(1853) Journal du magnétisme [Tome XII]
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(1853) Journal du magnétisme [Tome XII]

1853

JOURNAL

DU

MAGNETISME

RÉDIGÉ

Par une Société de Magnétiseurs et de Médecins

SOUS LA DIRECTION

DE NI le baron DU POTET

La vérité, n'importe par quelle bouche; le bien, n'importe par quelles mains.

TOME DOUZIÈME.

PARIS.

BUREAUX : RUE DE BEAUJOLAIS, 5

(PALAIS-ROTAl.)

JOURNAL

1)1

MAGNÉTISME.

ÉTUDES ET THÉORIES

RECHERCHES MÉDICO - MAGNÉTIQUES.

CHAPITRE IV.

MÉDECINE SOUNAMBULIQUE.

L’ignorance et la superstition ont favorisé dans tous les temps les conjectures les plus erronées, tandis que l’observateur intelligent pénétrait jusqu’au fond du sanctuaire de la nature pour en étudier les mystérieux ressorts. L’origine de l’art de guérir se perd dans la nuit des siècles, et la plupart des fables du paganisme ne sont que d’ingénieuses fictions pour cacher aux yeux du vulgaire les principales découvertes de la science, dont le monopole appartenait aux prêtres et à leurs adeptes. Il est vraisemblable que les premiers habitants de la terre étaient exempts de ces nombreuses maladies dont il faut rattacher la cause aux abus de la civilisation ; nous devons supposer aussi qu’une intuition providentielle suppléait chez eux aux notions d’une longue expérience ; car qui les eût dirigés dans le choix de leurs aliments, s’ils n’avaient été doués de ce précieux instinct que possèdent à un si haut degré les animaux sauvages? (¡e discernement exquis entraînait nécessairement la connaissance des remè-ToUE XII — N” 15®. — 10 JANVIER 1855. J

(les. Il est fâcheux qu’il ne nous soit parvenu aucun souvenir historique suffisant pour nous faire apprécier, à toute sa valeur, la médecine des anciens ; nous savons seulement que les prêtres chez les Egyptiens, les mages chez les Perses, les prophètes chez les Hébreux, les druides chez les Gaulois,s’étaient réservé le privilège exclusif de traiter les malades; et cependant, malgré leur discrétion sévère sur la nature des procédés dont ils faisaient usage, nous parviendrons facilement à soulever une partie du voile dont ils couvraient leurs opérations.

L’opinion généralement accréditée parmi les premiers peuples que l’espace était rempli d’êtres immatériels qui veillaient à leur conservation, leur fit interpréter comme un châtiment des dieux les maladies dont ils furent atteints; cette superstition donna naissance aux temples et aux oracles. Il n’est pas étonnant que ces croyances aient été souvent utilisées par des imposteurs; l’intrigue et le charlatanisme n’exploitent-ils pas encore aujourd’hui les découvertes les plus utiles pour en imposer au public ignorant? On savait cependant, dès cette époque, discerner les oracles menteurs de ceux qui étaient véritablement inspirés. Platon, Plutarque, Xéno-phon, Jamblique et beaucoup d’autres philosophes célèbres admettaient une fureur divine dont les phénomènes étaient analogues à ceux que présentent nos somnambules; Hippo-crate dit qu'il y a des songes pendant lesquels l’âme peut révéler les affections du corps. L’histoire de l’antiquité nous apprend que les hommes érudits se gardaient bien de rejeter la divination au nombre îles rêveries de leur siècle ; et, tout en signalant les avantages que la médecine peut retirer des affections de l’âme, ils convenaient aussi qu’on tomberait dans une grave erreur si l’on suivait aveuglément toutes les vaticinations de l’élut extatique. N’est-il pas Vraisemblable que, dans un temps où l’on faisait grand cas des prévisions médicales, il se soit établi, dans différents pays, «les somnambules dont la réputation reposait sur leurs dispositions intuitives? Les temples les plus fameux ont vu la vogue se relâcher aussitôt que leurs prophètes venaient à disparaître ou se trou-

vaieiii remplacés par îles extatiques moins clairvoyants. Si les temples de Delphes et de Dodone ont joui d’une aussi longue célébrité, c’est que les interprètes de leur divinité avaient conservé plus longtemps que leurs rivaux le souille prophétique qui les inspirait. L’absence momentanée de certains oracles s’explique par la cessation de leurs facultés divinatrices :

» Sans doute alors, dit Plutarque (1), la vapeur qui inspirait la pythie venait à cesser ; ce qui pouvait arriver, non-seulement par le cours des années, mais encore par de grandes pluies, et par des écoulements et des tremblements de terre. »

L’oracle d’Apollon ne tenait ses consultations que pendant six mois de l’année dans le temple de Delphes ; il séjournait le reste du temps à Patara, ville de Lycie, sur la Méditerranée, aujourd’hui Patéra, où l’on voit encore un théâtre en marbre assez bien conservé. On confond ordinairement les pythies avec les sibylles; il est certain qu’il y avait identité parfaite entre leurs fonctions, elles étaient également consacrées à Apollon ; mais ces dernières -n’étaient pas attachées spécialement au temple du dieu, et se transportaient dans d’autres localités; les pythies, au contraire, ne quittaient jamais le temple d’Apollon. La pythie, d’après lé témoignage de Plutarque (2), ne le cédait à personne pour la pureté de ses mœurs; élevée chez des parents pauvres, elle n’apportait ni art, ni expérience ; elle venait uniquement à Delphes pour servir d’interprète au Dieu :

, « Les oracles de la pythie, rapporte Pierre Le Loyer (3), n étaient qu’une inspiration démoniaque, son visage se décomposait, sa gorge s’enflait, sa poitrine haletait sans cesse ; elle rendait ses réponses assise sur le trépied delphique. »

Les sibylles de Dodone, ville de l’Epire, celles de Jupiter-Ammon, dans la Lvbie, paraissaient agitées d’un somnambu-

(I) Uëcjv. tuur., |. Y, p.

(i) Ibid., ibid., ¡bld.

C>) Hisl. dos Spwlrr.«, Visions, r| , p. -J-

Usine hystérique. La sibylle de Cumes, après d'affreuses convulsions, écrivait ses révélations sur des feuilles d’arbre et perdait, après ses crises, toute espèce de souvenir. Le caractère mélancolique de ces extatiques les reléguait souvent au' fond des bois ou dans de profondes cavernes ; elles n’y rendaient pas moins des oracles, soit pendant leur sommeil, soit pendant leurs accès. Ces crises ne présentent-elles pas une frappante ressemblance avec les phénomènes de somnambulisme hystérique sur lesquels deux médecins célèbres des temps modernes ont attiré l’attention des hommes sérieux (1)?

En nous reportant aux annales de la science, les Assyriens et les Chaldéens furent les premiers peuples qui se livrèrent à l’étude de la médecine somnambulique ; ce fut surtout en Égypte que cette branche de l’art de guérir acquit une grande extension. On attribuait à Isis un pouvoir illimité dans la cure des maladies, et l’on faisait encore usage, du temps de Gallien (2), de plusieurs remèdes qui avaient conservé le nom de cette divinité. Des temples furent érigés dans diverses localités ; 011 y envoyait dormir les malades, afin de recueillir, pendant leurs songes, les moyens thérapeutiques qui leur convenaient (3). 11 y avait dans le temple du dieu Apis un oracle fameux que l’on consultait sur la destinée des malades (4). Osiris, que presque tous les peuples de l’antiquité ont adoré, fut vénéré plus tard dans la Grèce sous le nom de Sérapis; ce fut même dans son temple, à Alexandrie, que l’empereur Vespasien opéra des cures magnétiques (5).

Chez les Scythes, la médecine occulte était exercée par des prêtres et des magiciens qui, par l’usage d’une grande abstinence , parvenaient, à la suite de l’ébranlement général de leur système nerveux, à tomber dans des convulsions affreuses, suivant leur volonté ou les exigences de la populace; et.

(1) Voy. Nosologie méthodique, par Buissier «!«■ Sauvages, cl riîleclricilé an» nialc du D- l'cU'lin.

(2) Gai en. de Composil. medic., lili. V.

(5) Diodorc do Sicile, liildiol. Iiisl., I. I, c. - ■

(4) Pline, Iiisl. nal., I. VIII, c. iti.

(5) Tacile, llist., I. IV, r. 81, cl Spl'Ciigel, Iiisl. de la mcd., I I, p. âl.

dans cei élut cataleptique, ils prophétisaient l'issue des maladies (1).

Cette coutume se retrouve chez plusieurs peuples, et particulièrement chez les Lapons, qui se servent d’un tambour pour développer l’extase prophétique.

u Le Lapon, dit Schefler (2), après avoir frappé quelque temps sur le tambour, tombe aussitôt par terre, comme s’il était endormi ou tombé en quelque défaillance d’esprit; semblable à un homme mort, dont l’âme aurait abandonné le corps, parce qu’on n’y trouve plus ni mouvement, ni sentiment, ni pouls, ni aucune autre marque de vie. Cela a donné lieu à quelques-uns de croire et d’assurer que l’âme de cet homme sortait effectivement de son corps, et qu’étant conduite par le démon, elle allait aux pays étrangers dont on voulait savoir des nouvelles, et qu’à son retourelle apportait quelques signes pour preuve qu’elle avait fait le voyage. 11 souffre pendant cet état, de telle sorte que la sueur lui sort souvent du visage et de toutes les autres parties du corps. »

Après les cérémonies bizarres qui accompagnent cet exercice, le Lapon semble recouvrer la vie, commence à répondre à ceux qui l’interrogent, et rapporte tout ce qu’il a vu pendant sa léthargie.

Il y a plusieurs méthodes de divination par le tambour.

« La troisième, ajoute Schefler (3), regarde les maladies. Sitôt qu’ils se voient accablés d’une maladie, ils en recherchent la cause ; celui qui frappe sur le tambour reconnaît si elle provient d’une cause naturelle ou d’un sort ; alors ils indiquent le remède, et il faut que le malade se soumette à leur prescription. »

Ces phénomènes, résultat de l’ignorance et de la superstition, m’offrent certainement l’analogie la plus frappante avec les crises du somnambulisme médical.

La divination, chez les Indiens, s’exerçait sous l’influence de la vaporisation de plantes aromatiques et excitantes qui les plongeaient dans une espèce de fureur. L’accès une fois

;i) Sprengcl, 1.1, p.¿on.

(2) Histoire de la Laponie, p. |(K.

(~>) Ibid , page 111.

terminé, ils indiquaient aux malades ce qui leur convenait (1).

L’auteur ancien qui nous a conservé les notions les plus intéressantes sur l’intuition somnambulique, est l’orateur grec Aristide, qui vivait sous Antonin. Le Loyer (2) démontre qu'Aristide avait une confiance aveugle dans les médicaments qu’Esculape indiquait à ceux qui dormaient dans son temple.

« Est-ihm remède plus abhorré, dit-il (3), que celui qu’Esculape baillait aux catharreux et trembleurs de fièvre, de se baigner en eaux de mer et de rivière? Vraiment, il semble que Paracelseet ses disciples, plus sorciers que médecins, aient appris leur doctrine d’Esculape, tenant pour précepte que les maladies sont guéries par remèdes semblables et non par leurs contraires, comme tient Hippocrate (/j). »

Philostrate, Gallien, Pline,Ellien, Leclerc, Sprengel, etc., font mention de nombreux traitements qui nous rappellent ceux de nos somnambules. Le savant Traité du Somnambulisme, de M. Aubin Gauthier, ne peut laisser aucun doute sur l’application des songes à la médecine occulte des anciens. Nous ne pouvons donner une idée plus exacte de la médecine somnambulique des temps passés, qu’en insérant ici quelques passages des Discours d’Aristide (5), qui nous démontreront que la prévision médicale des somnambules modernes présente la plus parfaite identité avec les crises prophétiques des anciens peuples.

Aristide, après avoir rapporté les différents traitements qu’Esculape lui avait indiqués pendant ses songes, expose avec une grande clarté l’état extatique où il se trouvait pendant ses révélations (6).

« Je croyais en quelque sorte toucher le dieu et sentir son

(1) Do l'Ancre, de l'incrédulité, clc., p. 229.

(i) Uiit. des Visions, ele.

(3) Ibid., p. iU.

(i) Nous voyons que, des celle époque, on avait îles notions bien arrêtées sur ce principe qui fait aujourd'hui la base de la médecine homéopathique.

(S)Ælii Arislidis Adrianensis oratoris clarissimi oratiomim tomi 111, interprète Gulielmo Canlero, I GO i, Gcnevæ.

(fi) Deujièmc ni cours, i. I, p. 5is.

approche, et clans cet état voisin du sommeil et de la veille. je faisais tous mes efforts pour qu’il ne m’échappât pas ; je prêtais une oreille attentive à tout ce qu’il disait, pur/im ut somniando, partim ni rigilando. Mes cheveux étaient dressés, des larmes de joie s’écoulaient de mes yeux, et mon esprit était d’une légèreté telle que nul ne pourrait le comprendre ou l’expliquer, à moins d’être initie. »

Aristide, après avoir communiqué scs songes au gardien du temple, apprit de lui qu’un de scs collègues avait eu dans la nuit une révélation semblable, et sur ce témoignage il ne balança pas à prendre le médicament qu’on lui avait ordonné ; la dose était si considérable, que personne, avant lui, n’avait osé en avaler autant. Pharmacum sumpsi, tic bibi, quantum antè nemo (1). Ce remède produisit le meilleur résultat dans sa maladie.

Dans une autre affection morbide beaucoup plus grave, Aristide vit en songe la déesse Minerve, qui lui prescrivit une médication dont il retira les plus heureux effets.

« Et hoc quidem modo apparuit mihi Deame queconsolata est, et à morte servavit, cum nihil esset ad vitairi spei (2). »

Pendant le séjour d’Aristide à Pergame, Esculape lui apparut de nouveau et lui ordonna d’aller prendre trois bains dans la rivière qui traversait la ville. Sa santé était tellement affaiblie, qu’il se transporta avec beaucoup de péine jusqu’au bord du fleuve, au milieu duquel il se jeta, malgré les exhortations de ses amis. A la suite de lotions prolongées, il se retira de l’eau, et une transpiration salutaire ne tarda pas à se répandre sur tout son corps.

« In ripam deinde egresso, calor per totum diffundebatur corpus, et multi efferebantur vapores omnia que rube-bant (3). »

(I) Deuxième Discours, p. 526.

(-2) Ibid., p. 549.

(5) Ibid., p. 555. — Celle médication se rapproche singuliciement île la médi-' iilion hjdropalliique, appelée à prendre un rang imporiaul dans la thérapeutique. Nous engageons les lecteurs du Journal qui ne voudraient pas sc donner la peine

Nous regrettons que l’orateur grec, qui était initié aux pratiques magnétiques do son temps, ait gardé le silence sur les procédés usités par les prêtres pour jeter les malades en somnambulisme. Nous savons seulement, et nous croyons l’avoir démontré antérieurement, que les frictions magnétiques étaient généralement employées à cette époque. Il est constant que beaucoup d’autres causes pouvaient donner naissance au somnambulisme, telles que les fumigations, les narcotiques, la vie contemplative, les macérations, etc. Lue imagination exaltée devait également disposer un malade affaibli à ressentir ces perturbations nerveuses, qui offrent tant de connexité avec les phénomènes sonmambuliques.

Lorsque les malades étaient guéris, leur reconnaissance leur faisait un devoir de présenter des offrandes aux interprètes de la divinité, et de suspendre aux murs du temple des tablettes explicatives sur la nature de leurs maux et des remèdes dont ils avaient fait usage. C’est sur ces témoignages qu’Hippocrate a basé sa doctrine médicale, et c’est aux descendants de ce grand philosophe que nous devons les progrès d’une science qu’il sut dégager des langes de l’ignorance et de la superstition, en l’appuyant sur l’observation et l’expérience.

Nous retrouvons chez les Romains des traces de la médecine somnanibulique dont les Indiens, les Égyptiens et les Grecs nous ont donné une idée bien suffisante. On constatera que la plupart des termes de la médecine occulte des Romains tirent leur étymologie de la langue grecque ; ces peuples qui, dans le principe, avaient négligé l’étude de toutes les sciences , n’ont rien innové, et si l’observation leur révéla les avantages de la médecine somnanibulique, leurs habitudes belliqueuses les tinrent éloignés des travaux intellectuels, et les matières qu'ils avaient recueillies dans l’héritage de leurs prédécesseurs suffirent à leurs besoins. Enthousiastes des

•1« consulter le texte grec ou latin des Discours d'Aristide, de parcourir les Ànnatcs du Magnétisme, numéros‘22 et 23, oü ils trouveront la traduction fran-vaisc des passages les plus intéressants, par le comte Abrial.

pratiques superstitieuses, ils ne s'attachèrent pas à rechercher les causes des mystérieux phénomènes dont ils furent témoins. Aussi nous ne remarquons chez cette nation aucun médecin d’une valeur réelle.

« Pendant la guerre qui eut lieu entre les llutules et les Troyens, Umbranon, grand-prêtre de Marrubium, était le seul médecin renommé. Ses secrets, joints ii des paroles magiques, endormaient les vipères et les serpents, dont il guérissait les morsures ainsi que d’autres plaies, par des chants assoupissants (1). »

Sous le roi Latinus, on faisait coucher les malades dans les temples des divinités du pays, pour recueillir les oracles. On consultait le dieu Faune au milieu d’une vaste forêt.

« Le prêtre immolait des victimes, s’étendait pendant la nuit sur leurs peaux et s’y endormait. Alors il voyait mille fantômes voltiger autour de lui ; il entendait différentes voix et s’entretenait avec les dieux de l’olympe, et même avec les divinités des enfers (2). «

Les Romains regardaient les Étrusques comme leurs maîtres dans l’art de guérir les malades par des procédés magiques; ils rendirent à Esculape et aux autres dieux de la médecine occulte les honneurs que leur offraient les anciens peuples.

Les visions médicales les plus authentiques chez les Romains remontent au règne de Marc-Aurèle Antonius, qui vivait 177 ans après J.-C. Marc-Aurèle remercie les dieux de lui avoir fait connaître en songe les moyens de se guérir (3).

Tertullien, un des plus célèbres défenseurs de la religion chrétienne, se rendit à l’évidence des extases somnambuli-ques qu’il constata dans plusieurs circonstances :

( 11 y a parmi nous, rapporte ce docteur de l’Église, une sœur qui est favorisée du don de prévision. Elle tombe en extase et converse avec les anges; elle voit alors ce qu’il y a

(1) Sprcngcl, ouvrage ci lé, 1. I, ¡i. 174.

(2) Enéide, I. VII. — Sprcngcl, ouvrage lilé, p. 17 4-{■>) Réflexions morales, I. I.

de plus caché dans le cœur des personnes qui l'environnent, et prescrit aux malades les remèdes qui leur conviennent (1). »

Aurelius Prudentius Clemens, poète latin qui vivait dans le quatrième siècle, ne peut laisser aucune incertitude dans notre esprit sur la connaissance que l’on avait alors de la vision somnambulique :

« Croyez-vous, dit-il, que l’âme ne voie que par les yeux et qu’elle soit circonscrite par la portée de nos regards? Non, la vue de l’âme ne dépend pas el’une étroite prunelle; c’est une flamme vive, un feu qui s’élance, fend la nue et pénètre dans le vaste abîme de l’inconnu.... Rien ne peut intercepter ses regards, ils atteignent les voûtes azurées. Ils percent à travers les montagnes les plus solides, à travers les ombres de la nuit, à travers les ondes de l’océan; ils plongent dans les gouffres du Tartare.... Doutez-vous que l’âme puisse porter un regard assuré sur les objets cachés aux yeux du corps, lorsque souvent, quand nos paupières sont fermées par un sommeil bienfaisant, pleine de vie, l’âme aperçoit les choses distantes et les lieux éloignés, dirigeant sa vue à travers les campagnes, sur les mers et jusqu’aux étoiles, par la seule force de sa volonté?... Or, si l’âme, de son vivant, a une vue si étendue, que sera-ce quand elle aura laissé dans le tombeau sa dépouille mortelle (2) ? »

Un magnétiste, dans son enthousiasme, ne pourrait pas décrire avec plus de vérité les prodiges de l’intuition somnani-bulique.

Lorsque le christianisme fut adopté par Constantin, 011 abolit les cérémonies païennes et les temples furent détruits. La médecine occulte fut rigoureusement prohibée sous Valens et Valentinien, après avoir été protégée par l’empereur Julien. Les magiciens et les théosophes furent traqués comme des bêtes fauves, et Théodose, en publiant les lois les plus sévères contre les sorciers, mit le comble à l’intolérance chrétienne.

Vers la fin du quatrième siècle, le médecin Marcellus de,

(1) Tcrlullicn, du Témoign. de l'unie, e. 2t>.

(2) Aur. Pl., De integritate visionis anima;, cl Archives du Magnétisme, t IV, p. 42 cl suivantes.

Scicle, écrivit sur la lycaathropie, espèce de monomanie endémique fort répandue de son temps, et connue sous ce nom parce que les malades erraient dans les champs, en hurlant comme des loups (1).

Pendant le cinquième siècle, les discussions religieuses entraînèrent beaucoup de scandale, ou persécuta les savants et les philosophes païens. Les bibliothèques et les monuments artistiques furent dévastés, on bâtit de nombreuses églises, et l’ignorance et la superstition succédèrent aux sciences et à la philosophie. Dans le sixième siècle, l’astrologie dirigea les principaux événements. Pendant cette décadence de l’esprit humain, deux médecins seulement se rendirent célèbres par leurs spéculations scientifiques, Ætius d’Amida et Alexandre de Tralles. Ce dernier publia un ouvrage fort curieux (2) sur l’emploi des frictions magnétiques. Ætius s’écarta rarement des principes de Gallien, il sut allier la doctrine des plus célèbres méthodistes à la médecine empirique.

Les disputes théologiques et la vénération des images des. saints détournèrent les esprits des études sérieuses pendant les septième et huitième siècles. Les moines et les prêtres s’adonnèrent presque exclusivement à l’art de guérir au moyen des prières, des jeûnes, des reliques, de l’eau bénite et des huiles saintes. Si les malades se rétablissaient, on attribuait leur guérison à l’intercession de Dieu ; si la maladie était incurable, c'était une punition infligée par la puissance divine. D’après la règle des établissements religieux, toute instruction était interdite, on passait une partie du temps dans la vie contemplative ; on ne pouvait guérir que par paroles ou exorcismes. Cependant quelques moines s’affranchirent de ce joug ridicule et fondèrent plusieurs écoles, dont les plus fameuses furent celles du Mont-Cassin et de Saleme (3).

.. La célébrité de l’école du Mont-Cassin était si grande au commencement du onzième siècle, que l’empereur Henri II,

(I) Sprcngcl, ouvrage eiti, l. II. p. 13H. (l2) Ile Aciitis anorbis.

(5) Spmigftl. ouvrage cil«. I. Il, p.

h Uururois, entreprit ce voyage pour se faire guérir des douleurs de la pierre. Pendant 1111 profond sommeil, saint Benoit lui apparut en songe, pratiqua lui-même l’opération. lui mit la pierre dans la main et cicatrisa sa plaie. »

Dès l’année 98h, les malades se transportaient en pèlerinage à Saleme, pour se faire guérir sous l’invocation des reliques de saint Mathieu, patron du monastère. Différentes reliques étaient en vénération ti Salerne et regardées comme de puissants moyens auxiliaires dans le traitement des maladies.

Deux siècles plus tard, ces méthodes curatives étaient encore en vogue, car saint Bernard, abbé de Clairvaux, se rendit dans cette communauté pour opérer des cures miraculeuses sur des malades que les médecins ne pouvaient guérir.

« Ce fut vers le milieu du onzième siècle que les rois d’Angleterre et de France s’attribuèrent le pouvoir de guérir les goitres et les écrouelles, par le simple attouchement. Edouard le Confesseur, dont tous les historiens vantent la grande piété, pratiqua le premier cet art. Quelque temps après, les rois de France s’emparèrent aussi de ce don merveilleux, et déjà Philippe I" fut célèbre par sa grande habileté à guérir les goitres. Dans cette cure, saint Louis se servait des signes de croix, et les rois ses prédécesseurs n’employaient que des expressions catholiques (1). »

Vers le treizième siècle, les rois de France et d’Angleterre, les empereurs romains et les papes protégèrent les sciences et les arts et rétablirent les bibliothèques. On repoussa la médecine des moines pour revenir'aux principes d’Hippocrate et de Gallien (2). Roger Bacon, en Angleterre, illustra ce siècle par l’étude des sciences physiques et mathématiques. 11 soutint la possibilité d’une médecine universelle, dont on devait, disait-il, rechercher l’origine dans les ouvrages hébreux. Malheureusement le pillage et l’incendie des bibliothèques, sous l’invasion des peuples barbares, nous avaient privés des documents les plus précieux sur les pratiques mystérieuses des Égyptiens.

(IJ Sprrngel, (. II, p. 401.

(2) Il'itI , |>. 4ti.

Pendant le quatorzième siècle, les prêtres, malgré la défense des conciles, se livrèrent à l'exercice de la médecine occulte, qui devint entre leurs mains l'instrument aveugle des passions. Les cures miraculeuses se succédèrent, et l’on poursuivit avec la dernière rigueur, comme sorciers, les savants distingués de cette époque. Ce fut pendant ces temps d’un déplorable fanatisme religieux, qu’on fut témoin de cette fameuse épidémie, la danse de saint Vite: on exorcisait les malades comme de véritables possédés. Plus tard, la médecine hermétique occupa tous les esprits. Malgré ses termes allégoriques , ses emblèmes et ses hiéroglyphes, elle laisse facilement percer et dévoile aux yeux des adeptes des notions bien arrêtées sur les avantages du somnambulisme; l’obscurité qui règne dans les écrits du temps trouve son explication dans les conséquences funestes qui pouvaient résulter de l’exposition des lois de la nature.

« Nous sommes, dit le Cosmopolite (1), comme enveloppés dans la malédiction et les opprobres : nous ne pouvons jouir tranquillement de la société de nos amis ; quiconque nous découvrira pour ce que nous sommes, voudra en extorquer notre secret ou machiner notre perte, si nous le lui refusons. Le monde est si méchant et si pervers aujourd’hui, l’intérêt et l’ambition dominent tellement les hommes, que toutes leurs actions n’ont d’autre but. Voulons-nous, comme les apôtres, opérer des œuvres de miséricorde, on nous rend le mal poulie bien. J’en ai fait l’épreuve depuis peu dans quelques lieux éloignés. J’ai guéri, comme par miracle, quelques moribonds abandonnés des médecins, et pour éviter la persécution je me suis vu obligé, plus d’une fois en pareil cas, de changer de nom, d’habit, de me faire raser les cheveux et la barbe, et de m’enfnir à la faveur de la nuit. »

Cependant quelques médecins furent assez explicites vers les quinzième et seizième siècles; Marsile Ficin, Pomponace, C. Agrippa, Prosper Alpin, Borel, Libavius, Wirdig, Gocle-nius, Santanelli. Kircher, et Maxwell surtout, ne craignirent pas de soulever une partie du voile épais qui dérobait à nos

( 1 ) Introil iipprt., c. I

regards les mystérieuses élucubrations de la médecine occulte. Jér. Cardan (1), qui tombait en somnambulisme à volonté, dit, dans son traité de la Science du inonde, c. vm, p. /|7, qu'il y a en nous une nature divine dont nous ressentons les faveurs quand l’esprit se trouve dégagé de la matière :

(c La Divinité, assure-t-il, nous les présente, ou par les visions du sommeil, ou par quelque rayon de connaissance particulière, qui nous fait percer la nuit du futur. »

J. B. Van Helmont offrait sur lui-même tous les caractères de l’extase somnambulique :

i Je m’

aperçus avec étonnement, dit-il (2), que je n’entendais, ne savais et n’imaginais plus rien par la tête; mais que toutes les fonctions qui lui appartiennent ordinairement étaient transportées au creux de l’estomac. Ma tête conservait le mouvement et le sentiment, mais la faculté de raisonner avait passé à l’épigastre, comme si mon intelligence y eût établi son siège.... Frappé d’admiration et de surprise de ce mode insolite de sensation, je m’étudiai moi-même avec soin, et je reconnus que, pendant tout le temps que dura cet état extraordinaire , mon intelligence avait bien plus de force et de perspicacité. »

Nous avons déjà fait remarquer que le somnambulisme pouvait se développer en dehors de toute influence magnétique. On en a constaté des effets chez les hommes livrés à la vie contemplative, chez les trembleurs des Cévennes, les con. vulsionnaires de Saint-Médard, les extatiques, les illuminés, etc., et généralement chez les malades qui étaient exposés à certaines perturbations profondes du système nerveux.

Les savants n’ont pas cru devoir, jusqu’à ce jour, protester contre l’existence du somnambulisme naturel ; il est vrai que leur amour-propre ne s’est pas trouvé en jeu dans cette question, et s’ils ont réfuté avec aigreur les effets du somnambulisme artificiel, c’est que cette science leur fut présentée

(l)t)e Vaiïel.rcrnm, I. VIII, e. 44. l'ï) Dcmrns idea , iraduct. de Deleuzc.

comme une théorie nouvelle qui clut naturellement se heurter contre des idées préconçues.

Du Somnambulisme naturel ou spontané.

Le somnambulisme naturel n’a jamais été sérieusement contesté, et cependant on n’a pas réussi jusqu’à ce jour à en bien approfondir la nature et les causes.

Nysten, dans son Dictionnaire île Médecine, le définit ainsi :

« Le somnambulisme est une névrose des fonctions cérébrales, caractérisée par une sorte d’agitation pendant le sommeil, différente de l’état de veille, avec aptitude à répéter les actions dont on a contracté l’habitude, mais sans qu’il reste après le sommeil aucun souvenir de ce qui s’est passé. C’est peut-être un état physiologique ; ce n’est peut-être aussi qu’un degré de plus des songes ordinaires, plutôt qu’une affection nerveuse. »

Cullen l’appelle Oncirodynie active (1). D’après ce physiologiste, c’est une maladie pendant laquelle les malades exécutent toutes les fonctions auxquelles ils sont accoutumés pendant la veille, quoiqu’ils ne voient et n’entendent rien, et soient uniquement sous l’empire de leur imagination.

Azaïs regarde le somnambulisme naturel comme le résultat d’un excès de vivacité dans certaines parties du système sensible.

Tardy de Montravel (2) pense qu'il est le résultat d’une surabondance de fluide nerveux au cerveau.

Le baron Massias (3) voit dans cet état anormal l’éveil de l’homme instinctif durant l’inactivité absolue des sens.

Toutes ces définitions plus ou moins obscures, laissent évidemment percer l’incertitude de la science sur la nature d’un phénomène qui s’est reproduit dans tous les temps. La définition du baron Massias est bien certainement celle qui se rapproche le plus de la vérité.

(1) Élëm. de Méd. prat., t. II, p. 510, trad. par M. Boquillon.

(2) Théorie du Somnambulisme, p. Ci.

(5) Traité de philosophie, p. 53o.

Ml. S

Hippocrate, dans son Traité des Maladies sacrées, parle «le gens qui, pendant leur sommeil, se livraient à différentes occupations.

Aristote affirme qu’il y a des individus qui se promènent en dormant.

L’un des oracles de la médecine, Gallien, marchait pendant son sommeil, et Jér. Cardan, qui avait hérité de ses ancêtres de cette disposition au somnambulisme, fait observer (1) qu’Aristote avait dans cet état la vue beaucoup plus perçante que celle de Gallien :

« Quâ in re, visus est Aristóteles longé oculatior, quàm Galenus. »

Hermotime de Clazomène, et le philosophe Epiménide de Crète, tombaient dans un état cataleptique pendant lequel leur âme voyageait et leur rapportait des impressions lointaines. Au rapport de Pline (2), le corps du premier fut brûlé par ses ennemis pendant une extase.

Fulgose raconte l’histoire d’un berger frappé de la peste pendant l’affreuse contagion qui ravagea l’Italie, sous le gouvernement de Narsès. Revenu à lui, après une longue léthargie, il nomma les personnes qui devaient mourir de cette maladie. Deux jours après cette prédiction, il succomba ainsi que les individus qu'il avait condamnés (3).

Le savant théologien A. Tostat, évêque d’Avila, rapporte, dans ses Questions sur la Génèse, qu’il existait en Espagne beaucoup de femmes, appelées stryges, qui restaient longtemps en somnambulisme et qui passaient pour sorcières.

Ce lut pendant des crises de cette nature, que S. Thomas d’Aquin recueillit ses plus hautes inspirations théologiques.

Nous lisons dans Y Encyclopédie méthodique, t. xxxi, p. 394, l'observation d’un séminariste qui se livrait, pendant son sommeil, à ses travaux habituels. Lorsqu'on lui couvrait les yeux d'un épais bandeau, la vision s’exerçait avec la plus

(1) De Vuiietale rerum, 1. VIII, c. 43, p. 419.

(2) Histoire uature'ilc, I. VII, c. 53.

(~) Causes de la \cille el du rommeil, par Se. Du]ilcK,p. !>“•

„rande facilité. Pendant une nuit très-froide, il crut voir en dormant un enfant sc noyer. 11 s’étend aussitôt sur son lit, dans la situation d’un nageur, et en imite tous les gestes. 11 s'empare d’un paquet de couvertures, croyant saisir l’enfant; il le dépose, se lève ensuite avec un violent frisson et demande de l'eau-de-vie pour se réchauffer. On lui présente de l’eau, qu’il repousse après en avoir goûté. Il insiste de nouveau pour avoir de l’eau-de-vie ; on lui en apporte qu’il avale aussitôt, en accusant un grand soulagement. Il se couche ensuite et s’endort du sommeil le plus tranquille.

L’histoire de Negretti, celle de Gastelli (1), nous fournissent des exemples d’une lucidité merveilleuse pendant des accès de somnambulisme naturel.

Félix Mater, célèbre médecin suisse, jouait souvent du luth pendant son sommeil.

On prétend même que Condillac composa plusieurs passages de sa Métaphysique durant cet état :

« Lorsqu’il se livrait, dit Moreau de la Sarthe (2), à quelques travaux intellectuels, il avait souvent trouvé achevé, à la suite de scs rêves, un travail qu’il avait laissé imparfait à son sommeil. »

On appréciera suffisamment par ces citations, que nous pourrions multiplier à l’infini, l’importance que nous attachons à démontrer cpie le somnambulisme naturel n’a été contesté dans aucun temps, et que ses phénomènes les plus surprenants n’ont même pas rencontré d’opposition sérieuse de la part des princes de la science. On appréciera également les motifs d’une opposition passionnée contre le somnambulisme. magnétique, qui présente des rapports incontestables avec le somnambulisme naturel. Nous remarquerons cependant avec plaisir que des hommes d’une haute intelligence ont cru devoir, dans ces derniers temps, placer leur conscience «à l'abri de toute responsabilité morale, en s’affranchissant des préjugés de leur siècle.

(1)Trailc lu Somnamh., par A. Ecrirai»!, p. 22-2r>.

(2) Dictionnaire ilcsScicnre« médicales, I. XI.VIII. p. 261.

Le somnambulisme naturel se manifeste indistinctement chez l’homme bien portant et chez l’homme malade ; nous dirons, toutefois, qu’on l’observe plus fréquemment chez les personnes sujettes à quelques désordres de l’innervation.

Suivant l’observation des auteurs anciens, cet état était particulier aux mlluncotiques.

Aristote avance, en son Éthique, que les visions des mélancoliques sont vraies et subites.

«Les hommes mélancoliques, maniaques, frénétiques et atteints de certaines maladies qu'Hippocrate appelle divines, sans l’avoir appris, parlent latin, font des vers, discourent prudemment et hautement, devinent les choses secrètes et venir, lesquelles 'choses les sots ignorants attribueront au diable ou esprit familier, bien qu’ils fussent auparavant idiots et rustiques, et qui depuis sont restés tels après la guérison (1). »

Saint Augustin (2) prétend que l’âme peut deviner, aussitôt qu’elle est abstraite des sens.

Saint Thomas d’Aquin (3) pense que les mélancoliques ont une intuition plus claire, suivant les forces de leur imagination , l’âme ayant besoin d’un excitant pour cela.

« Un bon nombre de philosophes, et entre autres Aristote, dit Léonard Vair (à), ont eu opinion que la nature et com-plexion du corps servait de beaucoup pour la connaissance des choses futures, et nommément nous trouvons en leurs livres que la vertu de deviner a été attribuée aux mélancoliques. »

Le célèbre médecin écossais Cullen (5), eut souvent occasion d’étudier chez ses malades les phénomènes les plus intéressants d'un somnambulisme spontané. Beaucoup plus tard, le docteur Petetin observa les mêmes effets chez un grand nombre d’hystériques et de cataleptiques (fl).

(1) Charron, de la Sagesse.

(2) Douzième livre sur la Génèsc, c. 13.

(3) Ilist. des Spcclrcs, par P. Le Loyer, p. 132-155.

(4) Des Charmes ou Enchantements, p. 132, liv. II.

(5) Élcm. de Médecine, t. Il, p. MO.

(C) Électricité animale.

Lu professeur Esquirol voyait dans le somnambulisme une forme particulière d'hallucination ; mais ML Brierre deBoismont, qui a publié dernièrement un ouvrage d'un mérite incontesté sur les hallucinations, s’exprime différemment à cet égard.

Sans nous préoccuper davantage des causes qui ont donné naissance au somnambulisme spontané, nous ne pouvons douter que cette affection n’offre une analogie frappante avec le somnambulisme artificiel, et nous ne craignons pas d’affirmer avec le D‘ Brierre de Boismont (1).

« Que si les pressentiments s’expliquent dans un grand nombre de cas, par des causes naturelles, on peut dire aussi, sans être taxé d’un penchant au merveilleux, qu’il y a des événements qui semblent sortir des lois communes, ou qui du moins dépendent des rapports encore inconnus du moral et du physique. »

Du 8omnainbullsmc artIOclc) ou magnétique.

Si c’est à Mesmer que nous sommes redevables de la pratique du magnétisme, c’est au marquis de Puységur qu’appartient l’honneur d’avoir utilisé la découverte du somnambulisme au profit de la médecine. Nous ne pouvons nier que le doctenr allemand ne soit parvenu, dans le cours de ses traitements, à constater quelques phénomènes somnambu-liques; mais, soit qu'il n’ait pas pressenti l’importance de cette découverte, soit qu’il ait craint de détourner l’attention générale de sa pratique ordinaire, soit enfin tpi’il en ait voulu dérober la connaissance à ses élèves, toujours est-il constant qu’il n’a jamais été très-explicite sur cette matière (2).

D’après le Dr Bertrand (3), les procédés du magnétisme fu-

(1) Des hallucinations, p. 2-21.

(2) L'abbo do Faria avance dans son Traite du Sommeil lucide, p. 181, que le somnambulisme n’était pas inconnu à Mesmer. « Beaucoup de témoins oculaires « assurent, d'après lui, qu'ils ont vu des somnambules chez le docteur, et que II' « marquis de Puységur, à qui est attribuée sa première découverte, n'en est que a le propagateur. Il est donc présumable que Mesmer avait une méthods particule lière de faire des somnambules, méthode secrète qu'il avait eu soin de dérober « à la connaissance même de ses élèves. »

(S; Traité du Somnamb,, p. 221.

rent employés pendant plus de dix ans par Mesmer, sans produire aucun exemple reconnu de somnambulismo.

Tardv de Montravel (1) affirme, au contraire, que Mesmer connaissait le somnambulisme, et qu’il puisa môme une partie de ses notions chez des somnambules (2). Cette dernière opinion, assez vraisemblable, peut se justifier encore par cet aphorisme (265) de Mesmer :

« Dans les maladies nerveuses, lorsque, dans un état de crise, l’irritabilité se porte en plus grande quantité sur la rétine, l’œil devient susceptible d’apercevoir les objets microscopiques. Tout ce que l’art de l’opticien a pu imaginer ne peut approcher de ce degré de perfection. Les ténèbres les plus obscures conservent encore assez de lumière pour qu’ il puisse, en rassemblant une quantité suffisante de rayons, distinguer les formes des différents corps, et déterminer leurs rapports. Ils peuvent môme distinguer les objets à travers les corps qui nous paraissent opaques, ce qui prouve que l’opacité dans les corps n’est pas une qualité particulière, mais une circonstance relative au dégré d’irritabilité de nos organes. »

Mesmer constata la même susceptibilité nerveuse dans les autres sens, tels que l’ouïe, l’odorat le goût et le toucher (3).

Ce fut le 4 mai 1784 que le marquis de Puységur observa pour la première fois, à sa terre de Buzancy, près Soissons, les effets du somnambulisme sur un paysan âgé de vingt-trois ans, qui était atteint d’une fluxion de poitrine (4).

:i J’allai le voir à huit heures du soir ; la fièvre venait de s’affaiblir; après l’avoir fait lever, je le magnétisai. Quelle fut ma surprise, de m’apercevoir, au bout d’un demi-quart d’heure, que cet homme s’endormait paisiblement dans mes bras, sans convulsions ni douleurs! Je poussai la crise, ce qui lui occasionna des vertiges : il parlait, s’occupait tout haut de ses affaires. Après deux heures de crise, je l’apaisai et sortis de la chambre, etc. »

(1) Théorie du Somnamb., Avanl-propas; p. 5.

(î) Longtemps avant Mesmer, Maxwell avait entrevu les mystères de l’intuition tomnambulique, car il rapporte dans son traité de Mtdicirti magnehei, c. 12, que non-seulemeut les maladies cèlent au magnétisme, niais que cet agent présente en-cors des effets beaucoup plus surpienants.

1.3) Aphor., 2SO—281—283—284.

¡I Mémoires pour servir à rétablissement du Magnétisme, p. 41.

l)e Puységur développa par la suite, chez au grand nombre de malades, l’intuition médicale dont il tira un parti si avantageux dans tous les traitements qu'il entreprit.

Les procédés de Mesmer tendaient à surexciter violemment le système nerveux, c'est peut-être à cette méthode qu’il faut attribuer l’absence du somnambulisme magnétique ; il est probable aussi que les succès du marquis de Puységur se multiplièrent en raison de la direction qu’il sut imprimer aux efforts de sa volonté.

Deleuze propagea cette précieuse découverte par de nombreuses expériences, et y consacra un chapitre de son Histoire critique. Ce fut alors que la médecine magnétique prit une extension nouvelle, on fit des somnambules, on utilisa leur clairvoyance en faveur des malades, et les guérisons vinrent donner gain de cause à cette médication.

Par malheur l’enthousiasme d’un grand nombre d’adeptes les écarta de la voie qui leur était tracée; il y eut beaucoup de déceptions et beaucoup d’abus, et la lumière eût rentré promptement dans les nuages, si des hommes de bien et d’intelligence, tels que Deleuze, le Dr Aubry, le Père Hervier, Maxime et Chastenay de Puységur, Tardy de Montravel, de Lutzelbourg, de Bruno, etc., ne s’étaient attachés à dégager la vérité des ténèbres où le charlatanisme et l’inexpérience menaçaient de l’engloutir.

Si le somnambulisme naturel est le résultat d’impressions organiques individuelles, le somnambulisme artificiel n'est que le produit de la magnétisation.

« Dans cet état de crise, dit Mesmer (1), ces êtres peuvent prévoir l’avenir et se rendre présent le passé le plus reculé. Leurs sens peuvent s’étendre à toutes les distances et dans toutes les directions, sans être arrêtés par aucun obstacle. 11 semble enfin que toute la nature leur soit présente ; la volonté même leur est communiquée indépendamment de tous les moyens de convention. Ces facultés varient dans chaque individu ; le phénomène le plus commun est de voir l’intérieur de leur corps et même celui des autres, et de juger

(i) Deuxième Mémoire.

avec la plus grande exactitude leu maladies, leur marche, les remèdes nécessaires et leurs effets ; niais il est rai e do voir toutes ces facultés dans le même individu. »

Quelques auteurs ont envisagé le somnambulisme comme un effet de l'imagination. Nous croyons cette prétention bien peu fondée. Une imagination surexcitée est plus nuisible qu’avantageuse dans la production de ce phénomène, surtout lorsqu’il est accompagné d’une certaine clairvoyance. Notre cerveau est plus souvent exposé aux impressions de la douleur que du plaisir, et nous avons mainte fois constaté qu’une émotion pénible paralyse la lucidité. Celui dont l’imagination est à peu près à l’état rudimentaire, comme l’homme des champs, ressentira plus facilement cette crise salutaire, sous l’empire du magnétisme, car la nature est toujours disposée à reprendre ses droits lorsqu’elle ne rencontre aucun obstacle sérieux.

Nous avons déjà cherché à démontrer le pouvoir de l’imagination dans la cure des maladies (1), mais nous estimons que ce puissant succédané du magnétisme ne rétablit l’harmonie dans les organes que par l’ébranlement général qu’il leur imprime; et l’expérience indique au contraire que le somnambulisme lucide se développe plus particulièrement chez les sujets dont l’esprit est tranquille et confiant, sous l’influence d’une action magnétique douce et calmante. Il ne faut donc pas s’étonner que les thaumaturges Gassner et Greatrak.es, auxquels nous ne pouvons contester la guérison de milliers de malades, n’aient presque jamais rencontré d’effets somnambuliques pendant leur longue pratique. Nous avons vu que le somnambulisme n’était même pas connu dans les salles de traitement de Mesmer, dont la méthode consistait spécialement à provoquer des crises ; ces crises ou convulsions devinrent si communes, qu’elles passèrent aux yeux de bien des gens pour un effet inévitable du magnétisme :

« Ce qu’il y a de remarquable, dit l’abbé de Fana (2),

(I) Voyez cc Journal, t. VIII, p. 481.

'2) Dp la r.iii'T lu sommeil lucide, t. I, p. 480.

c'est que le sommeil lucide, si facile à se développer dans ceux qui en sont susceptibles par leurs dispositions internes, ne se rendit jamais visible aux yeux des spectateurs dans l’usage des procédés de Mesmer. On ne peut penser que, dans le nombre des malades qui s’y soumettaient en foule, il ne se trouvât personne qui y eût de l’aptitude, car les expériences et les observations démontrent que le sommeil lucide, qui s’accommode au climat, aux tempéraments et à la qualité des aliments, est, en France, dans le rapport d’un à cinq ou six do la population. Il est donc clair que ces procédés étaient plus contraires que conformes au développement de cet état do calme cl cl’intuition.

Le célébré brahmine ajoute (1) :

(i Les procédés que j’emploie en public pour endormir, sont très-simples, ("est une vérité démontrée pour moi, qu’on ne fait point d’époptes (somnambules) de ceux qui ne le sont pas naturellement. On ne cherche donc qu’à développer ceux qui le sont déjà, toutes les fois qu’ils s’y prêtent ae bonne foi. Je m’assure d’avance, d’après les signes externes qui seront désignés en temps et lieu, de ceux qui ont des dispositions requises à la concentration occasionnelle, et en les plaçant commodément sur un siège,'je prononce énergiquement le mot donnez, ou je leur montre à quelque distance ma main ouverte, en leur recommandant de la regarder fixement, sans en détourner les yeux et sans entraver la liberté de leur clignotement. »

Le somnambulisme est souvent accompagné d’un sommeil particulier, qui .suffit pour reposer le sujet des fatigues d’une intuition prolongée. Cette somnolence précède parfois la crise somnambulique, et se rencontre fréquemment aussi en dehors de ce dernier état.

Le sommeil magnétique, analogue au sommeil ordinaire, paraît être le résultat d’une intermittence de toute surexcitation extérieure et interne, et consiste dans un engourdissement des organes de la vie de relation. Ainsi, la tranquillité de l’esprit et du coips dispose au sommeil magnétique. Celui qui pense et sent peu, dort d’un sommeil plus paisible que celui dont les sensations sont d’une grande activité.

(1) De la cause du Sommeil lucide, p. 192.

Suivant Cabanis (1), le sommeil est le reflux des puissances nerveuses vers leur source, et la concentration dans le cerveau des principes les plus actifs de la sensibilité.

D’après Azaïs (2) :

« Notre disposition au sommeil commence lorsque le mouvement du fluide nerveux se ralentit dans la partie du système organique consacrée aux sensations. Ce ralentissement procède de l’épuisement du fluide nerveux lui-même, qui, employé, dissipé par les sensations, par l’action musculaire et par toutes les opérations organiques, finit par ne plus être en quantité suffisante pour tenir distendus les nerfs de l’ordre sensible ; alors les nerfs tombent sous l’empire de la compression. »

Un sommeil profond afTaiblit les prérogatives do l’âme sur le corps; un sommeil léger réveille des sensations.

« Il existe entre la veille et le sommeil, un état intermédiaire qui donne lieu à des actions qui ne sont ni d’un homme éveillé, ni d’un homme endormi, et qui peuvent avoir ainsi des suites légales, qu’elles n’auraient pas sans cette particularité (3). i.

Le somnambulisme est bien manifestement une des formes de cet état intermédiaire.

Si le sommeil magnétique est beaucoup plus réparateur que le sommeil ordinaire, c’est qu’il est plus profond que ce dernier, et que le magnétiseur peut ordinairement, suivant sa volonté, en régler la durée et l’intensité. ~

Le somnambulisme présente d’innombrables modifications, qui n’ont pas permis, jusqu’à ce jour, de l’astreindre à des lois exactes. Pour les uns, il résulte d’une saturation de fluide nerveux, d’une turgescence des nerfs, d’une concentration fluidique au cerveau ; pour les autres, c’est une névrose, un état cataleptique, etc.

Plusieurs magnétistes attribuent le développement du som-

(1) Rapports du physique et du moral, t. II, g !*•

(Í) Du Magnétisme et de la Folie, p. 199.

(3) Méd. légale par Hotfbauer, trad. par Chambeyron et annoté par let doelcur» Esquirol el Itard, p. 247.

nambulisinc artificiel, à la grande aptitude d’un sujet à se saturer de fluide. Cette opinion n’est pas sans valeur, et l’expérience nous l’a souvent démontrée. Cependant, nous avons vu aussi ce phénomène survenir sous la détermination d'un simple acte de la volonté, sans déperdition fluidique appréciable. 11 y a même des personnes qui peuvent volontairement se jeter en somnambulisme.

Nous négligerons ici l’étude des différentes transformations du somnambulisme, pour ne nous attacher qu’à une seule espèce : le somnambulisme médical ; il se produit sous deux formes bien distinctes, que nous avons désignées sous le nom de vision médicale et d'instinct médical, dont nous avons déjà longuement parlé dans ce Journal (1).

Nous ne discuterons pas de nouveau la valeur de ces deux genres d’intuition, que nous généraliserons sous le nom de somnambulisme médical.

Tardy de Montravel compare le somnambule lucide à un habile horloger, qui peut indiquer le temps qu’un rouage de montre mettra à décrire sa révolution; qu’une dent vienne à se briser, il sera en défaut, comme le malade auquel survient un accident que le somnambule n’aura pu prévoir, et qui dérangera le cours de la maladie. Une variation atmosphérique, une émotion vive, la fatigue qui résulte de questions oiseuses, indiscrètes ou trop prolongées, etc., deviendront préjudiciables à la clairvoyance du sujet.

Les somnambules qu’une imagination ardente écartera des limites de leur instinct, pour les plonger dans le domaine des visions et des chimères, ou bien ceux qui ne sauront se soustraire aux impressions de leur magnétiseur ou des assistants, tomberont infailliblement dans de fréquentes erreurs.

Lorsque le système nerveux cérébral se trouve trop fortement excité, le somnambule s’abandonne généralement au délire de son imagination ; l’exercice intellectuel remplace les perceptions instinctives, qui ne reparaissent qu’accidentellement et à de rares intervalles.

« Dès que le somnambule, dit Deleuze, cesse de parler de ce qu’il sent pour parler de ce qu’il imagine, il s'égare d’autant mieux que son imagination est plus exaltée. »

Il est donc d’une grande importance d’éloigner toute influence extérieure, et d’être en garde contre les souvenirs de la veille.

Dans la vision soimiambulique, le sujet distingue les organes et leurs principales modifications morbides, il apprécie l’intérieur de son organisme, de la même manière que nous discernons le mécanisme d’une montre dont nous ouvrons le boitier. Dans l’instinct somnambulique, au contraire, il sent et ne voit pas, son intuition est plus parfaite. Cet instinct, qui paraît appartenir à l’appareil du système nerveux ganglionnaire, indique une grande affinité avec cet admirable prédisposition intuitive de la plupart des animaux.

Le fœtus vit comme les végétaux, par intus-susception ; lorsqu’il vient de naître, il n’a pas encore d’idées; l’instinct de conservation le dirige alors vers l’alimentation dont il a besoin. L’existence des insectes est purement instinctive et peut s’assimiler à la nutrition des plantes. Leur instinct n’est pas susceptible de perfectionnement, et cependant il est déjà plus développé que celui des végétaux et des zoophytes. Les différentes espèces d’oiseaux bâtissent toujours leur nid de la même manière, sans avoir jamais appris. Si la domesticité annule en grande partie les facultés instinctives des animaux, pourquoi la civilisation ne produirait-elle pas le même effet chez l’homme, en développant les germes de l’intelligence au détriment des propriétés animiques? C’est avec raison, qu’un de nos plus spirituels auteurs, Ch. Nodier, prétend (1) :

« Que cette accumulation de facultés excentriques a dû se rencontrer plus souvent dans un état de société où l’homme ne touchait aux formes générales de la civilisation que par un très-petit nombre de points, et où l’âme n’avait de développement qu’en elle et d’exercice que sur elle-même. »

L’intuition somnambulique s’observe plus particulièrement

(I) Salon littéraire, !* juillet 1843.

dans l'âge adulte ; elle est rare dans l’enfance et la vieillesse. On la rencontre plus souvent chez les malades que chez les gens bien portants; c’est alors une crise de la nature qu’il faut utiliser au profit de la guérison ; car, nous pouvons avancer, avec un célèbre publiciste (1) :

« Que la nature veut toujours guérir, puisqu’elle veut essentiellement l’ordre, et qu’il existe en elle un mouvement réparateur qui tend sans cesse à le reproduire. C’est toujours la nature qui guérit, car si elle ne voulait pas guérir, et si le mouvement dont on parle n’existait pas dans son sein, nous demandons comment on s’y prendrait pour opérer une guérison. La nature ne guérit que par des crises, c’est-à-dire, par un combat entre elle et le mal qu’elle veut détruire, combat qu’il importe d’autant plus de ne pas interrompre dans les moments de sa grande activité, qu’en rendant alors l’action de la nature plus énergique, il en augmente infailliblement l’efficacité; cette seule idée, que je vois descendre des hauteurs du système du monde, quand elle sera bien approfondie , bannira de la médecine une foule d’erreurs. »

Le somnambulisme lucide, chez les malades, n’est, le plus ordinairement, qu’un symptôme critique qui disparaît avec la maladie. Lorsqu’il survient chez les personnes bien portantes, il peut se prolonger indéfiniment, à moins, toutefois, qu’il ne soit suspendu par une des causes dont nous avons fait mention, telles que : maladies, impressions morales, longues fatigues, etc.

On lit dans les Annales de la Société harmonique de Strasbourg, t. ni, p. 173, qu’à des époques où la température.était extrêmement variable, plusieurs somnambules se plaignaient que leur clairvoyance en souffraient au point qu’ils ne distinguaient plus leurs maux. Nous pourrions nous-même ajouter bien des faits à l’appui de cette observation.

Le Dr Charpignon a observé (2) :

ci Qu’un caractère essentiel et commun à tous les degrés du somnambulisme, c’est Y oubli complet au réveil de ce que

(1) Considérations sur le Magnétisme, par Bcrgassc, p. 114. (9) Physiol. méd. du Magnétisme, p. 65.

l’individu a dit et fait pendant son sommail; qu'il y a bien quelques exceptions, mais qu’elles sont rares, et n’arrivent qu’aux premières magnétisations. »

Nous regrettons de nous trouver ici en dissidence avec notre savant confrère, dont nous partageons toutes les autres idées en magnétisme. Nous avons eu l’occasion de nous assurer, à de bien rares exceptions près, que nos somnambules lucides ont conservé le souvenir de tous les faits dont ils voulaient se rappeler, à leur retour dans la vie ordinaire; nous avouerons même qu’un effort do volonté nous a sufli pour obtenir ce résultat. Mainte fois nous avons utilisé cette aptitude, en faisant succéder, momentanément il est vrai, un naturel mélancolique un caractère enjoué et satisfait.

Beaucoup d’anti-mesmériens s’étonnent que l’on recherche pour les expérimentations magnétiques des femmes d’une constitution nerveuse, de préférence à des hommes vigoureux ; cette objection n’est pas sincère, car on n’ignore pas que pour des expériences dont le but est d’étudier les différents modes d’innervation, on choisira toujours les sujets les plus impressionnables ; de même que pour des épreuves électro-dynamiques, on donnera l’avantage aux instruments d’une grande sensibilité et d’une parfaite précision. Chez les femmes, l’organe des sens n’a-t-il jpas plus de finesse que chez l’homme? Le tact n’est-il pas plus délicat, la conception plus prompte, le sentiment plus exquis, la foi plus profonde? Leur tempérament nerveux-lymphatique et leur existence tout affective ne les prédisposent-ils pas merveilleusement aux impressions du magnétisme?

On a beaucoup raisonné sur la cause des sentiments d’a-mour-propre et d’égoïsme que l’on observe communément chez les somnambules. L’explication nous en paraît bien simple : dans cette autre vie, où la dissimulation n’est qu'une exception, les somnambules s’olfrent à nous tels qu’ils sont réellement, c’est-à-dire avec une certaine dose d’orgueil, penchant si naturel à l’espèce humaine et que l’éducation seule parvient à déguiser. Ce sentiment sera donc plus apparent et se trahira sous l'influence d’une excessive sincérité ;

il sera, du reste, fortement compensé par cette affectueuse bienveillance que l’on rencontre chez la plupart des sujets lucides qui savent si bien s’identifier aux souffrances de leurs malades. L’orgueil ne peut-il pas se justifier lorsqu'il s’appuie sur les devoirs de la bienfaisance?

Les somnambules d’une clairvoyance précise ne sont pas susceptibles de ressentir ce sentiment de rivalité si commun chez les somnambules d’une lucidité problématique. Loin de là, une sympathie parfaite semble les rapprocher et concentrer leurs pensées vers le bien qu’ils se proposent de faire.

Ce long article serait encore bien incomplet, si nous n’avions traité antérieurement cette matière (1). Depuis De-leuze, cette branche de l’art de guérir est restée staiion-naire; les somnambules d’aujourd’hui ne sont pas plus lucides que ceux d'autrefois, seulement ils se multiplient dans une telle proportion, qu’on pourrait facilement s’y méprendre ; malheureusement la qualité ne répond pas à la quantité. Les extra-lucides de la capitale ne sont pas plus infaillibles que les autres, et nous avons constaté chez plusieurs des plus célèbres l’impuissance et le charlatanisme. Des médecins môme n’ont pas rougi de devenir les complices de pareilles escroqueries, soit en prenant la direction de ces sibylles de contrebande, soit en faisant valoir à leur profit des facultés intituives qu’ils n’avaient pas (2).

Les découvertes les plus précieuses entraînent presque toujours des abus à leur suite; c’est un mal qu’il faut supporter comme les autres plaies sociales dont 011 n’a pas encore trouvé le remède.

On s’est ému naguère des poursuites judiciaires exercées contre des magnétiseurs et des somnambules. 11 est vrai que

(1) Voir le 1. VII, p. 263 à 277 et p. 298 à 308 de ce Journal.

(2) Il y a maintenant des médecins somnambules qui prétendent réunir à leurs connaissances pratiques Jes avantages de l'instinct des remèdes et de la vision médicale à distance. Loin de nous la pensée de récuser la possibilité de ces faits, mais nous devons déclarer hautement que s'il existe parmi eux des interprètes de l'avenir, on y rencontre aussi des fourbes et des fripons. Les témoignages ne nous manqueraient pas, au besoin, à cet égard.

nul n'a le droit d’exercer la médecine, s’il n’y est autorisé. Or, la loi ne reconnaît ni l’existence du magnétisme ni la réalité de l’intuition somnambulique ; comment condamnerait-elle une médication qui n’est qu’illusoire à ses yeux? Tant que les tribunaux refuseront une existence légale au magnétiseur, ils ne pourront sans inconséquence improuver l’application du magnétisme au traitement des maladies. Pourquoi refuserait-on un magnétiseur désintéressé la liberté de guérir ses semblables par des moyens parfaitement inoffensifs et que la loi met au nombre des chimères ? Quant à l’emploi des médicaments dont la prescription appartient légalement aux médecins patentés, les magnétiseurs ou les somnambules seront parfaitement à l’abri de toute responsabilité, sous la direction d’un homme de l’art.

Déplorons sincèrement les erreurs de la justice, toutes les fois qu’elle confond l’innocent avec le coupable ; mais aussi prêtons-lui main forte pour déjouer les prestiges de tous ces faux prophètes si préjudiciables aux progrès du magnétisme. Notre confiance et notre courage ne faibliront pas, tant que nous verrons cette science de charité et de dévouement sous la sauve-garde d’hommes aussi probes et aussi éclairés que MM. du Potet, Aubin-Gauthier, Charpignon, Hébert (de Gamay), Mialle et autres dignes émules des De-leuze et des Puységur.

D' A. PERWER.

(Prochainement le chapitre V.)

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

CLINIQUE.

PARAPLEGIE HYSTÉRIQUE DISPARAISSANT SOUS l’INFLUENCE DIT MAGNÉTISME ET l)E I.'eAU FROIDE. — HYDROPERICARDITE (1).

Mm* ***, âgée de vingt-cinq ans, tempérament lymphatique nerveux, a été amenée à l’établissement le 9 août 1850.

Circonstances commémoratives. — Je vais laisser ici parler la malade qui, dans le sommeil magnétique où on vient de la placer, donne elle-même les détails exacts qui se rapportent à l'invasion de sa maladie :

« En 1838, je fus atteinte au mois de mai d’une fièvre cérébrale avec délire pendant trois mois, et qui fut suivie d’une convalescence de quinze mois. A la suite de cette maladie, il me resta une toux fréquente et de grands maux de tête. Air mois de mai 1842, en faisant une promenade en bateau sur le lac de Zurich avec mes amies, nous tombâmes à l’eau et j’en fus retirée la dernière, évanouie et presque asphyxiée. Après cet accident, je gardai le lit pendant neuf mois, j’eus des crachements de sang, et le traitement à l’eau froide ayant été appliqué, il fut couronné d’un plein succès. Je me mariai en octobre 1844. Au mois d’avril 1845, j’eus une forte émotion, après la chute de sangsues qu’on m’avait appliquées sur le dos, où je commençais à souffrir. J’eus alors une première crise nerveuse, pendant laquelle on me pratiqua une saignée. A la suite de cette dernière, le bras droit et la paupière de l’œil gauche commencent à, se paralyser. Cet état dura jusqu’au mois d’octobre suivant. Au mois de mars 1840, l’estomac et la jambe gauche se paralysent, et

(1, Voir la lettre du D' P. Vidart, directeur de l'établissement hydrothéra-pique de DUonne, près G ex (Ain), insérée dans ravaiH*dcrnier numéro, tome XI* page 690.

Tous XII. — X» 15®. — 25 uxviEr. 1853. S

les douleurs du dos et du cœur apparaissent pour la première fois et durent avec intensité jusqu’à la fin de septembre. On m’envoya à Bretiége, où je suivis un traitement bydrotliéra-pique, depuis le mois d’août jusqu'à la fin de novembre. Une grande amélioration, qui fit croire à une guérison complète, apparut en décembre et janvier 1S/|7. Au mois de février, retour de la paralysie de l’estomac. Au mois de mai, cure nouvelle à Bretiége. J’éprouve un peu de soulagement pendant les trois premières semaines ; plus tard, cependant, la main et le bras droit se paralysent avec contraction nerveuse excessive. La paralysie gagne les jambes, puis la paupière gauche. On est effrayé de mon état, et on ne veut plus me garder à Bretiége. I)e retour dans ma famille, j’eus des crises presque continuelles, pendant lesquelles je perdais connaissance, quelquefois durant dix-huit jours consécutifs. Cet étal était accompagné de raideur cataleptique dans les membres. Au mois de septembre, les deux paupières se pîiralysent ;

Suis, en novembre, le bras et la main gauche, à l’exception u pouce et de l’index. A la fin de novembre, les deux mâchoires se resserrent. Depuis ce moment, jusqu’au milieu de mars 1848, on est obligé de me les desserrer de force, à l’aide d’instruments, pour pouvoir introduire une sonde dans l’estomac , et par ce moyen me donner à boire du lait (seul aliment que je puisse supporter) et de l’eau. Dans cet intervalle, malgré tous les moyens violents employés quelquefois, on ne pouvait pas absolument desserrer les mâchoires. On voulait môme, à ce propos, me couper les dents incisives, pour permettre l’introduction des boissons alimentaires. Alors, presque tous les dix ou quinze jours, on me pratiquait mie saignée. Bientôt on ne mit plus pour cette opération que deux jours d'intervalle. Au milieu de mars, serrement du gosier ; on ne peut plus passer la sonde; je reste quinze jours sans boire ni manger; j’étais tellement épuisée, qu’on n’osait plus me saigner. On m appliqua, sans résultat, la botte de Junod, ainsi qu’un cautère actuel ou marteau sur le cou : le chloroforme lui-mèine ne produisit aucun effet. Enfin, au bout de quinze jours, on parvient à me faire ouvrir la bouche. J’oubliais de vous dire que, depuis mon retour de Bretiége, le médecin qui me soignait m avait soumise, en désespoir de cause, à des passes magnétiques qui n’amenaient pas le sommeil, mais qui me calmaient, sans qu’il pût s'en rendre bien compte, et qui permettaient d’entr’ouvrir les mâchoires, en les desserrant légèrement. Depuis lors, le magnétisme a été continué. On put donc me faire avaler une cuillerée à soupe

au lait. Après ces premières passes magnétiques, ma mâchoire se referme pendant quinze jours; nouvelle saignée, après laquelle ma mâchoire s’ouvre spontanément; je me rappelle alors avoir mangé deschotix-lleurs avec beaucoup déplaisir.

I ne demi-heure après, nouveau resserrement de la mâchoire, pendant douze jours; nouvelle saignée, qui produit la môme détente; la mâchoire est de nouveau resserrée pendant vingt-un jours. Dans tout cet intervalle, je ne pris aucune nourriture. Le délire vint compliquer mon état.

« En mai I8/18, application régulière du magnétisme.

« Au bout de huit jours, l’œil droit s’ouvre. Le dixième jour, les passes magnétiques sur la mâchoire la desserrent. L’haleine du magnétiseur à l’extérieur et à l’intérieur dilate le gosier. On me magnétise chaque jour, pour pouvoir me faire ouvrir la mâchoire et me faire manger ; au bout de trois semaines, je puis remuer tous les doigts de la main gauche ; «leux jours après, le bras gauche; au commencement de juillet, le bras droit; quelques jours après, l’œil gauche. \ la fin de juillet, je commence à marcher; les douleurs du dos se câlinent, je puis manger sans être magnétisée. Ce fut alors que mes jambes, mes mains et mon estomac commencèrent à enfler. Depuis ce moment jusqu’au mois de novembre, l’amélioration augmente; magnétisme, dix heures par jour. En novembr e, départ pour Nice avec la personne qui me magnétise. Le changement d’air et le voyage sur mer me font du bien. A Nice, continuation du magnétisme ; amélioration étonnante jusqu’au mois de mars 18/|S); la mâchoire se resserre alors pendant dix jours. Quand elle est desserrée, le bras droit est paralysé pendant dix jours. Je commence à prendre des bains de mer. Les huit premiers promettent un bon résultat; le dixième amène de grandes taches bleues sur le visage; le onzième, un violent regorgement de sang; le douzième une crise, avec raideur cataleptique pendant quarante-huit heures : on suspend les bains. Les douleurs du dos reparaissent plus violentes que jamais. Nous quittons Nice au mois de juin. Le 12, je rentre dans ma famille et on cesse le magnétisme. Au bout de vingt jours, les douleurs du dos reviennent excessives ; la mâchoire est resserrée de nouveau pendant cinq jours. Mon médecin, que j’ai fait appeler à mon retour, recommence le magnétisme. A la fin d’août, je suis beaucoup mieux. Les jambes se paralysent pendant quinze jours; puis enfin l’estomac reste dans cet état jusqu’à la fin d’avril 1850. Le 1" février, la mâchoire se resserre de nouveau pendant trois mois. Pendant ce temps, j’avais rarement

îles crises dans la journée, mais la nuit j’en avais successivement jusqu’à vingt. Souffrances aiguës dans tout le corps, surtout dans le dos eiie cœur; étourdissements continuels au moindre mouvement. Ne pouvant absolument pas rester couchée, parce que le moindre attouchement me causait d'horribles douleurs, on essaya de me placer sur une vingtaine de vessies remplies d’air. Ce moyen même a échoué, et le dos était toujours tellement douloureux, que pendant longtemps on était obligé de me soutenir les épaules au-dessus du lit, pour éviter tout contact, et que le simple fait même qu’on portait les yeux sur mon dos me faisait crier.

« Au mois de mai 1850, suspension du magnétisme, à la suite de l'apparition d’une lièvre cérébrale avec délire, qui dura jusqu’à la fin de mai ; six jours après cette suspension, les deux jambes se paralysent ; j’eus alors une toux violente, un crachement de sang continuel, dix à douze syncopes par matinée, avec raideur cataleptique. Le mal empire jusqu’à la fin de juillet. On était généralement convaincu que j’avais une maladie de poitrine ; mon médecin seul ne le pensait pas. Au mois d’août, je suis un peu mieux ; le 9 je pars pour Divonne.

« 11 est important de noter que je n’ai pas dormi un seul instant depuis le commencement de ma maladie. »

État de la malade. — Constitution épuisée par de longues souffrances, peau blanche, mate, taille élevée, cheveux blonds, œdème général plus prononcé vers les extrémités. La température de la bouche marque 33° centigrades; celle de dessous les aisselles est de 29° à 30°, et celle des régions poplitées de 14" à 15°. La paraplégie est complète; la malade ne peut, même dans la position horizontale, déplacer ses jambes et leur faire faire le moindre mouvement; la sensibilité des membres inférieurs est entièrement abolie à partir du bassin.

Traitement. —Le mardi 13, on porte Mme ***sous la douche à colonne que je fais diriger sur le dos et les jambes ; continuation pendant sept jours.

« Le 20, crise nerveuse avant de prendre la douche ; on transporte la malade immédiatement dans son lit.

(( Cette crise se manifeste, comme les précédentes, par les caractères suivants : face contractée, grippée, bouche tordue rrégulièrement, yeux fermés et le globe renversé, pâleur

inale du visage qui offre l’apparence de la cire blanche, le cou fortement, tendu et gonllé, raideur cataleptique excessive de tout le corps, il“' *** reste dans la position où on la place; froid général, pouls assez naturel ii 80, fortes palpitations, respiration pénible et oppression, quelquefois arrêt de la respiration pendant un moment, estomac gonllé; les côtes soulevées spasmodiquement à la base du thorax ; l’é-pigastre et l’abdomen, démesurément gonflés, sont durs et résistants. Pour calmer cet état, je lui administre sans succès quelques cuillerées d’une solution d’un sel de morphine que son médecin avait l’habitude de lui donner comme réussissant le mieux à la calmer, et dont elle avait déjà fait un abus excessif, ainsi que de tous les narcotiques qu’on pouvait imaginer. Ce moyen échoue. Sa belle-sœur, qui était présente, nous dit que, dans ses crises, on parvenait toujours à lui rendre le calme en la magnétisant. Je m’approche d’elle et je veux lui appliquer ma main sur l’épigastre : ses douleurs paraissent plus vives, les contorsions du visage augmentent. Mon frère, le D'Alphonse Vidait, me remplace; il lui prend la main ; au bout de quelques minutes, le calme renaît et la raideur cataleptique disparaît. La malade, entraînée par l’affinité magnétique qui semble par hasard exister entre elle et mon frère, cherche instinctivement à placer ses pouces de manière que l’extrémité des doigts de mon frère corresponde avec l’extrémité des siens : la pulpe des pouces se trouve en contact et en opposition. Au bout de quelques minutes , elle s’endort pendant une heure et demie ; pendant ce sommeil, elle est très-clairvoyante; elle indique elle-même ce qu’il faut faire pour la réveiller : ce sont des passes en sens inverse de celles qu’on emploie ordinairement pour provoquer le sommeil, pratiquées transversalement d’abord sur tout le corps, en remontant de bas en haut, puis sur chaque bras en particulier. Au bout de vingt à vingt-cinq minutes que durent ces passes, elle ouvre les yeux, l’œil gauche toujours quelques minutes après le droit, et revient complètement à elle, en demandant naïvement si elle ne venait pas d’avoir une crise.

u Le lendemain 21, M“* *** est de nouveau soumise au magnétisme; à peine fut-elle endormie, qu’appliquant 1ns extrémités des doigts comre les siens (ce qui ne demanda pas plus d’une minute), nous la questionnâmes sur son étal. Elle nous dit qu’elle voyait très-bien; que si 011 n’avait pas discontinué le magnétisme au mois de mai 1850, elle ne serait pas actuellement paralysée; que le traitement par leau froide lui sera très-salutaire, mais qu’il ne produira rien ou peu de chose si elle ne peut marcher et faire ses réaclions après sa douche ou son grand bain ; qu’en conséquence il fallait, trois fois parj jour, la magnétiser : à dix heures moins un quart du matin, à quatre heures et demie du soir, et à dix heures du soir; le malin pour prendre une piscine, l’après-midi une douche à colonne, et Je soir pour iui procurer le seul sommeil dont elle puisse jouir. Elle déclare en outre qu’il fallait pour l’endormir la simple application des pouces de mon frère contre la pulpe des siens pendant trois quarts d’heure, au bout desquels il fallait faire sur les deux jambes, et de haut en bas, un certain nombre de passes, dont elle indiquerait elle-même le nombre, à l’effet d’amener le calorique suffisant ; qu’immédiatement après la paralysie aurait disparu, qu’elle pourrait se lever, s’habiller, »lier elle-même au bain, faire les opérations nécessaires, marcher une demi-heure, revenir se coucher, et que là seulement on la réveillerait; que pour la réveiller il n’était plus nécessaire de faire des passes en sens inverse, comme la première lois, parce qu’elle s’apercevait que cela fatiguait beaucoup trop mon frère, et qu’il ne serait besoin que du souffle froid du magnétiseur, dirigé avec une certaine force sur la face, les yeux et principalement le front, pendant environ dix minutes. Elle termina en nous certifiant que si toutes ses indications étaient remplies scrupuleusement pendant sept semaines consécutives, le cinquantième jour sa paralysie aurait disparu, et elle marcherait étant éveillée. Nous la réveillâmes par le moyen qu’elle avait indiqué, nous promettant bien de suivre ponctuellement toutes les prescriptions qu’elle avait tracées.

(i Cette malade oyait des antipathies prononcées: certaines personnes, qu’elle affectionnait vivement dans 1 état de veille et qui lui étaient très-chères, lui causaient les-plus horribles souffrances quand, placée sous l'influence magnétique, elle les rencontrait sur son passage. Dans ce cas, elle ne les voyait ni ne les entendait, elle les sentait seulement. J’étais moi-même du nombre de ces non-privilégiés, et j ai pu m’assurer, par un sentiment de curiosité et d'investigation qu’on me pardonnera sans doute, que les douleurs causées par ma présence étaient très-réelles; plusieurs fois, dans des circonstances et des conditions que j'avais pour ainsi dire préparées et calculées, je me suis approché d’elle par derrière, sans qu’elle pût me voir. Elle causait sur un banc du jardin, pendant son sommeil magnétique, avec une ou deux personnes qui lui étaient sympathiques ; scs yeux étaient complètement fermés: elle me tournait le dos; malgré cela, elle ressentait toujours mon influence contraire quand j’étais encore à vingt pas d’elle ; ses traits étaient crispés, et* tournant son visage de mon côté, elle m’apostroplia un jour, en me disant que j’avais tort de jouer ainsi avec les douleurs qne je lui causais.

Le 22, les deux mâchoires se resserrent comme autrefois.On plonge alors M“° *** dans le sommeil magnétique pour lui faire ouvrir les mâchoires et la faire manger ; suivant sa prescription, on lui fait des passes avec les pouces réunis sur la ligne médiane de la lève supérieure, sans toucher la peau, en les écartant l’un de l’autre et en les portant de dedans au dehors, jusques et au delà de l’occiput. Une fois le nombre de passes fixé par elle atteint, elle fait appliquer l'extrémité dès doigts de chaque main réunis sous et derrière le lobule ïe l’oreille, au lieu même où s’articule le maxillaire inférieur avec le temporal. Au bout de huit à dix minutes environ, ses lèvres s’ouvrent, ses dents se desserrent peu à peu, et après des efforts réitérés, la mâchoire inférieure s’abaisse assez pour permettre l’introduction d’un morceau de croûte de pain, taillé préalablement par elle en forme de pierre à fusil. Tout le temps que les doigts restent appliqués, elle avale

air' i un morceau de croûte de pain de la grosseur d'un reuf. Uue fois son repas terminé, 011 reprend le contact des pouces. jusqu’au moment où la malade doit prendre son bain.

