent les joues et viennent sortir en dehors.
Ûn certain nombre avalent des araignées et des scorpions vivants, et de graves accidents peuvent survenir de ce fait.
En réalité, tous ces hypnotiseurs inconscients procèdent toujours de la même manière : fixation d'un point, en général avec strabisme interne, ou fixation de l'ouïe par un bruit toujours le même.
Ce sont ces procédés que nos prédécesseurs et nous-mêmes nous employons toujours pour reproduire des phénomènes qui sont, on le verra, tout à fait déterminés.
C'est à Braid, en somme, que l'on doit le premier manuel opératoire bien réglé de l'hypnotisme, et c'est en 1841 que ce chirurgien de Manchester, après avoir été témoin d'expériences, dites magnétiques, reconnut que c'était à la fixité prolongée du regard et de l'attention, et non pas à quelque fluide mystérieux, qu'il était juste d'attribuer les phénomènes incontestables qu'il avait observés. C'est à Braid que commence le magnétisme scientifique. Nous ne nous occupons ici que du manuel opératoire du magnétisme, ce serait donc sortir de notre sujet que de rester plus longtemps dans la question historique, nous renverrons le lecteur au très remarquable article, publié sur ce point par
M. Mathias Duval, dans le Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques.
Braid se contentait de faire fixer les yeux du sujet sur les siens, ses successeurs éliminèrent encore davantage la possibilité d'un fluide et l'intervention humaine, en ordonnant à la personne en expérience de fixer simplement quelque objet placé devant elle et un peu en haut. Cette méthode réussit fort bien, elle est seulement un peu plus lente que la méthode de Braid.
C'est là le seul manuel opératoire sérieux : le reste relève du charlatanisme ou de la naïveté. Nous procède -rons ainsi, sauf à indiquer au lecteur, entre temps, des moyens, qui, en agissant vivement sur l'imagination des sujets, permettent d'aller simplement un peu plus vite.
A côté des magnétiseurs grotesques, il en est quelques-uns qui, tout en persistant dans leurs erreurs, ont néanmoins utilisé des méthodes assez scientifiques. — Le nom de Teste est souvent venu sous notre plume; nous l'avons toujours considéré comme un de ces hommes qui se trompent de bonne foi : c'est donc à son livre que nous emprunterons quelques passages sur le manuel opératoire du magnétisme.
Le lecteur n'en verra que mieux où en était la question, quand les expérimentateurs de la Salpêtrière en ont fait le sujet de leurs études. Voici ces quelques extraits :
méthode ordinaire d'après deleuze.
Une fois que vous serez d'accord, et bien convenus de traiter gravement la chose, éloignez du malade toutes les personnes qui pourraient vous gêner ; ne gardez auprès de vous que les témoins nécessaires (un seul s'il se peut), et demandez-leur de ne s'occuper nullement des procédés que vous employez et des effets qui en sont la suite, mais de s'unir d'intention avec vous pour faire du bien au malade. Arrangez-vous de manière à n'avoir ni trop chaud ni trop froid, à ce que rien ne gêne la liberté de vos mouvements, et prenez des précautions pour n'être pas interrompu pendant la séance. Faites ensuite asseoir votre malade le plus commodément possible, et placez-vous vis-à-vis de lui, sur un siège un peu plus élevé, et de manière que ses genoux soient entre les vôtres et que vos pieds soient à côté des siens. Demandez-lui d'abord de s'abandonner, de ne penser à rien, de ne pas se distraire pour examiner les effets qu'il éprouvera, d'écarter toute crainte, de se livrer à l'espérance, et de ne pas s'inquiéter ou se décourager si l'action du magnétisme produit chez lui des douleurs momentanées.
Après vous être recueilli, prenez ses pouces entre vos deux doigts, de manière que l'intérieur de vos pouces touche l'intérieur des siens, et fixez vos yeux sur lui. Vous resterez de deux à cinq minutes dans cette situation, ou jusqu'à ce que vous sentiez qu'il s'est établi une chaleur égale entre ses pouces et les vôtres : cela fait, vous retirerez vos mains en les écartant à droite et à gauche et les tournant de manière que la surface intérieure soit en dehors, et vous les élèverez jusqu'à la hauteur de la tête; alors vous les poserez sur les deux épaules, vous les y laisserez environ une minute, et vous les ramènerez le long des bras jusqu'à l'extrémité des doigts, en touchant légèrement. Vous recommencerez cette passe cinq ou six fois, en détournant vos mains et les éloignant un peu du corps pour remonter. Vous placerez ensuite vos mains au-dessus de la tète, vous les
y tiendrez un moment, et vous les descendrez en passant devant le visage à la distance d'un ou deux pouces jusqu'au creux de l'estomac : là, vous vous arrêterez environ deux minutes en posant les pouces sur le creux de l'estomac, et les autres doigts au-dessous des côtes. Puis, vous descendrez lentement le long du corps jusqu'aux genoux, ou mieux, et si vous le pouvez sans vous déranger, jusqu'au bout des pieds. Vous répéterez les mêmes procédés pendant la plus grande partie de la séance. Vous vous rapprocherez aussi quelquefois du malade de manière à poser vos mains derrière ses épaules pour descendre lentement le long de l'épine du dos, et de là sur les hanches, et le long des cuisses jusqu'aux genoux ou jusqu'aux pieds. Après les premières passes, vous pouvez vous dispenser de poser les mains sur la tête, et faire les passes suivantes sur les bras en commençant par les épaules, et sur le corps en commençant à l'estomac.
La méthode dont on vient de lire la description est en général celle qu'il faut suivre lorsqu'on commence à magnétiser. Cependant, je crois pouvoir observer que le contact absolu des mains sur la tête et l'épigastre n'est point indispensable; ce contact au contraire est un sujet de distraction et n'ajoute rien à l'efficacité du procédé. J'ai cru remarquer également que les passes que l'on pratiquait le long du rachis n'avaient point une action bien marquée, et pour mon compte, j'ai depuis longtemps cessé d'en faire usage. — Enfin, règle générale, toute espèce de toucher direct me paraît superflu ; et dans l'intérêt même de leur pratique, comme dans l'intérêt des convenances, j'engage tous les magnétiseurs à s'en abstenir.
Le plus ordinairement, je me tiens debout devant la personne que je veux magnétiser, et même à une certaine distance d'elle ; après les quelques minutes de recueillement qui doivent précéder toute expérience, je lève ma main droite à la hauteur de son front, et je dirige lentement mes passes de haut en bas, au devant du visage, de la poitrine et du ventre; seulement, à chaque fois que je relève ma main, j'ai le soin de laisser tomber mes doigts, de telle façon que leur face dorsale regarde
le magnétisé pendant mon mouvement d'ascension, et leur face palmaire pendant les passes.
Ce procédé est simple, trop simple peut-être : aussi ne conseillerai-] e de l'employer que sur des sujets accoutumés déjà au magnétisme, et susceptibles de s'endormir facilement. La méthode de Deleuze avec les légères modifications quej'ai indiquées est de beaucoup à préférer pour les premiers essais.
Mais, en définitive, tous les procédés réussissent lorsqu'ils inspirent la confiance à ceux qui les emploient, et lorsque ceux-ci sont bien pénétrés de leur pouvoir.
magnétisation par la tete.
C'est un des procédés les plus prompts et les plus énergiques que je connaisse; voici en quoi il consiste : Vous vous asseyez, en face de la personne que vous voulez magnétiser; vous faites d'abord quelques longues passes, de haut en bas, dans la direction des bras, au-devant du visage et suivant l'axe du corps; après quoi, vous étendez vos deux mains à quelques pouces du front et des régions pariétales, et demeurez ainsi pendant quelques minutes. Tout le temps que dure l'opération vous variez peu la position de vos mains, vous contentant de les porter lentement à droite et à gauche, puis à l'occiput pour revenir ensuite au front où vous les laissez indéfiniment, c'est-à-dire jusqu'à ce que le sujet soit endormi. Alors, vous faites des passes sur les genoux et les jambes, pour attirer le fluide en bas, suivant l'expression des magnétiseurs.
Le fait est que l'intervention du fluide est au moins très commode, pour expliquer clairement ce que l'on veut faire comprendre, et dans le cas dont je parle, je voudrais bien être sûr que cet impondérable existe, afin de pouvoir dire qu'en recommandant des passes sur les extrémités inférieures, c'est une révulsion ou plutôt une dérivation magnétique que je conseille.
magnétisation au moyen du regard.
Ce procédé ne peut pas être employé par tout le monde. Il exige dans celui qui s'en sert un regard vif, pénétrant et susceptible d'une longue fixité; encore ne réussirait-t-il que fort rarement sur des sujets qu'on magnétiserait pour la première fois ; quoi qu'il me soit arrivé dernièrement d'endormir par la simple puissance du regard, et dès la première séance, un homme de trente ans, sans contredit plus robuste que moi. Au surplus, je ne magnétise presque jamais autrement mes som-nanbules habitués, lorsqu'il s'agit de quelque expérience de vision ; car j'ai cru remarquer que ce genre de magnétisation augmente la clairvoyance. Voici la manière de procéder : vous vous asseyez vis-à-vis de votre sujet; vous l'engagez à vous regarder le plus fixement qu'il pourra, tandis que, de votre côté, vous fixez sans interruption vos yeux sur les siens.
Quelques profonds soupirs soulèveront d'abord sa poitrine; puis ses paupières clignoteront, s'humecteront de larmes, se contracteront fortement à plusieurs reprises, puis enfin se fermeront. De même que dans le procédé précédemment décrit, c'est encore ici le cas de terminer par quelques passes dérivatrices sur les membres inférieurs; mais encore, si votre sujet vous a offert de la résistance, aurez-vous de la peine à lui éviter les atteintes de migraine que la magnétisation par les yeux occasionne volontiers et dont vous-mêmes ne serez pas toujours exempts. L'expérience m'a d'ailleurs démontré que plus le magnétiseur était rapproché du magnétisé, plus l'action du regard était puissante; mais cela n'empêche pas qu'on ne puisse magnétiser ainsi à des distances considérables.
méthode de fa ria .
L'abbé Faria, magnétiseur célèbre, qui montrait ses somnan-bules en spectacle, et mourut avec la plus belle réputation
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de charlatan qu'homme du monde ait jamais eue, et surtout mieux méritée, l'abbé Faria, dis-je, pour augmenter le merveilleux de ses expériences et partant donner plus d'éclat à ses représentations, avait imaginé une méthode qui n'eut point d'imitateur et ne réussit guère qu'entre ses mains. Il faisait commodément asseoir dans un fauteuil la personne qui voulait se soumettre à son action, lui recommandait de fermer les yeux, et après quelques minutes de recueillement, lui disait d'une voix forte et impérative : Dormez !
Cette simple parole, jetée au milieu d'un silence prestigieux et solennel par un homme dont on racontait des prodiges, faisait ordinairement sur le patient une impression assez vive pour produire en lui une légère secousse de tout le corps, de la transpiration et quelquefois le somnambulisme. Si cette première tentative ne réussissait pas, il soumettait le patient à une seconde, puis à une troisième, et même à une quatrième épreuve ; après quoi, il le déclarait incapable d'entrer dans le sommeil lucide.
Cette méthode ne diffère point essentiellement des précédentes; seulement, l'appareil cabalistique dont l'abbé Faria intimidait les esprits faibles et crédules qui s'abandonnaient à lui, en neutralisant chez ces derniers toute espèce de résistance morale, les préparait à recevoir plus promptement les influences d'une volonté d'ailleurs puissante.
De cette lecture, et tout en tenant compte des écarts commis par les auteurs en vertu même de leurs idées préconçues, on déduira facilement la manière dont on doit procéder pour produire l'hypnotisme, et le moment est venu de faire connaître à nos lecteurs les procédés dont on se sert à la Salpêtrière.
Il convient d'abord de choisir son sujet: il est peu de femmes que l'on ne puisse hypnotiser; il est même certains hommes sur qui la chose est des plus faciles.
Mais on ira plus vite et plus sûrement en prenant une hystérique. — De celles-là les jeunes seront préférables, elles sont plus sensibles, plus impressionnables. Certaines sont grandes liseuses de romans, elles ont un caractère qui ne manque pas d'une certaine sentimentalité : on les préférera à celles qui sont brutales, franchement lascives et ordurières.
Chez ces dernières, on arrive bien au sommeil hypnotique, mais plus lentement, et les manifestations sont lourdes, le sentiment sauvage : quelque crise hystéro-épileptique termine généralement l'expérience.
Le choix étant fait, on asseoit la malade devant soi [Fig. S) et on la regarde dans les yeux. Ici, disent les magnétiseurs, il faut avoir la volonté d'endormir. C'est absolument inutile, on peut penser à tout ce qu'on voudra à la condition de maintenir son regard fixe et de cligner l'œil le moins possible. On tient les pouces du sujet dans ses doigts refermés uniquement pour les bien fixer et nullement pour le passage d'aucun fluide. Les passes sont absolument inutiles, elles ne servent qu'à ralentir le commencement du sommeil.
Après deux ou trois minutes de cet état immobile, on voit les yeux du sujet rougir, s'injecter légèrement; les larmes viennent baigner ses paupières, et roulent sur ses joues: il faut persister à regarder fixement; souvent le sujet ferme de lui-même les yeux et tombe en arrière.
Si cet effet ne se produit pas spontanément, on
laisse aller les mains du sujet et on lui applique les pouces sur les globes oculaires en refermant les paupières supérieures (Fig. 4). Le sommeil est alors immédiat ; le sujet tombe en arrière en poussant une suite
Fig. 3.
de soupirs ; un peu d'écume vient même quelquefois baigner ses lèvres.
La simple application des pouces sur les globes oculaires peut quelquefois provoquer l'hypnotisme sans
fixation préalable. Le moyen est même commode à employer avec les sujets un peu turbulents dont il est impossible d'arrêter le regard pendant assez longtemps.
Fig. 4.
On peut avantageusement combiner encore les deux méthodes : on peut fixer les yeux de la malade en lui appuyant les pouces sur les sourcils, les autres doigts enserrant les tempes : il en résulte une sorte
de malaise qui hâte beaucoup l'arrivée du sommeil.
Fig. 5.
Dans quelques cas, quand, par exemple, on veut éviter d'être assimilé à un magnétiseur, quand, pour
convaincre un auditeur, on veut ôter toute possibilité d'interprétation par un fluide, on procède comme le faisaient les successeurs de Braid.
On fait encore asseoir la malade sur une chaise, puis (Fig. 5) on place entre ses yeux un corps quelconque (un crayon, un porte-plume en argent sont excellents), et on lui dit de le regarder fixement. Eh bien, dans ces conditions, le sommeil survient encore, et avec les mêmes avant-coureurs que nous avons décrits tout à l'heure.
On le voit, rien de plus simple que de produire l'hypnotisme, rien de mystérieux dans les procédés, rien non plus que de très ordinaire dans les résultats.
Ce que nous avons dit jusqu'ici s'applique aux premières tentatives que l'on exécute sur un sujet donné. Mais quand on a déjà hypnotisé souvent une malade, on arrive à le faire bien plus vite et bien plus facilement. C'est ici que commence le rôle de l'imagination et que les charlatans ont beau jeu.
La seule idée qu'elle va être endormie, fait que la malade s'endort presque subitement. Si avec cela on lui a fait croire que le magnétiseur a une influence secrète, une puissance surnaturelle, vous voyez où l'on peut arriver.
Une malade de la Salpêtrière, G..., persuadée que l'un de nous avait sur elle un pouvoir particulier, tombait hypnotisée, quelque fût l'endroit où elle le rencontrait;
nous avons vu la malade s'endormir au milieu des cours, dans les escaliers. Un jour qu'en plaisantant on
Fig. 6.
lui avait fait croire qu'elle serait subitement endormie par la volonté, au milieu d'une cérémonie publique qui devait avoir lieu quelques heures après, elle préféra
ne pas se rendre à cette cérémonie, tant elle était persuadée que la chose était immanquable.
Dans ces cas là, l'imagination est tout : tout se passe dans le sujet. Quelques exemples feront bien comprendre la chose. Vous avez une malade bien exercée qui s'hypnotise vite : il vous suffira {Fig. 6) d'étendre subitement la main sur la tête, elle tombera comme foudroyée. Je cite ce geste parce qu'il est facile à faire et souvent employé par les thaumaturges; n'importe lequel réussirait de même. Il nous est arrivé de persuader à des malades qu'elles ne pourraient quitter la salle où elles se trouvaient parce que nous avions magnétisé les boutons des portes. Elles hésitaient longtemps aies toucher, mais dès qu'elles l'avaient fait elles tombaient endormies. Avons-nous besoin de dire que nous n'avions absolument rien magnétisé ? Cette expérience est importante, car elle nous explique ces cas où des sujets s'endorment en buvant un verre d'eau magnétisée, où d'autres sont pris en se couchant sous un arbre magnétisé.
Les expériences de magnétisation à distance sont du même ordre et relèvent de la même cause. Que de fois on lit dans les livres de magnétiseurs qu'ils ont réussi à endormir un sujet depuis leur appartement, à travers une porte, à travers l'espace. Ici encore tout est dans le sujet. Nous avons fait souvent l'expérience : on disait à la malade P... : Dans la pièce à côté se trouve M. X..., il te magnétise. Elle montrait
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alors quelqu'inquiétude et s'endormait tout d'un coup. Nous nous montrions alors, et l'effet aurait été très grand si nous avions voulu. Un jour on lui dit la même chose et le sommeil survint tout aussi vite : seulement nons n'étions'pas dans la pièce à côté, nous n'étions même pas en France, et nous ne pensions guère à elle, nous l'avouons.
Une autre fois, nous disions à une malade que, de chez nous, nous l'endormirions à trois heures du soir. Dix minutes après, nous avions oublié cette plaisanterie. Le lendemain nous apprenions qu'à trois heures la malade s'était endormie.
L'immense majorité des absurdités qui remplissent les livres des magnétiseurs peuvent s'expliquer de cette façon-là : imagination de la malade très vivement frappée et sommeil arrivant subjectivement et sans l'intervention d'aucune manœuvre extérieure.
Toutes les manœuvres que nous venons de décrire produisent le sommeil hypnotique : il est probable qu'un grand nombre d'autres auraient le même résultat. — Pour éliminer absolument la présence de l'homme, pour éloigner toute idée d'intervention flui-dique, nous avons souvent procédé au moyen de simples agents physiques.