Le premier jour où sa mâchoire sedesserra sous l'influence do ces moyens, elle annonça qu'au bout de huit jours ce «¿serrement disparaîtrait et qu’elle mangerait sans ce secours. Effectivement, le 30, la mâchoire s’ouvre spontanément. Dans le courant des sept semaines dont nous attendions le terme avec impatience, le traitement indiqué fut. poursuivi. Indépendamment des syncopes cataleptiques qui se renouvelaient jusqu'à vingt-cinq fois chaque nuit, et dont, la plus forte durait une demi-heure environ, elle eut trois crises plus fortes, dont la plus violente, et qui selon elle devait être la dernière, dura soixante heures. Elle avait annoncé durant son sommeil, le mercredi 9 octobre, que cette crise commencerait le dimanche 13, à neuf heures du soir, qu’elle durerait soixante heures et qu’il fallait, sans chercher à la calmer, lui laisser suivre son cours. Elle vint à l’heure indiquée et se termina le mercredi 16, à neuf heures du matin. 11 est bien entendu qu’après son réveil, la malade n'a aucun souvenir de ce qui s'est passé dans son sommeil magnétique ou dans ses crises spontanées, et que nous nous gardons bien de lui faire part des prédictions qu'elle a pu faire.

« Voici les phénomènes principaux qu’a présentés cette crise :

Ce jour-là mon frère est obligé de s’absenter ; je reste donc seul près d’elle, et, sans lui parler de la crise, j’attends et j’observe. A huit heures du soir, elle a de violentes palpitations, elle est oppressée, elle étouffe. J’ouvre les fenêtres : la face pâlit, elle s’agite dans son lit, le pouls est à 90, et à huit heures et demie le globule de l'œil gauche se renverse ; des mouvements convulsifs agitent ses membres, elle les étend outre mesure, comme dans les pandiculations ; le pouls est à 100, les battements du cœur sont tumultueux ; il y a voussure de la région précordiale, de l’épigastre; le ventre est énorme, dur et tendu, le cou démesurément gonllé , les

muscles tic celle région énergiquement contractés; elle a un mouvement de déglutition bruyant, continuel. A neuf heures, les yeux se ferment, l’agitation continue; le pouls est à 120, les traits du visage se contractent; il y a trismus et contorsion des lèvres. Je ne puis qu’avec beaucoup de peine, soulever les paupières, qui me laissent cependant voir le globe de l’œil convulsivement porté vers le haut de l’orbite; c'est à peine si j'entrevois le bord inférieur de la cornée. A neuf heures un quart, elle est en apparence plus calme; le corps est immobile, courbé en arc comme dans l'opisthoto-nos; l’insensibilité est générale et complète ; perte de connaissance absolue : le visage est terne ; les extrémités sont glacées ; on la croirait privée de vie, si la respiration n'était pas râlante et le pouls ii 120. Elle reste dans le même état jusqu’au lendemain soir, moment auquel les phénomènes déjà décrits redoublent d’intensité, l’agitation est plus grande ; quelques noms de personnes qui lui sont chères s'échappent, presque inintelligibles de ses lèvres. Le pouls est toujours à 120, petit et serré. Effrayé de cet état, mou frère passe la plus grande partie de la journée du mardi à faire des passes qui n’amènent aucune espèce de soulagement. Elle pousse des cris plaintifs. Le mercredi matin, même état jusqu’à neul heures moins dix minutes; dans ce moment, les plaintes sont plus fréquentes ; elle pousse des sanglots convulsifs ; puis la détente se fait tout à coup à neuf heures précises ; la chaleur reparaît, le poids tombe aussitôt à 80 ; elle reprend connaissance, et conserve toute la journée beaucoup de faiblesse et de fatigue. Elle était restée plus de soixante heures sans manger et se croyait au lundi matin.

Rien de remarquable jusqu’au 21 octobre, époque à laquelle elle peut faire quelques pas, à l’aide d’un appui. Elle s’essaie à marcher, comme un enfant. Le 26, elle marche seule, mais ne peut descendre ni monter l’escalier. La santé générale est satisfaisante, mais les palpitations persistent.

( Bien cpi'il y ait soixante-quatre jours du 21 août au 24 octobre, le magnétisme n’a été employé que pendant quarante-neuf jours, et c’est juste le cinquantième qu’elle a

commencé à marcher, ainsi qu’elle l’avait prédit. Quand elle put faire, les premiers pas, elle n’en avait pas la conscience. Les mouvements des jambes se faisaient sans que la sensibilité y fût revenue (1).

Depuis le 26 octobre, elle alla tous les jours prendre une douche étant éveillée, et une piscine étant magnétisée, parce que, d’après une recommandation qu’elle avait faite elle-même, le froid de l’eau, enveloppant uniformément le corps dans toutes ses parties, aurait été nuisible à son affection du cœur, si elle eût pris le grand bain à l’état de veille. Effectivement , j’ai appris que lors de ses deux séjours à Bretiégc on était obligé, quand elle prenait un grand bain, de lui appliquer un morceau de sparadrap sur la région du cœur. Elle ne pouvait supporter le bain qu’avec cette précaution , qu’elle fut même obligée de prendre aussi à Divonne pendant les premiers jours de sa cure.

Dés le i 2 novembre, la sensibilité reparaît graduellement et persiste. Déjà la température de la région poplitée était depuis quelque temps en harmonie avec celle du reste du corps, et souvent elle ressentait, disait-elle, des bouffées de chaleur jusqu’à l’extrémité des pieds ; mais la température de ces derniers, quoique augmentée, n’était encore qu’à 20» ou 22°. Ce ne fut que vers la fin de novembre que la chaleur fut uniforme. Le 3 décembre, elle éprouve de la peine à digérer. Cette difficulté augmente jusqu'au 9, où la paralysie envahit l’estomac. D’après les prescriptions qu’elle avait faites pendant le sommeil magnétique, elle suit un régime particulier, savoir : viandes blanches, veau et poisson, riz au lait ou au beurre, pâte, fruits cuits, pain rassis, lait coupé avec de l’eau, et de l’eau pour boisson. Cette paralysie de l’estomac, après avoir augmenté, doit se dissiper, a-t-elle dit dans son sommeil, à la fin de janvier.

Du 9 au 24, vomissement de tous les aliments ingérés, excepté du déjeûner qui se compose de lait et d’eau. Depuis

(!) O'eM l'inverse de ce qui a eu lieu dans le cas d'Eugénie Morel, rapport par H. le ginéial Cubières, dans les iones X el XI.

(Xole de I* rédaction.)

plusieurs jours, elle a des crachements de sang. Le magnétisme continue deux fois par jour, une séance le matin et une l>.! soir, pour lui donner le sommeil. Nous ferons observer que, pendant tout le cours du traitement, la menstruation n'a présenté aucune irrégularité, et que cependant il était nécessaire de suspendre les bains, mais non le magnétisme, qui prévenait ou amoindrissait les syncopes cataleptiques apparaissant plus nombreuses et plus violentes dans ce moment critique. D’un autre côté, la constipation était opiniâtre, elle restait quelquefois neuf ou dix jours sans aller du ventre, et encore les selles étaient-elles dures, douloureuses et peu abondantes ; comme elle n’avait jamais pu prendre par la bouche ni en lavement le plus léger laxatif sans éprouver une crise violente, j’étais encore obligé de vaincre sa répugnance pour lui faire prendre quelques lavements huileux.

Pendant le sommeil magnétique qui fut communiqué à, cette malade, elle nous présenta tous les effets ordinairement produits parle magnétisme, et, de plus, une clairvoyance extraordinaire, dont nous avons été souvent à même de vérifier l’exactitude. Le contact des métaux lui causait de vives douleurs ; quand on voulait l’endormir du sommeil magnétique , et pour que l’opération se fit promptement et sans peine, il était absolument nécessaire d’ôter de ses doigts ou de ceux du magnétiseur les bagues ou les anneaux en or qui s’y trouvaient.

Un des plus curieux exemples de vue à distance que j’aie constaté, est celui-ci. Pendant son séjour à Divonne, son mari vint la visiter, et, de concert avec lui, nous avons décidé que, de retour à V***, distant de Divonne de douze lieues, il noterait exactement, au jour et aux heures convenus, tous les actes qu’il lui conviendrait de faire, c'est-à-dire, le même jour de quatre à six heures et de neuf à dix heures du soir. Parfaitement fixés sur ce point, mon frère endonait la malade au même jour et aux mêmes heures, puis, interrogée sur ce que faisait son mari, elle nous dit, après quelques efforts que la volonté du magnétiseur lui fait vaincre, qu’elle le voit très-distinctement, causant avec son beau-frère devant leur

maison ; qu’ils se dirigent tous deux chez sa belle-mère pour lui donner des nouvelles de sa santé; de là riiez son beau-frère, où il reste au milieu de sa famille jusqu’à cinq heures et quart, qu’il rentre chez lui pour y goûter; que de neuf à dix heures il se rend au cercle ; qu’il rentre chez lui pour se coucher; enfin, qu’il lit une histoire dans le Journal des Demoiselles, portant pour titre : /m Perle du 45".

Elle se réveille quelques instants après, sans conserver le souvenir de ce qui s’est dit ou fait dans son sommeil.

Deux jours après, nous recevons de son mari la lettre suivante :

i Mon cher Monsieur,

« Comme nous en sommes convenus, j’ai pris note, lundi, de ce que j’ai fait ici dans les heures que vous m’avez désignées, et je viens vous en faire part. A quatre heures du soir, je me trouvais devant notre maison avec mon beau-frère ; de là nous avons été ensemble chez ma belle-mère pour lui donner des nouvelles de ma femme ; ensuite j’ai été chez mon beau-frère, où je suis resté avec la famille jusqu’à cinq heures et quart; puis j’ai été goûter chez moi. Voilà tout ce que j’ai fait de quatre à six heures. De neuf à dix heures, j’étais au cercle ; ensuite je me suis couché et j’ai lu mie histoire dans le Jouriuil des Demoiselles, portant pour titre : La Perle du 45'.

Si vous avez questionné ma femme sur ce que je faisais dans ces moments, vous pouvez vérifier si elle s’est trompée.

« Veuillez recevoir, etc. »

« V...., 12 décembre 1850. •

Je puis affirmer que les précautions les plus minutieuses ont été prises par nous pour éviter toute supercherie, et que le cas singulier que je viens de rapporter n’est qu’un faible échantillon de la lucidité dont elle nous a souvent rendus témoins.

M” *** part pourV.... le 25 décembre. Après une absence de quinze jours passés au milieu de sa famille, elle revient à Divonne le 8 janvier 1851.

Tel est l’état qu’elle me présente à son retour : La paralysie

(le l’estomac a continué (on se rappelle que pendant son sommeil magnétique elle nous avait prédit que cette paralysie ne se dissiperait qu’à la fin de janvier). Sa nourriture a toujours été la même ; elle vomit chaque jour les aliments ingérés, excepté le déjeûner qui se compose de lait et d’eau.

L’hydropéricardite dont elle est atteinte occasionne souvent de très-vives souffrances; la constipation est toujours opiniâtre, et, comme 011 le sait, 011 ne peut la combattre ni par les lavements, ni par les purgatifs. La chaleur générale de son corps est parfaitement harmonisée, et elle marche avec autant de facilité que si elle n’avait-jamais été malade. Les syncopes cataleptiques de la nuit durent toujours; les époques, ordinairement assez régulières, n’ont pas reparu cette fois.

Heprise du traitement. — 8 janvier. — Pisciue le maiin, magnétisation, douche à colonne ; le soir, magnétisation.

J’ai remarqué que les douleurs de la moelle épinière, qui 11’ont pas complètement disparu, étaient exaspérées sous l’influence du vent du nord. Elles sont, dans ce cas, facilement calmées par la présentation de la main du magnétiseur, à la distance de deux pouces de la colonne vertébrale.

13 janvier. — Les douleurs de la région précordiale deviennent plus énergiques, toute application de l’eau froide est supprimée ; mais celle du magnétisme continue comme par le passé.

20 janvier. — Déjà les aliments qui composent le souper et le déjeuner 11e sont plus vomis, le repas de midi l’est encore.

28 janvier. - Pendant que M“e *'* est plongée dans le sommeil magnétique, elle annonce que le 15 février elle aura, à la suite d’une des syncopes de la nuit, une crise qui commencera à minuit trois quarts, et durera trente-six heures.

2» janvier. — Tous les aliments sont parfaitement digérés, elle ne vomit plus après ses repas, l’estomac est rentré dans son état normal.

8 février. — Reprise de la piscine et de la douche à colonne.

„ m». *»* n’a pas eu une seule selle depuis un mois-, in-

lerrogée à ce sujet pendant son sommeil, elle fait magnétiser un verre il’eau qu’elle doit boire seulement à son réveil ; cette eau magnétisée devra être continuée, dit-elle, jusqu'à nouvelle indication. La faim commence dès :o moment à devenir excessive, lille ajoute, en outre :

« La faim dévorante est toujours chez moi le signe précurseur des crises, elle ne doit pas être satisfaite; depuis aujourd’hui jusqu’au 15, jour de ma crise, je mangerai très-peu ; le matin, du lait et un très-petit morceau de pain ; à midi, un peu de potage et un peu de veau; le soir, seulement du pain et du lait. La veille de ma crise, je ne prendrai, le matin, que du lait sans pain ; à midi, un peu de potage, et diète absolue le soir. On pourra prévenir ma crise en me magnétisant depuis neuf heures du soir jusqu’à quatre heures du matin ; sans cette magnétisation, elle durerait trente-six heures. Le régime que je prescris est pour éviter une irritation de l’estomac, qui nécessiterait une application de sangsues. Quand l’heure de la crise sera venue et que je ressentirai des spasmes au cœur et au cou, il faudra me faire cinquante-trois passes lentes et égales de la tête aux pieds, se reposer pendant cinq minutes, renouveler le même nombre de passes, même repos ; faire encore cinquante passes, se reposer de nouveau, et terminer ainsi jusqu’au calme com-

Îilet. Après cette crise, j’aurai moins faim, j’éprouverai de la atigue et des angoisses pendant quelques jours; je devrai continuer l’emploi de l’eau froide. »

15 février. — A minuit trois quarts, la crise commence; exécution fidèle des prescriptions des passes, etc.; à trois heures le calme se rétablit, elle dort du sommeil magnétique et recommande qu’on la laisse ainsi jusqu’à huit heures du matin, moment auquel elle doit spontanément se réveiller.

Tout se passe exactement comme elle l’avait indiqué. Pendant la magnétisation suivante, elle dit qu’elle peut désormais se nourrir comme auparavant, mais qu’on doit éviter absolument de lui donner des pommes de terre. La crise. quoique avortée, lui a laissé beaucoup d’angoisse et de tristesse ; elle n’a pas d’appétit et elle prévoit que le lendemain elle souffrira beaucoup du cœur.

1 6 février. — Douleurs violentes an cœur ; anorexie.

17 février. — S!'"' *** reçoit quelques visites qui lui f-»»/, beaucoup de bien et dissipent la nostalgie qui commençait à naître depuis deux jours. Pendant le sommeil magnétique du soir, elle annonce que sa tristesse et ses angoisses reparaîtront encore pendant quelque temps.

21 février. - La nostalgie recommence.

26 février. — Même traitement. Douleurs tlioraciques, irritation, toux nerveuse.

27 lévrier. — Céphalalgie.

1“ mars. — La nostalgie, qui persiste, laisse apparaître de temps en temps quelques rares moments de gaieté et d’expansion ; le visage, qui autrefois était si pâle et si frappé par la souffrance, est aujourd’hui frais et l iant.

2 mars. — Expectoration fortement striée de sang.

5 mars. — La malade annonce, sous le sommeil, qu’il sera bientôt nécessaire de lui pratiquer une saignée ; que cependant, pour essayer de l’éviter, on doit, chaque soir, remplacer la douche à colonne par un bain de pieds :

« L’eau, dit-elle, ne doit pas même atteindre les malléoles ; elle doit être très-froide, et la durée du bain, de trois minutes d’abord, devra augmenter graduellement chaque jour, en l’accompagnant de toutes les précautions indiquées par l’hydriatrie. »

Dans la nuit du 5 au 6, épistaxis considérable (c’est la seule qùe'M*“ *** ait eue pendant toute sa vie) ; elle perd environ deux livres d’un sang très-noir et épais.

6 mars. — Le soir, douleurs tlioraciques ; pouls à 00 ; abdomen très-ballonné, plus à droite qu’à gauche ; ce gonflement ne ressemble nullement à ceux quelle a déjà eus autrefois; le ventre conserve sa souplesse et son élasticité.

8 mars. — Piscine ; bains froids ; depuis que l’eau magnétisée est mise en usage chaque matin, les évacuations alvimes se font spontanément tous les deux ou trois joure; on ne suspendra l’emploi de cette eau que lorsque la malade l’indiquera elle-même.

10 mars. — Ut svprù; à quatre heures du .soir, toux fréquente et profonde, à la suite de laquelle surviennent plusieurs vomissements de sang (ce que la malade appelait des regorgements), qui successivement ont fourni, dans l’espace d'une demi-heure, au moins un demi-litre d’un sang rouge foncé et spumeux; le soir, douleur vive à la poitrine; pendant la magnétisation habituelle, la malade, interrogée à ce sujet, dit :

« Je cracherai encore du sang; depuis le dernier accès de toux survenu à quatre heures et qui a été très-long, je ressens une douleur au côté droit de l’abdomen , vers une tumeur qui existe à cet endroit; le cœur me fait toujours souffrir, moins cependant qu'il y a quinze jours, le péricarde renferme moins de sérosité qu’à cette époque. »

11, 12 mars. — La marche est difficile et produit de violentes douleurs à la région iliaque droite et vis-à-vis le sacrum. Demi-bain de son à 25°; suspension du traitement.

13 mars. — La nuit du 12 au 13 a été pénible; à trois heures du matin le ventre à diminué ainsi que les douleurs : les époques ont paru très-abondantes, après une interruption de près de deux mois et demi.

15 mars. — Les règles tendent déjà à diminuer au bout de deux jours ; dès le début, elles ressemblaient à une mé-norrhagie ; la région iliaque droite est toujours tuméfiée et douloureuse ; la marche est difficile.

18 mars. — Violente céphalalgie, semblable à celle qu’elle ressentait pendant la fièvre cérébrale dont elle était atteinte à l’approche de chaque printemps; l’abdomen est énorme, bains de pieds froids.

22 mars. — Leucorrhée abondante. Douches vaginales froides.

24 mars. — La douleur iliaque est des plus violentes depuis quelques jours, les jambes sont enflées. Il est inutile de rappeler que la magnétisation a lieu tous les jours deux fois, sans interruption, et que les prescriptions qu'elle exécute sont ordonnées par elle, pendant le sommeil dans lequel on la plonge.

2S mars. — Douleurs de tête, saignée du bras d'une livre et demie. Le sang est de bonne nature. La céphalalgie diminue seulement le 20, dès le matin, mais le ventre est plus douloureux encore.

20 mars. — Demi-bain de son 25°. Elle apprend la mort d'une personne qui lui est chère, elle en est vivement affectée: quelques troubles nouveaux apparaissent: h. peine est-elle endormie du sommeil magnétique, que des syncopes successives se déclarent.

h avril. — Du 20 mars au h avril, même état ; le ft, la région iliaque est toujours «aussi douloureuse, la douleur gagne la région hypogastrique : la céphalalgie, que la saignée avait réussi à calmer momentanément, n’a jamais été plus violente qu’aujourd’hui.

« Je lisais cette après-midi, nous dit-elle pendant son sommeil, il est arrivé un moment où , tout en continuant de lire il haute voix, j’entendais bien le son d’une voix, mais sans avoir la conscience que ce fût la mienne; je [souffrais tant, que mes yeux se sont renversés; des passes latérales, que vous m’avez faites pendant une demi-heure, m’ont un peu soulagée. Ce soir ma tête me fait de nouveau bien mal. »

La douleur du dos persiste toujours ; les jambes sont généralement moins enflées, excepté le soir ; le cœur paraît être dans le même état; quand il est douloureux, la tête l’est moins; en somme, cette dernière est toujours plus souffrante. La malade n’a pas eu de selles depuis le 28 mars ; avant cette époque, l’eau magnétisée en provoquait une chaque jour. La sécrétion urinaire est complètement suspendue depuis quatre jours ; anorexie, amaigrissement ; deux demi-bains à 20°.

6 avril. — Quelques gouttes d’urine occasionnent des douleurs atroces pendant leur émission ; une très-petite selle, dure et desséchée, s’accompagne aussi de grandes souffrances.

7 avril. — Retour des règles ; elles sont peu abondantes.

10 avril. — Depuis le 6, les urines et les selles sont de

nouveau suspendues. La céphalalgie, très-violente, n’est cal-

niée que par le souffle chaud du magnétiseur, dirigé miv le front de la malade pendant un quart d’heure.

13 avril. —Névralgie dentaire et faciale très-intense, causant deux ou trois crises par jour; resserrement des mâchoires.

21 avril. — Inquiets de cette douleur persistante à la région iliaque et hypogastrique, de cette constipation extraordinaire et surtout de cette suspension prolongée de la sécrétion urinaire; d’un autre côté, depuis quelques jours. obtenant avec beaucoup de peine les directions ordinaires données pendant le sommeil magnétique, et forcés cependant, malgré la répugnance de la malade, de nous éclairer sur l’état organique de l’utérus, que nous soupçonnions devoir être compromis, nous avons dû insister pour qu’une consultation ait lieu. L’exploration par le spéculum et par le toucher ayant été faite par le médecin consulté, il nous déclara que la matrice était fort élevée, que son col était proéminent , arrondi, sans inégalités ; que sa lèvre postérieure était rouge et tuméfiée, mais sans douleur; il reconnut la présence d'un énorme paquet excrémentiel dans le rectum. La malade se refusant absolument à recevoir une injection intestinale, et craignaint de faire naître de grands, désordres nerveux par l’action du plus léger laxatif, nous nous somme* décidés à appliquer huit sangsues sur le col de.l’utérus, en nous aidant du spéculum.

Elles ont fourni peu de sang; après l'application des sangsues, une première crise nerveuse survint, puis une seconde pendant la. nuit suivante.

24 avril. —-Deux selles très-copieuses-, très-dures, uôs.-desséchées, sous forme de masses bosselées, du volume au moins de deux œufs de poule, et conservant l'empreinte dm cœcum. Trois crises nerveuses dans la nuit du 24 au 25.

28 avril. — Dans la nuit du 28 au 29, une seule émis.» sion d’urine tellement considérable qu’elle remplit presque le vase, quoique jusqu’à ce moment la vessie n’ait pas paru être distendue.

i*r,mai. — La céphalalgie est si vive que la malade sem-

tole avoir perdu l’usage de ses facultés : ses idées se troublent, et elle reste plongée dans un état comateux.

2 mai. — Dans la nuit du 2 au 3, crise violente, sans raideur cataleptique cependant, mais avec délire; la parole est basse, saccadée, quelquefois précipitée; elle pousse des cris plaintifs, appelle par leur nom des personnes qui lui sont chères : cette crise dure vingt-six heures. Deux saignées du bras, une pendant la crise, une seconde après la crise. La tête est plus calme et la douleur plus supportable.

8 mai. — Gonflement et soulèvement de la région épi-gastrique, nausées fréquentes, langue saburrale à la base.

li mai. — Peu à peu tous ces accidents s’amendent , sans cependant disparaitre tout à fait.

15 mai. — Einétique en lavage, un grain dans six verres de petit-lait. Deux verres seulement sont ingérés et occasionnent une douleur si violente à l’épigastre, et un état nerveux si pénible, qu’on est forcé de discontinuer.

17 mai. — Les douleurs du dos deviennent insupportables, le moindre attouchement excite les plus vives douleurs; la faiblesse est extrême, la station sur les jambes presque impossible ; froid général, insensibilité, surtout à la partie inférieure, depuis l’extrémité des orteils jusqu’au-dessous du genou ; passes longitudinales prolongées ; elle ne les sent pas comme autrefois, excepté à la partie antérieure de la cuisse ; frictions magnétiques sur la colonne vertébrale; la malade, qui un moment auparavant ne pouvait pas même supporter sur cette région le simple contact du drap de lit, tolère ces frictions, qui sont faites avec une certaine vigueur et qui lui font le plus grand bien : même opération sur les jambes et sur les pieds ; la chaleur et la sensibilité reparaissent aux extrémités.

18 mai. — La nuit a été assez calme; vers neuf heures du matin, le froid et l’insensibilité reviennent de nouveau ; syncope qui dure jusqu’à midi : calme pendant quatre heures, l'insensibilité persiste; le soir, frictions énergiques avec un peu moins de succès que la veille.

19 mai. — Ges frictions sont renouvelées le matin, la

chaleur revient plus rapidement, et chaque joui- cette opération est pratiquée deux lois, jusqu'au 25 mai.

2(5 mai. — Depuis cette époque jusqu'à celle du départ de M"" ***, tous les accidents signalés plus haut ont disparu peu à peu ; les selles et les urines sont normales ; elle peut dormir naturellement pendant la nuit, ce qu’elle n'avait pu faire depuis le commencement de sa maladie, qui, on le sait, remonte à plusieurs années. Le dos conserve encore une assez grande sensibilité, mais les douleurs ont disparu : la marche est libre, la chaleur du corps est uniforme, et le bien-être obtenu se maintiendra, nous l’espérons, à la condition de ne pas suspendre brusquement l’action du magnétisme.

« Un fait digne de remarque au point de vue magnétique, c’est que Mn" ***, qui, dans les premiers temps de sa cure, jouissait d’une lucidité quelquefois très-remarquable, a perdu complètement cette faculté à mesure que sa singulière affection perdait de sa gravité.

Cette observation a d’autant plus de valeur, que deux années se sont bientôt écoulées depuis le départ de cette malade, et que les nouvelles que j’ai reçues d’elle, il y a quelques jours, m’apprennent que son état de bien-être s’est maintenu, et qu’elle peut se livrer sans peine aux soins de son ménage. Les souffrances du cœur ne sont pas totalement apaisées, mais je ne crois pas qu’on puisse jamais espérer de cette lésion une guérison complète.

D' Paol vidart.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

SOMNAMBULISME NATUREL.

Nous empruntons à 1 Ordre de Dijon les curieux détails qui suivent, sur un somnambule de Brion-sur-Ource :

« Le dimanche 2 janvier, le nommé Postolet (Alexandre), âgé de seize ans, berger chez M. Chambellan, se leva, contre son habitude, vers les six heures du matin, et dit à son maître qu’il allait conduire son troupeau dans les champs. Sur l'observation qu’on lui fit qu’il était trop matin, il répondit que cela lui était égal; il appela son chien, prit sa houlette et emmena son troupeau.

« Arrivé près de l’endroit appelé le Coteau, il aperçut deux cantonniers -, il les appela, les menaça, en criant : « \n voleur! » les poursuivit en leur jetant des pierres et en lançant son chien contre eux.

« Ceux-ci connaissant sans doute à qui ils avaient allaire, l’emmenèrent au domicile de son maître, oii il finit par se calmer. 11 prit une bouteille d’eau-de-vie et en versa six petits verres, sans oublier le sien qu'il but aussitôt. Il plaça une pièce de cinq centimes en face de chaque verre et recommença de se verser une seconde rasade qui eut le même sort que la première.

i Son maître, qui l’avait déjà vu maintes lois dans cet état, lui proposa de tuer deux pigeons, ce qu’il accepta. On lui donna un fusil non chargé, mais amorcé seulement d une capsule. Il fit feu et reconnut qu’on l’avait trompé ; il demanda alors que le fusil fût chargé, tira au blanc et compta le nombre de balles qui avaient atteint le but.

« 11 entra ensuite dans un cabaret, y but un petit verre d'absinthe, paya et sortit en se plaignant de 1 obscurité et

du sommeil qui l'accablait, cl en faisant part à ceux qui l’entouraient, de son étonnement de voir que personne ne fût couché ii onze heures du soir (il était onze heures du matin).

« Rentré chez son maître, il fit sortir de nouveau son troupeau, et à midi il s’éveilla, très-surpris de se trouver au milieu des champs.

« Il n’avait conservé aucun souvenir de ce qu’il avait fait pendant toute la durée de son rêve. »

Le CMtillonnais et VA uxonx journal des arrondissements de Châtillon et de Semur, complète cette observation par le récit suivant :

« Samedi dernier, ’22 janvier, Postolet a été plongé dans un état complet de somnambulisme pendant toute la journée et celle du lendemain dimanche. 11 agissait comme de coutume ; mais il fit des révélations si singulières, si extraordinaires, qu’il appela sur lui l’attention de toute la commune et même des étrangers qui la traversaient.

« Pressé de questions de toute nature auxquelles il répondait avec un grand sang-froid et un aplomb imperturbable, Postolet vient de s’acquérir la réputation d’un somnambule extra-lucide.

« Nous ne rapporterons pas toutes les choses extraordinaires qu'il a dites; nous nous en tenons aux premières qui se présentent à notre esprit.

« Ainsi, Postolet a dit à plusieurs personnes leur âg;e. le jour qu’elles sont nées, l’argent qu’elles ont en bourse ou chez elles. On lui présente des objets, il en dit le prix, la date de leux- achat et le nom des vendeurs.

! Un charpentier de Brion le questionne sur la disparition de plusieurs de ses outils. 11 lui répond : « C'est X*** « qui vous les a \olés; il les a vendus h M. R***, charpentier n à Belan, pour tel prix. »

« Le fait vérifié est reconnu exact et les’outils retrouvés.

« Le Moniteur universel, placardé à Brion, est couvert de boue dans la nuit. Postolet, consulté, répond : « C’est un tel « qui l’a barbouillé avec de la boue qu’il a délayée dans un ic sabot. Allez dans tel jardin, vous trouverez le sabot et le « morceau de bois qui a servi à cela. » Exact.

« Un individu lm dit : « J’ai perdu une serpe ; pourrais-tu « dire depuis quand et où elle est?« — Réponse: « Votre

« serpe a été perdue, il y a 1111 an, tel jour; elle est encore « dans 1111 las de terre en tel endroit. 11 faut s’empresser d’al-111er la chercher, car demain la personne à qui appartient a cette terre va l’enlever, ('.’est X*** qui vous a fait cette •1 serpe, et elle \ ous a coûté tant. » ci On pioche la terre cl 011 trouve la serpe.

« Un autre lui demande ce qu’est devenue une chaîne qu’il avait. Réponse : « (¡’est un tel qui vous l’a prise. Allez la lui h demander, et il vous la rendra. »

11 La chaîne a été rendue le jour môme.

« Un étranger arrive à Brion et questionne Postolet. 11 lui demande s’il le connaît, son nom, ses prénoms, d’où il vient, où il va, combien il doit rester de temps sorti de chez lui, etc. Réponse : « Vous vous nommez P*** R***, h vous venez de..., vous allez à Chàtillon, chez M. X***, vous » resterez un jour absent, etc., etc. » a l)n propriétaire lui demande ce qui se passe chez lui. Réponse : « Votre berger entre en ce moment dans l’écurie de vos moutons pour les emmener aux champs. » Combien ai-je de moutons ? Réponse : « Oh ! c’est facile à. savoir ; te-« nez, je vais les compter pendant qu’ils sortiront. » Et Pos-lolet compte, comme si les moutons étaient présents : « Deux, 11 quatre, six, huit, etc., » jusqu’au nombre juste.

« Tous ces détails, qui pouvaient se vérifier sur-le-champ, était de la plus rigoureuse exactitude. Mais voici un fait qui n’a pu l’être et dont on ne peut affirmer la véracité. Postolet paraissait absorbé par un rêve, quand tout à coup il se lève et dit : « M. de C*** est bien malade. Voici qu’on va « l’administrer. » Ce M. de C*** est sorti de Brion depuis fort longtemps, on n'en a plus entendu parler depuis, et Postolet n’a, etc., etc. Il entre dans de longs détails sur sa vie passée, puis il ajoute: « Le curé dit qu’il n’aura peut-« être pas le temps de l’administrer. » Puis un quart d’heure après : « Ah ! M. de C*** est mort. »

h Postolet est tous les jours dans cet état, et tous les jours 011 peut obtenir de lui des réponses aussi extraordinaires. »

VARIÉTÉS.

Nécrologie. — Le magnétisme vient de perdre un de ses plus zélés partisans, M. le comte de Préval, général de division, sénateur. Il est décédé à Paris, le 19 de ce mois.

La cause mesmérieime fut soutenue par lui pendant plus de trente-cinq ans. Contemporain et ami du marquis de Puy-ségur, il puisa dans ses écrits la connaissance des mystères ou plutôt des merveilles naturelles du magnétisme, et d'un de ses résultats, le somnambulisme. Il pratiqua cette science en famille et dans l’intimité, pour en démontrer la vérité, et surtout l’utilité bienfaisante comme moyen thérapeutique.

(Communiqué par un de ses anciens amis.)

Paul CARPENT1KK.

PETITE CORRESPONDANCE.

\t1m. — M. le baron du Polel ta mettre ¡1 exécution un projet depuis longtemps conçu , en ouvrant line école supérieure des faits de magnétisme el de plagie. Ces nouvelles expériences auront lieu un jour de chaque semaine, à huit heures du soir. On n'y sera admis que sur la présentation d'une carte spéciale délivrée par M. du Potet.

Les motifs de celle réserve n'ont pas besoin d'être déduits ; les hommes avancés dans le magnétisme savent bien qu'on ne peut, dans les séances du dimanche, mettre trop de réserve dans les démonstrations, puisque souvent elles sont failes devant des' gens qui ne son! point encore convaincus. Montrer trop ans commençants, c’est s'exposer i un jugement précipité ; cacher aux autres la moitié de la vérité, c'est empêcher le développement de la science nouvelle.

M. du Potel laissait trop à faire à la pénétration île ses auditeurs: moins gêné cl moins contraint, il veut montrer des possibilités inconnues, et ouvrir la roule que les anciens avaient parcourue. I.a mapie

rnii ra.

Le Gcranl .- HÉBERT (de Garnay).

INSTITUTIONS,

Soelété PhIlaiitl»ropIfo-niaguéll«|iie «le Paris.

Les remarques faites par M. Fabre (tome XI, page 610), sur les séances do la Société, ont mis en grand émoi quelques-uns de ses membres. Bienveillant au fond, puisqu'il indiquait une réforme utile et des précautions salutaires, mais parsemé d’expressions un peu piquantes, l’article de notre collaborateur nous a valu plus que des reproches. Cependant, comme les critiques de M. Fabre étaient fondées, et que la raison générale doit triompher des préventions individuelles, la majorité s’est efforcée de mettre les expériences en harmonie avec les besoins du moment.

La dernière séance s’est opérée dans les conditions indiquées, et M. le président, qui saisit avec empressement toutes les améliorations, a annoncé qu’il procéderait de môme à l’avenir. On ne peut s’exécuter de meilleure grâce ni d’une manière plus digne d’hommes qui ont pour devise : « Cherchons le vrai, faisons le bien. »

Le renouvellement annuel du bureau s’est fait comme d'habitude. Les membres élus pour 1853, sont :

MM. DU PLANTY, président. MM. Pacl BORÉ, trésorier.

WINNEN, vicc-présidciit. MILLET, archiviste.

BRUNELLIÉRE, id. BARRET, censeur.

DOMICILE, secrétaire. BRUIN.id.

DE PINTE VILLE, id. adj, CHABANNETTE, id.

CHERTIER, id. DOUSiAN, id.

Cette élection fait entrer en fonctions plusieurs hommes nouveaux, dont le zèle promet une impulsion progressive.

fOMS XII. — S» 14?. — 10 Février 18j3. *

S«dt‘Ii du Mesmérisme do Parlu.

Quand une science parvient à inspirer les artistes, on peut être assuré que son triomphe est proche ; car leurs œuvres lui élèvent un trône dans l’esprit public.

Nous avons déjà fait connaître (tome XI, page iüî>), la lettre par laquelle M. Carpentier faisait hommage à la Société du buste de Mesmer; voici une nouvelle offrande, qui remplira de joie tous les amis de la science. C’est le complément de la trinité magnétique.

A M. le Président de la Société du .Mesmérisme de Paris.

« Monsieur le Président,

«Deux hommes dont les écrits et les actes ont puissamment contribué an développement du magnétisme, sont M. le marquis de Puységur et M. Deleuze ; j’ai pensé que leurs bustes devaient accompagner celui de Mesmer, que la Société possède. C’est dans le but de réaliser cette idée que je me suis mis à l’œuvre : le travail est terminé.

« Je dois dire de suite que j’ai été aidé par des renseignements et des documents authentiques, fournis par des amis de ces deux illustres soutiens de la découverte de Mesmer ; ces documents précieux m’ont facilité pour arriver à une ressemblance qui a satisfait ces mêmes amis : cette satisfaction a été pour moi une bien douce récompense.

« Je viens, monsieur le président, vous prier de vouloir bien annoncer à la Société que je désire lui offrir ces deux bustes pour les placer de chaque côté de celui de Mesmer.

« J’ose espérer que la Société, qui a accueilli avec tant de bienveillance mon premier travail, voudra bien accepter ce second, et le considérer comme un don que je lui fais et un hommage que je lui rends.

« En attendant l’honneur de son acceptation, je la prie de me croire un de ses membres les plus dévoués.

« Paul CARPENTIER.

« Paris, t" décembre 1852. >

Ces trois bustes sont de grandeur naturelle ; l'exécution en est parfaite et la ressemblance frappante. La Société les a

l'ait placer clans la salle de ses séances publiques, où ils font l’admiration de tous ceux qui en ont connu les originaux.

La Société a déjà fait mouler le buste de Mesmer, pour en offrir des épreuves aux diverses Sociétés magnétiques et à quelques personnes dont les travaux ont illustré le magnétisme; elle va eu faire autant pour ceux de Puységur et de Deleuze.

Elle compte céder des exemplaires de ces œuvres aux personnes qui désireront les posséder. Ainsi, chacun pourra avoir dans sa maison l'image des grands maîtres dont le magnétisme s’honore.

HÉBERT (de Garnaj).

IIApItal mafiiitlqnr «le Londres.

A M. le baron du Potct.

Mon cher maître,

Je viens de passer à. Londres quatre jours, que j’ai employés à visiter le Mesmeric infimwry, fondé par le Dr Eliot-son, dont le zèle infatigable pour le triomphe de la vérité, l’ascendant scientifique et le généreux exemple ont procuré à cet utile établissement l’appui de trois cent vingt souscriptions, par des personnes très-honorables, dont les désirs et les efforts tendent à la propagation du mesmérisme, pour le soulagement et la guérison des êtres souffrants, et principalement des pauvres.

L’infirmerie est établie dans une petite maison de Bedfort-Square, où se rendent journellement les malades, au nombre de vingt-cinq à trente. Chacun d’eux est soumis, pendant une demi-heure, aux passes magnétiques. Les hommes sont reçus au rez-de-chaussée, les femmes au premier étage, dans une salle bien chauffée.

En entrant dans la salle des femmes, on est péniblement impressionné par l’aspect d’une multitude de têtes humaines, coulées en plâtre après décès, qui sont rangées sur des rayons de bibliothèque et entremêlées de véritables têtes de morts. Cette collection, m’a-t-on dit, n’appartient point à

rétablissement et ne témoigne en rien d’une alliance entre le mesmérisme et la phrénologie, qui hurleraient d’un tel rapprochement.

J’ai parcouru avec le plus vif intérêt le volumineux registre où figurent les noms des malades, et qui indique les séances mesmériques pour chacun d’eux, ainsi que les progrès obtenus jusqu’à la complète guérison ou à l’abandon du traitement.

J’ai remarqué d'abord que ces mots : sans sommeil, revenaient souvent et qu’ils s’appliquaient aux quatre cinquièmes environ des patients. Le directeur, M. (lapera, m’a donné l’assürance que, pour la généralité des cas de maladie qu’il avait à traiter, il ne s’attachait pas à produire le sommeil magnétique, et que la plupart des guérisons avaient lieu sans ce secours, qu’il regardait d’ailleurs comme très-efTicace.

Beaucoup d’hystériques, un grand nombre d’épileptiques ont été guéris en trente ou quarante jours ; à d’autres il a fallu le double de temps.

En quinze ou vingt séances, des tumeurs scrofuleuses, pour lesquelles l’amputation avait été jugée indispensable, ont été fondues, des plaies de la même nature fermées, des caries d’os arrêtées.

Plusieurs sourds ont retrouvé l’ouïe.

Des goutteux à outrance ont été guéris; d’autres ont vu s’atténuer leurs souffrances.

Des hommes du peuple, perclus de rhumatismes contractés dans des habitations insalubres, avec gonflement des membres et dans l’impossibilité d’en faire usage, ont été guéris en moins d’un mois.

J’ai constaté un grand nombre de cas de paralysie complètement guéris, et dont le plus long traitement a été de cinq mois.

Il m’a paru que le directeur prescrivait généralement l’usage de l’eau magnétisée; je lui ai indiqué le parti très-avantageux que je tirais de l’huile magnétisée, et il se propose d’en faire usage aussi.

Jusqu’à présent, on ne s’est pas livré avec suite aux cou-

sultations données sur les malades de rétablissement par des somnambules lucides.

lin fait digne de remarque et qu’il importe infiniment d’observer et de constater chez nous, c’est l’action, reconnue puissante aujourd’hui, du mesmérisme sur les insensés que l’on croyait rebellesaux effets magnétiques. M. Capern affirme qu’il calme les accès de fureur et qu’il dissipe les autres désordres. Les premières expériences de ce genre ont été faites à Calcutta, dans une maison d’aliénés, dont il est devenu possible de diminuer les surveillants depuis que la puissance magnétique s’exerce sur les malades et régularise tous leurs actes.

Je n’ai pas quitté Londres, mon cher maître, sans me rendre, auprès du Dr Elliotson et de l’honorable M. Capern, l’interprète de vos sentiments d’estime et de reconnaissance pour ces deux propagateurs de la vérité, sentiments qui sont partagés par vos élèves et par tous les défenseurs des vérités enseignées par Mesmer.

Je joins ici le rapport de la troisième réunion annuelle des souscripteurs fondateurs de l’infirmerie mesmérique de Londres, dont M. Capern vous fait hommage, ainsi qu’une note extraite du journal médical de Calcutta, relative au traitement magnétique des insensés.

Recevez l’assurance de mon attachement.

OUBIÈRES,

Ancicn général do division.

Anlivillc, le 1" février 1 g.'ij.

P. S. Je suis conduit à faire la comparaison suivante, sans que ce soit pour en tirer vanité, je vous l’assure. L'infirmerie de Londres, soutenue par trois cent vingt souscripteurs,-traite environ trente malades par jour, au moyen d’un directeur aidé de deux femmes et de deux assistants. Depuis deux ans, avec un seul assistant et avec l’aide de M”' de Cubières, quand sa santé le lui permet, je mesmérise à la campagne quinze ou dix-huit malades par jour, et j’en visite plusieurs à domicile.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

Nous allons parcourir le champ du merveilleux, nos premiers pas seront incertains, mal assurés, et cependant nous sommes sans crainte; car il y a une masse de faits que la science dite exacte n’a jamais voulu examiner, que la philosophie moderne repousse de toutes ses forces. Ces faits, quellesque soientleur nature et l'interprétation qu’on en donne, doivent être soumis à une critique sévère; car s’ils sont d’invention humaine, il faut en faire justice, s’ils sont, au contraire, le produit d’agents inconnus, de forces naturelles ou divines, tout nous commande de les mettre en lumière et d’y rattacher avec soin tout ce qui, dans le magnétisme même, n’a point encore trouvé d’explication.

Il y a chez les hommes de science une grande peur du merveilleux ; tout ce qui émeut leur âme en dehors des agents matériels, tout pressentiment, toute divination des événements , toute tradition touchant les apparitions, toute révélation , et enfin tout ce qui semble résulter d'occultes puissances , produit sur eux un effet désagréable. Au lieu de rechercher quelle liaison peut exister entre le monde moral et le monde physique, tous repoussent avec effroi la pensée même d’une croyance quelconque qu’on pourrait leur supposer; et leur vanité est si grande, qu’ils se font esprits forts pour ne rien admettre, lorsque tout dit pourtant que le mystère qui enveloppe la création peut être percé, que l'âme. enfin, a-des affinités célestes, un pouvoir qui s’étend au delà du corps qui semble l'emprisonner.

Pour moi, qui ne redoute rien des savants, les regardant comme des enfants à qui 011 donne un alphabet pour appreu-

tire ¡\ lire, j'ose les convier à une élude nouvelle, et leur mettre en main l’alphabet de la sorcellerie et de la magie. Ils vont protester qu’ils ne sont ni sorciers, ni magiciens; nous le savons parfaitement, et personne ne l’ignore; pourtant ils viendront à nous petit à petit, homme par homme; car la vérité a une puissance immense ; il faut que tôt ou tard on l’accueille, ou bien elle vous écrase, vous broie sous son char, et fait naître de la cendre des morts une génération nouvelle.

Lecteurs, je vous tiens tous; je vais frapper à la porte de votre entendement; que vous vouliez ou non m'ouvrir, vous m’appartenez ; car ce qu’il y a en vous de caché répondra malgré vous ; votre raison dira non, un être mystérieux répondra oui. Votre surprise sera grande, mon succès durable, car je suis résolu à produire dans l’ordre nouveau une suite de phénomènes en analogie avec tout ce que contiennent l’histoire et les traditions populaires.

Nous verrons qui aura raison, des savants ou de nous ; ou plutôt si c’est la nature qui ment, ou bien encore nos illustrissimes gens d’écoles ou d’académies.

Voici d’abord des phénomènes inexpliqués, et qui forment un ordre à part ; nous arriverons ensuite à la série de faits qui se produisent en Amérique, sous le nom de communications spirituelles.

Baron DU POTET.

1° L’ESPRIT FRAPPEl'R DE BERGZABERN (1).

Le 1" janvier 1852, la famille de Pierre Soënger (2) entendit, dans une chambre voisine de celle où elle se tenait, un bruit semblable à celui que produit un marteau (3). Les

(1) Tel esl le litre (Der Soginannte Ifopfgeiit) d'une brochure allemande dont

ret article est traduit.

(-) Maître taillenr \ Bergzabern (Bavière rhénane).

(3) Vov. l'histoire des demoiselles Fox, t. IX, p. 550, et XI, p. *63 de ce Journal.

r ups, d'abord sourds et lointains, augmenteront graduellement de violence ; ils semblaient sortir de la muraille et s’y produisaient de bas en liant, à l’endroit oii était le lit de la deuxième lille du tailleur, âgée de onze ans, alors courbée dans ce lit et endormie. île frappement se renomela les jours suivants, et toujours do neuf heures et demie à dix heures et demie du son. Les époux Soënger n’y firent d'abord aucune attention; plus tard, ils l’attribuèrent à un malade qui, par passe-temps, frappait contre le mur mitoyen; enfin ils apprirent qu’il 11'était pas la cause, et ne pouvait môme pas l’être, de ce bruit. Ils firent quelques recherches, et n’arrivèrent à lui donner aucune explication ; ils soulevèrent le parquet de la chambre, ouvrirent le mur : ces mêmes faits se reproduisaient toujours. Le lit fut déplacé et les frappements se firent entendre dans le nuir opposé, ne se produisant que quand l’enfant était endormie et ordinairement au moment où commençait son sommeil : cela démontrait nécessairement un rapport évident entre le frappement et le sommeil de la jeune fille. Les investigations de la police n’ayant amené la découverte d’aucune fraude, 011 supposa qu’une maladie extraordinaire ou un défaut organique donnait lieu au phénomène; mais jusqu’à ce jour les recherches des médecins ont été aussi infructueuses que toutes les autres.

Pendant ce temps, les frappements se manifestaient de plus en plus ; ils se faisaient entendre sans interruption pendant une heure, très-violents par instants ; l’enfant changeait de lit, puis de chambre, et alors l'esprit frappeur agissait simultanément sous le lit, et dans l’intérieur du lit et de la muraille : son action variait, les coups furent successivement simples, forts, faibles, et exécutèrent en battements mesurés des airs de marches militaires, de danses, etc. Lorsque l’enfant eut couché pendant plusieurs jours dans la nouvelle chambre, son sommeil fut agité, et elle fit entendre quelques mots interrompus et mal articulés, qui bientôt après devinrent plus distincts et compréhensibles. L’enfant semblait s’entretenir avec un autre être et le dominer. Ce fait se renouvela souvent, l’auteur de cet écrit en a été témoin, et citera l’exem-

pie sim ani : L’enfant était couchée dans son lii, sur le côté droit; à peine endormie, elle éleva la voix: «Toi, dit-elle, ô toi, bats une marche! » El on entendit une marche assez semblable à celle des troupes bavaroises. « Halte ! » commanda l’enfant ; et le frappement cessa. « Bats trois, six, neuf fois ! » Et l’esprit frappeur fit ce qui lui était ordonné. L’enfant commanda 19 coups, il en fut frappé 20. « (.'est mal, dit-elle, il y en a 20. » Et immédiatement après il fut frappé ! P. coups. La jeune dormeuse demanda 30 coups, elle fut uliéie. «Cent fois! » cria-t-elle. Ici la rapidité avec laquelle ils furent exécutés ne permit pas de compter au-delà du nombre /|0. Vu dernier coup, l’enfant dit: «Très-bien; maintenant 110 ! » On ne put encore compter plus loin que 50. « C’est mal, il n’y avait que 10(5 coups, » dit-elle, lorsque le Inuit eut cessé, et à l’instant on entendit les quatre coups manquants. « Mille ! » dit-elle alors; 15 coups seulement répondirent. « Maintenant, allons (sic), » s’écria-t-elle; il n’y eut que cinq coups, et l’esprit frappeur fit silence.

Les personnes présentes eurent alors l’idée de donner des ordres à leur tour, et elles furent obéies, à leur grand étonnement. Suivant leur désir, le bruit s’arrêtait ou se modérait; mais bientôt après il cessa entièrement, sans commandement. Un des assistants dit alors fort bas à son voisin, qu’il allait demander (5 coups; il se plaça devant le lit et fit la demande mentalement: les (5 coups se firent entendre; quatre autres furent demandés de même et exécutés. D'autres personnes tentèrent la même expérience sans succès, puis l’enfant étendit subitement les membres, se débarrassa de sa couverture et se réveilla. On l’interrogea sur ce qui s’était passé, et elle dit avoir vu un homme de haute stature et d’une hideuse figure, placé debout devant son lit, et lui tenant les genoux; elle assura qu’elle ressentait une douleur dans cette partie, aussitôt que cet homme commençait à frapper.

L’enfant se rendormit, et les mêmes phénomènes se renouvelèrent, jusqu’au moment où l'horloge de la chambre sonna onze heures; ils cessèrent alors subitement, et dès ce moment le sommeil de la jeune fille fut paisible, comme celui d’une per-

sonne bien portante, la respiration devint libre et régulière, Jlien de nouveau ne se produisit le reste de la nuit.

Nous ajouterons que déjà plusieurs personnes ont fait exécuter des marches militaires à l'ètre mystérieux; il en est même qui affirment avoir entendu, sur leur demande, des marches russes, autrichiennes, françaises, exactement exécutées.

Le 25 février, l’enfant étant endormie, dit: « Comme tu ne veux pas frapper, mais gratter, je verrai comment tu t'j prendras ! » Et le lendemain au soir, on entendit des grattements distincts; ce fait se reproduisit, et le son sembla sortir du lit. Le frappement s’entendit encore, soit en alternant avec le grattement, soit simultanément. Par exemple, lorsque des marches et des danses étaient exécutées, le grattement reproduisait l’air, et les coups l'accompagnement. L’esprit a désigné par le nombre des grattements et des coups, l’heure ou encore l’âge des personnes présentes, etc. 11 y eut néanmoins des réponses parfois inexactes ; mais généralement on obtient l’exactitude, après avoir réitéré la demande deux ou trois fois. 11 est arrivé aussi que l’esprit frappeur répondait à une demande d’âge par l'exécution d’une marche militaire.

Il est à remarquer que le langage de la jeune fille pendant son sommeil fait chaque jour des progrès. Aux mots isolés et aux courts commandements ont succédé des phrases complètes et des conversations soutenues de l’enfant avec ses parents. Ainsi, un matin, en plein jour, elle entretint sa sœur de choses concernant la religion ; elle le fit sur un ton de remontrance, lui disant d’assister au service divin, de faire régulièrement ses prières, d’être soumise à la volonté de ses parents, et encore d’autres choses semblables. Le même jour, au soir, elle exposa des vérités religieuses, d’une manière cependant qui n’avait rien de transcendant et ne dépassait pas les leçons élémentaires que reçoivent les enfants dans les écoles ; les coups et les grattements se faisaient alors entendre depuis une heure, que la jeune fille dormit ou non ; ces bruits continuaient, lors même que l’enfant buvait ou mangeait, et ils variaient suivant ses ordres.

Le samedi soir, 0 mars, l’enfant étant éveillée, annonça pour neuf heures la venue de l’esprit frappeur. Beaucoup de personnes étaient réunies au domicile de Soënger, et ce ne fut pas sans un certain effroi, qu’à neuf heures sonnantes, elle3 entendirent trois coups vigoureux retentir contre la muraille. Immédiatement après, un coup violent frappa à l’intérieur du bois de lit et l’ébranla fortement; puis ce bruit se répandit dans ce meubleentous sens, alternant avec des grattements qui semblaient tour à tour produits à la surface ou à l'extérieur du bois de lit ; enfin, un coup très-fort le souleva subitement et le balança, malgré les efforts que cinq personnes firent pour l’abaisser; bientôt ces personnes lâchèrent prise, et le lit, après quelques balancements, reprit sa première position. Ceci, dit-on, devait déjà être arrivé une fois.

Un autre fait extraordinaire se passa dans la même nuit, l'enfant prononça un soi-disant discours. Nous en parlerons brièvement.

La jeune fille s’endormit aussitôt qu’elle eut posé la tête sur l’oreiller, et bientôt les frappements et les grattements commencèrent. Pendant ce temps, elle gémissait, trépignait et semblait souffrir ; cependant on remarqua que ces symptômes ne se présentaient point pendant les grattements. Au moment de commencer son allocution, elle se coucha sur le dos, sa figure et ses bras pâlirent, et, faisant un signe de la main droite: «Viens ici, devant mon lit, dit-elle, joins tes mains, car je veux t’entretenir de notre bon Sauveur. » Tout bruit cessa subitement, et les assistants attendirent avec une curiosité attentive les paroles qu’allait prononcer la jeune dormeuse. Elle parla lentement et distinctement, en très-bon allemand, ce qui étonna beaucoup, car cette enfant était la moins instruite de l’école, ses études ayant été retardées par des maux d’yeux. Son discours roula surtout sur la vie de Jésus-Clirist, ses actes à l’âge de douze ans, sa présence au milieu des docteurs de la loi, ses bienfaits pour le genre humain et ses miracles ; elle parla ensuite de la passion, réprimanda les Juifs qui, dans leur cruelle ingratitude, avaient crucifié le Sauveur, malgré ses bienfaits et ses bénédictions.

Puis elle demanda avec ferveur à Dieu de lui accorder la patience dans les souffrances dont il l’affligeait, en la mettant en rapport avec l’esprit. 11 était touchant de l’entendre supplier Dieu de ne pas la laisser mourir, disant qu'elle était trop jeune pour entrer dans les ténèbres de la tombe. Enfin, récitant d’une voix solennelle l’oraison dominicale, elle termina en disant : « Maintenant, tu peux t’en aller. » Au même instant, les frappements et les grattements recommencèrent. Deux fois l’enfant s’adressa à l’esprit frappeur pour le faire cesser, deux fois il cessa et recommença, puis elle dit: « Maintenant, par le saint nom de Dieu, tu peux partir. » Et elle se réveilla.

Suivant le dire de personnes assez rapprochées du lit pour en juger, les \ eux de l'enfant étaient clos et les lèvres remuaient, sa voix était pure et pleine de charme.

La jeune fille fut interrogée à son réveil sur ce qu’elle avait vu ; elle répondit que le même homme lui apparaissait toujours; on lui demanda à quelle place elle le voyait; elle dit qu’il était au milieu des assistants. Puis on lui demanda encore si elle distinguait aussi les personnes présentes : « Oui, dit-elle, j’ai vu tous ceux qui entouraient mon lit. » Les frappements et les grattements se renouvelèrent, lorsque presque tous les spectateurs furent partis, et ou entendit encore des coups violents dans le bois de lit.

En présence de faits aussi extraordinaires, 011 comprend la défiance du public et on la lui pardonne ; mais la réputation de l'honnête et laborieux père de famille fait rejeter à tous ceux qui le connaissent toute idée de supercherie.

Toutefois, ce qui doit détruire tous les soupçons, l’enfant ayant été transporté dans une autre maison, les frappements et grattements recommencèrent aussitôt qu’elle fut couchée. Elle fut alors une seconde fois changée de résidence, et passa quelques jours avec sa mère chez la veuve Klein, à Kapeüe, village situé à une demi-lieue de notre de notre ville. A peine arrivée en cet endroit, l’enfant se plaignit de fatigue et fut couchée sur un canapé ; les phénomènes se produisirent immédiatement devant plusieurs personnes. On peut supposer,

malgré la bonne santé de la jeune fille, que ces bruits extraordinaires et énigmatiques ont pour cause une maladie corporelle inconnue, qui produirait des mouvements convulsifs et des spasmes nerveux périodiques, indépendants de la volonté.

Avant de terminer, nous ajouterons que la jeune fille fut transportée, il y a peu de jours, au domicile du IV Beutner, médecin cantonnai du roi de Bavière, pour y prendre ses repas et y coucher pendant quelques jours, afin que ce médecin puisse se livrer entièrement à ses investigations. On a déjà appris que tous les bruits ont cessé au domicile de Soën-ger, et se font entendre dans l’appartement du I)r Beutner.

Ceci est le fidèle récit des faits accomplis jusqu’à ce jour; nous le livrons au public, sans aucun commentaire explicatif, ainsi que nous l’avons annoncé dans notre avant-propos.

11 est à souhaiter que les médecins donnent incessamment à ce phénomène une explication satisfaisante.

F. A. BLANCK.

Bergzaber», avril 185Ü.

2° COUPS MYSTÉRIEUX.

Mon cher Monsieur du Potet,

Voilà le récit dont je vous ai parlé, récit qui m’a été adressé par une personne digne de foi, et dont le caractère et l’instruction me sont un sûr garant que les faits ont été observés avec calme et la plus scrupuleuse attention. Je les admets donc comme parfaitement constatés, du moinspourmoi, et c’est par ce motif que je vous les adresse, pour apporter à la masse commune le denier de la veuve, et que vous en fassiez l’usage que bon vous semblera.

Je laisse parler le narrateur :

« Les faits extraordinaires dont je vous ai entretenu la dernière fois que j’eus l’honneur de vous voir à Dijon, se sont passés sur la fin de 1850 et au commencement de 1851, à Montoillot, petit village du canton de Sombernon (Côte-d’Or). Peu porté, par caractère, à accepter sans un mûr examen les faits les plus ordinaires, vous jugez bien que j’ai dû apporter

une grande circonspection et, pour parler en toute franchise, une véritable défiance dans mes recherches pour parvenir à la vérité : j'ai interrogé plusieurs fois les témoins oculaires. Dans le nombre, il en est qui méritent une confiance particulière, à cause de leur incrédulité systématique, qui donne à leur récit toute la force d’un aveu arraché par l’évidence, 01 les réduit à cette alternative, ou de nier ce qu’ils ont vu de leurs yeux ou entendu de leurs oreilles, ou d’avouer qu’ils ne peuvent être incrédules sans être inconséquents. -l'ai confronté scrupuleusement ces divers témoignages, et, laissant de côté tout ce qui ne me semble pas suffisamment prouvé, j'en ai conservé les faits suivants.

i Une veuve et ses deux filles habitaient ensemble une maison située au Paloce, hameau de Montoillot. Les regrets que le défunt avait laissés n’étaient pas encore calmés, quand ces trois femmes furent inquiétées chez elles par des bruits étranges. On entendait très-distinctement des coups frappés •sur les murs, comme par une main hum une. Jamais un coup n’était isolé ; 011 en entendait régulièrement une série de 15 à ‘20, et de telle sorte que les derniers frappés étaient toujours plus forts que ceux qui les précédaient immédiatement. Ainsi le brait, qui en commençant était peu sensible, devenait tel, que les habitants des maisons voisines, à soixante pas à la ronde, l'entendaient parfaitement. Comme on soupçonnait la malveillance, on fit la garde la plus sévère; plusieurs hommes, à diverses reprises, se cachèrent dans la maison pour surprendre le secret de ces bruits inexplicables. La maison fut explorée en tous sens. Or, tandis que l'on était dans une pièce, le bruit avait lieu dans la chambre voisine ; il montait au grenier, redescendait en suivant la tendue ; de là, soupçon que la tendue était creuse, et que, sans doute, quelque animal très-inolfensif était le grand terroriste de la contrée. Les tendues lurent sondées, visitées, et du plancher au plafond examinées par les plâtriers; il en résulta qu’elles étaient excellentes, et que force était aux esprits inventifs de trouver une meilleure explication. En attendant, le bruit allait son train, et comme si son auteur (car il en faut bien un) se fût plu à mettre en défaut la sagacité de ces nouveaux inquisiteurs, on l’entendait sur la commode, sur le bois de lit, sur et sous chaque meuble. La plupart s’en amusaient ; les trois femmes commençaient à s’en effrayer. La veuve imagina de faire dire par M. le curé quelques messes pour le repos de l’âme du défunt, qu'elle croyait pouvoir être la cause de ces alarmes nocturnes. M. le curé, trop prudent pour favoriser

aucune idée superstitieuse, consentit cependant à dire les messes, parce qu’elles ne pouvaient qu’être très-utiles à l'àme de son paroissien, qu’il les eût, du reste, demandées ou non.

\ partir de ce moment, les coups ne se firent plus entendre dans la paisible habitation de la veuve, où ils s’étaient réitérés, presque tous les jours, pendant près de deux mois; nt. bien qu'inexplicable, le fait était, dans le pays, notoire et incontesté.

« Cependant, un petit nombre d'habitants de Montoillot n’ayant pu être eux-mêmes témoins de ces singuliers événements, s’efforçaient d’y trouver quelque cause toute naturelle. Un, entre autres, se faisait remarquer par sa répugnance à admettre des choses qui lui semblaient impossibles. Je suis bien loin de le blâmer de cette prudente réserve, d’autant plus que bien des raisons la lui commandaient; d’abord la nature de ses études et de ses occupations (il était géomètre, et chacun sait que les sciences mathématiques rendent l’esprit exigeant en fait de preuves et d’évidence) ; puis il entendait tous les récits exagérés des bonnes femmes du pays, leurs commentaires sans doute très-peu scientifiques sur la nature des faits; leur mille et une hypothèses, et il faut bien dire aussi les incroyables imaginations dont elles enrichissaient la vérité. Tout cela n’était pas de nature il persuader un esprit positif et prudent.

« Mais voici bien une autre histoire. Un beau jour, ou plutôt une belle nuit, la domestique de notre incrédule se met crier, tout épouvantée, qu’on la tirait par les pieds. Puis le bruit de recommencer dans la maison même du géomètre, comme naguère dans celle de la veuve. Cette fois, l’occasion était belle de faire des recherches pour en découvrir enfin la cause. Vous pouvez penser que l’on n’y manqua point. Pendant six semaines, soit la nuit, soit en plein jour, tous les habitants du pays qui le désiraient purent venir entendre les coups et s’ingénier tant qu’ils voulurent à en trouver l’auteur. On ne le trouva point. Lits et meubles démontés, paillasses vidées sur le plancher, cloisons minutieusement examinées, toute la maison passée en revue, de la cave jusqu’aux girouettes, tout fut inutile, et rien ne donna ni ne fit soupçonner l’explication du mystère.

« Le bruit changeait de place fort souvent ; il semblait obéir au commandement, et s’accroissait quand on en manifestait tout haut le désir. 11 changeait même de nature : tantôt, semblable à des coups de marteau contre les meubles ou contre les murs ; tantôt imitant les déchirements d’une étoffe, d’un

drap, par exemple, ou d’un rideau labouré par des ongles très-durs.

Je ne puis passer sous silence une particularité peut-être plus étonnante encore. Lue chaise, sur laquelle se trouvaient des vêtements, fut, à plusieurs reprises, agitée violemment, de manière à faire tomber les objets qu’on y avait placés; puis, sans le secours d’aucun agent visible, cette chaise voyageait toute seule dans l'appartement. Un de mes parents se trouvant un jour présent à cette singulière promenade, voulut arrêter la chaise, et fit elfort pour ia retenir et la fixer sur le plancher. Elle lui fut irrésistiblement arrachée des mains, et alla se placer cl’elle-même à l'extrémité la plus reculée de la chambre.

« Voilà, Monsieur, ce que j’ai pu recueillir à ce sujet.

« Le géomètre croit aujourd’hui ce qu’il a vu et entendu; mais la délicatesse me fait un devoir de ne pas le désigner nominativement ; car les faits de ce genre sont en général si mal accueillis, que l’on aime mieux les taire que de soulever des discussions fâcheuses, ou de provoquer, en témoignant qu’on y croit, des souvenirs plus fâcheux encore.

« h. g. »

Mon correspondant ajoute :

« Dans le cas où vous seriez dans l’intention de livrer ces faits à la publicité, je vous prierais de ne signer mon récit que par nies initiales. Je n'ai aucune crainte que mes assertions soient trouvées fausses; je n’ai même aucun respect humain que je crois à ces faits et à un certain nombre d’autres du même genre; mais je crois que mon étal et mon habit m’imposent cette réserve et cet excès de prudence.

« J’ai désigné d’une manière parfaitement saine, quoique jamais par son nom, un des principaux témoins; mais je n’ai pas osé prendre sur moi de citer les autres. J'aurais voulu, pour le faire en toute sécurité, les av oir préalablement avertis et avoir obtenu leur assentiment. Si ces restrictions devaient rendre inutile mon récit, eu le privant des garanties qu’exigera le lecteur, je préférerais en faire le sacrifice. »

Agréez, je v ous prie, Monsieur, l’assurance de la parfaite estime de votre tout dévoué,

J. I.F.RMIER.

Dijon, 30 décembre 18Ô2.

BIBLIOGRAPHIE.

—i-v'îXî-£'ï—

PETIT CATÉCHISME MAGNÉTIQUE, ou Notions élémentames de mesmérisme, parL.-M. Hébert (de Garnay). —Deuxièmeédition.

Prix : 15 c. — Par la poslc, 20 c.

La science se répand dans les esprits sons mille formes diverses. Hier elle était la parole dialoguée tombant, dans les jardins d’Académus, des lèvres de Socrate et de Platon; aujourd’hui elle est l’œuvre encyclopédique d’Aristote; plus tard elle sera le modeste almanach, où un sage d’un monde nouveau révélera la science sublime du bonhomme Richard : la route varie, le but est immuable. Sous quelque aspect que l’intelligence se produise, elle laisse toujours derrière elle l’humanité grandie. Dialogue, encyclopédie, almanach sont la triple manifestation d’une même pensée; ils ont droit à "une reconnaissance éternelle, car ils font une éternelle propagande de vérité et de justice.

Si la forme sous laquelle une science est présentée ne peut être soumise à aucune règle absolue, elle est loin cependant d’être indifférente. Les hommes qui se sont donné la noble tâche de l’enseignement, doivent se livrer à des réflexions sérieuses avant de choisir le mode de publication de leurs œuvres. Ils ont à consulter l’état de la science qu’ils veulent faire connaître, et doivent prendre en grande considération l'intelligence de ceux à qui ils s’adressent. Nous nous occuperons seulement des conditions imposées aux auteurs qui révèlent à la foule une science nouvelle.

Nous voyons dans les civilisations naissantes, les initiateurs de peuples unir à l’élévation de la pensée la simplicité élégante de la forme : les premiers législateurs sont poëtes. Les vulgarisateurs de grandes découvertes doivent, dans de

certaines limites, s’inspirer de ces exemples. Ils adouciront lesâpretés premières en frottant de miel, à la mode antique, les bords de la coupe qui contient la boisson sacrée; leur miel il eux est la clarté; tous leurs efforts tendront à dissimuler les difficultés de la science sous la lucidité de l’exposition et la simplicité du langage.

1. esprit positif du peuple se laisse plus facilement toucher par les applications d’une science dont il sent l’utilité, que par des théories dont il ne comprend pas toujours les développements. L’auteur doit donc s’attacher h montrer ¡a partie pratique et les applications immédiates. Il écartera les longues explications théoriques; nuisibles à l’exposition rapide du sujot, elles n’ont pas, en outre, dans les sciences imparfaitement connues, cette certitude authentique d’où ne doivent jamais s’éloigner les livres élémentaires. Les hommes qui parlent au peuple ne doivent rien dire qui puisse être repris, les préceptes qu’ils exposent seront certains comme la vérité. Ils laisseront à. d’autres les aspirations vers les régions nouvelles, les discussions savantes, les résultats problématiques; leur honneur sera assez haut s’ils ont atteint ce suprême effort de l’intelligence : la simplicité; stincla nimpli-citus, dit un grand livre; et si, grâce à l’oubli des formules officielles, ils ont popularisé une grande découverte, ils n’ont à envier la gloire de personne, ils ont fait une œuvre utile.

Des exigences d’exécution matérielle viennent se joindre encore aux difficultés intellectuelles. Les livres élémentaires sont la monnaie de la science ; obole qui porte la vie de l’esprit, il faut qu’ils arrivent à tous, comme l’obole qui porte la vie du corps. Hôtes fidèles des humbles demeures, ils occuperont la place d’honneur au foyer domestique, sans diminuer jamais le bien-être de la famille ; le prix sera modique. Le peuple, pauvre de deniers, est pauvre aussi de loisirs; c’est à ses amis de lui économiser sa seule richesse, le temps ; l’œuvre sera concise. Les écrits conçus dans cet esprit de dévouement nous inspirent mie vive sympathie; œuvre de sacrifice et de science modeste, ils hâtent surtout les progrès de la civilisation en portant la lumière dans les masses,

*t ne donnent souvent à leurs auteurs ni gloire, ni profit. Il est moral que cette injustice soit réparée. Les hommes sérieux qui comprennent les mérites de ces généreux travaux, doivent remercier de la parole et du cœur les esprits d’élite qui s'efforcent de rendre universelle la connaissance des sciences utiles.

Un ouvrage fait dans les conditions d’abnégation scientifique que nous venons d’indiquer, manquait au magnétisme. Nous possédons un grand nombre de Traités remarquables, dans lesquels la philosophie vient féconder les expériences de l'étude; nous n'avions pas d’œuvre démocratique, si nous pouvons parler ainsi. Nous ne voyons aucun livre que la modicité du prix mette à la portée de toutes les mains, que la simplicité abaisse au niveau de toutes les intelligences. Le Manuel de M. du Potet, lui-même, dont nous ne saurions assez apprécier les mérites, ne s’adresse qu’à une classe spéciale de lecteurs ; fruit de longues recherches, il demande des hommes de loisir; œuvre de science, il veut des lecteurs préparés par une instruction première. Son prix, en outre, est ¿levé pour le plus grand nombre. C’est le manuel de l’étudiant érudit et grave, plutôt qu’une œuvre de propagande pure. Une peut être répandu dans la foule, sans nul souci dès mains dans lesquelles il tombe. Un livre de propagande doit pouvoir être jeté par milliers, sans qu’il soit donné un regard en arrière pour voir s’il est relevé : c’est une sentinelle perdue abandonnée à sa fortune.

La lacune regrettable que nous signalons a été comblée ; M. Hébert, président de la Société du Mesmérisme, a publié un travail qui satisfait aux conditionsde simplicité, debon marché, de concision que nous avons indiquées. Nul n’était mieux que lui préparé à remplir cette tâche difficile. Élève, comme il le dit dans une préface d’une noble simplicité, du meilleur et du plus vertueux des maîtres, il s’est initié, par dix ans d’études auprès de M. du Potet, aux lois mystérieuses du magnétisme; né dans une chaumière, il a vu de près les misères et l’ignorance des campagnes, et il s'empresse, lui sorti de la foulé par des efforts de travail et d'intelligence, de reporter

aii peuple le fruit île ses études, en lui révélant une science salutaire et encore ignorée, (’.’est une généreuse entreprise, clans laquelle l’accompagneront les vœux ardents de tous les amis de l’humanité.

M. Hébert a eu la bonne fortune d’un titre heureux. Dans mi livre destiné «aux masses, qui doit frapper les yeux pour arriver à l’esprit, le titre est d’une grande importance. 11 faut qu’il résume la pensée de l’auteur et indique le but par un mot connu de tous. M. Héberta donné à son ouvrage le nom le plus populaire, il l’a appelé : Catéchisme magnétique. En empruntant un nom au manuel de l’enfance, il a montré que son travail était destiné aux humbles et aux ignorants; et, en éloignant toute prétention scientifique, il a rassuré les intelligences paresseuses que les abstractions effraient.

Le Petit Catéchisme est, comme le livre dont il porte le nom, sous forme de demandes et de réponses. 11 est divisé en neuf chapitres, qui contiennent le résumé de la science magnétique : chacun est un petit tableau. C’est une série d’études qui peuvent se lire et s’apprendre séparément. Nous y voyons neuf leçons exposées avec art, chacune d’elles, tout en présentant un sens entier, est liée par une pensée commune avec la leçon précédente qu’elle complète, et la suivante qu’elle prépare. Le lecteur est si habilement guidé, qu’il arrive au but sans avoir senti les aspérités de la route.

Ces résultats sont dus à une grande lucidité d’analyse et à 1111 remarquable travail de condensation. Les efforts de l’auteur seront appréciés par ceux qui trouveront, resserrés dans quelques pages, les pensées et les faits répandus dans de gros volumes.

Tous les points importants de tradition, de théorie, de pratique, sont exposés avec une concision qui ne nuit jamais à la clarté. L’auteur, remontant à de savantes origines, donne les étymologies du mot magnétisme, indique les analogies et les différences des deux magnétismes, l’animal et le minéral ; puis, dans une exposition rapide, il fait l’histoire du premier, le montre caché dans les temples de l’antiquité, étudié sous un faux nom par les alchimistes du moyen-âge,

el retrouvé à la fin du siècle dernier parle docteur allemand Mesmer, le véritable vulgarisateur de la science dans les temps modernes. 11 présente ensuite les éléments théoriques, les principes incontestables et les résultats pratiques.

Nous signalerons successivement les parties du livre qui nous ont le plus frappé.

Indiquons d’abord le chapitre intitulé : Biographie. Il est consacré au récit de la vie de Mesmer. L'histoire simplement racontée du novateur, est une des plus belles revendications qui aient été faites de l’honneur du savant et de l'homme. Le lecteur y sent l’âme du disciple émue et reconnaissante, et il est pénétré à son tour du sentiment dont a tressailli l’auteur quand, empruntant à Mesmer seul les grandes pensées dont il lui fait une égide, il venge le maître des injures jetées à sa mémoire. Nous sommes heureux de citer le passage d'une lettre à la reine, oit se révèle dans toute sa grandeur l’âme stoïque du novateur :

u Dans la balance de l’humanité, y est-il dit, vingt ou vingt-cinq malades, quels qu’ils soient, ne sont rien à côté de l’humanité tout entière; et pour faire l’application de cc principe à une personne que Votre Majestó honore de sa tendresse, ne puis-je pas dire que donner à la seule Mmc la duchesse de Chaulnes la préférence sur la généralité des hommes, serait, au fond, aussi condamnable à moi que si je n’appréciais ma découverte qu'en raison de mes intérêts personnels? »

Ainsi parle ce charlatan , qui n’a eu qu’un but, répètent des détracteurs ignorants, celui d’arriver à la fortune en répandant l’erreur. A quel signe reconnaîtrait-on la vertu, si le vice inspire un tel langage? Les sentiments exprimés dans la lettre qui précède n’étonneront aucun de ¡ceux qui ont lu dans le Journal des fragments longtemps inédits des dernières œuvres de Mesmer. Tous les écrits de cet homme sont inspirés par la morale la plus pure et par la philosophie la plus élevée.

Nous voudrions rapporter encore les lignes qui terminent ce chapitre où Mesmer explique avec une force admirable la possession qu’exerce la vérité sur l'esprit de celui qui l’a

découverte ; mais nous ne pouvons tout citer, et renvoyons au Petit Cal f chimie’ceux qui aiment les grandes pensées noblement rendues.

M. Hébert montre le savant dans la vie publique et privée; il peint le maître en lui empruntant à lui-même ses couleurs, il se tient à l’écart pour laisser parler son modèle. Réserve de bon goût, qui a porté bonheur à l’artiste. Le portrait est fidèle; Mesmer nous paraît dans son image morale, tel que le verra l’avenir, tel que nous l'avons toujours vu : un grand homme de bien. Il était bon de montrer tout entier le révélateur du magnétisme, et de ne laisser ignorer à personne que chez lui le caractère était à la hauteur du génie.

Les chapitres intitulés: Opérations, Résultats, méritent une attention spéciale. Le talent d’analyse de l'auteur s’y montre dans toute sa force. Les pages où sont décrites les opérations magnétiques nous ont surtout frappé. Il nous semble impossible de renfermer dans moins de mots et d'expliquer dans un langage plus net les grandes notions du magnétisme théorique et pratique. La matière de longues discussions est resserrée en quelques lignes. Pour qu’ils aient plus de relief et de concision, les résultats certains des recherches scientifiques sont exprimés sous la forme de lois. Nous re-coinmandoniv vivement à la méditation des commençants, les douze articles qui servent de réponse à cette demande : h Quels sont les principes ? » Les esprits attentifs y trouveront un formulaire complet des effets de la puissance magnétique. Plus loin sont développées les conditions morales et physiques de la magnétisation. Une lecture sérieuse doit suffire pour faire comprendre les principes et pour en permettre l’application. Une gravure, qui parait copiée sur un bas-relief retrouvé dans les temples de Thèbes ou de Memphis, vient donner l’enseignement des yeux à ceux que les textes n’auraient pas entièrement éclairés.

Dans le chapitre : Opérations, sur lequel nous nous sommes airêté avec intention, parce que nous le considérions comme le type de la manière de l’auteur, nous 11e trouvons, après une étude attentive, qu’une remarque à faire. Nous ne

nommes pas satisfait complètement de la définition du mol magnétiser. Nous aurions désiré, à la demande : u Qu’est-ce que magnétiser ? »

Une réponse plus philosophique quecelle-ci :

« C’est exercer l'influence qui produit les phénomènes découverts par Mesmer et ses successeurs. »

La réponse est exacte; mais elle est d’une vérité étroite, elle n’apprend rien au lecteur qui sait déjà, par l'étude des chapitres précédents, que Mesmer exerçait une influeuce magnétique sur ses malades. Nous voudrions une réponse plus générale, qui indiquât la nature de l’influeuce développée. Nous sentons combien il est difficile de donner des définitions dans un livre élémentaire, aussi ne faisons-nous un reproche à l'auteur que parce que nous trouvons dans son talent élevé le droit d'être sévère.

Nous avons analysé les principaux chapitres du Petit C'a-t¿chimie, signalant ses éminentes qualités, indiquant ses imperfections légères. Nous ferons, en terminant, une critique qui serait ailleurs un éloge.

Cet ouvrage, malgré les efforts presque toujours heureux de l’auteur pour éviter la langue scientifique, est encore un peu savant. 11 y a trop de latin et surtout trop de grec, ainsi que d’expressions qui en dérivent, telles que : cholérique, {sotêrique, itUriquc, etc. Nous voudrions les voir disparaître ; car leur parenté avec la langue d’Homère les rend d’une intelligence difficile, et il ne faut pas oublier que le livre est destiné à ceux qui n’ont pas eu le temps d’apprendre les étymologies.

Nous avons aussi trouvé certaines réponses un peu longues; elles ont bien en général l’aspect formulaire nécessaire à l'expression de règles qui doivent s’imprégner dans l’esprit, mais elles offrent parfois des développements fatigants poulies mémoires rebelles. 11 sera facile, en les divisant avec soin, de les rendre plus concises, sans nuire à la clarté.

Les reproches que nous venons d’adresser à l'opuscule de M. Hébert n’ont pas une grande gravité : mots savants et réponses un peu longues, laissent entier le mérite de l'auteur

al l'utilité de l’œuvre. Le succès de la première édition, l'écoulement rapide de la seconde, des traductions habiles faites en Italie et en Espagne, sont des témoignages certains de la valeur du travail.

Les partisans du magnétisme doivent venir en aide au\ efforts de l’écrivain, en répandant avec profusion le Petit C'a-léchime clans les masses populaires. Livre d’une lecture facile, il portera la science nouvelle dans les ateliers des grandes villes, et la fera connaître des habitants des campagnes; il hâtera le jour lointain, sans doute, mais que de généreux travaux peuvent rendre plus proche, où sera assis au foyer de toute famille un magnétiseur instruit, médecin de la main et du cœur, qui trouvera dans son affection et dans sa vie des soulagements aux souffrances des amis qui 1 entourent; il révélera aux hommes des champs une force mystérieuse et salutaire, dont les effets ne sont jamais aussi puissants que dausle sein de la libre nature, et en apprenant aux laboureurs que leur vigoureuse organisation recèle le remède le plus certain aux maux de leurs enfants, il les mettra en garde contre les prescriptions illusoires et souvent dangereuses des guérisseurs de village. Le Petit Catéchisme sera plein d’enseignements aussi pour les hommes instruits non initiés encore au magnétisme, il montrera à. leur intelligence des horizons inconnus à explorer, une science nouvelle à approfondir. 11 sera utile à tous, enfin, car il est un livre moralisateur; il vulgarise une science dont la théorie élève l’âme vers les plus hautes pensées, et dont la pratique consciencieuse est l’exercice constant de la plus noble des vertus : le dévouement.

Jules LOGEKOTTE.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

FAITS ET EXPÉRIENCES.

1° UN DOMPTEUR DE SERPENTS A CAYENNE.

Nous empruntons au Nouvelliste de Marseille, du 7 février, la lettre suivante, dontil a reçu communication, et que plusieurs journaux de Paris ont reproduite :

« Mon cher Bruno,

« N’as-tu jamais suspecté les relations de ces voyageurs aventureux qui, revenus des profondes savanes de l’Asie ou du Nouveau-Monde, nous disaient avoir vu des Indiens posséder le secret de charmer les serpents? Pour moi, je reléguais au nombre îles fables tous ces merveilleux récits, sur lesquels me paraissait déteindre la brillante et poétique imagination des Orientaux ; mais mon incrédulité a dû céder ;Y l’évidence.

« Le drame que je vais te raconter est vrai de tous points* Ce n’est pas un carbet de nègres ou une hutte indienne qui lui a servi de théâtre; il s’est passé en plein soleil, dans une rue de Gayenne, en présence d’une foule de spectateurs.

« Peu de temps après mon arrivée ici, notre camarade Delafont, fourrier à la section d’artillerie, me proposa d’aller mettre en cage, chez l’ordonnateur, un serpent à sonnettes, adulte, que deux nègres de l’habitation de M. Carrèrek Kourou, avaient pris et renfermé dans un baril vide, au moment où le reptile digérait paisiblement un agouty au pied d’un caféier. J’acceptai l’olTre avec empressement.

« La maison de l’ordonnateur est circonscrite par les bureaux du commissaire aux revues, l'imprimerie, la somptueuse résidence de M. Franconi et la direction de l'artillerie ; aussi, quand nous y arrivâmes, la grande salle du rez-de-chaussée, où devait avoir lieu le transfèrement du crotale, regorgeait-elle d'employés, de militaires et d'habitants. (On

tome XII. — N° 158. — 23 Février 1833. 5

désigne par cc mot tout individu né dans la colonie, quelle que soit sa couleur ou sa race.

« Une vive discussion s’était engagée entre les curieux. Quels moyens prendrait-on pour faire entrer le serpent dans la cage qui l’attendait? L’opération était périlleuse. Les deux nègres de Kourou refusaient de s’en charger. Tu comprendras leurs scrupules, si je te dis que le hideux reptile avait dix pieds de long, et qu’il jeûnait depuis huit jours. Ici, comme ailleurs, les donneurs d’avis ne manquaient pas ; mais personne ne voulait attacher le grelot. M. Eynard, lieutenant d’infanterie de marine, mit fin aux débats en proposant d’envoyer quérir un certain dompteur deserpents du nom d'üléda, alors malade à l’hôpital.

« Sur un mot de l’ordonnateur, et après s’être assuré du consentement d’Oléda, le commissaire de l’hospice autorisa ce dernier à sortir. Le dompteur passa chez lui, et, vingt minutes après, il pénétrait dans la salle où nous l’attendions avec une impatience facile à comprendre.

« C’était un homme grand et maigre, d’une physionomie repoussante, à laquelle ses deux yeux fauves, allumés par la fièvre, donnaient une expression diabolique. Ex-grenadier d’infanterie de marine, il s’était retiré du service pour prendre une femme dans la colonie et faire valoir une petite habitation qu’il possédait sur les bords du Naliury. Sa réputation de dompteur de serpents remontait à quelques aimées ; on prétendait même qu’il avait trouvé le secret de guérir leurs morsures.

« Oléda demanda cent francs pour mettre le serpent en cage. Tous les spectateurs se cotisèrent et ou eut bientôt réalisé cette somme, qu’on offrit au dompteur.

« La cage fut placée près du tonneau.

« Oléda découvrit ce dernier, l’inclina lentement, et nous montra le terrible animal enroulé dans le fond. A la vue de cette masse flasque, gluante et froide qu’éclairaient deux yeux fixes et fulgurants, la panique s’empara des plus braves ; ceux d’entre nous qui ne purent se sauver par la porte, escaladèrent les fenêtres, si bien qu’Oléda resta seul au milieu de la salle avec son effrayant antagoniste.

« Remis de notre première épouvante, la curiosité nous ramena sur le théâtre de la lutte. Oléda, nous croyant complètement rassurés, plongea les mains dans le baril et en retira avec effort le superbe crotale, qui déroula ses nombreux anneaux et entr’ouvrit sa gueule d’un rouge de sang.

« Ici encore la peur nous domina. Ce fut une débâcle gé-

nérale : mais, cette fois, le dompteur nous suivit hors de la salle et posa le reptile au milieu de la rue. Celui-ci, se sentant libre, essaya de fuir avec cette lenteur de mouvements particulière aux serpents venimeux. Il pouvait avoir dix pieds de long; son corps était assez gros pour que deux larges mains eussent de la peine à l’étreindre ; sa tète, petite et plate, rasait la terre, comme s’il eût cherché de l’herbe ou un trou pour se blottir.

« Oléda, (pii ne le quittait pas des yeux, le saisit de nouveau et le souleva en nous le présentant. Le hideux reptile se tordit alors dans le vide, et, chose étrange ! lui qui se fût lancé sur un jaguar, n’osait regarder en face son débile adversaire!

Oléda exerçait-il sur son sujet une influence magnétique? Portait-il sur lui, comme plusieurs le prétendent, une plante antipathique à ces redoutables animaux ? En considérant les diverses épreuves qu’il fit subir au serpent, peut-Être admettras-tu la première de ces hypothèses.

« Oléda posa une seconde fois le reptile, et, se tournant vers nous, que la frayeur rendait pâles et immobiles : « Vous u le voyez! s’écria-t-il d’un air sardonique et triomphant, « c’est doux comme une biche. » Puis, se rapprochant du crotale, qui peu à peu gagnait du terrain, il siffla en manière de commandement. A cet appel (1), le serpent changea de direction et rampa vers le charmeur avec la docilité d’un chien couchant !

Je restai confondu, les deux nègres ne voulaient pas en croire leurs yeux : Li ka ami, bon Dit ! disaient-ils entre leurs dents en s’abandonnant à la pantomime la plus bizarre, li ka ami, bon Dit!

« Fier de l’impression qu’il produisait sur son entourage, le charmeur voulut l’augmenter encore. A cet effet, il s’empara du reptile, et, le maîtrisant par une force répulsive plutôt qu’attractive, puisque celui-ci cherchait toujours à s’éloigner, il lui ouvrit brusquement la mâchoire et nous montra les redoutables crochets dont elle était armée. Des frissons de colère agitèrent le corps de l’animal, qu’Oléda frappa vigoureusement à plusieurs reprises. A cette nouvelle attaque, les yeux ronds du serpent étincelèrent, sa gueule se remplit de bave et un long sifflement vibra dans l’air..., mais il ne mordit pas son agresseur. Ce dernier redoubla ses coups et le piqua même avec l’épine d’un ouara. C’en était trop. Les écailles du crotale s’entrechoquèrent avec un bruit ter-

(1) Voyez t. VI, p. 169, le Rapport de M. Ad. de Benumonl sur le môme sujet.

rible, il bondit de rage et tourna vers le charmeur sa tète menaçante.

« Nous crûmes Oléda perdu; mais, ô prodige! la gueule du monstre se referma presque aussitôt; les bruissements de sa queue s’éteignirent par degrés, il ramena sa tête vers la terre et de nouveau tâcha de fuir.

« Le charmeur recommença jusqu’à trois fois cette dangereuse expérience. Pendant vingt minutes, nous fûmes témoins d’une scène tellement émouvante, que le souille manquait à nos poitrines ; chacun de nous suait la peur.

( Lorsque Oléda, fatigué, reprit une dernière fois le serpent et l'enfenna dans sa cage, on eût dit qu’il venait de nous ouvrir la porte d’un cachot privé d’air... Nous respirâmes !

« 11 y a un mois qu’Oléda est mort. On prétend qu’il a légué son secret à son fils, si toutefois il y a secret.

« Voilà ce que j’ai vu.

« Si tu penses, mon cher Bruno, que le magnétisme entrait pour quelque chose dans l'occulte pouvoir d’Oléda, comme tu t’occupes de cette science, je t’engage à venir faire quelques expériences à Cayenne ; entre autres sujets, je te promets de jolis serpents, de gracieux jaguars et des caimans-slligators superbes.

roustan,

Brigadier d'artillerie.

Cayenne, 30 septembre 1852.

2° UNE SCÈNE DE MAGNÉTISME EN BALLON.

Dans un voyage aérien, fait le 25 juillet dernier, dans le but d’étudier les effets du magnétisme animal dans l’atmos-splière, M. Jules de Rovère n’a pu, dans un parcours borné et avec le temps qu’il lui a été donné de demeurer dans les airs, faire les diverses constatations qu’il se proposait (1).

Il a pu seulement s’assurer :

1° Que la puissance de l’opérateur, loin d’être diminuée

(1) Parti de Paris à 5 heures 10 minutes dans le ballon l'Aigle, descendu à Rouvres, près Dammartin (Seine-el-Marne), h 6 heures du soir. Plus grande élévation : 3,850 mètres. Voyageurs aériens : M. de Rovère, M. Louis-Joseph Brunet, M11» Désirée Puchoix de Saint-Omer, et M. Toutain, aéronaute, accom-

pagné de ion aide.

en s’élevant dans les airs, reçoit, pour ainsi dire, un surcroît d’intensité;

2° Que le sommeil, par conséquent, est d’autant plus aisément provoqué que l’on se trouve il une plus grande distance de la surface du sol ;

3° Que les phénomènes développés n’ont pas tout à fait les mêmes caractères que ceux produits en mer, à bord des bâ-timents à voile ou à vapeur-, h" Que le bourdonnement d’oreilles éprouvé à 3,800 mètres de hauteur par deux personnes à l’état normal, n’a été ressenti ni par le mesmériseur, ni par les mesmérisés.

Dans une prochaine ascension, entièrement consacrée à des expériences scientifiques, M. de Rovère veut, si les circonstances lui sont favorables, procéder aux recherches suivantes sur l’électro-magnétisme et la puissance animique de l’homme sur l’homme, dans les diverses stations où il lui sera permis de s’élever dans l’atmosphère :

1° Quelles sont les modifications magnétologiques produites par les diverses températures où se trouvent les personnes soumises à l’influence animique de l’homme?

2° Quelle est la nature des manifestations psychologiques développées, alors que la pression extérieure étant successivement diminuée, l’expansion intérieure est considérablement augmentée ?

3" Le froid est-il un aussi grand obstacle qu’on le suppose à la production des phénomènes variés et infinis, connus sous le nom générique de mesmérisme?

(.Bulletin de tu Société aérostatique et météorologique de France, n° d’octobre 1852.)

INSTITUTIONS.

Société Itia-magné(iiuc «le Gèucs.

Lorsque nous avons annoncé la fondation de cette institution (tome XI, page 471), nous ne connaissions encore ni sa composition, ni son titre définitif. Nous sommes en mesure maintenant de donner ces détails.

Elle se nomme Societi) Bio-magnetica Genovese.

Son but est l’étude du mesmérisme et son application rai-sonnée.

Elle procède à peu près comme les sociétés de Paris.

Son président actuel est M. Ricci, magnétiste instruit et fort recommandable.

Le portrait de M. du Potet est exposé dans la salle de ses séances, en signe d’alliance avec les mesmériens de tous les pays, qu’il représente comme présidait du Jury magnétique.

Deux membres des Sociétés de Paris en ont été nommés correspondants, ce qui forme un lien direct entre les magnétiseurs de France et d’Italie.

Société (lu MesmérlNmc île Pari*.

Nous avons reçu des journaux de Turin du commencement de janvier, qui contiennent la relation de deux cures opérées par M. Mario Ruggeri, l’un de nos membres correspondants en cette ville. En voici la traduction abrégée :

Premier cas. — M“° Angèle Belli, demeurant rue du Corso, n” 9, était atteinte, depuis huit ans, d’un grave affaiblissement du système nerveux qui avait amené successivement la surdité et la paralysie de la langue. Après avoir

essayé en vain de plusieurs remèdes, la malade se décida û recourir au magnétisme. Notre collègue la magnétisa pendant cinquante jours, au bout desquels elle recouvra entièrement la parole et l’ouïe ; maintenant elle est radicalement guérie.

Deuxième cas. — M“' Marie Biev, âgée de trente-neuf ans, demeurant chez M. le chevalier Vitale, place Victor-Emmanuel, n° 3, souffrait depuis longtemps d’une cardialgie qui ne lui permettait de prendre presque aucune nourriture. Magnétisée pendant quelques jours seulement, cette dame cessa de souffrir. Elle se nourrit à présent de tout ce que son estomac refusait précédemment, et ses digestions s’opèrent sans aucun malaise.

M. Ruggeri propose de traiter tous les malades déclarés incurables par la médecine officielle, et il désire que les médecins assistent autant que possible à ces traitements.

Notre collègue annonce qu’il va en outre ouvrir un cours de magnétisme théorique et pratique, destiné à répandre la connaissance et l’application de la doctrine mesmérienne dans les diverses classes de la société piémontaise.

Nous devons savoir gré à M. Ruggeri de ses efforts, et lui témoigner notre reconnaissance de son empressement à nous faire connaître les résultats de ses expériences. Je propose donc de faire enregistrer] les deux cures sus-mentionnées dans le Journal que le zèle de M. du Potet a su créer et conserver pour la propagation des connaissances magnéto-biologiques.

G. GOVI.

CONTROVERSE.

CORRESPONDANCE

ENTRE LE D' DESPINE, ET M« ALEXIS,

Ali SUJET DU MAGNÉTISME.

A Monsieur le doc leur Despine père.

Chambéry, le 21 juillet 1811.

Monsieur le baron,

Le 21 avril dernier, la sacrée Congrégation de l’inquisition a déclaré que l’usage du magnétisme animal est illicite, spécialement à raison du danger qui en résulte pour les mœurs.

Cette décision a été approuvée par Sa Sainteté.

Connaissant toute la sincérité des sentiments religieux dont vous ôtes animé, je crois devoir vous en donner connaissance et vous engager à ne pas continuer les expériences de ce genre dont vous vous ôtes occupé jusqu’ici. Vous vous serez sans doute aperçu que, par le passé, en votre absence sans doute, quelques-unes des personnes qui avaient pris part aux expériences ont abusé des effets du somnambulisme; c'est au moins ce que l’opinion publique paraît supposer. J’espère que ces considérations suffiront pour vous faire abandonner ces dangereux essais.

J’ai l’honneur d’être, avec les sentiments les plus distingués, monsieur le baron, votre très-humble et 'obéissant serviteur.

ALEXIS, Archevêque de Chambéry.

A S. Em. Mgr l'archevêque de Chambêry.

Aix-en-Savoic, le ltraoiit 18it.

Monseigneur,

J'ai des excuses à faire à Votre Grandeur, pour n’avoir pas répondu plus tôt à la lettre dont vous m’avez honoré le 21 juillet; mais elle m’est arrivée au moment où j’étais excessivement affairé, aussi profité-je du premier loisir que me laisses le dimanche, pour nie restaurer en temps.

Je commencerai, Monseigneur, par vous remercier de l'intérêt que vous voulez bien me témoigner dans la circonstance» et par rassurer Votre Grandeur sur les craintes de déconsidération et autres, qu’elle croirait pouvoir peser sur moi, si je me posais dans le monde comme un franc magnétiseur. Mes Observations de Médecine pratique, dont j’ai eu l’honneur de vous faire passer un exemplaire dans le temps, par l’entremise du Dr Mottard, contiennent toute ma profession de foi à ce sujet, et, sous ce rapport, je me crois à l’abri de toute atteinte ; je proteste donc encore ici de toute la franchise et de toute la pureté de mes sentiments catholiques, sentiments dans lesquels, avec la grâce de Dieu, je veux vivre et mourir. Veuillez, Monseigneur, en être bien persuadé.

Cela posé, je passe au magnétisme en général, et je dirai de lui ce qu’on a dit de Napoléon après sa chute, c’est-à-dire , qu’il avait fait trop de bien pour n’en dire que du mal, et trop de mal pour n’en dire que du bien.... Je connais depuis longtemps la décision et l’approbation du 21 avril, obtenue sans doute par quelque trembleur politique, en suite de l’élan extraordinaire donné au magnétisme à Turin, à l’époque de la réunion scientifique de novembre dernier. Je connaissais aussi, à cette époque, la décision très-sage déjà donnée par la môme congrégation sur le même sujet, en réponse à quelques questions qui lui avaient été adressées de Belgique, et c’est, Monseigneur, de Rome même que le texte de ces décisions m’a été envoyé.

J’ai aussi vu chez moi M. l’abbé Combalot, et l'ai laissé seul avec un cataleptique en crise et non en crise.

.l'ai lu depuis lors tout ou la majeure partie «le ce qui a été imprimé de mieux en France pour et contre le magnétisme, même les écrits de Mgr l’évêque de Moulins, de M. de la Marne, de M. l'abbé Frère, etc., etc., de sorte que je crois avoir sur cette matière un peu plus de notions que bien d’autres... Et si je joins cela, Monseigneur, la masse immense de faits qui sont en ma possession, le sang-froid du sexagénaire, et les données en physique, en histoire naturelle et en médecine, que je dois à mon éducation, et que n’ont pas toujours eues les gens qui ont fait du magnétisme ou qui ont écrit à son sujet, je suis prêt à soutenir thèse, pièces en main, devant qui et contre qui l’on voudra, sur le principe que ma propre expérience m’a lait adopter sur cette médecine de la nature, principe que je regarde comme un devoir sacré de faire connaître avant ma mort.

D’après cela, Monseigneur, je ne puis voir dans la décision du 21 avril dernier, donnée par LL. EE. Messeigneurs les cardinaux du Saint-Office, qu’une vague détermination, et seulement la simple opinion d’un tribunal, émise sur une exposition plus ou moins véridique ou mensongère des faits. Ceux qui l’ont provoquée, sans doute avec de bonnes intentions, avaient sûrement un but plus politique que religieux.... Je la respecte cependant, cette décision, quelle qu’elle soit, comme tout ce qui émane de la cour de Rome... Mais la raison ne me dit pas qu’elle puisse être obligatoire pour tous les chrétiens ; car l’on voit manifestement, dans le « prout exponitur (tel qu’il est exposé) » du décret (1), que la sacrée Congrégation du Saint-Office a voulu en laisser toute la responsabilité aux requérants.

Quant au point de vue médical et thérapeutique du mar gnétisme animal, et pour tout ce qui regarde les singuliers phénomènes que nous offrent les somnambulismes naturel et artificiel ou provoqué, la catalepsie, l’état extatique, les autres affections du système nerveux... c’est un tout autre

(I) La traduction de cc décret, et autres pièces analogues, tera imprimée à la «uite de la présente correspondance.

terrain.... et, malgré tout mon respect, toute ma déférence pour les décisions de LL. EE. Messeigneurs les cardinaux du Saint-Office, ma raison leur refuse toute compétence pour juger les phénomènes en leur qualité de juridiction ecclésiastique, quand il s’agira de les apprécier dans leur valeur scientifique et médicale... En effet, Monseigneur, s'il est permis de guérir avec de l’arsenic, du sublimé corrosif, de l’acide prussique et tous les poisons, et si, d’un autre côté, le magnétisme animal guérit des maux que la médecine ordinaire ne guérit pas, je le demande à Votre Grandeur, y a-t-il le moindre doute que le médecin n’en puisse user comme il convient, puisqu’en sa qualité il ne doit compte de ses actions qu’à Dieu et à sa conscience ? C’est le baume du Samaritain.... ce sont les grains de blé ramassés le jour du sabbat par notre divin Sauveur...

Veuillez, Monseigneur, recevoir ici ma nouvelle protestation d’inviolable attachement au Saint-Siège, ainsi qu’aux principes de l’Église catholique, et avec elle l’assurance du profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, de Votre Grandeur, le très-humble et très-obéissant serviteur.

D' DESPINE.

A S, Em. Mgr l’archevêque de Chambéry.

Aix en-Savoie, te 10 août 1841.

Monseigneur,

En vous confirmant ma lettre du 1" de ce mois, qui répondait à celle dont Votre Grandeur m’a honoré, sous la date du 21 juillet dernier, j’ai l’honneur, aujourd’hui, de vous adresser deux exemplaires d’un ouvrage récemment imprimé sur le magnétisme, et qui m’est arrivé depuis lors. Il est d’un médecin fort distingué de la ville d’Orléans, avec qui mon histoire d’Estelle m’a mis en relation. Les trois points de vue sous lesquels l’auteur envisage le magnétisme animal y sont traités avec une science et une sagesse dignes de l’estimable confrère qui s’en est occupé dans le même es-

prit que moi, dans des circonstances analogues et avec les mêmes résultats. J’espère, Monseigneur, que vous lirez cet ouvrage av ec plaisir et intérêt.

I.e deuxième exemplaire que je joins au vôtre est destiné à la bibliothèque du Saint-Office, it laquelle il vous sera plus facile qu’à moi de le faire parvenir. J’ai fait remettre dans le temps à S. E. le cardinal Lambruschini, dont j’avais eu l’honneur de faire la connaissance à Aix, en 1831, mon premier volume A’Observations de médecine pratique. L’ouvrage du Dr Charpignon y fera suite. J’eus alors avec Mgr Lambrus-cliini une assez longue conférence au sujet du phénomène de la double existence, c’est-à-dire de l’existence simultanée du même individu dans des lieux forts distants, consignée dans la vie du bienheureux Alphonse de Liguori, et dont il devait avoir été question dans le procès de sa béatification. Le fait, clans ma pensée, doit appartenir, physiologiquement parlant, à la classe des phénomènes du somnambulisme ; je désirerais donc beaucoup connaître quelle était, à ce sujet, la pieuse croyance du Sacré-Collége, et je me fais un devoir, Monseigneur, de vous assurer que ce que m’a dit Son Éminence me confirme pleinement dans ma première manière de voir.

Veuillez, Monseigneur, agréer ici de nouveau l’expression du profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, de Votre Grandeur, le très-humble et très-obéissant serviteur.

D' DESP1NK.

A Monsieur (e docteur Despine père.

0

Chamliéry, le 21 août 18 H.

Monsieur le baron,

J’ai reçu l’ouvrage intitulé : Physiologie du magnétisme, que vous avez bien voulu m'envoyer. J’en ai déjà vu une partie. J’ai bien l’intention de le lire en entier; mais il est assez probable qu’après l’avoir lu, mon jugement restera encore en suspens, comme il a été jusqu’ici. Ce n’est pas le premier ouvrage du même genre que je lis; j’en ai déjà vu plusieurs successivement : ils n’ont pas réussi à me convaincre, pas

même les révélations que l’ange gardien de Thérèse a faites à M. le médecin Billot, en lui parlant par les mouvements du genou de cette malade. Je présume que cet ouvrage vous est connu...

Je ne manquerai pas de faire passer le second exemplaire, selon votre désir, à llome, à la bibliothèque du Saint-Office. J’attendrai cependant pour cela une occasion favorablç ; j’espère en avoir dans le courant de l’année.

Je vous prie d’agréer l’expression de ma reconnaissance et celle des sentiments très-distingués avec lesquels j’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très-humble et obéissant serviteur.

+ ALEXIS, Archevêque de Chambéry.

A S. Em. Mgr l’archevêque de Chambéry.

Aix-en-Savoie, le 15 juin 18*3.

Monseigneur,

J’ai l’honneur de vous adresser, de la part du Dr Charpi-gnon, d’Orléans, deux exemplaires d’un opuscule qu’il vient de publier sur quelques phénomènes physiques qu’il a observés dans l’exercice du magnétisme animal. Comme dans mon premier envoi, l’un des exemplaires est pour vous, Monseigneur, l’autre pour la bibliothèque du Saint-Office, à laquelle vous voudrez bien l’acheminer par première bonne occasion.

Cette brochure n’est pas étendue, mais elle me paraît avoir une grande portée dans la science; personne, mieux que Votre Grandeur, n’est à même de l’apprécier. L’étude spéciale que partout on fait maintenant des singuliers phénomènes de l’état magnétique, plus philosophique que les écrits du Dr Billot, et plus chrétienne que celle de la plupart des magnétiseurs industriels qui courent le monde pour exploiter, bien plus à leur profit personnel qu’à celui de la science, fait progresser chaque jour cette dernière, et je ne doute pas que

bientôt les singuliers phénomènes qu’on a dans un temps rejetés comme incroyables, dans d’autres comme diaboliques et dignes des bûchers, ne puissent subir toute la rigueur d’un sérieux examen, une démonstration mathématique, fondée sur des lois physiques, comme cela doit être, puisqu’ils rentrent dans le domaine de la physiologie.

Recevez, Monseigneur, l’hommage, etc.

D' DESP1NE.

A M ousieur le docteur Despi ne pire.

Chambéry, le 21 juin 1843.

Monsieur le baron,

Je vous remercie avec reconnaissance d’avoir bien voulu m’envoyer le nouvel opuscule de M. Charpignon, sur le magnétisme animal. Quoique je sois très-occupé, je tâcherai de le parcourir au premier loisir, pour voir s’il renferme quelques nouveaux faits dignes d’être pris en considération. ■. J’ai fait parvenir à Rome l’un des volumes que vous m’aviez remis de sa part en 1842 ; je profiterai aussi de la première occasion pour envoyer celui-ci.

J’ai l’honneur d’être, avec les sentiments les plus distingués, Monsieur le baron, votre très-humble et obéissant serviteur.

+ ALEXIS, Archevêque de Chambéry.

(La suite au prochain numéro.)

VARIÉTÉS-

JurtaprudciHc. — La Presse du 25 août 1851 contenait un article intitulé : Crimes et délits qui n'en sont plus, dans lequel un jeune avocat exprimait la crainte que les lois contre la sorcellerie ne fussent appliquées au magnétisme. Les poursuites exercées dernièrement contre une douzaine de somnambules ayant en partie justifié ce pronostic, l’auteur a voulu traiter à fond la question. Il s’exprime ainsi, dans le même journal, à la date du 16 décembre dernier.

LE MAGNÉTISME ET LE SOMNAMBULISME AU POINT DE VUE PÉNAL.

« Le somnambulisme est l’objet des rigueurs de la justice. Les poursuites sont fréquentes : elles amènent des condamnations.

« L’exercice du métier de magnétiseur ou de somnambule se trouve-t-il prévu et puni par notre législation criminelleV

« Nous examinerons cette question, sans manquer au respect que commandent les décisions intervenues.

« Le somnambulisme crie à la persécution. Il se prétend victime des préjugés. 11 invoque l’exemple des anciens sorciers et se déclare héritier de leur innocence et de leurs malheurs.

« Les magnétiseurs, néanmoins, consentent à ne pas méconnaître les avantages de notre époque, qui a remplacé le feu et le gibet par l’amende et la prison.

« La plus sérieuse prétention du somnambulisme et le grand argument des plaidoiries de ses défenseurs, c’est qu’il constitue une science et en a tous les droits.

« Gomment trancher ce nœud scientifique ?

« Le tribunal n'est pas une académie !

« Et les décisions d’une académie elle-même seraient-elles sans appel? Tout le monde, y compris les somnambules, consentirait-il à les regarder connue l’immuable et pure vérité?

« D’autre part, est-il possible de rendre un jugement sans être édifié sur la réalité du magnétisme?

( S’il était vraiment une science, pourrait-il être justement condamné?

« La science est en elle-même une chose légitime. Bien

S lus, c’est un mérite, une gloire, et dans un certain sens un evoir. Dieu est le père des sciences» dit l’Ecriture.

(( 11 est facile de comprendre la difficulté de la question à

l embarras des juges.

Recourons au texte du Code.

(i Quelques-unes des poursuites ont été exercées en vertu de l'art. 405 du Code pénal, relatif à l’escroquerie.

a Mais l’escroquerie suppose la volonté de tromper.

(( Y a-t-il une fraude quelconque de la part des somnambules eu de leurs magnétiseurs? Cela revient à demander si leur foi dans la science est une feinte, et si cette science elle-même est mensonge ou vérité.

(i Des condamnations sont intervenues sur le fondement de l'art. ¿79 du Code pénal, qui punit les gens faisant métier de deviner et pronostiquer, ou d'expliquer les songes.

« Cet article est le dernier vestige qui rappelle les anciennes persécutions contre les sorciers, auxquels furent appliqués en divers temps la mort, les galères et le bannissement.

« La sorcellerie ne date pas du moyen-âge, non plus que les supplices dont elle a été l’objet. Les maléfices ont été punis en Grèce et à Rome. Les lois des diverses époques semblent copiées les unes sur les autres.

« Il y avait deux éléments dans la sorcellerie : le sacrilège et la superstition d’abord, qui servent à nous faire comprendre, sans les justifier, les peines énormes qui étaient appliquées. Il y avait ensuite l’escroquerie ou l’exploitation, par les charlatans, des préjugés de la foule.

« Nos lois criminelles ont abandonné le sacrilège et la superstition aux seules rigueurs de la religion. Il y a séparation entre l’ordre spirituel et l’ordre temporel. Des anciens élé-

inents de la sorcellerie il n’est donc resté, comme fait punissable par le Code pénal, que l’exploitation et le charlatanisme, qui tantôt constitueront le délit d'escroquerie prévu par l’art. /i05, et tantôt la simple contravention de l’art. 479. M. Jules Favre, dans son plaidoyer de ces derniers jours à la huitième chambre, a appelé avec une grande justesse le fait puni par cet art. 479, une variété de l'escroquerie. C’en est un diminutif, une espèce inférieure ou moindre: c'est la/je-lilr escroquerie, qui peut facilement devenir la grande et tomber ainsi sous le coup de l’art. ¿05. Cela dépend des moyens et du but.

« Nous ne sommes pas disposé «ï reconnaître que l’art. 479 puisse être appliqué au devin de bonne foi. Il s’agit de contravention ; mais si nous nous reportons à. la discussion du livre IV du Code pénal, nous trouverons que, dans l’intention de ses rédacteurs, il n’est point établi que la contravention en général dût Être punie en l’absence de toute faute, au moins d’imprudence ou de négligence de la part du contrevenant.

« Cela est juste, et dans le doute il faudrait s’en tenir à la règle d’équité.

« On ne peut tirer un argument des principes contraires admis par des lois spéciales qui sont en dehors du Code civij et ont une date postérieure.

« Ainsi les somnambules, qui font métier de deviner et pronostiquer, ne sont punissables que dans le cas de mauvaise foi démontrée.

n Alors revient de nouveau la question de savoir s’il y a une science réelle au fond du magnétisme, et si les adeptes en sont de bonne foi.

« Le ministère public se trouve obligé, pour obtenir l’application de la loi pénale, de démontrer que magnétiseurs et somnambules ne croient pas en leur art et ne sauraient, non plus tpie des augures, se regarder sans rire.... de leurs dupes.

« Tâche difficile ; preuve impossible. —Alors pas de pénalité applicable.

« En admettant môme que la mauvaise foi ne soit pas nécessaire , il suffit, croyons-nous, de se pénétrer du sens et du but de l’art. 479 pour le trouver étranger à l’espèce du somnambulisme.

« Veut-on soutenir qu’il a pour but de punir la superstition ?

« Le magnétisme se déclare science. Cet article frappe-t-il un simple fait? Quel fait? La raison l'indique.

« Le législateur avait en vue ces misérables charlatans de tréteaux et de foire, ces tireuses de cartes et ces diseuses de bonne aventure, qui s’en vont dans les campagnes exploitant la crédulité. Ce sont les moyens qu’ils emploient, prétendus maléfices et sortilèges, appareils et travestissements destinés à égarer les ignorants et les simples ; voilà ce que les auteurs de l’art. ¿79 ont voulu atteindre, et nous trouvons la trace de leur pensée dans l’art. /18I, qui ordonne la saisie des ùi-stnimcnts, ustensiles a costumes servant ou destinés à l'exercice du métier de devin, pronostiqueur, ou interprète des songes.

« Le somnambulisme déclare réprouver ces usages bas et honteux. 11 prétend ne recourir qu’à l'efficacité d’agents naturels. Son action se résout tout entière, dit-il, en une opération scientifique.

« La divination de l’esprit ou de la science n’est point évidemment ce que la loi pénale a voulu frapper.

« Il faudrait donc démontrer que le magnétisme n’est qu’une supercherie et un charlatanisme.

« Nous retombons toujours dans la question scientifique, que nous n’avons pas, quant à nous, à trancher.

« En résumé, l’art. ¿79 nous paraît généralement inapplicable. 11 a été édicté pour un autre ordre de faits.

« Les condamnations ne peuvent se fonder que sur l'art. 405, et dans le cas seulement de l'escroquerie telle qu’elle est définie par le Code pénal.

« Éhilf. JAY. ■

Chronique. — M. le chanoine Barricaud, de Lyon, a recommencé le cours de magnétisme qu’il avait entrepris l’an dernier. Sa tendance vers une conclusion anti scientifique est de plus en plus apparente, et chacun est déjà fixé sur son opinion. On croit qu’il ne voit dans les'phénomènes magnétiques que des manifestations de l’esprit malin.

— M. le professeur Oifila citait dernièrement un fait que le magnétisme peut justement revendiquer. Il a dit qu’un médecin de Montpellier avait coutume de faire appliquer la main de sa bonne sur son estomac, après chaque repas, et

qu'ainsi ses digestions, ordinairement fort lentes, s’effectuaient facilement.

Le savant docteur n’a point expliqué cette influence, mais tout son auditoire a parfaitement compris qu’il s’agissait de magnétisme animal.

— Un savant théologien allemand, M. C. Sholl, vient de publier à Hambourg une brochure dans laquelle il rend compte de plusieurs séances magnétiques dont il a été témoin à Paris.

Ce petit ouvrage mérite plus qu’une mention ; nous en ferons l’analyse.

— On nous mande de Saint-Pétersbourg, que le magnétisme est en très-grande faveur dans cette ville, et que plu-sieurs personnes distinguées l’étudient avec passion.

Des nouvelles semblables nous sont venues de Moscou et de Varsovie.

— Une somnambule de Saint-Denis (ile Bourbon), M“° Ges-lin, qui unissait la bienfaisance à la lucidité, vient de périr victime de son dévouement aux pauvres malades, dans une épidémie de petite vérole, qui sévissait il y a quelques mois dans cette île.

Revue de» Jonrunnx. — Le Constitutionnel du 28 juillet dernier donnait la nouvelle suivante :

« L'Observateur romain du| 19 courant annonce un ouvrage sur l’histoire du magnétisme, par Mgr Tizzani, grand chapelain des milices pontificales. L’auteur, dit ce journal, établit savamment la différence qui existe entre les miracles décrits dans l’Evangile et les miracles factices du magnétisme. »

— La Gazette du Languedoc du 5 de ce mois annonce la présence à Toulouse d’un magnétiseur lombard nommé Ra-gazzoni, qui doit faire des séances physico-magnétiques.

La Critique, journal de la même localité, dit, dans son numéro du 20, que M. Ragazzoni a obtenu les plus grands

succès en Espagne, et que sa puissance est surtout remarquable pour produire l’attraction,l'insensibilité et l’extase.

La source de cet éloge est un peu suspecte.

— Le Siècle du 12 mai 1852 annonçait en ces termes l’ouverture d’un des Cours en dix leçons que M. du Potet fait de temps en temps :

(i M. du Potet se propose de démontrer rigoureusement qu’une force puissante, inconnue dans sa nature, existe dans chaque Être humain, et que, habilement dirigée, cette force fait naître une multiplicité de phénomènes, plus inconcevables et plus grands que tout ce que les agents physiques ont pu produire jusqu’à ce jour entre les mains des plus célèbres praticiens.

« Le digne sucesseur des Mesmer, Puységur et Deleuze, dont il a complété les travaux et môme en grande partie rectifié les moyens d’expérimentation, veut bien nous convier à es' leçons. S’il nous est impossible en ce moment d’accepter l’invitation de M. du Potet et de rendre compte, dans nos colonnes, de son enseignement, nous espérons du moins pouvoir, avant peu, consacrer quelques articles à l’examen de la science nouvelle. »

Cette promesse a été tenue, et, dans ses numéros des 18 et 27 juillet suivants, cette feuille contient l’analyse de deux ouvrages relatifs au magnétisme. Le premier de ces écrits a pour titre : des Hallucinations, et est déjà connu de nos lecteurs; l’autre a été publié en Belgique par M. Bersot, et sera bientôt l'objet de notre propre examen.

— Le Journal pour rire du 24 juillet dernier, s’est amusé aux dépens de M. Bard qui, alors, magnétisait des chevaux. Cette parodie, en jetant le ridicule sur un homme sérieux, a fait suspendre les expériences. Mais les résultats obtenus ont été assez marqués pour convaincre des juges experts, et nous eu ferons prochainement la relation.

HÉBERT (de Garnay).

BIBLIOGRAPHIE.

CONSIDÉRATIONS SUR LA DURÉE DE LA VIE HUMAINE, ET LES MOYENS DE LA PROLONGER. Un volume iu-i, par M. le vicomle de LAPASSE. Toulouse, 184S.

Cet ouvrage, présenté comme mémoire à l’Académie des sciences,. ne se trouve point dans le commerce. Le peu d’exemplaires cfiii sont en circulation ont été offerts par l’auteur aux seules personnes qu’il croyait aptes à comprendre ses idées. C’est par hasard que l’un d’eux nous est tombé sous la main, et nous aurions cru aller contre les intentions de l’auteur en en reproduisant un extrait à son insu. Nous lui avons donc demandé l’autorisation de citer l’opinion qu’il émet sur le magnétisme, pour pouvoir l’apprécier ensuite. Voici sa réponse.

« Monsieur,

« M. le baron du Potet est bien le maître de faire tel usage que bon lui semblera d’un passage sur le magnétisme, jeté en passant dans mon opuscule sur la prolongation de la vie humaine; mais je préférerais qu’il attendit, pour discuter mon opinion, la publication d’un assez gros livre, sur le même sujet, auquel je travaille assiduement depuis dix ans.

« Là, je traiterai du magnétisme avec assez de détail pour exprimer toute ma pensée, et, si je ne me trompe, la question sera présentée à un point de vue nouveau. Mon but est surtout d’engager les savants à étudier les phénomènes du mesmérisme dans leurs rapports avec la puissance psychique, les forces instinctives et vitales, et, enfin, avec la thérapeutique. Je crois que le magnétisme est un des chapitres de la science de la vie, mais je ne pense pas qu’il la constitue

tout entière. J’y vois un utile auxiliaire dans le traitement de quelques maladies, mais je 11e peux admettre l'utopie de certains magnétiseurs qui rêvent un certain fluide, sorte de panacée universelle, et guérissant toutes les maladies. Telle est la théorie que je me suis efforcé de développer, en combattant à la fois l’obstination de certains savants ii nier des faits, et l’enthousiasme de certains magnétiseurs à prendre des illusions pour des faits. Cette théorie repose sur des études consciencieuses, des expériences multipliées, et je voudrais qu’elle ne fût pas présentée au public d’une manière incomplète.

« Quoi qu’il en soit, je me félicite, monsieur, de cette occasion qui m’a fait entrer en rapport avec vous ; je serais heureux de votre appui et de vos conseils dans mes études physiologiques et médicales, et vous prie d’agréer l’assurance de mes sentiments distingués.

« Le vicomte DE LAPASSE. »

« P. S. En relisant cette lettre, écrite fort à la hâte, je ne voudrais pas que vous puissiez y rien voir contre M. le baron du Potet, que je n’ai pas l’honneur de connaître personnellement, mais dont on s’accorde à, reconnaître les talents et l’honorable caractère ; j’ai voulu dire seulement qu’il est déplorable que le magnétisme soit exploité quelquefois par des ignorants, d’autres par des fous, et aussi par des fripons.

« Telle est ma pensée : rien de plus, rien de moins.

k Labrando, 20 août 1852. »

L’ouvrage que promet M. de Lapasse nous fournira matière à un ample examen, et nous attendrons, pour discuter la doctrine, que ce nouvel écrit soit publié. Mais nous pouvons, dès aujourd’hui, extraire de l’ancien ce qu’il contient de relatif au magnétisme. Cela ne portera aucun préjudice à l’œuvre en question, et nos lecteurs seront préparés à la juger.

Voici les paroles qui concernent le mesmérisme :

« On s’est récrié contre les absurdités de cette doctrine, dont les enthousiastes voudraient faire une science ; on a dit que beaucoup de consultations par somnambulisme seraient plutôt du ressort du procureur du roi que du domaine des académiciens. Tous ces reproches sont fondés, mais ils ne détruisent pas des faits inexplicables par la science de la matière.

« 11 est impossible tle nier l’influence que l’action magné-lique peut exercer clans certains cas sur nos organes. Les médecins qui la repoussent prétendent qu’elle surexcite d’une manière fâcheuse le système nerveux : c’est possible; mais de cela môme il résulte que, bien dirigée, cette action pourrait être salutaire, sans quoi il ne resterait plus qu’à rayer les substances vénéneuses des ordonnances de la Faculté; et, sans poisons, que deviendrait la médecine?

« L’action magnétique, disent les enthousiastes, est le résultat d'une sympathie, d’une sorte d'affinité mystérieuse entre deux personnes. Je crois môme qu’on a cherché à l'expliquer, en la rattachant à la puissance très-douteuse de fascination exercée par les reptiles sur leur proie. Quoi qu’il eu soit de cette théorie encore vague et mystique, le magnétisme animal n’a d’effet sur l’organisme qu’en agissant sur notre moral et en concentrant notre volonté. 11 suffit, pour s’en convaincre, d’avoir vu magnétiser et de s’être laissé magnétiser de bonne foi.

« Dès le moment où il est avéré que le magnétisme animal peut avoir une action quelconque, il entre dans le domaine de la médecine. Peut-être pourrait-on s’en servir utilement pour rétablier l’équilibre des fonctions intelligentes, troublées par des sensations trop violentes, par exemple, dans ces cas de malaise et d’abattement douloureux qui suivent une violente agitation ; dans les insomnies, et dans cet état de langueur et de souffrance qui accompagne les mauvaises digestions.

h On pourra donc quelquefois éprouver de bons effets de l’action magnétique dirigée par une personne prudente, et qui exercera sur nous un certain empire; mais il est encore préférable d’apprendre à se magnétiser soi-même ; et on le pourra toutes les fois que l’on saura le vouloir. Cette assertion paraîtra peut-être téméraire à quelques-uns ; mais elle sera comprise par tous les hommes habitués à méditer, par tous ceux qui savent apprécier leurs propres sensations. Cherchons à l’éclaircir par un exemple.

« Chacun connaît cet état de concentration de l’âme appelé la rêverie : s’il se prolonge, si rien ne vient vous distraire, si, pour mieux vous renfermer en vous-même, vous couvrez vos yeux, ne finissez-vous pas par voir, en quelque sorte, par la pensée? N’éprouvez-vous pas des impressions vives, nettes et semblables en tout aux fugitives, mais brillantes créations du sommeil ? Or, qu’est-ce qu’un songe ? Une sensation produite sur le cerveau, soit par la mémoire, soit par

toute autre faculté de l’âme ou du corps, mais sans le secours de l’organe de la vue, qui reste inactif pendant le sommeil. Et si, d’un autre côté, on petit produire le même phénomène en s’absorbant dans sa pensée ei voilant ses veux, n’est-ce pas une nouvelle preuve ajoutée ii toutes colles énumérées déjii dans ce chapitre, de la possibilité d’agir, en certains cas, sur les sens et les fonctions animales, par la puissance de la volonté concentrée?

« Supposons maintenant que cette force morale soit mise en action par un esprit éclairé ; que l’on fasse agir une mémoire qui aurait acquis la connaissance antérieure des organes internes et ^des phénomènes vitaux ; qu’enfin 011 ajoute certaines conditions d’équilibre électrique , ou même que l’on s’aide de frictions et d’autres agents extérieurs, n’est-il pas probable, nous pourrions presque dire évident, que par l’emploi simultané (le toutes ces forces on arriverait à maîtriser et à, diriger certains mouvements vitaux, que l’on appelle involontaires ? On pourrait, au moins presque toujours, aider le sens intime dans l’appréciation de la vie intérieure et de l’état des organes.

« Nous n’irons pas plus loin sur les applications de cette science encore au berceau, appelée magnétisme animal.

« Sans entrer dans les illusions de ses adeptes, nous avons voulu seulement démontrer la possibilité d’agir sur la matière par des agents en dehors de la matière. »

La lettre et le passage qui précèdent montrent un homme impartial; il reste à savoir s’il est suffisamment édifié sur les faits et les principes magnétiques; s’il est compétent, enfin, pour les juger. C’est ce que son nouvel ouvrage nous apprendra.

HÉBERT (Je Garnav).

Le Gérant HÉBLlxT (de Garnay).

FAITS ET EXPÉRIENCES,

Une force inconnue dans sa nature, et cependant réelle comme la lumière, ne peut se faire admettre par les savants; ils ¡poursuivent avec une obstination malheureuse la vérité la plus puissante qui fut jamais dévoilée aux yeux humains, (le qui ne serait que ridicule chez les sots, devient un outrage public à la raison et à la justice. L’opinion doit bientôt punir cet orgueil insensé des faux savants par un mépris universel, et le magnétisme comme l’électricité sera appelé à rendre à l’humanité les plus éminents services.

Mais en dehors de ce fait acquis, de cette action réciproque entre les êtres, il existe peut-être un autre agent plus merveilleux encore, et qui serait par sa nature le lien nécessaire entre le monde visible et celui que nos sens ne peuvent apercevoir, celui que notre intelligence devine et dit exister. Aveugles pour cette clarté céleste, notre corps en reçoit à chaque instant les rayons, notre âme en est remuée et tirée de son repos; un obstacle que nous ne pouvons vaincre empêche de la bien saisir, en la considérant à loisir. Réduit à des conjectures, nous cherchons les faits où son action paraît bien déiërfmiiuif, nous rassemblons les phénomènes observés où se montre clairement l’agent mystérieux qui semble n’emprunter au magnétisme humain que la propriété qu’il possède de pénétrer l’enveloppe humaine et de produire à sa surface une sphère d’activité nouvelle, et c’est ainsi que des communications spirituelles peuvent avoir lieu; c’est peut-être de cette manière encore, et par cette source, que s’acquièrent ces connaissances subites des voyants, ces facultés nouvelles qui dépassent notre entendement et confondent notre raison.

tome XII. — N° «59. — 10 Mars 1853. G

Aussi bien, qu’importe pour nous la cause réelle des fails merveilleux que nous pouvons saisir? (leux-ci sont à notre portée, constatons-les, en attendant que les grands esprits nous en fassent connaître l’origine.

Poursuivons, sans que la crainte du ridicule nous arrête: rappelons-nous qu’au commencement de ce siècle il y avait dans les cartons de notre Institut cent-trente exemples de chutes de pierres bien constalés, et cependant les académiciens se moquaient alors ouvertement de ceux qui croyaient aux aérolithes; maintenant il n’v aurait point assez de sarcasmes pour accabler l’homme qui nierait leur réalité.

Ce qui paraît mensonge est souvent vérité, et comme nous sommes persuadé qu’il y a ici un ordre de faits qui s’enchaînent, nous en concluons qu’il y a aussi un agent. Nous allons donc diriger nos recherches de ce côté, et donner suite aux publications commencées, concernant les coups mystérieux.

Baron DU POTET.

Io l’esprit FRAPPEUR 1)E jikrgzarerx.

A Monsieur F. Sœhnêc.

Wissem! ourg, 6 lévrier 1833.

Mon cher frère,

Voici de nouveaux détails (voir plus haut, page 63), que M. Senger a rédigés pour toi. J’ai repassé ce manuscrit, en corrigeant certains mots, et surtout en éclaircissant le sens par la ponctuation. Ces notices, touteiois, ne sont pas complètes, car ce ne sont que des extraits des principaux faits. Les rapporter tous eût pris trop de temps à M. Senger, qui est un homme d’aiguille et non de plume. Il est déjà assez empêché, car, maintenant, sa maison est quelquefois pleine de monde, même le jour.

A chaque instant 011 entend frapper à la porte, quelquefois avec fureur, d’autres fois légèrement, avec les doigts. La sonnette se met à sonner, mise en mouvement par une main invisible. Le malin esprit en veut surtout à M“* Sen-

ger. Son fichu lui est enlevé, divers objets, une boule, une règle, des ciseaux, des sabots, des savanes, etc., lui sont lancés aux jambes, et la boule à raccommoder les bas lui fait toujours mal. A chaque instant on l’entend s’écrier : » Jésus Marie! qu’est-ce là encore? »

(les jours derniers, les coups mystérieux ont acquis une nouvelle intensité. « Ils sont maintenant au nombre de six »,

dit la jeune iille, c’est-à-dire six esprits..........

Le tribunal de Landau vient tout récemment de faire des recherches dans la maison Senger, mais l’esprit frappeur a reçu ces messieurs à coups redoublés, non pas cependant sur leurs personnes, ce qui eût été le cas. C’est peut-être partie remise, sachant que la justice se propose de revenir plus en nombre. Comment se fait-il donc qu’on n’ait pas pu encore saisir au collet le tapageur nocturne?

Tout à toi.

L. SOEHNÉE.

Traduction abrégée de la relation de M. Songer.

Le 1" janvier 1853 recommencèrent les frappements habituels; après qu’ils eurent duré une demi-heure, la jeune visionnaire se mit debout sur son lit, s’appuya contre le mulet joignit les mains; son visage, entièrement altéré, ressemblait à une figure de cire. Après être restée dans cette position pendant une demi-heure, elle se mit à genoux , et demanda à l’esprit pourquoi il prenait congé d'elle. « Ah ! lit-elle ensuite, tu reviendras donc demain avec d’autres esprits?» Ici elle se mit à pleurer et se recoucha. Tout aussitôt on entendit gratter une marche très-gaie. Un monsieur qui était présent en ce moment demanda au frappeur combien d’esprits viendraient demain. Six coups forts furent la réponse à cette demande. Quelques minutes après, la jeune fille se réveilla en priant son père de venir auprès d’elle, et lui parla des belles choses qu’elle vit dans l’endroit où elle s’était trouvée : elle dit ensuite, pleine de tristesse : « Ah ! que m’adviendra-t-il dans le courant de cette année? Il y avait là six esprits semblables. et ils veulent tous exercer leur action sur moi. »

En marge du manuscrit est écrit :

«11 fut annoncé à la jeune fille qu’il y aurait une apparition « nouvelle chaque mois de la première moitié de cette année. » Le *2 janvier, à sept heures du soir, une dame vint visiter la petite Philippine, et après quelle fut assise, les grattements commencèrent à se faire entendre sous sa chaise.

La jeune fille se mit au lit à neuf heures; à peine couchée, on entendit sortir du bois de lit des grattements entremêlés d’autres sons; puis après se firent entendre des marches el des danses. Ces bruits ayant cessé un moment, la jeune fille fut saisie de frayeur, et s’écria : « Oh ! aidez-moi ; je veux m’en aller, je ne puis rester ici ! » Elle passa ses bras autour du cou de son père sans vouloir le lâcher ; celui-ci la coucha ensuite dans un autre lit, afin qu’elle pût y trouver le repos. Étant à peine couchée, on entendit partir des poutres du plafond et du mur de la chambre un bruit semblable à celui que produit la hache d’un charpentier qui démolit. Les fenêtres s’ébranlèrent, et le parquet remuait sous les pieds des assistants : ce tintamare dura pendant une heure. Philippine se rendormit ensuite. Une dame et plusieurs autres personnes qui se trouvaient dans une autre chambre entendirent une détonation semblable à celle d’une capsule ; cette dame se jeta de peur dans les bras de son mari. Un moment après, la jeune enfant se réveilla en demandant à sa mère ce qui s’était passé dans la chambre voisine ; cette dernière répondit qu’il ne s’y était rien passé. «Comment! il ne s’y est rien passé? dit Philippine; si vraiment! l’esprit a fait quelque chose dans cette chambre ! » Puis elle dit : « Que cette dame (Mme Joeger) prenne garde à elle, car l’esprit se propose de lui faire une visite dans sa maison, de renverser sa table et de lui passer (les mains) sur sa figure. Les frappements ayant recommencé, et Philippine étant éveillée, un assistant lui demanda quelle heure il était. « Je ne le sais pas, répondit-elle, puis instantanément douze coups indiquèrent l’heure qu’il était. La jeune fille étant endormie, des personnes qui n’habitent pas Bergzabem lui demandèrent le nombre de lieues qui les séparaient de cette ville ; depuis combien d’années elles étaient mariées ; combien d’enfants elles avaient ;

...m le nombre de ceux qui leur avaient été enlevés par la mort. Or les réponses à toutes ces demandes furent d’une exactitude parfaite.

Le h janvier, un buveur demanda à l’esprit combien il avait bu de schoppes de vin dans la journée : deux coups frappés furent une réponse véridique.

Du 6 au 10 jam ier, on entendit, au commencement du sommeil de Philippine, des cris semblables à ceux d’un perroquet; après cela on entendit gratter des marches dans un (on différent, partant d’une autre partie inaccoutumée du lit. 11 semblait que l’esprit donnait une leçon à un autre, qui exécutait ses marches d’une manière plus imparfaite, ce qui durait jusqu’à ce que l’élève eût égalé son maître.

Le 12 janvier, à deux heures de l’après-midi, la jeune fille travaillait dans la cuisine, en s’entretenant avec ses parents des faits précédents ; un coup violent frappé contre la porte les effraya tous; en parlant de ce nouveau fait, un second coup se fait entendre. M. Senger ouvrit subitement la porte et ne vit personne ; sa fille était presque morte de frayeur.

Le 16 et le 20, il arriva pour la première fois que ce ne fut plus le bois de lit qui fut secoué, mais la jeune fille ; or celle-ci fut tellement ballottée, qu’il était impossible d’arrêter ce mouvement, lequel ayant cessé, des coups violents se firent entendre.

I.e 22 janvier, la jeune dormeuse dit : « J’ai peur pour les deux derniers jours de ce mois, car il doit m’arriver quelque chose d’étrange. »

Le 30 et le 31, elle se coucha contente ; mais ensuite elle ne put continuer sa prière, ses membres devenant subitement immobiles : elle fut alors ballottée à droite et à gauche; ce mouvement ayant cessé, son corps était complètement raide, à un tel point que deux hommes forts eussent été dans l'impossibilité de le redresser; elle demeura dans cet état pendant une heure sans se réveiller, et à son réveil elle resta une demi-heure sans pouvoir remuer ses membres : les frappements contre le lit eurent lieu ensuite.

Dans le manuscrit, M. Senger donne le nom des personnes qui ont été touchées par l’esprit. Do ce nombre sont deux

demoiselles nommées Frick, qui ont été tirées put .... V(-._ temenU.

M. le receveur des contributions Sattler, quia été plusieurs fois touché par l’esprit, vint chez M. Songer, où il se plaignit de violentes douleurs qu’il éprouvait dans le bras droit, et qui l'empêchaient de se livrer «à son travail. Lorsque la jeune lüle fut plongée dans son sommeil magnétique, elle appela ce monsieur auprès d’elle, lui frictionna le bras à plusieurs reprises dans la même soirée, et les douleurs disparurent totalement.

Quelques jours après, M. Zeutner, capitaine au 1er régiment d’infanterie, éprouvait de violentes douleurs faciales, le côté gauche de sa figure était enflé et l’œil gauche contourné; or, s’étant fait magnétiser quelquefois par la petite Philippine, au bout de deux jours il fut entièrement guéri.

M. le Dr Wehrschmit, affecté de douleurs rhumatismales et d’un commencement de paralysie du bras droit, se sentit revivre après deux frictions magnétiques faites par Philippine. Cette douleur disparut totalement lorsque le docteur mit sa main dans celle de la dormeuse : celle-ci, au bout d’une minute, se mit à crier à cause de la douleur qu’elle éprouvait dans son bras et qui venait de cesser dans celui de M. Wehrschmit. Philippine continua d’éprouver cette douleur, qui toutefois alla en diminuant, pendant trois jours.

Après quatre séances magnétiques, M. Bachmann, négociant, fut guéri d’une maladie qui causa de l'enflure aux mains et aux jambes, un tel point que ces membres étaient devenus immobiles.

Une clef fut aimantée par l’attouchement des mains de la jeune somnambule : cette clef n’attirait pas la limaille de fer à distance, mais seulement lorsqu'on la couchait dedans; l’aimantation cessant au bout d’une demi-heure, la limaille retombait. M. Senger observe ici que la force magnétique de sa fille est variable. Cette attraction a lieu indistinctement pour le fer, l’acier, le laiton, le cuivre, l’or, l’argent, le cuir, la porcelaine, etc.

Après ce passage du manuscrit, le père Senger témoi-

gne que tons los faits rapportés se passent dans toutes les localités où se transporte sa (ille.

Le 1er décembre 1852, la jeune visionnaire vit dans sou sommeil un oiseau dont elle eut peur, croyant qu’il allait lui faire mal; elle appela à son secours, disant à son père de l’at-trapper, en indiquant du doigt l’endroit où il était niché : tout aussitôt. 011 entendit partir de là des grattements semblables à ceux produits par les serres d’un oiseau de proie, bruits qui allèrent en redoublant; or ces bruits répondirent, aux questions qui furent faites par les assistants.

F. SOEHNÉE.

2° VUE CHEZ DES ANIMAUX DÉCAPITÉS.

Hérodien rapporte que des autruches, dont l'empereur Commode s’amusait à couper la tête dans le cirque, continuaient de courir après avoir été décapitées.

Cuvier, en citant ce fait, dans la 11e leçon de sou Cours de l'Histoire des Sciences naturelles, dit i

« J’ai répété cette expérience sur des oies, et elle a en elfet donné un résultat analogue à celui qui est consigné dans Hérodien. »

J’ai vu un coq courir aussi après avoir eu la tète tranchée sur un billot. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que cet animal, ainsi mutilé, se dirigea vers la cuisine d’où on l’avait apporté dans une cour, et y revint après en avoir été repoussé à quelques pas.

Un magnétiseur de Paris, M. D..... de S........ disait il

y a quelque temps à un Américain de mes amis, le docteur

B...... et à moi, qu’en irritant fortement une partie du

corps, 011 voyait quelquefois par cette partie. Si M. D......

avait vu mon coq, il est probable qu’il aurait expliqué sa direction renouvelée vers la cuisine, au moyen de la forte irritation que le couperet avait causée à son col.

MAGDELEINE DE SAINT-AGT.

CONTROVERSES.

CORRESPONDANCE

ENTRE LE I)' DESPINE, ET M“ ALEXIS,

AU SUJET DU MAGNÉTISME.

(Suite.)

A Monsieur le docteur Despine pire.

Chambéry, le 26 novembre 1813.

Monsieur le baron,

Je ne puis m'empêcher de vous manifester la peine que j’ai éprouvée à l’occasion de ce qui est arrivé dernièrement à Aix, relativement à Marie Froment. En résumant tout ce qui s’est passé depuis dix à douze ans au moins, je m’aperçois de plus en plus que le magnétisme animal est une occasion d’immoralité et de scandale. Je ne forme pas le plus léger soupçon sur votre conduite personnelle; mais vous ni-magnétisez pas toujours seul; vos cataleptiques sont mises en spectacle; bien des curieux les environnent, et, lorsque vous n’êtes pas présent, il se passe, entre les curieux et vos somnambules, des choses fort peu convenables, et quelquefois des choses grossièrement immorales. Dans sa justice, Dieu permet que les désordres finissent tôt ou tard par un scandale, comme dans le cas de la femme Schmitz et de la fille Froment. Cela confirme de plus en plus la sagesse de la décision qui a été portée à Rome. Je me fais un devoir d’inviter M. le curé et MM. les vicaires d’Aix à ne plus entendre en confession aucune des personnes qui seraient soumises à des opérations magnétiques, et à les laisser plutôl

sans sacrement, jusqu’à ce qu’elles aient absolument changé de résolution. Comme j’aime à agir franchement en toute, chose, j’ai cru devoir vous manifester aussi mes intentions à cet égard.

J’ai l’honneur d’être, avec une parfaite considération, Monsieur le baron, votre très-obéissant serviteur.

-f- ALEXIS, Archevêque de Chambéry.

A S. Em. Mgr l’archevêque de Chambéry.

Aix-en-Savoie, le 26 décembre 1813.

Monseigneur,

Différentes courses, absences et voyages, m’ont privé de l’honneur de répondre plus tôt à votre bienveillante missive du 26 novembre dernier, n° 1A60. Je viens donc vous en remercier, Monseigneur, ainsi que de l’intérêt tout paternel qui vous l’a dictée, et je suis pénétré de la plus vive et de la plus sincère reconnaissance.

Déjà, Monseigneur, vous connaissiez ma profession de foi catholique et médicale sur le magnétisme animal ; ma manière de voir à ce sujet se trouve tout entière contenue dans les lettres que j’ai eu l’honneur de vous écrire en 1841. Votre Grandeur me permettra sans doute de n’y pas revenir; car tout ce que j’ai vu, tout ce que j’ai lu et expérimenté depuis cette époque, n’a fait que confirmer mes notions d’alors.

J’ai beaucoup applaudi, Monseigneur, aux articles de vos constitutions synodales qui interdisent aux ecclésiastiques de votre diocè.-e l’exercice de l’art du rebouteur et la pratique du magnétisme animal. Ces deux parties de l’art de guérir, non plus que toutes les autres, ne sauraient être convenablement exercées que par des médecins, des chirurgiens ou des gens de science, instruits et offrant toute garantie. Elles devraient être absolument interdites à l’empirisme qui en fait métier.

Comme vous, Monseigneur, et depuis bien longtemps, j’ai gémi des abus qui peuvent résulter du magnétisme animal,

confié ou abandonné à des mains imprudentes ou peu sûres. Et je m’étonne que notre gouvernement, d’ailleurs si paternel, si attentif à tout ce qui a trait à la police et aux bonnes mœurs, et qui semble parfaitement convaincu de la puissance du magnétisme animal, n’ait pas encore soumis cet agent thérapeutique aux lois réglementaires qui régissent l’exercice de la médecine dans nos États. Les gouvernements du nord, qui sont bien moins orthodoxes, l’ont fait chez eux depuis longtemps, et ce serait, Monseigneur, une grande obligation que vous auraient la morale publique, les malades à qui le magnétisme peut être utile, et la religion, si Votre Grandeur voulait bien provoquer une semblable mesure. En effet, une sage et régulière approbation pour une chose de cette nature, vaut cent fois mieux en administration qu’une proscription absolue, qui est tout à fait illusoire dès qu’elle devient inexécutable.

Le magnétisme animal, Monseigneur, est un fait avéré, et son existence ne saurait plus être contestée par aucun homme instruit et de bonne foi. Sa puissance, comme moyen thérapeutique, est admirable; mais elle peut faire ou beaucoup de bien, ou beaucoup de mal, selon que le magnétisme se trouve bien ou mal appliqué. La seule question qui semble agiter maintenant les gens de bon sens, de science ou de religion, est de savoir s’il vient du ciel ou de l’enfer.

En général, les personnes qui, sans avoir étudié le magnétisme, se trouvent par hasard témoins de ses merveilleux effets, sont portées à le croire surnaturel; au contraire, le médecin qui a de l’instruction, un peu de logique et de philosophie, celui qui a étudié et suivi avec quelque attention les phénomènes dont il s’agit, n’y voit rien que de très-conforme aux lois de la nature, et, par conséquent, il sait que le diable n’y entre qu’autant qu’on veut bien l’v faire entrer.

■ 11 en est ainsi de tous les actes dépendants du libre arbitre de l’homme.

On parle d’abus... de scandale;... mais, Monseigneur, ne s’en glisse-t-il pas partout? N’en voit-on pas dans les cloîtres comme au théâtre? dans ce qu’il y a de plus sacré, comme dans ce qu’il v a de plus profane? Or donc, dès que le

magnétisme est une épée à «leux tranchants, il me semble «{ue le premier devoir de l’autorité est d'établir de sages lois qui, en en réglant l’exercice, préviennent, autant que possible, les abus. I.a chose me paraît d’autant plus importante, pi au fond,de quoi s’agit-il ici? ('.’est: premièrement, «lefacultés physiologiques et psychologiques qui, bien dirigées, forment l’un «les plus beaux attributs, l’un des plus beaux ornements que l’homme ait reçus «le son Créateur ; et, en second lieu, d’une œuvre de charité à laquelle nul chrétien ne saurait se refuser, surtout quand la nécessité ou la position en font un devoir. Et c’est ce qui arrive au médecin, qui, avant tout, doit guérir quand il en a la possibilité.

La maladie et l’événement de Marie Froment, à Aix, y ont produit bien moins de scandale «pie Votre Grandeur ne semblerait le croire; la grossesse et l'accouchement d une Jilie ne sont pas rares dans le siècle où nous vivons, pas plus que dans les temps anciens. Mais comme d’un mal il résulte toujours un bien, dans les vues si sages de la Providence, il nous est résulté de cet accident (que d’ailleurs, ainsi que vous, Monseigneur, je regarde comme très-malheureux, surtout pour la fille Froment); il nous est résulté, dis-je, pour la science et la morale, des documents et des données que je regarde comme infiniment précieux. Telles sont : 1° la certitude acquise que la conception peut avoir lieu dans un état de passivité absolue chez la femme, sans que l’esprit, le cœur et les sens conservent le moindre souvenir, la moindre conscience de l’acte corporel qui y a donné lieu; 2° la certitude que le mariage et ses consé«[uences naturelles ne guérissent pas essentiellement les malailies de l’espèce, comme généralement on semblerait le croire. C’est donc à tort qu ou les attribue communément à un amour passionné ou malheureux. Je puis vous en donner l’assurance, Monseigneur, car sur douze crisiaques magnétiques ou cataleptiques que j'ai soignés cette année à Aix, et que j’ai eu le bonheur «le guérir ou de soulager, en employant à leur égard le magnétisme animal comme auxiliaire des eaux, je n’ai reconnu de passion libidineuse chez aucun. Tous ces malades ont eu pour cause déterminante de leur affection, des frayeurs de diver-

ses espèces. Et, parmi les mouvements instinctifs qui se sont manifestés pendant leurs crises, nul ne s’est attaché à autre chose, si ce n’est à la conservation personnelle de l’individu, et pas du tout la conservation de l’espèce, qui m’a toujours paru fort étrangère auxdits actes. Ces deux points de haute physiologie, Monseigneur, doivent avoir, ce me semble, une grande portée au point de vue social, et donneraient lieu à de graves discussions... Mais les discussions ne sont pas l’objet de cette lettre.

Vous me signalez dans la vôtre, Monseigneur, la fille Froment et la femme Schmitz ; mais Votre Grandeur sait-elle ce que c'est que Mm* Schmitz, née Baud, dont, sans doute, elle a voulu me parler? Quant à moi, qui l’ai gardée plus de six mois dans ma maison, qui l'ai observée jour et nuit, dans toutes les phases et les périodes de sa curieuse maladie ; moi qui l’ai suivie et épiée pas à pas tous les instants, ainsi que ceux qui l’approchaient ou qui l’accompagnaient dans les diverses exigences de sa douloureuse affection, je puis vous certifier, Monseigneur, que je ne connais rien d’aussi vertueux, rien d’aussi chaste, rien d’aussi pudique que cette dame malheureuse... Et, s’il fallait vous en fournir des preuves, ce n’est pas dans sa famille, ce n’est pas dans la mienne que j’irais les chercher, mais bien dans les membres du clergé, dans les membres des corporations religieuses qui ont eu l’occasion de la connaître. Mais sur cette terre de malédiction et de misères, quel est celui qui saurait être à l’abri de la calomnie ?

Aussi, Monseigneur, ce n’est pas sans regret que j’ai vu dans votre lettre du 20 novembre dernier, que vous aviez donné à MM. vos curés et vicaires d’Aix l’ordre de refuser les sacrements aux personnes dont l’état maladif obligerait à recourir au magnétisme. Cette sévérité de discipline ne me semble pas de justice rigoureuse!!! permettez-moi de vous en faire l’observation. L’exemple et l’opinion d’un prélat tel que vous, Monseigneur,’autant versé que vous l’êtes dans les sciences et divines et humaines, 11e peut qu’être d’un grand poids, je le sais, dans une discussion de l’espèce. Cependant, comme votre opinion ne saurait changer les faits, que d’au-

ires illustres prélats de l’église ne sont point aussi exclusifs que Votre Grandeur sur l’article du magnétisme animal, il me semble que leur manière de voir a bien quelque valeur aussi, et qu’elle peut être mise sans difficulté dans la balance. On peut donc croire, sans errer, qu’il est de cet agent ce qu’il est de toutes les substances médicamenteuses énergiques, qui peuvent devenir de véritables poisons, selon la dose à la-quellejon les donne. Il en est ainsi de beaucoup d’actes sociaux qui, bien qu'indifférents en eux-mêmes, deviennent condamnables par les circonstances qui les accompagnent ; tels sont, Monseigneur, connue vous le savez mieux que moi, le jeu, la danse et les autres divertissements profanes. Il m’est consé-quemment fort pénible de penser qu’un jour, qui n’est pas fort éloigné sans doute, Votre Grandeur sera obligée, par la seule force des choses, d’en décider tout autrement. Rome, dans son décret du 21 avril 18/|1, s’est montrée bien plus cauteleuse, car son «prout exponitur » la tirera toujours d’affaire. En effet, il me serait facile, Monseigneur, de vous prouver, en vous le faisant toucher au doigt, combien il y a d’erreurs et de fausses expositions dans le narré qui a servi de base audit décret ; aussi Messeigneurs les évêques de Gap, de Montpellier, de Grenoble, et Mgr Bonald, de Lyon, etc., etc., l’ont très-bien compris, puisqu’ils ont, depuis et malgré le decreto, autorisé la libre pratique du magnétisme animal à tout médecin offrant garantie de science et de moralité, qui jugerait convenable d’en user pour ses malades, et plusieurs de ces prélats en ont plus d’une fois profité eux-mêmes. Il serait bien à désirer, Monseigneur, que MM. les ecclésiastiques, chez qui la science de Dieu n’exclut certainement pas les sciences de l’homme, eussent sur la physique, sur le magnétisme et sur la médecine en général, des notions plus exactes qu’ils n’en ont eu pour la plupart jusqu’à présent, afin de pouvoir raisonner avec avantage sur les diverses connaissances humaines , contre les ergoteurs, prétendus philosophes qui, dans leur incrédulité, après avoir enlevé au diable la part qu’il n’a sûrement pas aux phénomènes physiques, attaquent ensuite impitoyablement celle qu’on ne saurait raisonnablement refuser à la Divinité.

Le magnétisme animal, Monseigneur, et les phénomènes qu’il détermine ou développe sont de ce nombre; son existence est prouvée par des faits incontestables.... Ces faits se sont montrés les mêmes dans tous les temps et dans tous les lieux ; sous le point de vue thérapeutique, ses avantages ne sauraient être douteux. La simplicité des lois qu’il suit dans sa marche, et l’ordre régulier des phénomènes soumis à sa puissance, ont été les mêmes dans tous les siècles. Le démon n’y entre pour quelque chose qu’autant qu'on veut bien l’j faire entrer; mais Dieu, Monseigneur, s’y montre partout!!!

En effet, le magnétisme animal est, à proprement parler, la médecine de la nature, la médecine domestique, la médecine providentielle qui, seule, réussit dans une infinité de cas où souvent échouent les autres ressources de l’art. Je dirai plus encore, Monseigneur, le magnétisme animal est la seide médecine qui soit sans danger pour les malades, et la première qui devrait être tentée dans tous les cas ; car le magnétisme enrayerait souvent beaucoup de maladies dès leur début, si des mains exercées y avaient recours; on peut même y rapporter maintes pratiques, dites de bonne femme, que les nourrices de la campagne emploient sur leurs enfants, pour les délivrer des convulsions, et toujours avec succès; lesquelles font ainsi du magnétisme animal sans le savoir.

Quant au somnambulisme, c’est, selon moi, l’un des plus grands bienfaits de la Providence pour un malade, et il rendrait toujours d’immenses services à l’homme de l’art, s’il savait s'en servir, parce que, dans une infinité de cas douteux, il le conduirait comme par la main sous les inspirations de l’instinct du malade, qui jamais ne saurait faire erreur à son préjudice.

J’ai eu l’honneur, il y a peu de jours, de vous faire adresser par la censure un exemplaire de l’ouvrage récemment publié par le D‘ de Résimont, de Metz, à l'occasion de deux cas de névropathie guéris par le magnétisme, sous la direction de cet homme de vrai mérite. Tous les faits qui y sont signalés, je les ai vus des milliers de fois depuis vingt-cinq ans que ma clientèle d’Aix m’en a fourni chaque année de nombreuses occasions. Aujourd’hui encore, Monseigneur, je

vous adresse deux opuscules, dont un Traité d’une théorie sur les phénomènes du magnétisme, et l’autre de son emploi comme moyen thérapeutique, plus un avisen droit du fameux procès de Ricard, porté à la Cour de cassation... La lecture de ces opuscules ne sera pas sans intérêt pour Votre Grandeur, quelle que soit son opinion sur le magnétisme animal. Veuillez en agréer l’hommage de la part dos auteurs qui, sans avoir l’honneur de vous connaître personnellement, Monseigneur, savent cependant que vous ôtes un homme de science et de haute capacité.