On sait, depuis le livre du P. Kircher, que des animaux, des coqs en particulier, peuvent être facilement plongés en état de catalepsie par la simple fixation d'un point brillant : on prétend même que les yeux
brillants la nuit des animaux félins leur servent à fasciner, à endormir leur proie. Preyer a fait sur cette fascination chez les animaux un travail que l'on aura avantage à consulter.
La même chose était facile à répéter chez l'homme, et en mettant nos malades devant un point fixe lumineux, nous avons souvent réussi à les endormir; on verra plus loin que cela constitue même la meilleure manière de produire la catalepsie.
Quoiqu'il en soit, voici quelques expériences qu'il est possible de reproduire pendant l'état de sommeil. Il suffit d'exciter les muscles légèrement avec la main pour les voir se contracter aussitôt. Je renvoie sur ce sujet le lecteur à tout ce qui en a été dit dans le cours de ce volume.
Nous n'insisterons que sur un seul point : l'hyperes-thésie musculaire est tellement développée pendant le sommeil hypnotique qu'il est possible de faire, par le simple contact, une exploration musculaire aussi délicate qu'on pourrait la faire au moyen de l'électrisation localisée.
Nos Figures 7 et # montrent, l'une : l'exploration du nerf cubital excité avec un porte-plume et amenant la contraction de tous les doigts de la main, sauf le second et le troisième, résultat que donne l'électrisation et qu'explique la distribution même du nerf ; l'autre l'excitation du facial dans les mêmes conditions d'hypnotisme, excitation produisant tous les effets que le
puissant excitant électrique seul peut produire dans l'état normal.
Fig. 7.
Il est même possible de tétaniser à ce point tous les muscles du corps que le sujet se raidisse absolument
et puisse reposer suspendu entre deux chaises comme cela est représenté par la Planche XIV .
Fig. 8.
C'est encore pendant le sommeil hypnotique qu'il est possible de produire une sorte de sujétion de l'in
dividu hypnotisé. Il suffit pour cela de lui saisir vivement les deux mains et de se retirer rapidement. Dans la plupart des cas, le sujet vous suit alors aussi loin que vous alliez, et ses sens sont tellement éveillés qu'il évite les obstacles, s'applique à ne pas se heurter et repousse vigoureusement les personnes qui viennent s'interposer entre vous et lui.
PRODUCTION DE LÀ CATALEPSIE
On peut produire la catalepsie chez les hystériques de plusieurs manières.
La plus simple consiste encore à faire passer le sujet directement du sommeil hypnotique dans l'état cataleptique.
En s'endormant, le sujet avait fermé les yeux, et, pendant toute la durée du sommeil, les paupières avaient été animées de battements réguliers. Pour produire la catalepsie, il suffit simplement d'entr'ouvrir les paupières comme cela est représenté dans la Figure 9. Immédiatement le sujet présente les phénomènes caractéristiques qui ont été assez longuement traités dans le cours de ce long travail pour que nous n'ayons pas à y revenir : ici, nous ne nous occupons que du manuel opératoire.
La vue d'un point brillant a toujours produit les mêmes résultats. Souvent nous avions vu de nos malades tomber en catalepsie, sans cause appréciable;
l'une d'elles nous racontait que souvent elle s'endormait en cousant et qu'alors elle dormait debout, ce qui
Fig. 9.
lui attirait de fréquents reproches de la part de sa famille et de ses patrons.
Nous l'avons déjà dit, c'est par la contemplation d'un point brillant, de la lune, d'une étoile, que souvent les fakirs tombent en hypnotisme. Il nous était facile de reproduire le même effet. , Nos Planches XVII, XXII et XXXVII représentent des sujets placés devant une lumière oxydrique très brillante, ils tombent presque instantanément en extase.
L'extinction subite du foyer lumineux les fait au contraire repasser immédiatement au sommeil hypnotique. La chose peut être indéfiniment répétée. Il suffit de rouvrir les yeux pour que la catalepsie revienne et de les refermer pour qu'elle disparaisse de nouveau. On a même vu qu'il suffisait d'ouvrir un seul œil pour avoir Y hémi-catalepsie et Y hémi-hypnotisme.
Nous disions aussi que, chez les peuples orientaux, un son monotone et souvent répété amenait la catalepsie. Il est très facile de le vérifier. (Voy. Planche XX.)
Le son d'un grand diapason cataleptise instantanément une malade assise sur sa caisse. L'arrêt du diapason arrête instantanément la catalepsie et détermine le sommeil hypnotique (Planche XXI).
Il ne faudrait pas croire d'ailleurs que le son ou la lumière aient besoin d'être prolongés. Le bruit subit et inattendu d'un tam-tam (Fig. 10), l'explosion d'un paquet de fulmi-coton enflammé par l'étincelle électrique (Fig. 11), entraînent une catalepsie instantanée.
La chose ne se fait bien que sur des sujets déjà
DES PHÉNOMÈNES D HYPNOTISME. 177
habitués à l'hypnotisme : l'habitude rend, en effet,
Fig. 10.
la névrose beaucoup plus facile à développer.
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Un jour, une de nos malades, G..., en jouant avec un tam-tam qui se trouvait au laboratoire, le laissa tom-
Fig. 11.
ber, et demeura en catalepsie : c'est en ne l'entendant
plus remuer qu'un des assistants alla la chercher et la trouva immobile, fixe et dormant.
Une autre fois, la nommée R..., écoutant une mu-
Fig. 12.
sique militaire tomba cataleptisée à un moment où les
cuivres firent brusquement une reprise au milieu d'un morceau très doux.
Dans l'état cataleptique, il est possible de produire, outre les différentes poses que nous avons expliquées au long, outre la suggestion, il est possible, disons-nous, de déterminer quelques phénomènes auxquels certains magnétiseurs ont donné le nom de fascination.
On regarde fixement la malade, ou on lui fait regarder le bout de ses doigts, puis on se recule lentement {Fig. 12.) Dès lors, le sujet vous suit partout, mais sans quitter vos yeux ; il se baisse si vous vous baissez, et tourne vivement pour retrouver votre regard si vous vous retournez vous-même.
Si vous vous avancez vivement, le sujet tombe en arrière, tout droit et d'une pièce. Cette expérience doit être faite avec la plus grande précaution ; la malade ne fait rien pour parer les chocs et tomberait directement sur son crâne si un aide ne la retenait. [Fig. 13).
Dans cet état de fascination, le sujet hypnotisé appartient absolument au fascinateur et repousse violemment toute personne qui vient s'interposer, à moins toutefois que cette personne ne vienne elle-même accomplir les manœuvres nécessaires, et, comme disent les spécialistes, prendre le regard du sujet au moyen de ses yeux, en recommençant pour son propre compte la fascination.
Pour en finir avec ce sujet, nous devons dire quel
ques mots de deux manœuvres, dont l'une permet d'obtenir les hallucinations provoquées, dont l'autre,
Fig. 13.
souvent utilisée par les magnétiseurs, n'a pourtant aucun rapport avec l'hypnotisme. Pour provoquer les hallucinations, il convient de se
servir d'un sujet jeune et depuis longtemps hypnotisé. On le met en état de catalepsie, et quand on a, par le
Fig. 14.
moyen du regard, réussi à le mettre en fascination
(nous sommes bien obligés de nous servir des mots usités), on simule soi-même certains actes, on fait sem-
Fig. 15.
blant par exemple de poursuivre un oiseau (Fig. 14). Immédiatement l'hypnotisée est prise d'une hallucina
tion semblable. Elle poursuit l'oiseau et accomplit une série d'actes automatiques se rapportant à l'acte qu'on
Fig. 16.
lui a suggéré. On peut varier à l'infini ces hallucina
lions: on peut, par exemple, avoir l'air de craindre un serpent et c'est alors la terreur qui s'empare d'elle. On conçoit très bien qu'il n'y a pas de limites à de semblables expériences et qu'on peut les varier à l'infini. Nous ne saurions insister plus longtemps.
Le deuxième point sur lequel nous avons à nous arrêter, c'est la contracture réllexe qu'on peut obtenir sur les sujets hypnotisés. Si, par exemple, on place un sujet hypnotisé dans la position représentée (Fig. 16), c'est-à-dire la main appuyée contre un mur, le corps penché et portant tout entier sur le bras, on voit que le sujet reste comme soudé au mur et ne peut plus le quitter. Il n'y a là rien que de très simple, et l'explication est vite trouvée. Mettez-vous dans la situation indiquée ci-dessus, et vous verrez qu'il vous sera impossible de vous en tirer sans plier le bras et sans vous lancer ensuite en quelque sorte loin du mur pour reprendre votre équilibre. Pourquoi l'hypnotisée ne le fait-elle pas? Simplement parce que, au bout d'un instant, son bras est contracture et hors d'état de semou-voir. Vous en avez facilement la preuve en la retirant vous-même ; vous trouvez son bras contracture et il vous faut peser vivement dessus'pour le faire retomber.
Il y a là un cas de contracture réflexe, d'autant moins dû à l'hypnotisme que, dans l'état de veille, il est facile à reproduire et qu'il suffit de tirer vivement le bras de presque toutes les hystériques pour le mettre en contracture*
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Nous devrions, pour en finir avec ce manuel opératoire, dire quelques mots de l'hypnotisme chez les animaux. Mais ce sujet ne rentre pas dans les expériences de la Salpêtrière, et nous renverrons le lecteur au mémoire publié récemment par Preyer , mémoire. qui, s'il est erroné à notre avis sur l'interprétation des phénomènes, en contient pourtant une description des plus complètes.
FAITS CLINIQUES
Les explications que nous venons de donner sur les procédés opératoires, employés pour produire l'hypnotisme, la catalepsie, etc., permettront à nos lecteurs de saisir plus facilement les traits principaux des expériences cliniques que nous allons rapporter. Leur exposé aura encore l'avantage de nous fournir l'occasion de compléter quelques-unes des observations contenues dans les précédents volumes de Y Iconographie.
OBSERVATION XII
Sommaire. — Renseignements complémentaires sur les antécédents. — Délire par l'éther ; effets consécutifs. — Action du nitritc d'amyle. — Zones hystérogènes. —Nouveaux détails sur l'aura.—Léthargie; hyperexcitabilité musculaire. — Catalepsie; suggestion; hallucinations provoquées. — Attaque artificielle de sommeil : ses caractères. — Aphasie provoquée. — Relation de nombreuses expériences.
X... L..., Augustine est entrée à la Salpêtrière (service de M. Charcot) le 21 octobre 1875. Elle est actuellement (1880) âgée de 20 ans et demi. Son observation est insérée tout au long dans le second volume de Y Iconographie (p. 123-167).
Renseignements complémentaires sur ses antécédents. — En 1*69, tandis qu'elle était en pension dans un couvent de la Ferté-sous-Jouarre, elle posait pour l'irréligion, afin de taquiner les sœurs ; elle avait des accès de colère dans lesquels elle devenait toute noire; elle se touchait en compagnie de deux autres petites filles. Pour les punir, les sœurs leur attachaient les mains, le soir. X... assure que, parmi les sœurs, il y en avait une, Bernadette, qui avait des extases comme Geneviève. Dans le couvent, X... était regardée comme une possédée et, un jour, pendant une grande retraite, prêchéepar un R. P. on l'aurait exorcisée. —Les religieuses prétendaient la calmer dans ses colères, en lui jetant de l'eau bénite au visage.
A diverses reprises, elle se serait sauvée du couvent pour aller « garçonner» avec les collégiens, parmi lesquels était son frère. Il n'y aurait pas eu de rapports sexuels à cette époque. Ces détails, joints à ceux qui se trouvent disséminés dans les autres observations, permettent de se faire une idée du caractère des hystériques.
Délire provoqué par l'éther. — Bien que nous ayons déjà relaté un grand nombre de fois les hallucinations et les sensations éprouvées pnr les hystériques sous l'influence des
inhalations il'éther, et en particulier par L.. . (t. 11, p. 161), il nous a paru intéressant de reproduire la relation écrite par la malade elle-même, à notre demande et après des instances réitérées, des sensations que lui procure l'éther et qui la poussent à en réclamer souvent :
« Depuis le 3 mars (1877), après avoir absorbé une certaine quantité d'éther, il m'était resté, pendant trois jours, quelques mauvaises idées sur les hallucinations et les choses que j'avais vues et éprouvées avec plaisir. Ces idées étaient : j'étais toujours avec mon cher bien-aimé M.... ; ma pensée n'était que dans lui, partout où j'allais il me semblait toujours le voir, l'entendre m'appeler. Quand, par instants, j'étais seule, je m'appliquais à réfléchir pour savoir comment je pourrais faire pour .... pouvoir l'aimer et le posséder comme je voudrais; alors je me couvrais la figure de mes mains, et c'est à ce moment où je ressentais un grand bonheur que je lui demandais : « M'aimes-tu? » Il me semblait qu'il me répondait « Oui » ; alors j'étais prise de joie en croyant le sentir m'embrasser et me presser sur son cœur, comme il m'arrivait des fois l'entendre me le demander; je lui répondais toujours « Oui ». (Mais ce n'était qu'un rêve malheureusement.) Pendant ces trois jours je ressentais ce bonheur à peu près 40 fois par jour. L'heure de me coucher étant arrivée, ça devenait encore pis, je le sentais couché avec moi, m'entrelaçant dans ses bras, me serrant sur son cœur en me disant de m'endormir, je le voulais bien, mais avant j'aurais préféré qu'il me rende complètement heureuse et me prouve qu'il m'aimait, mais il me semblait qu'il me disait « Non » ; alors je restais confuse, fâchée, de cette réponse, j'éprouvais un malaise que je ne veux pas vous laisser ignorer: subitement, j'étais prise de frissons, un battement de cœur me prenait, une sueur froide me passait sur la figure; j'aurais voulu pouvoir me soulever, mais je ne pouvais pas bouger ni mes bras ni ma tête. Cela durait à peu près 4 à o minutes. Puis, à la fin, j'éprouvais un bien aise que je n'ose pas vous expliquer. J'éprouvais cette espèce de malaise chaque fois que je le ressentais se presser contre ma poitrine ; je sentais qu'il m'embrassait sur la poitrine, lui demandant quelque chose qu'il ne voulait pas me faire, alors j'éprouvais encore un malaise et j'avais bien du mal à m'endormir après avoir chassé toutes ces idées-là. Tous les trois jours en me couchant j'éprouvais la même chose. Depuis que j'ai été malade je n'éprouve plus du tout cela, excepté toutes
les fois que j'ai l'occasion de voir celle charmante personne qui me donne toujours des envies de l'embrasser, et cependant, quand je parais devanl lui, je suis intimidée, car je me maintiens le plus possible pour ne pas lui montrer que je l'aime. Je ne vous nomme pas la personne, car je ne crois pas que ce vous soit nécessaire et puis je n'oserais pas.
« P. S. J'ai fini de vous dire tout ce que vous m'avez demandé et même plus; je vous parlerais plus ouvertement si j'osais; mais je crains que ce soit à la vue de tout le monde. »
Ainsi, les effets de l'éther se prolongeraient un temps assez long après l'inhalation. Si le récit qui précède est bien exact — et nous le croyons, car il est conforme à celui de la plupart des malades — l'éther produirait presque constamment des rêves agréables, voluptueux, et mettrait la malade dans la situation où elle se trouve durant une partie de la phase gaie de la période de délire des attaques.
Effets consécutifs aux inhalations denitrite d'amyle. — X. . . L.. ., à la fin de novembre 1877, c'est-à-dire à une époque où elle était assez facilement maniable, nous a donné les détails suivants sur les phénomènes qu'elle ressent quand on lui a fait respirer du nitrite d'amyle :
« Après le nitrite d'amyle, j'étais enfoncée dans mon lit; je commençais à m'endormir, quand je vois M... s'approcher de moi, il se couche à mon côté, il m'entrelaçait dans ses bras, m'embrassait, me chatouillait et me touchait. ,
« A mon tour, je l'embrassais aussi et le comblais de caresses en me serrant contre lui, alors je frémissais, animée, heureuse, puis je me tortillais, en me tenant tout à fait d'une manière inconvenante.....Croyant toujours que M... me caressait, me touchait
les seins, ensuite faisait la......Et moi, heureuse, je le faisais
toujours avec plaisir et ardeur ; cela a duré l'espace de 2 heures ; je me suis endormie pendant quelques heures, toujours joyeuse avec la même personne. Je rêvais que je n'étais plus à la Salpô-trière, je vivais depuis quelques jours avec lui, j'allais me promener à son côté, au bois de Boulogne, me montrant toujours de belles choses : toujours rêvant, j'assistais à un théâtre où l'on représentait
une révolution : c'étaient des nègres aux ytux rouges, les dents bleues qui se battaient avec des armes à feu, M... a été frappé d'une balle à la tête, le sang coulait, je criais, et, m'éveillant, je revins tout à fait de mon erreur.
c Le reste de la journée s'est assez bien passé, mais toujours plus surexcitée qu'à l'ordinaire ; c'est pourquoi je vais vous citer un exemple. Le soir même un interne, venant dans le service, est venu me parler, il m'a pris par la main en me disant « Bonjour » ; alors je me suis sentiecomme électrisée des pieds àla tête ; il s'en estaperçu, m'a demandé ce qui me prenait; je ne lui en ai rien dit, mais j'ai eu de la volonté et pris de la fermeté de caractère pour ne pas l'embrasser, parce qu'il me représentait M... »
L'action du nitrite d'amyle est moins agréable que celle de l'éther. On voit que, aux sensations voluptueuses, se mêlaient des rêves pénibles, dans lesquels la malade voyait des yeux rouges, des dents bleues, du sang, etc.
Zones hyslérogèncs. — 1° Ovaralgie à droite; — 2° rachial-gie (voir t. II, p. 161) ; — 3° zones latéro-mammaires, avec prédominance du côté droit : par la pression simultanée, on détermine sur-le-champ une attaque; — 4° clou hystérique, siégeant sur la ligne médiane et à droite, ayant une largeur d'environ deux centimètres. Il existe, à ce niveau, une douleur spontanée qui est pongitive. Si l'on appuie fortement, il survient une douleur vive « dans le genre de celle de l'ovaire » et la figure grimace.
Aura. — Elle part de l'ovaire droit. La malade a la sensation d'une boule qui monte de l'ovaire à l'épigastre, trois ou quatre fois dans la première heure, puis de plus en plus souvent ; cette phase dure plusieurs heures. La montée de la boule se complique de palpitations cardiaques. — Dans la seconde phase, la boule va et vient de l'épigastre à la base du cou et détermine une sensation de strangulation. Les palpitations augmentent de fréquence et d'intensité. Au début de cette seconde phase, si la malade peut « avaler sa boule » l'attaque est retardée. — Enfin, arrivent les troubles céphaliques; le clou hystérique est plus douloureux : une fois que ce dernier phénomène se
Planche XIII.