Je joins encore à mon pli la lettre de M. de Résimont, qui accompagnait l’envoi de son ouvrage, plus une lettre de M. Ternoux, ingénieur des ponts et chaussées dans le département du Doubs, renfermant diverses observations sur Marie Froment et M"1" Schmitz. Enfin une troisième lettre, venant d’un médecin fort instruit de Lodève , M. le Dr Laislo, qui n’a cm au magnétisme que quand il en a vu les merveilleux effets dans une affection nerveuse qui avait déjoué toutes les ressources médicales.

Quand ces Messieurs m’ont écrit, ils ne se doutaient guère, je pense, que leurs lettres arriveraient jusqu’à vous, Monseigneur, car ils ne pouvaient pas supposer entre vous et moi une correspondance polémique sur le magnétisme animal. Ces lettres feront comprendre à Votre Grandeur que le magnétisme n’est rien moins qu’une chose de pure curiosité ou de physique amusante... Et comme le temps approche où son essence et ses lois seront mieux reçues, si Votre Grandeur, après les avoir lues, désirait en faire tirer copie, je lui en laisse toute latitude. Les faits dont il s’y agit, quelque singuliers ou inexplicables qu’ils puissent paraître encore, n’en sont pas moins des faits; tous me sont connus pour en avoir été mainte fois le témoin, et je ne doute pas, Monseigneur, qu’en y réfléchissant bien, Votre Grandeur n’adopte bientôt sur le magnétisme animal une manière de voir plus conforme aux faits qui sont avérés et connus sur cette matière, et que je résumerai comme suit :

Io Ce qu’on appelle magnétisme animal existe réellement :

2° C’est un agent naturel et puissant, qui peut faire beaucoup de bien ou beaucoup de mal, selon qu’il est bien ou mal appliqué ;

3° 11 n’est point surnaturel, malgré l’étrangeté des phénomènes qu'il développe; une étude plus approfondie et plus méthodique de ses phénomènes, faite de bonne foi et sans prévention, par des gens de science, en fera connaître de plus en plus les lois et la puissance;

/i° Comme moyen thérapeutique, il entre nécessairement dans le domaine de la médecine ; l’on doit, par conséquent, suivre à son égard, dans chaque pays, les lois réglementaires de la police médicale ;

5° Comme phénomène physique, comme phénomène physiologique, comme phénomène psychologique, il mérite les recherches et non le dédain des hommes de science, quels qu'ils soient ;

6° Enfin, comme phénomène naturel, accompagné de circonstances qui intéressent les mœurs et qui peuvent accidentellement les compromettre ; c’est à la sagacité du gouvernement à prendre les mesures convenables pour en éviter les occasions, afin qu’on puisse en user dans tous les cas où il peut être utile, sans en abuser jamais.

Je prendrai donc ici, Monseigneur, la liberté de rappeler à Votre Grandeur qu’elle rendrait un éminent service à l'humanité, en provoquant, comme elle peut l’entendre, auprès du gouvernement, au sujet du magnétisme animal, des mesures conservatrices des mœurs et de la religion, en même temps qu'elles seront conformes à une saine logique et à la raison.

Je la prierai, enfin, de recevoir de nouveau ma solennelle protestation du plus inviolable attachement à la foi catholique, dans laquelle, comme je l’ai déjà dit, Monseigneur, je veux vivre et mourir. Attachement que cimente chaque joui' davantage l’étude des admirables phénomènes qui se rattachent au magnétisme animal et au somnambulisme, phénomènes dont l’étude est bien loin de combattre ou d’affaiblir les principes de la foi, comme on le lui a souvent et bien gra-

tuitement reproché. Dans ces sentiments, et ceux de la plus profonde et de la plus respectueuse vénération, j’ai l’honneur d’être, Monseigneur, de Votre Grandeur, le très-humble et très-ol>éissan t servileur.

Baron DESPINE, Médecin, directeur de l'établissement royal des bains, et inspecteur des eaux.

CLINIQUE.

Mon cher Monsieur Hébert,

J’ai l’honneur de vous adresser la relation d’un fait sans importance par lui-même, mais qui n’en est pas moins fort curieux comme résultat et très-intéressant comme nouveauté ; votre Journal, que je sache, n’a rapporté rien d’analogue.

Vous savez combien j’aime le magnétisme et combien aussi je désire le voir s’étendre et se propager davantage. Pour cette raison, il m’arrive d’en parler bien souvent, et, par suite, d’être mis au défi.

Je me trouvai dans ce cas, il y a quelques mois, à Bar-le-Duc. C’était à l’hôtel ; sept ou huit voyageurs étaient réunis ; la conversation tomba sur le magnétisme. Tous ces messieurs étaient plus ou moins convaincus, car il est rare aujourd’hui de rencontrer quelqu'un qui nie entièrement, grâce aux généreux efforts de propagande que vous comprenez si bien et pour lesquels M. du Potet et vous avez tant sacrifié et tant souffert.

Cependant, tout en accordant quelque pouvoir au magnétisme, quelques-uns de ces messieurs riaient, du reste, de ses effets (le voyageur plaisante de tout) ; mais le maître de la maison, qui était d'une incrédulité outrée, prenant sérieusement la parole, me dit :

» Ma fille a depuis son enfance des venues aux pieds et aux mains ; depuis six mois, son médecin lui brûle, tous les quinze jours, ces excroissances, mais elles reviennent toujours. Cela la fait d'autant plus souffrir, que la plus grande partie se trouve à la plante des pieds : il y en a de grosses comme des noisettes. A l’œuvre donc, guérissez-la, et je serai un des plus fervents apôtres de votre science. »

«Te ne pouvais ni ne devais reculer devant un pare il défi : j’étais d’ailleurs très-curieux de savoir si je réussirais en pareil cas. Gomme j’avais encore trois jours à rester à l'hôtel, j’entrepris immédiatement la cure, et magnétisai une heure le matin et autant le soir.

La malade éprouvait pendant les séances de très-faibles douleurs, et parfois des chatouillements ; il lui semblait aussi quelquefois ressentir comme des pressions à la place de chaque verrue. Le moment de partir étant arrivé et ne vo\ ant point d’amélioration sensible, je lis durer près de deux heures la dernière séance. Ayant à cœur de réussir, je concentrai tous mes efforts, et rassemblai toute la puissance de ma volonté afin de irapper un dernier coup. Aussi les souffrances, les chatouillements et les pressions furent-ils plus forts.

Je ne revins qu’après plusieurs semaines; le père, en m’apercevant, cria victoire, et me raconta ce qui suit :

( Vous partîtes aussitôt après la dernière séance; il était environ dix heures du soir; ma fille se coucha vers onze heures, et presque aussitôt nous l’entendîmes pousser des cris et des gémissements, occasionnés par les souffrances qu’elle ressentait aux pieds et aux mains. Toute la nuit se passa à peu près de même. Mais quel ne fut pas notre étonnement, quand le matin nous la vîmes venir à nous aussi franchement que si elle n’avait jamais rien eu, et sans éprouver la moindre gêne dans sa marche ! Alors je m’empressai de visiter les mains et les pieds ; les verrues étaient entièrement disparues; c’est à peine si l’on en pouvait reconnaître la place par une rougeur de la peau. »

Là se trouve, à mon avis, tout le phénomène magnétique. Je sais qu’il est parfaitement reconnu que le magnétisme combat ie mal partout où il le trouve; ainsi, que les vernies se soient passées en sortant de la peau et en tombant, ou

bien en diminuant de volume, je ne verrais là qu’un fait très-ordinaire; mais que, dans le cours de quelques heures, 'nutes aient disparu, sans qu’on en ait trouvé le vestige dans le lit, et iiiui il p. hi. peau saine eu recouvre la place, voilà ce qui est surprenant et tient presque du miracle. Aussi notre hôtelier est-il aujourd’hui un des défenseurs les plus opiniâtres du magnétisme et même un magnétiseur, car dans son enthousiasme, il a appris en quelques leçons à opérer lui-mème ce qu’il appelle des prodiges.

Je ne vous fais cette communication qu’après m’être parfaitement assuré du fait : car n’étant pas présent lors du lever de la jeune fille, j’ai dû prendre bien des informations; du reste, elles étaient faciles, car tous les habitants de la maison , et plusieurs voyageurs m’ont répété exactement le récit du père.

Agréez, je vous prie, l’expression de mes sentiments les plus dévoués.

P. THIRY,

Entrepreneur de travaux publics.

Metz, 15 février 1853.

PETITE CORRESPONDANCE.

AviM général. — Beaucoup de personnes n'uyant pu trouver place aux Séances de* derniers dimanches, M. du Potet a résolu de faire una •Séance supplémentaire, le mercredi soir, à 8 heures. La première aura lieu le 23 mars; tous les billets d'entrée puur le dimanche y seront reçus. Ainsi ceux de nos abonnés qui ne sont pas libres dans le jour pourront venir le soir.

Nous profitons de cette circonstance pour rappeler que tous les billets d'entrée, quelle que soit leur date, sont valables.

VARIÉTÉS-

E'otitiou. —Voici la traduction d’un mémoire adressé au roi de Sardaigne, et resté sans réponse.

A S. M. VICTOR-EMMANUEL II.

Sire,

Le magnétisme animal a subi le sort de toutes les grandes découvertes : il fut l’objet de l’enthousiasme des uns et de la réprobation des autres. Cependant, grâce à la foi et à la persévérance de savants qui ne dédaignèrent pas d’étudier l’agent mystérieux révélé par Mesmer, les effets les plus admirables et les plus extraordinaires, examinés sérieusement et sans prévention, entrèrent dans la sphère des connaissances humaines et furent reconnus pour des effets naturels ; de sorte que le principe magnétique est devenu à la fin une vérité physique, la meilleure preuve de l’existence et de l’immortalité de l’âme, le plus-sûr moyen d’exécuter sans douleurs les opérations chirurgicales, et la méthode la plus rationnelle pour la conservation de la santé et pour la cure des maladies.

Le magnétisme animal a donc un immense avenir, et le temps est désormais arrivé, qu’appelait de ses vœux le prince de Talleyrand, lorsqu’il écrivait dans ses Mémoires:

« J’avouerai franchement que j’ai vu de tels miracles opé-u rés par le magnétisme, que mon intelligence recule prestí que épouvantée devant les conséquences qu’il faudrait en « tirer. Je voudrais que la science, renonçant au mépris avec « lequel elle accueillit la circulation du sang, la transfusion « des métaux, l’antimoine, l’électricité, l’inoculation du vac-« cin, et tout récemment la vapeur, encourageât à éclairer la

(i question et à la constater par des expériences réfléchies et « de toute bonne foi. »

Ces idées du célèbre philosophe et homme d'État sont celles qui me guidèrent et animèrent mon courage et mon zèle dans l’étude et la propagation du magnétisme animal. J’ai été le premier parmi les Italiens qui ait osé faire des expériences publiques dans cette capitale; j’ai été un des premiers à donner des leçons théorico-pratiques ; je fus aussi un des premiers qui écrivirent dans notre langue sur cette science naissante; j’ai composé et publié un petit Traité à l’aide duquel, sans être obligé de recourir à des ouvrages de longue haleine, le lecteur peut se faire une idée précise et claire du magnétisme animal; Traité dont j’eus l’honneur, au mois de juillet de l’année passée, d’offrir une copie à Votre Majesté, qui eut la bonté de l’accueillir favorablement.

J’ai déjà vaincu, pour la profession de cette science, bien des obstacles, et surmonté bien des difficultés; je me suis même soumis à bien des sacrifices, afin d’être utile âmes semblables ; car, magnétiser n’est autre chose que se priver, au moins en partie, de ce que l’homme possède de plus précieux, c’est-à-dire le fluide qui sert à entretenir la vie, pour en donner à ceux qui en ont besoin. Il est donc clair que le magnétisme animal, employé au soulagement de l’humanité souffrante, est la première et la plus sublime œuvre de charité que le philanthrope puisse accomplir.

Dans ce siècle où tout tend à améliorer la condition de l’homme et à le conduire vers cet état de tranquille félicité que le divin auteur de la nature a tracé, on a fondé des asiles pour l’enfance, des caisses d’épargne, des associations agraires et de secours mutuels, des sociétés de tempérance , des assurances de toutes sortes, et diverses autres institutions utiles et bienfaisantes. Pourquoi ne ferait-on pas de même à l’égard du magnétisme? Déjà il s’est rapidement propagé en France, en Angleterre, en Belgique, en Suisse et principalement dans l’Allemagne, la Russie et l’Amérique, comme science très-utile, avec la protection et l’encouragement des gouvernements; il est à désirer que l’Italie ne reste pas en arrière des autres nations, et qu’elle donne dans cette

science aussi une marque certaine de progrès civil, et un sûr élément de bien-être humanitaire.

Aucune partie de l'Italie n’est plus propre que le Piémont à remplir cette noble tâche, à accomplir ce vœu que j’ai formé depuis si longtemps, et qui est devenu plus ardent encore à la suite de mon séjour à Paris, où j’ai été à même de me mettre en rapport avec les magnétiseurs les plus distingués, et d’étendre et raffermir mes connaissances dans la science magnétique, en leur donnant plus de force par d’attentives recherches et par des expériences faites avec le plus grand soin. Ce vœu serait déjà au moins en partie exaucé, si mes moyens pécuniaires eussent été proportionnés à ma bonne volonté, et si je pouvais me consacrer entièrement à la pratique et à la propagation du magnétisme.

Mais, n’ayant point de fortune et me trouvant même dans l’embarras pour élever ma nombreuse famille, je ne puis, comme je le voudrais, m’occuper exclusivement et continuellement de cette nouvelle science si utile, et faciliter ainsi, par l’enseignement de ses théories, par la production de ses phénomènes et par les avantages qu’elle procure aux malades, la recherche du vrai et la pratique du bien. Je supplie donc ardemment le cœur magnanime de Votre Majesté de vouloir bien m’accorder, à titre d’encouragement, une subvention annuelle, et j’espère obtenir cette faveur en considérant que, dans cet heureux royaume, grâce à l’âme généreuse de Votre Majesté, à l’ombre de lois libres et sages, tout dessein utile et bienfaisant doit trouver protection et appui.

J’ai l’honneur insigne de me protester, avec la plus grande vénération,

De Votre Majesté,

Le très-humble et très-obéissant serviteur,

F. GUIDI

Membre correspondant de la Société du mesmérisme de Paris, et de plusieurs autres Sociétés littéraires et scientifiques.

Turin, septembre 1852.

llironWiHc. — Voici le récit d’une singulière aventure dont tous les détails nous sont 'garantis.

M. le comte de R... voyageait dernièrement en Styrie,

pour son agrément et son instruction. Il voulut donner à quelques gentilshommes du pays une idée du magnétisme animal. On lui amena pour cela une jeune villageoise, fraîche, bien portante et surtout bien éveillée. Au bout de quelques instants, celle-ci fut plongée dans le sommeil magnétique, et dans cet état elle satisfit la curiosité des assistants.

Jusque-là, tout avait été pour le mieux; mais le temps étant venu de réveiller la jeune fille et de causer ainsi une double surprise, par l'oubli complet des actes accomplis durant le sommeil, M. de 11... se mit en devoir de rétablir la veille; mais, contre son attente, la magnétisée resta dans une sorte de léthargie. Bah! se disait-il, ce sera l’affaire d’un instant! Mais les instants accumulés produisirent bientôt des heures d'angoisses et de terreur. La police du lieu fut avertie; elle vint et signifia à M. de R... que, selon les lois du pays, il serait pendu, si dans quelques heures la personne n’était pas revenue à son état naturel. 11 protesta, parla d’en référer au consul; on lui répétait que c’était inutile, qu’il allait être pendu !...

Gardé à vue, M. de R... maudissait sa mésaventure, faisait un retour sur sa jeunesse, sa naissance et sa fortune; un simple acte d’indiscrète curiosité, peut-être le désir de faire partager ses convictions, allait, dans un instant, lui faire perdre tous ces biens.

Mais, ô bonheur inespéré ! ce retour sur lui-même venait de faire cesser le rapport magnétique entre ces deux existences, et la jeune fille s’éveilla.

Depuis ce temps, M. de R... n’éprouve plus le besoin de •faire partager sa croyance magnétique; rien au monde ne pourrait le déterminer à magnétiser, et il laisse à d’autres à subir les chances qu’il a cornues. Ce serait en vain qu’on lui enseignerait les moyens de se tirer d’affaire dans tous les cas possibles; la science acquise ne pourrait le rassurer, car ces deux mots : corde et magnétisme, le font également trembler.

Nous n’avons pas besoin de faire ressortir qu’en semblable occurence, il y a plusieurs manières de démagnétiser sûrement, etque l’embarras de M. de R... provenait de son inex-

périence. Il magnétisait en amateur, comme font beaucoup de gens , sans se douter des dangers auxquels ils s’exposent.

Baron DU POTET.

Revue «les Journaux. — Nous avons parlé (tome IX. page 547), d’un appareil à magnétisation, proposé par M. Lequine. Le feuilleton du Siècle du 18 janvier 1852, parle de cet appareil en tenues très-favorables pour l’auteur et le mesmérisme, mais sans portée scientifique. C’est plutôt une mention élogieuse qu’une véritable appréciation.

— Le feuilleton de la Presse du /i août dernier est consacré au récit, par M. Alexandre Dumas, d’une scène de somnambulisme qui, si ce n'est point un conte, comme le célèbre romancier sait en faire, aurait une grande importance. Il s’agit d’une prédiction d’événements politiques dont la nature de ce Recueil ne comporte pas la reproduction.

La conclusion de M. Dumas est assez singulière, et si nous pouvions longuement nous étendre sur ce point, nous montrerions qu’elle n’est ni logique, ni savante. Voici comment il s’exprime :

« Qu’on ne me demande pas l’explication des phénomènes que je raconte; il me serait impossible de la donner. J’affirme seulement que c’est la vérité.

« Je ne suis point partisan du magnétisme ; je n’en fais (pie lorsqu’on me force d’en faire; j’y éprouve toujours une fatigue extrême.

« Je crois qu’à l’aide du magnétisme, un malhonnête homme pourrait faire beaucoup de mal. Je doute qu’à l’aide du magnétisme un honnête homme puisse faire le moindre bien.

« Le magnétisme est un amusement, mais il n’est pas encore une science. »

Le Charivari, qui vit d’excentricités, publiait dans son numéro du lendemain, 5 août, la paraphrase, extrêmement comique, de l’article précité deM. Dumas. On y montre l’inconséquence de la conclusion rapportée ci-dessus.

IIÉBERT (de Garnnj).

Le Gérant .■ HÉBERT (de Garnay).

FAITS ET EXPÉRIENCES,

1° MAGNÉTISATION d’üN SINGE.

Voici une lettre qui me fut écrite il y a plus de quatre ans, mais dont le sujet a le même intérêt que si elle était toute récente.

« Monsieur,

« Un fait pii se passe souvent chez moi me semble digne de lixer votre, attention.

«On met en somnambulisme un très-méchant et gros singe, de la famille des africains, qui habitent Gibraltar et que l’on peut considérer comme européens, puisqu’en 1797 on en a trouvé à l’état fossile dans le calcaire rouge qui remplit les fentes du Grand-Rocher.

« Si cette expérience avait lieu devant quelques incrédules, qui maintenant sont obligés de doter l'imagination des effets qu'ils ne peuvent nier, force à eux serait de conclure que ma bête doit avoir bien plus d’imagination que quelques-uns de nos illustres.

« Pour arriver à bon résultat, j’endors une personne qui, dans cet état, magnétise le singe ; celui -ci ne tarde pas à. soupirer, bâiller, étendre les bras, avoir des crispations nerveuses, puis enfin dort si profondément, que je l’ai touché sans le réveiller. 11 ne se réveille que par la démagnétisation.

« Pendant tout ce temps, le somnambule y met tant d’action, qu’il ne m’entend plus que lorsque je le touche.

« A mes yeux s’en sont joints huit autres supplémentaires, qui ont été plus étonnés que les miens même.

« La même personne, éveillée, est aussi parvenue à endormir cette bête, mais avec une peine et une constance infinies.

«j’irais bien à Paris pour vous faire voir ce singulier résul-

■TOME S’.!. — Xo *01*. — 23 Mans 1853. 6

tat; mais je craindrais que Yini/it/in/iiion de l’animal ne fût affectée du transport ou préoccupée d’un nouveau local; cela l’empêcherait de s’abandonner avec l'entière confiance, si recommandée.

.. Je chercherai à pousser plus loin ces expériences et à provoquer une sorte d’exaltation ou d'extase, qui sera sans doute bien décolorée.

«J’oubliaisde dire qu’on endort la bête dans des positions où jamais singe n’a dormi. . , .

(( Quant à moi, je n’ai aucune part à ce succès, je u étais jamais parvenu qu’à engourdir l’animal.

« B. d'OURCIIES. »

Bougival, octobre 1848.

Quiconque a flâné un peu au Jardin (!es Plantes, se rappellera sans peine le nom du signataire de cette lettre; car sur la cage de beaucoup d’animaux 011 lit : « Donné par M. le comte d’Ourdies. » ('.’est eu effet un amateur passionné des bêles rares, et sa maison de campagne ressemble plus à une ménagerie qu’à une habitation.

L’occasion qu’il nous offrait de voir un fait rare, était trop précieuse pour la laisser échapper : nous nous rendîmes donc à Bougival, en compagnie de MM. du Potet, Crespy-le-Prince, Üutell et deux autres personnes.

Le singe en question était une femelle de jocko, une des espèces les plus rapprochées de l’homme.

On la lit magnétiser, comme il est dit ci-dessus, par une bonne, nommée Céline Pellier, qu’011 avait endormie à cet effet, et dont la lucidité était fort remarquable.

Dès que la somnambule s’approcha de la guenon en faisant des passes, celle-ci, qui était fort jalouse et cherchait ordinairement à la mordre, cessa de s’agiter. Surpris delà voir avancer résolument, et la bête rester tranquille, on en demanda la cause ; la somnambule répondit : « Ah ! c’est qu’elle sent que je vois ses malices. »

Au bout de quelques instants, l’animal perdit sa contenance, et l’on vit apparaître les prodromes du sommeil. En moins de dix minutes, le coma fut complet. La guenon ressemblait parfaitement à une marmotte engourdie. On put la

faire rouler avec le pied, lui prendre les mains et la retourner de mille façons sans qu’elle s’éveillât. Tout son être obéissait aux lois de la pesanteur, comme un corps grave inanimé. Kl le. dormait, à n’en pas douter; mais ce sommeil était-il perceptif, comme l’avait cru notre liôte? Non.

On dit avoir endormi par le magnétisme un chat, des chiens, une poule et divers autres animaux domestiques. Le sommeil, chez eux, était-il réel, ou bien n’était-ce qu’un abaissement de la paupière, une occlusion forcée des yeux ? Je l’ignore. Quant au singe dont il s’agit, je suis certain qu’il était bien dans ce premier degré de sommeil magnétique qu’on appelle coma, et que beaucoup de gens confondent avec le somnambulisme, bien qu’il en diffère essentiellement.

On se demande si les animaux, qui rêvent comme nous, ne sont pas aussi susceptibles d’entrer en somnambulisme. Le fait qui précède rend probable cette supposition, car ce coma était en tout semblable à celui qu’on observe dans l’espèce humaine, il aurait fallu, pour résoudre cette question, continuer l’expérience ; mais la guenon mourut avant qu’on ait pu s’entendre sur les recherches qu’il importait le plus de faire sur cet animal.

HÉBERT (de Camay).

2° RÊVES ET PRESSENTIMENTS.

Nous extrayons d’une histoire de la loterie, publiée par l’Événement du 17 mars 1851, les faits suivants :

« La loterie, dans son cours, a donné lieu à des histoires étranges qui sont passées à l’état de légendes, à de fantastiques combinaisons que le hasard a réalisées.

Premier fait.

« Un pauvre artisan, vétérinaire d’un régiment de cuirassiers, s’avisa de prendre note de quatre numéros d’ordre imprimés, selon l’usage, avec un fer rouge, sur la cuisse des chevaux de remonte; il prit un numéro à la loterie de Francfort, et faillit devenir fou de joie en gagnant 150,000 llorins. Le premier et singulier usage qu’il fit de sa nom elle opulence fut d’acheter autant de pantalons qu’il y a de jours dans

l’année. Aussi est—¡1 connu clans toute la cavalerie sous le nom de l’homme aux trois cent soixante-cinq culottes.

Deux Urne fait.

« line femme rêve dix numéros, les écrit sur dix petits morceaux de papier, met chacune de ces étiquettes au bout d’un bâtonnet, et les place au-dessus de haricots plantés à distance égale dans une plate-bande de son modeste jardin.

« Je prendrai, se dit-elle, les numéros des cinq premiers « haricots qui germeront, et je les mettrai à la loterie. »

«Cinq haricots sortent. Elle transcrit les numéros et donne à son (ils 10 fr., son unique, avoir, en lui disant :

« Va tout de suite me prendre ce quine au bureau voisin.

« — Oui, maman. »

« Le fils dissipe la somme, revient, etaOirme qu’il s’est acquitté de sa commission.

« 11 est impossible de décrire la douleur dont fut accablée cette pauvre femme quand elle apprit la vérité. Elle devint folle, et quelques années plus tard son fils se brûlait la cervelle.

Troisième fait.

« lin orfèvre, ruiné par de fausses spéculations, et sur le point d'être décrété de prise de corps, résolut de ne pas survivre à son déshonneur commercial. C’était le 22 octobre: il se rend, à onze heures du soir, par une pluie battante, i l'endroit le plus isolé du Vont-Neuf et se précipite dans la Seine. 11 y avait près de là un marinier âgé de trcnte-ciiu/ ans, qui vole au secours du malheureux marchand et le ramène heureusement à bord dans sa barque portant le numéro 77.

» L’orfèvre pegagna son logis, et, cédant à un pressentiment mystérieux, il met à la loterie les numéros 22, 9, 11 35, 77. ’

«Les cinq chiffres sortirent dans l’ordre où il les avait placés, et il gagna quatre millions.

Quatrième fait.

« Au dernier tirage de la loterie de quatre-vingt-treize, il se

passa un fait assez bizarre pour mériter qu’on le cite.

«Un jeune sergent d’artillerie prit les numéros», 18 et 31 11 gagna.

« Ceci n’offre rien d’extraordinaire, mais voici le côté fort remarquable de l’aventure : Condamné à mort par le tribu-

nal révolutionnaire, il dut la vit; au il thermidor. — Le 18 brumaire, il partagea les dangers du général Bonaparte. C’est un 31 juillet qu’il fut créé maréchal de l’empire, et reçut, avec la couronne de duc, le nom d’une de ses victoires.

Cinquième fait.

i. Un écuyer dont la célébrité est depuis longtemps européenne, M. A..... F...... se rendant un matin au Cirque,

aperçut trois numéros grossièrement peints en rouge sur des quartiers de hêtre appartenant à un chantier de la rue des l’ossés-du-Temple ; il les inscrivit sur son carnet et envoya prendre un terne. Les trois numéros sortirent. 11 gagna une somme assez forte, et quand il vint au chantier pour demander les bienheureuses bûches qui, richement encadrées, figurent encore aujourd’hui dans son salon, il découvrit le quatrième numéro sorti, tracé aussi en rouge sur un quatrième rondin, caché d’abord à ses regards.

« Après ces exemples, pris au hasard entre mille, niez donc ou affirmez, l’un est aussi embarrassant que l’autre, l’intervention dans les affaires humaines de cet être invisible, ce mystérieux pouvoir que les incrédules nomment fatalité, les croyants Providence et les indifférents hasard. Combien de personnes éprouveront peut-être bientôt de vifs regrets de ne pas avoir cédé aux avis que parfois la capricieuse Fortune donne la nuit par des rêves et le jour par divers incidents!

«Alexandre DUMAS fils.«

Sixième fait.

Un individu de La Ferté-Milon, conscrit de la classe de 1853, avait rêvé, quelques jours avant le tirage, qu’il aurait le numéro 87. Plein de confiance en ce qui n’était qu’un jeu de son imagination, il s’en allait débitant partout qu’il était tranquille sur son sort, attendu que le numéro 87, qu'il aurait, le mettait de beaucoup à l’abri du contingent à fournir par le canton.

Le jour du tirage arrive ; notre homme se présente comme les autres; mais, au moment de mettre la main dans le sac :

« Il est inutile, dit-il au premier magistrat de l’arrondissement , que je tire comme les autres, attendu que je dois avoir le numéro 87 ; c’est comme si je l’avais. «

Le magistrat, qui ne partageait pas cette confiance, invite le jeune conscrit à remplir la formalité prescrite par la loi. Celui-ci s’exécute, plonge la main dans le sac, et la tendant, plein d’assurance, au greffier : « Ecrivez, lui dit-il, que « j’ai le numéro 87. »

Vérification faite, il s'est trouvé qu’en effet c’était bien le numéro 87.

(Echo de C/uiteau-Thierry.)

3° ÉLECTRO-BIOLOGIE, COUPS MYSTÉRIEUX ET OBSESSION.

A Monsieur le baron du Potet.

Bruxelles, 14mars IS53.

Mon cher maître,

Quand il se passe quelque fait nouveau concernant la médecine, le médecin de la localité s’empresse d’en faire part à l’Académie; pourquoi les magnétiseurs n’en feraient-ils pas de même, en vous envoyant, comme centre, toutes les nouvelles relatives à la science que vous professez avec tant de prudence et de supériorité ?

10 Je vous dirai donc que l’Amérique vient de nous doter de l’éleelro-biologie dans la personne de M. Philips, qui donne deux séances publiques par semaine dans la salle Sainte-Cécile, devant une centaine de personnes. Après un court exposé fort peu intelligible, l’Américain appelle une vingtaine de personnes sur l’estrade, les fait asseoir, le dos tourné au public, leur met dans la main un disque de zinc muni au centre d’un bouton rouge, les invite à fixer imperturbablement les yeux sur ce bouton, et recommande à l’assistance un silence complet d’une demi-heure, ce qui n’est pas la partie la plus amusante du spectacle.

Après cela l’électro-biologue va tâter chacun de ses sujets, en leur palpant la tête et leur faisant des passes dissimulées sur les épaules et la figure ; puis il leur dit : « Vous ne pouvez plus vous en aller. » Ce qui n’empêche pas que l’opéra-

lion terminée, les trois quarts se lèvent et décampent en riant ; mais il en reste toujours quatre ou cinq, sur lesquels ¡1 opère; voici comment : « Croisez les mains! Bien! Vous ne pouvez plus les séparer. » F,t ils les séparent : « Recommencez; bon ! Vous ne pouvez plus les séparer. » Et ils les séparent, mais avec plus de peine.

(c Ouvrez la bouche ; bien ! Vous ne pouvez plus fermer la bouche. Fermez les yeux ; vous ne pouvez plus ouvrir les yeux. Tenez-vous debout; vous ne pouvez plus vous asseoir; vous ne pouvez plus vous lever ; vous ne pouvez plus marcher; vous ne pouvez plus vous arrêter, etc., etc. »

Tout cela réussit un peu plus, un peu moins, ('.’est la paralysie à volonté des nerfs du mouvement ou de la volition» ce n’est rien enfin que ce que le magnétisme abécédaire exé-cune infiniment mieux, comme vous le savez ; mais comme l’Américain opère sur des bourgeois connus de tous, excepté de lui, on n’est pas aussi tenté de soupçonner le compérage, et le public met Y électro-biologie bien au-dessus du mesmérisme.

11 suffit, comme vous savez, de changer l’étiquette du sac pour avoir du succès, et d’appeler maréchaussée la gendarmerie, milice la conscription, accise les droits-réunis, pour les faire accepter parles masses, c’est-à-dire parla moyenne de la raison humaine, que notre illustre moyenneur déclare égale à la raison d’uu enfant de six ans, de la classe moyenne.

“2° 11 paraît que les coups mystérieux ont aussi passé l’Atlantique; nous ne sommes plus privés que des conversations avec les esprits du monde aromal ; il faut espérer que M. Bar-thet nous rapportera ce mystère de la Nouvelle-Orléans.

3° Les appels à distance, bien connus des Chinois, ont été retrouvés par M. Leport; mais la puissance à. distance fait aujourd’hui le thème de toutes les préoccupations à Bucka-rest. Les journaux rapportent qu’un jeune physicien s’étant vu enlever un héritage considérable par un homme d’affaires, s’est mis dans la tête de se venger, par obsession, de son spoliateur, qui semble, depuis lors, poursuivi par un songe pé-

nible, oublie l’heure du dîner ou fausse la politesse à ses in-\ilés, en n’apparaissant qu’au dessert. L’obsesseur 11e s’en tient pas là; 011 dit qu'il a fait périr à petit feu ses enfants, i’t frappé son gendre de folie, sans approcher d’eux de plus le dix lieues.

('■'est une désolation dans cette riche et honnête famille qui, sentant d’où partent les coups, a dénoncé le magnétisme aux tribunaux, qui sont fort embarrassés dans l’instruction d’une si singulière affaire.

Il est vrai que le jeune criminel s’est vanté plusieurs fois qu’il se vengerait cruellement du spoliateur de son héritage.

Les conseils religieux du malheureux millionnaire l’engagent à restituer une partie de ce bien mal acquis, pour racheter sa tranquillité ; mais une fausse honte le retient.

Il faut convenir que c’est là un abus du magnétisme ; on a beau dire qu’il serait, dans ce cas, un complément de la justice humaine, il u’en reste pas moins défendu de se faire justice à soi-même.

Mais il reste à savoir si ce qu’on appelle remords n’est pas l’action occulte et permanente de la pensée des victimes de quelque injustice sur l’esprit des malfaiteurs.

Connaissez-vous, en effet, des gens plus inquiets, plus moroses et plus désagréables que certains individus enrichis par l’usure, la rapine ou le crime?

Connaissez-vous des hommes plus francs, plus ouverts, plus gais et plus heureux que leurs victimes, quand elles n’ont pas été entièrement dépouillées de tout moyen d’existence?

Serait-il vrai, et ne doit-on pas admettre sans restriction la formule suivante d’un écrivain belge, comme l’expression la plus haute d’une vérité psychologique et physique incontestable :

« La justice est l’électricité statique du monde moral ; quand son équilibre est rompu, il tend sans cesse à se rétablir, même avec éclats ; ces éclats, que l’on appelle en physique foudre et tonnerre, s’appellent eu politique émeutes et révolutions. »

Cette électricité, nous la possédons tous plus ou moins en

nous-même, nous pouvons la lancer à distance, et frapper l'imagination des êtres qui méritent nos sympathies ou nos antipathies. Quelques essais vous feront retrouver les hommes (pie vous aurez pris pour but de vos exercices, dans la position d’esprit où vous les aurez mis à votre égard. Leur accueil sera contraint, hostile ou agréable et obligeant, par l’effet de votre propre influence.

Demandez, par exemple, à un ministre quelque chose de parfaitement juste, avec la conviction qu'il vous le refusera, et vous serez repoussé. Demandez-lui quelque chose de parfaitement injuste, avec la conviction qu’il vous l’accordera, et vous êtes certain de réussir.

Les Romains avaient déjà formulé cette idée en ces termes : Qui timide rogat, negare docct.

C’est là, mon cher maître, que gît le grand arcane que le magnétisme commence à débrouiller.

C’est évidemment là l’aurore de la science immense qui monte à l’horizon. C’est elle qui moralisera le monde, et permettra à l’humanité d’atteindre un degré de civilisation dont nous sommes bien loin encore.

Imaginez-vous l’effet produit sur les hommes, quand ils seront convaincus que pas une action malhonnête, pas un crime ne restera sans vengeance, et pas une bonne action sans récompense ici-bas; quand la justice officielle n’aura plus besoin d’intervenir entre les bons et les méchants, entre l’oppresseur et l’opprimé. Oh ! alors il fera bon vivre dans le meilleur des mondes. Hâtons donc cet heureux moment par nos travaux, car je suis avide d’en profiter avant de traverser le désert de la biologie, pour arriver à ce mirage admirable que j’aperçois là-bas, derrière la magie que vous êtes occupé à nous dévoiler.

Tout à vous.

D' JAUSSENS,

CONTROVERSES.

CORRESPONDANCE

ENTRE LE D' DESPINE, ET M« ALEXIS,

AU SUJET DU MAGNÉTISME.

(Suite.)

A S. Em. Mgr l’archevêque de Chambêry.

Aix-en-Savoie, le 11 janvier 1845.

Monseigneur,

J’avais fait depuis longtemps une réponse à votre honorée missive du 26 novembre, et plusieurs fois j’avais commencé mon pli lorsque,, successivement, je me suis vu arriver diverses lettres de médecins, de malades, d’expérimentateurs instruits sur la matière en question. Alors, Monseigneur, j’ai dû changer de parti, et j’ai cru mieux faire en copiant moi-même, pour pièces à l’appui, tout ou partie de ces lettres qui, écrites de ma main, auront un caractère d’authenticité suffisante pour valoir et faire foi au besoin, soit que ma réponse à Votre Grandeur reste enfouie temporairement dans un portefeuille, pour en être exhumée un jour et servir de témoignage à la vérité; soit que, accédant aux désirs de voir réglementer l’usage d’un moyen aussi efficace que le magnétisme dans la thérapeutique médicale, vous jugiez à propos de provoquer vous-même, Monseigneur, cette mesure de l’autorité, en appelant directement l’attention du gouvernement sur un sujet qui, tôt ou tard, ne peut manquer de se montrer au grand jour, bon gré mal gré.

Devant des faits exposés sans prétention, d’une manière

aussi naïve, aussi ingénue, devant des faits semblables racontés et vus par des personnes instruites et capables, qui se trouvent à cent, cent cinquante et deux cents lieues de distance, qui ne se connaissent pas, qui n’ont pu s’entendre ; devant des faits d’une vérité aussi palpable, d’un avantage aussi bien reconnu, toute théorie, toute opinion, fondée suides raisonnements qui ne sauraient les détruire, doivent baisser pavillon , car le simple bon sens suffit pour en faire justice.

En effet, Monseigneur, nous 11e connaissons l’homme que depuis sa déchéance, et nous 11c pouvons pas savoir ce qu’étaient auparavant ses facultés physiques et psychologiques. si ce 11’est par induction; mais ce qui est bien certain, c’est que sa nature, sa constitution humaine n’a pas dû changer par le fait seul de sa désobéissance, qui 11’était qu’un mal moral. Seulement, ayant mérité une punition, Dieu a dû la lui infliger selon sa promesse, et il l’a'fait en le condamnant à la mort, et en obscurcissant ses facultés physiques et morales. Mais pourquoi voudrait-on qu’il ne fût rien resté de merveilleux dans sa nature, sans croire devoir l’attribuer aux esprits infernaux, par cela seul qu’011 ne le comprend pas? Dieu, qui est si bon, qui n’a créé l’homme que pour son bien, n’aurait-il donc laissé qu’à l’esprit des ténèbres le plein pouvoir de disposer de ces phénomènes, qui tiennent à la nature de l’homme, et qui ne passent pour surnaturels que parce qu’on les a mal examinés ou qu’on ne l’a fait qu’incomplètement, phénomènes si curieux, si utiles pour la santé, pour la guérison ou le soulagement de ses maux... et même pour le prémunir contre certains actes humains, certains attentats nuisibles à la société, dont nous trouvons des exemples dans l’histoire de tous les temps?

L’étude philosophique des phénomènes physiques et psychologiques que développe la magnétisation, nous prouve. Monseigneur, qu’ils sont les mêmes que ceux qui se manifestent dans le somnambulisme spontané ou naturel. Elle ne. nous mène point au matérialisme, tant s’en faut, ni à l'incrédulité, comme l’ont prétendu certaines personnes imbues de préjugés, qui ne veulent, qui ne peuvent ou ne savent

rien analyser. Au contraire, Monseigneur, on 11e peut s'en rendre raison sans admettre un principe intelligent qui pense, qui agit indépendamment de l’agrégat matériel de l’homme, •■t sur lequel le magnétisme animal n’a aucune action directe, mais entre ces deux êtres si différents (l’intelligence et 1a. matière), dont l’un créé, mais immortel, survit à l'homme ; l’autre, quand il en est séparé définitivement par la mort, est rendu à la terre et au néant d’où il est sorti... entre ces «leux êtres si différents, dis-je, il existe quelque chose que Dieu, dans sa providence, a donné à l’homme comme aux animaux, aux végétaux, peut-être même, selon leur destinée, aux substances universelles, chez lesquelles cela apparaît en quelque sorte dans la force de cristallisation.

Ce quelque chose a reçu de la part des médecins, des philosophes, des gens à raisonnement, enfin, des noms différents, selon les siècles où ils vivaient, selon le plus ou moins de développement de leur intelligence, et selon la connaissance des lois de la nature appartenant à leur époque. Eh bien ! Monseigneur, c’est sur le principe de vie, qui naît avec l’être à qui il appartient, qui meurt avec lui, qui lui a été manifestement donné par son Créateur pour le garantir des écueils au milieu desquels il devait se trouver ; c'est sur le principe de vie qu’agit le magnétisme animal. Ce principe produit l’instinct et tous les actes vitaux qui en dérivent, et comme il est chargé de diriger les actes, il ne s’éloigne jamais de la ligne des besoins de l’animal, ni, par conséquent, de ce qui intéresse la conservation individuelle ou personnelle. Aussi, quand il est dans de justes mesures de développement, on peut le laisser faire, car il sera toujours le meilleur guide, le meilleur des médecins, quand l’animal se trouvera dans un état de souffrance. C’est aussi à cela que l’on doit attribuer que tous les animaux, plus ou moins, sont impressionnables au magnétisme.

L’intelligence, le sens intime, l’âme enfin, ne se trouve pas sous l’influence directe du magnétisme animal. Vous avez pu voir, Monseigneur, dans les pièces à l’appui de ma réponse, que la perversité des personnes mises en somnambulisme par le magnétisme ou autrement, leurs dispositions Ou

passions haineuses, jalouses et orgueilleuses, continuent dans cet état comme dans celui de veille, probablement même avec plus d’intensité et de franc développement; car toutes les qualités louables, toutes les qualités vertueuses de l’esprit et du coeur se trouvent aussi exaltées chez les somnambules d’un lion naturel.... L’homme, dans cet état anormal, donc, reste le même qu’il était auparavant, et tel que l’ont l'ait sa nature, sa constitution, son éducation, à la différence, loutefois, pie son intelligence étant plus dégagée de la matière , étant plus développée, et lui fera plus facilement et mieux distinguer le vrai du faux... ce qui est vice ou vertu, ce qui est bon ou mauvais.

Puisque Votre Grandeur connaît la correspondance du spi-ritualiste Billot avec le sage Deleuze, elle se rappellera sans doute y avoir lu plusieurs faits qui prouvent ce que je viens d’avancer; cas dans lesquels le moraliste qui connaîtra toute la puissance qu’il peut exercer sur la personne mise en somnambulisme (puissance bien supérieure à celle qu’il exercerait dans son état ordinaire et normal) ; le moraliste, dis-je, pourra agir sur le somnambule pervers avec infiniment plus d’avantage quand il sera dans cet état, pour le ramener à «les sentiments d’ordre et de morale qui lui manquent, en lui en intimant un ordre formel (qui, alors, produira sur l’âme une impression indélébile), que s’il était dans son état de veille ordinaire.

Veuillez, Monseigneur, en vous priant de me pardonner le long retard que j’ai mis à répondre à votre dernière lettre, n° 1450, retard dont vous connaissez maintenant les motifs; veuillez m’excuser si, dans la copie des lettres que j’ai l’honneur de vous envoyer à l’appui de ma réponse, j'ai conservé certaines expressions amicales et familières, et peut-être un peu trop llatteuses pour moi seul, et dans l’intimité de l’amitié. 11 a fallu des circonstances aussi graves que celles de votre lettre du 20 novembre, pour m’engager à leur donner une sorte de publicité, dans le but d’éviter, autant qu’il était en mon pouvoir, les suites et les impressions fâcheuses qui peuvent en résulter, en ne vous cachant rien, Monseigneur, de tout ce que mes observations et une longue expérience

lies phénomènes dont il s’agit ont pu m’apprendre sur l’objet important de thérapeutique médicale en litige. Je dois cependant dire à Votre Grandeur que les expressions qui pourraient paraître avoir été placées là par ostentation, à quiconque ne me connaît pas, sont loin d’être exagérées pour la plupart, même elles ont été affaiblies dans les copies que j’en ai faites, de peur que vous ne les crussiez beaucoup plus

1 expression de l’enthousiasme que celle de la vérité.

Enfin je termine, Monseigneur, et il en est temps, par vous prier d’agréer l’hommage du respect le plus profond, avec lequel j'ai l’honneur d’être et de me dire pour la vie, de Votre Grandeur, le très-humble et très-obéissant serviteur.

O' DESPINE.

A Monsieur le docteur Dcspine père.

Chambéry, le 25 janvier 1S44.

Monsieur le baron,

.1 ai l’honneur de vous envoyer le mémoire de M. Manda-roux-Vertamy, que vous avez bien voulu me communiquer. Vous jugerez comme il vous plaira de mon endurcissement; mais je dois vous avouer que le mémoire n’a point avancé ma conversion. Je ne crois pas qu’à la vue ou au contact d’une boucle de cheveux, une personne quelconque puisse reconnaître létat d’une maladie et les remèdes propres à la guérir.

Si j avais été membre du tribunal de Bressuire en 18/r2, j aurais voté sans hésiter pour la condamnation du sieur Ricard et de la demoiselle Plain. Je présume fort que les deux jugements seront maintenus par la cour de cassation. Il n’est pas sms importance, non plus, de savoir que l’Académie royale lo médecine a déjà lait examiner plusieurs fois les expériences du magnétisme, et qu’elle n’en a jamais porté un jugement favorable.

•le joins au mémoire la copie des lettres que vous m’avez envoyée en même temps.

Je n ai pas encore eu le loisir de lire les deux brochures

ilo MM. Charpignon pt Crand-Voinet. Si vous désirez 1‘S ravoir d’abord, je vous les ferai tenir par la première occasion.

•Te 11e suis pas surpris d’apprendre que la dame Srliinitz et la fille Froment s’accusent mutuellement de supercherie. En ce point, je suis très-porté à les croire sur parole.

J’ai l’honneur d’être, avec les sentiments les plus distingués, monsieur le baron, votre très-humble et obéissant serviteur.

H- ALEXIS, Archevêque de Chambéry.

(La suite an proc/utin numéro.)

PETITE CORRESPONDANCE.

Avis A fou*. — La Séance supplémentaire annoncée dans noire !or-nler numéro pour mercredi soir, à 8 heures, a eu lieu et sera continué» toutes tes semaines, sans interruption, jusqu'à nouvel avis contraire.

Nous répétons que, ces réunions étant faites pour épuiser l’excèsdes liillrl' on circulation, tous ceux qui portent la date du dimanche seront également reçus le mercredi.

MM. les actionnaires, ayant, par droit de fondation , entrée à toute* ' « séances, seront, bien entendu, admis à celles-ci.

VARIÉTÉS-

Tribunaux. — Voici un extrait du recueil de Sirey :

COUR DE CASSATION (Chambre criminelle.)

Audience du 24 décembre 1852.

MÉDECINE. — EXERCICE ILLÉGAL. — MAGNÉTISME.

JjC traitement des ma/udes par te magnétisme, lorsque celui qui l’exerce n’a pas de diplôme de médecin, constitue l'exercice illégal de la médecine, puni par l’art. 35 de la loi du. 19 ventôse an xi (i).

Une information avait été requise par le ministère public contre le sieur Rovère, à raison d’expériences de magnétisme auxquelles il se livrait quotidiennement, sous la double inculpation d’escroquerie et d’exercice illégal de la médecine.

A la suite de cette information, la chambre du conseil du tribunal de Saint-Omer écarta le premier chef de prévention, et sur le second, renvoya le prévenu devant le tribunal correctionnel ; mais un jugement de ce tribunal le relaxa des poursuites sur le motif :

« Qu’il ne résultait pas de l’information aux débats que Rovère eût prescrit ou administré aucun remède ou médicament aux malades qui s’adressaient à lui, mais qu'il en résultait, au contraire, qu’il les avait traités au moyen des passes et du magnétisme; que dès lors il n’était pas convaincu d’exercice illégal de la médecine. »

(1) 11 a été également décidé par un jugement du tribunal correctionnel île la Seine, du 7 décembre 1852 (affaire Didier), que les peines de police édictées par la loi contre ceux qui font métier de deviner et de pronostiquer, sont applicables même alors que les prévenus exciperaient de ce que leur art prétendu »'exerce au moyen du magnétisme.

Sur l’appel du ministère public, arrêt de la cour de Douai, qui infirme en ces termes :

« Attendu que nul, en France, ne peut exercer l’art de guérir sans avoir préalablement obtenu un diplôme et être inscrit sur les états officiels arrêtés par le gouvernement; — Attendu que le prévenu a hautement annoncé la prétention de guérir les malades par le magnétisme, cpi’il s’est présenté dans ce but chez plusieurs malades, et en a reçu plusieurs autres chez lui; — Attendu que traiter des malades c’est exercer l’ait de guérir, quel que soit le mode de traitement;

— Vu les art. 35 de la loi du 19 ventôse an XI, et /i(H> du Code pénal ; — Déclare de Rovère convaincu de la contravention ci-dessus, et pour réparation le condamne en 1 fr. d’amende. »

Pourvoi en cassation, par le sieur Rovère, pour fausse application de l’art. 35 de la loi du 19 ventôse an XI, en ce que l’arrêt dénoncé a considéré comme exercice de la médecine les conseils donnés aux malades dans des opérations de magnétisme.

M. le conseiller Ch. Nouguier a présenté dans son rapport à la cour, sur ce pourvoi, les observations suivantes :

« Le point de savoir, a dit ce magistrat, si l’art. 35 de la loi de ventôse est ou non applicable au traitement des malades par le magnétisme ne semble pas avoir les proportions que paraîtrait vouloir lui attribuer le mémoire. Ce point se réduit purement et simplement à l’appréciation des deux thèses contraires, admises l’une par le jugement, l’autre par l’arrêt, et qui consistent à rechercher si (comme le soutient le jugement) il n’y a contravention qu’autant qu’il y a prescription ou administration de remèdes ou médicaments, non lorsqu’il y a simplement traitement au moyeu des passes et du magnétisme, oubiensi, tout au contraire (comme le soutient l’arrêt), traiter des malades c’est exercer l’art de guérir, quel que soit d’ailleurs le mode de traitement.

« Laquestion se limitant ainsi, il importe peu, pour sa solution, que le magnétisme, envisagé comme moyen curatif, soit un agent actif ou neutre, une réalité ou une chimère, une science réelle ou un charlatanisme effronté. En effet, si lemagnétisme est un agent neutre, une chimère, un charlatanisme , on comprend l’intérêt et le but de l’interdiction prononcée par le législateur, puisqu'il avait à mettre en garde la crédulité publique contre un moyen curatif prétendu, qui, dans le fait, livrerait les malades aux simples efforts de la

nature. Si, au contraire, le magnétisme est une .science, une réalité, un agent actif, l’interdiction prononcée aura également une excellente raison d’être, dans la nécessité de soumettre à des conditions déterminées de capacité et d’expérience les praticiens qui voudront appliquer, non d’une manière spéculative, mais effective, la puissance plus ou moins salutaire, plus ou moins dangereuse d’un tel agent. — Dans l’une comme dans l’autre hypothèse, l’intérêt et le but d’une interdiction paraissent donc manifestes, et, s'il en est ainsi, il semble (on le répète) que l’unique point à décider est celui de savoir si l’interprétation à donner à la loi est celle du jugement ou celle de l’arrêt.

« Cette question ne peut s’éclairer de la jurisprudence de la cour. Nous ne connaissons pas d’arrêt émané d'elle qui ait eu à la décider. Les éléments de la solution à intervenir sont donc concentrés dans l’examen et l’interprétation de la loi, notamment de l’art. 35.

« La disposition de cet article est générale et absolue; elle ne s’attache pas à défendre tel ou tel mode de traitement, à reconnaître la contravention à des caractères prévus et définis, à circonscrire cette contravention à la prescription ou à l’administration de tel ou tel médicament; il semble donc qu’elle a voulu s’étendre, et indépendamment de l’appréciation du mode de traitement à toute entreprise ayant pour but de tenter la guérison des maladies. Cette pensée ressort encore, ce semble, de la combinaison des diverses dispositions de la loi de ventôse (art. 1, 3, 36)|, dans lesquels on voit qu’aux yeux de la loi, exercice de la médecine et exercice de l’art de guérir sont deux expressions parfaitement synonymes. S’il en est ainsi, il est difficile (te ne pas se laisser frapper par ce qu’il y a de général dans ces-mots : « art de guérir »; il est peut-être aussi bien difficile d’admettre que le sens absolu de ces mots se prête aux distinctions et aux restrictions que l’interprétation du jugement et du mémoire a cru pouvoir y ajouter.

« On fait, il est vrai, une nouvelle distinction entre la faculté de guérir et l’art de guérir. Le magnétisme, ajoute-Uon, c’est la faculté; or user d’une faculté, ce n’est pas exercer un art.

« Cette distinction est-elle sérieuse ou subtile? 11 est permis de se le demander.

« Que le magnétisme soit en lui-même et en dehors de toute pratique, une faculté, cela peut être : si c’est une faculté, qu’il reste à l’état de faculté, tant qu’il n'est pas. exercé, tant qu’il reste à l’état purement théorique, cela ?e

conçoit; mais si on use de cette faculté prétendue, si de la théorie on la fait descendre dans la pratique, si ou entreprend pour cette mise en pratique de faire servir cette faculté, à guérir des malades, il peut paraître douteux que la faculté de guérir ne se soit pas transformée en art de guérir; c’est, du reste, ce semble, sur cette distinction que repose tout le mérite du pourvoi. La cour aura donc à l’apprécier dans sa sagesse pour statuer en pleine connaissance de cause. »

ARRÊT.

La cour ; — Vu l’art. 35 de la loi du 1V> ventôse an XI, ainsi conçu :

« Tout individu qui continuera d’exercer la médecine et la a chirurgie saus être sur les listes dont il est parlé aux art. 25, « 20 et 34, et sans avoir de diplôme, de certificats ou de let-« très de réception, sera poursuivi et condamnéàune amende « pécuniaire ; »

«Attendu que la disposition «le cet article est générale, absolue et saus distinction ; qu’elle ne subordonne pas l’existence de la contravention prévue et définie à telle ou telle condition particulière, à tel ou tel mode spécial de traitement , à telle ou telle prescription ou administration de médicament, mais qu’elle frappe, au-contraire, par la généralité de sa prohibition, et abstraction faite du mode de traitement pratiqué, tout exercice de l’art de guérir ;

« Attendu qu'il est constaté par l’arrêt attaqué que Jules Rovère a hautement annoncé la prétention de guérir les malades par le magnétisme ; qu’il s’est, présenté dans ce but cbez plusieurs malades et en a reçu plusieurs autres chez lui ;

«Que dans cet état des faits constatés, l'arrêt attaqué, loin de violer l'art. 35 ci-dessus visé et l’art. /|6(» du Code pénal, en a fait une juste application;

« Rejette, etc. »

Prés., M. I.aplogne-Barris. — Kapp. M. Ch. Nouguicr. — Concl. conf. H. Plou-rçrralm, av. gin., — Pl., M. Duboy.

BIBLIOGRAPHIE.

CRONICA DEL MAGNETISMO ANIMALE, Recueil périodique devant pa-raitre à .Milan sous la direclion de M. le Dr Teiuaghi.

Prospectus.

Toute chose qui tient h notre nature n'est ni ridicule, ni merveilleuse; elle mérite seulement d'être examinée, alin de connaître l’homme.

Eoscolo.

Depuis plusieurs années déjà, l’Angleterre, l’Allemagne et la France ont des journaux pour le magnétisme animal. Il est peut-être temps que l’on fasse paraître aussi chez nous une publication régulière qui nous tienne au courant de ses progrès : ne sera-ce pas une honte d’avoir tant attendu? Enessayant.de combler cette lacune, nous croyons satisfaire à un vœu .assez général ; car si le magnétisme est une vérité, il est cependant encore nié par un grand nombre de personnes, d’autres le craignent trop ou s’acharnent à le poursuivre, il y en a enfin qui l’exaltent outre mesure, et en exagèrent à tort la puissance.

Dans cet état d’incertitude et de lutte, on ne doit pas regretter qu’un principe, dont l’utilité peut être si grande pour l’homme, trouve aussi chez nous un organe de publicité. Maintenant que l’Italie a reçu et cultive avec amour cette doctrine, il est bon qu’il y ait un recueil qui en suive les progrès, ot dans lequel ceux qui y croient, qui l’étudient et la pratiquent, puissent trouver des pages destinées à recueillir les résultats de leurs recherches, les faits nouveaux, les idées nouvelles, et les réponses légitimes aux attaques, trop souvent injustes, que des incrédules, ou des gens qui ne veulent pas croire, ou le grand nombre qui s’oppose par intérêt aux progrès du magnétisme, dirigent chaque jour contre le principe lui-même ou contre ceux qui le suivent et l’appliquent.

Quand nous voyons une aussi grande divergence d’opi-

liions et «ne contradiction aussi manifeste dans les tendances des magnétiseurs, nous ne pouvons pas ne pas nous apercevoir de la nécessité d’être froidement et sévèrement impartial, pour laisser briller la vérité de tout son éclat. Nous suivrons invariablement ce système. Nous nous hâtons donc d’annoncer tout d’abord que nos pages n’accueilleront jamais des articles de polémique violente. La vérité doit savoir se frayer un chemin par la logique, et elle ne doit avoir aucun besoind’animositépourseconteniretsedéfendre. Lumineuse, elle parcourt sa route sur les ailes des faits, et non pas appuyée sur les plaisanteries et les insultes qui, ayant leur source dans l’acrimonie du caractère , et non dans une conviction profonde de l’intelligence, révèlent souvent la lutte obstinée d’un esprit déjà convaincu, plutôt que la marche majestueuse de la raison.

Mais si nous avons en horreur les discussions amères et irritées, nous ne nous refuserons pas à des débats tempérés, qui aident si puissamment l’éclosion de la vérité. Nous ouvrirons même notre Chronique aux thèses contraires au magnétisme, pourvu quelles soient conçues en termes dignes d'hommes éclairés et amis du progrès scientifique. Et même, en tenant compte du choc violent des idées nouvelles contre les cerveaux imbus déjà d’idées anciennes et contraires, nous permettrons à nos adversaires plus de vivacité et d’emportement que nous ne nous en permettrons jamais ; car nous sommes bien convaincus que l’eau paisible du vrai réussira avec le temps à faire disparaître les aspérités qui hérissent le lit de son cours, qu’elle les aplanira tout à fait et s’en formera un fond solide et des bords assurés.

Nous adressons nos prières à tous les esprits distingués qui s’occupent avec ardeur de l’étude des phénomènes merveilleux du magnétisme animal, pour qu’ils veuillent bien regarder ce recueil comme étant leur propriété, et nous envoyer les résultats de leurs travaux. Pourquoi laisseraient-ils dormir sur leur bureau ou dans leur mémoire des faits, des essais réussis, des propositions utiles, des phénomènes nouveaux qu’ils auraient entrevus dans le cours de leurs recherches ou par un heureux elfet du hasard? Dans la

multiformité presque infinie des phénomènes magnétiques, ce n’est que d’après l’examen et la reproduction cherchée de tous, que nous pourrons tirer d'utiles conséquences, et des applications de principes encore plus utiles. Pour que les faits racontés soient crus, examinés et étudiés plus facilement, il sera bon de les soumettre aux yeux et à l’esprit des lecteurs avec toutes leurs circonstances, et sous toutes les garanties qui peuvent montrer une intelligence sagace, mais prudente et toujours sur ses gardes, un esprit qui brûle de connaître la vérité, mais ne la confond pas facilement avec l’erreur.

Les faits du magnétisme animal sont encore trop nouveaux et trop singuliers pour que les magnétiseurs puissent prétendre à être crus sur parole. L'homme qui raisonné veut marcher à la conviction les yeux ouverts et à la lumière de la logique ; il refuse de se laisser envelopper dans le voile aveugle de la foi, et de se laisser heurter et pousser rudement par l’assertion nue et orgueilleuse. Si c’est une preuve de peu de sagesse et de beaucoup de vanité, de tout nier ce qu’on ne comprend pas, par cela même qu’on ne le comprend pas, il n’est pas moins vrai, comme l’a dit si bien Leopardi, que croire une chose parce qu’on l’a entendu dire, sans avoir eu soin de l’examiner, c’est un tort que l’esprit se fait à lui-même. Le magnétisme n’y gagnerait que davantage, si ceux (pii l’exercent n’oubliaient pas ce principe lorsqu’ils en racontent les merveilles.

Nous engageons à, mettre de côté la peur et à se montrer à découvert, tous ceux qui croient et étudient dans le silence, hésitant à, se prononcer par crainte de l’opinion. 11 y a trop de croyants aujourd’hui, pour que l’on ait sérieusement à redouter le ridicule de la part de ceux qui, non encore vaincus, voient néanmoins leurs rangs s’éclaircir chaque jour davantage , et les remparts ébréchés des autorités académiques s’ébouler devant eux. Les croyants peuvent être fiers à juste titre de compter dans leurs rangs Van Helmont, Hufeland, Spren-gel, Passavant,Jussieu, Deleuze,Fouquier, Guersent, Adelon, Orfila, Royer-Collard, Broussais, Husson,Trousseau, Georget, Rostan, Cloquet, Pariset, Combes, Richard, Frank, Paniza, Malfatti, et bien d’autres noms encore qui brillent de la lu-

inière la plus vive dans le temple de la science, indépendamment des croyances magnétiques, Qui est-ce qui rougira ie tourner son esprit vers un principe auquel les hommes illustres que nous venons de nommer ne refusèrent pas le concours de leurs intelligences supérieures? 11 existe d'ailleurs des chaires de magnétisme en France et en Suède ; on a ouvert des cliniques magnétiques en Prusse et en Angleterre, et l'Académie des sciences de Berlin, l’Académie des sciences morales et politiques de Paris, et la Société d'encouragement des sciences, lettres et arts de Milan, ont proposé des sujets de prix sur le magnétisme animal. Courage donc ! et ceux qui voudront s’amuser à jeter sur nous le ridicule, nous trouveront du moins en bonne compagnie.

Pour nous armer à l’avance contre le ridicule aussi injuste que peu mérité, et afin de donner une base assez solide aux âmes même les plus vacillantes et les plus craintives, nous allons présenter à nos lecteurs, dans un de nos premiers articles, un résumé des déclarations favorables au magnétisme, publiées par quelques-uns des hommes illustres que nous avons nommés, et par d’autres fort respectables. 11 résultera évidemment de ces citations, qu’en refusant au magnétisme animal une place parmi les choses existantes et dignes de lixer l’attention des penseurs, on viendrait implicitement à taxer de charlatanisme, de mauvaise foi, de duperie ou d’imbécillité, des personnes fort distinguées, d’une grande noblesse, d’une honnêteté à toute épreuve et d’une intelligence supérieure.

Nous commencerons notre Chronique avec la nouvelle année (1853). Nousn’enregistrerons pas seulement les progrès de la doctrine magnétique dans notre pays, mais nous extrairons des journaux français, anglais et allemands, tout ce que nous y rencontrerons de relatif à cette doctrine. Il sera donné en outre un résumé, en rapport avec leur importance, de tous les ouvrages sur le magnétisme, au fur et à mesure qu’ils seront livrés au public. Comme nous n’entendons relater que les choses vraiment intéressantes pour la science, et que nous avons l’intention de supprimer tout bavardage inutile , toute théorie abstraite et sans utilité pratique, toutes

les histoires merveilleuses sans preuves suffisantes, nous croyons que deux feuilles suffiront aux besoins de notre Chronique, du moins pour ses commencements. Si les circonstances l’exigeaient, nous donnerions un supplément, fort heureux de voir que l’abondance de bons matériaux aurait dépassé notre attente.

Nous osons espérer que notre entreprise ne manquera pas d'avoir des appuis parmi les connaisseurs du magnétisme, parmi ceux qui le pratiquent et voudraient en étendre l’application ; nous en espérons même parmi ceux qui, n’ayant pas eu encore assez d’occasions pour se convaincre de ses effets admirables, ont toutefois le désir qu’il soit sérieusement étudié, et que les limites de sa vérité et de son utilité soient nettement arrêtées. Que si, contre toute probabilité, le. contraire arrivait, nous serions par là même avertis que la croyance dans le magnétisme et l’amour de son étude, ne sont point encore assez répandus, et, après quelques années d’essai, nous cesserions de paraître. Mais nous espérons que les choses se passeront autrement. Si nos vœux ne nous trompent, le nombre de ceux qui étudient ces influences admirables de l’homme sur l’homme, est déjà grand parmi nous ; et ceux qui, sans s’en occuper directement, désirent pourtant qu'on les analyse, et dont l'appui ne nous manquera certes pas, sont en quantité bien autrement considérable.

Si l’on nous soutient dans nos premiers pas, nous avancerons, grâce à l’estime et aux sympathies que nous saurons nous captiver. Nous croyons qu’un bon moyen pour cela, ce sera d’apprécier avec la même impartialité, avec la même franchise, le vrai et le faux, ce qui favorise et ce qui contrarie le principe utile que nous nous efforçons d’éclaircir et de répandre. De cette manière, on reconnaîtra que ce qui nous anime est le seul désir de chercher la vérité, sans obstinations préconçues, sans ombre de fanatisme.

Traduit par G. GOVI. D' 3. TERZAGHI.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

FAITS ET EXPÉRIENCES.

1° MAGIE.

Le mardi 29 mais, une réunion nombreuse et choisie, composée de plus de cent personnes, avait lieu chez le prince de la Moskowa. Cette réunion avait un attrait tout nouveau : il s’agissait de magic. Par amitié pour le prince, j’avais consenti à faire quelques expériences sur des personnes de l’assemblée. On était dans l’attente, et chacun se demandait peut-être comment il me serait possible de sortir d’une situation aussi délicate. En effet, pour le grand nombre, la magie n’est qu’un art mensonger qui ne se produit qu’à l’aide de compères. Qui donc, aujourd’hui, peut croire à-la sorcellerie et à la magie ?

Parfaitement tranquille en présence du doute de l’assemblée , je disais au prince : « Tout à l’heure vous aurez des émotions; vos convives croiront; si je le veux même, je les remplirai tous de terreur et d'effroi. »

Il était dix heures du soir lorsque les expériences commencèrent. J’eus d’abord quelque peine à déterminer une personne à tenter l’épreuve; enfin une dame se prêta résolument à mes essais. Au grand étonnement de l’assemblée, cette dame fut à l’instant même clouée sur son siège; je jetai alors à. six ou sept pieds d’elle le miroir magique, et 011 la vit sortir de son immobilité. Par des efforts saccadés, se levant de son siège, elle avança dans l’attitude d’un cadavre que l’on ferait mouvoir avec difficulté. Ce fut une scène émouvante au dernier point, un spectacle sans pareil , surtout lorsque, plongeant son étrange regard dans le disque, on la vit comme rejetée au loin par une force in-TOMS XII. — N° 181. — 10 AvuiL 1853. 8

visible, puis enfin ramenée en avant et. rapprochée du signe magique par la môme puissance. Elle fut bientôt en proie à une sorte de transport sibyllin, et, comme une propliétessc antique sur le trépied sacré, l’oracle allait se faire entendre. La bouche s’ouvrit, mais avec difficulté, et l’on n’entendit que des sons gutturaux : les choses vues ne purent être décrites par la voyante. C’en était assez pour établir la réalité du pouvoir magique ! Qui donc, d’ailleurs, dans cet instant, aurait pu exprimer un doute?

J’offris pourtant à l'assemblée de produire sur l’heure un autre exemple de cet immense pouvoir qui enchaîne pour un instant le corps et l’âme, et fait bientôt communiquer celle-ci avec les immortels.

Une jeune dame, que la crainte n’agitait point (elle se croyait invulnérable), se soumit à l’épreuve nouvelle.

A peine deux minutes s’étaient-elles écoulées, que l’on vit ses membres se raidir et tomber dans une immobilité complète : c’était une statue de marbre. Cet état ne dura que quelques instants. A la vue du signe magique, elle se leva comme la première expérimentée ; mais son visage n’avait point la même expression, il était plus animé, plus inspiré; elle était belle, et quelque chose de divin semblait l’animer et la dominer.

Plongeant son regard dans le miroir, que je tenais à quelque distance de ses yeux, elle me suivait dans une sorte de transport lorsque je m’éloignais, cherchant à assurer sa vision , à la rendre complète. A moi seul il appartenait de lui ouvrir le vaste champ de l’avenir; de moi seul dépendait la connaissance anticipée des joies comme des chagrins qui lui sont réservés.

Je ne voulus point prolonger cette vision : je cachai le miroir. C’est qu’en effet les mystères de l’âme ne doivent pas être profanés: pourquoi surprendre les secrets d’autrui? Peut-on, d’ailleurs, sans danger pénétrer dans les temps et révéler l’avenir? La vulgaire prudence commande la réserve la raison veut qu’on s’arrête à la limite du sensible et du tangible.

0 merveilleux phénomènes ! qui donc peut vous comprendre et vous admirer? Vous portez l’étonnement dans les esprits, et après de rudes secousses tout retombe dans le repos* Nul souvenir ici, aucune de ces deux voyantes ne se rappelait les choses vues; entièrement étrangères à ce qui nous avait émus, elles ne comprenaient point l’étonnement général.

Le scepticisme était vaincu, les doutes avaient cessé ; la magie apparaissait dans les œuvres produites, et pourtant mon âme était triste, car cette nouvelle science prend le monde au dépourvu : il n’y a aujourd’hui nul savant capable de comprendre la magie, et mes forces sont insuffisantes pour la faire prévaloir sur les erreurs vulgaires.

Je reçus les félicitations de cette assemblée choisie, car les faits n’avaient rien laissé il désirer dans leur production et dans leur instantanéité. Cependant, voulant encore justifier mon pouvoir, je fis, dans un autre ordre de faits, de curieuses expériences. J’attirai une dame à reculons; elle vint par une force attractive, se souder à mon dos, et, me baissant alors, je l’emportai sans qu’elle pût se détacher de moi.

Baron DU POTET,

2° SOMNAMBULISME.

A M. le baron du Potet.

Monsieur le baron,

Désireux de répondre à l’appel que vous avez fait à tous ceux pour qui la science magnétique n’est pas une utopie, en leur demandant le résultat des expériences qu’ils ont pu faire, afin de rassembler le plus grand nombre possible de faits, pour qu’un jour ces faits groupés, coordonnés et attestés par des hommes de condition et de pays divers, soient un bouclier invulnérable aux sarcasmes de ceux qui croient que tous les phénomènes de la nature sont enfermés dans leur raison, je vous apporte ma petite pierre ; vous la placerez, si vous le jugez convenable, dans la construction de l’édifice.

Entre cent faits de somnambulisme que j'ai eu l’occasion de produire, en voici un assez curieux, et qui prouve que lorsque des mots, des phrases ont été imprimés au cerveau, quoiqu’on ne puisse se les rappeler à l’état de veille, la mémoire est prodigieuse durant le sommeil somnamhulique.

Une grosse fdle nommée Héloïse, jouissant d’une santé robuste, était domestique chez un de mes amis; cette fille était très-sensible à l’action magnétique, et tombait en somnambulisme assez lucide. Un soir je la magnétisai; lorsqu’elle fut arrivée au degré convenable, je la fis asseoir dans un coin de la salle et je la laissai là.

O11 nous servit à souper; j’appelai Héloïse, elle se leva tout d’une pièce et vint près de moi les yeux fermés.

« Vous allez me servir.

— Oui, monsieur. »

Elle me coupa, me servit d’un mets, et me versa à boire : je la renvoyai à sa place.

« Maintenant, lui dis-je, vous allez me chanter une chanson.

— Je n’en sais pas.

_Cependant je serais très-flatté de vous entendre. »

Elle chanta trois couplets.

Ses maîtres, et les autres domestiques, furent très-surpris de l'entendre, elle qui ne chantait jamais, parce qu’elle ne savait pas de chansons.

«Où avez-vous appris cette chanson?

_je l'ai entendue chanter à la foire, par un marchand

de chansons. »

Éveillée, on lui dit qu’elle avait chanté; elle ne voulut jamais le croire.

« Je ne sais, dit-elle, que le premier vers de la chanson dont vous me parlez -, mais je ne me la rappelle pas. »

Quelques jours après je voulus répéter la même expérience devant de nouveaux témoins, je l’engageai à chanter. Soit le rire qu’elle provoquait, soit autre chose, elle ne se la rappelait pas. Je la fis se transporter à la foire, passée il y avait six mois, écouter le marchand de chansons et le suivre. Elle me dit :

.i 11 ne la chante pas dans ce moment, mais il va la chanter tout à l’heure. >>

Vu bout d’un moment, elle se mit à chanter d'une voix forte et peu mélodieuse.

Je lui inculquai ma volonté, pour quêtant éveillée, elle se rappelât les couplets qu’elle venait de prononcer.

Quelques heures plus tard, livrée à ses occupations, elle était toute surprise de pouvoir la chanter.

Cette même fille, étant en somnambulisme, voyait ou plutôt recevait l’influence des personnes présentes. Un jour, elle me dit :

« 11 y a des personnes qui ne croient pas que je dors ; pour leur prouver que je suis insensible, vous allez me poser un charbon dans la main. »

.le refusai une semblable épreuve; mais elle insista en me disant :

« Vous savez bien ce qu’il faut faire pour m’empêcher de sentir la brûlure quand je serai éveillée. »

Je me rendis à ce désir, la voyant si bien persuadée ; je pris, avec les pinces, un gros charbon incandescent, et le lui plaçai dans le fond de la main pendant deux secondes, puis je soufflai magnétiquement sur la partie brûlée.

« Souffrez-vous de la brûlure que je viens de vous faire?

— Non, et je n’en souffrirai pas. »

Je l’éveillai, et ne lui Uis rien. Un quart d’heure après, voyant qu’elle ne se plaignait de rien, je lui pris la main et vis au fond une escharre blanche, de la grandeur d’une pièce de cinq francs.

Je lui demandai ce qu’elle avait au fond de la main. Elle regarda et supposa que la manivelle d’un pressoir, où elle avait travaillé toute la journée, lui avait occasionné un durillon.

La peau brûlée resta blanchâtre pendant huit ou dix jours, sans qu’elle en souffrit nullement.

Agréez mes respectueuses salutations.

Aleiasdre LEPORT fils.

Fécamp, le 28 mars 1853.

CLINIQUE.

S’il fallait que l’homme qui a fait du magnétisme en amateur pendant deux ans, et qui a eu la chance de se voir récompensé de son étude par des résultats auxquels il n’osait espérer; s’il fallait, dis-je, que cet homme énumérât tous les phénomènes merveilleux qui se sont développés devant lui, il ne ferait que répéter ce qui a dû arriver à beaucoup d’autres placés dans les mêmes conditions.

Je ne choisis donc pour le moment que quelques faits qui, pour n’être pas des plus étonnants, donnent à celui qui les produit la satisfaction d’avoir fait du bien.

Premier fait.

Un ouvrier cordonnier avait un mal d’aventure au doigt annulaire de la main droite. Depuis un mois il souffrait tellement qu’il en perdait l’appétit et le sommeil ; son médecin lui conseilla de se laisser faire l’amputation de ce doigt. Un jour j’allai le voir et il me montra sa main ; j’éprouvai un frémissement de dégoût à l’aspect d’une telle plaie. Le doigt était gros comme quatre, l’intérieur, par la partie postérieure, était rongé, un pus abondant en sortait, et je suis persuadé que l’inflammation avait dû attaquer le périoste.

Je lui proposai de le traiter ; il accepta. Je magnétisai sa main en la tenant entre les miennes ; puis je fis des passes depuis l’épaule jusqu’au doigt malade ; je lui fis mettre sa main dans un bain d’eau magnétisée, et dans l’intervalle des séances il y plaçait de la charpie imbibée de la même eau.

Le troisième jour, n’ayant qu’une demi-confiance dans la vertu thérapeutique de mon moyeu, j’eus la satisfaction

de voir la plaie, suinter un sang vermeil, et à partir de ce moment il recouvra le repos et l’appétit. Au bout d’un mois les chairs étaient repoussées, et peu à peu une peau naissante les garantissait ; mais il était resté à la deuxième phalange une petite cave d’où sortait encore du pus. J’avais fixé à six semaines le terme de sa guérison, nous dûmes prolonger nos soins quinze jours de plus, parce que deux gros boutons pleins d’inflammation s’étaient formés à la partie opposée du mal ; nous reconnûmes que c’était, deux petites esquilles d’os qui cherchaient une issue pour sortir; au moyen d’une petite pince on les retira. Le doigt s’est complètement cicatrisé, seulement il est resté ankylosé.

Deuxième fait.

De tous les emménagogues, le magnétisme employé dans ce but est peut-être le plus efficace. Deux épreuves entre plusieurs que j’ai faites, viennent à l’appui de la vertu magnétique dirigée à cet effet.

1° Une fille d’uue vingtaine d’années, domestique chez mon père, éprouvait, à l’époque du flux périodique, une forte congestion sanguine à la tète. Un matin, la douleur étant intolérable, elle alla, sans en avertir personne, trouver son médecin, qui la saigna au bras. Cette opération lui procura du soulagement pendant quelques heures; mais bientôt elle se plaignit, et avoua ce qu’elle avait fait. On m en prévint, je lui proposai de la magnétiser comme je l’avais fait déjà plusieurs fois, sans'la prévenir que j’allais agir sur la menstruation.

A cet effet, je posai les mains sur les hanches, et fis des passes jusqu’aux genoux. Au bout de cinq minutes elle me dit :

« C’est assez. »

Comme elle se levait et s’en allait, je devinai que le but était atteint; mais avant de disparaître, elle se retourna en me disant; «Vous êtes donc sorcier?»