LÉTHARGIE
contracture artificielle
Manifeste, l'attaque est fatale, la malade ne sait plus ce qui se passe et perd connaissance.
Sommation, hypnotisme. —1880. 8 avril. —X... est endur-mic par le regard. Elle est impatiente, frappe du pied, fronce les sourcils ; les yeux sont brillants, humides ; les pupilles dilatées; les paupières battent; il se produit un peu de larmoiement. Puis, les yeux se portent, le droit en dedans, le gauche en dehors; les paupières se ferment; on entend un bruit pharyngien sourd, rappelant le stertor; la tète tombe sur l'épaule. Ceci a duré environ deux minutes. La résolution est complète, la face est immobile. On note quelques mouvements très fins des cils.
Le bruit subit et fort, déterminé par la fermeture d'une porte, l'a réveillée en sursaut. Elle est étonnée, demande où elle est. revient tout à fait à elle; se regarde et dit : « Gomme je suis propre, mes cheveux sont dénoués. y (Elle ne se rappelle pas qu'ils l'étaient avant l'expérience.) — On la rendort en une minute.
L'hyperexciiabilité musculaire est très prononcée. En frictionnant légèrement, avec le bout des doigts, les muscles fléchisseurs des doigts et des avant-bras, on détermine une contracture artificielle des deux membres supérieurs (Pl. XIII).
On peut, par la même manœuvre, contracturer isolément les muscles, par exemple le steruo-mastoïdien, et produire un torticolis artificiel; — ou tout un groupe de muscles, par exemple la masse sacro-lombaire, et placer ainsi le corps en opisthotonos.
En excitant les muscles de la face, ou le nerf facial en avant de l'oreille, etc., on a les contractures les plus variées et, de la sorte, il est facile de se rendre compte de l'action des muscles et des nerfs moteurs de la face.
Pour faire cesser la contracture, il suffit de malaxer les muscles contractures ou de frictionner légèrement les muscles antagonistes, en ayant soin de ne pas les exciter au delà d'une certaine mesure, afin de ne pas remplacer une contracture dans la flexion par une contracture dans l'extension.
Par ce procédé, on fait disparaître la contracture du bras gauche, et on réveille la malade : elle est toute surprise de se voir avec une contracture du bras droit. Cette expérience a été renouvelée bien des fois et on a laissé le bras contracture et dans la flexion et dans l'extension. X... dit que les sensations qu'elle éprouve ne sont pas les mêmes dans les deux cas : elle resterait bien plus longtemps avec une contracture dans l'extension qu'avec une contracture dans la flexion. Dans celle-ci, elle souffre « comme lorsqu'on a une crampe » ; dans celle-là, elle n'a qu'une sensation de raideur non douloureuse.
X... dit que, dans le sommeil provoqué, elle n"a pas de rêves; mais* qu'elle éprouve des sentiments affectueux pour l'expérimentateur quel qu'il soit, lors même que, auparavant, elle aurait eu pour lui des sentiments de haine.
Quand la malade a été réveillée avec une contracture dans l'extension, si on appuie sa main contre un mur, elle ne peut se retirer. Pour exécuter ce mouvement de retrait, une personne saine est obligée de faire un effort amenant la flexion du bras. Or, l'hystérique ayant cette contracture dans l'extension est incapable de faire cet effort. (Voir p. 185.)
X... est réendormie. On appuie sa tète sur le dos d'une chaise, ensuite on frictionnedes muscles du dos, des cuisses et des jambes, et on place les pieds sur une deuxième chaise : le corps, rigide, reste dans cette situation (Pl. XIV) pendant un temps assez long (on n'a jamais prolongé l'expérience plus de 4 ou 5 minutes); il est possible de mettre une charge de 40 kilogrammes sur le ventre sans faire fléchir le corps.
Dans la somniation, si l'on contracture les muscles du dos, la malade étant appuyée sur le dos d'un assistant, elle suivra celui-ci dès qu'il se mettra en marche.
Cette léthargie peut durer longtemps. Un jour, par inadvertance, on laissa X... endormie. L'infirmière la coucha. On essaya de la réveiller à différentes reprises sans y parvenir. L'interne de garde fut appelé ; il essaya inutilement de la pro-jection d'eau froide, de la compression ovarienne, de la fara-disation. Le lendemain matin, M. Charcot la retrouve après
Planche XIV.
LÉTHARGIE
hyperexcitabilité musculaire
Planche XV.
CATALEPSIE
Planche XVI. HÉMI-LÉTHARGIE et HÉMI-CATALEPSIE
vmgt-deux heures d'un sommeil profond. Le corps était flasque ; le pouls à 28-32; la respiration très ralentie (3-0 par minute) ; la température au-dessous de 36°; la face cyanosée. En un mot, nous étions en présence d'un état qui ne manquait pas de gravité.
La compression des zones hystérogènes amena des attaques à la suite desquelles X... reprit connaissance : elle était hébétée, se plaignait d'une grande fatigue : pendant deux jours, elle dût garder le lit. Nous avons eu, de la sorte et par hasard, une attaque de sommeil artificiell.
9 avril. — On endort X... par surprise. Mêmes phénomènes que précédemment, si ce n'est que les pupilles n'ont point paru modifiées (?). On ouvre les paupières : la malade est en catalepsie, en d'autres termes les membres conservent l'attitude qu'on leur impose; le corps peut être placé en arc (Pl. XV), etc.
Après avoir assis la malade, on ferme l'œil droit — tout le côté correspondant est en léthargie; l'hyperexcitabilité musculaire y est présente et on met le bras droit en contracture. — A gauche, les paupières sont demeurées ouvertes; le bras correspondant est élevé et garde cette position : nous avons donc une hémi-léthargie droite et une hémi-catalepsie gauche (Pl. XVI).
Nous faisons disparaître la contracture et nous fermons les paupières : la malade tombe en léthargie. Des questions lui sont posées; ensuite, on lui commande de compter. Elle dit : « Un, deux, trois, quatre... » Ace moment, on écarte les paupières de l'œil droit : sur-le-champ elle s'arrête. On referme les paupières droites, aussitôt X... reprend : « cinq, six, sept, huit ». — En ouvrant les paupières droites, par suite de l'entre-croise-ment du chiasma, on met l'hémisphère gauche en catalepsie.
' « On peut bien endormir les perfonnes avec la MàJragore, autres breuuages narcotiques, en forte que la perfonne (emblera morte, et neantmoins il y en a qu'on endort fi bien, qu'ils ne reveillent plus, les autres ayant pris tels breuuages, dorment quelques fois trois ou quatre iours fans efveiller, comme on fa ici en Turquie à ceux qu'on veut chaftrer, se pratiqua en vu Gafcon du bas Languedoc estant efclave, qui depuis fut rachetté... » (Bodin, loc. cit.. p. 92.)
25
C'est là une vérification curieuse de la localisation du langage articulé dans l'hémisphère gauche (aphasie artificielle)1.
La catalepsie peut être déterminée par divers procédés. — Après avoir réveillé la malade, on la conduit dans un cabinet noir et on allume une lampe Bourbouzc d'un grand éclat. Immédiatement elle est cataleptisée (Pl. XVII). On obtient le même résultat en produisant subitement devant la malade non prévenue, l'explosion et l'inflammation d'un paquet de fulmi-coton (Fig. 11).
Suggestion. — C'est durant l'état cataleptique que l'on observe les phénomènes dits de suggestion. Ils sont de deux ordres : ◀tantôt▶ ils dépendent exclusivement de la malade, ◀tantôt▶ de la malade et de l'expérimentateur.
1° Suivant l'attitude que l'on impose à la malade, les gestes qu'on lui fait exécuter, la physionomie change et se met en harmonie avec l'attitude. Place-t-on les mains dans la situation d'une personne en colère, la physionomie exprime la colère. — Joint-on les mains, la physionomie traduit la supplication. — Met-on la malade à genoux, c'est l'expression de la prière.— Porte-t-on l'index et le médius sur les lèvres, comme dans l'acte du baiser, le plaisir amoureux se peint sur le visage (Pl. XVIII).
2° Les phénomènes de suggestion de second ordre constituent les hallucinations provoquées.
a) A l'aide des doigts placés devant les yeux de la malade, on prend son regard; elle suit alors les doigts qui font le simulacre d'une mouche qui s'envole. X... essaie de chasser l'être imaginaire, secoue son tablier et dit : « Quel bourdon! quel bourdon ! »
h) Les paupières sont fermées, afin de modifier le regard ; — on les rouvre, l'expérimentateur prend de nouveau le regard en le fixant sur ses yeux et tourne autour de la malade. Gelle-
1 Assistant un jour aux expériences tic la Salpêtrière, M. R. Lépine conseilla d'ouvrir les paupières droites pendant que la malade comptait, afin de voir ce qui se produirait; elle cessa de compter : c'est ainsi que fut découvert ce phénomène^
Planche XVII.
CATALEPSIE
PROVOQUÉE PAR UNE LUMIÈRE VIVE
Planche XVIII.
CATALEPSIE
SUGGESTION
ci tourne sur place, ses pieds se croisent et, si on persistait, elle tomberait.
c) L'expérimentateur s'avance brusquement vers elle, d'un air menaçant : X... a les yeux hagards ; ses paupières sont largement ouvertes; elle tombe comme une masse en arrière, (Un aide la reçoit et l'empêche de se blesser.)
d) L'expérimentateur prend le regard et s'éloigne. — La malade marche vers lui, repoussant violemment des chaises placées sur son passage, écartant avec une vigueur surprenante, pour passer entre eux, deux assistants qui se sont adossés l'un contre l'autre. — Si quelqu'un essaie de prendre son regard, elle le bouscule, lutte, et cherche rexpérimenta-teur primitif.
e) L'expérimentateur simule le geste d'un animal qui court : X... cherche en riant, bouscule tout, se jette sous le lit; elle parait essayer d'attraper l'animal imaginaire.
f) On lui montre le ciel en lui joignant les mains. Elle se met à genoux et on l'interroge. « Que vois-tu? —Le bon Dieu. —Que vois-tu encore?—La Vierge.—Comment est-elle?—Elle a les mains jointes... un serpent est sous ses pieds... un arc-en-ciel au-dessus de sa tête... Il y a une belle lueur derrière elle... rouge, blanche... Je croyais qu'il n'y avait qu'un Jésus... il y en a des quantités. »
g) L'expérimentateur abaisse ses paupières , remet ses bras dans l'extension , puis ouvre les yeux, prend le regard , et ", en indiquant le parquet, dessine le simulacre d'un serpent, et a l'air effrayé : aussitôt la physionomie de X... exprime l'effroi, elle veut écraser l'animal qui l'épouvante, saisit une chaise pour l'écraser. Ses mouvements sont si violents, qu'on est obligé de la remettre en léthargie (Il suffit, pour cela, on le sait, d'abaisser les paupières), afin qu'elle se calme.
h) L'expérimentateur la replace en catalepsie, prend son regard et exécute le geste de sentir un mouchoir avec plaisir. Le mouchoir est placé sous ses narines et on lui demande ce qu'elle sent. Elle est contente, et répond : « Le lubin ».
i) Même manœuvre, mais avec une expression de dégoût.—
Le mouchoir est mis sous le nez deX... Alors son visage décèle le dégoût ; elle éternue.
j) X... est réveillée (on lui souffle brusquement ^ur la figure), endormie et mise en catalepsie. Son attention est attirée sur une compresse sur laquelle on jette de l'amidon ; on l'approche de son nez avec satisfaction, en disant : « Du lubin ». Elle respire hâtivement, profondément, actes qui la réveillent spontanément. Revenue à elle, elle continue à respirer, disant : « C'est bon ! » Elle veut faire sentir la compresse aux assistants, et enfin la cache dans son corsage.
k) X... est rendormie et cataleptisée. On fait semblant de verser quelque chose sur une compresse, en disant : «Voici de l'éther... » Elle s'empare vivement de la compresse, se sauve dans un coin — comme elle fait à l'état de veille — met la compresse sous ses narines et se cache le visage avec son tablier (c'est ce qu'elle fait, d'ailleurs, à l'état de veille lorsqu'on lui donne de l'éther).— On la questionne : « Qu'est-ce que tu vois? » — Pas de réponse. Bientôt elle parle : « 11 vient m'embrasser... Nous coucherons ensemble avant la fin de l'année... » Elle donne des baisers... « Je m'échapperai pour sûr... Il y a longtemps que je ne l'ai pas embrassé... »
l) X... est mise en léthargie, puis cataleptisée. R... lui présente du papier, en disant : « Voici de bonnes pommes de terre.—Vous allez me graisser, répond-elle. «^Ensuite elle prend le papier qu'on lui offre, veut le manger. « Tu ne vois pas, lui dit-on, que ces pommes de terre sont tombées dans l'ordure?» Aussitôt elle jette avec dégoût le papier-pommes de terre, crache, essuie sa langue, etc.
m)X... est endormie et placée en catalepsie. L'expérimentateur lui dit: « C'est donc le jour de la leçon de musique? » X... écoute. On reprend : « Il y a une valse là-haut. » X... se met à valser. On la réveille par la compression ovarienne. Elle s'imagine entendre encore la musique.
A mesure que les expériences se multiplient X... s'endort de plus en plus facilement. On la prévient qu'on va l'endormir en passant rapidement la main sur son front (surprise) ; elle
résiste, ne s'endort pas et dit : « J'ai ravalé mon sommeil. » (On sait que durant l'aura, les malades déclarent retarder l'attaque si elles avalent la boule : il y a, dans l'expérience précédente, quelque chose d'analogue.)
On ordonne à la malade de frapper trois coups dans sa main en la prévenant qu'elle s'endormira au troisième coup. Elle obéit et, au troisième coup, elle s'endort. Dans ce cas, l'attention qu'elle mettait à l'accomplissement de l'acte et l'effort qu'elle faisait pour ne pas céder au sommeil, semblent avoir produit un effet inverse à celui qu'elle espérait.
X... est réveillée. On laisse choir tout d'un coup, avec bruit,* un morceau de fer, X... s'endort.
Lorsque nous avons publié l'observation de cette malade, nous terminions en signalant qu'elle était en voie d'amélioration, que la sensibilité était revenue et nous disions qu'elle avait été admise à remplacer provisoirement une infirmière: c'était à la fin de décembre 1878. (Voir le t. II, p. 166.) Nous allons exposer rapidement les faits principaux, observés depuis cette époque jusqu'à ce jour.
1879. 17 février. —Le mieux persiste ; X... se conduit bien ; on l'accepte comme infirmière. — Sa conduite a été convenable. — Les règles sont venues le 3 janvier, le 1er et le 25 mars, le 17 avril, le 12 mai. Rienn'a été notéjusqu'au 13 décembre; puis, les règles paraissent le 25 du même mois. — Pendant toute cette année, il a été possible de répéter les expériences sur l'hypnotisme, la catalepsie, etc. —Le 29 décembre, X..., chez laquelle on pouvait provoquer des attaques, depuis quelque temps, a deux grandes attaques et trois attaques épileptiformes.
1880. 6 avril.—X... est retombée; elle estreplacée dansle service, comme malade. On emploie contre les attaques le compresseur, l'élher, le chloroforme On note, à diverses reprises, des périodes d'agitation, dans lesquelles elle casse, brise les vitres, déchire la camisole de force, etc. Le 11 juin, l'agitation étant plus violente, X... est mise en cellule,
12 juin. —Elle arrache les crochets de la croisée et perce la cloison de sa cellule.
iSjuin. — Elle s'est sauvée de sa cellule et, à 6 heures du matin, on la trouve plongée dans un bain froid.
16 juin.— L'agitation a cessé le 14. La sensibilité est redevenue normale. M. Gharcot essaie vainement d'endormir X...
11 juillet. —X... n'a pas eu d'attaques depuis le mois de mai. Elle profite d'un concert qui a amené beaucoup de visiteurs a la Salpêtrière pour se sauver. On la rattrape sur le boulevard de l'Hôpital, au moment où elle montait en voiture. Ramenée avec peine dans service, elle tombe sur une marche et se contusionne le genou droit. Une fois dans sa salle, elle monte sur une chaise pour essayer de voir le monde, tombe de nouveau se fracture la rotule et ne peut plus marcher.
lb juillet, —Deux attaques syncopales. Hier, période d'agitation.
23 juillet. — Deux attaques épileptij"ormes.
25 juillet. — Agitation. Elle se foule le pouce gauche.
26 et 27 juillet. — Attaques syncopales. Elle n'a pas dormi la nuit dernière.
12 août. — On avait dû immobiliser le genou blessé. L'appareil est retiré. Bain. — A partir de là, X... a pu marcher.
9 septembre, — X... se sauve de la Salpêtrière., déguisée en homme1.
Relation entre les règles et les attaques.— Règles le 12 janvier ; pas d'attaques; — le 21 mars; pas d'attaques; — du 12 au 13 avril; attaques le 14; — du2 au 4 mai; elle n'a d'attaques que le 7; — du 31 mai au 4 juin ; pas d'attaques ; — du 24 au 26 juin ; — du 20 au 22 juillet; deux attaques le 23 ;— du 10 au 12
1 Nous avons appris que depuis ce temps elle avait vécu avec son amant, dont elle avait fait connaissance à la Salpêtrière ; qu'elle était tombée malade (phlegmon du ligament large), et était entrée à l'hôpital de la Charité, puis était retournée avec son amant.
août et du 3 au 6 septembre. — On voit par les renseignements que nous avons donnés qu'il n'y a pas de relation bien nette entre les attaques et les règles. Celles-ci durent un ou deux jours et sont peu abondantes.
Attaques. — X... n'a pas eu d'attaques en 1879, ni dans le premier trimestre de 1880. Elle en a eu deux grandes et cinq attaques épileptiformes en avril ; douze grandes et deux attaques épileptiformes en mai; rien en juin; quelques attaques syncopales et épileptiformes en juillet ; rien en août et en septembre.
Il est possible de multiplier à l'infini les expériences que nous avons rapportées, soit qu'il s'agisse des contractures artificielles qui, comme le répète souvent M. Charcot, permettent de faire, en quelque sorte, la physiologie des muscles et des nerfs, soit qu'il s'agisse des attitudes imposées au corps ; soit qu'il s'agisse enfin des hallucinations provoquées.