D’abondantes menstrues, qui duraient encore le lendemain , furent obtenues par cette simple magnétisation. Cette

abondance, jointe à l'émission pratiquée par la saignée, I al-faiblit beaucoup. On vint me le dire, alors je la magnétisai pour l’endormir. Je lui demandai si elle voyait ce qu’il fallait faire pour arrêter le sang.

« Je ne vois pas. »

Appliquant ma main à plat sur l’abdomen, je lui demandai si ce moyen était bon.

c Peut-être. »

En effet, au bout de peu de temps, elle me dit : > C’est fini. »

Je la réveillai ; nous sûmes quelques jours après que rien n’était venu depuis ce moment.

2° La fille d’un directeur de fabrique, avec lequel je suis lié, ayant été vivement impressionnée par la mort de sa. mère, éprouva une grande perturbation dans sa menstruation. Pendant une année on appela successivement trois médecins qui,"après avoir employé tous les emménagogues du Codex, n’arrivèrent à aucun résultat satisfaisant.

Le troisième médecin, très-consciencieux, engagea le père à ne plus employer de remèdes, et à attendre tout de la nature et du temps.

Un jour ce monsieur vint me prier d’essayer du magnétisme sur sa fille ; mes occupations ne me donnant pas le loisir de me livrer à cette pratique, je refusai. Après bien des sollicitations, je cédai à ses instances. A la troisième magnétisation , les menstrues apparurent et durèrent deux jours : c’était un grand pas de fait; la gaieté et une digestion moins laborieuse revinrent chez la jeune personne. Je la magnétisai pendant un mois, deux fois la semaine; le flux périodique revint en son temps. Voilà six mois d’écoulés, et les choses se sont toujours maintenues.

A. LEPORT.

CONTROVERSES.

CORRESPONDAN CX

ENTRE LE D' DESPINE, ET Mc* ALEXIS,

AU SUJET DU MAGNÉTISME.

(Fin.)

A S. Em. Mgr l'archtviqnc de Clutmbcry.

Annecy, 14 mata 1844.

Monseigneur,

J’ai l'honneur de vous accuser réception de votre missive du 25 janvier dernier, n° 1/i2, ainsi que des pièces qui y étaient annexées. Elle est un peu tardive, Monseigneur, mais quelques malades que j’ai eus dans ma famille m’ont obligé de venir à Annecy ; et, préoccupé comme je l’étais, des soins que j’avais à leur donner, je n’ai eu ni le temps, ni la possibilité de penser à autre chose. Maintenant, Monseigneur, que mes malades sont bien, je mc hâte de remplir mon devoir envers Votre Grandeur. D’abord, je vous ferai retour du petit fascicule intitulé : Pièces « l'appui. Elles ne me sont pas nécessaires, puisque j’en possède les originaux : et, de plus, il importe que ces documents restent joints à mes lettres, puisque ce sont là les preuves de ma doctrine, preuves dont je puis garantir toute la vérité. J’ai même ajouté aux faits qui déjà avaient passé sous vos yeux, deux nouveaux documents, qui ne sont pas sans valeur au point où en sont les choses. Le premier est l’opinion de Mgr l’évèque de Montpellier, émise du haut de la chaire de Saint-Fulcrain, à Lodève. Le

second est le procès de toute l'affaire Ricard etPlain. Quant aux brochures de SIM. les D" Charpignon et Grand-Voinet, dont vous m'offrez le retour, elles sont, Monseigneur, pour votre bibliothèque, ainsi que l’ouvrage du 1)' de llésimont, dont j’ai eu l'honneur de vous entretenir dans ma lettre du -> décembre dernier. Je le croyais depuis longtemps entre vos mains, lorsque le bureau de la censure de Chambéry m’a fait savoir que cet ouvrage avait été refusé à l’archevêché, et que je devais le faire réclamer par qui de droit. Je l’ai donc été réclamer moi-môme, il y a peu de jours... et je m’empresse, Monseigneur, de vous le faire passer sous ce pli.

Toutes ces pièces, Monseigneur, doivent rester dans vos archives diocésaines : elles y auront leur utilité un jour; car la persécution du moment contre le magnétisme animal finira certainement un jour, peut-être même bientôt, et alors 011 sera heureux de trouver des documents tout faits, frappés du sceau de la vérité, qui réclament toute la portée actuelle de la science à ce sujet.

Parmi les faits magnétiques qui agitent le monde savant aujourd’hui, tous ceux qui sont essentiellement vrais se lient de l’un à l’autre, comme les anneaux d’une chaîne. 11 en est d’autres qui sont faux et apocryphes... Mais pardonnons quelque chose aux adeptes convaincus qui, n’ayant pas l'habitude de ces sortes de phénomènes, ont la folie de vouloir se mettre en spectacle. Il a donc pu arriver quelquefois que, se fondant sur des théories fausses ou erronées, et agissant par induction , d’après certains faits dont ils ne se rendaient pas bien compte, ils ont cru pouvoir en promettre certains autres qu’ils n’avaient pas expérimentés, et dont, par analogie, ils se croyaient sûrs, et ils n’ont pu les obtenir. Alors, Monseigneur, pour éviter une mystification, ils ont dû se servir tout naturellement d’aides et de compères... Mais, de ce qu’il y a eu de faux prophètes en Israël, devons-nous conclure qu’il n’y en a jamais eu de véritables et de bons, ou bien que Satan parlait par la bouche de tous? Non, certainement, Monseigneur, et si j’avais une opinion de cette espèce, vous seriez le premier à relever mon erreur, et vous feriez bien.

Voilà le cas du magnétisme animal, dans l’état d’enfance où il se trouve en ce moment; mais il grandira, soyez-en sûr, comme il arrive de toutes les connaissances humaines qui sont établies sur des bases positives, sur la vérité.

Dans celle qu’on a nommée magnétisme animal, cependant, il faut observer que cette chose, cet être, quel qu’il soit, qui agit et se comporte à la manière des fluides impondérables sur le principe de la vie, dont les effets prodigieux ont été constatés par tant de gens instruits et désintéressés, sages et religieux; cet être, dis-je, n’a pu être étudié aussi facilement que les autres fluides animaux, plus grossiers et qui, à cause de cela, tombant sous nos sens, peuvent être analysés ou appréciés par des instruments de physique et des réactifs. Ce principe impondérable, qu’on n’a pu encore reconnaître que par les sensations qu’il fait éprouver, mais qui n’échappera pas toujours aux investigations de la science, semble se diriger d’une manière toute spéciale sur cette portion de l’animal qui le reud vivant et l’anime; et c’est là, sans doute, la cause du peu de progrès qu’a fait jusqu’à ce jour la science magnétique... Elle n’a réellement pu marcher qu’à tâtons; mais au moment actuel, tant de gens instruits, désintéressés et de bon sens s’en mêlent et s’en occupent... et les sciences physiques ont tellement fait de progrès depuis huit à dix ans, que la science magnétique a fait des pas immenses... et nous en promet bien davantage encore. Toutefois, Monseigneur, je ne chercherai point à vouloir, malgré vous, forcer votre conviction sur des phénomènes qui vous paraissent si étrangers... 11 est de la croyance au magnétisme animal ce qu’il est de toutes les croyances. Souvent les vérités les plus incontestables sont celles qui sont les plus difficiles à établir, surtout lorsqu’elles froissent des opinions généralement reçues ou des préjugés auxquels on est habitué et qui semblent, par cela même, avoir force de loi. Je dirai même, Monseigneur, que la médecine, sous ce rapport, est peut-être pire que toutes les autres sciences, parce que malades et médecins veulent tout expliquer, souvent même sans un sérieux examen, et que malheureusement il se trouve

parmi les derniers beaucoup plus d'industriels que de vrais philanthropes ou de véritables hommes de science.

Cependant, Monseigneur, la médecine est une espèce de sacerdoce qui a pour base les lois de la nature, et, par conséquent, dos lois sûres et positives. Car 110s agents médicamenteux sont tous des agents puisés dans les produits de la nature, et les sujets sur qui nous les employons, l’homme et les animaux ; mais, pour notre malheur, nous ne connaissons pas toutes les lois, et souvent, quand nous voulons nous expliquer certains faits insolites, nous sommes forcés de recourir à l’induction ou de créer des hypothèses, ne pouvant faire mieux. Heureusement pour la science et pour l’humanité, la science progresse toujours, indépendamment des théories et des hypothèses... C’est aussi de cette manière, Monseigneur, que la science ecclésiastique a successivement fait des progrès et marché, et qu’elle a débarrassé la religion des préjugés et des erreurs qui déchirèrent son sein dans un temps, allumèrent plus tard les bûchers et mirent souvent les peuples en combustion. C’est en donnant aux jeunes lévites une instruction plus éclairée et plus solide, dont ils étaient privés à ces époques désastreuses ; c’est en coordonnant d’une manière plus uniforme leurs études, qu’on nous a mis à jamais à l’abri de ces dissidences et des dissensions scandaleuses et déplorables, survenues souvent au sujet de l’interprétation d’un mot, d’une théorie, d’une vérité simple en «Ile-même, mais sur laquelle on ne pouvait ou l’on ne voulait pas s’entendre, parce que des intérêts matériels, des vues politiques, l’amour-propre blessé ou d’autres faiblesses humaines venaient à la traverse.

L’habitude que j'ai acquise, Monseigneur, des phénomènes du magnétisme animal, par l’étude spéciale que j’ai faite des affections nerveuses que ma clientèle d’Aix me force de faire chaque année, m’a fait reconnaître, dans le décret du 21 avril 1841, plus de quatre-vingts points de controverse, sur les faits qui lui servent de base et d’appui. Les mis sont vrais, d’autres sont douteux, d’autres enfin sont de toute fausseté, je puis vous le garantir, Monseigneur. Et c’est cepen-

dant sur une exposition de cette espèce, faite dans le préambule du decrelo, que LL. EE. et RU. cardinaux du saint-office, ont obtenu la signature du saint-père, pour une décision qui proscrit un moyen thérapeutique utile, lequel n’a aucunement trait à la foi catholique, et qui, sous le rapport de la science, n’est pas plus de la compétence du sacré-col-lége, que ne l’étaient dans le temps, pour la Sorbonne et les parlements, les questions d’antimoine, de quinquina, d’inoculation , de vaccine et autres. J’espère, Monseigneur, que Dieu me donnera assez de forces et de vie pour commenter le decrelo d’une manière satisfaisante pour tous, si aucun de mes confrères ne le fait plus tôt. J’aurai alors bien mérité de la religion, en l’affranchissant des préjugés et des craintes mal fondées qu’on a allégués contre le magnétisme animal, à l’occasion de l’intervention prétendue de certains génies dont, il n’a pas besoin ; et j’aurai bien mérité de l’humanité souffrante, en lui restituant un moyen thérapeutique utile et puissant, dont l’ignorance voudrait la priver.

11 y a là certainement un triage à faire du bon et du mauvais grain ; le triage est appelé de tous mes vœux, comme vous le savez, Monseigneur, et je n’y reviendrai pas, m’en étant assez expliqué dans mes lettres des 26 décembre et 11 janvier dernier. Quant au fond, je dois m’en mettre peu en peine, laissant à la Providence le soin d’y mettre bon ordre, ce qui arrivera tôt ou tard. Car ce qui est vrai, selon les lois de la nature, doit être à jamais immuable comme elle et son auteur.

Vous me dites, Monseigneur, dans votre honorée missive du 25 janvier, que vous ne pouvez pas croire, qu'à la vue ou au contact d'une boucle de cheveux, une personne quelconque puisse reconnaître l'état d'un malade et tes remèdes propres èi su guérison. Vous n’êtes pas le seul, Monseigneur, qui soyez dans cette croyance erronée ; mais votre non croyance n’empêchera pas cependant que le fait ne soit véritable, et très-véritable , quelque peu vraisemblable qu’il vous paraisse. Ce phénomène a des témoins par centaines, par milliers, car c’est un des faits magnétiques des plus communs. Si j'avais à m’ex-

pliquer avec une personne moins familière que Votre Grandeur avec la science, je lui parlerais des vertus hygrométriques des cheveux, de leurs propriétés idio-électriques désolantes, de leur incorruptibilité, supérieure à celle de toute autre substance animale, de l’état d’horripilation qui les affecte dans certains états moraux ou pathologiques de l’homme, de leur développement singulier dans la plique polonaise, etc., etc. Mais, Monseigneur, penseriez-vous que la Providence, en les disséminant pas touffes sur certaines régions de la surface du corps, comme elle l’a fait, n’a pas eu en cela ses desseins et services? Non, certainement, Monseigneur, vous ne le pensez pas. Et nous autres médecins, nous le pensons moins encore que tout autre, parce que nous avons dû étudier l’homme et les animaux d’une manière plus spéciale. Et cette étude nous fait voir que tout a un but providentiel dans les phénomènes de la nature, bien que ce but ne soit pas patent toujours, ni exactement connu.

C’est ainsi, Monseigneur, que chez les personnes éminemment nerveuses, et surtout les malheureuses victimes des affections hystériques, cataleptiques, hvpochondriaques et autres, on observe un développement extraordinaire des ongles et du système pileux, de la sécheresse habituelle à la peau, peu ou point de transpiration, la cessation complète ou une notable diminution des odeurs animales s’exhalant communément de certaines régions du corps, telles que les orteils, les aisselles, la tête ; ou bien l’apparition des infernales maladies dont je viens de parler, qui ont fait jusqu’à présent et (pii font encore le désespoir de la médecine, lorsque des manœuvres ou des remèdes intempestifs ont fait disparaître les odeurs à l’intensité desquelles on devait sa primitive sauté. Nous avons encore observé dans les affections nerveuses, une excessive impressionnabilité aux orages, aux décharges électriques de la foudre, le pouvoir ou faculté d’aimanter le fer, de retenir ou de laisser échapper ad libitum l’électricité dont on les charge avec la médecine ordinaire ; l’impressionnabilité extrême et normale qu’elles offrent au galvanisme; ajoutons à cela, Monsei-

gneur, 1rs effets bien constatés et cependant extraordinaires des infinitésimaux de l’homéopathie, et mille autres choses plus surprenantes encore, qu’il serait trop long d’énumérer ici, mais (pie nous observons à chaque instant lorsque nous étudions la série des phénomènes nerveux qui se développent dans le magnétisme, et qui se succèdent avec une régularité si remarquable, que l’on ne peut s’empêcher d’en conclure cpie le diable ne peut pas y avoir plus de part qu’aux foudres et aux tempêtes ; qui ne sont que le résultat des lois générales que Dieu a données au monde en le créant, ut suprù, et qui n’ont lieu que pour y rétablir un équilibre1 accidentellement rompu. Aussi la physique et la véritable philosophie ont-elles fait justice de ces myriades de bons et de mauvais génies qu’avait enfantés le paganisme , que personnifia la poésie sensuelle des Grecs et des Romains; que le moyen âge a dénaturés, et qui plus tard ont donné naissance aux fées, aux vampires, aux farfadets, aux pieds fourchus ; qui, dans le treizième siècle, roulaient, selon la légende, les roches du granit, et à cette kyrielle de monstres et de fantômes grotesques grossis par l’imagination , dont parlent nos vieilles chroniques.

Je ne chercherai donc pas, Monseigneur, à vous prouver ce que de prime-abord vous jugez incroyable, par cela seul que c’est étranger i vos habitudes.... Mais si vous les aviez vus des milliers de fois, comme cela m’est arrivé à moi-même, vous ne douteriez plus de l’influence maladive ou sanitaire que peuvent avoir, et conserver assez longtemps, des cheveux, des anneaux métalliques, des habillements imprégnés de miasmes ou (illisible) émanés des corps vivants qui les ont portés, etc., etc. ; il me suffit, Monseigneur, de vous en faire admettre par induction la possibilité, le peut-être! Les faits viendront assez parler d’eux-mêmes quand le temps en sera venu.

Quant au décret de LL. EEm. qui a déclaré le magnétisme illicite, d’après ce qu’on leur en avait dit « prout expo-nitur », ce serait une véritable dérision, si l’on pouvait rire des décisions du Saint-Siège. En effet, Monseigneur, ne

croyez-vous pas qu'au lien d’aller puiser leurs preuves théologiques clans Phitarque, dans Porphyre, dans Boileau. dans Voltaire, Hoffmann, etc., etc., LL. EEm. eussent agi plus sagement de les chercher dans les écrits de saint Augustin , de sainte Thérèse et des Pères de l’Eglise qui ont parlé de l’extase, de l’état mystique de certains anachorètes et de guérisons tenant du prodige; et qu’au lieu de se fier à ce que disaient les autres, messeigneurs les cardinaux eussent sérieusement examiné eux-mêmes, eussent étudié et logiquement comparé les faits magnétiques avec ceux analogues présentés par les ascétiques de tous les âges, de toutes les religions, de tous les pays ! ! !

Un fait nouveau paraît extraordinaire, prodigieux! Faut-il, parce qq’on ne le comprend pas d'abord, qu’il soit nécessaire que le diable s’en môle? Le seul bon sens, Monseigneur, fait justice de semblables assertions....... permettez-

moi de vous le répéter ; car si le fait est patent, s’il se répète toujours de la môme manière, comme le font les phénomènes magnétiques, si un mal se manifeste sous des influences précises, connues, que faut-il faire pour les apprécier à leur juste valeur? Il lautles étudier convenablement, et le faire sans prévention aucune. Alors, nous verrons dans bien des circonstances que ce qui nous étonnait d’abord cessera de le faire dès l’instant que nous apporterons à son examen les connaissances nécessaires : absence de préjugés, un sens droit, et le désir sincère de connaître la vérité.

Les académiciens, Monseigneur, ne sont pas toujours les meilleurs juges en fait de science, vous le savez aussi bien que moi; tous les auteurs modernes parlent de travaux consciencieux dans leurs écrits, c’est la formule du jour; eh bien! il y a dans les académies beaucoup de science certainement, une immense masse de faits et de connaissances de toute espèce; mais sortons les académies des faits mathématiques et physiques proprement dits : recherches géologiques et détails minutieux d’anatomie ou d'histoire naturelle, que trouvons-nous de si consciencieux dans leurs œuvres?

Pour bien savoir une chose, il faut savoir étudier et pra-

tiquer soi-même, et c'est ce que n'a fait pour le magnétisme animal aucun des coryphées de la science; cependant, Monseigneur. il semble bien qu’il en vaut la peine, puisque des gens à talents comme les prélats de ltome, qui ont voulu en traiter sans s’être initiés auparavant à cette branche des connaissances humaines, tout en reconnaissant l’existence des faits extraordinaires racontés, ont cru devoir les attribuer aux intelligences ou à l’enfer, ne sachant pas les expliquer autrement, et d’après leurs connaissances en physique.

Quant aux opinions manifestées par la Facidté, l’Académie de médecine de Paris, et même l’institut royal, tout petit académicien que je suis, j’ose vous soutenir, Monseigneur, que s’ils avaient à juger maintenant Mesmer et sa doctrine comme en 178/i, ils inclineraient bien plus pour l’opinion des Desion , Deleuze, de, Jussieu et de Puységur, que pour celle de Bailly et compagnie; que dis-je, Monseigneur, l’Académie de Paris même ne prononcerait pas en 18ÛS ce qu’elle a prononcé en 1830, 1836 et 1840 ; car la science a grandi depuis lors en France comme partout ailleurs.

Nous avons cependant, tous tant que nous sommes, h remercier Dieu de n’être pas nés aux siècles de Jeanne d’Arc, de Galilée, de (illisible) et à l’époque où notre écrivain De ville a fait ses livres sur les sortilèges et les sorciers, alors il aidait pieusement à condamner les prétendus sorciers de l'époque que la justice ecclésiastique livrait de toutes parts au bras séculier en Savoie, en France, en Angleterre, en Italie, en Espagne, pour les vouer, eux, corps et âme, selon la formule du temps, aux flammes éternelles ! ! ! sorcière qui, en analysant bien leurs actes, n’avaient cependant rien fait de plus que nos somnambules naturels ou magnétiques.... les extatiques du Tyrol, les marabouts d’Algérie et lesbrah-mes de l’indoustan.

Qu’y a-t-il en effet d’extraordinaire, Monseigneur, qu’un être vivant et bien portant agisse d’une manière utile sur un autre être qui se trouve malade, lorsqu’il est bien prouvé qu'un corps malade agit plus ou moins pernicieusement sur un corps sain avec lequel il s'est mis en contact?

ii En exerçant son action sur la surface du corps, le principe agissant qu’on est convenu d'appeler fluide magnétique, porte de proche en proche cette même action sur les organes sous-jacents ; les organes réagissent à leur tour sur le principe delà vie, puisqu’ils sont institués l’un pour l'autre e1 qu’ils doivent s’entre-aider mutuellement; et par le moule matériel il agit successivement, et d’une manière toute graduelle, sur l'intelligence renfermée dans le moule, de laquelle intelligence le moule et les organes sont les mandataires nés. »

C’est ainsi que les qualités psychologiques de l’homme se trouvent successivement sous l’action de causes qui ont été d’abord purement physiques. C’est là l’histoire théorique des songes et des pressentiments, etc., etc. ; c’est aussi celle du magnétisme animal et de ses merveilles : la pratique et les laits n’en sont tpie le corollaire.

Qu’on aille dire à un malade qui, se trouvant dans les angoisses et les affreuses souffrances d’une crise de nerfs, a été instantanément soulagé par quelques passes magnétiques opérées lentement de la tête aux pieds, avec contact ou môme sans le plus léger contact, et à la distance d’un, deux ou plusieurs pouces de la surface du corps, et souvent même à celle de plusieurs pieds, ou bien encore seulement par une légère friction sur les ganglions ou nodosités nerveuses qui existentaux tempes, àla mâchoire, à l’épigastre..., qu’on aille lui dire qu’il a tort, qu’il se fait illusion, que ce n’est pas vrai, qu’il veut en imposer, qu’il se trompe et qu’il veut tromper les autres en disant qu’il a été soulagé par aussi peu de chose, vu que l’effet est tout à fait sans proportion avec la cause, etc. ; que de semblables pratiques sont contraires aux mœurs, à la religion , etc., etc. ; et que, de trois choses l’une : 1“ ou il veut nous tromper en faisant taire ses douleurs à volonté... ; 2° ou bien que le diable s’en mêle en ce sens que Dieu a promis à Satan et à ses suppôts de guérir des malades qui usent de remèdes répudiés par le pape et les cardinaux; 3- ou bien, enfin, que c'est un miracle.

Que répondra le pauvre malade qui peu d’instants auparavant était livré à toute l’horreur des tortures convulsives et du tétanos, et qui en a été délivré comme par enchantement par les passes et les frictions, ces riens que le saint-office attribue au diable, ne voulant pas les attribuer à la médecine, dont il 11e s’est jamais occupé (et qui, au fond, n’est nullement son affaire) ; que répondra-t-il, Monseigneur? Ceci, je crois; car nous pouvons le pressentir par ce que nous répondrions nous-mêmes en semblables circonstances : « Je ne sais pas ce qui m’a guéri, dira-t-il, puisque vous ne voulez pas que ce soit ce rien qu’on m’a fait; mais, guéri, je le suis certainement; voyez! ! ! Et, tout ce que je sais, c’est que, quand on a employé ce rien (comme vous l’appelez), j’en ai senti immédiatement les effets, et ces effets se sont étendus peu à peu dans tout mon être. J’ai confiance que c’est Dieu qui m’a guéri, et non le diable, que, dès mon enfance, on m’a appris être un ange déchu qui a mérité par sa désobéissance l’éternelle damnation, et qui, s’il pouvait agir corporellement sur moi comme sur le saint homme Job, chercherait bien plus à me faire du mal que du bien. Quant à un miracle, ma raison et la religion me disent que je ne suis pas assez pur pour mériter une telle faveur, ce sont des âmes saintes et de prédilection ; et que ma guérison, ma mort dans les souffrances, mon anéantissement môme tout entier, s’il était possible, ne pèsent pas assez dans la balance des mondes pour que la divine Providence daigne faire en ma faveur une exception aux lois générales qu’elle a établies pour la nature, lorsqu’elle l’a tirée du néant... »

Ce serait là, Monseigneur, ce me semble, une réponse pleine de bon sens et de raison.

Du reste, je persiste toujours dans ma première manière de voir au sujet de l’importance qu’il y aurait pour la thérapeutique et pour l’ordre social, que le moyen de guérir le corps fût réglementé comme tous les autres, et j’insiste de nouveau pour que Votre Grandeur ne dédaigne pas de provoquer cette mesure de police gouvernementale. Elle est très-grave, cette mesure, Monseigneur, par le temps qui court;

mais elle est d’autant plus nécessaire à l’ordre social actuel, et c’est à cause de cela qu’on a tort de la traiter légèrement. Je vous en conjure donc de nouveau. Monseigneur, utilisez pour cela notre correspondance, je vous y autorise hautement, en y joignant toutefois les pièces à l’appui... ; car il n’est aucun homme de bon sens qui â cette lecture ne s’écrie : Mais, le docteur a raison ! Vérifions d’abord les faits. Voyons s’ils sont vrais, ainsi que tout ce qu’il nous dit; puis, si toutes ces choses extraordinaires qu'on rapporte du magnétisme sont véritables, si elles suivent des lois constantes et régulières; si des malades sont vraiment guéris par le magnétisme; si ce magnétisme, quoiqu’on n’en connaisse pas l’essence, fait du bien quand il est bien et sagement dirigé, et s’il fait du mal quand il est confié à des mains imprudentes ; tout pesé et tout examiné, réglementons-le, afin d’éviter les abus; mais ne soyons pas assez dénaturés pour empêcher de s’en servir dans les cas où il peut être utile à nos semblables. »

Si toutefois, Monseigneur, Votre Grandeur ne croyait pas devoir provoquer la mesure en question, qu’elle veuille, je l’en prie de nouveau, conserver dans ses archives diocésaines notre correspondance, afin qu’on puisse y recourir en temps opportun... et quand nous n’y serons plus.... Je vous fais cette prière, Monseigneur, dans l’intérêt de la religion, qui ne veut, dans le gouvernement des âmes, que des mesures législatives dictées par la raison ; je vous le demande encore dans l’intérêt de l’homme souffrant, et enfin dans l’intérêt de la science.

Peu de médecins, peu de magnétiseurs, je dirai même peu d’académiciens ont été à même de voir tout ce que j’ai vu à ce sujet, et se sont trouvés à portée d’étudier les phénomènes du magnétisme animal, comme j’ai pu le faire dans ma longue et pénible carrière; peut-être même n’existe-t-il pas d’homme au monde qui ait à cet égard autant de données sûres et de documents que moi..., il importe donc, Monseigneur, de conserver les résultats d’une telle expérience, pour ne pas être obligé de faire de nouveaux essais, dans le seul

luit, de prouver des vérités qui ont été déjà prouvées par une masse de faits bien avérés ; essais que mon expérience m’a démontré être fort préjudiciables aux vrais malades qui se trouvent dans l’état nerveux magnétique, soit artificiellement, par la magnétisation, soit naturellement, par des crises spontanées, lesquels répugnent tous plus ou moins à être mis en spectacle, malgré tout ce qu’on ait pu dire de contraire; car les essais, surtout ceux qui sont faits par des mains imprudentes ou novices, les fatiguent horriblement, et par conséquent ne sauraient que leur nuire.

Dans cette .attente, Monseigneur, et avec les sentiments du plus profond respect, j’ai l’honneur d’être,.de Votre Grandeur, le très-humble et très-obéissant serviteur.

Baron DESPINE.

VARIÉTÉS-

Législation. — Voici un des meilleurs commentaires qu’on puisse faire de l’arrêt que vient de rendre la Cour suprême dans l’affaire Rovère, lequel confirme les jugements qui ont condamné MM. Laforgue et Joussen.

A SA MAJESTÉ NAPOLÉON III,

EHPEREl II DES mJÇAIS.

Sire,

Darricau, médecin à Bordeaux, prend la liberté d’adresser à Votre Majesté une réclamation en faveur des malheureux affligés de diverses maladies, qui, après avoir épuisé leur bourse et toutes les ■ ressources de l’art médical, n’ont point obtenu la guérison qu’ils en attendaient. Ces personnes, d’après la loi du 19 ventôse an XI, titre vi, art. 35 et 3(5,

sont la propriété absolue dos médecins; elles ne peuvent sc faire soigner ni être soignées «pic par nous, gens de l’art, qui, lorsque la science nous manque, en sommes réduits-à dire : « Ce malade est incurable. »

Ce qui m’a fait vous écrire ces quelques lignes, Sire, c’est que j’ai l’espérance que ma voix désintéressée et humanitaire ne sera point repoussée par Votre Majesté ; car j’affirme avoir vu des hommes qui ne sont point diplômés, obtenir la guérison de personnes condamnées à vivre avec leur ennemi, c’est-à-dire abandonnées par mes confrères et moi. Alors, puisque notre science n’est pas absolue, les lois qui nous régissent ne peuvent sagement nous donner tout pouvoir ou un pouvoir absolu sur les malades.

Je crois à la loi divine, et je voudrais que les deux lois, divine et humaine, fussent en harmonie. Votre Majesté est trop chrétienne, Sire, pour ignorer que le Seigneur Jésus-Christ a opéré lui-même des guérisons par le toucher, la parole ; qu’avec sa salive il ouvrit les yeux d’un aveugle, et qu'il a transmis le don de guérir à des hommes, nous ne pouvons le nier. On lit, en effet, dans le Nouveau-Testament, saint Evangile de saint Matthieu, ch. x, v. 8 :

« 11 dit à ses apôtres : Guérissez les malades, nettoyez les « lépreux, etc., etc. Vous l’avez reçu gratuitement, donnez-« le gratuitement. »

Et dans le saint Évangile de saint Marc, ch. xu, v. 37 :

« Or, ce que je dis à vous, je le dis à tous. »

Par cela, qui accomplit la parole divine est dans la suprême légalité ; car rien n’est plus légal que les bienfaits. Nous devons apprécier l'arbre par son fruit ; et l’homme de bien, c’est celui qui produit des bienfaits, c’est la loi philosophique, logique au point de vue du divin législateur. Car cette loi n’aura pas de fin, et votre règne, Sire, ne sera pas effacé de l’histoire, car je crois que votre pouvoir et votre cœur émanent d’en haut.

J’ai donc pensé, Sire, que ma réclamation en faveurdes affligés et au nom du Seigneur, sera bien accueillie et bien appréciée par Votre Majesté, pour que la loi du 19 ventôse an XI,

titre vi, art. 35 et 36, et toutes celles qui la consacrent, soient abrogées ou modifiées ; car, quoique médecin, je suis indigné de voir poursuivre des personnes qui se vouent au bien, qui prient Dieu, qui recommandent la prière, qui ne reçoivent aucun salaire, ne se servent que de pain, de vin, d’eau et d’huile, comme accessoires, en touchant les malades pour obtenir la guérison de leurs souiTrances, que mes confrères et moi-même n’avons pu obtenir, après avoir employé toutes les ressources de notre art. Je m’incline donc, et je dis : le bien divin est plus puissant que la science humaine ; qui ne le sait pas? Des hommes sans moralité.

J’approuverais, par exemple, une surveillance, afin que des abus ne se produisissent pas; ce qui formerait même une garantie sociale et morale ; et, pour que les personnes qui ont la faculté d’obtenir du ciel la guérison ne pussent recevoir aucun salaire des affligés, et de plus qu’ils ne reçussent que des personnes munies de certificats de médecins, constatant le temps du traitement, la maladie et l’âge du malade et même que les médecins y fussent obligés.

Ainsi, après un temps déterminé, le malade serait libre de se faire soigner par un homme de bien; alors notre autorité subsisterait, la loi divine serait confirmée par notre surveillance, et ainsi les deux lois, divine et humaine, ne seraient plus eu désaccord ; et même dans ce moyen que j’ai l’honneur de présenter à Votre Majesté, j’y vois un bien, un stimulant pour notre art, qui lui procurera, je l’espère, les moyens d’acquérir de nouvelles connaissances, et ces hommes que l’on poursuit comme dangereux, seront à l’abri des injures et des poursuites.

Je m’en réfère à la haute appréciation de Votre Majesté, dont j’ai l'honneur d’être, Sire, le très-humble et très-fidèle sujet.

✓ DARRICAU.

Revue des Jtouruiin*. — Le Divan, une de ces feuilles légères qui se distribuent dans les cafés et à la porte des théâtres, contenait, dans son numéro du 30 mai 1852, une gra-

vure caricaturale sur le somnambulisme, avec quelques mots appropriés dont le sons était que le magnétisme est une flouerîe.

— I.a Berne de thérapeutique médico-chirurgicale du

1 " janvier 1853, donne la nouvelle suivante qui s’est vérifiée :

« On dit qu’injonction a été faite, par ordre supérieur, aux journaux politiques de ne pas insérer «l’annonces de somnambules. Le fait est que depuis une quinzaine de jours, pas une de ces annonces n’a paru. »

— Le feuilleton du Journal des Débats, du 13 février, est consacré à l’analyse d’un ouvrage de M. Toussenel sur la supériorité des femmes, dans lequel il cite une brochure du 1> Guilmot, de Lille, relative au même sujet.

D’après ce médecin.

« On voit plus de femmes que d’hommes atteindre les hauts dégrés du somnambulisme ; plus de femmes passer à l’extase. »

D’où il conclut :

« Que la femme est plus ithérée que l’homme ; plus voisine , pour ainsi parler, des intelligences célestes, et plus en rapport avec elles. »

La seconde partie de cette proposition est peut-être vraie, mais la première est assurément fausse ; car tous les plus puissants somnambules ont été des hommes. Quelle femme a jamais rivalisé avec Victor, Lemaire, etc. ? Aujourd’hui même, n’est-ce pas Alexis, Davis, Dumez, etc., qui l'emportent?

— Le Pays du 3 mars contient une longue appréciation d’un travail de M. Arago sur le magnétisme animal. M. l’abbé Moigno, en commentant ce travail, s’amuse aux dépens des magnétiseurs : c’est la coutume.

HÉBERT (de Garnay).

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

FAITS ET EXPÉRIENCES.

1° MAGIE.

A Monsieur le baron du Potet.

Monsieur le baron,

Dans la lettre qui accompagnait l’envoi que vous me fîtes de votre Magie, vous avez paru désirer que je vous communiquasse mes travaux et mes impressions ; je croirais faire preuve d’ingratitude en n’obéissant pas ii un aussi juste désir.

Je suis encore bien jeune pour élever la voix en pareille matière, niais l’accueil bienveillant que vous fîtes à ma demande , et tout dernièrement ù, moi-même, m’encourage à soumettre à votre appréciation les farts que j’ai pu observer.

Première observation.

Ayant tenté de vous suivre pas à pas dans la voie que vous avez tracée, j’ai successivement essayé les effets d’attraction et de répulsion sur un de mes amis. Je suis arrivé ii obtenir dans l’état de veille, une reproduction presque parfaite et instantanée de mes mouvements, même la fermeture d’un œil et la contraction d’un muscle de la face. J’ai également observé l’action signalée par vous d'un objet magnétisé, quel qu’il soit, chaise, pièce de monnaie, etc., puis celle d’une

ligne courbe ou droite.....

Passant ¡1 l’ordre mental, j’ai réussi à lui inoculer tour à tour, et pour longtemps, la joie, la tristesse, l’ivresse même, et à un tel point que tous les accidents consécutifs d’une tome XII. — N° I«*. — 25 Avril 1853. 3

orgie se sont montrés dans leur cynisme, et cela bien malgré moi; car le pauvre garçon, après avoir monté l’escalier de sa chambre, sur les pieds et les mains, s’était barricadé.

Deuxième observation.

Enfin, me trouvant, au mois de novembre dernier, en face d’un sujet que je supposais sensible (c’est une dame de trente-huit ans, lucide depuis quinze ans), je résolus de voir quelle serait sur elle l’action du miroir magique.

Prenant à l’àtre un tison éteint, je traçai rapidement sur un papier un disque de /i à 5 centimètres, et le plaçai par terre à ses pieds : l’effet fut immédiat.

« Je vois, s’écria-t-elle, une lumière semblable à celle du soleil; elle augmente de plus en plus, et me bride les yeux. »

L’envie la prend d’approcher le pied du disque ; trois fois elle essaie, trois fois elle est violemment repoussée.

Elle fixe de nouveau ; sa tète s’incline, ses traits se contractent ; puis tout à coup elle tombe à la renverse ; à peine arrivé-je à temps.

Toute son attitude exprimait l’épouvante ; en vain je presse l’artère de mes doigts, je ne perçois aucune pulsation ; un peu ému, je la magnétise à grandes passes, et vois enfin, au bout de dix longues minutes, la circulation se rétablir.

Elle rev ient à elle, mais dans l’état somnambulique ; je lui demande ce qu’elle éprouve, elle me dit que cette vision l’a plongée dans une espèce d’extase ; puis aussitôt sa physionomie reprend une telle expression d’elTroi, que, n’étant pas seul, je me vois obligé de la réveiller tout à fait.

Je profilai, le lendemain, d’une occasion favorable pour l’endormir de nouveau et l’interroger sur ce qui s’était passé la veille ; mais j’eus beau faire, je n’obtins que ces réponses :

« Oui, je me souviens de ce que j’ai vu; cette vision reparaît plus confuse et moins effrayante qu’hier; mais je ne puis rien vous dire : la même force qui hier me repoussa violemment m’empêche aujourd’hui de parler. «

Embarrassé, je la réveillai; puis, dirigeant mes doigs vers son front, je rappelai énergiquement le souvenir de ce dernier souvenir.

« Dieu ! que vois-je, me dit-elle ; suis-je donc malheureuse !

— Que voyez-vous donc?

— La salle pleine d’ombres qui vont et qui viennent autour du moi ; elles me semblent n’avoir pas de bras.... »

Sur ses instances, je chassai cette vision, qui sembla s’évanouir.... Mais bientôt elle revint, l’accompagna chez elle, et l’obséda pendant deux jours, quoiqu'en s’affaiblissant graduellement.

A dater de ce jour, toute sensibilité magnétique a cessé chez elle, qui, quelques jouis avant, obéissait si vite à la main qui l’attirait, que les jambes avaient peine à suivre l'impulsion du buste; actuellement, je ne sache pas que cette disposition ait reparu.

J’avais eu l’honneur de vous dire quelques mots de cette première observation, lorsque je vous vis dernièrement ; je l’ai consignée ici comme offrant une certaine analogie avec celle que je vais vous citer.

Troisième observation.

Mon grand désir était toujours de m’attaquer à quelque bonne maladie, bien incurable ; il fut pleinement satisfait.

M11* Bis'son, dont je vais vous parler, est une pauvre fille d’une trentaine d’années; à la suite d’une commotion violente causée par la nouvelle de la mort de sa sueur, elle a été prise d’accès épileptiques qui, quatre fois, surtout depuis trois ans, ont pris un développement effrayant.

A ces accès succédaient des vomissements abondants qui duraient le reste du jour.

Pendant ces trois années, elle s’est soumise aux prescriptions de plusieurs médecins qui ont tour à tour essayé inutilement les applications réitérées de sangsues, les purgatifs drastiques, la belladone, etc. Le chlorure d’argent pris en pilules l’avait un peu soulagée, mais les digestions étaient

pénibles; si elle essayait d’en discontinuer l'usage, une constipation opiniâtre, des étourdissements, un trouble complet dans les idées, tous les symptômes d'un accès prochain revenaient l'assaillir. Elle prenait parfois jusqu’à huit pilules par jour contenant chacune 5 centigrammes de chlorure ; aussi le corps a-t-il pris cette teinte noirâtre que l'absorption des sels d’argent donne ordinairement à la peau.

M. D...., qui s’intéressait à elle, consulta, dans un voyage à Paris, une somnambule qui indiqua un traitement assez rationel.

Elle prescrivit des affusions d’eau froide tous les matins sur la colonne vertébrale, un régime excessivement sévère, beaucoup d’exercice, et tous les deux jours deux verres d’une tisane purgative, dont l’absinthe marine, les follicules de séné, le noyer et le sel d’epsom faisaient la base; puis enfin trois verres par jour d’eau magnétisée.

Ce traitement, suivi scrupuleusement pendant un mois, amena une notable amélioration ; une affection dartreuse, qui menaçait d’envahir tout le corps, disparut presque complètement; sous l'influence de l'eau magnétisée, la malade reprit les forces qu'elle avait perdues; les digestions, si longues et si laborieuses, devinrent plus faciles : en un mot un mieux sensible se manifesta.

line nouvelle consultation indiqua la magnétisation directe, la suppression de la tisane purgative, qui fut remplacée par du petit lait; l'usage de l'eau magnétisée fut continué.

Je me mis donc à l’œuvre, et, depuis le 1" décembre de l’an dernier, j’ai magnétisé M11* B. tous les soirs, sauf quelques jours qu’une indisposition et mon voyage à Paris m’ont empêché de lui consacrer.

C’est une honnête fille, pieuse et résignée, qui mérite à tous égards l’intérêt qu’on lui porte.

J’espérais arriver à la lucidité, mais mon espoir a été déçu. Depuis quatre mois que je l’actionne tous les soirs, elle est aussi éveillée que le premier jour ; mais aussi, à peine ma main s’est-elle dirigée vers elle, que le calme revient; elle éprouve un sentiment de bien-être qui lui fait passer dans un

sommeil bienfaisant des nuits qui jadis étaient troublées par des rêves effrayants; les digestions se font parfaitement, et, sans quelques contractions de la mâchoire et des instants de trouble où les idées se brouillent, elle pourrait se croire tout à fait guérie.

J'ai remarqué que l'action était plus énergique et plus rapide lorsque je la magnétisais debout par derrière, en étendant la main vers la base du cerveau, et en suivant le trajet de la moëlle épinière, que lorsque je l’actionnais assise et par devant, soit en suivant les trajets nerveux, soit en dirigeant ma main vers la racine du nez et l’autre vers l’épi-gastre.

Il y a environ un mois que je fis pour la première fois sur elle l’essai du miroir magique.

Tracé, comme je vous l’ai dit, sur un peu de papier, et placé par terre, il l’attira chaque jour de plus en plus, à tel point qu’au bout de quelques jours elle avait besoin de toute son énergie pour ne pas plier les genoux et tomber. Elle éprouvait un sentiment de pesanteur sur la tête, le cou et les épaules, qui la forçait de s’incliner; les genoux se pliaient d’eux-mêmes, et les pieds se levaient s’appuyant seulement sur la pointe. Du reste elle ne distinguait rien, à peine une faible clarté.

Quelques jours après, la braise à la main, je trace sur un carton un nouveau disque plus large, je la fais asseoir, et le lui mets entre les mains.

Une vive lueur lui parait bientôt en inonder la surface : cette lueur, ou plutôt ce feu, augmentant rapidement, lui donne la sensation d'une forte chaleur à la face; ses yeux éblouis ont peine it le fixer, elle voit beaucoup de flammes qui scintillent et offrent dans leur rayonnement les diverses couleurs du spectre solaire. Pas de vision.

Les jours suivants, à peine a-t-elle jeté les yeux sur le miroir et revu cette brillante lumière, que, les portant sur moi, elle vit des rayons de toute couleur jaillir de l’extrémité de mes doigts, des flammes s’élancer de la paume de ma main ; mes yeux et mon cœur dardent aussi des rayons d’un vif éclat.

Comme ordre de clarté, elle me désigne d'abord le cœur, duquel, de temps en temps, jaillit comme un éclair ; puis les yeux, puis l’extrémité des doigts..... Pas de vision ; seulement la partie centrale du miroir lui paraît plus blanche : elle y distingue, dit-elle, comme une espèce de lointain.

Je fis une expérience qui réussit assez bien; éteignant toute lumière, dans une obscurité complète, elle me dit, à trois minutes près, l’heure sur une petite montre d’argent que je lui présentai à une assez grande distance, et que mon pouce illuminait, disait-elle. Divers objets, une paire de gants, un décime neuf à l’effigie de Napoléon 111, furent également parfaitement reconnus.

Enfin, ces jours derniers, j’ai obtenu une vision, mais à laquelle je ne m’attendais guère.

Du sein de ce foyer de lumière, une tète paraît surgir, les traits s’accentuent, et elle distingue à n’en pas douter, dit-elle, une tête si exactement semblable à la mienne, qu’elle croit voir double ; seulement la physionomie du disque lui paraît plus sévère, et les yeux sont fixes et lumineux ; cette tête ne fait aucun mouvement, mais elle a toute l’expression que donne la vie.

J’ai tracé trois nouveaux disques d’une assez grande dimension, trois fois j’ai obtenu exactement le même résultat.

Maintenant j’opère dans l’obscurité aussi complète que je puis l’obtenir; à peine entre-t-elle à l’heure accoutumée, qu’en me fixant elle distingue déjà une certaine clarté dans les yeux, les comparant à ceux d’un chat pendant la nuit; mais lorsqu’elle a pénétré dans l’appartement où je la magnétise habituellement, lorsque j’ai souillé ma bougie et me suis placé devant elle, ma tête, dit^elle, s’illumine d’abord, puis le cœur, puis enfin je flambe de la tête aux pieds ; porté-je mes mains dans la direction de la porte, elle devient un foyer de lumière qui réfracte les rayons lumineux jaillissant de mes doigts; bientôt les objets environnants, d’abord éclairés, disparaissent à sa vue, elle se trouve entourée d’une atmosphère lumineuse sillonnée par de grandes ombres noires qui passent et repassent, mais n’offrant rien de distinct.

Pour moi je ne perçois rien; seulement, depuis deux jours, j’éprouve des sensations inaccoutumées que je ne saurais définir.

Des frissons me montent rapidement des pieds à la tète ; la circulation s’accélère; je me sens, pardonnez-moi l’expression , comme en ébullition.

Pour elle, elle ne s’est jamais mieux portée; sa vie semble doublée ; son activité est telle, qu’elle ne sait comment la dépenser.

Je vous garantis, Monsieur, la parfaite exactitude des faits que je soumets à votre appréciation ; j’ai dû me fier à ma malade, ne pouvant par moi-môme exercer de contrôle, mais j’ai heureusement affaire à un moral excellent et incapable de la moindre supercherie.

J’opère seul, et dans les conditions où je me trouve, en face d’une pauvre fille qui m’a remis sa sauté entre les mains : je crains d’être imprudent. Si j’osais, je vous prierais de me consacrer quelques minutes et de me donner quelques conseils que je tâcherai de mettre à prolit.

Veuillez, monsieur, pardonner à un jeune homme, excuser l’importunité, et ne voir que l’intention de celui qui sera toujours votre tout dévoué serviteur.

LELIÈVRE.

Lisieux, 3 avril 1833.

2° ÉLECTRO-MAGNÉTISME.

Mon cher Monsieur Hébert,

Voilà quinze jours et plus que j’espère vous aller entretenir d’un curieux phénomène qui remue l’Allemagne entière; mais, retenu chez moi par indisposition, j’ai dû remettre d’un jour à l’autre ma visite, pour finalement avoir recours à la plume.

Vous avez entendu parler, sans doute, de cette expérience annoncée par le Dr André, de Brème, dans une lettre qu’il adressait à la Gazette d’Augsbourg, et que publiait, sous toutes réserves, bien entendu, ce journal le 5 de ce mois, si

j’ai bonne mémoire. Il s’agissait du mouvement de rotation qu’exécuterait spontanément une table, de forme ronde, sous l’action présumée de l'électricité animale. Voici le fait, tel que le rapporte le signataire de la lettre en question, liomuie honorablement connu, du reste, et qui affirmait avoir constaté le phénomène.

« Assises autour d’une table ronde, en bois d’acajou, comme on en voit dans nos salons, sept ou huit personnes forment une chaîne, en y posant légèrement les mains écartées, de manière à ce que le doigt auriculaire droit touche l’auriculaire gauche de son voisin. Au bout d’un laps de temps, qui varie d’un quart d’heure à une heure et demie, la table, par un mouvement brusque, se déplace dans la direction du nord, puis se met à exécuter autour de son axe un mouvement de rotation qui dure aussi longtemps que la chaîne est maintenue et suit elle-même le mouvement imprimé à la table. Dès que la chaîne est rompue, c’est-à-dire «lès qu’une des mains se retire, l’action cesse, le mouvement s’arrête. »

Inutile de faire observer que la relation de cette expérience a été tout d’abord accueillie par un hourra général d’incrédulité et de plaisanteries; et, à vrai dire, en face d’une assertion aussi extraordinaire, et d’autant plus surprenante qu’elle émanait d’un esprit sérieux, le doute, au moins, était raisonnablement admissible. Aussi, dans les réfutations qui commencèrent à pleuvoir de tous côtés sur l’auteur, l’imputation de mystification se sauvait-elle, par la supposition bénévole de l’illusion, d’une erreur involontaire, pardonnable à un esprit crédule. Mais bientôt, fatigué de rire et de discuter dans le vide, çà et là on s’est mis à l’œuvre, on a essayé de produire, et l’on a produit. Alors, ébahissement général; les expériences se multiplient à l’infini, et de tous côtés on annonce la réalité du fait ; il est établi, confirmé, constaté par les hommes les plus recommandables. Des savants, des professeurs de l’Université d’Heidelberg, MM. Mit-termair et Zoepfl, par exemple, affirment publiquement avoir renouvelé avec succès l’expérience: de même M. Mohl, frère, si je ne me trompe, du savant membre de l’institut. De

MM. Eschenmayer, Ennemoser et autres hommes illustres dans le monde mesmérien, témoignage identique. Le fameux I)r Justin Renier renvoie, pour ce fait à lui parfaitement connu, à sa Clairvoyante de Privorst, publication qui fit tant de bruit il y a une vingtaine d’années. Enfin tous les journaux allemands sont pleins d’articles à ce sujet, pleins de discussions pour ou contre le prétendu phénomène, auquel les contradicteurs non plus ne font défaut, bien que de jour en jour ils perdent du terrain.

Et vous, mon cher maître en magnétisme, qu’en pensez-vous? Comment l’expliquez-vous, ce singulier phénomène? Par un courant d’électricité animale polarisée? Polarisée, dis-je, car j’oubliais une chose, et la voilà. On prétend avoir remarqué que la chaîne requise produit une action d’autant plus prompte et plus énergique, qu’elle est plus régulièrement composée alternativement de personnes des deux sexes. D’autres, au contraire, sembleraient ne point admettre la nécessité de cette différence de conditions, et attribuent l’action à la polarisation supposée, non des différents sexes, mais de l’organisation humaine, sans distinction de sexes.

« C’est l’avis du Dr Lœwe, devienne, et il parle en ce sens. Tout être vivant, dit-il, est organisé de telle sorte, que sa droite et sa gauche se trouvent en opposition polaire, c’est-à-dire qu’une partie du corps humain contient de l’électricité positive, et l’autre de l’électricité négative. Un homme, par exemple (abstraction faite du sexe), appliquant ses mains aux deux extrémités de l’électromètre, produira une action semblable à celle d’une batterie galvanique mise en contact avec cet instrument. D’ordinaire, le côté droit répond au courant du zinc, le côté gauche au courant du cuivre. Or, étant donnée une chaîne d’êtres humains, dont les pôles contraires, c’est-à-dire la droite et la gauche, se touchent, et cette chaîne exerçant sur un corps quelconque une action prolongée, elle lui communique un courant électrique et le transforme en aimant; la polarisation s’établit dans ce corps (soit, dans le cas présent, une table ronde reposant sur une colonne à trois ou quatre pieds, comme celle dont il a été question), et, en vertu de sa tendance à l’orientation magnétique, le pôle sud de la table imprimant à cette table un mouvement

vers le nord, celle-ci entre en rotation continue, et tourne autour de son axe (alternativement attirée et repoussée) tant que dureront les conditions indispensables. »

C’est possible, mais ce n’est pas clair. N’y aurait-il pas peut-être aussi, au lieu d’un principe dynamique, une cause mécanique en jeu, c’est-à-dire une pression involontaire de gauche à droite, la main droite, de sa nature plus développée et plus forte, agissant, et ne fût-ce qu’à un degré imperceptible, plus puissamment que la gauche? De la sorte, le phénomène s’expliquerait assez naturellement par l’impulsion simultanée et réelle, bien qu’inconsciente, donnée dans une même direction. C’est une hypothèse comme une autre, direz-vous; encore faut-il en tenir compte, car c’est ainsi que plusieurs témoins de l’expérience ont voulu l’expliquer, et cette solution, par l'effet d’un mécanisme involontaire, il faut bien en convenir, emprunte une certaine valeur à la fatigue croissante des bras, résultant de la contrainte de leur position prolongée et de la tension des mains écartées reposant sur la table.

Quoi qu'il en soit, ce qu’il y a de certain, c’est qu’en Allemagne, en ce moment, toutes les tables tournent et font tourner les têtes; c’est une révolution rotatoire générale, une lutte à mort entre les partisans de l’inertie et ceux du mouvement, et grâce aux chevaliers de la table ronde, c’est le parti du mouvement qui triomphe. E pur si muove ! s’écrient d’emblée les nouveaux Galilée. Que sera-ce, grand Dieu ! quand on eu viendra, comme en Amérique, à faire agir sur ces tables mouvantes les esprits frappeurs qui infestent en ce moment le Nouveau-Monde !

Salut de cœur.

Aug. GATHY.

Paris, 20 avril 1853.

ÉTUDES ET THÉORIES.

COUPS MYSTÉRIEUX.

A Monsieur Hébert (de Garnay).

Monsieur le rédacteur,

Si j’ai tardé si longtemps à, profiter de l’invitation flatteuse que vous m’avez faite, en m’engageant à continuer le résumé que, sur votre demande, j’ai commencé, il y a deux ans, des faits et gestes de ces agents insaisissables auxquels on a donné le nom de «coups mystérieux» (1), soyez bien persuadé que cette négligence apparente de ma part a eu pour cause des raisons majeures, et tout à fait indépendantes de ma volonté. Mais, comme «mieux vaut tard que jamais» , je vais enfin tâcher de rédiger, pour l’édification de vos lecteurs, le second chapitre de cette chronique toute modeste, mais aussi toute historique, à laquelle vous avez bien voulu donner une place dans votre excellent Journal. Seulement, qu'il me soit permis , encore une fois, de prier mes lecteurs de vouloir bien se rappeler que l'incompréhensible n’est pas nécessairement l’impossible, et que l’ordre des phénomènes dont il s’agit, tout en nous offrant de soi-disant faits tantôt d’une gravité presque terrible, tantôt (et même le plus souvent) d’une trivialité presque ridicule, mais toujours d’une étrangeté excessivement choquante pour les idées reçues, prend cependant tous les jours une extension plus remarquable, à ce point que l’ignorer serait presque ignorer le fait captai du

(i) Voyez le numéro 1«, tome IX , p. 550.

moment, et de plus, que ces phénomènes singuliers paraissent se lier trop étroitement au magnétisme pour qu’il soit permis, surtout aux adeptes de ce dernier, de les négliger ou de les mépriser.

Commençons cependant par dire que ces manifestations extraordinaires ne sont pas absolument nouvelles, puisque les annales de tous les peuples nous présentent des laits presque analogues, mais isolés. Ce qui constitue la véritable nouveauté du mouvement, sans parallèle, qui se fait en ce moment aux États-Unis ; c’est ce caractère de suite, de cohérence, et, pour ainsi dire, de réciprocité qu’elles y ont revêtu pour la première fois, et qui a permis aux spectateurs ébahis de l’action de la puissance mystérieuse d’entrer en rapport avec elle, et de devenir ses alliés et ses coadjuteurs.

D’après les récits intéressants qui se trouvent dans les derniers numéros du Journal, il paraît que les «coups» commencent à se faire entendre sur divers points de l’Europe. Toutefois, depuis qu’un Américain, M. Stone, doué de la hardiesse entreprenante de son pays, nous a amené ici un de ces médiums, dont la présence paraît être la condition indispensable de la production de ces phénomènes, les Invisibles, comme s’ils tenaient à honneur de vaincre le positivisme incrédule du vieux monde dans son château fort, font chez nous des tours spiritualisliques d’une telle force que si tout cela continue à marcher comme ça le fait dans ce moment-ci, nous n’aurons plus rien à envier, en fait de merveilles de ce genre , à nos cousins transatlantiques !

Mais avant de raconter ce qui se passe actuellement ici, comme c’est toujours aux États-Unis que ces relations de nouvel ordre sont devenues, je ne dirai pas les plus frappantes, ce qui, bien que littéralement vrai, n’en ressemblerait pas moins à un fort mauvais calembourg, mais bien certainement les plus fréquentes, je vais retracer aussi brièvement que possible , les progrès que la nouvelle foi, vraie ou fausse, a faits dans ce pays là depuis l’époque où les demoiselles Fox ont eu à supporter presque seules le poids du nouvel apostolat.

Il paraît donc que la faculté de faire produire ces «coups» avec toutes les péripéties qui les accompagnent, s’est bientôt développée là bas chez des milliers de gens, hommes, femmes et enfants, riches et pauvres, ignorants et instruits, croyants et incrédules. Ces êtres exceptionnels, ou medium*. étant doués d’un fluide nerveux plus pur, plus abondant, ou enfin plus propre que celui du reste du monde à l’usage, des Invisibles, ceux-ci s'en servent pour faire comme le dernier anneau de cette chaîne aimantée, ou plutôt comme, le bouton, pour ainsi dire, de cette batterie galvanique extra-humaine mais toute naturelle, munie de. forces vives, électriques et très-réelles, qu’ils s’efforcent de construire et de perfectionner, et qui doit servir d’instrument de communication entre eux et nous.

Il paraît aussi que la diversité des intermédiaires serait destinée à fournir une variété correspondante de communications , et que déjà, tandis que certains mediums ne peuvent faire produire que les Coups, il y en a d’autres qui parlent toutes les langues, anciennes et modernes, connues et inconnues; d’autres encore qui dessinent, écrivent, chantent, dansent, etc., sous l’influence de la puissance mystérieuse. Cela ne surprend pas, les «coups» eux-mêmes ayant toujours assuré que la production de ces bruits n’était qu’un petit commencement d’action , un tâtonnement destiné d’un côté à leur servir de préliminaire, et de l’autre à éveiller notre attention, pour nous disposer à des rapprochements qui se préparent entre leur monde et le nôtre. Ces rapprochements, disent-ils, bien autrement dignes, intimes et fructueux que tout ce qui a eu lieu jusqu’ici, en nous initiant aux connaissances des sphères supérieures, viendront nous ouvrir cet Éden qui fleurit toujours dans les aspirations immortelles du cœur humain, et nous donner cette terre promise, ce bien idéal, ce règne de Dieu que poètes et prophètes ont également prévu, que la science nous prédit et que le progrès nous prépare.

Mais comme chaque medium sert de centre à un cercle de croyants et de chercheurs plus ou moins étendu, ayant

son histoire, ses phénomènes, ses doctrines philosophiques, religieuses et autres, il me serait impossible de comprimer dans les limites d’une notice de ce genre la millième partie des faits rapportés. Je dirai seulement que ces «cercles» , ou réunions pour questionner les esprits, loin de diminuer, se multiplient sur toute l’étendue du pays, et aussi dans la Californie et dans le Mexique : les mêmes phénomènes se produisant partout. C’est-à-dire que partout où il ya un medium (et il paraît qu’il y en a énormément, et que beaucoup de gens le sont bien malgré eux !) des coups se font entendre sur les meubles, les murs, le parquet de la pièce, et que ces coups, à l’aide de l’alphabet, vous mettent en communication avec les hommes des âges les plus reculés, vous parlent de toutes sortes de choses, passé, présent et avenir, et transmettent des messages entre des individus séparés par de longues distances. Là aussi des mains invisibles bouleversent les meubles et les transportent d’un bout de la chambre à l’autre, ou même dans une autre pièce; ces mômes mains se font souvent sentir aux assistants, les touchent, les pincent, les heurtent, les frictionnent, les arrachent de leurs chaises et parfois les font sauter jusqu’au plafond, les retenant quelques instants dans l’air pour les déposer encore dans un autre coin de la pièce, etc. A part ces mauvaises plaisanteries beaucoup plus convaincantes qu’agréables, mais que les Esprits paraissent trouver'infiniment amusantes, une foule de personnes des plus honorables assurent avoir vu et touché, les retrouvant comme en pleine vie, leurs amis morts depuis des années. D’autres, plus favorisés encore, prétendent avoir vu des êtres glorieux dont le corps, de forme humaine, mais lumineux, est d’une beauté indicible, et qui se déclarent être envoyés par Dieu pour ranimer la foi et le courage des croyants persécutés ; car, disons-le en passant, la persécution ne paraît pas devoir faire défaut aux illuminés; leurs adversaires, ne pouvant plus nier la réalité des phénomènes, et ne réussissant pas à les expliquer comme cllct de la supercherie, commencent à crier au diable, et s’efforcent de ruiner médiums et croyants dans l’estime publique.

Parmi les plus notables de ceux qui prétendent avoir joui de cette vision céleste, il faut citer deux ministres protestants de l’état de New-Yorck, MM. Scott etHarris, qui ont été jusqu’alors très-respectés de leurs concitoyens et de leurs ouailles, lin de ces êtres lumineux, se disant l’apôtre Jean, se serait manifesté plusieurs fois à eux, leur ordonnant de quitter leurs habitations, et de se mettre en route sous sa direction exprimée par les Coups, pour se laisser conduire jusqu’à un certain endroit non spécifié, où ils étaient appelés à fonder «une société véritablement chrétienne » , dont la forme serait « celle des sociétés célestes », ses lois étant révélées par l’inspiration immédiate de l’apôtre. Ses membres, vivant à part, rejetant les faussetés et les égoïsmes de nos sociétés anti-chrétiennes, animés d’une-même foi et d’une môme charité, devront devenir tous médiums et être en rapport permanent avec la sphère supérieure. Les deux chefs sont partis avec leurs familles et une petite bande d’amis dévoués, voyageant à travers champs, rivières, monts et vallons. Les plus faibles, bientôt épuisés par la fatigue, sont laissés en chemin l’un après l’autre, pendant que les robustes, toujours guidés par les « coups » et les médiums, dont le doigt est influencé à tracer la route pas à pas sur la carte, marchent jusqu'à ce qu’ils atteignent un certain endroit, espèce de Paradis sauvage, inculte et presque inhabité, au milieu des belles montagnes de la partie septentrionale de la Virginie, où les Coups enfin commandent la halte tant désirée par nos pèlerins. Les circonstances vraiment singulières qui ont accompagné l’acquisition de ce domaine prédestiné, la fondation et l’histoire de la colonie, aujourd’hui presque florissante, tout cela est curieux , poétique et intéressant au dernier point, mais malheureusement trop long à raconter ici. D’ailleurs, cette colonie , quoique la plus marquante des tentatives de reconstruction sociale qui aient résulté des prédications de Coups, n’est pas la seule; la plupart, cependant, sont restées à l’état de groupes sympathiques, se réunissant aussi souvent que le permettent les diverses occupations de leurs membres.

pour causer avec les esprits et se faire instruire et endoctriner par eux.

Il y a déjà, dans la seule ville deNew-Yorck, plus de quarante mille croyants, et le nombre des convaincus s’élève, pour tout le pays, au chiffre énorme de cent mille; sans compter que la chose prend comme le feu, à ce point que les esprits forts, parmi les médecins, après avoir perdu haleine à nier et à ridiculiser le mouvement, se disposent enfin à l’étndier comme une épidémie morale.

Comme les Invisibles prôchen t beaucoup et semblent aussi avoir grandement à cœur de se faire écouter, leurs affidés ont fondé des journaux pour servir de véhicule à leurs révélations, et pour la propagande. Ces journaux sont Y Ère nouvelle, de Boston, le Télé graphe spirituel, de New-Yorck et environ une douzaine d’autres. Outre la presse spiri-tualistique, proprement dite, tous les journaux du pays s’occupent de la chose , ceux-ci pour, ceux-là contre, de sorte que cette question , tant méprisée dans le commencement, se trouve partout à l’ordre du jour; et comme chaque groupe a ses phénomènes à raconter, ses doctrines à inculquer, etc. ; des livres, des brochures, des exposés, des abrégés, des sommaires, etc., foisonnent à tel point, que la littérature de la nouvelle secte a déjà atteint des proportions formidables.

Ces professeurs de nouvel ordre prétendent que toute l’économie humaine, église, état, science, société, doit se refaire de fond en comble ; ils ne souffrent jamais qu’on prononce devant eux le mot mort, insistant pour qu’on lui substitue les mots changement, transition, passage, départ. Ils ne veulent pas non plus entendre parler de diable, enfer, perpétuité de mal, et autres idées en vogue parmi nous, déclarant que tout cela est erreur et contresens, vu qu’il n’y arien dans tout l’univers d’aussi dépravé que les hommes; les habitants même de la sphère la moins avancée d’audelà étant déjà un peu mieux que nous. Ils assurent aussi que c haque planète est entourée de sept sphères séparées, mais attenantes et comme superposées l’une à l’autre; que cha-

que habitant il’une planète passe par toutes ces sphères, devenant ainsi progressivement plus instruit,plus raffiné, plus heureux; que, plus on s’étaii instruit et purifié pendant la vie du corps, plus ce progrès ascendant est rapide et facile, et rire remit.

Les Socrate, les Platon, les Aristide, les' Swedenborg, les Howard, et souvent les gens en apparence les plus humbles, mais qui ont été véridiques et bons, « passent » comme un éclair par les premières sphères, et sont accueillis presque instantanément dans une sphère supérieure, tandis que ceux qui ont été pervers ici-bas, restent des milliers d’années dans la sphère attenante à la nôtre, ou bien se trouvent condamnés à aller se faire purifier dans des lieux de correction, espèces de limbes où ils souffrent toutes les tortures atroces que cause le dépouillement des idées, goûts et habitudes anti-célestes acquis dans le corps ; bagage si lourd à ce qu’il parait , qu’il leur faut absolument s’en débarrasser avant de pouvoir « monter ».

Dieu ayant créé les hommes, sur toutes les planètes de l’univers, pour sa gloire et leur propre bonheur, il faut, selon les Coups, que tôt ou tard tous se laissent adoucir par l’amour infini, et prennent leur part prédestinée aux béatitudes du ciel ; que les âmes purifiées, régénérées et ennoblies parleur séjour dans les différentes sphères de leur globe, arrivent enfin dans une région plus élevée, audelà de la planète, et indépendante d’elle, où elles se trouvent admises à la franchise de l’univers, et font connaissance pour la première luis avec les âmes des autres planètes, pareillement purifiées et émancipées. Alors commencent pour elles une nouvelle phase de progression, dans des conditions de gloire et de bonheur indicibles, mais trop éthérifiées, trop divinisées, pour qu'il soit possible d’en donner la moindre conception aux habitants des sphères inférieures ; les âmes s’acheminant ainsi à travers les espaces de l’éternité vers la région inimaginable que Dieu habite et que nous devons habiter avec lui.

Bien que les Esprits se contredisent sur d’autres sujets,

tout comme les savants de ce monde, ils paraissent généralement tenir à peu près les idées précitées sur l'autre vie et la destinée de la race humaine.

Cependant, sans compter les mensonges, jurons, imprécations, ruses et malices que se permettent les Invisibles « imparfaits », ce dont ils sont sé\ èrement punis par les « moniteurs » (sorte de police dont l'office ne paraît pas devoir être une sinécure), et dont les «bons» se montrent très-scan-dalisés, il faut bien avouer que ces derniers même nous disent parfois des choses fort dépourvues de cette sagesse et dignité que l’on suppose involontairement, mais apparemment à, tort, aux habitants de l’autre monde.

Par exemple, dans 1111 livre intitulé Supcrml Thcology, écrit par M. Warreu, de New-Yorck, les Esprits nous disent que les âmes heureuses, en quittant la terre, 011 plutôt en changeant cette sphère contre la prochaine, s’occupent fort assidûment de l’étude des langues : français, italien, anglais, etc. ; que la chimie, l’histoire, la musique, etc., réclament aussi une part de leur attention ; qu’elles reviennent souvent ici-bas pour revoir les lieux et les amis qui leur sont chers, et qu’elles se fâchent parfois de ce que nous ne les voyons point ; qu’elles passent des heures entières à. méditer sur les perfections de Dieu, et qu’elles s’amusent souvent à se ranger en groupes dans les airs, de façon à former en se laissant abattre sur la terre (ou sur ce qui leur en tient lieu), des mots, des phrases, ou bien le nom d’un nouveau venu, mais plus souvent celui de dieu, jéscs-ciirist, le rédempteur , etc. : toute la société s’élève ensuite dans les airs pour redescendre et former de nouvelles combinaisons.

Ils assurent aussi qu’on se conteste là haut l’invention de la batterie spirituelle généralement attribuée à Franklin, et maintenant revendiquée par un nommé Schenck, qui s’est beaucoup occupé d’électricité, de magnétisme, etc., dans la vie du corps, et qui a eu le premier l’idée de se servir de ces forces pour établir la communication télégraphique entre lui et ses amis sur la terre. Ils prétendent que l’autre vie

est incroyablement active ; mais néanmoins toutes ces occupations ne les empêchent pas de soigner fort bien leur toilette, car ce même livre nous dit, entre autres faits du même genre, que l'esprit d’une certaine demoiselle s’est révélé visiblement à une jeune medium de ses amis, dans une robe de satin bleu à manches courtes, un petit ruban de velours rose au cou attaché par un joli camée ; les cheveux admirablement bien coiffés en boucle. Avec elle était une autre personne également bien mise, en robe de soie rose; ses cheveux, délicieusement arrangés, lui tombaient en longues boucles sur les épaules. Ces deux élégantes trépassées étaient accompagnées d’un charmant cavalier au teint brun, aux yeux beaux, dont les traits réguliers étaient rehaussés par une chevelure riche et abondante, et très-bien frisée.

C’est vrai que, suivant les Esprits, toutes les jolies choses de là haut ne coûtent absolument rien, et n’exigent pas de peine ; tout ce qui tient à l’être, corps, toilette, habitation, voiture, entourage, tous les objets de la vie enfin, se produisent autour de lui comme par une création spontanée, et se modifient au gré de son moindre désir : la matière, dans ces régions là, étant douée d’une pureté, d’une subtilité, d’une flexibilité telles, qu’elle obéit instantanément à toutes les impulsions de l’âme. Seulement la matière d'une sphère supérieure étant plus éthérifiée que celle des sphères inférieures, il en résulte que les plus hautes sont invisibles pour celles qui sont au-dessous, et que leurs habitants, quand ils désirent se révéler aux esprits des degrés inférieurs sont obligés de revêtir une forme tirée des matières de la sphère qu’habitent ceux-ci.

Quand une âme est appelée à quitter une sphère pour monter dans la prochaine, ses amis l’accompagnent jusqu’aux confins de leur séjour, lui souhaitent bon voyage, l’engagent à ne pas les oublier, et lui promettent de faire leur possible pour devenir dignes de la suivre. Comme la transition d’une sphère à l’autre est une espèce de mort toujours plus ou moins pénible, le nouveau venu est accueilli avec grandes réjouissances par les habitants de la

sphère où il arrive, qui font des festins magnifiques en son honneur, avec bals, spectacles, concerts, et les rafraîchissements les plus exquis. A ces festins, les convives sont toujours mis avec une splendeur éblouissante, portant sur la tète des couronnes de fleurs d’un goût ravissant, des bijoux, et autres ornements de plusieurs genres que nous ne connaissons point, tous allégoriques, exprimant l'état moral de celui qui les porte, et tous plus beaux les uns que les autres.

Outre les objets superbes appartenant aux diverses sphères, l’heureux voyageur retrouve quelquefois l’animal ou l’oiseau favori dont il a été aimé sur la terre, admis comme son maître au séjour et aux privilèges de l'immortalité. Ce fait paraît être rare, la plupart des animaux terrestres se trouvant résolus dans leurs éléments originaux par la mort. et absorbés ensuite par la terre ; les esprits ne semblent pas pouvoir se l’expliquer autrement qu’en supposant que l’affection qui a existé entre l’animal et son maître l’aurait doté d’une sorte d’âme supplémentaire, quasi-humaine et immortelle.

Mais la longueur de ma lettre m’avertit de, couper court à cette relation des merveilles racontées par les croyants américains ; je dirai seulement en quittant cette partie du sujet, que plusieurs de ces médiums, les plus convaincus de la réalité de leur mission, sont des gens que je crois parfaitement honorables, raisonnables et sérieux, les ayant autrefois connus pour tels lors d’un séjour prolongé que j’ai fait aux Etats-Unis avant l’apparition de ces phénomènes.

Mais, quels que soient le caractère et la position des «co-gneurs », en Amérique, je pourrais, si j’osais citer des noms propres, vous prouver que les croyants d’ici ne sont pas seulement des personnes d’une honorabilité parfaite, mais qu’ils comptent déjà parmi eux des noms les plus illustres dans le monde aristocratique, scientifique et littéraire, et que des hommes d’un mérite incontesté, des dames titrées, dont quelques-unes appartiennent aux plus hauts rangs de la noblesse, ne sont pas seulement des croyants, mais sont de-

vernis médiums, et que chez eux les choses les plus incompréhensibles, telles que communications avec des amis morts, transport de meubles, attouchements des assistants, etc., ont lieu tous les jours.

Moi-même j’ai assisté, une seule fois, avec une dame de mes amies (auteur distingué que vous connaissez d’ailleurs très-bien) , à une séance particulière chez M. Stone. Nous avons attendu plus de deux heures avant que les coups aient pu ou voulu se faire entendre autrement que par de petits bruits très-faibles et très-rares. Une seconde medium (jeune fille de Londres) chez qui la faculté s'est développée spontanément depuis peu, et qui se trouvait là, nous a dit qu’il fallait patienter, car ils auraient bientôt arrangé convenablement la batterie, et qu’il y avait déjà là une foule de nos amis tout prêts à entrer en rapport avec nous aussitôt que le télégraphe serait en état de fonctionner. Pendant cette longue attente, la table devenait souvent comme chargée d’électricité, et on sentait, non pas des chocs, mais des vibrations continues, ainsi que dans le parquet, les chaises, etc. Une autre table, placée entre la nôtre et les croisées, fut également mise en vibration, et des coups isolés s’y faisant entendre, nous nous sommes placées autour pour voir si elle ne nous réussirait pas mieux que l’autre. Peu après les Coups ont ordonné à la jeune fille d’aller, avec le reste des assistants, dans une autre pièce, disant que son (luide contrecarrait celui de Mm* Haydeu, la medium de M. Stone, et qu’ils causeraient avec nous dès que nous serions seules avec eux. Ceci fut fait, et des bruits singuliers que nous entendions pour la première fois remplirent la pièce, se produisant tous à la fois, de sorte qu’il ne nous était pas trop facile de les distinguer les uns des autres. Mais étant parvenue à apprendre les coups de quelques-uns de mes amis qui se déclaraient être là, chose parfaitement facile (chaque coup ayant un ton à lui, tout aussi distinctible que la voix), j’ai tenu avec plusieurs de ces étranges interlocuteurs des conversations suivies, dont plusieurs entièrement mentales, qui m’ont pleinement convaincue que j’avais afl'aire à quelqu’un qui

connaissait parfaitement mon passé, et savait très-bien ce qu’il disait. Eu réponse à mes questions mentales, 011 cita des noms propres, des dates, etc., épelés à l'aide de l’alphabet avec une précision parfaite. Comme mon amie elle-même ignorait la plupart des faits auxquels les Coups faisaient allusion, et que Mmc Hayden, que nous voyions toutes deux pour la première fois, n’en savait pas plus qu’elle, il est évident que la medium, à moins de posséder la facidté de clairvoyance à un degré presque miraculeux (et il ne paraît pas qu’elle la possède du tout), n’a pu être pour rien dans ces réponses.

D’ailleurs les coups ont un caractère si extraordinaire, si unique, qu’il suffit le plus souvent de les entendre pour se convaincre qu’ils ne sont pas des imitations; mais il faut bien les entendre et juger soi-même ; car, qui pourrait croire à la réalité d’un tel phénomène, sur le témoignage d’un autre? Aussi, tout en donnant à vos lecteurs le bénéfice de mes expériences, je ne me flatte nullement de leur faire partager mon avis. Franchement, Monsieur le rédacteur, vous-même, qui me connaissez depuis longtemps pour une personne assez raisonnable, pourrez-vous croire que ce soir là j’ai senti, ou du moins cru sentir, une main me saisir par le talon gauche. La pression du pouce d’un côté, et des doigts de l’autre, était si bien simulée, que je m’imaginai pour un instant que quelqu’un s’était glissé sous ma chaise; et cependant il n’y avait personne, et il eût été tout simplement impossible à l’une ou l’autre de ces deux dames de me toucher de la sorte sans se courber, même si elles n’eussent pas eu alors leurs mains sur la table.

Depuis, une autre dame de mes amies, en tâchant de retenir une table qui ne voulait pas rester tranquille, et sur laquelle elle avait posé la main, a eu cette main cruellement pincée, et une bague qu’elle portait a été tirée si violemment, qu’elle en a été cassée en deux morceaux ; ces morceaux se trouvaient tellement allongés et changés de forme, qu’il n’y avait pas moyen de les rapprocher.

Un monsieur de mes amis, éditeur d’un journal de Lon-

(1res, homme très-sérieux, a aussi vu les meubles qui dansaient par tout l'appartement, non plus chez M. Stone, mais dans les maisons particulières où il se trouvait un medium. M. Owen, le socialiste célèbre, dont la bonne foi ne sera pas contestée, même par ceux qui ne partagent pas ses idées, et qui a été jusqu’ici matérialiste dans toute la force du mot, a élé parfaitement converti à la croyance de l’immortalité par les conversations qu’il a eues avec des personnes de sa famille mortes depuis des années.

Parmi les magnétiseurs de Londres, je pourrais vous en citer quelques-uns également convertis à la foi des coups ; d’autres, et parmi eux le chef de l’école magnétique d’ici, qui sont dans un grand embarras, un doute mortel, et dont il sera très-intéressant de savoir le jugement ultérieur.

Mais ces phénomènes bizarres se manifesteront sans doute bientôt à Paris, etc. ; vous aurez l’occasion de les étudier par vous-même, et de porter sur eux cette puissance d’analyse qui donne une si grande valeur à vos conclusions ; examen dont moi-même, forcée, après de longs doutes et bien des répugnances, d’accepter ces phénomènes comme véritables jusqu’il un certain point, je serai enchantée de profiter.

J’ajouterai seulement, en terminant ma lettre déjà beaucoup trop longue, que les Coups paraissent excessivement contents du succès de leurs efforts, assuraut que tout ce qui regarde la batterie spirituelle marche à souhait, et qu’ils ont maintenant la certitude de pouvoir parvenir à nous parler (tout bas, bien entendu), avant la fin de cette année.

En attendant que cette promesse mirobolante soit tenue, agréez, M. le Rédacteur, l’assurance de mes sentiments les plus distingués.

Aircu BLACKWELL.

Londres, 2 avril 1855.

VARIÉTÉS.

Chronique. — Le lundi 1A mars, ¡1 y a eu à l’Alliénée impérial une conférence sur le magnétisme. Plusieurs orateurs ont pris part à la discussion, et tous ont parlé dans 1111 sens favorable, mais en restant au dessous de la réalité,

La question du somnambulisme, renvoyée au lundi suivant, n’a pas été mieux traitée. Beaucoup de magnétiseurs, qui étaient venus pour entendre discuter leur doctrine, voyant qu’on l'effleurait à peine, s’en sont allés au milieu de la séance.

fète de Mesmer. — C’est le 23 mai que les partisans du magnétisme, et tous ceux qui ont une dette de reconnaissance à acquitter, doivent rendre hommage à la mémoire de .Mesmer, en célébrant l’anniversaire de sa naissance.

Ce premier avis marque seulement notre sollicitude ; des lettres devant être envoyées aux habitués du banquet qui a lieu chaque année.

On s’occupe déjà des préparatifs de cette fête, et le prochain numéro du Journal en fera connaître l’organisation.

La liste de souscription sera ouverte le 1er mai ; nous espérons que le nombre des souscripteurs dépassera de beaucoup celui déjà si élevé des années précédentes.

IIÉCERT (île Gamaj).

le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

FAITS ET EXPÉRIENCES.

ÉLECTRO-MAGNÉTISME.

Il n'est bruit dans toute la presse que du mouvement imprimé aux objets touchés par des personnes qui se tiennent les mains en forme de chaîne magnétique.

Nos lecteurs ont eu déjà un aperçu de ce phénomène par la lettre de M. Gathy, insérée dans notre dernier numéro. Nous allons donner suite au récit des faits, par la publication des documents qui nous sont parvenus depuis.

C’est le Constitutionnel qui a embouché la trompette sur cette étrange manifestation des forces vitales. Voici comment il s’exprime dans son numéro du 20 avril :

« Depuis quelque temps les journaux d’Allemagne se préoccupent vivement d’un phénomène magnétique, signalé d’abord dans la Gazette d’Augsbourg par M. le Dr Karl André, rédacteur de la Bremer Zcitung, écrivain fort honorable et qui compte dans la presse belge plusieurs amis prêts à se porter garants de sa véracité. Ce phénomène est si étrange, qu’en dépit du nom de M. Andrée et du crédit de la Gazette d'Augsbourg, 011 prit généralement l’annonce du fait pour un poisson d’avril scientifique. Aujourd’hui des expériences répétées dans toute l’Allemagne, depuis la Baltique jusqu’au Danube, ont mis la chose hors de doute.

Il s'agit de mettre en mouvement, sans moteur visible, une table légère construite en bois d’une essence quelconque.

« Pour obtenir ce résultat, plusieurs personnes forment la chaîne magnétique, en plaçant leurs mains à plat sur la iable et les joignant à celles de leurs voisins par l’extrémité des petits doigts. Au bout d’im temps qui varie d’une demi-TOM* XII. — N° 66S. — 10 Mai 1853. 10

heure il sept quarts d'heure, les personnes qui forment la cliaine, et qui doivent éviter tout autre contact que celui de. la table par les mains et de leurs voisins par l’extrémité des doigts, ressentent une légère secousse, puis la table semble se dilater; elle fait entendre des craquements comme si on l’avait approchée trop près du feu, enfin elle fait un mouvement de rotation sur elle-même, un véritable demi-tour à droite, et se met à avancer dans la direction du nord.

La sortie d’une personne de la chaîne et l’introduction d’une ou de deux autres personnes qui n’en ont pas encore fait partie, n’arrêtent pas le mouvement, si la substitution ou la retraite se fait rapidement. Ce mouvement, au contraire, est. arrêté net, du moment qu’une personne ne faisant pas partie de la chaîne pose la main sur la table.

« Ce phénomène s’explique,d’après le IV Lœwe, de Vienne, l’inventeur des bains magnétiques, par l’électricité négative et positive qui est contenue dans la partie gauche et dans la partie droite du corps humain.

« Lorsque, dit-il dans le Lloyd devienne, une chaîne cir-« culaire formée de personnes dont, le côté droit de l’une « touche au côté gauche de l’autre, agit longtemps sur une : table ou sur tout autre corps, ce corps subit la même ac-« tion que le fer dans le courant d’induction de l’aimant, « c’est-à-dire qu’une de ses moitiés se magnétise positive-«i ment, l’autre négativement.

« Le corps, ainsi transformé en aimant, tourne sur son « axe, jusqu’à ce que la partie méridionale regarde le nord, « et, cette direction obtenue, il doit avancer en droite ligne, « tant que son état magnétique 11e subit pas de modiiica-« tions. »

« Nos savants voudront sans doute renouveler ces expériences, dont il nous semble qu’il a déjà été l'ait mention il y a quelque dix ans (1 ). »

Dès le surlendemain, la même feuille reproduisait l’extrait suivant du Journal de Francfort :

« Que les Américains, dit-il, ne parlent plus uniquement de leur table moviny et les Allemands de leur tischrùcken; les chapeaux se meuvent magnétiquement aussi, et, ce qui est fort agréable, il n’y a pas besoin pour cela de rester trois quarts d’heure ou une heure immobile : le phénomène se’pro-

(1) Voyez, en efTet, le Journal du Magnétisme , tome II, p. 79 il 125 j lome III, p. 50 et 321 ; torne IV, p. 2)9, et toineJX!, p. 57.

(luit toujours au bout de quelques minutes. Hier soir, — une dame et deux messieurs, — nous avons posé légèrement nos mains sur le bord d’un chapeau d’homme, en mettant le petit doigt de la main droite sur celui de la main gauche de la personne placée à droite, et au bout de trois minutes, le chapeau, posé sur une table, a commencé de droite à gauche une rotation qui a été sans cesse en augmentant et qui s’est renouvelée presque instantanément après que la chaîne, d’abord rompue, eut été reformée ; alors, au moment où, changeant de position, le petit doigt de la main gauche a été posé sur celui de la main droite de la personne située à gauche, le chapeau a commencé à se mouvoir circulaire-ment de gauche à droite.

« Deux personnes seules ayant formé ensuite la chaîne magnétique sur le même chapeau, ce dernier, au lieu de se mouvoir circulairement, s’est élevé tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, et a fini par rester incliné et immobile jusqu’à ce que les mains en aient été retirées ; la même chose s’est répétée à plusieurs reprises. »

Le branle une fois donné, 011 se mit partout à essayer de faire tourner les tables et les chapeaux. Voici le résumé des faits dont sont remplis les journaux.

Donnons d’abord la parole à un des organes de la science, l'Union médicale du 30 avril, qui publie la lettre suivante adressée à M. Amédée Latour :

Strasbourg, 26 avril 1853.

Monsieur et très-cher confrère,

Notre dernier numéro (20 avril) était sous presse quand la \ die de Strasbourg fut envahie subitement par une épidémie importée d'Allemagne, qui elle-même l’avait reçue d’un de ses ports du nord en communication constante avec les États-Unis d’Amérique.

dette épidémie, prenant le contre-pied de ce que font toutes les autres, n’a encore choisi ses victimes que dans les classes aisées, les classes pauvres ont été complètement épargnées. 11 est vrai que, sans être entièrement exempte de dangers, elle se présente sous des dehors tellement bénins que personne, jusqu’ici, ne s’en est beaucoup effrayé.

Cette épidémie n’est pas la danse de Saint-Guy, mais bien ia manie de faire danser les tables, exercice auquel 011 se li-

vre avec nnc certaine frénésie clans toutes les réunions, dans tous les salons, au foyer de presque toutes les familles.

Mais je veux parler sérieusement. Il paraît que l’organisme humain dégage un fluide impondérable, de l’existence duquel on ne s’élait pas douté jusqu’ici.

Il paraîtrait, de plus, qu’en plaçant le corps humain dans certaines conditions, on peut obtenir de ce fluide des phénomènes qui consistent principalement dans un mouvement rotatoire imprimé aux corps inertes soumis à son action.

Ce fluide ne peut pas être l’électricité, car 011 opère en dehors de toutes les conditions exigées pour la réussite des expériences électriques. On n’a à s’occuper ni de conducteurs, ni de substances isolantes.

Il ne peut pas être le magnétisme, car la boussole mise en rapport avec une réunion d’expérimentateurs, ne se montre aucunement influencée.

Est-ce le magnétisme animal, est-ce le diamagnétisme? La suite des expériences à tenter nous le montrera peut-être.

Je passe à la description de l’expérience, comme elle est tentée le plus souvent.

lin certain nombre de personnes, cinq, six, huit et même plus, se rangent autour d’une table: la meilleure sera un guéridon placé sur roulettes, qu’il soit en acajou, en palissandre, en érable, en noyer, en sapin, tout cela est indifférent, pourvu qu’il n’y ait pas de marbre. On place devant soi les deux mains, les doigts étendus, en laissant un intervalle de dix à douze centimètres entre les deux. La face palmaire repose légèrement sur la table, et personne ne doit toucher à son voisin, si ce n’est par le petit doigt dont la face palmaire sera appliquée sur la face dorsale du petit doigt du voisin. Si c’est le petit doigt de la main droite qui appuie sur le petit doigt de la main gauche du voisin, il faut que cette disposition se répète à travers toute la chaîne, de manière à ce que votre petit doigt de la main gauche soit croisé par le petit doigt de la mairi droite de votre voisin de gauche. On peut intervertir cette disposition, mais toujours à condition qu’elle soit chaque fois la même pour tout le monde. Cela fait, on s’arme de patience, et l’on attend. Toutefois, la conversation n’est pas interdite. Au bout de 15, 20, 30, AO, 60, 75 minutes, la table éprouve comme des frémissements, et finalement elle est suivie d’un mouvement de rotation dirigé dans le sens du petit doigt superposé. Intervertissez la disposition des petits doigts, le mouvement cesse

ii2] ûisiant et puis recommence en sens inverse, et cela autant de fois que l’on intervertit les doigts. Rompez la chaîne des mains, tout mouvement cesse ; la même chose a lieu si vous touchez à votre voisin par un autre point du corps, par exemple, le coude ou le genou. Si une personne étrangère à la chaîne vous touche quelque part, cessation du phénomène. Cependant cette même personne peut entrer dans la chaîne de la manière prescrite, sans détruire l’elfet commencé.

On peut obtenir à trois personnes la même chose avec un chapeau que l’on place sur le fond, sur une surface lisse, et cela en cinq ou six minutes, et même à deux personnes, avec une assiette en porcelaine.

Lorsque la table commence à tourner, les expérimentateurs se lèvent et la suivent, et ont nécessairement l’air de la pousser. Aussi, toute la Faculté de médecine et tout le corps médical, ainsi que la Faculté des sciences, tous ceux enfin qui ont l’habitude d’observer et de ne point se laisser aveugler par les apparences, ont-ils opposé une foule de fins de non-recevoir. La même chose a eu lieu en Allemagne, et les savants, le grand Alexandre de Humboldt en tête, ont commencé par déclarer que l’on devait se faire illusion, et que l’on prenait pour le résultat de l’action my stérieuse d’un fluide encore inconnu, l’effet de l’action musculaire et de la volonté, ou du moins du désir, combinés d’un certain nombre de personnes. C’était, en passant, ma manière de voir personnelle jusqu’ici, mais qui commence à devenir ébranlée par les faits observés.

L’expérience ne réussit pas toujours, mais elle réussit dans le plus grand nombre de cas. Elle réussit mieux avec les femmes et les enfants qu’avec les hommes, mieux avec les adolescents qu'avec les hommes mûrs.

Mais on a construit des appareils qui fournissent déjà des résultats plus concluants. Ainsi, on a établi une table sur pivot, supportant en même temps les sièges des expérimentateurs, on a placé sur ces sièges des enfants, et au bout de fort peu de temps, la chaîne établie, tables et enfants ont été entraînés dans la même rotation.

Les mouvements rotatoires obtenus en dehors de la mécanique, ne sont pas sans exemple en physique. Vous connaissez les rotations du disque de cuivre obtenues à l’aide du magnétisme et de l’électricité, les rotations de la boussole, provoquées par celles d’un disque anologue, etc., etc.

Les gens du monde s’amusent de notre perplexité, et nous reprochent d’être toujours les derniers à douter de ce que

nous devrions savoir avant eux. (le reproche serait IoikVs, si noire temps n’était pas absorbé avant tout à mettre en pratique, pour le bien du prochain, ce que nous avons pu démêler de positif dans le grand livre de la nature. Les hommes de loisir viennent de soulever un nouveau coin du voile qui couvre les secrets de la création ; à nous maintenant d’étu-dier cette découverte, et de trouver si elle peut profiter au bien de l’humanité.

La première chose à faire dans cette circonstance, est de s’assurer et de s’assurer encore tic la sincérité d u phénomène. Pour cela, il ne s’agit point de s’en rapporter aux grossières expériences faites par le vulgaire. Il faut, avant tout, faire construire des appareils faciles à mettre en mouvement, et s’entourer de personnes sérieuses, et désireuses de connaître la vérité pour répéter les expériences. Les enthousiastes ne peuvent point être utilisés ici.

J’ajoute, sous forme de narration, que, dans quelques expériences, la table, mise en rotation, a rompu la chaîne, et est allée se heurter contre le mur, du côté du nord, et que certains expérimentateurs prétendent lui faire changer de direction, sans intervertir la position des petits doigts, mais en exprimant tous ensemble la ferme volonté de ce changement de direction.

J’ajoute, de plus, et je garantis le fait, qui a été répété trois fois, sur trois personnes différentes, qu’une personne placée au centre de la chaîne, à la place de la table, et à laquelle les mains furent imposées «le la manière prescrite, finit par tourner involontairement et machinalement sur elle-même.

Enfin, j’ajoute finalement que l’expérience n’est pas entièrement sans danger; des guéridons se sont divisés et sont tombés sur les pieds des expérimentateurs ; une jeune per-• sonne dans un pensionnat a été violemment renversée par la table qui a rompu la chaîne; une table à charnière s’est tout à coup fermée, et a écrasé les doigts de la moitié «les expérimentateurs ; des dames se sont trouvées mal; «Vautres ont eu des attaques de nerfs ; et on mande ofliciellement de la Bavière, qu’un commis-vovageur israélite, qui avait provoqué et dirigé une semblable expérience dans la ville de Roth, est mort subitement pendant l’expérience.

- Les tables non placées sur roulettes, les tables carrées, les tables vernies et non vernies, toutes sont propres à l’expérience, seulement l’effet est bien plus lent .à se produire.

Tout cela a presque l’air d’une gasconnade, et si vous ac-

cordez la publicité de vos colonnes à ma lettre, je passerai probablement pendant un certain temps, auprès d’un grand nombre de confrères, pour un illuminé ou pour quelque chose comme un niais. Cependant j’ai résisté, j’ai scruté, et je commence à me rendre à l’cvidence, comme la grande majorité do mes confrères, qui, s’il y a erreur, se trompent comme moi. Se tromper en si bonne compagnie n’est pas un grand péché; mon but principal est de provoquer les investigations des hommes sensés, sérieux, sur une remarquable propriété de notre organisme (si elle est réelle), de les aver tir les premiers et avant les profanes, de ce qui se passe, et surtout de les engager à entreprendre la question d'une manière scientifique, ce qui n’a pas été fait jusqu’ici.

Veuillez agréer, cher confrère, l’assurance de ma considération la plus distinguée.

Dr E. EISSEN, rédacteur en chef de la Gazelle médicale de Strasbourg.

Le même journal s’exprimait ainsi, le 3 mai :

« Nous engageons nos confrères à ne pas se laisser impressionner par l’étrangeté et le merveilleux des phénomènes dont il est tant question dans ce moment, des tables mouvantes et roulantes. Qu’ils fassent ce que nous avons fait nous-même ; qu’ils expérimentent, et leur conviction ne tardera pas à se, foi-mer sur la réalité des faits bien propres, il est vi*ii, à surprendre et même à émouvoir, mais qu’il faut savoir accepter. Hier, dimanche, nous avons fait vingt expériences qui ne nous ont laissé aucun doute sur le récit qu’a bien voulu nous faire M. le Dr Eissen, de Strasbourg. Nous reparlerons de tout cela samedi prochain. »

En effet, on lit, dans le numéro du 7, le précieux aveu que voici :

La rotation «les tables. • -

11 faut parler sérieusement d'une chose sérieuse.

Mais avant d’entrer dans le récit des faits que j’ai vus, des expériences dont j’ai été le témoin ou auxquelles j ai participé, je demande au lecteiu- la permission de lui rappeler quels sont mes antécédents en fait de croyance au merveilleux et aux phénomènes excentriques ou surnaturels. Je dirai quelques mots aussi, chemin faisant, des prin-

cipes qui me semblent devoir diriger les esprits raisonnables, c’est-à-dire aussi éloignés d'une crédulité aveugle que d’un scepticisme systématique, en présence de faits nouveaux et plus ou moins extraordinaires.

.T’ai vu que les quelques lignes que j’ai publiées mardi dernier, sur le phénomène de la rotation des tables, ont surpris un grand nombre de personnes, m’ont attiré les sarcasmes de quelques .autres, ont jeté le doute et l’anxiété dans l’esprit d’un certain nombre, ont enfin encouragé plusieurs de mes confrères à imiter mon exemple, à voir et à expérimenter. Je comprends toutes ces dispositions diverses; je ne blâme pas les unes, je ne glorifie pas les autres. Je dirai à tous : Mon passé répond de la véracité de ce que. j’avance.

J'ai voulu étudier le magnétisme animal, et je l’ai fait sans prév ention, sans parti pris, avec résolution de voir et de dire ce que j’aurais vu. J’ai reconnu, j’ai admis en principe et. en fait l’existence de phénomènes très-remarquables, produits par des manœuvres et des pratiques particulières. Ces phénomèues, je les ai produits moi-même, non pas une fois, deux fois, dix fois, mais dos centaines de fois. Et quels phénomènes! De la nature de ceux où toute illusion, toute supercherie est impossible. Celui, par exemple, de faire pleurer à volonté, à chaudes et abondantes larmes, la jeune fille la plus gaie, la plus rieuse qui se puisse imaginer. Celui, plus extraordinaire encore, de porter à l’instant les battements du cœur de 70 à 120, à 130, à un nombre de pulsations tel, qu’il ne m’était plus possible de les compter. Mais entre ces phénomènes et ceux de la vision par l’occiput, par l’épigastre, à travers les corps opaques, et la prévision de l’avenir, et la divination, et le diagnostic des maladies ou l’indication de leur traitement, je n’ai vu qu’un profond abîme quand je ne rencontrais pas la fraude plus ou moins évidente. Et cette fraude , souvent je l’ai dévoilée au grand jour. J’ai l’avantage d’être en très-mauvaise odeur auprès des magnétiseurs et des magnétisés.

Je n’ai pas cm superflu de remettre en mémoire ces souvenirs divers, que je pourrais multiplier encore. En médecine, en physiologie, en philosophie générale et appliquée, c’est une précaution utile et sage, de dire à celui qui vient patroner un fait nouveau et extraordinaire : Dis-moi ce que tu crois, je te dirai quelle confiance je peux ajouter à tes affirmations. Obligé par la conscience et par le respect que je dois à la vérité de me mettre en scène, j’ai le droit, je

suppose, de dire que je ne suis ni illuminé ni pyrrlionien ; et à l’instant même où j’écris ces lignes, je me tâte, m’interroge, m’observe, et je me demande surtout si je n’ai pas été dupe d’une illusion, victime d’une supercherie, complice d’une mystification criminelle, car je ne connais rien de plus inepte, de plus coupable et de plus odieux que d’employer son influence, quelque infime soit-elle, à propager l’erreur ou le mensonge.

Ces précautions prises avec mes lecteurs que j’honore, et qui connaissent toute ma respectueuse déférence envers eux, j’aborde simplement et naïvement le récit des expériences qui se sont faites sous mes yeux ou que j’ai faites moi-même.

Dans l’humble maison que j’habite à la campagne, durant la saison d’été, se trouve une petite colonie de jeunes gens. Ces jeunes gens, je les ai vus enfants, ils ont grandi sous mes yeux ; je connais leur caractère, leur moralité, leurs penchants ; je sais la confiance que je dois avoir en eux. Dimanche, 1" mai, ils se trouvaient tous réunis à Châtillon. J’avais publié la veille la lettre de notre honorable confrère M. Eissen, de Strasbourg, et, j’en demande bien pardon il nos confrères de la grande presse, mais tous les récits publiés par les journaux m’avaient laissé indifférent, tandis que cette lettre m’avait profondément impressionné. L’occasion était tentante; j’avais là, sous la main, quatre jeunes gens dont j’étais sûr, de seize à vingt ans, tous bien portants, tous, je l’alfirme, incapables de vouloir me tromper, car j’ai le bonheur d’être aimé de ces jeunes, candides et expansives natures, qui connaissent aussi l'affection que je leur porte. 11 y avait aussi, ce qui ne gâte jamais rien, une jeune et charmante personne qui me sembla devoir admirablement compléter les conditions indiquées par la lettre de M. Eissen.

Première expérience.

Un vase de porcelaine, un compotier, est posé sur une table en bois de noyer verni. Uphonse et M"* X... imposent leurs mains sur le vase, d'après les règles prescrites; une minute ne s’est pas écoulée, que le vase se met à tourner.

Cette expérience est répétée trois et quatre fois : toujours même résultat.

Deuxième expérience.

J'impose les mains avec Alphonse sur le même vase; dix-sept minutes s'écoulent, et le vase reste immobile.

Troisième expérience.

Alphonse et Alfred font l’expérience sur le même vase, «t la rotation est obtenue plus rapidement encore que dans la première expérience.

Quatrième expérience.

Alphonse et Norbert (deux frères) font la même expérience, le phénomène de rotation du vase ne se produit qu’après six minutes.

Ciuquième expérience.

Alphonse, Alfred, Norbert, Adrien et M"* X... s’asseoient autour d’une table-guéridon à roulettes, en bois d’acajou; leurs mains sont placées d’après les règles indiquées ; au bout de sept minutes et quelques secondes, la table s’agite et se met à tourner sur son axe.

Sixième expérience.

Je prends place dans la chaîne, le phénomène de la rotation de la table se produit au bout de quatre minutes.

Cette expérience a été faite dix fois de suite, et en changeant la place occupée par chacun des expérimentateurs, sans que ce changement influât en rien sur la rapidité avec laquelle le phénomène se produisait.

Septième expérience.

Alphonse et Alfred reprennent l’expérience du compotier. Je les invite à. vouloir mentalement que le vase, une fois mis en rotation, tourne dans un sens opposé. En moins de quinze secondes, le vase se met à tourner du nord au sud ; il a fait à peine une demi-rotation, qu’il s’arrête un instant, et puis se met à tourner en sens inverse, du sud au nord.

Cette expérience , répétée ce jour-là cinq à six fois, se reproduit toujours comme je viens de l'indiquer.

Huitième expérience.

Nous reprenons l’expérience de la table, moi participant. La rotation s’opère au bout de sept minutes. J’invite un

spectateur à. toucher l'un de nous. Le spectateur place un doigt sur mon épaule droite, la rotation cesse. Le doigt du spectateur est levé : le phénomène recommence.

Cette expérience a été répétée et variée de toutes manières, en touchant l’habit, la tète, l’épaule, le pied d'un des participants; toujours même résultat : cessation de tout mouvement , et sa reprise après que le contact avec un non-participant a cessé.

11 est bien entendu que, malgré toute ma confiance dans la sincérité de mes jeunes amis et collaborateurs, j’étais très-attentif sur leurs mains, leurs bras, leurs coudes, leurs pieds, et qu’il m'est impossible d’admettre que j’aie été dupe ou victime d’aucune supercherie.

C’est sous l’impression de ces huit expériences répétées et variées, que j’écrivis, lundi soir, les quelques lignes qui parurent dans Y Union de mardi.

Pour moi, le phénomène était irrécusable. Mais un ami, M. le l)r Debout, rédacteur en chef du Bulletin de Théra-peutique, m'ayant prié de le rendre témoin de ces faits, je l’invitai h se rendre à Châtillon, hier jeudi, où il est venu en compagnie de notre honorable confrère M. le Dr Gorrée, de Boulogne-sur-Mer. Les expériences ont été faites de toutes les manières ; elles ont été, pour moi du moins, plus évidentes, plus sensibles, plus probantes encore que celles de dimanche, car M. Debout a pris des précautions que je croyais inutiles, a imposé des conditions auxquelles je ne pensais pas, a fait des contre-épreuves qui m’ont paru, à moi, décisives. 11 ne m’appartient pas de dire quelles impressions sont restées dans l’esprit de mes honorables visiteurs. Je ne veux absolument parler ici que pour mon propre compte. Ce que je dois constater seulement, c’est que, comme moi, M. Debout n’a rien obtenu dans l’expérience du vase de porcelaine, tandis que M. Gorrée est arrivé rapidement et plusieurs fois au résultat désiré.

M. Debout a été participant aux expériences de la table qui a tourné avec une effrayante rapidité.

Je dois dire aussi qu’à la table-guéridon, légère et roulant. facilement, nous avons voulu substituer une table carrée en acajou plein et beaucoup plus lourde, et que le phénomène ne s’est pas produit après quinze minutes, durée sans doute insuffisante.

Dans toutes les expériences que je viens de raconter, un fait m’a surtout frappé, parce qu’il me semble de nature à

éloigner l’idée de toute supercherie, c’est le sens invariable de rotation initiale imprimée aux objets sur lesquels on expérimente. En supposant l’expérimentateur faisant face au nord, c’est toujours de droite à gauche, c’est-à-dire, du nord au sud, que les tables ou les vases commencent à tourner et tournent incessamment, si la volonté des expérimentateurs ne vient pas troubler celte tendance. De plus, avec ce mouvement de rotation, on observe encore que les objets obéissent à un mouvement de progression sensible, et ce mouvement est dirigé ostensiblement de l'est à l’ouest. Tels sont, au moins, les résultats de mes observations propres.

Qu’est-ce donc que ce phénomène, grand Dieu !... je me garderai bien de hasarder la plus petite opinion sur ce sujet. Mais ce que je dirai hardiment, c’est qu’il faut que la science sérieuse et autorisée s’empare au plus vite de ces faits, cherche à les constater, à les reproduire, à étudier leurs lois, à deviner leur nature, si cela se peut. C’est qu’il faut empêcher que la crédulité et le charlatanisme ne se ruent sur cette proie nouvelle ; que la science nous dise ce qu’il faut croire et jusqu’où il faut croire; qu’il faut éviter que, par l’indifférence des philosophes et des savants, il n’arrive, de ce phénomène, ce qui arriva, lorsque deux mille ans avant la création de notre Académie des sciences, quelques observateurs de hasard trouvèrent qu’un morceau d’ambre frotté attirait les corps légers. Ce phénomène, presque passé inaperçu par la science antique, est devenu le pivot sur lequel roule la science moderne. Sans doute, ce fait d’animer, pour ainsi dire, les corps inertes et de les faire obéir à la volonté, est répugnant pour la raison humaine. Mais sous quelles exigences n’a-t-elle pas été obligée de se courber ? Est-ce qu’elle comprend, est-ce qu’elle explique, la raison humaine, par quelle mystérieuse puissance l’aiguille aimantée se tourne toujours vers le nord ? Est-ce qu’elle sait le premier mot de la nature intime des forces magnétiques, électriques, du calorique, de la lumière? Et l’attraction, nous en rendons-nous autrement compte que par l’hypothèse, car n’est-elle pas une hypothèse elle-même, au moyen de laquelle nous expliquons les faits ? Connaissez-vous donc , philosophes et savants, toutes les lois, tous les phénomènes, toutes les propriétés de la matière? Pour mon compte, je comprends aussi peu la suspension des corps célestes dans l’espace, la force qui les maintient à leur place et leur fait parcourir éternellement leur cercle immense, que le phénomène de la rotation d’une table sous l’influence de l’imposition des mains.

Maintenant, qu’y a-t-il dans les flancs de la découverte de ce phénomène, et que réserve-t-elle à l’avenir? Je le répète, et je serais heureux que mes honorables confrères qui ont vu, que ceux qui verront à leur tour, et qui ont eu ou qui auront le courage de confesser leur croyance, veuillent bien s’unir à moi dans l’expression et la manifestation de cette pensée : il y a dans ce phénomène ce que les savants et les philosophes voudront qu’il y ait. S’ils le négligent, le dédaignent et le contestent sans expériinent, il va tomber entre des mains indignes; il va s’obscurcir par l'exagération et l’enthousiasme ; il va servir il la réhabilitation et à la propagation plus ardente des pratiques mystérieuses des sciences occultes ; il sera livré en pâture à la sottise, à la crédulité, à l'exploitation charlatanesque ;• tandis que si les savants le voulaient, ils y trouveraient peut-être le fait initial d’une immense découverte.

Car, en regardant cette table sur laquelle j’écris ces dernières lignes, et en pensant à l’impression désobligeante pour mon amour-propre qu’elles vont probablement produire sur un certain nombre de mes lecteurs, je ne peux m’empêcher de m’écrier, comme autrefois Galilée :

Et cependant tu tournes 1...

Ahédée LATOÜR.

D’autre part on lit dans le Siècle du 1" mai, le récit suivant, emprunté à une lettre écrite de Bordeaux :

« Nous sommes ici, mon cher ami, sous l'impression d’une expérience bien extraordinaire. Je ne sais si tu as entendu parler de l’efTet du magnétisme animal sur une table; d’après une lettre d’Allemagne que je venais de lire, j’ai voulu en faire hier soir l’expérience en famille.

c. J’ai pris un guéridon rond, ayant un pied à trois branches en chêne. Nous avons, entre cinq personnes, placé nos mains à plat sur la table, de manière que chaque petit doigt reposait sur celui de la main de son voisin ou voisine ; que les pouces ne se touchaient pas et qu’il restait un petit espace entre eux.

« Au bout de quatre minutes, nous avons entendu craquer la table, et un de nous lui ayant dit de se diriger à droite, elle a tourné à droite, et en augmentant de vitesse. Dans ce moment, il faut suivre le mouvement, toujours les mains à plat, en appuyant très-légèrement. Nous avons commandé

à gauche, aussitôt la table a tourné à gauche. Nous lui avons dit d'aller droit vers la porte, elle a obéi. Nous lui avons dit que Méloé avait vingt-quatre ans, et de frapper autant de coups : aussitôt la table s’est penchée d’elle-mème, et, avec un des pieds, a frappé vingt-quatre coups.

« En vérité, c’est à en perdre la tête. Tu peux en faire l’essai ; il faut autant que possible des personnes de dix-huit à trente-six ans. Si les expérimentateurs sont plus ou moins âgés, la table est plus longue à bouger.

« 11 faut choisir un appartement sans tapis.

« Si une des personnes a eu assez longtemps la main sur la table, elle peut la mettre sur le dos d’une chaise, et aussitôt celle-ci marchera à son commandement. »

L'Indépendance belge, répétée par le Journal de Bruges du 2 mai, s’exprime ainsi :

I.n danse «les (iiltics.

La danse des tables ! Voilà un mot qui contient tout une révolution.

Révolution dans les préjugés, révolution dans les idées du vulgaire, révolution peut-être dans la science, révolution peut-être dans la philosophie !

Vous vous asseyez à quatre' autour d’un guéridon , ou à six autour d’une table, vous posez dessus vos mains d’une certaine façon , et selon que vos doigts rayonnent plus ou moins de fluide électrique, selon que votre corps est un foyer plus ou moins ai dent, vous faites qu’au bout d’un temps plus ou moins long, cette table ou ce guéridon s’ébranle, s’agite, se tord, se soulève, marche, pivote et s’arrête au gré de votre pauvre volonté d’homme.

Je gage que vous ne vous croyiez pas aussi puissant. Aussi vous riez, et nul n’a le droit d’en être surpris.- Car d’abord cela est absurde, impossible, inouï ; — puis M. de Humboldt, l’illustre M. de Humboldt a nié, et il a eu raison de nier; — puis aussi certains journaux ont écrit, avant de dire seulement de quoi il s’agissait, c’est un canard.

On a pris l’habitude de traiter de canard ce qui est amusant, tant en général ce qui est sérieux ennuie.

En attendant, toute l’Allemagne est en émoi. La presse ne s’occupe que des tischrücken; la Gazette d'Augsbourg donne le pas à la danse des tables sur la question d’Orient ;

le Lloyd de Vienne oublie presque la Lombardie ; la Gazette tc Cologne, 1’ ,vangile de la Confédération, a fait, pour la grande merveille du jour, une rubrique spéciale. Des hommes illustres signent des certificats dont d’autres hommes illustres font des gorges chaudes, et les gens qui n’ont pas de célébrité à mettre au bas de leurs allégations, sc contentent d’être les auteurs des miracles dont les autres sont les historiens.

Le lofelilans a fait invasion en Hollande. 11 y rivalise d’émoi avec la lutte religieuse. Les partis n’ont pas honte de fraterniser autour d’une table oii ne s’étale pas le moindre couvert.

En Amérique, 1e table moving s’est introduit déjà dans les mœurs. C’est là du reste qu’il est né.

Je gage encore ce qu'on voudra qu’avant huit jours il sera naturalisé belge avec l’assentiment des chambres, qui voudront se convaincre aussi bien que le roi de Prusse, qui a réussi à faire marcher le palissandre dans son palais aussi bien que le pauvre à faire tourner le sapin dans son réduit.

Nous fini écrivons, nous avons lu sans croire, essayé en riant, et vu avec terreur. Nous allons raconter comment.

C’était l’autre soir au Cercle artistique et littéraire. Un Allemand y avait lu la Gazette de Cologne et ses merveilleux récits. Depuis huit jours il ne parlait que des tisch-r.üeken, et plus il en parlait, plus il trouvait d’incrédules. 11 avait beau dire que chez un artiste bien connu, à Bruxelles, l’expérience avait été tentée et couronnée d’un plein succès : on le croyait victime de quelque mystification, et il eût suffi de huit jours de plus pour le faire prendre en pitié.

Mais la foi qui soulève les montagnes..... et les tables ;

devait finir par séduire quelqu’un, et en somme les plus disposés à croire furent ceux qui d’habitude ne croient à rien.

On apporta un guéridon en chêne, et cinq personnes s’y attablèrent. C’était notre Allemand et quatre artistes bien connus, à qui je souhaite autant de iluide électrique qu’ils ont de talent.

Autour d’eux se groupait un public de rieurs; de graves magistrats, des officiers, des avocats, des musiciens, des littérateurs, jeunes et vieux, mais tous également sceptiques.

Quand ils s’attablèrent, la pendule marquait neuf heures et demie.

Jusqu’à dix heures, on ne remarqua point d’effet, et les expérimentateurs, dont quatre au moins n’avaient guère

plus de confiance que le public, furent livrés sans merci à la verve railleuse de celui-ci.

On allait se lever impatienté. Après trente-cinq minutes, les cinquante doigts pesaient impassibles et engourdis sur le guéridon.

L'Allemand lui-même se décourageait.

Tout à coup, an milieu d’un intermède de silence, quarante yeux s'écarquillent et vingt voix s’écrient: Elle bouge !

Il fallait voir toutes ces physionomies, entendre ce tumulte. Les exclamations se croisaient, on affirmait, on niait, 011 oubliait de voir pour discuter, et les expérimentateurs, qui avaient senti le guéridon chanceler, se jetaient l’un à l’autre des regards soupçonneux, inquiets de tromper le public, et n’étaient en somme eux-mêmes que des dupes.

Dans ce désordre, un artiste trouva une heureuse idée. Il alla chercher au billard un morceau de craie, et marqua sur le sol, d’un cercle blanc, la circonférence où se posaient les pieds de la table.

Deux minutes se passèrent. Le guéridon se souleva d’un côté, puis retomba lourdement.

O11 ne riait plus. — Cinq minutes après, il était à deux pouces au delà du cercle de craie. Il pivotait lentement sur ses quatre pieds.

Impossible de dire où se fût arrêtée l'expérience. Mais un de ceux qui formaient la chaîne se sentit fatigué et se leva. O11 n’alla pas plus loin.

O11 se figure difficilement l’émotion qui succéda à cet essai. On en avait vu assez pour désirer être convaincu, trop peu pour être convaincu tout à fait.

Mais sur vingt-cinq incrédules, une douzaine partirent avec la foi.

L’Allemand triomphait, et la Gazette de Cologne avec lui.

Une heure se passa. Plusieurs personnes partirent, d’autres entrèrent : nous restions une vingtaine, presque tous jeunes gens; il était minuit moins un quart.

Deux ou trois parmi nous avaient déjà fait l’expérience le jour même, avec un plein succès, dans une société où il y avait des dames, ce qui est, paraît-il, une garantie de plus prompte réussite.

Lu d’entre nous, esprit très-sérieux, très-peu disposé à accepter des illusions pour des vérités, proposa de refaire l’expérience, en essayant pendant un quart d’heure seulement. « Si rien ne se produit à minuit, dit-il, nous partons, et laissons la table danser un monologue. »

Ou accepta, ils s’assirent ii quatre, tandis que les autres, déjà lassés de deux heures de tùrlinïc/ccn, s’occupaient de politique, sans presque songer àce qui s’apprêtait à côté d eux.

Il s’écoula dix minutes tout au plus. «11 y a commencement. d’exécution !» s’écria le jeune homme sérieux.

Nous nous rapprochâmes, et nous vîmes parfaitement la table se soulever de terre, puis retomber et se lever encore en s’inclinant chaque fois du côté d'un de nos amis, qui passe pour avoir beaucoup de fluide magnétique, et qui semblait être la pile dont les autres n’étaient que les fils conducteurs.

On retira les chaises. Les quatre expérimentateurs se levèrent. Ils n’appuyaient plus sur la table que le petit doigt de chaque main.

Nous regardions ébahis. Celui des quatre que nous appelions le foyer, était pâle et défait, tant il déployait de vigueur morale ; le jeune savant était blême de stupéfaction.

Mais quelle fut notre surprise, je dirai presque notre terreur à toxis, quand nous vîmes la table se mettre à tourner sur elle-même, marchant, je crois, vers le nord, et exécutant ses évolutions avec une si vigoureuse vitesse, qu on avait toute la peine du monde à la suivre.

Bouche béante, les quatre individus enlevèrent leurs mains du guéridon. 11 resta immobile.

J’avais lu qu’une fois la table chargée d’assez de fluide, on pouvait s’y replacer sans inconvénient.... A quatre, nous y apposâmes 110s mains en les juxtaposant, et le mouvement recommença pour nous aussi rapide, aussi étourdissant que tout à l’heure pour nos amis.

La vitesse était prodigieuse. Je ne crois pas que la valse la plus échevelée puisse atteindre à cette mesure.

Trois fois la table changea de mains, et trois fois elle fit les mêmes évolutions.

Et notez qu’elle ne tournait pas sur un pivot, mais sur quatre pieds, et sur un sol inégal. Je n’ai jamais vu plus saisissant spectacle. _ , . .

Il y a certes quelque chose de bien frappant dans les el-fets de magnétisme.

Voir un homme esclave d’un autre homme, voir deux volontés se confondre au point que l’une d’elles abdique, voir une âme devenir une machine au service d’une autre ame dont les facultés se doublent, en prenant à l’autre toute sa vigueur, certes il y a là quelque chose qui vous stupéfie ; l’homme qui, par la seule puissance du regard dompte le plus

lier des animaux, qui d’un geste fait ramper à ses pieils 1* majesté du lion, cela vous émeut, comme tous les drames où la vie d’un homme est en péril, d’une terreur nerveuse: mais cette matière inerte, insensible, cette matière brute, ce néant moral qui sous vos mains se met à vivre, je ne sais ce que cela vous fait éprouver, je ne saurais m’en rendre compte ; en écrivant, malgré moi je songe au Prométhée sacrilège qui ravit le feu sacré des dieux antiques pour animer sa statue d’argile.

Ignorant comme je suis en fait de science, je n’ai pas seulement le droit de songer à avoir une opinion sur ce phénomène. Le but de ce feuilleton n'est pas, au reste, d’en donner une.

Je raconte ce qu’avec vingt personnes j’ai vu et senti. Nous ne pourrons pas empêcher les savants de rire, d’autant moins que AI. de Humboldt a donné le signal; mais à tous nous pouvons répondre avec cet autre savant qui s’appelait Galilée : E pur si mnove; et nous le disons avec d’autant plus de constance, que nous n’avons pas devant nous l’inquisition pour nous en empêcher.

Je ne veux pas raconter ici l’histoire des tischrücken, ni ce qu’on appelle vulgairement la maniere de s’en servir. Tous ces détails se trouvent dans une brochure pleine d’intérêt, publiée par MAI. Mayer et Flatau.

Je me rappelle qu’en commençant j’ai parlé de révolution. J’ai dit révolution dans les préjugés, révolution dans les idées du vulgaire, révolution peut-être dans les sciences, révolution peut-être dans la philosophie.

Oui, révolution en tout cela, je le répète encore.

N’est-ce pas la mort des préjugés vulgaires, que ces vérités qui tuent le fantastique en en faisant la conséquence fatale des lois inscrites au code de la nature? N’est-ce pas la science régénérée, que toutes ces découvertes qui de jour en jour ouvrent aux penseurs des horizons nouveaux? N’est-ce pas la philosophie refaite, que ces miracles qui rattachent, par des liens rendus visibles, la matière à la pensée ?

« Le ciel et la terre , dit Hamlet à Horatio, recèlent plus de mystères que vos philosophes ne se l’imaginent. »

Et, en effet, point de jour qui se passe sans qu’un Moïse, guidé par la Providence, ne fasse jaillir du rocher le flot limpide de quelque vérité inconnue.

Par malheur, l’eau n’attend pas toujours, pour jaillir, qu’Israël ait soif de ses ondes. Les grandes découvertes surgissent le plus souvent sans qu’on se doute de ce qu’elles

renferment d’utile, et le monde rit, non parce qu’il est scep-tic[ue, mais parce qu’ il veut que tout serve ;'t un but déterminé et concevable dès l’abord.

Vous riez de la table qui danse, et vous avez raison de rire; vous auriez pu railler aussi Newton le jour où une pomme tombant d’un arbre lui meurtrit le visage; seulement, tout en riant, songez que de cette pomme et de cette chute sortit la découverte des lois qui règlent la gravitation du monde.

En réalité, c’est la langue (pii favorise les sceptiques, en appelant sciences naturelles ce qu’il y a de plus surnaturel sur la terre.

L H.

Un autre journal belge publie une lettre, datée de Heidel-berg 25 avril, qui est ainsi conçue :

I.c maunctiuin dansant.

Mens agitai molem.

Plusieurs élèves en peinture rassemblés à lleidelberg, dans l’atelier de l’un d’eux, écoutaient la lecture d’un numéro de la gazette \'Emancipation d’Augsbourg, qui raconte l’histoire des tables dansantes. L’idée leur vint d’essayer sur-le-cliamp, et, comme ils ne trouvaient pas de table sous la main, l’un d’eux crut pouvoir la remplacer par un grand mannequin articulé, en bois, qu’ils posèrent sur ses pieds et sur ses mains.

Il ne s’écoula pas un cpiart d’heure avant que les premiers trémoussements ne se fissent sentir. Les magnétiseurs, encouragés, redoublèrent d’efforts, et chargèrent tellement le mannequin, que celui-ci commença à (aire des bonds, des ruades et des cuinulets comme un être animé ; puis, se dressant subitement sur ses pieds, il se mit à courir autour de la chambre, en poursuivant les étudiants, qui s’esquivèrent au plus vite en lui fermant la porte au nez; ce terrible jouteur retomba bientôt sur son dos : la vie avait cessé, son fluide d’emprunt était retourné au réservoir commun.

Le plus hardi proposa de reprendre l’expérience, en lui

mettant des souliers et des mitaines de gutta-perclia, pour l’isoler complètement, mais personne n’osa recommencer, car ils avaient été tous plus ou moins contusionnés : l’un d’eux avait reçu un sou diet sur la figure, dont il porte encore les traces.

Le professeur Mettermayer explique ce mystère en ces termes :

« Les animaux ne diffèrent des corps inertes que par l’esprit de vie qu'ils ont reçu de Dieu; si plusieurs personnes s’entendent pour transmettre le trop plein de leur vitalité à un corps inerte quelconque, celui-ci s’anime un moment, et se meut dans les limites que sa conformation comporte. Ainsi, une table ne peut que glisser, tourner en trébuchant et se renverser sur le sol, mais un mannequin peut imiter tous les gestes de l’homme; l’étincelle magnétique qui traverse obliquement ses rotules, produit le même effet de pronation ou de supination que si ses membres étaient tirés

Îiar des tendons et des muscles appuyés sur les points de eur attache ; sauf que les mouvements du mannequin sont désordonnés et capricieux à l’infini.

« La science de la mécanique parviendra-t-elle à les régler? 11 serait imprudent de le nier; peut-être un jour aurons-nous des mannequins qui joueront de quelque instrument d’après les inspirations d’un musicien qui n’aura qu’à poser la main sur le conducteur du fluide animique, pour lui transmettre sa pensée avec toutes ses variations.

i Quelle utilité peut-on retirer de ces expériences ? demanderont les matérialistes à courte vue, et les négateurs indolents, qui aiment mieux nier que d’y aller voir.

« Nous croyons que les résultats de cette découverte seront immenses pour la médecine ; car les académiciens qui ne croient point à l’existence du fluide nerveux ou magnétique, parce qu’ils ne l’ont rencontré ni dans les cadavres, ni sous le scalpel, ni sous leurs loupes, seront forcés de l’admettre et de l’étudier ; désormais ils n’auront plus la ressource de répondre comme aujourd’hui : Ce mal est nerveux, nous n'y pouvons rien.

«Le mesmérisme va devenir certainement la première branche de l’art de guérir, car toutes les maladies sont nerveuses, puisque sans les nerfs on ne les sentirait pas.

« La nombreuse nomenclature des maladies dites incura»

blés disparaîtra forcément de leur dictionnaire et des hôpitaux.

« Voilà le premier des bienfaits qui résulteront de l’expérience simplement curieuse des tables dansantes.

« On comprendra dès lors la justesse et la portée du mot de Virgile : Mens agitai molcm, l’esprit anime la matière. » {Echo de Bruxelles du 30 avril.)

La découverte de Mesmer a franchi le cercle tracé autour d'elle par les Popilius des Académies ; elle est entrée dans le domaine de la grande presse avec les phénomènes nouveaux qui, en la corroborant, lui donnent une sanction universelle. Le Journal du Magnétisme se trouve débordé, il ne peut suivre l’ardeur qui s’est emparée des esprits, ni recueillir tous les matériaux jetés en pâture à des millions de lecteurs.

Nous ferons notre possible pour ne rien laisser perdre d’essentiel ; nous avions prévu depuis longtemps ce qui est arrivé, et rien ne nous surprend dans la production des faits nouveaux; nous les avons cependant, pour plus de certitude, vérifiés et reproduits. Nous pouvons assurer nos lecteurs que nous en tenons en réserve de plus surprenants encore, et que le temps va venir où nous pourrons les révéler, s’ils ne se révèlent d’eux-mêmes.

On peut dire avec certitude que ce qui se produit aujourd’hui est un grand événement, c’est un siècle qui commence et qui n’aura point eu son égal. La lumière va luire dam les ténèbres, et les hommes comprendront.

Magnétistes, soyez froids au milieu de l’enthousiasme général , laissez prendre racine à l’arbre de vie, son germe a été arrosé de vos sueurs; votre mission n’est point achevée, elle va consister à empêcher l’erreur de se produire et le mal de se répandre.

Baron DU POTET.

VARIÉTÉS.

FÊTE DE MESMER. — 119e anniversaire, 23 mai 1853.

Partisans du magnétisme !

Vous tous qui devez à Mesmer la possession de puissants secrets, et le don de faire du bien à vos semblables , venez avec nous rendre hommage au génie puissant qui découvrit la plus merveilleuse des forces de la nature, venez honorer la mémoire de notre révélateur!

Dans ce grand jour, unissons nos cœurs et nos âmes, afin qn’une prière en sorte et monte jusqu’à l’Étemel poulie remercier d’avoir fait triompher la vérité, et de nous avoir choisis pour être les instruments providentiels de ses décrets.

La fête sera célébrée, comme de coutume, sous les auspices du Jury magnétique, qui distribuera des médailles d’encouragement et de récompense aux magnétiseurs qui se sont distingués.

Le local ordinaire étant devenu insuffisant, le Banquet aura lieu, cette année, dans le salon du Waux-Hall, rue de la Douane, 24.

Les membres du Jury, porteurs de leur médaille, occuperont la table de la présidence ; les autres personnes seront placées suivant l’ordre de leur inscription.

Les discours, tostes, chansons, etc., seront soumis à l’approbation du président.

Les Dames seront admises au même titre que les Messieurs.

Le prix de la souscription est de (5 fr.

Un souscrit au bureau du Journal du Magnétisme, rue de Beaujolais-Palais-Roval, 5.

Pour le Jury magnétique ,

Le Président,

Baron DU POTET.

Les commissaires : ARNETTE. FAUCHAT.

Th. COSSON. E V. LÉGER. '

HÉBERT (de Garnay). J. LOGEROTTE.

!W*croIoffic— Le mesmérisme vient de perdre un de ses plus illustres défenseurs, M. le l)r Husson, auteur du fameux rapport fait à l’Académie de médecine en 1831, C’était un des médecins les plus consciencieux et les plus considérés ; il ne craignit point de compromettre sa réputation en avouant sa croyance aux faits déniés par ses confrères.

Un autre soutien de notre cause est aussi mort dernièrement , M. Desjobert, ancien député.

Rcyiic cîcs Journaux. — Nous extrayons d’une feuille piémontaise, intitulée les Etincelles, la lettre qui suit :

Monsieur le rédacteur,

En réplique il votre article intitulé : Impressions d’une soirée de magnétisme, inséré dans le numéro 10 des Etincelles, je vous invite. ou, pour mieux dire, je vous prie de rectifier plusieurs choses qui me concernent, en publiant la présente.

M. Mongruel et sa sibylle moderne arrivèrent de’France avec un nom célèbre... par un scandaleux procès et une condamnation subie; ils publièrent des annonces pompeuses, ils promirent merveilles; nouveauté et lucidité unique, toute puissante, incontestable et incontestée, guérisons garanties, etc., etc., et dans l’excès de leur transcendente modes-dic, ils taxèrent d’incapacité, d’ignorance, d’impuissance, tous les somnambules et magnétiseurs qui les avaient précédés en Italie.

Les faits n’ont pas répondu à ces magnifiques promesses : la montagne accoucha d’une souris; les oracles sibyllins lu-

rent très-énigmatiques, et le public, qui avait le droit d'attendre beaucoup, fut grandement trompé.

Le soussigné, non par jalousie de profession, ni par une sotte manie de primer (comme l'article plus haut cité semble le faire croire), mais par amour pour la vérité du magnétisme , et aussi par amour pour notre chère patrie, toujours condamnée au mépris d’audacieux étrangers, protesta publiquement, en face du présomptueux Français, après avoir vu fort contestables les facultés de sa prétendue sibylle moderne.

On me dit dans cet article, que je devais des égards au magnétiseur nouveau-venu; à cela je réponds que je devais, avant tout, à la science nouvelle que je professe loyalement, le courage de dire la vérité tout entière, et d’apprendre aux croyants et aux non-croyants au magnétisme, qu’en lui, comme dans toutes les choses humaines, tout ce qui brille n’est pas or, et que par conséquent on ne doit pas permettre que l’oripeau d’outre-mont soit vendu pour or fin.

M. le Dr Coddé, juge très-compétent, soit en sa qualité de professeur de magnétisme, soit pour avoir examiné de près, est aussi de mon avis.

Notre seul but est d’éclairer le public et d’ôter le masque à tous les charlatans passés, présents et futurs.

J'ai l’honneur, etc.

F. GUIDI.

Turin, le 3 novembre 1852.

PETITE CORRESPONDANCE.

Avis général. '— Un numéro supplémentaire du Journal du Magnétisme paraîtra dans quelques jours, pour tenir scs lecteurs au courant des détails sur la danse des tables.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay)-

FAITS ET EXPÉRIENCES

1° ÉLECTRO-MAGNÉTISME.

Un grand journal, la Patrie, qui, dans maintes occasions, s’était montré hostile au magnétisme, vient de se convertir. Voici en quels termes cette feuille proclame son adhésion . dans sou numéro du 11 courant.

Uutlctln «les sciences occultes.

Sous ce titre, nous nous proposons de publier, tous tes jours, les faits, renseignements et documents qui arriveront à notre connaissance avec un caractère suffisant d’autlienti-ticité, appartenant au domaine de ces sciences que la bibliographie classe sous la vague dénomination de Sciences incertaines, dans l’impossibilité où elle est de les désigner d’une manière plus précise.

Les manifestations d’une force, sinon nouvelle, du moins encore indéfinie, inhérente à l’homme, qui se produisent en ce moment d’une manière aussi universelle qu'incontestable, en France par le tournoiement des tables, aux Etats-Unis par des coups ou décharges électriques, en Allemagne par mie lumière diversicolore qui se produit spontanément et d’une manière permanente sur tous les objets animés, et môme sur les plantes et les minéraux plongés dans une obscurité absolue, tous ces faits demandent à être étudiés et interprétés par la science ; mais auparavant il importe qu’ils soient constatés.

Or, nous considérons que la mise à la disposition de tous les expérimentateurs de bonne foi et animés exclusivement de l’amour de la vérité et de la science, d’un journal quotidien à grande circulation, pour y consigner le résultat de joue XII. — SUPPLÉMENT au N° fi«3. — 20 Mai 1853. 11

leurs expérimentations, est un des moyens les plus efficaces et les plus énergiques pour faire avancer ces études, encourager les investigateurs consciencieux, les faire communiquer entre eux, et par là décupler leur puissance.

En même temps nous sommes convaincus que cette lumière, incessamment projetée sur cet ordre de recherches, est de nature à décourager et à démasquer les charlatans et les faiseurs de dupes, qui déshonorent la science dont ils suspendent quelques lambeaux informes à la porte de leurs boutiques et de leurs tréteaux.

Nous ne nous dissimulons pas toutes les difficultés de la tâche que nous nous imposons ; mais nous comptons, pour nous aider à la remplir, sur le concours dévoué de tous les hommes d’intelligence et de cœur qui cultivent les sciences dites occultes : magnétiseurs, magnétopathes, psycho-logistes, magiciens, nécromanciens même, s’il y en a, nous ne faisons ici aucune exception, nous faisons appel à toutes les idées et à tous les dévouements. Toute étude consciencieuse nous paraît respectable, et nous considérons comme un devoir de lui fournir le moyen de se produire sous la responsabilité de son auteur, persuadés que nous sommes que la lumière de la publicité et la liberté de discussion sont le meilleur correctif que l’on puisse opposer aux erreurs et aux illusions.

Au reste, tout en reconnaissant que le travail que nous entreprenons est de beaucoup au-dessus de nos forces, nous ferons observer que ce bulletin n’affectera pas une forme scientifique et dogmatique. Nous le destinons surtout à enregistrer des faits et des documents, laissant aux personnes d’étude le soin d’en tirer les conséquences. Nous aurons atteint pleinement notre but si nous réussissons à être plus instructif que savant, et plus amusant encore qu’instructif.

Tout ce ijui tourne.

On serait plutôt embarrassé de dire ce qui aujourd’hui ne tourne pas, que d’énumérer ce qui tourne : tables, chaises, compotiers, assiettes, chapeaux, clefs, bagues, tout a été expérimenté et tout a obéi; et, chose singulière, ce sont les objets les plus inertes qui semblent subir le plus facilement l’impulsion mystérieuse. Quand le phénomène aura été bien constaté, il faudra bien pourtant que la science officielle, la science qui se décore du nom de positive, nous

en donne l’interprétation. En attendant cette explication que la science nous doit, et que nous sollicitons d’elle en toute humilité, nous allons hasarder quelques considérations plus ou moins philosophiques.

Il y a dix-huit siècles, une parole profonde fut dite : « Si a les hommes se taisent et refusent de rendre hommage à u la vérité, les pierres crieront à leur place. »

Cette prédiction conditionnelle semble se réaliser de nos jours. Si les pierres ne client pas encore, les tables se mettent en mouvement, et c’est déjà un joli commencement. Le magnétisme humain, ce lien mystérieux qui unit la matière à l’esprit, cet agent de la vie universelle dont les Académies ont demandé ironiquement le certificat d’origine, et sur lequel, après bientôt un siècle de controverses, Hippocrate dit oui et Galien dit non; le magnétisme, qui n’a peut-être eu guère moins à se plaindre de ses adeptes inintelligents que de ses adversaires passionnés, sort de son mystérieux silence, et il jette la matière à la tête de ce siècle matérialiste, pour le forcer à réfléchir.

La matière se meut, et elle se meut sous une impulsion absolument immatérielle. L'impondérable étend son domaine. Ici ce n’est plus le fluide électrique prenant naissance dans la réaction de deux liquides excitateurs ; ce n’est plus même le magnétisme terrestre exerçant, à l’aide de certains minéraux, ses attractions encore inexpliquées; c’est tout cela et mieux que cela ; c’est le corps de l’homme transformé en un aimant puissant et universel, émanant son fluide par un seul acte de sa volonté, le faisant passer dans des corps inertes, et leur communiquant momentanément le mouvement et une sorte de vie fantastique.

Or, nous ne sommes qu’au commencement des manifestations; et l’avenir — l’avenir de demain peut-être — nous prépare d’autres merveilles.

E. MOÜTTET.

A la suite de cet article, la Patrie publie le récit d’expé • riences déjà connues de nos lecteurs. Nous la remercions d ses bonnes dispositions, et nous ferons en sorte que les faits magnétiques 11e lui manquent pas.

Un autre journal de Paris, l'Union, qui, sans se prononcer ouvertement, nous a toujours montré de la sympathie,

apporte aussi son contingent. Voici un extrait de son feuilleton du 10 de ce mois :

I-si rotation iiiaKiiôtiiiue.

Comment ne pas parler d’abord du phénomène à la mode, la rotation magnétique, l’aimantation animale, comme vous voudrez l’appeler! C’est, pour le moment, l'entretien général, l'occupation universelle, la grande, ou, pour mieux dire, l’unique affaire. Alcibiade n’aurait pas besoin de couper la queue à son chien. Le baquet de Mesmer est ressuscité. Allez n’importe où, et vous trouverez des gens qui font tourner des tables, des chapeaux, des saladiers, des cuvettes, etc.

Tout tourne, lout tourne,

comme dit la chanson, et, quand les chapeaux tournent, est-il étonnant de voir les tètes tourner ? Dans les administrations publiques, dans les ministères, la merveille du jour ne laisse pas, dit-on, que de faire un certain tort à la besogne ; mais les chefs de bureau, les chefs de division , les directeurs généraux seraient mal venus à gronder, car ils ne sont pas les moins empressés à se mettre de la partie. Qui sait si le conseil des ministres lui-même, quand il est réuni, ne laisse pas reposer les questions courantes pour faire tourner la table officielle et avec elle les portefeuilles qui renferment les affaires de l’Etat dans leurs flancs de maroquin? La chaîne électrique est le lien qui réunit les positions, les grades, les opinions diverses. Tout le monde se donne la main ou plutôt croise le petit doigt. Mon petit doigt me l'a dit! cette puissance surnaturelle n’est plus désormais un conte de nourrice ou de grand'maman : le petit doigt est devenu le grand agent et le moteur suprême.

C’est quelque chose d’assez drôle, en entrant dans un .salon, de voir, clouées autour d’une table, les mains posées sur le bord, les pouces écartés, une demi-douzaine de personnes formant ainsi une ronde immobile; 011 les prendrait pour des maniaques, si l’on 11e savait de quoi il s’agit. Cet exercice est une parfaite leçon de patience. Une mouche indiscrète vous chatouille le nez, tant pis! il n’est pas permis de déranger sa main, sous peine d’interrompre le courant électrique en train de se former. On peut avoir besoin de se moucher ; en ce cas, priez un spectateur officieux de prendre votre mouchoir dans votre poche, et de vous rendre

le service qui n'était usité jusqu’ici que de berceuse à marmot. Nous avons vu un fort digne père de famille appeler sa jeune fille et se faire moucher par elle avec le plus grand sang-froid.

Ce qui est très-positif, c’est la réalité du phénomène, que votre serviteur est parfaitement en mesure d’affirmer ; car il a été non seulement témoin, mais encore acteur de maintes expériences irrécusables. Par exemple, il a contribué, lui cinquième, à mettre en danse un massif et lourd guéridon de quatre-vingt-deux centimètres dediamètre, couvert d’un marbre, et avec lequel la fraude aurait été, certes, impossible. Eh bien ! au bout de cinq ou six minutes, ce guéridon remuait, s’agitait, prenait son essor, et bientôt il tournait d’une manière tellement accélérée, que les opérateurs étaient obligés de courir pour suivre l’étrange valseur. Valseur est le mot, car la rotation n’avait pas lieu sur place ; elle décrivait des ellipses plus ou moins allongées, comme 011 fait en valsant.

11 est nécessaire que la table soit bien isolée, que l’on ne soit en contact avec elle que par les mains. O11 a observé qu'en changeant la position du petit doigt, c’est-à-dire en mettant dessus celui qui était dessous, et vice versâ, on faisait changer aussi le sens de la rotation. Quant à la suspension soudaine du mouvement lorsqu’une personne étrangère à la chaîne vient à toucher un des opérateurs; quant à la faculté d’arrêter ou d’intervertir l’impulsion par la seule force de la volonté, nous avons également, et plus d’une fois, constaté ces surprenants effets. Il paraît établi que l’association des sexes différents produit des résultats plus prompts, et que les jeunes gens dégagent le fluide magnétique bien plus abondamment que les personnes âgées.

Voilà donc qui réalise la danse du balai des sorcières. Il y a trois cents ans, c’eût été jouer gros jeu que d’exécuter de pareils tours; ils auraient senti terriblement le fagot et le roussi. Aujourd’hui même, en ce temps de civilisation, allez donc en faire l’essai dans maints endroits du beau pays de France, et vous serez fortement suspecté d’avoir commerce avec le diable et de fréquenter le sabbat. Bien entendu, la plaisanterie, le canard, le charlatanisme ne manqueront pas de s’en mêler ; mais pour l’existense du phénomène, le doute, nous le répétons, semble impossible.

Comme tant d’autres découvertes, celle-ci aura été, probablement, l’effet du hasard. C’est à la science maintenant qu’il appartient de l’analyser, de la compléter; nous attendons sur ce terrain notre spirituel confrère de la Revue scicn-

tifique. Nous, profane, nous devons nous borner à dire sincèrement ce que nous avons vu, ce que nous avons senti, ce qu’ont vu et senti avec nous des personnes dont l’âge ou le caractère excluait toute supercherie, dans le cas où elle n'aurait pas été matériellement impossible; et nous croyons n’être pas plus mystifié que mystificateur.

Tu. muret.

I,a riiiusc île» tiihles.

Tous les journaux de Paris, des départements et de l'étranger nous apportent chaque jour le récil de quelque expérience nouvelle dont le résultat atteste la réalité de cc phénomène bizarre qui n’avait d’abord rencontré que des incrédules ; mais de tous les récits que nous avons lus, aucun n’égale en merveilleux celui que nous trouvons aujourd’hui dans le Courricr de Lyon.

Ce journal rend compte d’une série d’expériences qui ont eu lieu chez 51. J. B...., aux Brotteaux. Nous aurions hésité à le reproduire, nous devons l’avouer, si l’auteur du récit, 51. A. Jouve, rédacteur en chef du Courrier de Lyon, n’affirmait qu’il a assisté à la séance, et qu’il rend compte, de visu, des résultats obtenus.

51. Jouve termine en disant que, dans une séance qui a eu lieu chez 51. F...., aussi aux Brotteaux, mais à laquelle il n’a pas assisté, les faits se sont passés absolument comme dans celle dont il a rendu compte d’après le témoignage de ses sens, peut-être même avec plus de précision encore, suivant le récit qui lui en a été fait :

« Le meuble qui a servi aux expériences est un guéridon en bois de noyer, fort simple et fort léger, dont la largeur est de cinquante centimètres environ, assez bas, et à quatre pieds, sans roulettes. Sept ou huit personnes, dames ou cavaliers , dont la plus âgée pouvait avoir une cinquantaine d’années, dont la plus jeune avait huit ans, ont pris place tout autour, sans ordre déterminé, et en se conformant aux conditions indiquées par les épreuves précédentes pour produire l’isolement et former la chaîne magnétique ; les corps séparés par une distance d’à peu près trente centimètres,

les mains posées sur le pourtour de la table et en contact les unes avec les autres.

« Après une attente de vingt minutes, le mouvement ro-tatoire s’est manifesté d’abord avec hésitation et une certaine lenteur, ensuite avec une énergie croissante. Alors a commencé la série des expériences destinées à constater la sensibilité de la table, ou du moins l’action de la volonté sur ce corps inerte.

« Voici les phénomènes qui se sont successivement révélés, et que nous allons classer par catégories, avec toute l’aridité d’un procès-verbal d’huissier, en faisant observer une fois pour toutes que, dans le cours de ces épreuves, les mains formant la chaîne restent posées sur le guéridon que les opérateurs doivent suivre dans toutes ses évolutions diverses.

Mouvement de rotation.

« Une des personnes formant la chaîne dit à la table : « Tourne de droite à gauche, » et la table tourne dans le sens indiqué ; « arrête-toi, >; et elle devient immobile ;

« tourne de gauche à droite, » et après un temps d’arrêt, elle prend la direction indiquée.

Mouvement de translation.

« On dit à la table de se diriger vers la fenêtre, vers le. piano, vers la porte, et elle prend successivement ces diverses directions ; de faire le tour du salon, et elle fait le tour de cette pièce.

« Dans ce mouvement se manifestent diverses particularités qui excluent toute idée de charlatanisme ou de propulsion mécanique : le meuble ne s’avance pas en ligne droite, mais en décrivant certaines sinuosités, comme un courant qui fléchit à droite ou à gauche, suivant les obstacles ou les facilités qu’il rencontre. Souvent aussi il s’arrête, surtout lorsque l’impulsion est faible : en examinant la cause de ce temps d’arrêt, on trouve qu’il provient d’une inégalité du parquet contre lequel buttent les supports de la table. On voit alors le guéridon osciller un instant, puis incliner b. droite ou à gauche par un mouvement d’évolution sur lui-mêine, et après avoir ainsi tourné l’obstacle, reprendre la direction indiquée.

« On dit la table : « Lève-toi du côté de telle ou telle « personne ; » immédiatement après, elle se lève invariablement du côté désigné. On lui dit de frapper plusieurs coups sur le parquet, et elle obéit le nombre de fois voulu.

« Il est à observer que, dans cette épreuve qui s’est renouvelée au moins cinquante fois pendant le cours de la soirée, le côté indiqué pour opérer ce mouvement a été fréquemment changé, lors même que les opérateurs restaient tous à la même place; de telle sorte qu en supposant que l’un d’eux eût déterminé ou facilité l’oscillation par la pression de la main, il n’aurait pu le faire que dans un seul cas, mais non dans les autres.

«Dans la généralité des expériences de ce genre, la table pivotait sur les deux pieds du même côté, les deux autres s’élevant en l’air. Souvent aussi, pour empêcher le glissement des pieds touchant au parquet, on était obligé de les arrêter au moyen d’une latte en bois ou de la semelle du

soulier. , .

« L’expérience suivante a été faite à plusieurs reprises avec un succès complet. On a adressé à la table l’injonction suivante : «Lève-toi sur un seul pied , et du côté opposé à « celui auquel on applique un moyen d’arrêt. » La table se lève d’abord sur deux pieds ; ensuite, et comme par un nouvel effort, elle se lève lentement du troisième pied et reste quelques secondes dans cette position, avant de s’a-baisser sur le parquet.

Danse au piano.

« Une des personnes présentes à la réunion s’est mise au piano, et a exécuté une polka ou une valse : on a dit à la table de danser, et le meuble s’est mis à osciller sans que les pieds quittassent le sol, grâce à un léger défaut d’équilibre , mais en parfaite mesure. Ce mouvement se ralentit ou s’accélère suivant le rhythme du morceau exécuté. 11 s’arrête sur l’injonction formelle de l’un des opérateurs ; il recommence sur une injonction contraire. On a vainement tenté de rendre le mouvement plus prononcé, et de produire simultanément la rotation et l’oscillation.

' « Dans cette partie des, e#™‘ oïété’nwins des causes que nous expl l constatés ; on a dit

nets. Voici cependant ceux q ;eunes gens qui étaient à la table d'indiquer âSe dv^vSdix-huit ans, l’autre au nombre des ’ n levant les pieds du côté qui

huit ; le meuble a n,)‘n f D|)antuii nombre de coups égal lai avait été indiqué, te compter d:1a

a celui des années; , le cadran d’une pendule .ü a

manière I heure marqiu e „ 6té ordonné d’ajouter le nombre fourni onze coups. Il lui vinEt-trois coups; le cadran nulles minutes, il a frappé îs minutes. . . quait onze heures vingt-tro 4ussi quatre fois sur cinq . nuu « L’expérience suivante a r, >ersonne en frappant un coi p quer le nom de telle ou telle p • sera prononcé parmi piu-sur le parquet lorsque ce mot tateurs ont récité une no-sieurs autres; quatre expérimen la table est restée 111-menclature de noms pris au liasart exécutéle signal vou . mobile; le vrai nom prononcé, elle a nr objet de faire m « Dans les épreuves qui ont eu po, m de clefs conte quer le nombre de pièces de monnaie i 7 a eu l“113,, 9 _ dans la poche de tel ou tel assistant, il } vent la table, lité et d’incertitude dans le résultat. Sou ’ai- _ (r„_ diquô un chiffre plus considérable que le vi ' dont nou g (( Voici, cependant, un fait de cette nature incontes • rantissons l’exactitude, qui est d’une portée ’iei’ .

Un des opérateurs a demandé au meuble d’indiq. ' 8® _s manière, combien il avait de pièces dans la poclit r® £ •¡nf‘. son gilet. La table a répondu en frappant quai. îtateur

Vérification faite, il s’est trouvé qu’en réalité il y a\ ir

pièces; mais la table s’était trompée avec l’expérimei ^e_

lui-même, qui croyait n’en avoir que quatre, pensant dépensé l’une de ces pièces pendant le cours de la joun

(t Cette expérience ne prouve-t-elle pas que le meuble magnétisé n’est que le reflet de la pensée et de la volonté des opérateurs eux-mêmes ; que ces erreurs et ces tergiversations sont le lait de ces derniers, et non celui de ce corps inerte, agissant comme un miroir qui reproduit, avec ses difformités et dans toute sa mobilité, l’objet placé en face de lui?

(( Ainsi que nous l’avons dit, il y a eu dans cette séance diverses déceptions et irrégularités. Pour un observateur

atlcnlif, elles s’expliquaient, dans la plupart dos cas, par l’incohérence et souvent par l’opposition des volontés. 11 est facile de comprendre, en effet, que dans une réunion de personnes rassemblées par la curiosité et qui cherchent à se procurer une distraction agréable, 011 ne saurait établir la discipline et l'unité qui seraient nécessaires pour obtenir des résultats d’une perfection parfaite. Indépendamment do cela, les fréquentes ruptures de chaînes, les changements qui ont lieu par le fait d’opérateurs qui se retirent de la chaîne et qui font place «à d'autres, les inévitables contacts avec des personnes qui 11e font point partie de côjle-ci, tout cela contribue à amoindrir la puissance du flimle et à rendre les effets incertains; ils sont presque infaillibles toutes les fois qu’il y a unité parfaite de pensée et de volonté.

« Du reste, il est à remarquer que la force mystérieuse qui se développe ainsi est loin d’être sans limites. L’obstacle le plus constant et le plus naturel qu’elle rencontre, c’est celui de la gravité. C’est çé qui explique pourquoi beaucoup de personnes qui ont opéré sur des meubles du poids de vingt ou trente kilogrammes, et qui se sont rebutées d’une longue attente, n’ont pas réussi.

« La séance d’hier s’est terminée par une épreuve qui a constaté de nouveau ^influence de cet obstacle. Sur la table magnétisée, 011 a placé un enfant de l’âge de huit ans, et qui quintuplait pour lé moins le poids du meuble. Toute la puissance de volonté des opérateurs et la docilité de la table magnétique ont échoué devant cette addition de résistance. L’âge et la disposition d’esprit ou de volonté de ceux-ci paraissent être aussi pour quelque chose dans la reproduction des phénomènes. Avec sa vivacité et son énergie de volonté, la première, jeunesse paraît beaucoup plus apte à produire les effets désiFési On a remarqué que la retraite de certaines person-BeSsCOfltribuait à augmenter l’énergie du fluide magnétique, efeefue tous les phénomènes se reproduisaient avec plus de promptitude et de spontanéité que lorsqu’elles participaient activement à l’expérience. »

(Presse du 11 mai.)

Ce qu’on vient de lire est bien surprenant ; voici pourtant quelque chose qui l’est encore davantage. C’est un homme grave qui va parler, et la première partie des faits qu’il relate s’est passée en présence d’une douzaine de nos collaborateurs réunis pour vérifier les phénomènes annoncés.

Monsieur Hébert,

I,cs expériences faites lundi dernier chez M. du Potet, sur les tables mouvantes, ont dû convertir les plus sceptiques et vous ont paru, ii vous aussi, de nature à ne plus laisser l’ombre d’un doute sur la réalité de ce phénomène extraordinaire; extraordinaire encore, puisque nous ne pouvons nous en rendre compte, mais dont on ne tardera pas, je pense, à découvrir la loi. Seulement, pour parvenir à l’expliquer, ce n’est pas en présence d’un public nombreux et, de sa nature, porté à tout saisir par le côté plaisant et amusant, qu’il faudra expérimenter, mais en petit comité, où il soit possible de procéder avec une attention bien soutenue par une série d’expériences sérieuses et méthodiques. Déplorable tendance, en vérité, que ce premier mouvement du caractère national, de se laisser prendre toujours à la superficie des choses, et de trouver en tout et partout, et avant tout, matière plaisanterie, comme cela se voit dans les séances de M. du Potet, où les phénomènes les plus graves, au lieu d’émouvoir et de stimuler la réflexion, n’excitent jamais qu’une plate et triviale hilarité.

De toutes les choses extraordinaires que nous a fait voir ce petit guéridon de M. de Rancé, certes la plus merveilleuse est bien la manière dont il se comporta pour vaincre l’inertie que lui opposait cette grande et lourde table sur laquelle on l’avait placé. Voyez-vous encore ce brusque mouvement que, obéissant à l'injonction de M. du Potet, il fit vers la rainure de la table, tâchant d’y emboîter son pied pour y trouver un point de résistance qui lui permît de pousser, de remuer, d’actionner cette table sur la surface lisse de laquelle il s’agitait en glissant toujours ? Et il y revenait sans cesse, et à chaque injonction nouvelle, aux commandements réitérés, aux encouragements qui lui étaient adressés,

— car en ce moment on eût dit qu’il avait conscience de

ce qui se faisait — on le voyait agir avec une persistance qui décelait la volonté bien arrêtée d’un être animé, suivant les impulsions d’une intelligence en lui individualisée; de telle sorte que, par trois fois, à notre grand ébahissement, il réussit à déplacer cette table, comparativement d’une pesanteur spécifique énorme, et à l’emporter victorieusement dans son mouvement circulaire. Courage ! appuie forme ! mords-la! s’écriaient alternativement M. de Rancé et M. du Potet, et, comme le cheval de trait attelé au chariot surchargé et faisant grincer le pavé sous ses fers, le guéridon faisait des efforts inouïs, appuyait, mordait et accusait un surcroît de force et de poids tel, que nous en avons pu constater les traces (peu agréables peut-être pour M'n0 du Potet), sur l’acajou pas mal égratigné de ce géant vaincu par un pygmée. C’était stupéfiant !