Dans le sommeil provoqué, les hystériques ne paraissent avoir ni les rêves agréables, ni les cauchemars qui troublent leur sommeil naturel. « On s'imagine qu'on a rêvé, nous disait X..., alors qu'on a simplement entendu causer. »
L'aphasie provoquée n'est pas l'un des phénomènes les moins intéressants de ceux que nous avons décrits. Les détails que nous avons consignés dans la plupart de nos observations nous dispensent d'insister davantage l.
* Voir p. 27, 43, êtes
OBSERVATION XIII
Sommaire. — Renseignements complémentaires. — Munie hystérique. — Expérience? : sommation ou léthargie ; — Hyperexcitabilité musculaire ; — Catalepsie. — Etfets du regard, d'une lumière vive ; —d'un bruit soudain, du diapason, etc. —Délire hystérique ; ses caractères. — Phénomènes vaso-moteurs. —Effets de i'éther, du chloroforme. — Zones hystérogènes : leur rôle dans l'aura. — Amélioration. — Sortie de la Salpètrière.
B... A... est entrée à la Salpètrière (service de M. Charcot;. le 2 mai 1878, comme fille de service. Son observation a été publiée dans le t. II de Y Iconographie, p. 179.
1878. 27 août. —Sommeil provoqué. B..., qui est anesthési-que du côté droit, s'endort vite par le regard : l'insensibilité est absolue. Dès qu'on l'a réveillée, en lui soufflant au visage, la sensibilité reparaît à gauche (côté sensible à l'état de veille).
29 août.— Quand on touche le bras droit de B..., éveillée, avec le diapason vibrant, on produit une contracture.
17 novembre.— B... est endormie par le regard. On étudie les phénomènes de l'hyperexcitabilité musculaire : en frictionnant le sterno-mastoïdien droit, on le contracture ; par une friction modérée du sterno-mastoïdien gauche, on fait disparaître la contracture du muscle sterno-mastoïdien du côté droit. - Nous frictionnons les muscles fléchisseurs des doigts et des avant-bras, et nous obtenons une double contracture des membres supérieurs. (Pl. XIX.)
Les paupières sont écartées ; B... passe de la sommation dans Vétat cataleptique. Elle conserve sa contracture des membres supérieurs. On donne au corps des attitudes variées—qu'il conserve aussi longtemps qu'on veut — inclinaison, extension, flexion latérale, etc.
M. Charcot réveille la malade en lui soufflant à la figure ; la contracture persiste. Pour la faire cesser, il rendort B... par le regard ; puis, il frictionne les muscles extenseurs ; les bras ne
Planche XIX.
LÉTHARGIE
SOMNIATION : HYPEREXCITABILITÉ
sont plus contractures ; la malade est réveillée par la compression ovarienne droite.
— Dans une autre expérience, les bras étant contractures, par la même manœuvre, nous réveillons la malade et faisons disparaître la contracture.
1879. 22 janvier.— B... était toujours considérée comme fille de service. Hier, en apprenant que son admission comme malade était arrivée, elle a été prise d'une violente colère. Ce matin, nouvelle colère dans laquelle B... déchire sa camisole.
3 mars. — Hier, à 5 heures, B... a eu une attaque dans la cour; à partir de ce moment, jusqu'à une heure du matin, agitation : B... s'est levée, a retiré sa chemise , voulait aller dans la cour ; malgré les efforts faits pour la retenir, elle a pu se sauver toute nue jusqu'au parloir. On T'a couchée, on a remis sa chemise et oh l'a immobilisée dans son lit. A 7 heures, élis est parvenue à se débarrasser de ses liens. L'agitation continue ; B... se lève, se couche sur les lits, s'empare du flacon de vin de quinquina d'une de ses compagnes et le vide d'un trait ; elle chante, embrasse hommes et femmes, injurie Geneviève qu'elle déteste, s'échappe et s'en va dans la cour, n'ayant que sa chemise, et se roule pai terre. Elle n'a pas mangé depuis le début de son accès de manie hystérique.
4 mars. — L'agitation a continué toute la journée d'hier. Elle a essayé de se mordre l, s'est sauvée jusqu'à la cuisine, disant qu'elle voulait des pommes de terre cuites. Elle s'est donnée des coups de poings sur la poitrine , sur la face où l'on voit des « bleus » ; elle a déchiré deux camisoles, dont l'une de force ; elle s'est mise en chemise,' a grimpé sur la porte de l'une des cours, etc. On l'a fait rentrer en la menaçant d'une injection de morphine, médicament dont elle redoute les effets. Elle n'a pris qu'un peu de lait et de vin de quinquina. Couchée à cinq heures , elle a dormi tranquillement. Ce matin, elle est calme.
1 Jamais elle ne cherche à se déchirer, comme Rosalie Ler...
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Avril-août. — B... a présenté, à plusieurs reprises, des péroides d'agitation, souvent suivies d'attaques.
4 septembre. — Phénomènes vaso-moteurs.—iVctuellement, la sensibilité existe des deux côtés. — On trace le mot Alphon-sine sur la poitrine, avec une épingle ; à mesure, que les lettres sont écrites , il apparaît une bande érythémateuse sur laquelle se dessinent les lettres en relief. Elles sont blanches, peu accusées.
5 septembre. — A 3 heures de l'après-midi, il n'y avait plus-que quelques traits ; ce matin, tout est effacé.
15 septembre. — Après une dispute avec une de ses compagnes, B... a eu une violente colère et a brisé divers objets. Ensuite, elle a été prise d'attaques, suivies d'agitation jusqu'à onze heures du soir. Ce matin, elle est assez tranquille.— B .. pèse 56 kilogr.
24 octobre. — Ether.— Au début de l'inhalation, sentiment de suffocation. Interrogée sur ce qu'elle éprouve d'habitude, elle dit qu'elle voit des bêtes, des petits bonshommes qui mettent des brins de paille dans des trous, des bonnes femmes qui portent des petits fagots et lui disent que ce sont les os de son père.
L'inhalation continuant, elle devient tendre : « Mon petit chien !.. Mon ange !... Oui, cher ami, viens m'embrasser... Viens, on me donne la permission... Je voudrais... ça doit être bon... Je n'ai jamais embrassé personne... Mon petit chat...' C'est bête d'avoir été jusqu'à 20 ans sans pouvoir embrasser personne... J'ai bien aimé, maispersonne ne m'a aimé... » Elle aime « tous ces messieurs ».
Elle chante pendant quelques secondes. Puis elle parle : « C'est bon l'éther,.. mon amour, embrasse-moi!.. J'aime mieux i'éther... Je voudrais que tu m'embrasses... Il faut que tu m'embrasses de suite... Je n'aime pas attendre; si j'avais une connaissance, il me paierait souvent de cette manière... J'ai un cœur d'artichaut... » Elle chante : « Voisin de voisinage. Je l'aurais bien embrassé... Mon préféré, c'était U... il ne l'est
plus... Je l'ai aimé... 11" m'a fait des crasses... S'il m'a été infidèle, je m'en fiche bien... »
Chloroforme. — Au bout de plus d'un quart d'heure, nous lui administrons du chloroforme. Pardonnez-moi M... Elle est triste, craint d'avoir été inconvenante. Bientôt elle cesse de parler. En une ou deux minutes, elle est dans la résolution et, à ce moment, elle urine abondamment sous elle.
Il faut une quantité assez considérable d'éther pour endormir B... Avec le chloroforme, le sommeil survient en deux ou trois minutes. — Dans les deux cas, elle se réveille promp-tement.
Zones hystérogènes ; leur rôle dans l'aura. (Voir t. II, p. 183.) — 1° Ovaralgie droite ; anesthésie cutanée complète; la pression de l'ovaire ne détermine pas d'attaques. — 2° Zones la-téro-mammaires droite et gauche , avec prédominance de la droite, au niveau de laquelle la sensibilité est conservée dans une largeur d'un centimètre et demi; la pression simultanée des deux zones produit une attaque. — 3° Clou hystérique] la peau correspondante est sensible; la pression ne donne pas d'attaques, mais occasionne un malaise général. —^Rachialgie : la sensibilité persiste (à droite) dans une hauteur de quatre centimètres et une largeur de trois centimètres ; cette zone est la plus active ; une pression, même modérée, détermine immédiatement une attaque qu'il est possible d'arrêter par une surpression.
La première phase de l'aura, comprenant les phénomènes qui surviennent au niveau de la région ovarienne et à l'épigas-tre, dure de 15 à 30 minutes. — Dans la seconde phase, la boule va de l'épigastre à la fossette sus-sternale : elle dure environ cinq minutes. C'est alors qu'intervient la rachialgie, la zone hystérogène par excellence, chez B...; cette zone est le siège de sensations analogues à des coups, à des contusions, accompagnées d'élancements s'irradiant vers l'ovaire droit. Dès
que la douleur du dos se produit, B... a des battements dans la tempe droite, des bourdonnements dans l'oreille correspondante et des tiraillements dans l'œil du même côté. — B... n'aurait pas d'hallucinations (?)
Traitement. — Pour combattre les attaques, on a eu recours au chloroforme, à Véther, au compresseur, aux applications locales de glace sur la région ovarienne douloureuse.
1880. Janvier.— On fait asseoir B... sur la caisse d'un diapason ; puis on fait vibrer celui-ci; immédiatement. B... tombe en catalepsie (Pl. XX.) On arrête les vibrations du diapason, B... tombe en léthargie et il est aisé de provoquer des contractures artificielles comme dans la léthargie déterminée par le regard (Pl. XXI.)
30 mars. — B... est endormie par le regard en quelques secondes : c'est l'une des malades chez lesquelles les phénomènes de léthargie se produisent avec la plus grande facilité. On vérifie les manifestations habituelles de l'hyperexcitabilité musculaire ; on analyse, pour ainsi dire, l'action isolée des principaux muscles de la face : orbiculaires des paupières et des lèvres , frontal, auriculaire, élévateur commun de l'aile du nez, masséter, etc. ; — des muscles sterno-mastoïdiens, des muscles fléchisseurs et extenseurs des doigts et du pouce, des avant-bras, etc.. ; — on détermine des contractures variées des muscles des jambes, des pieds, etc. (pieds-bots artificiels.) — En excitant différents nerfs (nerf facial, nerf cubital, etc.) on produit une contracture des muscles correspondants.
31 mars. — Nous enflammons devant B... un paquet de fulmi-coton: elle tombe aussitôt en catalepsie (Fig. 11) et il est facile d'imposer aux membres et au tronc, toutes les attitudes que l'on veut.
1er avril. — Alors que B... ne s'y attend pas, on frappe brusquement sur un tam-tam: immédiatement, elle entre en catalepsie (Fig. 10) — (Cette expérience a été faite bien des fois — ainsi que celle du diapason — sur toutes les hystériques
Planche XX.
CATALEPSIE
PROVOQUÉE PAR LE BRUIT DU DIAPASON
Planche XXI.
LÉTHARGIE
SOMNIATION : CONTRACTURE ARTIFICIELLE
Planche XXII.
CATALEPSIE
PROVOQUÉE PAR UNE LUMIÈRE VIVE
Planche XXIII.
LÉTHARGIE
RÉSULTANT DE LA SUPPRESSION BRUSQUE DE LA LUMIÈRE
Planche XXIV
CATALEPSIE
Planche XXV.
CATALEPSIE
SUGGESTION
du service de M. Charcot et sur quelques-unes du service de M. Delasiauve, alors que nous le remplacions en 1877, 1878 et 1879. Maintes fois, on a fait asseoir Marc..., Wit..., Louise, Dr,.., Pil..., sur la caisse du diapason et on les a fait tomber toutes en catalepsie, dans des poses variées. C'était un spectacle tout à fait étrange. En supprimant tout d'un coup les vibrations du diapason, elles tombaient toutes en somniation. — La niême expérience, faite avec le tam-tam, a donné les mêmes résultats.)
2 avril. — B... est conduite dans un cabinet noir, et placée devant la lampe à la lumière oxydrique (Pl. XXII) : elle est prise de catalepsie. Le corps est immobile; les bras demi fléchis et elle garderait longtemps cette position si l'on n'intervenait pas. La lampe est éteinte, elle tombe en somniation et, si Ton n'avait la précaution de placer quelqu'un derrière elle, elle serait précipitée par terre. (Pl. XXIII.)
On réveille B... en lui soufflant au visage. Elle se réveille avec une sorte de boquet. Elle est incertaine, ne sait rien de ce qui s'est passé ; R... lui a parlé, elle n'en a pas souvenance. Elle se plaint de fatigue, de douleurs dans les jambes, d'envie de dormir, de douleurs dans la tête, de nausées. Nous voulons la faire marcher, elle préfère s'asseoir ; elle frotte ses paupières. Au bout de 15 à 20 minutes, B... est entièrement rétablie.
3 avril. — Biier, dans l'après-midi, B... a eu une attaque sgncopale.
4 avril — B... est endormie par le regard (sommation ou léthargie) ; on écarte les paupières, elle est en catalepsie et les bras élevés, gardent cette position. (Pl. XXIV).
Nous étudions ensuite les phénomènes de suggestion. On place le corps et le bras dans l'attitude d'une personne qui montre un objet sur le sol : la physionomie se met enharmonie avec le geste. (Pl. XXV.)
On place B... dans l'attitude d'une personne qui réfléchit : le visage exprime la réflexion. (Pl. XXVI.)
B... est dans l'attitude d'une personne qui implore : mêmes modifications de la physionomie. (Pl. XXVII.)
B... est dans l'attitude d'une personne qui envoie un baiser : la physionomie devient souriante. (Pl. XXVIII.)
Enfin on produit chez elle avec la plus grande facilité, une série d'hallucinations : l'oiseau qui s'envole (Fig. 14), le serpent qui menace (Fig. 15), etc., et on note toutes les modifications de gestes, d'attitude, et de physionomie, sur lesquelles nous avons déjà insisté longuement. — On attire son regard sur une cuvette vide, elle se lave les mains et continue tant qu'on ne l'arrête pas. — On dirige son regard vers un chapeau : elle s'en empare, le place sur sa tête, arrange ses cheveux, retire le chapeau, le remet, etc. — L'expérimentateur prend son regard et marche, elle le suit, etc. On peut faire danser, sauter, grimper, lire, écrire, etc., B... Alph., ainsi, d'ailleurs, que quelques-unes des autres malades. Toutefois, ces expériences qui expliquent peut-être certains actes que l'on raconte des démoniaques — réussissent mieux et en plus grand nombre chez cette jeune fille.
Depuis trois moisB... est plus calme et n'a pas eu d'attaques. Elle réclame instamment sa sortie.
Mai. — Traitement hydrothérapique.
h juin.— État actuel. La digestion est passable ; appétit bon, préférence pour les mets épicés ; quelques douleurs stomacales ; tympanite de plus en plus rare , selles régulières. — Rien du côté de la respiration. — Ni palpitations, ni syncopes ; pas de souffle au cœur ; muqueuses assez colorées.
Les règles sont précédées, pendant une dizaine d'heures, de douleurs dans le bas-ventre ; elles durent trois ou quatre jours; leucorrhée habituelle, plus abondante avant et après les menstrues. Elles sont très irrégulières, manquent souvent ; aussi n'y a-t-il pas de relation entres elles et les attaques.
La sensibilité a reparu par tout le corps (peau et muqueuses.) — Les zones hystérogènes n'existent plus ; la compression de la région ovarienne ne déterminerait plus la sensation de boule. — La vue, Y odorat, le goût, Youïe, sont normaux.
B... n'a plus de secousses. Le sommeil est meilleur. — Elle Ira-
Planche XXVI.
CATALEPSIE
SUGGESTION
Planche XXVII.
CATALEPSIE
SUGGESTION
Planche XXVIII.
CATALEPSIE
SUGGESTION
vaille, n'a'plus d'idées mélancoliques ; elle s'emporte toujours très vite: « Je suis répondeuse », dit-elle.
Attaques. — B... a eu deux cent soixante-trois grandes attaques et cent quatre-vingt-trois attaques épileptiformes en 1879. En 1880, on a noté sept grandes attaques en avril, treize attaques épileptiformes et syncopales. A partir du mois de mai jusqu'au 15 juin, B... n'a pas eu d'attaques.
B.., estsortie de la Salpètrière le 15 juin.—Nous l'avons revue le 2 septembre. Elle nous a assuré qu'elle n'avait eu qu'une seule attaque(?), depuis sa sortie. Nous avons constaté le retour de Y hémianestkésie droite.
Nous aurions pu rapporter un plus grand nombre d'expériences; mais cela nous a.semblé inutile; celles qui sont consignées dans le cours de l'observation permettent d'avoir une idée précise des caractères de la léthargie et de la catalepsie, que l'on produisait, chez B..., avec la plus grande facilité.
Nous relèverons incidemment les périodes d'agitation maniaque, accompagnées parfois de violences ; — la mobilité du caractère, les troubles vaso-moteurs ; — le rôle des zones hystérogènes dans le développement de Y aura; — enfin, les phénomènes dus aux inhalations d'éther.
OBSERVATION XIV
Sommaire. — Antécédents. — Métrorrhagie, hématemese. — Attaques syncopales. — Délire de paroles. — Caractère, habitudes, physionomie. — Alternatives d'ancsthéèic générale et d"hémiancsthésie gauche. — Sommeil. — Zones hystérogènes. — Aura. — Description des attaques. — Modes d'arrêt : compression, éther, chloroforme, nitrite d'amyle. — Température.
Sommation ou léthargie : hyperexcitabilité neuro-musculaire. — Aphasie provoquée. — Contractures artificielles. —Catalepsie. Suggestion; hallucinations provoquées. — Moyens de produire le sommeil. — H.mi-léthargie et hémi-catalepsie.
Tentative d'empoisonnement. — Périodes d'excitation. — Règles et attaques. — Fuite de la Salpètrière.
Ma..., diteN..., Suzanne, lingère, était âgée de 19 ans, â son entrée à la Salpètrière (service de M. Gharcot) le 24 mars 1873.
Renseignements fournis par sa mère (29 mars 1879). — Père, commissionnaire en marchandises; 48 ans, sobre, sans accidents nerveux, bien portant. — N... étant enfant naturelle, on ne peut nous fournir aucun détail sur la famille de son père ; ce qu'on sait, en gros, c'est qu'il n'y aurait de ce côté ni aliénés, ni épileptiques ou hystériques, etc.