Après cette expérience et l’autre, non moins inconcevable , des deux tables frappant ensemble vingt-trois coups — le nombre juste des personnes présentes, — il n’y avait plus moyen de nier, il fallait bien se rendre à l’évidence. Car l’attention des observateurs était portée sur les mains, les mains étaient bien posées sur la table (c’est de la grande que je parle, car, vu la pesanteur, il n’y avait pas d’illusion possible, et c’est sur elle surtout que l’expérience me parut concluante) ; d’un côté, on ne pouvait la soulever et alternativement la laisser retomber, pour simuler les coups; et de l’autre, il eût fallu une pression exorbitante, à mains d’hommes impossible, pour l’emporter par surcharge, et cela vingt-trois coups durant, régulièrement frappés avec l’exactitude compassée d’un instrument de précision.

Eh bien ! mercredi soir, chez un ami (M. Louis Lacombe, compositeur et pianiste connu), nous avons, à quatre, répété avec un succès complet les expériences du guéridon. Un meuble semblable s’est mis en mouvement après vingt-deux minutes d’imposition manuelle. Nous lui avons fait décrire, par commandement à haute voix, toutes les évolutions possibles ; il a obéi de môme à ma simple volonté mentale. M. L... me demanda de faire répondre à une pensée , sur

laquelle il refusait toute explication. J’ordonnai, et cinquante-deux coups furent comptés par les daines, tandis que j'encourageais de vive voix notre somnambule k trois pieds. M. L... alla compter les touches île son piano, car telle avait ôté sa pensée ; celle fois, le guéridon s’était trompé de deux coups : il n’y avait que cinquante touches. Mais ceci est une question secondaire, ou, pour mieux dire, réservée ; il s’agit, avant tout, de constater l’action du meuble et sa spontanéité. L’intelligence apparente qui s’y manifeste est-elle ou non une transmission de pensée, la réflexion de notre propre intelligence? C’est ce qu’on saura plus tard.

Soit fatigue, soit surexcitation magnétique d’une nature très-impressionnable, M'"° L... faillit se trouver mal, elle avait des nausées et le système nerveux dans une grande exaltation. Se redressant tout à coup sur le sofa où elle venait de prendre un peu de repos : « Je me sens dans un état extraordinaire, s’écria-t-elle, dans un état à, magnétiser le premier venu ! Voyons si je ferai à moi seule marcher la table ! » A ces mots, attirant à elle le guéridon et appuyant légèrement contre le rebord les faces palmaires en opposition à peu près diamétrale ou polaire : « Je le sens se mouvoir, » dit-elle; et, en effet, à l’instant même, le petit meuble partit et parvint, non sans peine, il est vrai, mais d’une manière vraiment curieuse, à, se dégager du tapis, dans les plis duquel ses pieds à chaque instant s’accrochaient, tandis que nous étions à retirer, tant bien que mal, et à jeter de côté le malencontreux tapis. Une fois libre, le guéridon se mit à exécuter les évolutions les plus extraordinaires sur le parquet, se dirigeant, par trémoussemenls, glissades et soubresauts pour ainsi dire nerveux, d’abord dans la direction du nord, puis, par une longue et rapide diagonale, vers le sud, et revenant sur lui-même, il se mit à décrire en tous sens des méandres, des losanges, des triangles, trapèzes et autres figures, entraînant dans ses mouvements M'“' L..., haletante, qui ne voulait pas quitter prise, et ne pensait pas à diriger ou à arrêter le meuble par un acte de sa volonté. Nous la suivions, roulant après elle un fauteuil pour la faire

asseoir ; mais elle ne le pouvait, les évolutions changeant trop souvent et trop brusquement de direction, et dut. dejguerre lasse, abandonner la partie.

A la vue de ces mouvements étonnants et dos figures singulières qu’ils traçaient, j’ai pensé, — et vous ne rirez pas de ma présomption, mon cher monsieur Hébert,—j’ai pensé, dis-je, que ce que je voyais là pouvait bien n’être pas aussi extravagant qu’on était tenté de le croire, et rentrait peut-être dans un ordre typique, c’est-à-dire, que ces évolutions linéaires répondaient à une loi primordiale, modifiée ici dans son développement par la réunion de deux individualités actives dans des conditions voulues, semblable à l’ordre, par exemple, dans lequel se montrent et se succèdent en médecine les symptômes d’une maladie ; j’ai pensé qu’une série suffisante de dessins tracés sur ces évolutions, et comparés entre eux, pourrait accuser un type constant, et par là jeter quelque lumière sur la nature du phénomène qui, en ce moment, occupe toutes les têtes. Ce n’est là qu’une hypothèse, il est vrai, mais encore est-il utile de l’émettre. Je reviens à ma soirée.

M. L..., à son tour, voulut, seul, essayer sa puissance, mais ne put animer le meuble. Mmo I,..., après quelques moments de repos, vint joindre son action à celle de son mari (toujours touchant légèrement, l’un et l’autre, de la face palmaire le rebord du meuble), et aussitôt le guéridon partit. Alors l’idée me vint de le soumettre à des essais de volition attractive et répulsive, sans contact, au moyen des mouvements usuels dans ces sortes d’expériences sur les sujets magnétisés ou sensibles au magnétisme. Je traçai rapidement et à distance, c’est-à-dire sans le toucher, au-dessus du guéridon, une diagonale en guise de passe magnétique (précaution superflue, peut-être, pour me mettre en rapport avec le meuble), jelvii présentai, toujoursà distance, le bout des doigts et tirai à moi. Le guéridon suivit, tantôt en glissant, tantôt par soubresauts , selon le poli ou les aspérités du parquet, dans la direction de ma main ; je lui présentai la paume de la main dans l’intention de l’arrêter, et il s’arrêta tout

court. Par un petit mouvement brusque je portai la main en avant, et il recula ; je poursuivis ce même geste en avant, et le mouvement de recul continua, et toujours en raison de l’intensité du geste accompagné de voütion. Enfin, moi avançant toujours, mais toujours à distance, bien entendu, le meuble recula tant et si bien, que ma main se soulevant, il se souleva de môme du côté où elle se présentait, semblable à un cheval se cabrant à la vue d’un objet redouté, et, par un dernier mouvement brusque de ma main dans l’air, fut renversé du côté opposé.

Dans tout ceci, mon cher Monsieur, il n’y a pas eu d’illusion possible, veuillez le croire ; l’expérience a duré trop longtemps, elle a été par nous trois saisie et observée avec une attention trop soutenue, et, du côté de M. L... comme du mien, avec un calme trop parfait — ce qui se conçoit, puisque notre but était de nous fixer, mie fois pour toutes, sur la réalité du phénomène — pour que l'illusion ou l’erreur involontaire puisse être admise. Comment, d’ailleurs, mes co-expérimentateurs eussent-ils pu agir par pression involontaire dans le sens de ma pensée, qu’ils ne connaissaient pas, puisque, dès le début, je ne l’axais formulée que mentalement? Cette expérience a, pour moi, la valeur d’un fait acquis et dûment constaté. Nous verrons si je me trompe.

Je dois vous dire aussi que, chezM. L... encore hier soir, mais dans une réunion plus nombreuse et des conditions infiniment moins favorables, voulant répéter ces essais avec d’autres personnes plus ou moins croyantes, patientes et sérieuses, nous avons coniplétemeut échoué. C’est-à-dire que le guéridon a tourné, mais dans un tel tohu-bohu des exécutants disputant pour et contre, qu’il n’y avait pas moyen de constater la sincérité de l’exécution, en effet fort suspecte. C’est-à-dire encore, que placé entre les faces palmaires de M“e 1,..., le guéridon s’est mis en mouvement ; mais qu’on a cru devoir appliquer à ce phénomène la théorie de la contraction musculaire émise par M. l’abbé Moigno. C’est au point de vue de cette théorie surtout, et sous le contrôle de l’observation la plus méticuleuse, qu'il faudra étudier la.

question, pour découvrir la cause mouvante, la loi du phénomène; pour parvenir à établir enfin d'une manière incontestable l’une ou l’autre de ces deux hypothèses contradictoires : ou de la participation de corps inanimés à l’existence de l’organisme humain par contact et courant vital, ou de l’action mécanique, comme l'explique M. l’abbé Moigno, par sa théorie si simple, sans doute, mais non moins hypothétique pourtant, de la tendance au mouvement des impulsions musculaires exercées sans une conscience parfaite peut-être, niais exercées réellement sous l’influence de la pensée, de l’imagination et un peu de la volonté.

La valeur de la simplicité, disons-le en passant, sur laquelle appuie M. l’abbé Moigno, pourrait bien n’être ici que spécieuse. 11 est des théories fort simples qui ont dû céder à des théories plus simples encore, et même à d’autres d’une simplicité bien réelle, mais beaucoup moins facile à saisir. A vrai dire, il est bien plus simple de faire tourner le soleil autour de la terre, que la terre autour du soleil ; et celui qui le premier soutint que la terre est ronde, a dû passer pour fou, car l’assertion, pour être simple, n’était guère plus claire ni même aussi croyable que l’avis contraire. La simplicité théorique est donc relative, et peut couvrir tout aussi bien l’erreur que la vérité; nous n’en saisissons la juste valeur qu’en démontrant l’identité de la théorie et de la loi qu’elle explique. Or, c’est précisément à la recherche de cette loi que nous appliquons nos théories en ce moment, et la démonstration reste à faire.

11 n’en sera pas moins prudent aux magnétiseurs d’agir avec la plus grande réserve, et de n’établir aucune solidarité hâtive et compromettante entre la cause qu’ils défendent et le phénomène nouveau qui se présente. Cette recommandation, je le crois, est de bon conseil. Les esprits sages, espé-rons-le, contiendront les esprits aventureux sur cette pente séduisante, mais dangereuse, sur laquelle nous voyons tourner plus de têtes que de tables, et procéderont dans le calme à des investigations consciencieuses. Si réellement le phénomène de l’attraction et de la répulsion magnétique, telj[que

j’ai la conviction clc l'avoir observé, —je ne dis pas la certitude, car la certitude scientifique exige une série entière et méthodique de faits analogues finement observés ; — si réel-lement, dis-je, cette expérience se confirme, nous aurons un point de départ et un grand pas de fait. J’avoue que cette confirmation pour moi serait une grande satisfaction.

Auc. GATHV.

Paris, 14 mai 1853.

P. S. J’ai un autre fait curieux vous apprendre, mais le temps me manque, ce sera pour une autre fois.

2° COLTS MYSTÉRIEUX.

M. L. Sœhnée, de Wissembourg, nous a envoyé l’article suivant, traduit d’un journal allemand intitulé : Magikon, ou Observations tirées du monde des esprits et des phénomènes magnétiques, lequel se publie à Stuttgard. Ce qui suit est extrait du cahier de mars 1852.

I.'esiirit fruiipcur de MIMicsdorf.

«L’histoire de l’esprit frappeur de Dibbesdorf, dans laBasse-Saxe, a son côté divertissant, mais, bien plus encore, son côté instructif pour notre civilisation. Cela ressort des nombreux documents officiels qui ont été rassemblés, en 1811, par M. Capelle, prédicateur.

« Le 2 décembre de l’année 1761, à Dibbesdorf, dans la maison du sieur Antoine Kettelhut, ouvrier des salines, on entendit, dans la chambre, à six heures du soir, des frappements qui semblaient venir de dessous du plancher.

« Kettelhut ne doute pas que ces coups de marteau ont pour auteur son valet qui, par là, voulait effrayer les servantes de la maison et du voisinage, réunies pour filer. 11 sort dans l’intention de verser un pot d’eau sur la tête du mauvais plaisant, mais il ne trouve personne. Au bout d’une heure, les coups se firent entendre de nouveau, et, cette fois, on supposa que ce bruit était occasionné par un rat. Le lendemain, on se mit à démolir les murs, le plancher et le plafond, mais on ne trouva rien. Sur ce, on ne douta plus

que cette maison était le .siège de quelque revenant, et les (ileuses refusèrent de s’y réunir dorénavant. Bientôt après, cependant, 011 n'entendit plus frapper; le silence fut complet, mais l’esprit frappeur se retira dans une maison située à cent pas plus loin, et habitée par Louis Kettelhut, frère d’Antoine, également ouvrier employé aux salines. Là, dans un coin de la chambre, vers le soir, chaque fois 011 entendait frapper avec une force extraordinaire. Les paysans finirent tous par être saisis d’effroi, et le bailli en fit son rapport à la justice. Regardant la chose connue ridicule, les juges, dans le principe, n’y firent aucune attention. Cependant, après les instances réitérées des paysans, ils se rendirent, le 6 janvier 17(58, à Dibbesdorf, pour y procéder aux recherches les plus minutieuses. O11 procéda successivement à la démolition des murs, du plafond et du plancher, sans obtenir aucun résultat, et la famille Kettelhut, à laquelle le serment fut déféré, déclara que la cause de ces bruits lui était totalement inconnue.

« Jusqu’alors 011 n’avait pas encore adressé la parole à l’esprit frappeur. Un homme de Waggum en eut le premier le courage. Il prononça ces paroles : « Esprit frappeur, es-t i « encore là? » lin coup de marteau fut la réponse. Il lui fit cette autre question : « Quel est mon nom ? » Là-dessus, il prononça une foule de noms, et quand il en vint au sien, un coup de marteau se fit entendre. Ce résultat encouragea les autres paysans. L’un d’eux demanda : « Combien y a-(i t-il de boutons à la totalité de mon vêtement ? » Trente-six coups furent aussitôt frappés, et c’était là le nombre exact des boutons.

« Bientôt après ces épreuves, il 11e fut bruit, de près et de loin, que de l’esprit frappeur. Tous les soirs, des habitants de Brunswick se rendirent par centaines à Dibbesdorf; beaucoup de riches Anglais firent aussi ce pèlerinage. Il n’y avait à Dibbesdorf qu’un faible détachement de troupes, trop peu nombreux pour maintenir l’ordre au milieu de la cohue de monde qui y tourbillonnait. Les paysans furent commandés en plus grand nombre, pour les gardes de nuit. L’affluence

était telle, qu’on fui obligé de barricader la chambre aux coups mystérieux, et, par une seule ouverture, on y laissa pénétrer un à un les curieux. Cet immense concours de monde parut flatter l’esprit frappeur; il se proposa, en conséquence, de faire des choses plus merveilleuses encore, et il y réussit. Jamais aucune question ne l’embarrassa; toujours il répondit juste. Voici quelques-unes des questions qui, suivant les documents officiels, lui ont été posées. Lui demandait-on, par exemple, combien de chevaux il y avait devant la maison, et de quelle couleur ils étaient, toujours le nombre et la couleur étaient indiqués au juste. Un des assistants prit un livre de cantiques, et posa son pouce sur le numéro d’une des pages de ce livre, avant même d’avoir remarqué quel était ce numéro ; les coups souterrains devinèrent juste. Jamais il ne fallait longue réflexion à l’esprit, et les réponses succédaient., sans le moindre intervalle, aux questions. Il indiqua, par le nombre de coups frappés, le nombre de personnes présentes, et combien il y en avait au dehors, sur la prairie. Aux questions à lui adressées sur la couleur des cheveux des personnes, celle de leurs vêtements, sur leur métier et leur position sociale, il répondit juste. Parmi les curieux, il se trouva un jour un homme de Stettin, inconnu Dibbesdorf, et qui, depuis peu seulement, était venu à. Brunswick. Il pria l’esprit de lui nommer le lieu de sa naissance, et il chercha en même temps à le dérouter; il prononça rapidement, à cet effet, nombre de noms de villes. Silence complet. Stettin fut nommé et salué aussitôt d’un coup de marteau. Un bourgeois, qui se croyait bien malin et bien sûr aussi de dérouter l’esprit au sujet d’une bourse remplie de pfen-nings, et qu’il avait dans sa poche, lui demanda quel était le nombre de pièces contenues dans cette bourse. Six cents quatre-vingt-un coups se succédèrent : c’était le nombre des pièces. L’esprit devina de même combien de petits pains un boulanger présent avait cuits dans la matinée ; combien un marchand, aussi présent, avait auné de rubans le jour précédent, et quelle était la somme d’argent qu’un négociant.

présent également, avait touchée l'avant-veille à la poste.

« On peut dire que cet esprit était d’une humeur gaie. Si 011 l’en priait, par exemple, il battait en grange avec la mesure usitée, mais si fortement qu’il fallait se boucher les oreilles.

« A la prière du soir, avant le souper, au mot amen, il ne manqua jamais de le répéter à sa façon. Un soir, un sacristain entendant cela, et animé d’un saint zèle, alla revêtir sou habit d’église, et revint pour exorciser le diable, comme il disait, et le chasser de son coin de prédilection. Cette cérémonie, comme de raison, n'aboutit à rien. L'esprit frappeur n’avait peur de rien et ne craignait personne, quel que fût le rang de ceux qui venaient pour l’interroger.

n Interrogé un jour pai- le duc régnant de Brunswick, Charles, et son frère Ferdinand, il donna à leurs altesses des réponses aussi crues et tranchées qu’aux personnages les plus vulgaires ; mais aussi, à partir de ce moment, cette histoire prend-elle un caractère tragique.

« Le duc chargea un médecin et un jurisconsulte d’examiner cette affaire ; ces savants personnages déclarèrent, dans leur sagesse, que tous ces bruits provenaient de sources souterraines. En conséquence, ils firent creuser à huit pieds de profondeur, et ils trouvèrent... quoi? de l’eau; ce qui n’a rien d’extraordinaire, car Dibbesdorf touche aux prairies si fertiles dites Sclnmterwiesen. Cette eau jaillit en abondance et inonda la chambre; mais l’esprit ne se laissa pas dénicher de son coin, et il se mit à frapper de plus belle. Alors nos hommes de science déclarèrent qu’il y avait fraude dans cette affaire, et ils firent l’honneur au valet de la maison de le désigner comme l’esprit frappeur, et sachant tout. Selon eux, son but était de répandre l’effroi parmi les servantes réunies pour le même travail, chacune à son rouet. A jour et heures fixes, il fut ordonné à tous les habitants de Dibbesdorf de ne pas sortir de leurs demeures. Le valet eu question , si violemment soupçonné par les deux savants, fut soumis à une surveillance spéciale. Bien sûrs de leur fait alors, ils se mirent à interroger l'esprit. Quelle ne fut pas

leur stupéfaction, quand toutes leurs questions furent suivies de réponses ! Force fut donc ces messieurs de reconnaître que le valet n’avait aucune participation à, tout ce qui se passait. Toutefois, la sérénissime justice ne voulait pas en avoir le démenti : il lui fallait une victime. Ces messieurs s’en prirent, en conséquence, aux époux Kettelhut, gens très à leur aise, d’une honnêteté généralement reconnue, et qui les premiers étaient consternés par la présence dans leur maison d’un tapageur invisible. Ces messieurs eurent l’indignité de s’adresser à une jeune bonne d’enfants qu’ils gagnèrent par menaces et par promesses. Celle-ci, ainsi circonvenue, finit par déclarer que c’étaient les époux Kettelhut eux-mêmes qui frappaient les coups que l’on antendai!. Aussi, par suite de cette déclaration, furent-ils tous deux jetés au cachot dans la maison de force. Plus tard, cependant, la même fille qui les avait accusés, poussée par le remords, se rétracta. Elle affirma, sous la foi du serment, que les messieurs de la justice lui avaient extorqué un mensonge ; que ses maîtres étaient innocents, aussi vrai qu’il y a un Dieu au ciel. Malgré cette déclaration , on retint encore les époux Kettelhut dans la maison de force, quoique durant leur détention les coups mystérieux n'eussent pas cessé de se faire entendre dans leur maison. Ce n’est qu’au bout de trois mois ipie l’on rendit la liberté aux prisonniers, mais ils furent relâchés sans indemnité. Procès-verbal fut dressé par de vénérables commissaires délégués, qui assurèrent au duc avoir employé tous les moyens imaginables pour découvrir la vérité; mais que l’avenir seul pourrai t jeter quelque clarté sur cette affaire. Jusqu’à ce jour, cependant, cette clarté n’a pas encore lui.

« L’esprit frappeur s’était logé dans la maison Kettelhut au commencement du mois de décembre; il y séjourna jusqu’en mars, où le silence se rétablit dans cette habitation.

« Chose inconcevable, on s’arrêta encore une fois à l’idée que celui qui frappait les coups ne pouvait être autre que le valet déjà mentionné. Cependant, il est impossible que ce valet ait pu avoir connaissance de tout ce (pii avait été tenté par deux ducs, par des médecins, par des juriscon-

suites, cl par des centaines d’autres personnes, pour tendre un piège à, l'esprit : il y aurait été pris. L’esprit seul a pu les éviter.

K Si je ne me trompe, l’esprit frappeur de Dibbesdorf peut être regardé comme le premier de sa race et fondateur d’ordre; avant lui, il n’est fait mention nulle part d’êtres de cette espèce. 11 n’en est fait aucune mention dans les horribles récits du livre intitulé : De Panurgia lamiarum, Sa-garnm, Strigarum ac Venifuarum totiusque cohortis Ma-gieœ cacodœmonia libri très; Hambourg, 1Ô87, m-4°. Cet ouvrage, écrit en allemand corrompu, a pour auteur le magister Samuel Meigeirius ; il conüent de précieux documents pouvant servir à l'histoire de la civilisation pendant le xvi” siècle. Nicolas llimigii a fait imprimer à Hambourg, en 1693, un ouvrage in-8°, intitulé : Dœmonolatria, ou Description des Sorciers cl Sorcières. Ce livre contient une foule d’anecdotes du plus haut intérêt. Mais ici aussi, comme dans l’ouvrage cité plus haut, il n’est fait nulle mention d’esprits frappeurs.

« D' Justinus KERNEU. »

Il y a dans ce dernier paragraphe une erreur historique assez importante à signaler. C’est que si, en Allemagne, il n’est point question d’esprits frappeurs avant 1761 , on en parlait en France plus de deux siècles auparavant. En effet, Montalembert, aumônier de François I", a publié en 1528 un petit in-4° intitulé : Ilistoirc de l'esprit qui depuis naguères s’est apparu au monastère des religieuses de Saint-Pierre de Lyon, dans lequel on voit que l’Esprit répondait par de petits coups aux questions qui lui étaient adressées.

Ce livre est dédié au ioi, on le trouve à la Bibliothèque de la rue de Richelieu.

HÉBERT (de Garnay).

VARIÉTÉS.

Législation. — Le Moniteur belge du 31 mars contient uneloi sur l’exercice de la médecine, dont il résulte que la pratique du magnétisme est libre en Belgique. En voici le texte :

« Article unique. — L’article 18 de la loi du 12 mars 1818 est interprété de la manière suivante :

« Il y a exercice illégal d’une des branches de l’art de guérir', lorsque habituellement une personne non qualifiée, en examinant ou visitant les malades, remet ou prescrit un rcmhle pour guérir certaines maladies, indique la manière de l’employer, soit quelle agisse dans un but de spéculation ou de charité, soit qu’elle prenne ou non le titre de docteur. »

Or lo. magnétisme n’étant pas une des branches de l’art de guérir, 011 peut l’exercer sans être qualifié, c’est-à-dire sans diplôme; attendu qu’on 11’en délivre que pour les branches officielles de l’art de guérir.

Le magnétiseur qui ne remet et ne prescrit aucun remède, et qui n’a besoin ni d’en remettre ni d’en, prescrire pour guérir radicalement une foule de maladies, ne peut donc être poursuivi en Belgique pour avoir soulagé ses semblables trop souvent abandonnés par la médecine légale.

On 11e pouvait attendre moins de la tolérance et des lumières des médecins et des représentants belges.

On n’oubliera pas sans doute de porter un toste à M. Vlem-minx , président de l’Académie de médecine, dans le prochain banquet anniversaire de la naissance de Mesmer, à Paris.

JOBARD.

Fctc «le Mesmer. — L’erreur eut souvent des autels; le mensonge reçut des hommages, des fûtes lui furent consacrées : bien rarement, hélas ! la vérité rassembla les hommes ! Nous voulons offrir un grand exemple en nous réunissant nombreux et animés par une môme pensée, pensée qui n’emprunte rien à la passion ni aux vaines opinions des hommes.

Notre fête est un tribut de reconnaissance envers celui qui ouvrit nos yeux à la lumière, une consécration de la vérité qu’il remit en nos mains. Nous convions donc tout magnétiste qui ne s’est point sali par des actes de charlatanisme; nous appelons à prendre rang parmi nous ceux qui, se regardant comme égaux dans le bien, veulent l’émulation dans les recherches et les actes, non la rivalité. Nous espérons un nombreux concours ; tous les hommes, d’abord, à qui nous avons enseigné la route du vrai, viendront à nous, puis les disciples de nos anciens maîtres, et enfin nos amis.

Réveiller de vieux souvenirs, marquer le progrès accompli, indiquer à nos successeurs les travaux inachevés, voilà notre tâche ; puissions-nous remplir dignement la mission délicate qui nous a été confiée par le /unj magnétique !

Baron DU POTET.

Eîevne »¡es Joarnaux. — On lit dens Y Union du 17 courant :

> Les beaux jours de Mesmer sont revenus ! Le 23 mai est la date de la naissance de ce célèbre magnétiseur. Tous les magnétiseurs de l’Europe se sont donné rendez-vous à Paris pour célébrer, le 23 mai 1853, cet anniversaire, dans un grand banquet de trois cents couverts.

» MAC-SHEEHY. »

Le Gérant : 1IÉBERT (de Garnay).

INSTITUTIONS.

I-'ète de Mennicr.

119' ANNIVERSAIRE. — S' CÉLÉBRATION A PARIS.

Cette année la naissance de Mesmer a été célébrée par un banquet de deux cent cinquante couverts, dans l’immense salle du Waux-Hall. ("est la plus nombreuse réunion de ce genre qui ait jamais eu lieu, et pourtant elle surpassait encore celle de l’an dernier par l’éclat de sa composition. Si cette progression continue, on ne trouvera bientôt plus dans Paris un local assez grand pour contenir tant d’adeptes choisis, venant de tous les coins du monde pour glorifier l’auteur de la doctrine magnétique.

Spectacle curieux et nouveau ! La vérité triomphante voit ses apôtres et ses défenseurs réunis pour rendre hommage au génie puissant de Mesmer. Ils appartiennent à tous les rangs de la société : magistrats d’un ordre élevé, officiers généraux, députés, diplomates, médecins en renom, négociants, ecclésiastiques, artisans, tous hommes de cœur, unis par le bien qu’ils ont fait et la possession d’un principe qui éclaire leur intelligence.

Cette fête réunissait aussi beaucoup de dames, ce qui lui donnait un charme plus grand. En effet, ne contribuent-elles point à nos succès? Les magnétistes savent qu’elles sont de puissants auxiliaires par les merveilleuses facultés dont la nature les a douées par privilège. Nous sentions tous que la présence au milieu de nous d’êtres aussi sympathiques donnait une sanction à nos principes, à nos actes et à, nos discours.

Le 23 mai était donc pour nous tous un beau jour. Mais pour M. le baron du Potet, notre digne président, cet infatigable pionnier, il devait avoir un double attrait.

C’est que rien n’est plus doux, en effet, pour l’homme que

iosie XII. — N° £«t. — 25 Mai 1855. ]î

l’âge marque de son sceau, que de voir la vérité, dont il porta si longtemps le fardeau, arriver avec lui vers sa dernière étape ! Mourir avec l’espoir au cœur, c’est quelque chose déjà; mais voir clairement le succès définitif, c'est le bonheur parfait !

Nous qui connaissons son cœur, nous sommes assuré qu’il était le plus heureux de cette nombreuse assemblée, et tous les convives le sentaient bien, car chacun individuellement le félicitait et semblait lui dire : Lorsque vous ne serez plus, votre place est marquée à côté de celle des Deleuze et des Puységur !

L'heure venue, chacun prit place à table. Le couvert, dressé en forme de trident, sur une longueur de trente mètres, offrait un aspect magnifique. Le jury magnétique occupait le pourtour de l’extrémité fermée de cette immense table; au bas d’une tribune sur laquelle étaient placés les bustes de nos maîtres. Cette disposition donnait au banquet une physionomie particulière ; on voyait que ce n’était pas d’un repas seulement qu’il s’agissait, mais de continuer une tradition déjà ancienne, d’honorer la mémoire de Mesmer et de faire connaître à l’assemblée le nom des hommes que le jury magnétique avait jugés dignes de recevoir une marque de reconnaissance pour les services rendus à la cause du magnétisme.

~ Le repas terminé, M. du Potet prit la parole et, dans un discours chaleureux, retraça à grands traits cette lutte acharnée des savants contre une vérité réelle qui doit un jour, par sa sublimité, changer la face du monde. Le discours de M. du Potet, non étudié, abrupte peut-être, avait par cela même un caractère particulier, et nos grands savants, s’ils l’eussent entendu, n’en auraient été que médiocrement flattés.

Nous regrettons de ne pouvoir donner ici cette page vivante et éloquente de notre histoire, ce discours où respirait les plus purs sentiments ; mais le temps a manqué à M. du Potet pour écrire ses propres paroles. Les forces humaines ne suffisent plus à l’homme qu’une multiplicité de rapports force à être toujours en présence du public.

Les bravos et les applaudissements prolongés de toute l'assemblée ont dû lui faire comprendre toute la sympathie qu il inspirait et combien son dévouement était apprécié.

Après le discours de M. du Potet, parlant comme président, vint le tour des orateurs inscrits.

M. Morin, que les lecteurs du Journal du Magnétisme connaissent déjà par sa belle défense dans un procès où le somnambulisme était en cause, et par des travaux d’expérimentation magnétique très-remarquables, s’est exprimé ainsi :

« AUX PROGllÈS DU MAGNÉTISME I

ii Cette science, longtemps méconnue, retrouvée par Mesmer, vulgarisée par les travaux de ses illustres successeurs, est appelée à jeter prochainement le plus vif éclat, à répandre sur le monde sa lumière bienfaisante. Déjà elle nous avait appris à soulager les infirmités humaines, quand la science ollicielle était réduite à confesser son impuissance ; elle dotait certains individus de facultés admirables, leur permettait de lire la pensée, de communiquer sans le secours des sens de voir à des distances prodigieuses, de découvrir toutes' les lésions du corps humain et les remèdes les plus propres à les guérir; cette science se manifestait par une foule de phénomènes merveilleux que' l’ignorance, la routine ou la superstition cherchaient en vain à nier. Aujourd’hui elle se révèle par des faits tellement multipliés, tellement évidents, que le doute n’est plus possible, et que les adversaires du magnétisme vont être obligés d’avouer piteusement leur défaite. L’homme commande aux êtres inanimés comme à ses propres organes : un ordre émane silencieusement de sa pensée, et la matière obéissante vient docilement se rendre à ses désirs. Bien plus, elle répond à ses questions, satisfait sa curiosité, lui donne même des solutions qu’il eût été par lui-même incapable de trouver. Ainsi, d’un corps inerte s’échappent les éclairs d’une intelligence mystérieuse, qui semble l'animer momentanément. L’esprit, étourdi à la vue de pareils prodiges, est reporté, comme malgré lui, aux chênes de Dodone, qui rendaient des oracles, ou à ces génies complaisants qui, chez les Orientaux, se mettaient au service des hommes doués d’une volonté assez forte pour leur parler en maîtres. Les rêveries fantastiques des poètes, des mythologues et des romanciers, deviennent une réalité. Ce qu’on avait regardé comme des écarts d’imaginations vagabondes

n'était qu’une intuition de l’avenir. L’homme, destiné à régner souverainement sur la nature, reconquiert ce pouvoir sublime qu’il avait laissé perdre et dont il n’avait conservé qu’un vague souvenir. Que des personnages frivoles, tout en se croyant positifs et profonds, ne voient que des jeux d’enfants dans les exercices de tables qui tournent et qui dansent ; le sage y voit la résurrection des facultés les plus éminentes, les plus précieuses. Qui peut dire jusqu’où elles s’étendront? Qui peut fixer la limite de leur application? Qui oserait calculer la puissance énorme qu’acquerra cette nouvelle force, quand 011 saura l’accumuler et la diriger ? Qu’on songe que l’électricité n’était, à son début, qu’une amusette, une force infinitésimale, soulevant à peine un léger morceau de papier, à l’aide d’un bâton de cire; et qu’aujourd’hui elle foudroie, soulève les masses les plus lourdes, transmet instantanément nos correspondances d’un pôle à l’autre, et se prête, grâce aux progrès de la science et de l’industrie, à mille autres usages aussi curieux qu’utiles. U11 avenir bien autrement brillant attend le magnétisme, non-seulement dans l’ordre physique, mais aussi dans l’ordre moral. Dans les phénomènes qui, aujourd’hui, occupent l’attention publique et attirent forcément les regards de ceux qui étaient restés indifférents à tant d’autres merveilles, 11e faut-il pas voir l’aurore d’une révolution humanitaire?... N’entendons-nous pas, au delà de l’Atlantique, ces hommes religieux qui, eux aussi, retrouvent des secrets longtemps oubliés, renouent la chaîne des générations et communiquent avec les mondes supérieurs? Un lien commun rattache tous ces phénomènes, une même cause les produit.

«Tout s’enchaîne dans l’œuvre de Dieu. L’homme, p)ac£ au sommet de l’échelle des êtres qui peuplent la terre, ne peut être isolé du reste de la création. Des rapports l’unissent nécessairement aux êtres placés au-dessus de lui. Si, dans l’enfance de l’humanité, il n’a pas eu conscience de ces rapports, ou s’il n’a fait que les pressentir instinctivement, un développement plus complet de son être lui en révélera la connaissance. Déjà les somnambules, les extatiques lui ont permis de soulever un coin du voile et d’entrevoir les destinées brillantes auxquelles il est appelé. Encore quelques efforts, et le ciel et la terre se donneront la main ; et c’est le magnétisme qui aura eu l’honneur d’accomplir ce magnifique hyménée. »

Le discours de M. Morin a été vivement applaudi, et il l’eût

été bien davantage si sa parole eût pu être partout entendue. Habitué à parler devant un tribunal, cet orateur cherchait en vain à proportionner sa voix aux dimensions de l’enceinte.

Le silence rétabli, le I)r Léger s'empara de la tribune.

Voici la charmante pièce de vers qu’il lut, avec un accent qui décelait 1 énergie des sentiments de l’auteur et la bonté de cœur du magnétiste :

SALUT A MESMER.

Salut, Mesmer! liomme de paix, salut 1 Autour do loi le grand œuvre s'opère,

Et l'horizon, que Ion visage éclaire,

Est le plus grand que jamais on connut!

Et tu nais sous un toit de chaume ...

Germe invisible.....chétif atome.....

Clef du secret universel !

Du gazon, deux branches de rose,

Un peu de mousse que dispose I.’art du cœur, l'instinct maternel ; Voici le nid d'où les couvées S’élanceront vers les nuées Pour chanter la nature et Dieu 1 Mais aux vautours... mais aux rapaces 11 faut les rocs noircis de feu,

11 faut les monts couverts de glaces, Pour mettre nos champs à tribut,

Pour asseoir leurs sanglantes aires.... Homme de paix, tes chansons printanières Sont pour l’amour, lo ciel et nos misères. Salut, Mesmer! homme de paix, salut!

Salut, Mesmer! nouveau sage, salut 1 Tu dis à l'homme : One force divine Meut tes ressorts, anime ta machine ; Dans tes réseaux la science aperçut Le fil qu’un hasard crée ou brise. Mais le feu qui se mobilise ;

Le feu sacré dont ton cerveau S'alimente et se vivifie,

Oui de ton âme s’irradie,

Franchit l'cspaco et le tombeau ; L’éclair qui fend la nuit des songes,

F.t dans le chaos des mensonges Fait resplendir la vérité;

La foudre qui de l'œil s'élance

Pour écraser ta liberté.....

Ou ranimer Ion espérance ?

Ces dons pour toi sont un vain attribut.

Si tu veux boire aux sources de la vie, Brise le seuil du temple d’Égérie,

D’un demi-dieu tes mains ont le génie!.... Salut, Mesmer! 6 grand homme, salutI

Salut. Mesmer! philosophe, salut!

Astre oublié, tu disparus dans l’onde.... Et cependant ton orbe sur le monde Avait tracé l’arc-en-ciel du salut!

Mais, 6 prodige I une lumière,

Un spectre sort do ta poussière!.... Tu renais au souffle des dieux!

Et nous voyons ton auréole.

Du progrès radieux symbole.

Envahir la terre et les cieux I Ainsi les pléiades humides S’en vont dormir aux plaines vides Où le pôle s'est congelé;

A peine en leur couche de neige, Voici qu’un météore assiège

Le nord sur son axe ébranlé.....

Alors les peuplades profanes,

Croyant h l'approche des mânes,

Sur les brasiers des dieux vengeurs A pleins bras jettent les senteurs!.-. Que l'ignorant te verse le cinname,

Les Ilots d’encens et leur mobile flamme. Pour nous, Mesmer, les effluves de l’âme Valent un nuage fragrant,

Et la douce reconnaissance Répand une aussi pure essenee Que les parfums de l'Orient I Chants des mystérieux parages,

Lyres aux magiques accords,

L'extase nous ouvre vos plages

El nous monte aux célestes bords.....

Accourez, mystiques phalanges Du grand siècle des novateurs,

Quittez la demeure des anges,

Venez chez vos adorateurs....

Fiers ennemis de l'ignorance.

Salut à vos efforts divins,

Des maux qui rongent les humains C'est le grand mal, le mal immense..:..

Salut, Newton. Franklin, De Caus, salut !

Salut, Mesmer, Rousseau, Voltaire,

Philosophique trinlté De la science humanitaire,

Triple flambeau, trépied de la clarté,

Oui met la Franco au phare de la sphèro ;

Salut, grands noms' grandes ombres, salut!

La manière dont M. Léger a traité le sujet nous ferait regretter de ne pas le voir plus souvent à l’œuvre, si nous ne savions que les quelques instants qu’il consacre aux lettres sont dérobés au soulagement de ses semblables. L’assemblée l’a compris, aussi a-t-elle remercié, par trois salves d’applaudissements, le poëte, le magnétiste et le médecin. Nous n’affirmerions pas qu’il ne soit magicien !

Sur l’appel du président, M. Bonnellier prend ensnite la parole. Cet orateur, dont la voix est puissante et le geste animé, a su charmer l’assemblée, non en prenant la défense du magnétisme, — il n’a plus besoin qu’on le défende,

— mais en poétisant ses phénomènes et en prophétisant l’avenir réservé à. cette science profonde, dont le retour parmi nous doit marquer un siècle et accomplir un progrès nouveau. L’improvisation de M. Bonnellier, que nous regrettons de n’avoir pu recueillir, ne laissa rien à désirer, et lorsqu’il eut cessé de parler, un long murmure d’approbation vint lui prouver combien ses paroles avaient trouvé d’échos.

C’était le tour de M. Baïliaut ; voici le discours qu’il a prononcé :

((Mesdames et Messieurs (1),

« 11 est de l’essence des grandes idées d’être de prime abord méconnues, souvent persécutées, presque toujours calom-, niées.

«Mais, comme l’a dit l’abbé de Saint-Pierre : «La vérité ne « se noie jamais; on a beau la plonger, elle surnage tou-« jours. »

« Cet abbé de Saint- Pierre, par parenthèse, fut un novateur bien hardi pour son époque; car, entre autres énormités, il voulait, lui académicien, que les académies se rendissent utiles à l'État, c’est-à-dire au pays. Chassé de son fauteuil, il se consola aisément en répétant sa maxime favorite : « La vérité ne se noie jamais. »

« Cette parole du digne abbé est parfaitement de circonstance aujourd’hui.

« En effet, parmi les découvertes les plus utiles, aucune peut-être n’a rencontré sur son chemin autant d’obstacles que celle de Mesmer; aucune aussi n’aura eu un triomphe plus éclatant ni plus mérité. Car la vérité mesmérienne a toujours surnagé aux nombreuses noyades qu’on a voulu lui faire subir; et, ainsi que toute grande vérité suffisamment éprouvée, la voilà qui atteint le port où ses insulteurs d’hier l’acclament déjà avec un enthousiasme plein d’ensemble.

«Vous savez, Messieurs, à quel incident est due cette soudaine révolution.

« Ah ! les adhérents nouveaux qui se présentent franchement, sincèrement, nous sommes heureux et fiers de les recevoir, et, sans autre formalité, nous leur disons avec l’accent du cœur : Amis, soyez les bien-venus !

« Mais il en est d’autres qui, tout en se rattachant à la

(1) Pour l'intelligence de plusieurs passages de ce discours, voir :

1° La brochure de M. Uoubaud, intitulée la Danse des Tables, notamment pages 7, G1 et 102;

go Un article du Dr Amtfdée Latour, extrait de 1Union médicale et reproduit dans le numéro 103 du Journal du Magnétisme, principalement pages 208 et 212;

3» Le numéro 132 do ce Journal (tomcX, pages -420 il 421), reproduisant, d'après* l’Pnion médicale, une diatribe du même médecin, à l'adresse des magnétiseurs.

chose, cherchent à la détourner de sa voie pour se l’approprier.

« Aussi, voyez déjà que de subtiles distinctions, de pitoyables réticences, d’artificieux détours ils emploient touchant le nom de cette chose.

« ('.’est à ceux-là qu’il faut faire face, afin de déjouer leurs projets.

« Pour eux, le mot mesmérisme est trop dur à prononcer. D'ailleurs, ce mot rappelle un certain charlatan allemand dont les corps savants de l’ancien régime ont fait bonne justice, et qui est dès lors comme n’ayant jamais existé.

« Magnétisme est un mot plus coulant, plus populaire, et l’on pourrait à la rigueur s’en accommoder, s'il n’était l'équivalent de vision par l'occiput (sic), et autres balivernes. (Vous verrez que le sens interne qu'ils refusent au somnambule, ils voudront l’accorder au meuble qu’anime leur pensée. )

« 11 y a donc dissidence, et il y aura sans doute bientôt discussion, puis dispute, entre les officieux parrains de l’enfant déjà majeur.

a Moi, dit l’un, je vois dans la danse des tables un effet qui ne se rapporte ni à l’électricité, ni au galvanisme, ni au calorique, ni au magnétisme terrestre, ni surtout au magnétisme animal dont la lucidité mensongère des somnambules fait tout le fonds. La vraie cause de ce phénomène nouveau, je vais vous la dire : c’est un fluide inconnu, qui a pour moteur la volonté, et pour conducteurs les rameaux nerveux des bras et des mains. Évidemment, cela n’a rien, absolument rien de commun avec les procédés des magnétiseurs.

« — Mais Mesmer? mais sa doctrine? mais sa belle théorie sur le fluide universel? Mais la pratique et les remarquables écrits de ses successeurs?

h — Mesmer? scs successeurs ? Jamais je n’en ouïs parler.

«Et, pour distancer ses rivaux dans la course au filleul, le savant diplômé déclare avoir soutenu dans sa thèse de doctorat, qu’il existe « une âme universelle distribuant ses h rayons divins à tous les corps de la nature selon leur orga-ii nisation. »

h 0 Mesmer ! que de mirmidons vont ainsi se faire un marchepied de ton colossal génie ! — Sic vos non vobis.

h Mais attention ! voici venir le Grisier de la science officielle, la fine lame du corps médical. Quelle aisance à se mettre en garde ! quelle adresse dans ses feintes ! quelle souplesse dans ses retours! «Magnétiseurs et magnétisés!

s'écrie-t-il en sc découvrant brusquement pour masquer une retraite, je \oi:s ai porté le rudes bottes, et vous devez me tenir en bien mauvaise odeur (sic). Mais c’était votre faute, après tout ; car vous ne parliez jamais que de choses bouffonnes ou niaises, telles qu’on en voit dans les barraques de foire. Tandis que moi, dans le silence du cabinet, je produisais depuis bien longtemps des phénomènes sérieux et très-remarquables dont vous n’aviez pas la moindre idée. Et, ces phénomènes, je les obtenais en employant des manœuvres et. des pratupies particulières que gouvernait ma puissante volonté ; pratiques et manœuvres identiques aux vôtres, cela se peut, mais dirigées par ce tact scientifique, privilège exclusif du doctorat. Si je n’eusse fait soigneusement mystère de tout ceci, vous auriez voulu imiter mes expériences, ô banquistes maladroits, et il eût pu en résulter un très-grand mal pour la société. Mais, à présent que le phénomène de la danse des tables vient de sc révéler comme corollaire et complément naturel du pouvoir de la volonté sur l’organisme humain, je ne vois plus aucun inconvénient à faire savoir au dernier des drôles qu’il peut jouer de cet instrument aussi bien que moi-même. En conséquence, j’adjure les corps savants d’examiner sans délai mes communications, afin que la nouvelle découverte, qui va changer la base de l’art de guérir, ne puisse tomber dans le domaine public. Académie de médecine, vous avez eu mille fois raison de jeter au panier toutes les propositions des magnétomanes ; mais quand c’est moi, moi votre champion, qui vous parle, vous devez me croire sur parole; sinon vous n’êtes qu’une sotte ! J’ai dit. »

«Et, là-dessus, l’intrépide docteur, enchanté de l’effet qu’il vient de produire, se mêle au branle général, en faisant pirouetter tout ce qui lui tombe sous la main.

«Voilà, Messieurs, la logique détraquée de ceux qui naguère jetaient le plus de ridicule et de mépris sur les disciples de Mesmer, affectant aujourd’hui de n’avoir jamais eu d’autre but que de fustiger les bohèmes faufdés à la suite ; comme si notre organe vigilant et sévère, le Journal du Magnétisme, avait un seul instant fait défaut à ce devoir!

«Les voilà, ces froids sceptiques, dont les oreilles s’étaient toujours fermées aux généreuses instances de nos guides les plus éminents; les voilà qui viennent à résipiscence, certes bien malgré eux. Mais vous allez voir que, dans leur zèle outré, ces ralliés du lendemain voudront dépasser même nos chefs de file, en se posant tous comme croyants de l’avant-veille !

«Vigilancedonc et prudence! car bien des défections sont ¡t craindre, et l’on peut déjà prévoir de nouvelles luttes dans un avenir prochain ; non plus, cette fois, au sujet du magnétisme considéré connue force réelle, — c’est un fait acquis,

— mais sous le rapport de son application. Oui, croyez-le bien, on tentera de faire interdire la pratique du magnétisme, comme dangereuse, impie, diabolique môme; surtout, juste ciel! quand 011 en viendra à scruter ces prodiges si merveilleux, si consolants, où se révèle, suivant la belle expression de M. Logerotte, « la chaîne d’harmonie qui lie les corps aux âmes et les âmes à Dieu. »

«Mais je me hâte de terminer en résumant la pensée unanime qui règne dans cette honorable assemblée. Oui, quelles que soient les dénégations contraires, Mesmer, l’immortel Mesmer vient de remporter un immense triomphe ; et si son grand nom, qui est désormais synonyme de génie, de bienfaiteur de l’humanité, de régénérateur de la science universelle, — le mot n’est pas exagéré; — si son grand nom, dis-je, est comme non avenu pour les parasites qui s'apprêtent à faire la curée de sa gloire, du moins, Messieurs, chacun de nos cœurs, chacune de nos intelligences, chacune de nos volontés est un feuillet du livre qui doit transmettre aux âges futurs la pure et radieuse mémoire de notre maître vénéré.

« AU TRIOMPHE DU MESMÉRISME ! »

Ce qui donnait un charme inexprimable à ce discours, c’est la mimique qui accompagnait la parole de l’orateur et les indexions de sa voix. M. Baïhaut fut chaleureusement applaudi et vivement félicité par l'assemblée, qui venait d’entendre une de ces critiques vengeresses que Molière seul savait écrire. Que M. Baïhaut soit satisfait de son début, il a touché juste, son coup d’essai est un coup de maître.

Sur l’appel de M. du Potet, M. Logerotte monte à la tribune et, d’une voix trop émue, prononce 1111 excellent discours. Ce qui manque à l’orateur, c’est le puissant organe de M. Bonnellier et l’assurance de M. Baïhaut. M. Logerotte a eu peur d’être au-dessous de sa tâche, et cette crainte, bien mal fondée sans doute, lui enleva le point d’appui qui per-

met lc tout soulever lorsqu’on a un fonds d’instruction aussi solide et d’aussi riches idées. M. Logerotle reçut d'unanimes marques de faveur. 11 pouvait transporter les esprits.

Voici ce discours :

« Messieurs,

«Chaque année quand revient le printemps, des hommes de toutes les nations et de tous les âges se réunissent, guidés par une pensée commune, pour célébrer dans une fête fraternelle le jour où vint au monde un savant méconnu, un honnête homme calomnié, Mesmer, le fondateur, dans les temps modernes, de la science magnétique. Juste hommage rendu par la postérité au génie et la vertu. C’était à cette époque de l’année, à cette heure solennelle et charmante où la nature toute entière, agitée par une force inconnue, sort radieuse de sa tombe, transfigurée par les rayons du soleil ; c’était dans ce doux mois de mai, au milieu des frémissements de la terre fécondée, que devait naître et devait être fêté le régénérateur des sciences, le philosophe profond qui, embrassant de sa pensée et les cieux et les mondes, montre dans l’homme le centre de l’univers, révèle aux organes fatigués une source de vie nouvelle, et ouvre aux esprits tourmentés par le doute les routes de l’infini.

« Il y a un siècle environ, fut révélée pour la première fois la doctrine ; depuis le jour où a été confié aux flots du monde le vaisseau qui portait les destinées nouvelles, bien des tempêtes l’ont assailli, bien des orages ont grondé autour de lui; souvent les amis, les rares amis du malheur qui suivaient sa marche tourmentée, ont cru que les abîmes allaient s’ouvrir et que l’arche sainte disparaissait sous les Ilots ; mais elle portait une vérité dans ses flancs, elle ne pouvait périr ! Les flots se sont apaisés, les ouragans se sont faits zéphyrs, le navire est à l’horizon des mers, demain il entrera au port, les voiles gonflées par les vents heureux, dorées par le soleil naissant, et il répandra sur la rive l’esprit de vie qui frémit en ses entrailles. Tous reconnaissent aujourd’hui la vérité, qu’il sera votre gloire éternelle, Messieurs, d’avoir défendue dans les jours de lutte; tous proclament la force magnétique. Mais pour arriver à ¡ces résultats, que d’cITorts tentés, que d’événements accomplis! Vous eussiez suffi ;ï cette œuvre, les éléments vous sont venus en aide. Selon d’énergiques paroles, les pierres ont crié, les corps inertes se sont

ébranlés, et ceux qui étaient restés indifférents devant les phénomènes merveilleux produits sur la créature humaine, sur l’image de Dieu, n’ont pas eu assez d’admiration pour les tables qui dansent et pour les chapeaux qui tournent. Ils n’avaient pas ont en l’homme, ils ont été pleins de foi en la matière. La vérité suit parfois d’étranges routes pour atteindre le but, mais elle l’atteint toujours.

« Le vieil ennemi est abattu, il ne se croit pas vaincu, il prend une forme nouvelle; ne pouvant plus nier l'existence du magnétisme, il en suspecte la pratique, il en craint les dangers et il en conteste ¡’efficacité. Nous combattrons ces oppositions hypocrites, comme nous avons combattu les négations systématiques. Pour répondre à la première accusation, la plus grave, parce qu’elle touche à l'honneur, qu’on fasse, disons-nous, au magnétisme une justice égale à celle faite aux institutions humaines. Nie-t-on la loi, parce qu’il est des juges prévaricateurs? Nie-t-on les sciences, parce qu'il est de faux savants? Sceptiques à l’humeur guerroyante, au lieu d’attaquer une découverte sous le nom des misérables qui la prostituent, combattez les hommes qui abritent leurs vices derrière une grande vérité, et couvrent leurs haillons d’un manteau de pourpre; dans ces attaques, vous nous trouverez toujours à vos côtés, quand nous ne serons pas devant vous; flétrissez le mensonge, respectez la science, et appelez sur elle la critique éclairée et loyale. Le jour où vous en agirez ainsi, vous aurez plus fait contre l’imposture que vos déclamations ne feront jamais contre la vérité. Les traîtres s’enfuiront devant la discussion sérieuse, comme les oiseaux des ténèbres s’enfuient devant la lumière. Les dangers que vous voyez dans l’exercice du magnétisme, que nous y trouvons aussi, seront bien prêts de disparaître quand, connus de tous, tous pourront les éviter; mais en fût-il encore, comme il en est dans l'emploi de toutes les forces de la nature, serait-ce une raison pour repousser la plus merveilleuse des puissances ? La faculté d’abuser des dons les plus précieux de la Providence, est inhérente à l’homme, elle est sa faiblesse et sa grandeur, la chute et la réhabilitation ; sans elle, il n’est ni conscience, ni libre arbitre. Enlevez à l’homme le droit de faire le mal, vous lui ôtez le mérite du bien, vous supprimez sa plus noble épreuve, la lutte; sa plus grande gloire, la vertu. Nous l’avouons, le magnétisme, comme toutes choses, renferme le bien et le mal, il est comme le fleuve qui féconde et ruine, comme le soleil qui dore les moissons et les brûle ; mais, comme les éléments, nous le croyons bon,

puissant et éternel. Si vous doutez de l'efficacité curative du magnétisme, jetez les yeux autour do vous, interrogez les douleurs qu’il a soulagées, les maladies qu'il a guéries; demandez si ses effets sont bienfaisants, à cette mère qui, les yeux au ciel, presse sur sa poitrine son enfant arraché â la tombe ¡ voyez ces jeunes époux, brillants de bonheur et de vie, qu allait toucher 1 aile de la mort, quand une main amie

1 a écartée ; écoutez les cris de joie de cet infortuné condamné à un silence éternel, et qui entend aujourd’hui les concerts du printemps et la voix de sa mère; demandez-leur à tous si le magnétisme est sans vertu, et si dans leurs regards et dans leur bonheur vous ne lisez pas la plus éloquente des réponses, vous ne puisez pas la plus forte des convictions, je n ai pas une parole à vous dire, car vous n’aurez pas de cœur! Oh! non, tu n’es ni un mal ni un vain mot, fluide qui donnes la vie, éther impondérable dans lequel se meuvent les sphères célestes, flamme subtile qui suscites la sympathie dans les cœurs, qui rends l’amitié frémissante dans la main de 1 homme, et mets le paradis dans les yeux de la femme; oh ! non, tu n’es pas un mal, tu es le plus grand des biens, tu es la santé, lu es la vie, tu es l'âme des mondes!

« L étude nous aappris, Messieurs, combien sont abondants et précieux les fruits de la science recueillie en nostemps, plus belle sera la moisson de l’avenir. Si je ne craignais pas d’être insuffisant à cette tâche, je soulèverais un coin du voile qui dans les profondeurs du temple couvre l’Isis mystérieuse, et je laisserais briller à vos yeux la lumière qui rayonne de son sein. Permettez-moi, pour montrer l’utilité et la grandeur du magnétisme, de tenter avec vous cet effort, et d’indiquer les résultats éloignés, sans doute, mais possibles de notre science. Les phénomènes physiques sont connus, les faits intellectuels et moraux sont encore à l’état d’aspiration.

«Commençons par l’enfance; en elle se régénère le monde, en elle est l’espérance ! La puissance magnétique pourra un jour, je le crois, exercer la plus salutaire influence sur les jeunes esprits. Vous connaissez tous les légendes charmantes que raconte la rêveuse et poétique Allemagne. Au beau temps des fées, dit-elle, quand naissait dans un château ou dans une chaumière un enfant prédestiné, les bons génies des eaux, des forêts et des airs quittaient leurs palais de cristal et d’or, et penchés sur le berceau du jeune favori, donnaient à ses membres la force, soufflaient sur son front l’intelligence et la beauté, et inspiraient it son cœur générosité et courage, et l'enfant devenu homme était un chevalier re-

resseur lc torts ou un redoutable magicien, Roland le paladin ou Merlin l'enchanteur. Les contes qui ont bercé l'enfance de l'humanité, renferment souvent en germe les pensées de l’avenir. Si nous dénouons leur trame délicate, nous voyons à côté des fantaisies brillantes de l’imagination, des vérités entrevues aux lueurs de la poésie. Ces enfants prédestinés, nous les retrouverons un jour. Des indices certains nous révèlent que l’on peut, en quelques heures, apprendre à des êtres endormis du sommeil lucide, une science qu’il nous laut de longs jours pour connaître; on dépose sur leur cerveau, fécondé par les effluves magnétiques, des notions nouvelles, et, comme les enfants de la légende, les somnambules peuvent croire au réveil qu’un bon génie a soufflé sur leur front. Si les signes ne sont pas trompeurs, des hommes qui, par de pénibles travaux, auront arraché à la nature ses secrets, viendront en quelques instants communiquer leur science à des intelligences privilégiées, et inspirer, non plus comme autrefois, l’amour des combats, mais révéler la philosophie, l’histoire, les sciences, ces forces vives de nos temps. Ces intelligences ainsi grandies, trouveront les lois encore inconnues, le lien qui unit les sciences entre elles, la chaîne secrète qui lie la matière à l’esprit, et des êtres d’élite deviendront les instituteurs du genre humain.

« L’intelligence ne peut s’élever sans que, par une conséquence providentielle, les principes de morale ne s’élèvent avec elle; comme sur les montagnes l’air se dégage des miasmes de la plaine, de même dans le commerce des hautes pensées l’esprit se purifie de ses souillures. Toutes les sciences humaines sont solidaires, elles forment une chaîne dont quelques anneaux maintenant brisés se réuniront au jour de l’harmonie universelle. Les sciences physiques ont été dans notre siècle illustrées par les plus importantes découvertes : la vapeur a dompté les distances et les tempêtes, la pensée en peu d’instants parcourt le globe entier, et les navires aériens, bientôt dirigés par la volonté, portent déjà l'homme plus haut que ne gronde la foudre et plus loin que ne volent les aigles. Dans le tourbillon qui entraîne le monde, l’ordre moral seul est resté stationnaire, la philosophie de nos écoles est encore celle que, du haut du Sunium, Platon enseignait à la Grèce; la morale publique, pour être plus pure qu’elle n’était dans les temps écoulés, n’a pas atteint les sommités où sont arrivées les sciences exactes. Loin de moi la pensée de porter une main profane sur les pages sublimes de l’antiquité ou sur les institutions modernes, je n’ai pour elles

qu'admiration et respect; mais sans oublier les grandeurs du passé, ne pouvons-nous pas espérer que l'harmonie s'établira complète dans les productions du génie, et que les sciences morales seront placées aussi haut qu’ont été placées les sciences physiques? L’étude constante et sévère des phénomènes somnambuliques produira sans doute une psychologie et une philosophie nouvelles, dont les développements amèneront cette pondération longtemps attendue dans toutes les forces de l’intelligence. La clairvoyance, guidée p>r des lois positives et dégagée des hésitations qui la rendent inutile, exercera une haute influence sur les mœurs publiques ; ses lueurs surnaturelles jetteront un si grand reflet, qu’il sera impossible au crime de se cacher dans les profondeurs de la conscience. La justice ira d’une main sûre chercher le coupable dans sa retraite, et empêchera peut-être l’exécution des pensées mauvaises qu’elle aura vu germer dans les cœurs. La répression, toujours prompte et certaine, épouvantera les criminels, et les natures les plus perverses, voyant le mal puni dès ce monde, rentreront, poussées par le repentir ou la crainte, dans l’ordre général qui est le triomphe du bien. Le vœu du sage de Rome sera réalisé au-delà de toute espérance. Ce ne sera pas le corps, ce sera l'âme qui aura une maison de verre. Utopie! dira-t-on; avant de crier trop haut ce mot de tous les scepticismes, qu’on songe à toutes les utopies victorieuses, et qu’on se souvienne qu’en nos temps surtout, souvent la folie de la veille a été la croyance du lendemain. Utopie ! laisserons-nous dire ; mais ce que nous savons bien n’être ni un rêve, ni une illusion, ce sont les sentiments d’alfection que développera la pratique habituelle du magnétisme ; les services que les hommes se rendront entre eux en se dépensant eux-mêmes, les uniront par les chaînes les plus douces, elle inspirera aux uns la reconnaissance pour les bienfaits qu’ils auront reçus, et donnera aux autres ces attaches si fortes qui lient le cœur qui console au cœur qui est consolé. De cet échange incessant de sympathie et de vie, naîtra cette vertu si haute, que la terre, s'en jugeant indigne, l'a exilée loin d’elle : la fraternité.

« L’adoucissement des mœurs, le calme des consciences préparera la phase dernière, le règne des âmes sur la terre, et amènera cet âge d’or que les poetes ont vu dans leurs rêves prophétiques, et que la tradition nous montre régnant à l’aurore du monde. De ces visions, la marche progressive et constante des sciences sœurs fera une réalité. Un jour paraîtra la terre promise, où ira, comme dans un port fortuné, se

reposer, après bien des tempêtes, l'humanité triomphante. En ces temps, ces aspirations vers l'infini qui soulèvent nos poitrines, ces mouvements pleins de frissons et de délice où notre ¡une, dégagée des liens matériels, prend son vol vers le ciel et s’absorbe dans l’idée de Dieu, ces extases où nous avons entrevu les rives lointaines d’une autre patrie, dont chacun de nous a tressailli à une heure de sa vie, ne fùt-ce qu’un instant, ne fût-ce que le temps qu’il faut à l’éclair pour descendre du ciel ou à la pensée pour monter à Dieu; ces extases ne seront plus des lueurs passagères, des révoltes incomprises, des instants fugitifs de divine nostalgie; elles deviendront l'état constant des âmes, et tous, plongés dans des visions sublimes, auront la révélation des splendeurs de la vie future. Les voyants, ces êtres souffrants, dépaysés dans notre monde, que le vulgaire croit aveugles parce qu'ils regardent trop haut, que blessent toutes les ronces du chemin parce que leurs yeux sont attachés au ciel; pauvres plantes des beaux climats, transplantées dans le pays des neiges, les voyants ne seront plus ces pâles fantômes, qu’une fausse lumière éblouit et que les hommes dédaignent. Ils deviendront la parole inspirée de l'avenir, les poètes prophètes et les chanteurs divins des grandeurs cé* lestes. Les hommes, guidés par eux dans des routes toujours fleuries, arriveront au terme du voyage et s’endormiront paisibles dans leur dernier sommeil, certains de se réveiller dans le sein de leur créateur. Ainsi sera accompli le rêve que fit une nuit le patriarche dans les déserts de la Mésopotamie; l’humanité, après s’être agitée dans les ténèbres, montera lentement à travers les siècles les degrés de l’échelle lumineuse, et arrivera éclatante aux pieds du souverain maître, à Dieu, premier et dernier mot de toutes choses !

« Nous venons d’entrevoir les lointains horizons que découvre la pensée placée sur les hauteurs de la science de Mesmer, horizons décevants, pays des rêves, dira-t-on. Mais, chimères ou illusions, nos espérances nous sont chères, elles nous semblent plus consolantes que cette philosophie cruelle (pii enferme l’humanité dans un cercle de fer, et de ruines en ruines la conduit à une dernière catastrophe. Elles donnent un grand but à la vie. Heureux ceux qui ont un but élevé en ce monde; heureux ceux qui, guidés par une étoile, marchent calmes et forts dans la voie de leur conviction ; s’ils n’arrivent pas au terme de leurs désirs, ils ont la consolation et la gloire de n’avoir point failli, et d’avoir tenté de nobles entreprises.

« Et maintenant, nous qui recueillonslesfruits «le lascience, n’imitons pas ce maître oublieux qui, au jour de la récolte, en voyant ses chariots ployer sous la moisson dorée, croirait qu'il doit ses richesses au seul moissonneur. Songeons au semeur, messieurs, songeons à l’homme à la parole féconde, et reportons vers Mesmer nos cœurs remplis de reconnaissance et d’amour. »

A ce moment, la fête do Mesmer avait un caractère de joie et de gaieté que n'offrent point les solennités habituelles. Sûr d’un triomphe prochain, les partisans du magnétisme réunis en ce moment portaient des tostes à tous les hommes qui servirent la grande cause de l’humanité; nous croyons même qu’ils eurent la bonhomie de boire à la santé des académiciens, pour qu’une faveur du Ciel ouvrît enfin les yeux à tant d’aveugles! Hélas! ce sentiment fait honneur à leur cœur.... Mais le miracle serait trop grand. L’orchestre, dissimulé jusque-là, exécute plusieurs symphonies et morceaux d’ensemble. Ces accords, se mêlant aux aspirations de l’assemblée, dilataient tous les cœurs.

Après cet intermède musical, M. Cosson monte à la tribune pour chanter les charmants couplets suivants, en réponse aux honnêtes gens qui chaque jour qualifient de charlatans les magnétistes, et qui nient de parti pris les propriétés de l’agent mesmérien.

Voici ces couplets :

UN RIEN.

Ain : Tic, lie, lie, el lie et toc.

Je viens aux passants Savants, ignorants.

Parler Magnétisme,

Sans charlatanisme;

Eu dépit des sots Et de leurs propos.

Dire aux gens de bien .

Usez de mon iiibx.

Allons, debout! savants et sybarites.

De mon drapeau suivez les partisans!

— Retirez-vous, parias et parasites.

Nous ne suivons jamais tes charlatans.

Je viens, etc.

Mais, esprits forts que ce bien embarrasse. Par un sarcasme aurez-vousdonc raison'? Magnétiseur est un noble Paillasse;

Son cœur, ses mains, valent bien un blason. Je viens, etc.

Je ne suis pas un bateleur vulgaire.

Grand discoureur, marchand d'orviétan;

Je ne vends pas d'onguents; de vulnéraire, J'oflVe ma vie au riche, à l'artisan.

Je viens, etc.

Loin d’imiter les tours de passe-passe,

Je jette au vent et sac et gobelet,

Et cependant de ma main chaque passe Ferait pâlir l’astre do Nicolet.

Je viens, etc.

Point de compère, encor moins de muscade, A moi, Nature, et ta fécondité!

De tous eôlés venez îi ma parade.

Pour auditeur je veux l'humanité.

Je viens, etc.

De nos Malthus la doctrine dépeuple,

Voyez pour eux que d'autels érigés !

Pour enseigner la science du peuple ,

Sur les écueils comptez les naufragés!

Je viens, etc.

Pour pénétrer ce ténébreux mystère Que la nature aux humains sut cacher, Comme à la pointe attirant le tonnerre.

Sur eux l'on vit la douleur s'attacher.

Je viens, etc.

Frappant au seuil do notre Académie, Mesmer, un jour, y cria : Vèiuté I

Blâmons tout bas sa coupable ennemie;

Par l'iîclio seul ce mot fut répété.

Je viens, etc.

Comme le Ilot qui lentement s’écoule,

Quitte son lit et s’étend dans les mers, L'écho fidèle, ondulant sur la foule,

A retenti partout dans l'univers.

Je viens, etc.

Ah! dûtes-vous m’accuser d'empirisme, Sachez, mortels, que ce rien précieux Est pour nous tous, sous nom de mesmérisme. Ce que toujours le soleil est aux cicux.

Je viens, etc.

Pour le sceptique au plus c’est un atôme Imperceptible aux regards do l'œil nu ;

Pour l’ignorant souvent c’est un fantôme, Pour le malade un hôte bienvenu.

Jo viens, etc.

En ranimant le froid paralytique,

Il rend pour lui notre monde attrayant.

Qui le croirait? sa puissance magique Fait de l’aveugle un être clairvoyant !

Je viens, etc.

Mais, 6 prodige! ô merveille inouïe!

Par sa vertu le muet va parler;

Le sourd aussi va recouvrer l'ouïe,

Que de trésors un rien peut recéler!

Je viens, etc.

Si par l'amour son pouvoir se révèle,

Ames et cœurs ne forment qu’un faisceau. Profond secret! sa furtive étincelle Anime l’homme avant d’être au berceau.

Je viens, etc.

Que l’âme un jour cesse d’étre asservie,

A son essor ce rien peut mettre un frein;

En s'incarnant il prolonge la vie Du moribond dont nous serrons la main.

Je viens, etc.

Quand sous nos doigts naît le somnambulisme,

11 rajeunit le passé regretté,

Dans les reflets de ce séduisant prisme,

Par le présent I avenir est Pété.

Je viens, etc.

Rientùt enfin, de la machine humaine On connaîtra les ressorts cl le jeu,

Car c'est l’anneau de cette immense chaîne Qui de tout temps attacha l'homme à Dieu!

Je viens > etc.

Pour relever la gloire abâtardie.

C’est le flambeau qu'allume un feu sacré.

Sa flamme éclaire et jamais n’incendie :

C’est le progrès par le ciel consacré!

Je viens, etc.

Ce rien, c’est tout! —c’est l’amour, la puissance; C’est le bonheur, la vie et la santé.

Fort par la Foi ; — si doux par l'Espérance,

Qu’il soit fécond par notre Charité!

A tous les passants,

Ignorants,

Savants,

Parlons Magnétisme Sans charlatanisme;

En dépit des sots Et de leurs propos,

Que les gens de bien Usent de ce rienI

M. Cosson venait de payer son tribut annuel. L’assemblée le remercia par ses bravos.

M. du Potet reprenant la parole, s’exprima en ces termes : i Messieurs, puisqu’aux yeux de nos adversaires et de la gent académique, nous sommes des sols, nous ne saurions mieux terminer cette fête qu’en priant AI. Jobard de parler. »

C’était de toute justice, et M. Jobard ne e fit point prier.

\près une improvisation où la raillerie lapins fine s’unissait ii la bonhomie la plus comique, M. Jobard conta une fable charmante, et nous crûmes pour un instant entendre le bon La Fontaine. Oui, c’était bien lui, avec son esprit familier, son air narquois. Qui n'a pas entendu M. Jobard dans un des moments où les trésors de son esprit s’épandenten paillettes étincelantes, ignore le privilège que possèdent certains hommes. Chez lui, ce privilège est si grand, que notre plume est impuissante à décrire l'émotion que nous avons éprouvée en l’entendant.

Ne pouvant donner tout entier le discours de notre très-aimable collègue, uous allons en signaler les principaux points.

o Les tables qui marchent, a-t-il dit, seront le chemin de fer du magnétisme ; je l’ai vu tout à l’heure à l’Académie des sciences, et je vous en apporte la bonne nouvelle.

« En effet, ce premier corps savant, si difficile à faire sortir de son rôle do conservateur quand mime, vient de passer à l’état de remorqueur malgré lui, obligé qu'il est de faire- connaître les correspondances qui lui arrivent de tous côtés, signées des savants les plus distingués, sur ce phénomène inexplicable, mais qu’on ne peut déjà plus nier.

« L’Académie en est réduite à contester sa nouveauté; elle cherche dans ses souvenirs la preuve qu’il est très-ancien, qu’il remonte même aux temps historiques, mythologiques et magiques.

« Peu importe son âge, il est majeur et réclame un état civil dans le livre de la science du bien et du mal : l’Académie est sommée de le lui acccrder.

« Comme il se rattache directement au magnétisme, et le magnétisme au fluide nerveux, les médecins sont obligés de l’admettre et de l’étudier. Us ne pourront plus dire a leurs patients : « Que voulez-vous? (lela tient aux nerfs, nous n’y « pouvons rien. » Comme si toutes les douleurs ne venaient pas des nerfs, sans lesquels on ne souffrirait pas ! »

Voici la fable dont nous avons parlé; en la disant, M. Jobard avait, il paraît, magnétisé l’auditoire, car tout le monde l’entendit. Elle a obtenu un succès aussi grand que celui de son Premier Ballon.

LE REMORQUEUR.

lin remorqueur à la mile encolure. Renommé pour sa bonne allure,

Recevait sans mol dire, cl souvent sans raison, Les reproches hautains de la noble voiture El les injures du wagon.

Les uns blâmaient sa vitesse imprudente,

Les autres sa lenteur vraiment désespérante. Enfin, le pauvre malheureux,

Pour arriver à plaire A la plupart d'entr'eux,

Aurait dù n'aller qu'on arrière Et retourner sans nul retard A son premier point de départ.

Fatigué de tant d'injustice, D'outrecuidance et de malice,

Un jour le géant s’irrita,

P.ompit sa chaîne et s'arrêta.....

« Eh! allez donc, vous n’allez guère!

Eli ! allez donc, vous n’allez pas! »

Lui criait la foule en colère.

Mais il ne bouge plus d’un pas,

Et s’adressant à ces ingrats:

« Moi qui me donne tant de peine,

Moi qui sans murmurer vous traîne.

Tas de bavards et d'impotents,

■Te 110 puis souffrir plus longtemps Tant d’insolence et tant d'audace....

A votre tour, prenez ma place.

Traînez ma charge et trainez-moi!....»

Je vous laisse à juger l’effroi Qui s'empara de cette tourbe,

En se voyant au milieu de la bourbe.

Sans oser sortir du convoi....

Changeant aussitôt de langage,

Elle promit d'ètre plus sage,

Baisa la croupe au remorqueur.

L’appela Duc et Monseigneur,

Sultan, dictateur, créateur.

Car il n'est pas île platitude Que celle vile multitude Ne fasse pour fléchir ics grands Qui savent lui montrer les dénis.

Sur le grand chemin do la vie,

Malheur il la catégorie

Qui tient remploi de remorqueur :

Ne rien traîner et tâcher qu'on nous traîne,

Telle est, messieurs, la recette certaine Pour aller loin, sans soucis ni douleur.

Tenez-vous-le pour dit, la place la plus sûre N’est pas devant, mais dedans la voiture I

La fête étant arrivée à sa deuxième phase, la distribution des médailles va commencer. M. du Potet se lève et, dans un langage éloquent et digne, fait connaître à l’assemblée les faits qui ont valu à leurs auteurs la distinction du Jury. 11 proclame le nom des nouveaux élus au milieu des bravos. La mention de leurs titres à la médaille devant être faite dans un prochain numéro, nous nous bornerons aujourd’hui à. transcrire leurs noms. Ce sont :

MM. BAilUüT, de Versailles;

DARD, de Toulon-sur-Arroux ;

CAPERN, de Londres:

D'OtIRCHES, do Paris ;

M0R1N , de Nogent-le-Rotrou ;

MESMER, de Paris.

Ensuite, il y a eu bal; on a dansé jusqu’à minuit.

On ne peut se figurer l’entrain sympathique qui a présidé à toute cette fête ; cette rapide esquisse n’en donnera qu’une idée bien imparfaite à ceux qui n’y ont point assisté, aussi l'écrivons-nous seulement afin d’en donner un reflet.

ARNETTE.

Le Gérant : IIKBEItT (de Garnay).

CLINIQUE.

A Monsieur Hébert (de Camay).

Monsieur et cher confrère,

Ce n’est pas sans regret que j’ai été forcé d’attendre jusqu’à ce jour pour vous transmettre quelques observations cliniques puisées dans ma pratique.

Persuadé que ce n’est qu’en publiant leurs observations recueillies consciencieusement, que ceux qui s’occupent de magnétisme propageront plus rapidement cette importante découverte, je crois de mon devoir de soumettre à vos lecteurs , si vous le jugez convenable, quelques faits qui confirmeront de nouveau la puissance du magnétisme dans des cas désespérés.

Je suis persuadé que le meilleur moyen de faire adopter par nos confrères cette branche importante de la médecine, c’est de multiplier, autant que possible, les observations. D’ailleurs, l’art médical, comme le dit Baglivi, n’est-il pas tout entier dans l’observation : Ars medica est tota in observâtionibus. 11 est certain que toutes nos connaissances ont commencé par des observations, parce qu’il faut voir av ant de raisonner sur ce que l’on voit.

C’est donc en mettant en pratique la pensée de cet illustre médecin qu’on évitera de tomber dans le vague des hypothèses, et que nous ferons faire des progrès au magnétisme considéré surtout comme agent curatif.

Première observation.

Le 1“ avril 1852, on vint me chercher en toute hâte pour aller rue Saint-Antoine, 156, chez le nommé Pierre Lessu, iome XII. — N» 105. — 10 Juin 1853. 15

afin île voir sa demoiselle, âgée de onze ans, à laquelle j'avais conseillé la veille, à l'occasion d'une bronchite, une potion vomitive, pour débarrasser les bronches des mucosités dont elles étaient encombrées, et qui occasionnaient une gêne extrême de la respiration.

Cette potion devait être prise par cuillerée à soupe, toutes les dix minutes, jusqu’à effet vomitif.

Après avoir pris la deuxième cuillerée, c’est-à-dire, moins d’un centigramme d’émétique, il survint an vomissement tellement abondant, tpi’on évalua à un litre et demi au moins la quantité de matière vomie, bien que la malade n’ait pris en tout qu’un verre d’eau chaude.

Il y avait déjà deux heures que ce vomissement avait eu lieu, lorsque j’arrivai auprès de la malade.

Je trouvai la mère de cette enfant sur le carré, se lamentant sur l'état déplorable dans lequel la potion avait jeté sa fille, qu’elle croyait sur le point d’expirer. Cette pauvre femme avait une telle appréhension du malheur qu’elle redoutait , quelle n’osait plus rentrer chez elle.

Cette crainte, en effet, n’était pas sans fondement, car le corps de l’enfant présentait les caractères de celui d’un cholérique arrivé à la période la plus avancée. La peau froide, couverte d’une sueur visqueuse et d’une teinte bleuâtre ; il y avait disparition du pouls ; des syncopes fréquentes coïncidaient avec une gêne extrême de la circulation ; le creux de l'estomac était très-douloureux et la voix presque éteinte.

Cet état alarmant, qui paraissait déterminé par une quantité d’émétique cinquante fois plus considérable que celle qui . avait été administrée, m’inspirait une juste crainte, et d’autant plus grande, qu’il avait été produit par une potion que j’avais conseillée.

Je m’étais cependant conformé aux préceptes de l’art, et la malade allait peut-être mourir victime d’une susceptibilité exceptionnelle, pour avoir pris uue quantité minime d’émétique.

La confiance que j’avais dans le magnétisme me détermina à l’employer de préférence ii tout autre moyen.