Mère, 49 ans, lingère, bien portante, mais impressionnable: un jour, son père l'ayant souffletée, alors qu'elle avait ses règles, elle a eu un accès de fou-rire, suivi de perte de connaissance et de divagations avec tremblement du menton1 pendant trois jours. Les règles se sont arrêtées. A l'époque menstruelle suivante, elle a encore eu un peu de tremblement du menton. Depuis ce moment, elle n'a jamais eu de maladies nerveuses. — [Père, mort du choléra en 1866; c'était un homme solide qui avait fait des excès de boisson dans sa jeunesse. — Mère, morte à 75 ans, d'une attaque d'apoplexie ; auparavant
1 Cette sorte de tremblement s'observe d'habitude chez les personnes âgées et constitue l'une des variétés du tremblement sémlet
elle avait une bonne santé. — Un arrière-grand-oucle maternel (de notre malade) était idiot ; — un grand-oncle paternel était imbécile ; — une grand'tante paternelle a été exaltée, elle était « médium, voyante »]. — Pas de consanguinité.
Huit enfants. 5 sont morts, deux du croup, un d'une méningite à 10 ans, deux en bas-âge, sans convulsions. Des trois vivants, l'un, un garçon de 20 ans, est bien portant, un peu nerveux; l'autre, une fille, âgée de 12 ans, est délicate; pas de convulsions; le troisième est la malade.
Pendant qu'elle était enceinte d'elle, sa mère n'a pas eu d'accidents. L'accouchement s'est fait naturellement, à terme. Suzanne a été élevée au sein, en nourrice jusqu'à un an. Puis, elle a été en garde jusqu'à 8 ans. Elle a marché à 18 mois, a parlé de bonne heure, mais n'a été propre qu'à 3 ans. A 8 ans, elle a eu des croûtes sur la figure qui ont laissé des cicatrices, surtout au menton. — De 8 à 10 ans, plusieurs bronchites. A partir de 1870 jusqu'en 1875, S... a vécu en province; elle a été pendant quelque temps dans un couvent. Elle a été réglée sans accident à 11 ans; trois ans plus tard,, les règles se sont suspendues pendant trois mois à la suite d'un refroidissement. Depuis lors, les règles se sont accompagnées de douleurs, principalement dans le côté gauche du ventre.
De 15 à 18 ans, Suzanne a demeuré chez sa mère, travaillant à la couture ; elle est habile, active, mais elle n'aime pas le travail, préférant les plaisirs, la toilette, et déclare qu'elle n'est pas faite pour travailler. Elle a toujours été fantasque, exaltée. Parfois, elle avait des tristesses qui duraient plusieurs jours ; dans d'autres moments, elle avait une gaieté exagérée.
En juin 1878, étant employée aux magasins de la Ville de Saint-Denis, elle a eu sa. première attaque. Sa mère en ignore la cause; elle ne croit pas qu'elle ait eu des contrariétés, des chagrins d'amour (?). — On nous assure que sa tenue était convenable, que sa conduite ne laissait rien à désirer. Suzanne aime les compliments, mais n'a d'affection que pour elle. Sa mère lui est presque indifférente ; elle lui préfère son père auquel elle fait toujours bon accueil. Elle se contrarie pour un rien; veut qu'on lui cède. Elle est très adonnée à la lecture des
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romans. On ne l'a jamais poussée vers les pratiques de la religion ; pourtant, elle a une tendance aux idées religieuses.
Sa mère, qui n'avait pas eu alors connaissance de sa maladie, l'envoya à la campagne aux environs de Dieppe (juillet 1878), parce qu'elle avait les pâles couleurs et maigrissait. Elle y est restée jusqu'au 18 février dernier. Pendant ce temps, S... a eu des attaques à peu près tous les 15 jours. On aurait noté une suspension de deux mois avec suppression de deux époques menstruelles; ensuite, il serait survenu une perte utérine, avec vomissements de sang (au moins deux cuvettes en une semaine). Consécutivement, on aurait observé plusieurs fois par jour des faiblesses : battements des paupières, déviation des yeux, perte de la connaissance, sans mouvements convulsifs.
Du 8 mars à son arrivée à la Salpètrière (24 mars), S... a eu quotidiennement des attaques à deux ou trois reprises et constamment durant le jour. Un quart d'heure, une demi-heure et même davantage avant l'attaque, elle est immobile, se plaint d'une sensation de boule, de douleurs au cœur, demeure immobile et le corps se raidit progressivement. Elle crie et l'attaque est complète. Elle se débat beaucoup; « elle fait comme un vrai cerceau » ; quelquefois ses pieds viennent toucher sa tête. Puis, elle a des « extases » qui durent 5 ou 6 minutes : elle s'asseoit brusquement, voit sa sœur au ciel, de belles dames qui chantent, la mer; elle est heureuse. — Ou bien, elle divague, a peur, sa figure exprime l'épouvante : N... voit des singes, des souris, des rats, des hannetons.
Au dire de la mère de S..., les attaques présenteraient chaque fois « quelque chose de nouveau ». Du 21 au 23, elle a eu de fréquents éclats de rires. — Le délire de parole persistait après les attaques pendant 2 ou 3 heures.
A la campagne, S... avait un danseur préféré; jamais elle n'avait d'attaques quand elle devait aller à une fête et danser1.
1 Parlant des religieuses du monastère de Kendorp, Bodin écrit : « Et fi elles dilbient leurs heures en latin, menus suffrages, ou qu'ô leur parlait de iouer, ou de follaltrer, elles ne fentoient plus de douleur le trouuant fort alegees... »(Loc. cit., p. 161).
Planche XXIX. HYSTÉRO-ÉPILEPSIE
—Souvent, elle parle de se marier; elle voudrait faire un riche mariage, avoir de belles toilettes, un équipage, etc.
Le traitement a consisté en pilules et en potions dont on ne se rappelle pas la composition.
État actuel. — Suzanne est petite, maigre (42 kilogr.) ; la peau est blanche ; les muqueuses sont peu colorées. Les cheveux sont noirs, abondants; elle les soigne beaucoup, les orne d'un ruban ; passe une partie de son temps à sa toilette. Les traits sont réguliers; la physionomie est assez agréable, mais avec une certaine expression de ruse (Pl. XXIX).
S... a l'appétit capricieux, préfère les aliments épicés, vinaigrés, etc. Parfois, douleurs à l'épigastre ; digestion laborieuse; constipation habituelle1.
La respiration est normale. — Les battements du cœur sont réguliers; léger bruit de souffle anémique, palpitations cardiaques intermittentes.
Sensibilité. — Le contact, le pincement, le chatouillement, le froid et la chaleur ne sont perçus ni d'un côté ni de l'autre, sauf au niveau du pied gauche, de la jambe et du pied à droite. — La muqueuse des conduits auditifs externes, des paupières et des globes oculaires est insensible. Il en est de mène des muqueuses labiale, linguale, gingivale, jugale. Le chatouillement est perçu dans la narine droite. La sensibilité est obtuse sur le voile du palais et à la base de la langue.
L'ouïe paraît normale. — L'odorat est obtus; le goût est aboli, — La vue présente les troubles suivants : des deux côtés, S... distingue le vert, le rouge, le jaune et le blanc; le bleu lui paraît gris, le violet rouge. Elle voit un peu mieux de l'œil droit. A certains jours, elle reconnaît mieux les couleurs.
S... est intelligente, très rusée, méfiante et se tient beaucoup sur la réserve. On ne peut rien savoir de sa vie intime. Elle avoue avoir eu une liaison platonique (?) avec un homme plus jeune qu'elle et penserait à lui. Elle n'aurait pas eu de liaisons plus complètes parce que, dans le pays où elle était, il n'y avait que des « gens de province qui ne lui plaisaient pas et n'avaient pas de conversation ».
Le sommeil est lent à venir; S... songe à toutes sortes de choses, fait des « châteaux en Espagne » ; il lui semble qu'un homme laid, toujours le même, rode autour de son lit ; elle sent son haleine qui devient de plus en plus chaude et se rapproche davantage de son visage à mesure qu'il tourne. « Pour moi, c'est..une ombre ». Afin d'échapper à cette vision, elle enfonce sa tête sous les couvertures. — D'autres fois, elle s'imagine voir un homme assis en travers de son lit, accoudé et la regardant. Elle a peur et appelle. Ces fantômes apparaîtraient aussi bien à droite qu'à gauche.
Une fois endormie, S... a des cauchemars : elle voit des « bêtes » , tombe dans de grands trous ; on la poursuit ; elle revoit un incendie auquel elle a assisté en Normandie, où elle a fait la chaîne de minuit à 6 heures du matin ; elle entend le tocsin, la voix de l'homme qui criait « au feu! » — Elle rêve de la mort : on l'a tuée, elle voit sa tombe creusée dans la forêt d'Arqués, avec les arbres « coupés à la hauteur des chaises, tels qu'ils l'étaient après la guerre de 1870 ». Elle a peur et se réveille en sursaut.
S... a aussi des rêves agréables : amours réels ou fictifs, elle se réveille avant que le roman ait une conclusion, ce qui la contrarie.
Ce n'est que vers onze heures que le sommeil arrive ; elle se réveille plusieurs fois. Quand sonne l'heure du lever, elle a envie de dormir et resterait bien au lit jusqu'à midi. Souvent elle a des insomnies, et ne dort pas plus d'une ou deux heures.
Zones hystérogènes.— a) Clou hystérique.—Il siège au niveau de l'union des frontaux avec les angles antérieurs des pariétaux et a une largeur égale à celle d'une pièce d'un franc. Il n'y a pas de douleur spontanée. Parla pression, on détermine une douleur vive qui s'irradie vers les tempes « comme s'il y avait des nerfs qui se tendent ». Nous notons, de plus, une douleur au niveau du vertex, occupant une région d'un centimètre et demi de diamètre, distincte de la précédente et ne se propageant-pas vers les tempes. —La sensibilité, dans ces zones, existe, mais est obtuse. — La pression ne provoque pas ..d'attaques.—Elles ne participent pas aux phénomènes de l'aura.
b) Rachialgie.—Elle répond à la gouttière de la dixième vertèbre dorsale ; la peau a conservé sa sensibilité dans une étendue de trois centimètres de diamètre (contact, piqûre). La pression produit une douleur comparée par la malade à un coup qu'on se donne ; si la pression est forte, elle éprouve une constriction vers l'épigastre, des palpitations cardiaques, du laryngisme, des troubles cépbaliques, et, en quelques secondes, elle a une attaque : « Il n'y a pas moyen, dit-elle, d'avaler la, boule. » Cette zone, comme intensité, vient immédiatement après celle de la région ovarienne.
c) Zone intercostale gauche. — Elle se trouve au-dessous du sein, et à peu près sur le trajet d'une ligne verticale qui passerait par le mamelon. Elle a environ deux centimètres de diamètre. La peau correspondante a conservé sa sensibilité et , quand la malade a recouvré la sensibilité dans la moitié droite du corps, ce qui arrive lorsque les attaques s'éloignent, la sensibilité cutanée au niveau de la zone intercostale gauche (côté où l'anesthésie est permanente) est aussi vive que dans le côté droit, redevenu sensible. — Pas de douleur spontanée , en dehors ni à l'approche des attaques qui n'ont d'autre effet que de rendre plus vifs les effets de la pression. Si celle-ci est énergique, elle produit une attaque, mais moins promptement que la pression exercée sur la zone rachidienne. Un jour, en se couchant, S... s'est cognée au niveau de la zone intercostale gauche, et elle est tombée en attaques.
d) Hyperesthésie de la région ovarienne gauche. — L'anesthésie est complète dans cette région. — Il n'y a pas de zones sus ou sous-claviculaires, ni au niveau des flancs ou des plis inguinaux.
Aura. — S... est agacée, irascible, se fâche pour le motif le plus léger , ne veut plus travailler , a besoin de mouvement, elle a des secousses (aura médiate),puis se montrent les symptômes de l'aura proprement dite. Elle éprouve la sensation d'une boule qui monte de la région ovarienne gauche à l'épigastre et descend. Ces montées et ces descentes se reproduisent une dizaine de fois ou davantage pendant deux ou trois heures.
La boule, parfois, gagne la partie inférieure du cou ; si la malade peut 1 avaler, pour employer ses expressions, il y a une sorte d'arrêt dans l'aura. Ce phénomène s'accompagne de palpitations cardiaques et d'un sentiment d'anéantissement.
Dans une seconde phase, la constriction épigastrique est plus forte ; il survient des palpitations cardiaques, du laryngisme : « Je sens comme des pattes d'araignée qui serrent en dedans .du larynx», dit S.... Elle ne saurait dire si, pendant cette phase, qui ne dure que trois ou quatre minutes, les zones hys-térogènes interviennent. La boule ne redescend plus.
Enfin, apparaissent les troubles céphaliques sur lesquels M. Gharcot a plus particulièrement appelé l'attention : brouillard gris des deux côtés ; bourdonnements dans les deux oreilles ; bruits de cloches au lointain ; battements dans les tempes ; hallucinations de la vue (chats, singes, araignées de couleur grise ; il n'y a ni flammes, ni étincelles, ni boule rouge). S... sent que son cou se raidit, que ses bras tournent et assure qu'elle se voit tomber. C'est à cet instant qu'arrive la perte de la connaissance.
Attaques (31 mars 1879).—Pendant l'examen, S...estprise d'un tremblement momentané des membres, et de secousses. Tout d'un coup , sans pousser de cri, elle tombe en attaques.
1° Période tonique. — Tout le corps est rigide, les membres sont dans l'extension, le cou gonflé, tendu.
2° Période des contorsions. — Au bout d'un temps très court, les bras se mettent en croix, les membres inférieurs sont rigides dans la flexion. Ceci dure 15 secondes environ. Alors, S... se met en arc de cercle ; il est aussi complet que possible et justifie le récit de sa mère (p. 210) ; ensuite, S... roule sur elle-même, projette les pieds en l'air , ébauche une demi culbute, enfin elle se met dans l'attitude de la sirène : elle est couchée sur le ventre, les jambes fléchies vers le dos, les mains portées en arrière vers les pieds, la tête rejetée en arrière. Dans cette attitude, le corps repose tout entier sur le ventre, décrivant un arc de cercle postérieur, qui forme contraste avec l'arc de
cercle que nous venons de décrire et dans lequel le corps repose sur la tête et les pieds. Brusquement, S... N... reprend le décubitus dorsal.
3° Période de délire.— Après un court repos, éclate le délire, S... a peur : « Oh! le grand singe ! 11 amène tous les autres... Non, je ne veux pas qu'il me touche... »
Arrêt de l'attaque. — Nous comprimons la région ovarienne gauche, et, au bout de 8 à 10 secondes, il se produit des mouvements de déglutition et S... recouvre la connaissance. Dix minutes plus tard, S... est reprise d'une attaque : Jo Période épileptoïde. — Elle est plus complète : a) Phase tonique ; — b) phase clonique ébauchée ; — c) stertor léger, un peu d'écume. Cette période est beaucoup plus courte chez S... que chez la plupart des autres malades et est quelquefois limitée à la phase tonique.
2° Période clonique.— Le corps se met encro?ar,puis en arc de cercle à convexité antérieure ; S... se tortille, puis prend l'attitude âe\a, sirène, se tortille de nouveau, se roule, pousse des cris de rage et quelquefois mord l'oreiller.
3° Période de délire.— Après quelques instants d'immobilité, de réflexion, S... entre dans la période de délire : « Ah! que c'est joli..., quel beau bateau qui arrive..,. Je n'en ai jamais vu un comme ca....Quel est ce beau bâtiment? ... Il doit être américain... Ils sont originaux ces Américains.... La mer est belle! comme elle écume !... On entend le vent... C'est une tempête qui se prépare... Nous ferons bien de rentrer... L'air est froid... Le temps est tout rouge... Oh! il va y avoir une tempête effroyable... Restons sur le bord de la plage... comme on sent les roches !... Vois-tu là-bas... l'eau qui saute jusqu'au ciel... On voit un cercle qui se rapproche de nous... C'est beau ! mais c'est triste, quand on pense aux malheureux qui peuvent être engloutis... Je voudrais bien être en mer par une tempête... Quand on est abîmé dans la contemplation de l'orage, on ne pense plus à la mort... Des gouttes d'eau... C'est l'orage qui commence. (Soubresauts des épaules.) Oh ! ces poissons
rouges... Je n'en ai jamais vu comme çà dans la mer... Us grossissent à vue d'œil... Il ne fait pas bon nager dans ce moment-ci... On boirait plus qu'on a soif... Vois-tu ce petit navire à voiles... Il va bientôt couler à fond si ça continue... Tiens, ces oiseaux!... C'est un mauvais présage... Tiens, ils disparaissent... Ces poissons... (Soubresauts, frémissements des bras, battements des paupières.) Tiens, allons-nous en... Cela m'attriste de voir ça... Quelquefois ça me plait... (Les yeux sont toujours fortement déviés en haut et les paupières closes, S... soupire, la physiononie change d'expression.) Quelle drôle d'idée tu as eue de dire cela, puisque ce n'est pas vrai... C'est drôle, je ne comprends pas cela... Oh ! je sais bien que tu es obligé de l'écouter. (Les joues se colorent.) « Ah ! ah ! (S... porte la main sur son sein gauche, comme si elle souffrait et la main droite sur sa figure.) Oh ! toutes ces voitures... » Elle sourit ; repos ; puis elle déclame un fragment de Rolla :
Vous n'avez jamais vu le spectre de la Faim Soulever en chantant les draps de votre couche, Et de sa lèvre blême effleurant votre bouche Demander un baiser pour un morceau de pain.
Elle s'arrête, ouvre les yeux, regarde fixement, porte la main sur son cœur, se tortille sur place. « Oh ! ma mère !... Toutes ces femmes, ça se moque des pauvres !... Moi, jamais... Puis, je n'ai le droit de rien dire... ce serait mépriser ma famille. (Allusion à sa situation d'enfant naturelle). « Je n'ai pas à juger mes parents... » Suzanne soupire, se plaint, met son bras sur son front et demeure immobile. — Au bout de quelques instants, elle revient à elle, demande à boire, essaie, ne peut avaler et repousse le verre. Après un moment de repos, elle demande de nouveau à boire, se tortille, se frotte les yeux : « J'étouffe ! » Enfin, elle parvient à boire, dit que ses mains sentent l'oignon. (Elle en a épluché ce matin, mais ne s'en souvient pas encore ; c'est un de ses aliments préférés.) S... a de temps en temps des secousses dans les épaules, les bras, la tête, aussi parle-t-elle d'une façon entrecoupée.
Après les attaques, S... se plaint de fatigue, de douleurs-dans la tête. Les zones hystérogènes ne seraient le siège d'aucune douleur. La sécrétion vaginale n'a pas paru exagérée (l'hymen est absent) ; T. V. 37°, 6, prise pendant l'attaque.
En avril, S... a eu 309 grandes attaques et 80 attaques épi-leptiformes; — en mai, 133 et 83 ; — en juin, 53 et 83 ; — en juillet, 109 et 42.
Août. — Trois attaques syncopales.
30 août. — On écrit le nom de la malade sur la partie antérieure de la poitrine. Au bout de 20 secondes, rougeur érythé-mateuse égale des deux côtés ; 40 secondes plus tard les lettres se dessinent en relief d'un millimètre et demi. A la cinquième minute, la rougeur disparaît ; à la sixième, les lettres sont très bien dessinées, ont une largeur de deux millimètres.
31 août. — On ne voit plus distinctement que les deux lettres du milieu (sur cinq),
1er septembre. — Il ne reste que des fragments de la dernière lettre qui disparaissent eux-mêmes le lendemain.
2 septembre. — S... est endormie par le Dr Fowler, devant le Dr Beard. Elle s'endort vite, après avoir eu quelques soubresauts. Hyperexcitabilité musculaire très évidente (sterno-mastoïdien, Pl. XXXYIII);— excitation du nerf facial (phénomènes habituels, Fig. 8). — Puis les paupières sont ouvertes et M. Gharcot fait voir à ses visiteurs les différents phénomènes de l'état cataleptique. S... est réveillée par la compression ovarienne.
9 septembre. — Nous assistons à une nouvelle série d'attaques dans lesquelles les trois périodes se succèdent régulièrement. La période de délire présente en général deux phases qui, assez souvent, se reproduisent plusieurs fois, l'une gaie, l'autre triste et qui s'accompagnent d'ordinaire de gestes et de modifications de la physionomie en harmonie avec le délire.
S... revoit souvent les scènes, décrites plus haut : les singes, la mer, la tempête, récite les mêmes fragments de poésie ; il
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s'y ajoute aussi les scènes les plus effrayantes des romans qu'elle lit; nous avons noté encore des extases religieuses. Parfois, elle dit qu'elle se fera religieuse; d'autres fois, elle veut se faire actrice. Dans son délire, se décèle son caractère orgueilleux et la haute opinion qu'elle a d'elle-même.
Les attaques continuant, nous lui administrons du nitrite d'amyle en inhalation. Elle revient assez vite ; mais, au bout de cinq ou six minutes, elle est reprise d'une attaque dans laquelle elle se mord l'avant-bras droit. Nouvelle inhalation ; cessation des attaques.
Revenue à elle, S... a raconté qu'elle s'imaginait être dans une prairie où il y avait une grande quantité de marguerites ; elle se promenait avec un beau jeune homme blond qui l'embrassait ; elle lui rendait ses caresses, s'appuyait sur son cœur, était heureuse. Elle attribue ces visions au nitrite d'amyle et, contrairement aux autres malades, dit qu'elle voudrait bien qu'on lui en donne chaque fois qu'elle est malade.
10 septembre. — Les attaques ne se sont pas reproduites. La série a été jugulée par le nitrite d'amyle. S... a pris des douches à partir du 20 août jusqu'au milieu d'octobre. En août, 33 grandes attaques et 27 attaques épileptiformes ; — en septembre , 53 et'61 ; — en octobre, 41 et 63. — La sensibilité a offert diverses modifications. Ainsi, au lieu de Yanesthésie presque générale consignée à l'entrée, en septembre, S... n'avait plus qu'une hémianesthésie gauche et Y hyperesthésie de la région ovarienne qui, aune époque, avait existé des deux côtés, ne s'observait plus qu'à gauche.
Selon que l'anesthésie est générale ou limitée à gauche, les phénomènes céphaliques de l'aura se présentent des deux côtés, tout en étant plus marqués à gauche, ou existent à peu près exclusivement à gauche.
Les attaques se présentent par séries, durant 2, 3, 4 heures et même davantage, se composant de grandes attaques et d'attaques épileptiformes en nombre variable (26 grandes attaques et 3 attaques épileptoïdes, le 29 septembre, 17 et 21 le 26 octobre, etc.). La compression ovarienne les suspend momentané-^
Planche XXX.
HYSTÉRO-ÉPILEPSIE
SOMMEIL HYPNOTIQUE
Planche XXXI.
HYSTERO-EPILEPSIE
CONTRACTURES PROVOQUÉES
ment; Yéther, et le chloroforme, et surtout le nitrite à'amyle arrêtent les séries. — On a noté, en outre, des accès de colère et plusieurs périodes d'excitation. ¦
1880. — Rien de particulier va. janvier et février.
20 mars. — Hémorrhagie utérine arrêtée par des compresses d'eau froide. Agitation, colère violente. S... mord une de ses camarades.
27 mars. — Attaques épileptiformes suivies d'agitation, calmée par des inhalations à'éther et de chloroforme.
Expériences.— 1° Sommation ou léthargie. — S... est endormie par le regard; elle résiste et ne s'endort qu'au bout de 3 à 4 minutes. Palpitations des paupières, plusieurs grandes inspirations ; pas de larmoiement, ni de stertor, ni de changement des pupilles 1 . Les yeux se portent rapidement en haut et en dedans, la tête s'incline sur l'épaule droite; la résolution est complète. Le pouls est à 84. (Pl. XXX.)
S... est insensible à la piqûre, au pincement, etc. Nous étudions les différents phénomènes de Yhyperexcitabilité neuromusculaire ; elle existe pour tous les muscles et tous les nerfs moteurs. Il est facile de produire des contractures variées.
Dans la Planche XXXI, les bras sont contractures, l'un en anse, l'autre en flexion. La malade, réveillée, conserve ses contractures et on a ainsi une contracture permanente artificielle, dont on pourrait prolonger la durée.
S... est endormie de nouveau ; les contractures sont détruites par le tapotement des muscles contractures. L'anesthésie est générale et complète pour la douleur. Les sens du côté droit — sensible à l'état de veille quant à présent — paraissent conserver leur sensibilité. Il n'est pas question delà vue, puisque les paupières sont fermées.
On fait causer S... — As-tu des frères?—J'en ai un.—Qu'est-ce que tu faisais aux environs de Dieppe? — Ma mère avait voulu m'établir couturière. — Différentes questions lui sont
1 Quelques malades accusent de la diplopie: c'est là un pointa -vérifier.
posées sur la vie qu'elle menait en province. Elle n'est pas plus expansive que dans l'état cre veille. Bientôt, elle se réveille spontanément : nous la rendormons par surprise.
On place dans sa main droite des objets variés, elle les reconnaît, dit leur nom sur commandement ; on dénature le nom des objets, elle accepte le nom faux qu'on leur donne, etc. — Mêmes erreurs pour le sens de l'ouïe, del'odorat, du goût, etc; les choses se passent ici comme pour X..., Louise (Obs. XII). On la fait assister à un concert imaginaire, sentir des odeurs supposées, voir des animaux, etc.
Aphasie provoquée. — Suzanne est toujours en léthargie et, par conséquent, les paupières sont fermées. On lui commande de réciter les vers de Lucie, par Alfred de Musset:
Un soir, nous étions seuls, j'étais assis près d'elle ; Elle penchait la tète, et sur son clavecin Laissait, tout en rêvant, flotter sa blanche main. Ce n'était qu'un murmure ; on eût dit des coups d'aile
Nous ouvrons les paupières droites] aussitôt elle s'arrête. Nous abaissons les paupières droites ; elle ne reprend pas ; nous disons les deux derniers mots et immédiatement elle continue :
D'un zéphyr éloigné glissant sur les roseaux, Et craignant en passant d'éveiller les oiseaux.
L'expérience est répétée plusieurs fois et avec le même succès.
Catalepsie. — Les paupières sont ouvertes des deux côtés : S... est en catalepsie; toutes les tentatives faites pour produire des contractures, en excitant soit les nerfs, soit les muscles, demeurent sans résultat ; en un mot, il n'y a pas d'hyperex-citabilité neuro-musculaire. En revanche, les- bras, le corps, prennent et conservent l'attitude qu'on leur impose. C'est dans cet état, comme nous Pavons vu, que l'on observe les phénomènes de la suggestion et les hallucinations provoquées.
a)Suggestion due à l'attitude.—Suivant les attitudes imposées
Planche XXXII.
HYSTÉRO-ÉPILEPSIE
CATALEPSIE
Planche XXXIII.
CATALEPSIE
SUGGESTION : CRAINTE
Planche XXXIV.
CATALEPSIE
SUGGESTION : TERREUR
Planche XXXV.
CATALEPSIE
SUGGESTION
Planche XXXVI.
CATALEPSIE
DÉCLAMATION
aux membres, au tronc, la physionomie reflète des sentiments très divers, mais correspondant toujours à l'attitude. Sur la Planche XXXIII, Suzanne est dans l'attitude d'une personne qu'un danger menace et sa physionomie exprime la crainte.— C'est la terreur qui est représentée sur la Planche XXXIV.
Rien n'est plus facile que de modifier à l'infini et les poses et les expressions physiognomoniques : la moquerie, le plaisir, le dédain, etc. : les Planches XXXV et XXXVI nous en fournissent encore deux exemples.
b) Fascination. — R... prend le regard de Suzanne et tourne autour d'elle en continuant à fixer ses yeux, la tête tourne, le corps s'incline et, à un moment, elle se réveille tout d'un coup, comme s'il y avait un effort. (Les jambes ne tournent pas.)
Après avoir endormi S... et l'avoir mise en catalepsie (paupières ouvertes), R... prend son regard et s'approche d'elle, l'air menaçant : le visage de Suzanne exprime l'épouvante et elle tomberait brusquement en arrière si, prévenu, un assistant n'était en position de la recevoir.
c) Hallucinations provoquées. — 11... fixe son regard et fait un geste d'effroi, comme s'il voyait un animal effrayant, l'attitude et la physionomie de S... traduisent l'effroi. —R...lui suggère l'idée du paradis : S... est heureuse, voit la Vierge, les saints. La scène primitive est le point de départ d'une série de scènes qui en découlent assez naturellement. Que ce soit un sujet religieux ou profane, S... brode en quelque sorte sur le thème qui lui a été donné : cela tient à son imagination vive, uses nombreuses lectures et à son esprit romanesque.
R... lui suggère l'idée d'un concert et aussitôt S... est contente, écoute attentivement, etc., etc.
1 11 nous semble possible dans une certaine mesure de rapprocher de ces phénomènes clans lesquels le système nerveux et l'imagination jouent un si grand rôle, les phénomènes suivants :
« Vn iour le sorcier Troif-efchelles dit à vu curé deuât tes paroiffîês : Voyez ceft hyppocrite qui fait femblant de porter vu breuiaire, porte
S... se réveille spontanément. Elle est de mauvaise humeur ; elle déclare n'éprouver aucune souffrance. Elle a, sur chaque joue, une plaque rouge ; d'après elle, il en serait toujours ainsi chaque fois qu'on l'endort, et ces plaques rouges, qui s'accompagnent d'une sensation de chaleur , persisteraient pendant une partie de la journée. {Phénomènes vaso-moteurs.)
La catalepsie peut être déterminée chez Suzanne, de même que chez les autres malades, par la vue d'une lumière vive (Pl. XXXVII) ; par l'audition d'un bruit subit (coup de tam-tam); par le diapason. Si brusquement l'on éteint la lumière, ou si l'on arrête les vibrations du diapason, la léthargie remplace sur-le-champ l'état cataleptique. Enfin, il est possible de mettre une moitié du corps en hémi-léthargie et l'autre en hémi-catalepsie.
18 avril. — S... N... a eu, en trois heures, une série de 22 attaques épileptiformes : elles se sont présentées sous la forme d'un véritable état de mal hystéro-épileptique.
12 juin. — Agitation non précédée d'attaques. S... excite les autres malades, imagine sans cesse des projets de fuite. M. Charcot la fait mettre en cellule.
13 juin. —Pour occuper ses loisirs en cellule, elle a fait une chanson contre les assistants de M. Charcot.
14 juin. — S... est redevenue plus calme et promet de mieux se conduire.
Août. — S... travaille à la couture, elle est bonne ouvrière. Depuis la fin de juin, la sensibilité est revenue et l'on éprouve de plus en plus de difficulté à l'endormir.
vn ieu de carte. Le curé voulant môltrer que ceftoit vn breuiaire, trouva que c'eftoit vn ieu de cartes ce luy fembloit: tous ceux qui eftoient prefents le penfoiêt auffi, tellemêt que le curé ietta fon breuiaire, l'en alla tout confus en foymefme. Toft après il suruint quelques autres qui amaflerent le breuiaire, qui n'auoit ny forme ny femblance de carte : en quoy on aperceut que plufieurs actions de Satan fe font par illufions, neantmoins qu'il ne peut pas efblouïr les yeux d'vn chacun.» (Bodin, loc. cit., p. 158.)
Planche XXXVII.
CATALEPSIE
PROVOQUÉE PAR UNE LUMIÈRE VIVE
10 septembre. — Suzanne avait emmagasiné, malgré la surveillance dont elle était l'objet, 240j)ilules de dioscoride; elle les aurait prise toutes, si on l'en croit, puis aurait bu du vin de quinquina et serait allée fumer des cigarettes l. Bientôt, elle a eu des vomissements abondants, des douleurs violentes à l'estomac et au ventre. Sous l'influence d'un traitement approprié, tous les accidents ont cessé et, au bout de quelques jours, elle était remise.
21 novembre.— S... se sauve delà Salpêtrière, avec une autre malade, Rob..., en passant parle bâtiment que l'on est en train de construire pour la consultation2.
Attaques et règles. — En 1879 , du mois de mars à la fin de décembre, on a compté 907 grandes attaques et 479 attaques épileptoïdes. En 1880, S... n'aurait eu que 6 grandes attaques et 33 attaques épileptoïdes. A partir du mois de mai, jusqu'au jour de sa fuite, elle n'aurait eu aucune crise convulsive. — Elle n'aurait été réglée que 4 ou 5 fois pendant son séjour à la Salpêtrière.
La jeune malade qui fait le sujet de cette observation nous offre, en quelque sorte dans son type le plus parfait, un spécimen du caractère, de la physionomie, des allures, des goûts et des caprices de l'hystérique.
Ici, comme chez beaucoup d'autres malades, les grandes attaques ont été précédées par des manifestations plus légères de l'hystérie, et, entre autres par des attaques syncopales. Sur l'origine des accidents convul- ,
1 On sait que les hystériques du service de M. Gharcot sont administrait veinent réputées non aliénées et qu'elles jouissent d'une certaine liberté:
1 Après avoir vécu pendant quelque temps avec un jeune homme dont elle avait fait la connaissance à la Salpêtrière, elle se serait mise fille dë brasserie;
sifs, nous avons essayé en vain de nous éclairer : la malade s'est refusée à toute confidence. " Suzanne présentait plusieurs symptômes permanents de l'hystérie: Vhémianesthésie et Y hyperesthesia de la région ovarienne, ◀tantôt▶ limitées à l'un des côtés du corps, ◀tantôt existant des deux côtés.
Annoncées par des phénomènes lointains que nous avons décrits bien des fois et par Y aura proprement dite, avec ses symptômes ordinaires, \esattaques étaient constituées par les périodes classiques. Notons seulement, pour mémoire, les attitudes variées (crucifiement, sirène, arc de cercle, etc.) et la longueur de la période de délire. Les attaques se montraient en général par séries durant souvent quelques heures (états de mal hystéro-épileptiques), sans élévation de la température centrale. Elles étaient justiciables de la compression de la région ovarienne, de Yéther, du chloroforme et surtout du nitrite d'amyle. L'application du compresseur retardait l'apparition des crises.
Cette dernière observation, de même que les Obs* XII et XIII, confirme les descriptions que nous avons données des zones hystérogènes, de leur rôle dans la succession des signes avant-coureurs des attaques. Elles confirment également le tableau que nous avons tracé du sommeil et des rêves des hystériques.
Le sommeil provoqué nous a offert à peu près toutes les particularités habituelles, avec les phases déjà si
gnalées ( léthargie hypérexcitabilité musculaire , catalepsie, hémi-léthargie et hémi-catalepsie, aphasie provoquée, etc.). Quant à la fascination, sur laquelle nous avons maintes fois appelé l'attention, nous rappellerons que c'est un phénomène connu de longue date. 11 en est de même aussi de l'influence suggestive que l'expérimentateur exerce sur les malades. Le passage suivant de Bodin (loc. cit., p. 102) en fait foi :
« Et neantmoins, dit-il, il fe peut bien faire aufïi quelques fois que le Sorcier par illufion diabolique face que l'homme femble autre, qu'il n'eft : comme on peut voir en l'histoire Saincl Clément, que Simon le Magicien fift tellement que tous les amis de Fauftinian le defcongneurent : puis il dic~l à Néron l'Empereur, qu'il luy fift trencher la telle, PatTeurant qu'il reffufciteroit le troiliefme iour : ce que fift Néron, comme il lui sembloit : Et trois iours après il retourna, dequoy Néron eftonné luy donna vne ftatue en Romme auec telle infcrip-tion, Simoni Magi Deo : Et depuis Néron fe donna entièrement aux Sorcelleries. Or Simon le Magicien auoit tellement fa/ciné les yeux de Néron, de toute l'aflemblee, qu'ils décollèrent vn mouton au lieu de Simon. Apulée recite le femblable de trois hommes qu'il penfoit auoir tuez, qui eftoient trois peaux de bouc, eftant fafciné par la Sorcière Pamphile... »
Après le réveil du sommeil magnétique, déterminé alors que l'on vient de provoquer des hallucinations, nous avons vu que les malades restaient durant quelques instants sous l'influence des hallucinations, qu'elles croyaient voir encore la figure des assistants telles qu'on la leur avait suggérée, ou sentir des odeurs ima-
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ginaires, etc. Cet état est comparable, dans une certaine mesure, aux phénomènes qui succèdent aux attaques convulsives ou aux inhalations d'éther \ On sait, en effet, que quand les hystériques sont revenues à elles, à la suite d'une série plus ou moins prolongée, elles éprouvent des sensations analogues à celles qu'elles ressentaient dans la période de délire.
Suzanne, à la sortie du sommeil artificiel, offrait quelques troubles vaso-moteurs, mais n'accusait aucune fatigue. D'autres hystériques, au contraire, se plaignaient, pendant un temps très court d'ailleurs, de douleurs de tête, étaient agacées, énervées, etc. Toutes, à les en croire, et, sur ce point, nous leur avons tendu bien des pièges, ne gardaient nul souvenir de ce qu'on leur avait fait ou dit, ni du temps qui s'était écoulé.
Les illusions du sommeil, auxquelles nous avons plus particulièrement consacré ce volume, ne sont pas un
1 Nous avons vu que l'éther déterminait chez les hystériques des sensations voluptueuses et nous avons dit que la plupart en réclamaient souvent quand elles se sentaient menacées d'attaque. C'est évidemment des effets analogues qui conduisaient autrefois les prétendues sorcières à recourir aux onctions magiques, faites avec des onguents composés en général de jusquiame et de belladone. Et, de même que nos hystériques dans le délire de leurs attaques ou le délire occasionné par l'éther, revoient les scènes principales de leur existence, assistent de nouveau aux événements quotidiens qui les ont frappées, croient posséder ce qu'elles désirent, — de même les sorcières assistaient aux scènes du Sabbat, dont on les entretenait sans cesse, avaient des rapports sexuels soit avec Satan, soit avec des amants infidèles et regrettés ou avec des amants imaginaires.
Planche XXXVIII.
LÉTHARGIE
CONTRACTION DU STERNO-MASTOIDIEN
produit de la civilisation moderne qu'on accuse peut-être plus qu'il ne convient d'engendrer des maladies du système nerveux. Elles ont existé probablement de tout temps, et sans remonter aux âges bibliques — qui nous en fourniraient bien des exemples—nous rappellerons que ce sont ces phénomènes morbides qui ont conduit au bûcher un nombre, hélas! trop considérable de malheureuses femmes, atteintes à des degrés divers d'hystérie. L'ignorance, mère de toutes les superstitions, leur faisait accepter la véracité de tous les récits étranges qu'on leur faisait du prestige des œuvres du Démon. Les prêtres et les moines entretenaient soigneusement les populations dans la crainte du diable, cette création aussi lucrative que stupide : contes de la veillée et prédications de la chaire catholique produisaient les mêmes résultats. Et, la nuit, les femmes au système nerveux, malade, revoyaient en rêves, dans leur sommeil tourmenté, toutes les scènes dont on les avait entretenues. Au réveil, semblables aux hystériques dont nous avons relaté l'histoire, elles étaient convaincues de la réalité de ces productions de leur imagination. Ce n'est pas le lieu d'insister davantage; mais, pour permettre au lecteur de s'assurer que nous n'exagérons pas, nous allons rapporter en Appendice, et c'est par là que nous terminerons, une description abrégée du Sabbat.
Au moment de livrer à l'impression la dernière livraison de ce volume, nous avons vérifié de nouveau les faits consignés dans les observations et nous en avons profité pour représenter quelques-unes des expériences relatives à l'hypérexcitabilité musculaire. Nous avons choisi la malade de I'ObservationI, Wit...Les trois dernières Planches la montrent en léthargie {sommation); Vhypérexcitabilité musculaire, on s'en souvient, est présente. Si l'on excite le muscle sterno-mastoïdien, on produit un torticolis artificiel (Planche XXXVIII). — Les Planches XXXIX et XL montrent,l'une, les effets de l'excitation du muscle frontal, l'autre, ceux de l'excitation du muscle zygomatique.
Planche XXXIX.
LÉTHARGIE
CONTRACTION DU FRONTAL
Planche XL.
LÉTHARGIE
CONTRACTION DU ZYGOMATIQUE
APPENDICE
LE SABBAT
LE SABBAT
Du tranfport des Sorciers au Sabbat.
Les Sorcières se rendent au Sabbat de différentes manières. Les vnes se mettent vn baston blanc entre les iambes, puis prononcent certains mots, deflors sont portées par l'air iufques en l'atTemblee des Sorciers. Ou bien elles y vont fur vn gros mouton noir qui les portent fi vide en l'air qu'elle ne fe peuuent recognoiftre. Thieunne Paget r'apportoit que le Diable s'apparut à elle la première fois en plein mydi en forme d'vn grand home noir, que comme elle fe fut baillée à luy, il l'embrafla l'efleua en l'air, la tranfporta en la maifon du pré de Longchamois, où il la conneut charnellement, puis la r'apporta au lieu mefme où il l'auoit prife. Antide Colas difait que le foir que Satan s'apparut à elle en forme d'vn homme de grande ftature, ayant fa barbe fes habillemens noirs, il la tranfporta au Sabbat, qu'aux autres fois il le venoit prendre fur fon lift, l'emportoit comme vn vent froid, l'empoignant par la tefte.
Les autres y vont, tantoft sur vn bouc, tantoft fur vn cheual volant (Fig. ly), tantoft sur vn ballet, fortent le plus fouuent par la cheminée : les vns fe frottent auparavant de certaine greffe, les autres ne se frottent rien. Les vns y vont nuds comme font la plus part pour se graitTer. les autres
vertus; les vns lanuict, les autres le iour, mais ordinairement la nuicL,
Il s'en trouve encore qui vont au Sabbat fans bette, n'y bafton. Mais il faut croire ausfi que le bafton, ni la befte ne
Fig. i-.
profite non plus aux Sorciers que la gretle, ains que c'ell le Démon qui eft comme vn vent lequel les porte, n'y plus n'y moins que l'on voit un tourbillon defraciner les arbres les plus hauts, et les tranfporter deux et trois lieues loing de leur place.
Les Sorciers neantmoins vont quelques fois de pied au Sabbat, ce qui leur aduient principalement lors que le lieu, ou ils font leur atïemblée, n'eft pas gueres esloigné de leur habitation. « Il y en a qui portent quelque poille, ou autre vaiffeau de cuyure, ou d'argent pour mieux solenniser la fefte '. »
J'Bodin. — De la Démonomanie des Sorciers, c, p. 82,
Les Sorcières volent au Sabbat et courent eicheuelées comme furies à la mode du pays : ayant la telle fi légère, qu'elles n'y peuuêt fouffrir couuerture, quelle que foit leur monture, elles ont vn pauure enfant ou deux en croupe, ayant le Diable ores au deuant pour guide, ores en derrière en queue côme vn rude foùeteur. Et lors que Sathan les veut transporter en Pair il les eflbre eflance comme fufées bruiantes, en la defcente elles fe rendent au dit lieu fondent bas, cent fois plus vifte qu'vn Aigle ou vn Milan ne fcaurroit fondre fur fa proye K
Si les Sorcières vont en ame au Sabbat.
Il y en a d'autres qui tiennent que les Sorcières vont le plus souuent au Sabbat en ame feulement, ce que l'on vérifie par plusieurs exemples de quelques Sorcières, lefquelles eftans demeurez comme mortes en leurs maisons par l'espace de deux ou trois heures, ont en fin confefle que pour lors ils efloient en efprit au Sabbat, rapportant particulièrement tout ce qui s'efloit fait patTé au mefme lieu : George Gandillon la nuicl d'un Ieudy Saincl: demeura dans son lict comme mort par l'efpace de trois heures, puis retourna à foy en furfaut, il a du depuis efté bruflé en ce lieu auec fon pere une fienne fœur 2.
Il y a quelque temps qu'un certain du village d'Vnau au reflbrt d'Orgelet amena fa femme en ce lieu, l'accufoit d'eftre Sorcière, difant entre autres chofes qu'à certaine nuicl d'vn Ieudy, comme ils efloient couchez enfemble, il se donna garde que fa femme ne bougeoit, ni fouffloit en rançon quelconque, sur quoy il commença à l'espoinçonner sans neant-
1 De Lancre (P.). — Tableau de l'inconstance des mauvais Anges Démons, etc. Paris, idij, p. 120. * Boguet (H.). — Discours exécrable des Sorciers, etc. Rouen, 1606.
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moins qu'il la peuft iamais faire efueiller, à cefte occasion, il tomba en vne peur, de manière qu'il fe voulut leuer pour appeller fes voifins : mais quelque effort qu'il fift, il ne ltiy fut pas poffible de sortir du lict, luy sembloit qu'il eftoit entrappé par les iambes, mefme qu'il ne pouuait pas encor crier: cela dura bien deux ou trois heures, iusques a ce que le coq chanta : car lors la femme s'eueilla en furfaut, sur ce que le mary luy demanda qu'elle auoit, elle refpon-dit qu'elle eftoit si laffe du trauail, qu'elle auoit eu le iour précèdent, quittant preffee du fommeil, elle n'auoit rien fenty de ce que fon mary luy auoit fait : alors le mary eut opinion qu'elle venoit du Sabbat, pour ce mefme que défia auparauant il soupçonnoit quelque peu, à raifon qu'il eftoit mort du beftail a quelques fiens voifins qu'elle auoit menacez précédemment.
Et certes il y a grande apparence que cette femme auoit elté en esprit au Sabbat, par ce premièrement que l'ectafe dont nous auons parlé luy aduint au Ieudy, qui eft la nuiclt ordinaire du Sabbat.
D'auantage comme le coq chanta elle s'efueilla en furfaut, félon que nous auons dit : or le Sabbat qui se faicl nuitham-ment dure iufques à tant que le coq chante, mais depuis qu'il a chanté tout vient à disparoir.
Troifiemement l'excuse qu'elle print monstre bien qu'il y auoit de la malice de fon cofté : Car quel homme a-t-on iamais veu fi endormy d'vn trauail, labeur précèdent que l'on ait peut facilement efueiller? George Gandillon s'excufoit de la mefme façon, lors que l'on luy demanda pour quoy il ne s'eftoit point efueillé, encore que l'on l'euft pouffé rudement plufieurs fois.
En quatriefme lieu il fe recognoift qu'il y auoit du forti-lege, en ce que le mary fe fentait entrappé par les iambes, qu'il ne pouvoit crier.
Finallement les Efcheuins d'Vnau, qui aiïiftoient le mary, aueroyent que cefle femme eftoit defcenduë de parens que l'ô fufpecboit def-ia de Sorcellerie. Voyla comme l'on peut dire que les Sorciers vont au Sabbat en ame efprit.
Le Sabbat fe tient ordinairement de nuicl.
Satan conuoque les Sorciers de nuicl, à fin qu'ils ne foyent descouuerts, car pour mefhieraifon ilsdanfent en leurs aiTem-blees doz contre doz, voire qu'ils se mafquent maintenant pour la plufpart. Toutesfois ces alTemblees Diaboliques se font tellement de nuict, que lors que le coq a chanté, tout vient à difparoir.
Du iour du Sabbat.
« Pay eftimé autrefois, dit Boguetl, que le Sabbat se tenoit seulement la nuicl; du Ieudy : mais depuis que i'ay leu que quelques vns de la mefme fecle ont confeffé, qu'ils s'affem-bloyent, les vns la nuicl d'entre le Lundy le Mardy, les autres la nuict d'entre le Vendredy le Samedy, les autres la nuicl qui precedoit le Ieudy, ou le Dimanche, de là i'ay conclu qu'il n'y auoit point de iour prefix pour le Sabbat, que les Sorciers y vont lors qu'ils y sont mâdez par Satan. »
Du lieu du Sabbat.
Les vns ont remarqué que le lieu du Sabbat eft toufiours notable, signalé par le moyen de quelques arbres (auffi soubs un grand noyer), ou croix; mais le lieu des alTemblees varie. Icy, les Sorcières se réunifient en vn pré qui eft sur vn grand chemin; là, proche de l'eau, en vn lieu qui eft du tou sans chemin. Ailleurs, les Sorciers s'affembloyent soubs un village, qui est vn lieu affez descouuert, c, d'où il se void qu'il ne se faut pas beaucoup arrefter au lieu des Sabbats
1 Boguet, loc. cit., p. ioo.
aflemblées des Sorciers, lesquels aufli n'ont pas beaucoup de peines de s'y retrouuer, veu que Satan les y conduit porte.
L'eau eft requife au Sabbat, d'autant que pour faire la grefle, les Sorciers battent ordinairement l'eau auec vue baguette, mefmement qu'à faute d'eau, ils vrinent dans vn trou qu'ils font en terre, puis battent leur vrine.
Du Paéte exprés ou tacite que les Sorciers ont accoujîumé de faire avec le Diable.
Les Démons ne font aucune forte de plaifir aux Sorciers Magiciens, que ce ne foit en vertu du pacte, ou conuentiô expreffe ou tacite qu'ils ont faicl auec eux. Ils renoncent à
Fig. iS.
Dieu, au Baptesme au Chresme (Fig. 18); ils déclarent adherer à Satan, croire enluy, c'eft pourquoy celui-cy mettant l'ongle sur leur front feint d'arracher le Chresme d'effacer les characteres du Baptefme.
Satan ne fait pas seulement renoncer au Sorcier fon premier Baptefme, ains il le contraint encore de fe rebaptifer au nom du Diable (Fig. ig), de prendre vn autre nom : ce qu'il
1%. If).
fait, comme il eft vrayfemblable, à fin que le Sorcier de là con-coyne vne opinion que fon premier Baptefme eft entièrement effacé, qu'il ne luy peut plus feruir de rien.
De ce qui se fait au Sabbat, me/me de l'Offertoire des chandelles, du Baiser, des Danfes, de VAccouplement du Démon auec les Sorciers, des Feßins,du Conte que rendent les Sorciers à Satan, du battement d'eau pour la greße,
. de la Mefje que l'on y célèbre, de l'eau beniße que l'on fait, comme Satan se confomme en feu réduit en cendre.
« Le Sabbat eft comme vne foire de marchands méfiez, furieux et tranfportez, qui arriuentde toutes parts. Vne ren-
contre meflange de cent mille subiecls foudains transitoires, nouueaux à la vérité, mais d'vne nouueauté effroyable qui offence l'œil, foubfleue le cœur. Parmy ces mefmes fubiecls, il f'en voit de réels, d'autres preftigieux illusoires : aucuns plaifans (mais fort peu) côm font les clochettes inftruments mélodieux qu'on y entend de toutes fortes, qui ne chatouillent que l'oreille, ne touchent rien au cœur : confistant plus en bruit qui eftourdit eftonne, qu'en harmonie qui plaife qui reïiouiffe. Les autres déplaifans, pleins de difformité d'horreur, ne tendant qu'à diffolution, priua-tiô, ruine deftruction. Où les perfonnes s'y abbrutiffent trâsforment en bettes perdant la parole tant qu'elles font ainfi. Et les belles au contraire y parlent, semblent auoir plus de raifon que les personnes chacun citant tiré hors son naturel. » (de Lancre, loc. cit., p. 119.)
Fig. 20.
Les Sorciers elttans allemblez en leur Synagogue, adorent en premier lieu Satan, qui apparoift là tantoft en forme d'un
grand homme noir ou rouge, géhenne, tourmenté flamboyât comme vn feu qui fort d'vne fournaife ardente, et tantoft en forme d'vn bouc barbu, pour ce que le bouc eft vne befle puante, falace et lasciue \ pour luy faire un plus grand hommage, ils luy offrent des chandelles, qui rendent vne flamme de couleur bleue, puis le baifent aux parties hon-teufes derrière2 (Fig. 20) : quelques-vns le baifent fur l'ef-paule : à d'autres fois encor, il tient vne image noire qu'il fait baifer aux Sorciers.
Par après ils danfent, font leurs danfes en rond doz contre doz : les boiteux y vont plus difpoftement que les autres. Or, ils danfent ainfi doz contre dos à fin de n'eftre pas cogneuz : mais pour le iourd'huy ils ont vne autre inuen-tion au mefme effec~l, qui est de fe mafquer. (Fig. 21 )
« Il y a encore des Démons, écrit Boguet, qui assiftent à ces danfes en forme de boucs, ou de moutons, félon qu'il a elté vérifié par les prénommez, plufieurs autres; mefme par Anthoine Tornier, ayant recogneu que lors qu'elle dan-foit vn mouton noir la tenoit apponduë par la main auec fes pieds, qui efloient comme elle difoit, bien haireux, c'eft-à-dire rudes et reuefches. »
Les haubois ne manquent pas à ces efbats : Car il y en a qui font commis à faire le deuoir de meneflrier. Satan y iouë mefme de la fiutte le plus souuent, à d'autres fois les Sorciers fe contentent de chanter à la voix : mais ils difent leurs chanfons pefle méfie, auec vne confufion telle qu'ils ne s'entendent pas les vns les autres. « Les Sorciers de Longuy
1 Les catholiques, en ceci, ont copié les Grecs, qui représentaient les Démons « en figures de Satyres paillards, moytié boucs moytié hommes ».
s « Mais quel mefpris, quel deshonneur, quelle villanie plus deteftable peut on imaginer, que celle que fouffrent les Sorciers eftans contrains d'adorer Satan en guife de Bouc puant, et le baifer en la partie, qu'ori n'oie efcrire, ny dire honneftement ? » (Bodin, loc. cit., p. 154)
« Tum candelis piceis oblatis, vel vmbilico infantuli : ad fignum homagij eum in podice ofculantur. » (Compendium Malejicariim, c, per Fratrem Francileum Mariani Guaccium, a, 1616, p. 71-)
difoient en daniant : Har, har, Diable, Diable, faute icy, faute là, iouë icy, iouë là \ et les autres difoient Sabbath, Sabbath, c'est-à-dire la feite iour de repos, en hauffant les mains ballets en haut, pour teftifier donner va certain
Fig. 21.
tefmoignage d'allegreffe, que de bon cœur ils seruent adorent le Diable l. » Quelques fois, mais rarement, ils dan-fent deux à deux, par fois l'vn çà l'autre là, touofiurs en confufion : eflans telles danfes femblables à celles des fees vrays Diables incorporez qui regnoient il n'y a pas longtemps. Les filles et femmes tiennent chacune leurs Démons par la main, lefquels leur apprennent des traicls geftes li lalcifs indecens, qu'ils feroyent horreur à la plus effrontée femme du monde. Auec des chanfons d'vne compofition fi brutale. en termes mots fi licencieux lubriques, que les yeux se troublent, les oreilles s'eftourdiffent, l'entendement s'en
* Bodin, loc. cit., p. 88.
chante, de voir tant de chofes monttrueuies qui s'y rencontrent à la fois.
Les danfes finies, les Sorciers viennent à s'accoupler : le fils n'efpargne pas la mere, n'y le frère la fœur, ny le pere la fille : les inceftes y sont communs : car auffi les Perses auoient opinion que pour eftre bon Sorcier Magicien, il falloit naiftre de la m ère du fils.
« Françoise Secretain auouait que le Diable l'auoit co-gneuë charnellement quatre ou cinq fois, tantoft en forme de chien, tantoft en forme de chat tantoft en forme de poule, que fa femence eftait fort froide. » (Boguet, loc. cit., p. 8.)
« Marguerite Bremont1, femme de Noël Laueret a dicî: que lundy dernier, après iour failly, elle fut auec Marion sa mere à vne alTemblee, près le moulin Franquis de Longny en vn pré, auoit fadite mere vn ramô entre fes iambes disant : le ne mettray point les mots, foudain elles furent transportées toutes deux audicb lieu, où elles trouuerent Iean Robert, Ianne Guillemin, Marie femme de Simon d'Agneau, et Guil-lemette femme d'vn nommé le Gras, qui auoient chacun vn ramon. Se trouuerent aulTi en ce lieu six Diables, qui eftoient en forme humaine2, mais fort hideux à voir, c. Apres la danse finie, les Diables fe couchèrent auec elles, et eurent leur compagnie : l'vn d'eux, qui l'auoit menée danfer, la print, la baifa par deux fois, habita auecques elle l'efpace de plus de demie heure : mais délai fia aller la femence bien fort
1 Bodin, loc. cit., p. io4.
- « Il (Cardan) dit aufli que les efprits malings font puants, le lieu puant là où ils fréquentent, croy que de la viens que les anciens ont appelle les Sorciers fœtentes, les Gafcons fetilleres, pour la puan teur d'icelles, qui vient comme ie croy de la copulation des Diables, lefquels peut eftre prennent des corps des pendus, ou autres femblables pour les actions charnelles corporelles : comme auffi Viera remarqué que les perfonnes démoniaques font fort puantes. » (Bodin, loc. cit., P- IJJ.)
Ce passage montre que, depuis longtemps, on a remarqué deux phénomènes cliniques souvent signalés par nous, à savoir l'haleine forte des hystériques et l'odeur qu'elles exhalent dans leurs états de mal hystéro-épileptique.
31
froide. Ieanne Guillemin se rapporte aulTI au dire celle-cy, dict qu'ils furent bien demie heure enfemble, et qu'il lâcha de la femence bien fort froide. »
« Pour l'accouplement, Ieannette d'Abadie, aagee de feize ans, dépose qu'elle a veu tout le monde fe méfier inceftueufe-ment contre tout ordre de nature,... s'aceufant elle mefme d'auoir efté depucellée par Satan cogneu vne infinité de fois par un fien parêt autres qui l'en daignoient femondre : qu'elle fuyoit l'accouplement du Diable, à caufe qu'ayant lbn membre faidt en efcailles il fait fouffrir vne extrême douleur; outre que fa femêce eft extrêmement froide, fi bien qu'elle n'en grofte iamais ni celle des autres hommes au Sabbat, bien qu'elle soit naturelle... » (de Lancre, loc. cit., p. i)'2.)
Fig. 2 2.
« le lailïé à penfer, dit Boguet, fi l'on n'y exerce pas toutes les autres efpeces de lubricité du monde : mais ce qui eft .encore plus effrange, c'eft que Satan fe met la en Incube pour les femmes, et en Succube pour les hommes. »
Les Sorciers après feftre veautrez parmy les plaifirs immondes de la chair banquettent fe feftoient : leurs banquets font compofez de plufieurs fortes de viandes, selon les lieux qualitez des perfonnes : par deçà la table eftoit couuertede beurre,'de froumage, de chair. (Fig. 22).
L'on y boit auiïi tantoft du vin, tantolt de Peau. Mais il n'y a iamais de fel : ce qui se fait pour ce que le fel eft vn symbole de l'immortalité, que le Diable a extrêmement en haine.
Il y en a qui ont eferit que de mefme l'on ne s'y feruoit point de pain; mais certaines Sorcières ont rapporté le contraire dit qu'elles auoient mangé au Sabbat du pain, de la chair, du froumage.
Cependant tous les Sorciers accordent qu'il n'y a point de gouft aux viandes qu'ils mangent au Sabbat, que la chair n'eft autre chair que de cheual.
Ils adiouflêt quali tous, que lorsqu'ils fortét de table, ils font auiïi affamez que quand ils y entrent, a Antide Colas, d'après Bocquet (loc. cit., p. 111), rapportoit que les viandes eftoient froides : Clauda difoit que ce qu'on mangeoit au Sabbat n'eftoit que vent : Chriftofie disoit aussi à ce propos qu'il lui fembloit qu'elle ne mangeoit rien : d'où il fe voit que le Diable eft toufioùrs trompeur puis qu'il repaiftles fiens de vent au lieu de viandes folides, comme s'ils eftoient des chameleons. »
Le banquet parachevé l'on rend conte à Satan, de ce que l'on a fait dés la dernière aflemblee, et ceux là font les mieux venus qui ont fait mourir le plus de perfonnes de beftes, qui ont baillé le plus de maladies, qui ont gafté le plus de fruicts, bref qui ont commis le plus de mefehancetez abominations : les autres qui fe font comportez vn peu plus humainement font fifflez mocquez de tous : l'on les fait mettre à l'efeart, font encore le plus souuent battus, mal traitez de leur maiftre : de là eft venu commun prouerbe qui court entr'eux : Fay du pis que tu pourras, le Diable ne feaura que te demander.
C'eft icy que Satan fe bande auec fes fuppofts contre le
Ciel, qu'il confpire la ruine du genre humain : il fait renoncer de nouueau à ces miferables Dieu, Chrefme Baptefme : il leur fait rafraifchir Je ferment folemnel, qu'ils ont fait de rie iamais parler de Dieu, de la vierge Marie, ny des saincts sainctes, fi ce n'eft par mocquerie derifion : il leur fait quitter leur part de Paradis : il leur fait promettre qu'ils le tiendront au contraire à iamais pour leur feul maiftre,
Ftg. 23.
qu'ils luy feront toufiours ridelles : il les exhorte par après de faire le plus de mal qu'ils pourront, de nuire à leurs voi-fins, de les rendre malades, de faire mourir leur besftail, de fe venger de leurs ennemis, ufant de ces notions Venge\ vous ou vous mourre\; il leur fait de plus promettre de perdre ganter les fruiéts de la terre, k leur baille de la poudre de la greffe propre à cela, du moins il les leur fait auffi croire. (Fig. 23).
Il le leur fait encore bien folemnellement iurer qu'ils ne s'accuferont point les vns les autres, qu'ils ne rapporteront aucune chose de ce qui fe fera palîé entre eux.
Les Sorciers en tixiefme lieu font la greffe. « Quelques Sorciers après auoir facrifié au Diable et s'eftants oincis font tournez en loups courant d'une légèreté incroyable (Fig. 24) :
Fig. 24.
puis qu'ils eftoient changez en homes, fouuent rechangez en loups couplez aux louues auec tel plaiftr qu'ils ont accouftumé auec les femmes1 ». Les autres sont transformés en chats2.
1 Bodin, loc. cit., p. 96.
2 « De noftre temps vn nommé Charc.. du bailliage de Gez, fut affailly nuicltamment en vn bois par vne multitude de chats; mais comme il euft faiôt le figne de la croix, tout difparut. Et de plus fraifche mémoire vn home de cheual paflànt fous le chafteau de Ioux, apperceut plufieurs chats fur vn arbre, il s'auance, delafche vne efcoppette, qu'il portoit, faict tomber de deffus l'arbre au moyen de fon coup vn demicin, auquel pendoyent plufieurs clefs, il prend le demicin les clefs, les emporte au village : eftant defcendu au logis il demande à difner, la maitrefle ne se trouve point, non plus que les clefs de la caue. Il monftre le demicin, les clefs qu'il portait : l'hotte
Les Sorcières ont confefle qu'elles faifoient la grelle au Sabbat, ou à leur volonté, à fin de gafter les fruicls delà terre : elles battoient felon qu'elles difoient, à c'eft effect l'eau auec vne baguette, puis iettoient en l'air, ou bien dedans l'eau certaine poudre qu'elles auoienteu de Satan, par ce moyen il s'efleuoit vne nuée laquelle fe converti libit par après en greffe (Fig. 25), tomboit la part ou il plaifoit aux Sorcières.
Fig. 25.
Quelques fois encore l'on dit la Mette au Sabbat : mais, ajoute Boguet, ie ne puis efcrire fans horreur la façon auec laquelle l'on la célèbre, pour ce que celuy qui eft commis à faire l'office eft reveftu d'une chappe noire fans croix, après
recogneut que c'eftoit le demicin les clefs de la femme, laquelle arrive fur ces entrefaiôtes eftant bleffée à la riche droitte : le mary la prenant par rigueur, elle confefle qu'elle venoit du Sabbat, et qu'elle y auoit perdu ion demicin et fes clefs, après auoir receu vn coup def-copette en l'vne des hanches. » (tèoguet, loc. cit., p. 269).
auoir mis de l'eau dans le calice, il tourne le doz à l'autel, puis efleue vn rond de raue teinte en noir au lieu de l'hoftie lors tous les Sorciers crient à haute voix, Maifire aide nous.
Le Diable aulïi pour faire l'eau bénifte pifle dans vn trou à terre par après les affiftans font arrofez de son vrine auec vn asperges noir par celuy qui fait l'office.
Finablement Satan prenant la figure d'un bouc se con-fomme en feu, se réduit en cendres, laquelle les Sorcières recueillent cachent, pour s'en feruir à l'exécution de leurs detfeins pernicieux et abominables.
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES
PREMIÈRE PARTIE
Des zones hystérogènes et du sommeil chez les hystériques. \
Observation I..................... 4
Des régions ou zones hystérogènes............. 36
Description..................... 37
Etendue, siège................... 37
Nombre....................... 39
Observation II..................... 39
Intensité...................... ¿6
Observation III..................... 46
Observation IV..................... 54
Observation V............. ....... 58
Observation VI..................... 78
Etat de la sensibilité au niveau de ces zones...... 82
Disparition des zones................. 83
Observation VII.................... 84
Rôle des régions hystérogènes dans les attaques. ... 85
Du sommeil chez les hystériques.............. 88
Cauchemars.................... 89
Rêves agréables................... 90
Insomnies...................... 94
Observation VIII.................... 92
Insomnie chez les mystiques............ 97
Insomnie chez les idiots............... 93
Sommeil des épileptiques............... 99
DEUXIÈME PARTIE
Des attaques de sommeil. ................ 4 01
Variétés...................... 403
Observation IX..................... 404
Observation X..................... 408
Observation XI..................... 418
Rareté des attaques de sommeil............ 4 36
Prodromes, symptômes............... 437
Terminaison. . . •................. 4 3$
Durée, diagnostic.................. 4 39
Pronostic...................... 4 40
TROISIÈME PARTIE
Hypnotisme, magnétisme, somnambulisme........... 4 47
Procédés employés pour déterminer les phénomènes
d'hypnotisme................... 4 49
Méthode ordinaire.................. 4 58
Magnétisation par la tête............... 4 60
Magnétisation au moyen du regard.......... 4 61
Méthode de Faria.................. 4 61
Procédés employés à la Salpètrière.......... 4 62
Production de la catalepsie.............. 474
Faits cliniques...................... 486
Observation XII.................... 4 87
Observation XIII.................... 200
Observation XIV................... ^"
APPENDICE
Le Sabbat........................
Tables des matières . ..................251
Explication des planches.................260
Errata.........................261
TABLE ANALYTIQUE
A
Abstinence, 3.
Amaurose hystérique, 64, 65. — Guérison par l'électricité, 66. Ammoniaque, 35, 67.
Anesthésie, passim. — Action de l'électricité, 13. Aphasie provoquée, 27, 43, 493, 199, 220. Arc de cercle, 30, 31, 32, 53, 68, 73, 77, 210. Arthralgie hystérique, 136.
Attaques (description des), 8, 10, 16, 44, 64, 67, 75, 210, 214, 218.
— Influence de la compression ovarienne, 8, 10, 31, 34, 80, 112, 215, passim.—Traitement des (voir Ammoniaque, Bromure d'éthyle, Chloroforme, Compresseur, Ether, Iodure d'éthyle, Nitrtte d'amyle.j — Composées, 29; 32, 33. — De contracture, 12, 14, 41.
— De délire, 9, 14, 29, etc. —Épileptiformes, 15, 51, 67, 75, 198, 218. — Syncopates, 11, 41,64, 116, 498,205, 210, 217, 223.
Aura immédiate, 23, 47, 40, 55, 62, 71, 90, 243. — Lointaine, 9, 47, 55,213.
Atrophie musculaire consécutive, à la contracture permanente, 123, 132.
B
Boulimie, 3. Braidisme, 156. Bromure d'éthyle, 35, 67.
G
Catalepsie, 20, 27, 42, 50, 53, 74, 426, 128, 172, 200, 204, 220. Cauchemars, 89 et passim.
Chloroforme, 22, 23, 24, 35, 65, 81, 99, 203, 213 et passim.
Clou hystérique, 40, 54, 87, 96, 203, 212.
Coït (influence du) sur les attaques, 6,11 9.
Compresseur, 34, passim.
Compression épigastrique, 121.
Consanguinité, 5,59, 108,209.
Constipation, 67.
Contractures artificielles, 20, 191, 204, 219. —Hémiplégique, 35. — De la langue, 22, 72. — Du larynx, 36. — Des mâchoires, 72. — Des membres inférieurs, 15, 35, 120. — Permanente (voir Atrophk). — Du sphincter vésical, 36. — Du sterno-mastoïdien, 9, 36.
Convulsions, 5,108.
Corps étranger du sein, 69.
Crucifiement, 224.
D
Deleuze (méthode de), 458.
Délire de paroles, 439, 210, 215, 217, passim.
Dermalgie, 36.
Diagnostic entre l'épilepsie et l'hystérie, 76.
E
Ether, 7, 13, 21, 22, 35, 57, 65, 73, 80, 92, 99, 187, 202, 219. Etouffements, 12.
Excitation maniaque hystérique, 197, 201 et passim. Exorcisme, 4 87. Extase, 124 , 443.
F
Fakirs, 154.
Faria (méthode de), 464, Fascination, 171, 178, 220. Force musculaire, 25.
H
Hallucinations provoquées, 179, 194, 206, 224, passim. Hémianesthésie, passim et 39, 46, 54, 62, 70,117, 218. Hémi-catalepsie, 4 93, 222, passim. — Léthargie, 493, 222, passim. Hérédité, 5, 46, 418, 208. Hydrothérapie, passim.
Hyperesthésie ovarienne, 9, 40, 46, 55, 62,70, 79, 105, 117, 190,
203, 213, 218. Hypérexcitabilité musculaire, 171, 191. Hypnotisme (voir Catalepsie, Léthargie, Somniation). Hystérie (causes de 1'), 6, 60, 104, 108, 208.
Hystériques (caractère des), 5, 6, 8, 50, 135, 209, 211. — (Fonctions organiques des), 3, 24, 25, passim. — (Règles chez les), 7, 25, 198, 206, 223 et passim.
I
Incontinence d'urine, 25.
Insomnie chez les hystériques, 4, 41, 81, 90, 127.—Chez les mystiques,
17. — Chez les idiots, 98. Iodure d'éthyle, 11, 35. Ischurie, 3.
K
Kircher, 170.
h
Léthargie, 103, 140 (voir Sommation). Lésions (absence de) dans l'hystérie, 97.
M
Magnétisation, 158. — Par le regard, 161 ; — par la tête, 4 60; —
des animaux, 171; — à distance 170. Magnétisme, 150. Manie hystérique, 197, '201. Ménorrhagie, 119. Métalloscopie, 63, 66.
Morphinisme (symptômes et traitement du), 93, 98.
N
Nitrite d'amyle, 10, 35, 69, 73, 81, 99, 189, 218.
o
Obésité, 134.
P
Péritonite (fausse), 136. Polyurie, 3, 25.
Position (perte de la notion de), 120, 132, 135. Possession diabolique, 106, 4 87.
11
Rachialgie, 46, 55, 70, 78, 84, 85, 4 04, 122, 203, 24 2. Règles, 25, 4 98, passim. Rétention d'urine, 25.
S
Sabbat, 145, 441, 231, 247.
Secousses, 6, 8, 42, 52, 85, 120, 127, 137.
Sécrétion lactée, 120. — Sudorale, 84, passim. — Vaginale, 10,11,4 9,
65, 67, 110. Sirène (attitude de la), 215.
Sommeil des épileptiques, 99. — Des hystériques, 4, 26, 40, 50, 56, 72, 81, 88, 93, 103, 105,4 09, 416, 122, 433, 206, 214 ; — attaques de—, 4, 4 03, 4 06, 109, 4 24; — chez l'homme, 136; — artificiel, 193.
Somnambulisme spontané, 81 (voir Somniation).
Somniation, 4 9, 26, 42, 43, 50, 73, 491, 200, 204, 249, 220, 224.
Strabisme, 62.
Succube, 444.
Suggestion, 27, 44, 74, 4 94, 205.
T
Température dans les attaques, 44, 49, 53, 65, 67, 68, 69, 76, 4 4 0,
4 24, 125, 130, 4 38, 247. Traumatisme (influence du) sur les attaques, 69. Trépidation spontanée, 431, 4 32. Tympanite, 50, 74, 4 22, 4 27.
TABLE DES PLANCHE
Planche I en regard de a page......... 7
— il................ 16
— III, IV, V.............. 17
— VI................ is
— VII, VIII............. 23
— IX, X............... 27
-XI................ "21
— XII .... '.....'...... '128
— XIII................ '191
— XIV...............192
— XV, XVI.............. 193
— XVII, XVIII.............194
_ XIX............. 200
— XX, XXI.............. 204
— XXII, XXIII, XXIV, XXV......... 20Ö
— XXVI, XXVII, XXVIII........... 20!i
— XXIX............... 211
— XXX, XXXI............. 219
— XXXII............... 220
— XXXIII, XXXIV, XXXV, XXXVI ....... 221
— XXXVII.............. 222
— XXXVIII. . ............ 227
— XXXIX, XL............. 228
ERRATA
Page 27, lignes 21 et 22, au lieu de paupières droites, lire paupières gauches ; —lignes 24 et 25, au lieu de paupières gauches, lire paupières droites.
Page 121, ligne 31, après les mots : sont moins développées, ajouter : Planche XI.
Page 128, ligne '12, après: 10 minutes, ajouter Planche XII.
Page 220, ligne 26, après le mot : catalepsie, ajouter : Planche XXXII.
Évreux, Ch. Herissey, imp. - 681