Au bout de cinq minutes de magnétisation, l’enfant dormit, et ce n’est qu’un quart d’heure après que le pouls commença à se faire sentir d’une manière presque imperceptible. Je redoublai de courage et continuai la magnétisation ; mais par une singulière fatalité, le pouls, au lieu de se relever, disparut entièrement , et la respiration paraissait connue suspendue, ce qui, joint à l'immobilité des traits, m’avait beaucoup alarmé.

Je sentais que je n’avais pas en moi une force suffisante pour ranimer cette vie défaillante. Je fis usage d’un moyen que j’avais employé avec succès en 1848. Je pris quatre personnes des plus robustes parmi celles qui étaient présentes , et je chargeai chacune d’elles de tenir et de réchauffer un des membres de la malade, pendant que je la magnétisais à grandes passes, et que je faisais de temps en temps des insufflations chaudes sur la région du cœur.

Sous l’influence de ces moyens vivifiants, le pouls reparut de nouveau d’une manière plus sensible, et se soutint assez pour qu’au bout d’un quart d’heure je pusse compter lii battements par minute.

La peau reprit sa chaleur et sa couleur naturelles ; la respiration devint plus facile, et la malade, qui s’était réveillée, déclara se sentir beaucoup mieux.

Je restai environ deux heures auprès d’elle, au bout desquelles le pouls était descendu de 1 hh à 120. Je m’absentai une heure, pendant laquelle les membres furent encore tenus par les assistants.

A mon retour, la jeune fille avait repris sa gaîté habituelle et ne se plaignait plus d’aucun malaise; le pouls était encore à 108 et continua de décroître pendant deux jours, au bout desquels il reprit son rhythme habituel, qui est de 6b.

11 faut, mon cher confrère, avoir été comme moi, pendant deux heures, aux prises avec la mort, pour sentir le bonheur qu’on éprouve en voyant revenir à la vie une personne qui paraissait vouée à une mort certaine, car si c’est pour nous

un jour tle deuil lorsque nous perdons un malade, c’est vraiment un jour de fôte lorsque nous sommes assez heureux pour lui sauver la vie.

Et combien cette satisfaction est plus douce, lorsque le principe régénérateur que nous communiquons a pris sa source au sein de nous-même !

D euxième observa l ion.

Je fus appelé, le 25 mai 1852, chez M"" Aubert, marché Sainte-Catherine, 11“ (5, pour donner des soins à sa demoiselle, âgée de dix ans et demi, affectée d’une hydropisie du bas-ventre, maladie connue sous le nom d'ascile ou d'/iy-dropèritonite.

Celte enfant, d’une faible constitution et d’un tempérament lymphatico-nerveux, souffrait depuis environ neuf mois.

Après avoir passé les six premiers mois de sa maladie à l’hôpital de Loursine, sa mère, ne la trouvant pas mieux, prit le parti de la faire soigner chez elle. La malade reçut alors les soins d’un médecin du bureau de bienfaisance, pendant trois mois, au bout desquels celui-ci discontinua ses visites , disant qu’il avait fait tout ce qui était humainement possible, et que, le mal étant arrivé au plus haut degré, il engageait la mère à faire reconduire sa fdle à l’hôpital, pour s’éviter la douleur de la voir périr sous ses yeux, ce qui devait arriver, disait-il, avant peu de jours,

Malgré les raisons que donnait ce médecin, M" Aubert 11e put se décider à se séparer de nouveau de son enfant, et la nuit suivante fut tellement orageuse, qu’on fit de nouvelles tentatives auprès du médecin pour qu’il veuille bien venir voir la malade, mais elles furent infructueuses.

C’est le matin qui suivit cette cruelle nuit que je vis la jeune malade pour la première fois.

Voici l’état dans lequel je la trouvai, après un examen attentif.

La première chose qui me frappa et qui m’expliqua les menaces incessantes de suffocation qui avaient eu lieu pendant

la nuit précédente, fut l’énorme distension des parois abdominales, distention produite par deux causes évidentes et fort distinctes :

1° L’accumulation d'une grande quantité de gaz dans le canal digestif, comme le prouve le son clair et tympanique rendu par l’abdomen quand il était percuté dans toute sa partie antérieure ;

2" La présence dans le péritoine d’environ deux litres de liquide occupant la partie la plus déclive de la cavité abdominale.

L'épanchement dans le péritoine ne peut être ici révoqué en doute, car j'ai pu le constater parles signes physiques les plus certains que la science possède : la fluctuation et la percussion.

La première était rendue manifeste en appliquant à plat une des mains sur l’un des côtés de l'abdomen, tandis qu’avec la pulpe des doigts de l’autre main je percutais le côté opposé, et produisais ainsi une impulsion brusque, instantanée du liquide, laquelle impulsion était perçue par l’autre main restée immobile.

Le second moyen de diagnostic non moins certain, la percussion, fut pratiqué de la manière suivante :

Après avoir fait coucher la malade sur le côté droit et attendu quelques instants, pour donner le temps au liquide de descendre vers les parties déclives, je percutais sur le ples-simètre ou sur le doigt appliqué près du côté du ventre oii la malade était couchée, je trouvais alors le son mat en cet endroit. Si, au contraire, je percutais le ventre du côté opposé, le son prenait un caractère tympanique.

En faisant la contre-épreuve, c’est-à-dire en faisant coucher la malade du côté opposé, j’obtenais un résultat inverse : le côté qui était primitivement mat, devenait élastique et très-sonore, et celui qui présentait le son tympanique donnait lieu à la matité.

Indépendamment du développement extrême du ventre, on remarquait, comme cela a lieu le plus souvent dans l’hy-dropéritonite ancienne, une infiltration des extrémités infé-

rieures; ce qui formait un contraste avec les extrémités supérieures entièrement desséchées.

La gène de la circulation, comme l’indiquait la couleur violette des lèvres et la difficulté de la respiration, était évidemment la conséquence forcée de l'accumulation des gaz et de la sérosité dans l’abdomen, accumulation qui refoulait le diaphragme en haut, ainsi que le cœur et les poumons. La malade se plaignait en outre de coliques très-vives ; elle allait jusqu’à dix fois par jour à la selle, urinait très-peu et buvait beaucoup.

Le pouls battait 132 fois par minute.

En explorant la région de la rate, je constatai que cet organe avait sept centimètres de haut en bas, au lieu de cinq et demi qu’elle aurait dû avoir chez un enfant de cet âge.

L’augmentation de volume de cet organe rendait fort bien compte des accès fébriles qui se manifestaient tous les jours à la même heure.

D’après ce qui précède, on voit que cette enfant présentait à l’observation du médecin plusieurs maladies assez facile» à constater :

•1° Une hydropéritonite;

2° Une tympanite ;

3° Une gastro-entérite;

h° Une fièvre intermittente quotidienne.

Comme cela n’arrive que trop souvent, l’existence simultanée de plusieurs affections est un obstacle au traitement, car ce qui convient pour l’une nuit à l’autre.

Je me déterminai néanmoins à faire une ordonnance, sans compter beaucoup sur les moyens (pie je conseillais.

Cependant, avant de quitter la malade, je voulus voir l'effet que le magnétisme produirait sur elle.

Quelle ne fut pas ma surprise et celle de cinq à six personnes présentes, lorsque, en un instant, nous vîmes cette enfant tomber dans le somnambulisme, être parfaitement isolée et insensible, avec convulsion des yeux en haut I

Questionnée sur ce qu’elle éprouvait alors, elle me dit qu’elle se sentait très-bien et que son ventre n’était plus dou-

lourcux. « Jamais, disait-elle, je ne me suis trouvée si bien depuis que je suis malade. » Je la laissai vingt minutes dans cet état. Le bien-être s’est maintenu après le réveil. Je partis ensuite, bien décidé d’employer tous les jours le magnétisme , de concert avec les autres moyens que j’avais prescrits. Une demi-heure après avoir quitté la malade, je réfléchis que je m’étais peut-être trop hâté d’ordonner des médicaments, que le magnétisme ayant produit un soulagement si marqué, on pouvait sans crainte ajourner l’emploi des moyens médicaux, et se borner au magnétisme pendant quelques jours.

Je retournai donc et fis part à la mère du motif de ma visite. Elle me dit que les médicaments étaient déjà achetés. Je l’engageai à les mettre de côté, afin de les employer plus tard, si le magnétisme ne produisait pas reflet salutaire que j’en attendais. Je donnai pour toute tisane de l’eau magnétisée.

Je revis la malade le lendemain matin, et j’appris qu’au lieu d’aller, comme d’habitude, huit ou dix fois à la garde-robe pendant la nuit, elle avait uriné le même nombre de fois et n’était pas allée une seule fois à la selle.

L’émission d'une grande quantité de gaz et d’urine avait amené une sensible diminution du ventre, et, par suite, une plus grande facilité dans la respiration.

L’accès fébrile que l’on attendait n’avait pas reparu ; le pouls était à 100 pulsations.

Enchanté d’un pareil résultat, je continuai, tous les jours, les magnétisations et l’usage de l’eau magnétisée pour tout médicament.

La malade témoignait toujours de la satisfaction à chaque magnétisation.

Le septième jour de ce traitement si simple, je trouvai cette enfant levée, en train de broder, disant qu’elle ne voulait plus garder le lit, qu’elle u’était plus malade.

En elfet, l’appétit était très-prononcé ; il y avait 72 pulsations, et la respiration était comme à l’état normal.

Enfin l’hydropéritonite, l’œdème des extrémités inférieu-

res, la tympanite, la gastro-entérite e t fo fièvre intermittente avaient entièrement disparu.

Une restait plus de to-It.i„ ,

grande maigreur 'flcs sy,nPlômes mentionnés qu'une

L’anné: ' S" inévitable d'une longue maladie.

. -•'“i de la niaiade se soutenant, et le mieux augmentant île jour en jour, je discontinuai mes visites, après être convenu avec la mère qu’elle me ferait prévenir si la santé de son enfant lui inspirait la moindre inquiétude.

A environ trois mois de là, je rencontrai M“* Aubert en deuil et tout en pleurs. Elle venait de perdre sa fille d’une maladie de poitrine.

Des dévotes, abusant de la faiblesse d’esprit de cette femme, l’empêchèrent de me consulter de nouveau, disant que c’était pécher contre la religion que de faire traiter son enfant par le magnétisme.

Quand cessera-t-on de considérer comme un acte irréligieux la mise en pratique, contre les maladies, d’une faculté dont Dieu a gratifié l'homme dans sa munificence?

Le résultat prodigieux que j’avais obtenu dans la première maladie de la jeune Aubert, me fera toujours regretter que le magnétisme n’ait pas été employé pour combattre l'affection qui l’a conduite au tombeau.

Troisième observation.

Le 27 avril 1852, le nommé Marc, demeurant passage Charlemagne, escalier H, vint me chercher à quatre heures du matin, pour voir sa fille, enceinte de six mois, qui était en proie à des accès d’hystérie et à de vives douleurs occasionnées par une névralgie frontale du côté droit.

Cet homme était tout en pleurs et craignait que j’arrivasse trop tard pour porter secours à sa fille, qu’il croyait être sur le point d’expirer.

A mon arrivée, je trouvai cette dame couchée dans son lit et dans une immobilité complète, redoutant le moindre mouvement, parce qu’il augmentait beaucoup ses douleurs.

Ce qui tourmentait surtout cette dame, c’était d’éprouver

à chaque instant la sensation d’une boule qui semblait partir de la matrice, se diriger vers l’estomac, la poitrine et le cou, où elle produisait une espèce de strangulation.

La face était violette et le pouls d’une faiblesse extrême.

La malade n’avait pas dormi de la nuit, et tous les moyens conseillés par le I)r Jouënne, son médecin, avaient paru plutôt augmenter le mal que le diminuer.

Deux sœurs de charité étaient assises près de la pauvre moribonde; l’une d’elles m’apporta une plume, de l’encre et du papier, en m’invitant à faire de suite une ordonnance, dans la crainte que le pharmacien n’eût pas le temps de l’exécuter si l’on tardait davantage. Avant de faire une ordonnance, lui dis-je, je veux voir si je ne pourrai pas soulager cette dame, sans avoir recours aux remèdes ordinaires. Je commençai donc de suite à la magnétiser; mais mes premières passes furent suivies de la disparition subite des deux religieuses, que le procédé avait sans doute scandalisées.

Sans tenir compte de cette apparence de mauvaise humeur, je continuai de magnétiser la malade pour calmer ses souffrances. Elle dormit au bout de quelques minutes. Un instant après, pendant que j’actionnais la tête pour entretenir le sommeil, la figure devint rouge et la malade se réveilla, se plaignant d’une douleur très-vive au front. Une crise nerveuse aurait eu lieu, sans doute, si j’avais continué. Je changeai donc mon mode opératoire, et au lieu d’agir directement sur la tête, je fis des passes dégageantes sur les membres supérieurs et non sur les inférieurs, dans la crainte de produire l’avortement. Je n’eus qu’à me louer d’avoir pris ce parti, car à l’instant même la face devint pâle et la malade plus calme.

Le symptôme qui tourmentait le plus cette pauvre femme était la soif ardente dont elle était dévorée depuis cinq à six heures, et qu’elle ne pouvait satisfaire, car l’eau introduite dans la bouche ne pouvait aller plus loin, tant la constriction de la gorge était grande. Ce supplice était pire que celui de Tantale.

Quelques passes faites depuis le dessous du menton jusqu’au creux de l’estomac, facilitèrent tellement le passage

tles| boissons, que la malade but d’un seul trait un grand verre d’eau sucrée, à la surprise de toutes les personnes présentes. qui soutenaient qu’elle 11e pourrait pas boire, car elle 11’avait pu, pendant la nuit, avaler la plus petite gorgée de liquide, bien qu’elle eût essayé plus de vingt fois. Je fis encore quelques passes, et le sommeil devint tellement profond qu’il fut accompagné de ronflement.

Dans ce moment, les sœurs entrèrent dans la pièce qui précédait celle où j’étais, ei l’une d’elles demanda si j’étais encore là ; elle m’aperçut, et ine dit que j’avais bien fait de ne pas quitter la malade. — « Comment se trouve-t-elle actuellement, me dit-elle?— Parfaitement bien, lui répondis-je ; elle dort profondément. » Et, sur l’observation que je fis que le magnétisme seul avait produit ce changement favorable, elle se retira encore avec sa compagne, pour revenir au bout de sept heures, pendant lesquelles la malade n’avait pas discontinué de dormir du sommeil le plus tranquille.

D’après l’antipathie que ces religieuses ont montrée pour le magnétisme, vous ne serez pas surpris d’apprendre, mon cher confrère, qu’au réveil de ma malade, elles lui proposèrent un autre médecin ; mais celle-ci refusa résolument, disant qu’elle était rétablie, et que si elle redevenait jamais malade, elle donnerait la préférence à celui qui l’avait guérie si promptement.

Quatrième observation.

Le magnétisme triomphe si souvent des accès d’hystérie, tandis que la science officielle montre fréquemment son impuissance à combattre cette névrose, que j’ai cru devoir mettre encore sous les yeux de vos lecteurs la relation d’une observation analogue à la précédente, ne serait-ce que pour engager mes confrères, dans l’intérêt de leurs malades, à ne pas dédaigner un moyen qui peut leur donner des résultats si avantageux.

Le 30 juin 1852, je fus appelé, à dix heures du soir, rue

(lu Roi-(le-Sicile,n° 1, pour voir M"" Joseph, (pii avait des accès convulsifs depuis près d’une heure et demie.

Arrivé au domicile de cette dame, j’appris des personnes présentes qu’elle avait manifesté dans la journée l’intention de s’empoisonner, si une personne malade, qui lui était chère, venait à succomber. La crise qu’elle avait alors étant survenue après la réception d'une lettre, donnait à penser qu’elle avait mis son projet à exécution.

Après avoir entendu la chute d’un corps sur le sol de la pièce où elle était, on entendit jeter des cris aigus. On fut obligé, pour lui porter secours, de faire ouvrir la porte par un serrurier..

En entrant chez elle, on la trouva se débattant par terre et se frappant la tète sur le carreau.

On l’avait relevée et mise sur son lit où trois hommes la contenaient diliicilement, lorsque je suis arrivé.

L’attaque était caractérisée par des mouvements violents et alternatifs d’extension, deflexión, d’adduction et d’abduction (les membres.

La malade poussait souvent des cris aigus et, dans sa rage innocente, cherchait à déchirer, à l’aide de ses dents, tout ce qu’elle pouvait saisir. Ne s’épargnant pas elle-même, elle s'était fait au bras droit une morsure assez profonde.

Ce qui me frappa surtout pendant cet accès convulsif, ce fut de voir la malade porter souvent ses mains au devant de son col, comme pour enlever un corps étranger qui l’étranglait. Évidemment elle éprouvait au suprême degré la sensation de la boule dite hystérique. La face était le siège de mouvements spasmodiques, mais ne présentait pas la lividité, ni la bave écumeuse, ni les hideuses grimaces des épileptiques.

Pensant que le magnétisme pourrait modifier favorablement cette attaque ou même la faire disparaître, je iis des passes pendant cinq à six minutes, depuis le haut du sternum jusqu’à l’épigastre.

A cette agitation extraordinaire succéda un calme parfait les mouvements convulsifs cessèrent totalement, ainsi que la gêne de la respiration.

Sur la demande que je lui fis si elle souffrait encore, elle me dit qu’elle se sentait beaucoup mieux, et qu’elle n'éprouvait plus qu’une grande lassitude et un besoin irrésistible de dormir, ce qui me détermina à la magnétiser encore pendant environ dix minutes, au bout desquelles un sommeil profond eut lieu, à la surprise d’une dizaine de voisins que cette scène avait attirés. Le lendemain matin, je vis la malade. La nuit avait été bonne ; il ne restait aucune fatigue, comme cela a lieu ordinairement le lendemain des accès hystériques prolongés, ce qui justifie, mon cher confrère, la proposition que vous avez émise dans une de vos dernières conférences, savoir : que le magnétisme est un puissant restaurateur des forces. Ici, non-seulement il a fait disparaître une attaque d’hystérie portée au plus haut degré, mais encore l’épuisement qui suit toujours les accidents de cette nature.

Quand ou pense à la difficulté qu’éprouve le médecin pour triompher des attaques d’hystérie, 011 doit s’applaudir d’avoir à sa disposition un agent aussi puissant que le magnétisme, qui peut, en quelques minutes, faire cesser le mal, ce qui est un immense avantage, car il est rare que les crises durent moins d’une heure; le plus grand nombre est de quelques heures ; il en est de plusieurs jours. Georget parle d’une malade chez laquelle la première attaque dura huit jours et la seconde quarante-cinq jours, avec des rémissions de quarante à cinquante minutes.

Remarque.

Les quatre personnes dont il vient d’être question m’ont présenté chacune un phénomène remarquable, que j’ai toujours rencontré chez les femmes très-sensibles au magnétisme ; je veux parler du bruit du souffle des carotides, que l’on désigne encore sous le nom de bruit du diable, et que l’on peut facilement entendre à l’aide du stéthoscope. Cette particularité, qui est un indice de la pauvreté du sang, coïncide très-souvent avec la pâleur des gencives et de la caroncule lacrymale, la décoloration de la peau, la faiblesse ex-

trème du pouls, qui disparaît quelquefois, lorsque le bras est dans une direction verticale; la fréquence des maux de tête qui disparaissent presque toujours lorsque cette partie du corps est sur l’oreiller.

Ces idées, qui se trouvent en germe dans l’ouvrage de l’abbé Faria, et qui pourront être vérifiées par les personnes qui s’occupent de magnétisme, m’ont mis souvent sur la voie pour connaître d’avance le degré de sensibilité magnétique des personnes que je voulais influencer.

Agréez, cher confrère, l’assurance de ma haute considération et de mon dévouement.

LOUYET, Docteur-médecin.

INSTITUTIONS.

Soclété do mesmérisme de Parla.

DES OBJETS MAGNÉTISÉS (1).

Jusque-là même que lorsque les mouchoirs et les linges qui avaient louché son corps, étaient appliqués aux malades, ils étaient guéris de leurs maladies, et les esprits malins sortaient du corps des possédés.

Actes, ch. xii, v. lï.

I.

Qu'est-ce que le magnétisme?

A cette question, les uns répondent : C'est un fluide — C'est Câme, disent les autres.

Je dirai à mon tour : C'est tout cela; mais non exclusivement l'une ou l'autre de ces deux choses.

Pourquoi vouloir toujours séparer ce qui est inséparable? Pourquoi, sous une autre forme, continuer la querelle des

(1) Thèie pour l’obtention du grade de membre titulaire.

spiritualistes et des matérialistes ? F/uidistes et non-jluidistes, votre opinion ne changera rien à l'immuabilité des lois de Dieu. Les faits restent les mGmes après comme avant la querelle; examinons-les donc avec attention, en nous dépouillant autant que possible de préjugés et d’idées préconçues.

C’est tout cela, avons-nous dit.

En effet, notre être est esprit et matière, et le fluide que nous émettons dans l’acte magnétique participe de cette double nature. Pour moi, le magnétisme, c’est la vie.

Or la vie n’est pas seulement le résultat du jeu harmonique de nos organes : le souille de Dieu, l’âme, l’esprit, est le principe qui fait mouvoir la machine. Mens agitai ■motem. Qu’est-ce que la gravitation, cette vie des mondes? Le souille de Dieu sous forme de loi mathématique !

Le fluide, considéré comme force, est le produit de la matière; il a des propriétés intrinsèques; les animaux le recèlent ; il est dans tout ce qui se meut, dans tout ce qui respire; il remplit l’espace où nous le puisons incessamment; c’est un des arômes de Fourier; peut-être est-ce l’âme de la planète. Je le crois fruit des caloriques et des lumières, qui sont principes de vie, émanations de Dieu lui-même.

La volonté met cette force en mouvement et lui imprime des qualités nouvelles. C’est alors, si je puis m’exprimer ainsi, la matière spiritualisée.

Voilà en quelques mots notre théorie sur l’agent mesmé-rien. Elle est bien incomplète sans doute, aussi n’espérons-nous pas qu’elle satisfera l’esprit de ceux qui veulent des définitions rigoureuses. A ceux-là nous demanderons ce cpte sont les impondérables connus. Néanmoins nous allons essayer de bâtir sur ces mouvantes fondations le fragile édifice de notre pénible élucubration. Que Dieu et mes collègues veuillent que je ne sois point enseveli sous les ruines! ! 1

IL

Mesmer, à qui nous devons tant — pour ne pas dire tout— attribuait à un fluide subtil, sorte d'éther, la production

des phénomènes magnétiques. Partant de cette donnée vérifiée par l’observation, et s’appuyant sur l’analogie, il pensa que les corps inertes pouvaient être rendus dépositaires de cet agent et avoir une action identique, dont la durée était indéterminée. De làl’invention du baquet et son emploi comme auxiliaire, c’est-à-dire magnétisation intermédiaire, pratique si féconde en résultats.

La première application que nous trouvons de ce moyen est relative àM"' GEsterline, la première malade soumise au traitement magnétique. Mesmer voulant prouver la commu-nimbUité du principe magnétique par des objets, influença cette personne à l’aide d’une tasse prise entre plusieurs autres et magnétisée en présence d’un membre de la Société royale de Londres, M. Ingenhouse.

Contrairement aux autres fluides tels que l’aimant, l’électricité , le galvanisme, etc., le fluide magnétique 11e connaît pas de corps réfractaires ou même isolants, et les agents de destruction les plus énergiques paraissent avoir peu d’influence sur les objets qui en sont saturés.

On assure que des métaux magnétisés et rougis au feu conservent leur propriété magnétique ; que la cendre de végétaux , de papiers, de chiffons magnétisés et brûlés influence les somnambules. M. du Potet possède une bague ayant appartenu à un personnage mort depuis longtemps et réputé sorcier, qui, passée au doigt d’un crisiaque, détermine des effets singuliers ; elle évoque les morts.

Les liquides reçoivent et retiennent, pendant un temps que l’on 11e saurait fixer, l’agent mesmérien.

La trace de nos pas, par l’émanation qu’elle laisse, est saisie par certains animaux, le chien entre autres.

Un signe quelconque, tracé sur la terre, sur un plancher, sur une muraille, etc., qu’il soit visible ou non, est perçu par un crisiaque et agit suivant certaines lois inconnues jusqu’ici.

Sans l’existence de ce fluide, comment expliquer le rapport qui s’établit entre les somnambules et des personnes absentes et qui leur sont le plus souvent inconnues, par le

simple contact d’objets ayant appartenu à ces personnes ou les ayant seulement touchées?

Mesmer, ce profond observateur que l’on ne consulte pas assez souvent, ax ait reconnu que parmi les anciennes erreurs elles opinions vulgaires de tous les temps, il en était peu, quelque ridicules et même extravagantes qu'elles paraissent, qui ne pussent être considérées comme le reste d’une vérité primitivement reconnue. C’est ainsi que les amulettes, dont 011 a tant ri et dont 011 rit encore aujourd’hui, ne sont autre chose que des objets magnétisés. Dans l’origine, l’eau bénite, ainsi que tous les objets consacrés par les hommes qui avaient la lumière, renfermaient le principe de vie, c'est-à-dire l’agent magnétique. Les signes dont 011 se servait pour cette opération — signes qui subsistent encore — ressemblent trop à nos procédés actuels pour 11e pas y reconnaître un lien de parenté, une même origine. Hélas ! l’esprit a fui, la lettre seule est restée; simulacre vain, la consécration n’est plus qu’un symbole impuissant dont le sens profond échappe à ceux-là même qui la pratiquent. Qu’ils fassent donc des guérisons avec de l’eau bénite et l’étole dont ils touchent les fidèles, comme leur divin maître avec le pan de sa robe!

Dieu a délégué à l’homme la puissance créatrice limitée à sa destinée. O11 ignore encore ce que peut la volonté humaine; un jour 011 le saura, l'homme alors sera véritablement roi de son globe, alors aussi le royaume de Dieu sera proche !

III.

Au point de vue thérapeutique, les objets magnétisés peuvent être d’un grand secours. Les ingesla surtout, par leur long cheminement dans le tube digestif et leur assimilation à notre économie, rendent d’importants services. Et si l’on songe à cette magnifique découverte de la transmutation de l’eau et des autres corps en une infinité de substances,— cette pierre philosophale tant cherchée! —on voit de suite tout le parti que l'on en peut tirer pour le traitement des maladies.

C'est ainsi que j’ai pu administrer à une malade somnambule , de la valériane, de la bourrache, du pavot, une infur-sion d’absinthe, des purgations, etc., suivant que ces différents remèdes étaient prescrits par elle. M. le IV Louyet, notre prudent et savant secrétaire, m’ayant refusé de la sabine qu’il croyait nuisible au sujet, j’en fis avec de l’eau, etj’ob-ins tous les effets attendus du médicament, sans avoir eu à redouter les inconvénients de ce puissant emménagogue.

Voici la conversation que j’eus à cet égard avec la malade endormie, lorsque je vins le lendemain la voir :

— Que pensez-vous du refus du docteur à l’égard de la sabine?

—11 peut avoir raison pour toute autre que moi. Je répète qu'il m’en faut.

— Mais les dangers du remède !

— N’ayez pas peur. 11 m’en faut peu, deux verres seulement, un ce soir, et l’autre demain matin, à jeun.

— C’est bien ; mais il reste la difficulté de s’en procurer. Puis-je vous en faire?

Après un moment de silence, la dormeuse reprit :

— Oui, vous le pouvez. Prenez cette (asse, emplissez-la d’eau et magnétisez pendant quatre ou cinq minutes en voulant que ce soit de la sabine.

J’obéis. — Vous savez le résultat.

Un morceau de sucre imbibé d’eau de Cologne fut prescrit par la même personne, contre des maux d’estomac qui venaient à des époques irrégulières. Je trempai le sucre dans de l’eau magnétisée, et le magnétisai lui-même une minute. Le mal d’estomac cessa; mais la malade se plaignit que la dose était trop forte et que ça lui brûlait la bouche. Au réveil, les lèvres se dépouillèrent, et la certitude d’avoir ingéré de l’eau de Cologne persista.

On a fait souvent cette question, sur laquelle les magné-tistes sont partagés :

Communique-t-on réellement à l’eau la qualité de la substance en laquelle on la transmue?

Je réponds affirmativement, et voici sur quoi je me fonde;

1° J’ai donné souvent de l’eau magnétisée sans produire l'ellet de la sabine ;

2° L’eau magnétisée était la boisson ordinaire de la malade, et cependant elle ne purgeait que lorsque je le voulais ;

3° Dans un cas de fièvre typhoïde, je donnai de l’eau magnétisée au malade. 11 ne se produisit rien d’apparent, sinon un peu de mieux. Deux verres d’eau magnétisée avec intention déterminèrent une purgation qui dura deux jours et sauva le malade;

h° L’exemple de l’eau de Cologne est également concluant :

5° Un homéopathe français, dans la traversée qu’il fit de Rio-Janeiro à New-York, en compagnie de sa daine, se trouva en proie, ainsi que tout le monde bord, aux horreurs de la plus affreuse disette. La provision d’eau douce était corrompue et inspirait le plus profond dégoût à l’épouse de ce médecin. Dans celte extrémité, il se souvint du magnétisme et fit de nécessité vertu. Il transmua l’eau en bouillon, et en nourrit sa femme pendant onze jours. Plusieurs passagers moururent de faim, la femme du capitaine entre autres.

Il en est des autres corps tels que vin, bierre, huile, pain, etc., comme de l’eau ; mais on la préfère généralement , parce qu’elle est neutre.

Un négociant de la Sarthe, M. Juffey, magnétise des tonneaux d’eau qu’il distribue aux malades, et de nombreuses guérisons s’opèrent. Cette eau a de plus la qualité de séjourner dans des vases débouchés sans se corrompre.

Le vénérable commandant Laforgue emploie ce moyen depuis longtemps, non-seulement pour les hommes, mais aussi pour les animaux domestiques.

Il n’est pas absolument nécessaire d’imprimer à l’eau une qualité quelconque pour obtenir des effets curatifs ou autres, la simple magnétisation suffit, et l’on obtient parfois des résultats que la magnétisation directe n’aurait pu produire. M. Hébert détermina, à l’aide d’un verre d’eau, des convulsions chez un sujet qu’il n’avait pu influencer directement. J’ai obtenu un résultat semblable.

Les tissus sont, après les boissons el les'aliments, les objets dont l’usage est le plus commode. Aussi peuvent-ils être employés dans une foule de cas, et transmués à leur tour.

Ainsi une serviette deviendra un cataplasme; un cliifTon sera transformé en emplâtre. Dans les blessures et fractures, on magnétisera les bandes à pansement, la charpie. Ce procédé a été mis en usage à l’hôpital Saint-Louis par notre collègue le l)r Léger, qui n’a eu qu'à se louer de l’innovation.

.M. Mialle cite le fait d’une prescription somnanibulique fort curieuse : un morceau de toile replié plusieurs fois sur lui-même et appliqué en guise de vésicatoire, en produisit tous les effets.

Le linge, les vêtements magnétisés sont d’une grande efficacité dans les douleurs ou autres affections : la femme qui avait une perte fut guérie en touchant la frange de la robe de Jésus. Il en fut de même, pour d’autres malades, par l'application de linges et de mouchoirs qui avaient touché le corps des apôtres.

Notre vice-président nous rapportait, il y a quelques jours, un cas de guérison de douleurs rhumatismales à l'aide d’une robe de chambre magnétisée. Le rhumatisan est un professeur de l’École de médecine, M. M...... qui n'a pas été converti pour cela au magnétisme.

Un oreiller et un gilet de llauelle, magnétisés par deux frères atteints de douleurs, provoquèrent des effets d’une énergie extraordinaire. La dose était trop forte.

Des névralgies ont disparu par l'apposition d’un linge magnétisé sur le siège du mal. Chez le typhoïque cité plus haut, une serviette magnétisée, appliquée sur le ventre, provoqua une sueur extraordinaire suivie d’un sommeil de plusieurs heures.

Les végétaux peuvent être mis à contribution. Chez les premiers disciples de Mesmer, des malades venaient chercher sous leur ombre bienfaisante le retour à la santé. L'arbre de Buzancy est célèbre à ce titre. La terre a produit le perfide mancenillier, cette création subversive; M. de Puységur a trouvé son antidote.

Les métaux sont susceptibles également d'être employés comme agents curatifs. Des bagues, des bracelets, des colliers, des pendants d’oreilles, trouvent leur place dans l’arsenal du magnétiseur, arsenal immense, comme on voit, car tous les règnes de la nature lui sont tributaires.

Je borne ici, par la citation d’un dernier exemple, la nomenclature des objets magnétisés qui peuvent être employés au traitement des maladies. J’ai transmué de la farine de froment en sulfate de quinine.

IV.

De ce qui précède il ne résulte pas que j’aie voulu dire que les objets magnétisés peuvent servir exclusivement au traitement des maladies. Non ; ils ne doivent être considérés que comme des auxiliaires destinés à entretenir l’effet tonique produit par le magnétisme, et ne dispensent pas absolument de l’action directe. Je n’ai pas voulu dire davantage que l’on réussirait toujours à l’aide de ce procédé; car certes l’agent mesmérien n’agit pas sur toutes les natures au même degré et dans le même temps. C’est un moyen, entre mille, que la nature a donné .à l’homme non-seulement pour se guérir, mais d’abord pour se préserver; moyen le plus puissant, il est vrai, toujours à notre portée, et par lequel on devrait commencer. D’ailleurs ce n’est pas en vain que Dieu, dans sa bonté infinie, a répandu avec tant de profusion autour de nous les autres agents de guérison. Sa prévoyante sagesse savait bien que le magnétisme, ce don précieux de son incommensurable amour, serait méconnu par notre orgueilleuse raison. Elle a dû y pourvoir. Hélas ! la science, substituant ses faux systèmes aux lumières somnam-buliques, a trouvé le moyen de nous empoisonner avec ce qui nous avait été donné pour nous guérir...

11 en sera et il en est déjà de même du magnétisme, car le règne de Judas n’est pas fini : la sophistication ne se confine pas dans l’arrière-boutique du marchand. Dans le monde à rebours où nous vivons, où les rapports des hommes entre

eux, et môme des nations, sont basés sur le mensonge, la fraude et la violence ; où les choses les plus pures servent de masque aux vices les plus honteux, — toute vérité est une arme à deux tranchants, toute découverte a ses dangers...

Je comprends et partage les craintes de notre maître.

V.

J’ai dit que tous les corps de la nature étaient aptes à la saturation magnétique. J’ai dit aussi que la volonté communiquait au fluide magnétique des propriétés nouvelles. Les magnifiques expériences de M. du Potet le prouvent surabondamment.

Il semble que les objets magnétisés ont une action plus rapide sur les crisiaques que la magnétisation directe, en même temps qu’ils font naître une série de phénomènes qui leur sont propres. Ainsi le miroir magique, les cercles, les lignes, les flèches, etc., employés par M. du Potet, sont les éléments de phénomènes qui paraissent obéir à des lois spéciales.

O11 donne à l’eau la saveur et le goût d’une liqueur quelconque, et les effets sont les mômes que dans la réalité, c’est-à-dire que l’eau alcoolisée produira l'ivresse, etc. Ici, tout devient instrument de prodiges, les lois de la nature semblent renversées : un chapeau, une canne, etc., troublent le cerveau et font chanceler le patient comme s’il était ivre. C’est qu’il l’est en effet... Un mouchoir, une fleur, du papier, une pièce de monnaie, deviennent incandescents ou glacés, suivant le caprice de l’opérateur. Un morceau de métal foudroie; des êtres sont renversés, enchaînés, agités comme des possédés, sous la pression d’une volonté étrangère; des hommes jeunes, vigoureux, valides, pleins de santé et de force, sont, à l’aide d’un signe ou d’un instrument, transformés en vieillards, rendus difformes, paralysés, anéantis, ou miment des gens qu’ils n’ont jamais vus.

Dans ces faits merveilleux, le fluide magnétique paraît être le véhicule de notre pensée, qui s’individualise, se matérialise et s’incarne.

Ici nous sommes clans le domaine de la magie. Mon esprit haletant s’arrête au seuil du sanctuaire. L’initiation commence ; il ne m’est point permis d’en révéler les mystères 1

ARNETTE.

Post scriphmi.

11 y a plus d’un an que j’ai soutenu cette thèse ; elle présentait alors un tableau assez complet de l’état de nos connaissances sur ce sujet trop négligé. Depuis lors une révolution s’est laite, et les objets inertes sont devenus presque animés.

En effet, des corps qui, faiblement magnétisés, n'étaient aptes^à produire que des efTets dynamiques, en recevant le dépôt d’une forte dose de l’émanation vitale appelée fluide magnétique ou électricité animale, se meuvent, obéissent, répondent, comme des somnambules lucides. C’est là un résultat qu’aucun fait antérieur ne pouvait faire prévoir, aussi a-t-il causé partout un étonnement bien légitime.

Maintenant que l'attention des observateurs est attirée vers cet ordre de recherches, et que de toutes parts on fait des expériences, la science va s’enrichir de données qui laisseront loin derrière mon mince travail. Quoi qu’il en soit, mon but est rempli : la question était nébuleuse, j’ai tâché de l’éclaircir.

A.

Frtr lc Mesmer.

La banlieue a eu aussi son banquet mesmérien celte année ; nos émules se sont réunis dans les salons du Pire Ut-thuile, à Batignolles, sous la présidence de M. le marquis du Planty, ex-maire de Saint-Ouen, et médecin exerçant dans cette commune.

La Patrie du 25 mai, en faisant connaître cette réunion, donne les détails suivants :

« Cent personnes environ ont assisté à ce banquet; des discours fort spirituels, nous assure-t-on, y ont été pronon-

c6s. Un poëte de la Société, M. Jules L..., a chanté un joyeux pot-pourri sur les tables tournantes.

« En voici un couplet :

Jo crois que les Français sont fous.

La lièvre tournante, entre nous,

Vient d’attraper cette semaine lin enfant de deux ans i> peine,

Et qui n’est pas encor sevré '

J'en ai, Messieurs, le cœur navré!

L'enfant se livre à ce sot exercice ;

Il fait tourner le lait de sa nourrice. (Dis.)

Le même journal a publié, clans son numéro du 28, la lettre ci-après, adressée à son rédacteur :

« Paris, le 25 mai 1853.

« Monsieur,

«Je vous prie de vouloir bien enregistrer, dans votre prochain numéro, quelques rectifications auxquelles nous attachons beaucoup d’importance :

1° Cent vingt-cinq personnes assistaient au banquet de la Société pliilanthropico-magnétique ;

2° Quelques paroles parties du cœur, prononcées par le savant l)r du l’ianty, l’assurance donnée par M. Aubin-Gautliier qu’avant peu le gouvernement ferait élucider la question magnétique, ne prétendent pas au titre de discours fort spirituels.

« La personne qui vous a donné ces détails ignore sans doute que nous détestons les discours, parce qu'ils emportent trop souvent l’esprit loin du cœur; sans quoi, MM. Jacques Arago et Charles Ledru, que nous possédions parmi nous, auraient joiut leur puissante voix à la voix éloquente et toujours sympathique de M. le l)r du Planty.

« Veuillez agréer, etc.

« Le secrétaire-général,

« DOMICILE. »

En insérant cette lettre, nous ne prétendons pas garantir la solidité de son argument sur les discours ; c’est une pièce historique, voilà tout.

AUNETTE.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

COUPS MYSTÉRIEUX.

Un de nos abonnés nous communique la traduction suivante d’une lettre du célèbre socialiste anglais, Robert Owen :

Londres, 20 mai 18D3.

Mon cher ami,

En réponse à votre lettre du 12, réponse que j’ai différée pour vous satisfaire plus complètement sur les esprits invisibles, je vous déclare que je n’ai plus aucun doute sur la réalité de leur communication avec nous, à l’aide d’êtres sincères et fidèles à leur mission.

Grâce à un de ces mediums, j’ai eu dix-sept ou dix-huit séances des plus convaincantes. Mes communications ont été directes avec ma défunte femme, mes deux filles, mon père, ma mère, mes deux frères et ma sœur ; j’en en ai eu deux avec le président Jefferson , une avec Renjamin Franklin, deux avec le duc de Kent, père de notre reine, d’autres avec des personnages qui n’ont pas eu de caractère public.

Les réponses que j’ai tirées de ces esprits sont les suivantes :

1° Que l’objet des manifestations générales actuelles est de réformer la population de notre planète, de nous convaincre tous de la vérité d’une autre vie, de nous rendre tous sincèrement charitables, bienveillants et doux les uns pour les autres.

2” Que le mouvement des tables sous des chaînes de mains est déterminé par des esprits morts.

3° Que les communications de ces esprits avec nous sont produites par de l’électricité.

¿° Que les mediums sur la terre sont choisis par Dieu.

Dans la dernière séance, j’ai demandé quelles étaient les qualités réputées les plus hautes et les meilleures dans le monde des esprits. La réponse a été :

La bienveillance et l’amour.

Dans le prochain numéro de ma Revue, je donnerai tous les détails de ces intéressantes séances.

Communiquez tout ce que je vous dis là à notre brave ami le capitaine Price, et rappelez-moi à vos dames.

Votre affectionné

Robert OWEN.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

CONTROVERSES.

* g ^

MANIFESTATIONS SPIRITUELLES.

/I Mademoiselle Anna Blackwell,

Ma chère amie,

J’ai lu avec le plus vif intérêt, dans le Journal du Magnétisme du 25 avril dernier, votre lettre à M. Hébert, dans laquelle vous rendez compte des phénomènes spirituels qui continuent de se produire sur les plages transatlantiques que vous avez habitées. .

Vous parlez avec sympathie de ces faits surnaturels qui vous paraissent d’une haute importance, et auxquels se rattachent dans les États-Unis d’Amérique seulement, au moins cent mille adeptes ; puis, nous racontant leurs conquêtes progressives , vous les montrez franchissant les mers et s’établissant en Angleterre avec un succès qui promet d’égaler bientôt celui qu’ils ont obtenu sur l’autre continent.

De toutes les expériences dont vous avez entretenu vos lecteurs, vous concluez que de nouvelles relations permanentes et régulières vont s'établir entre notre monde et le monde invisible, et que les esprits qui habitent celui-ci vont venir nous initier aux connaissances des sphères supérieures pour nous aider à rentrer en possession de cet Éden qui fleurit toujours dans les aspirations du coîur humain.

C’est au moyen de mediums, ou sujets doués d’un fluide nerveux plus pur, plus abondant ou plus en rapport que celui du reste du monde avec les êtres invisibles, que, selon vous, on pourrait produire une sorte d’appareil galvanique extra-humain, quoique très-naturel, et propre à établir

TOME XII. — N» f ««. — 55 Jbiîi 1853. 14

des communications permanentes entre ces êtres invisibles et nous. Cette conclusion semble avoir sa preuve et sa confirmation naturelle clans le télégraphe électrique, merveille récente déjà tombée dans le domaine commun, et dont nous commençons à recueillir les bénéfices.

Il est permis, en effet, en voyant les découvertes surprenantes qui viennent enrichir l’empire de l’homme sur la nature, d’en espérer de nouvelles encore plus admirables et concluantes. Cependant, malgré ces prévisions, je me suis rangée, je l’avoue, à l'égard des faits merveilleux dont vous nous entretenez, non parmi les incrédules, mais parmi les observateurs les plus réservés sinon les plus défiants.

C’est bien moins de la réalité de ces faits que de leur profonde moralité que je voudrais être convaincue.

Vous serez étonnée, peut-être, de me voir cette attitude passive dans une question sijpalpitante; et, en vous rappelant ma croyance aux transformations profondes de l’humanité, et l’assurance que je partage-avec vous, de voir un jour le Ciél entr’ouvert devant nos yeux, la mort engloutie à jamais, Fhomme et la femme réintégrés dans l’Éden pour y jouir de fctpure' lumière et y .recevoir leur postérité d’un amour pur et sans mélange, vous ni'en voudrez de ne pas concourir à l’avancement de toutes ces choses, de ne pas me mettre en rapport avec quelque ange de lumière ou quelque puissant génie qui, en faveur de ma toi, ne dédaignerait peut-être pas de faire alliance avec moL

Mais, ma chère amie, c'est précisément .à cause de cette foi profonde que., placée au seuil de l’observation, je me fais un devoir d’y rester.

’De toutes les merveilles que j’entrevois dans les sphères que les esprits semblent vouloir ouvrir plus largement que jamais à l’humanité, aucune ne peut valoir celles qui sont établies au fond de mon âme ; et après les divins mystères qui ont pénétré jusqu’au cœur de l’humanité, et dont nous soülèverons les voiles à mesure que nous nous rendrons plus dignes de les comprendre et que nous nous appro cherens d’eux par les véritables rapports qu’ils ontjavec nous, je ne vois

rien qui puisse nie satisfaire ou seulement s’en approcher.

C’est au fondateur de la doctrine sur laquelle ils reposent, c’est à cette doctrine qui comprend en elle également le merveilleux et le naturel, l’extase et le sens rassis, et qui fait de chacun de nous, par le dévouement, la charité et l’amour , un médiateur entre Dieu et les créatures, que me paraît appartenir en propre le secret et la puissance de cet appareil extra-humain, quoique naturel, muni de forces vives capables de faire avancer l’œuvre de Dieu par l’entremise des hommes.

Vous me répondrez que, précisément, ce qui se passe en ce moment sur notre terre doit avoir pour effet de raviver ces espérances, en donnant aux hommes les forces propres à faire avancer l’œuvre de Dieu ; cette œuvre étant, nous en sommes bien d’accord, notre bonheur môme par notre réintégration dans les conditions qui lui sont imposées. Et pour justifier votre confiance dans les moyens providentiels récemment révélés, vous vous appuierez sur les exemples que vous citez dans votre lettre : sur l’incrédulité vaincue, l’immortalité triomphant de l’idée d’anéantissement, le spiritualisme écrasant à tout jamais le matérialisme impur.

Je vois en effet, comme vous, quelques signes qui doivent être favorables aux choses dont vous recherchez la haute signification ; j’admire, comme vous, dans les communications faites par les Invisibles, au moyen de l’alphabet employé, des théories foit belles et fort édifiantes qui confirment ce qu’il y a de plus élevé dans les doctrines dont est pourvu l’esprit humain, sans en excepter la doctrine chré--tienne elle-même. Mais là ne s’arrête pas l’influence des faits nouveaux, ce n’est là que. la moindre partie de leur pui&r sance, et avant de nous livrer à eux sans réserve et de mettre en œuvre cet agent mystérieux et positif qui peut nous servir d’intermédiaire, ce fluide excité par nos désirs et dirigé par notre volonté, il faut voir si le commerce que nous voulons établir avec les nouvelles puissances aurait lieu dans nos intérêts supérieurs; s’il aurait une base solide et féconde, et si, en traitant de puissance à puissance avec des

êtres qui nous sont supérieurs en tant de rapports, il nous est bien prouvé qu’ils ne nous soient point inférieure sous d'autres rapports infiniment plus essentiels. Il faut bien nous assurer, en un mot, que nous puissions retirer d’eux ce qu’ils nous promettent et surtout ce que nous nous promettons.

Si j’admire la doctrine des esprits qui vient souvent confirmer celle]des hommes les plus remarquables, et si, comme ces esprits, je pense que toutes les grandes institutions humaines, église, état, science, société, sont appelées à se transformer de fond en comble ; si, grâce à eux , l'idée de mort n’a plus de sens, ou signifie seulement passage à un mode d’existence supérieure ; s’ils ne voient rien dans l’univers d’aussi dépravé que l’homme, et si, selon eux, la purification du corps et de l’esprit, par la science et la pureté, est le seul moyen de nous rendre accessibles les sphères supérieures, tandis que ceux qui meurent pervers restent des milliers d’années dans la sphère attenant à la nôtre, ou sont condamnés à aller se purifier dans des lieux de correction, espèces de limbes où ils souffrent toutes les tortures que cause le dépouillement des idées, des goûts et des habitudes anticélestes acquises pendant la vie corporelle ; si toute cette partie de la doctrine doit intéresser d'autant plus quelle a un rapport immédiat avec nos pensées qu’elle peut diriger vers le vrai, et à nos actes qu’elle peut diriger vers le bien, il n’en est plus de même à l’égard des formes et des procédés de leurs rapports extérieurs.

Voir mon domicile envahi par ces hôtes turbulents qui, pour se faire écouter, agitent et bouleversent mes meubles, me pincent, me renversent, m’enlèvent au plafond où ils me tiennent quelque temps en suspens, tout cela, je vous l’avoue, me désenchante, et m’ôte toute envie d’entrer en relation avec de tels personnages.

Devenir ainsi leur jouet ou le risquer en consentant à des pratiques qui semblent d’abord inoffensives, mais qui cessent de l’être si, comme je serais portée à le croire, elles établissent entre les âmes des Invisibles et les nôtres des liens dont la puissance des magnétiseurs sur leurs sujets

ne peut donner qu’une faible idée ; se trouver assujetti par l’entier abandon de notre volonté et le complet dépouillement d’un fluide destiné peut-être, en attendant son emploi régulier, ii nous préserver d’influences trop pénétrantes, en maintenant entre elles et nous un équilibre qui n’existerait pas sans cela ; ce sont là, ma chère amie, des choses qui m’apparaissent comme très-graves, et dignes de la plus sérieuse attention.

Aussi, dominée par ces considérations, et partant du point de vue que les phénomènes qui paraissent aussi subitement n’ont point un but assez élevé ni assez déterminé vers le bien, et n’ont en général pour mobile que la curiosité, l’imitation ou l’engouement irréfléchi, je veux m’abstenir de les provoquer, et me garder de toute participation volontaire avec un ordre de choses dont l’excellence ne m’est pas démontrée. Je laisse donc les puissances s’exercer sur les sujets qui sont le plus empressés de se mettre à leurs ordres ou qui y sont tout naturellement, sans désirer en grossir le nombre par une ardente ou aveugle adhésion.

Quant au phénomène en lui-même, je ne suis pas éloignée de partager l’avis de ceux qui pensent qu’il y a peut-être en lui la source d’une épidémie morale ; mais je me crois par cela même obligée d’apporter au traitement de cette épidémie de nouvelle espèce, à défaut de lumières, le contingent de ma bonne volonté.

Ne vous scandalisez pas, je vous prie, de m’entendre parler du sujet qui a fait naître tant de sympathies, comme je parlerais du typhus ou du choléra ; mon langage résulte du doute où je suis si ce phénomène ne serait pas un signe de décomposition accidentelle, plutôt qu’un signe de vie. Oui, tout ce qui se produit avec des caractères si nouveaux et sur une si vaste échelle, m’étonne au plus haut degré, et je suis surtout on ne peut plus surprise de voir ce phénomène envelopper comme en un réseau et passionner en quelque sorte ces natures positives et froides, dont le tempérament moral semblait être si étranger à de telles influences.

Il n’est pourtant pas possible de voir en cela les abus ci les excès naturels d’un pouvoir corrupteur et corrompu, exploitant l’ignorance et la crédulité des peuples. Non , car les miracles, cette fois, se produisent en dehors de la religion et du sacerdoce; nulle autocratie ne les dirige, et ils se manifestent au sein de la liberté démocratique la mieux établie. Mais est-ce à dire pour cela qu’ils n’émanent d’aucune source corrompue? Et serait-il donc même si difficile de découvrir cette source au milieu de tout ce qui l’entoure comme pour la cacher? N’oublions-pas ce qui se passe en Amérique, pays libre et chrétien où règne, il est vrai, la liberté la plus grande, mais en même temps où existe encore, comme un défi porté à Dieu, l’antique et sacrilège esclavage; n’oublions pas non plus que sur ce sol favorisé règne déplus en plus un épouvantable relâchement moral, accompagné du plus odieux matérialisme. Or, le phénomène en question, si on l’envisage comme le signe sensible de cette déchéance et de cet affaiblissement, ne pourrait-il pas être, on quelque sorte, le résultat de la stagnation, et, passez-moi le mot, du croupissement de la substance intellectuelle et divine, destinée à circuler sans cesse et à réaliser les œuvres vives dont parle ¡’Évangile?

Ce -sont des personnes recomxnandables pour la plupart, dites-vous dans votre lettre, qui se mettent en rapport avec les esprits, et se trouvent avoir les affinités nécessaires pour cette communication. 11 en serait ainsi, que mon interprétation n’en subsisterait pas moins. Les conséquences et les effets de la solidarité sont si vastes et si mystérieux encore, que les données ordinaires de l’expérience sont insuffisantes pour les apprécier dans toute leur étendue.

Le choléra aussi, dans certaines phases de son développement, eut ses contradictions apparentes qui déroutaient toutes nos prévisions, et s’il frappait souvent les pauvres, à cause de la misère, il atteignait parfois les riches, à cause... de quelque autre misère, non moins digne du fléau de Dieu III

Quoi qu’il en soit des interprétations diverses que peut recevoir ce phénomène nouveau, |la délicatesse d’organisation

qu'il révèle si soudainement, pourrait fort bien être le signe précurseur d’un progrès nouveau dans l’organisation de l’espèce humaine; mais ce progrès a peut-être un tout autre sens que celui qu’on lui donne, et est réservé à un tout autre but que celui qu’on lui assigne actuellement. A ce point de vue encore, on ne saurait donc user de trop de réserve.

L’homme est tellement lié aux puissances de la nature, que tous les effets de cette attraction, qui existe entre elle et lui, n’ont rien qui nous doive étonner. Mais encore faut-il bien s’assurer si lés nouvélles communications qui tendraient à s'établir entre l’homme, les fluides naturels et les âmes transmondaines, ont pour but le véritable avancement de l’homme et sont de nature à liii en procurer les moyens.

Dans cette espèce de gouvernement mystique si imprévu, qui s’est comme abattu sur l’Amérique et qui semble appelé à recueillir les suffrages de toutes les nations, il faudrait bien voir si, sous les prestiges des puissances occultés qui se ihettent én affinité avec l’homme, ne se cache pas un résultat tout opposé à eélüi qu'on espère, et si après avoir associé l’homme à leur pouvoir, ces puissances ne le laisseront pas, en fin de Compte, piùs faible encore qu’il n’était auparavant;

je voudrais âvOif la certitude que ces milliers de citoyens, qui S'abandonnent àut influences des esprits, se trouveront plus fortifies dans le bien, plus résolus à atteindre le but final des choses en Dieu; savoir s'ils seront plus actifs pour acheminer la république terrestre vers son type divin, la république d’israël.

Ces Invisibles, qui riüüs donnerit des détails si conformes aux visions spirituelles des croyants inspirés, qui nous déclarent la peine que les âmes humaines éprouvent à passer dans des sphères et des états supérieurs auxquels lès mauvaises habitudes terrestres font obstacle, et combien de milliers d’années elles peuvent être retenues dans les régions avoisinant la nôtre, où elles souffrent de si grandes privations; Ces Invisibles, dis-je, ne seraient-ils pas eUx-mèmes dans ces conditions fatales? Leur empressement excessif à jeter

les habitants de notre terre clans des pratiques qui les épuisent peut-être autant au moral qu’au physique, et qui touchent plus qu’on ne pense à l’idolâtrie et au paganisme, le tout pour atteindre à un but si vague et si en dehors des lois de la charité, qu’il porte à dédaigner, en quelque sorte, toutes les facultés ordinaires de l’humanité, peut donner quelque doute ; aussi, je ne saurais trop le répéter, cel^a mérite-t-il de notre part la plus sérieuse et plus religieuse attention.

L’homme, trompé peut-être par de faux-semblants, au lieu de mieux comprendre les conditions de son immortalité, et de se porter avec plus de courage et de confiance à l’accomplissement de ces conditions ; au lieu de s’approcher du Saint des Saints par la seule force de l’âme, par la méditation intérieure et la pratique des œuvres de justice et de charité; au lieu de suivre le modèle par excellence, enfin, pourrait bien ne poursuivre que l’ombre de son vrai but, amoindrir, sinon éteindre, cette lumière qui l’éclaire jusque dans ses dernières profondeurs, et se dispenser d’agir, tout en rêvant une activité magique.

Le, commerce habituel que nous entretiendrions avec ces sphères et leurs habitants devant inévitablement nous y faire graviter de toutes nos forces, nous finirions par être à peu près dans le cas de ces âmes chargées, dont on nous parle, qui, malgré leurs aspirations, ne peuvent monter aux sphères supérieures.

Ces réflexions, que je vous livre en toute simplicité de cœur, à l’occasion des faits qui se produisent, me sont inspirées par l’opinion et les sentiments d’un homme que je n’hésite pas à regarder comme une autorité péremptoire dans la question. Je veux parler de Saint-Martin, le philosopjw inconnu, intelligence vaste et'profonde, qui, dans son vol, a traversé à la fois la phase émouvante de la révolution française et la phase du mouvement astral qui se produisit à son époque comme à la nôtre.

D’abord adepte du fameux Martinez Pasqualis, Saint-Martin a été spectateur de toutes les expériences extraordinaires

qui se firent alors. Mais il se sépara bientôt de cette thêur-gie qu'il ne pouvait nier, maïs qu'il ne pouvait non plus regarder comme le véritable moyen de réhabilitation pour l’âme humaine. Il s'en sépara, toutefois, pour méditer plus profondément sur ces faits et sur l’ordre de choses dont ils émanent. Les œuvres de ce penseur inspiré, ses méditations scientifiques et mystiques à la fois, se recommandent à votre intelligence et à votre cœur, qu’elles éclaireront d'une nouvelle lumière.

Ame élevée, au-dessus du commun des âmes, nature tendre et douce, esprit poétique et généreux, vivifié par un ardent amour de Dieu et de l’humanité, Saint-Martin me semble tout particulièrement destiné à servir de guide à ceux qui se préoccupent sérieusement des phénomènes du monde astral qui se reproduisent aujourd’hui. Il faut voir avec quelle lucidité et quelle profondeur, le philosophe inconnu s’explique sur tous les rapports de Dieu et de la nature avec l’âme humaine! avec quelle puissance il a recherché les moyens de rendre à l’homme la conscience des prérogatives de son origine ! comme il exalte dignement la bonté du Dieu tout-puissant, et l’attrait irrésistible qui ramène toujours notre essence vers sa source !

J’en ai trop dit de Saint-Martin, pour ne pas finir cette lettre par quelques passages de cet auteur. Ils vous seront certainement agréables et utiles, et je les tire de deux de ses ouvrages (1) et d’une biographie publiée récemment par un homme d’esprit, de conscience et de talent (2), quoique encore sceptique à l’égard des idées de Saint-Martin.

« D’après ce que nous avons dit sur la nécessité de la communication d’un sensible immatériel parmi les hommes, il convient de montrer en quoi consiste le dangereux état auquel nous a exposés la chute et la dégradation. — Elle consiste en ce qu'elle nous a soumis au règne élémentaire, et

(1) I e Ministère ito l'homme-espril, et l’Esprit des choses.

(S) Fssii sur la vie et la doctrine de Saint-Martin, par E. Caro.

par conséquent au règne astral ou sidérîque, qui en est le pivôt ; elle consiste en ce que nous sommes tombés au-dessous du firmament, tandis que, par notre nature, nous devions être au-dessus ; et c’est cette transposition qui est vraiment périlleuse pour nous, car tout nous vient aujourd’hui par ce firmament; or, qui sait quels tristes mélanges les choses peuvent éprouver avant d’arriver jusqu’à nous? »

Après avoir divisé la science sidérique et ses rapports, en sidérique—astrologie—astronomie, et en avoir défini les caractères, Saint-Martiu ajoute :

K On s’est moqué de ceux qui ont voulu faire dériver de l’influence astrale tous les événements politiques de la terre. On a eu raison, dans le droit, parce que l’homme avait celui d’élever au-dessus de cet astral tout ce qui tient à son être ainsi qu’à son association ; mais on a eu tort, dans le fait, parce qu’à mesure qu’il descend au-dessous de ses véritables pri-> viléges, il tombe sous cette influence astrale,. qu’il n’aurait pas dû connaître, et il en devient réellement le jouet. Ainsi, il est vrai de dire que l’ordre social terrestre ne devrait pas être régi par le pouvoir astral ; mais il n’en est pas moins certain que, généralement parlant, il n’est pas mené par une autre puissance. »

Des dissertations curieuses sont faites par l’auteur au sujet du sidérique qui, selon lui, tient plus à la marche des principes et agents supérieurs, qu’à celle des principes inférieurs et élémentaires ; mais il a deux branches, l’une passive et l’autre active. C’est de la première que vient le somnambulisme, et d’elle encore que naissent une infinité de communications fausses de tout genre.

h Toute la nature est en somnambulisme, dit-il, et lorsque l’homme se laisse subjuguer exclusivement par le régime de cette nature, il participe à ce somnambulisme que l’on voit régner sur tous les êtres qui la composent. »

C’est à cette funeste transposition qu’il attribue l’état d’incertitude et les tâtonnements ténébreux que l’on remarque dans les doctrines humaines et dans l’esprit] de tous ceux qui s’avancent pour nous enseigner avant de s’être réveillés de leur état de somnambulisme, c’est-à-dire avant d’être

instruits eux-mêmes par ces lumières simples et naturelles, que noire source nous a conservées, malgré notre chute, et qu’elle ne demande pas mieux que de développer en nous, pour nous aider à, assurer notre marche.

i L’effet puissant et terrible que l’attrait de la région ténébreuse où nous sommes a opéré sur l’âme humaine, consiste surtout à lui avoir, pour ainsi dire, voilé toutes ses facultés en les plongeant dans cet universel somnambulisme, dont l'homme est le sujet et la victime dans son enfance, puisqu’il n’offre alors que la stupidité et le tâtonnement d’un être qui n’est pas encore dans sa mesure, et qui malheureusement, dans un âge plus avancé, ne fait, par sa fausse marche, que prolonger ce somnambulisme, duquel il devrait effacer jusqu’aux moindres traces. »

L’auteur établit la différence du somnambulisme au raa-gisme réel et divin, du somnambulisme naturel au somnambulisme magnétique, qui s’étend beaucoup plus loin, et dont ie danger consiste en ce qu’il n’opère qu’en exposant à nu la ràcine de l’âme, avant le temps et les préparations convenables.

« Nous ne devons employer nos facultés-racines, dit-il , que par la puissance de la volonté et l’opération de la voie-racine, sans quoi nous leur faisons courir des risques, comme on en a tant d’exemples parmi les somnambules magnétiques. »

« ....J’engage l’homme de désir à considérer le champ du Seigneur, et à chercher à y travailler selon ses forces et selon l’espèce d’ouvrage auquel il sera propre, soit aux œuvres vives, s'il lui est donné d’en opérer, soit au développement de la nature de l’homme, s’il lui est donné d’en apercevoir les profondeurs ; soit même à arracher les ronces et les épines que les ennemis de la vérité et les faux docteurs ont semées et sèment tous les jours sur l’image humaine de l’éternelle sagesse. Car c’est être aussi, en quelque sorte ouvrier du Seigneur, que d’instruire ses semblables de leurs véritables devoirs et de leurs véritables droits; c’est être utile à l’agriculture, que de préparer et mettre en état les instruments du labourage ; cependant il faut avoir grand soin d’examiner scrupuleusement ce que l’on est en état de faire dans tous ces genres. Celui qui prépare ou distribue des instruments

aratoires, répond de ce qu’il fournit, comme le semeur répond de ce qu’il sème. -""~T

(c Mais, comme il est impossible d’être véritablement ouvrier dans le champ du Seigneur, sans être renouvelé soi-même et réintégré dans ses droits, je tracerai souvent aussi les voies de restauration par lesquelles nous devons nécessairement passer pour pouvoir être admis au rang des ouvriers.

> Je dois également un avis à tous mes frères, en les invitant à se mettre en état d’être employés parmi les ouvriers du Seigneur. Le commun des hommes, quand ils entendent parler des œuvres vives et spirituelles, ne conçoivent autre chose par là que l’idée de voir des esprits, ce que le monde ténébreux appelle des revenants.

« Dans ceux qui croient à la possibilité de voir des esprits, cette idée n’enfante souvent que la terreur ; dans ceux qui ne sont pas sûrs de l’impossibilité d’en voir, cette idée n’enfante que la curiosité; dans ceux qui sur cela récusent tout, cette idée n’enfante que le mépris et les dédains, tant de ces opinions elles-mêmes que de ceux par qui elles sont mises au jour.

« Je me crois donc obligé de dire à ceux qui me liront, que l’homme peut avancer infiniment dans la carrière des œuvres vives spirituelles, et même atteindre à un rang élevé parmi les ouvriers du Seigneur, sans voir des esprits.

« Je dois dire, en outre, à celui qui, dans la carrière spirituelle, chercherait principalement à voir des esprits, que non seulement en y parvenant il ne remplirait pas le principal objet de l’œuvre, mais qu’il pourrait encore être très-loin de mériter d’être au rang des ouvriers du Seigneur.

« Car s’il faisait tant que de croire à la possibilité de voir des esprits, il devrait croire à la possibilité d’en voir de mauvais comme de bons.

« Ainsi, pour être en mesure, il ne lui suffirait pas de voir des esprits; mais il lui faudrait en outre pouvoir discerner d’où ils viennent, pour quel objet ils viennent, si leur mission est louable ou illégitime, utile ou funeste, et il lui faudrait examiner d’ailleurs, et avant tout, si lui-même, dans le cas où il serait de la classe la plus parfaite et la plus pure, il se trouverait en état d’accomplir les œuvres dont ils pourraient le charger pour le vrai service de leur maître.

« Le privilège et la satisfaction de voir des esprits ne seront jamais que très-accessoires, relativement au véritable objet que l’homme peut avoir dans la carrière des œuvres

vives, spirituelles, divines, et en étant admis parmi les ouvriers du Seigneur; et celui qui aspire à ce sublime ministère n’en serait pas cligne, s’il ne s’y portait (pie par le faible attrait ou la puérile curiosité de voir des esprits ; surtout si, pour obtenir ces témoignages secondaires, il se reposait sur les mains incertaines de ses semblables, et particulièrement de ceux qui n’auraient que des puissances partielles, que des puissances usurpées, ou même que des puissances de corruption. »

Ecoutez maintenant cette définition du miracle, tirée de la grandeur de l’homme.

« De l’homme-miracle, et des miracles en permanence.

« Les hommes disent, pour la plupart, qu’ils attendent des preuves pour croire à quelque chose, et quand ils réclament des miracles pour cela, et que des maladroits leur disent que l’homme ne peut ni faire, ni voir des miracles, voici ce qu’on pourrait leur répondre, pour réfuter d’un seul trait l’aveugle désir de celui qui ne voudrait croire qu’à des miracles, et la fausse solution de ceux qui prétendent qu'il n’en existe point; car c’est là le vrai sens de ceux qui disent qu’il n’en existe plus.

« Un miracle 11’est-il pas, selon toutes les opinions, une chose surnaturelle, une chose qui est au-dessus et à part du cours de la nature? Or, de parler, de penser, de combiner, de transposer volontairement toutes les substances qui nous environnent; de varier à son gré, comme fait l’homme, tous les actes de son être ; de s’élever dans sa pensée jusqu’à la source d’où tout provient ; de s’élancer par sa prière et par les désirs de son cœur, hors de cette nature ténébreuse qui ne le peut entendre, pour aller comme converser avec son auteur, c’est-à-dire avec le seul être où son intelligence trouve à se nourrir et à se reposer, n’est-ce pas là réellement un phénomène surnaturel, puisque ce phénomène n’existe dans aucun autre être de la nature? Enfin, n’offre-t-il pas par là ce que l’on peut appeler un miracle, selon toute la rigueur de la définition ?

« Ainsi l’homme, même le plus ordinaire, étant au moins en puissance un miracle presque continuel, c’est être bien éloigné de la justice et de la vérité, que de demander d’autres miracles qui ne pourront jamais être qu’inférieurs à celui-là, puisqu’ils n’en seraient que les conséquences; et, en

môme temps, l'homme élant ainsi, par ses litres naturels, un miracle presque continuel, il faut être bien peu réfléchi et bien peu observateur, pour dire que nous ne sommes plus dans le temps des miracles, puisque, au contraire, tant qu’il y a des hommes il y a nécessairement devant nos yeux un foyer de miracles perpétuels, et que les miracles ne pourraient cesser qu’autant que l’espèce humaine disparaîtrait tout entière de dessus la terre, et laisserait l’univers entier abandonné aux simples lois communes qui dirigent son existence , et aux phénomènes uniformes et monotones de la nature.

« Quant aux miracles si recherchés, si admirés, mais si inférieurs au miracle de l’homme, ils ne pourraient avoir d’autre utilité que de le ramener à la connaissance et à la vive persuasion de la dignité de son espèce, lorsqu’il a eu le malheur de détourner les yeux de dessus cet être miraculeux que l’on appelle l’homme. Ainsi, mortel, qui que vous soyez, eussiez-vous dans sa plénitude le don des miracles inférieurs, ne les comparez jamais à l’homme-miracle; ne les regardez que comme un supplément aux véritables moyens que vous pourriez employer auprès des hommes; gémissez lorsque, par le honteux oubli d’eux-mêmes où vous les verriez descendus, vous seriez réduit à vous servir de ce pis-aller, et n’en faites usage que quand ils ne méritent plus que vous mettiez en œuvre, avec eux, les trésors de l’intelligence et de la persuasion.

« La raison qui s’en présente, vous pouvez vous la donner vous-même, en vous rappelant tous nos principes. Quand même vous feriez mouvoir à votre gré toutes les puissances de la nature, vous ne développeriez là que la gloire de l’homme, puisque vous n’agiriez que sui; les miroirs de l’homme, et que la nature est votre apanage ; au lieu qu’en donnant tous vos soins à la culture de l’homme intellectuel et en vous unissant à ce foyer des merveilles divines, c’est le miroir de Dieu qne vous mettez en action, c’est l’être des êtres lui-même, dont vous avez le bonheur de devenir par là le témoin et dont vous réfléchissez la majesté devant l’universalité des régions, qui ne désirent rien de plus que de la contempler. »

Après de semblables principes,’Jl n’est guère possible d’abuser de la prophétie suivante, par laquelle je terminerai mes citations :

ic Dans les époques vers lesquelles nous marchons, les prodiges seront plus généraux que sous le Christ, et en même temps ils seront d’un autre ordre que dans l’époque antérieure à lui, parce qu’ils auront pour objet de ramener les hommes à la croyance de l'éternel principe, dont l’idée s’est comme effacée pour eux. — Aussi ces prodiges s’opéreront peu par la puissance de l’homme, de peur que ceux qui en seraient témoins ne portassent pas leur esprit plus loin que l’homme, et ne le prissent pour la divinité suprême ; mais ils s’opéreront beaucoup dans l'ordre des puissances de la nature, afin que les nations ne puissent former de doutes sur. les pouvoirs de l’esprit et sur ceux de la main, supérieure qui les lait agir. »

Je vous laisse méditer sur ces paroles du Philosophe inconnu , et vous réitère l’expression de mes sentiments affeo tueux.

Votre amie,

H. WILD.

Paris, 16 mai 1853.

INSTITUTIONS.

Fête de Mesmer.

Voici le 'reflet de l’impression produite dans le public par. la célébration de la fête de notre maître.

La Pairie, qui tout récemment s’est dévouée au triomphe de la cause que les magnétiseurs défendent, dit, en outre du court aperçu de la réunion de Batignolles que nous avons déjà reproduit, ce qui suit :

« Le 119' anniversaire de la naissance de Mesmer *a été

célébré hier à Paris par deux banquets, auxquels ont assisté un grand nombre de personnes dévouées à la cause du magnétisme ou simplement curieuses de suivre les développements de cette science qui touche au merveilleux par tant de points.

« Le premier de ces banquets a eu lieu au Waux-Hall, sous la présidence de M. le baron du Potet. Près de 250 personnes y ont pris part. Plusieurs discours ont été prononcés. Presque tous les orateurs ont pris texte des phénomènes qui occupent si vivement en ce moment l’attention publique, pour en augurer le triomphe prochain du magnétisme.

« M. du Potet, organe du Jury magnétique, a proclamé les noms des personnes qui ont" mérité et obtenu des médailles d’encouragement, soit pour leur dévouement à la canse, soit pour quelques découvertes importantes en magnétisme.

« Ces honneurs rendus à la mémoire de Mesmer, de l’homme que les deux académies des sciences et de médecine réunies ont essayé de flétrir des noms de charlatan et d’imposteur, prouvent que si la justice tarde quelquefois à se produire, son jour finit tôt ou tard par arriver.

« E. MOUTTET. »

L’Union, organe d’une nuance d’opinion toute différente, s’exprime ainsi, à la date du 9 juin :

« 11 y a des époques, dans notre pays, où l’intelligence humaine prend un développement très-actif, mais désordonné; alors elle produit des folies et des crimes : telle a été la seconde moitié du dix-huitième siècle. Dans d’autres époques, l’intelligence s’abaisse et s’éteint; comme celle des vieillards, elle paraît tomber en enfance et elle se passionne pour des niaiseries. N’est-ce pas le triste spectacle que présente en ce moment la société française, occupée à former la chaîne magnétique autour des chapeaux, des meubles, des ustensiles de ménage ? Les tables tournantes et parlantes ont remplacé avec succès, il faut le reconnaître, la tribune parlementaire. Le beau temps! où les esprits sont plus préoc-

cupés du mouvement de rotation d'un meuble, qu’ils ne l’étaient d’un discours de MM. Guizot, Berryer, Thiers, de Falloux, Montalembert, Dufaure, Molé, Salvandy, Odilon Barrot, de Broglie! Pour la gloire de la France, toutes ces bouches éloquentes sont fermées, mais les tables parlent et elles tournent ! Les journaux ministériels se figurent que la révolution du 2 décembre a été faite pour .détruire le régime représentatif et rétablir l’empire : quelle illusion ! Le coup d’Etat n’a servi qu’à précipitei le triomphe de la révolution magnétique. Qui oserait en douter, quand nous voyons aujourd’hui toute la France convertie au magnétisme, ardente à reproduire les phénomènes magnétiques? Telle est, du moins, la croyance et la joie des disciples de Mesmer, dont la naissance a été célébrée, cette année, avec un éclat inaccoutumé.

« Le 23 mai 1853 était le 119* anniversaire de la naissance de Mesmer. Les principaux partisans du magnétisme, hommes et femmes, convoqués de tous les pays de l’Europe, se sont réunis, au nombre de deux cent cinquante, dans un banquet, sous la présidence de M. le baron du Potet. On remarquait parmi les convives M. de llancé, ancien représentant; M. le général Cubières, ancien ministre; beaucoup de médecins, des avocats, des avoués, des hommes de lettres, etc. Tous les commissaires portaient la médaille à l’effigie de Mesmer, dont le buste, placé au-dessus de la table d’honneur, était orné d’une couronne de laurier.

« Suivant l’usage, le banquet n'était qu’un prétexte pour avoir occasion de prononcer des discours. Sept ou huit orateurs ont lu ou improvisé des harangues à la gloire de Mesmer et du magnétisme. Le premier orateur a été M. le baron du Potet, le doyen actuel, si je ne me trompe, des magnétiseurs. M. du Potet est de très-bonne foi, nous n'en voulons pas douter, mais sujet à d’étranges illusions, quand il s’imagine, comme il l’a dit dans son discours, que la France entière est convertie au magnétisme, parce que, dans nos jours d’épuisement intellectuel, elle trompe son ennui par une distraction dont la nouveauté l'amuse et dont déjà elle se lasse. Comme le président du banquet, tous les autres orateurs ont parlé sous l'influence de la même hallucination, présentant la révolution magnétique comme réalisée dans le monde, à la vue de toutes les tables qui tournent ou que l’on essaie de faire tourner.

« Les convives paraissaient entraînés par cette conviction et applaudissaient avec enlhousiasme le triomphe de Mesmer.

« Les honneurs ilu banquet ont été surtout pour une improvisation de M. Hippolyte Bonnelier. Ardent bonapartiste, M. Bonnelier n’est pas moins ardent disciple de Mesmer. Qui n’a entendu, en 1848, dans la salle Valentino, M. Bonnelier prodiguant toutes les puissances de ses gestes et de sa voix en faveur de la candidature de M. Louis Bonaparte à la présidence de la République ? Aujourd’hui nous le retrouvons simple disciple de Mesmer ; mais quelle foi ! quelle éloquence ! M. Bonnelier nous apprend que le règne universel de la fraternité est arrivé par l’expansion du fluide magnétique; plus de révolutions, parce que 1& magnétisme change les cœurs et met amoureusement toutes les mains dans les mains. — Si j’étais digne d’être prêtre, s’est écrié M. Bonnelier, je voudrais commencer par être magnétiseur. — Hélas ! commencez par avoir un peu de bon sens, cela vaudra mieux.

« Un autre orateur, dont le lyrisme a été très-applaudi, a déclaré que Mesmer, Voltaire et Rousseau sont les trois pivots sur lesquels repose la transformation des sociétés mo-, dernes par le magnétisme. L’association de ces trois noms nous donne tout le secret du mesmérisme. Le mesmérisme est, comme toutes les sectes, hostile au catholicisme. M. le baron du Potet, plus calme, plus réservé et plus prudent, trahit dans son langage la même tendance, et Jésus-Christ tf est, à ses yeux, qu’un agent supérieur de magnétisme, comme Socrate, Franklin, Mesmer. Il est donc facile de comprendre pourquoi l’Eglise catholique n’a pas cessé de manifester la plus grande défiance à l’égard du magnétisme.

« 11 est inutile de dire que les savants et les académiciens ont été fort maltraités dans le banquet du Waux-Hall. Ils ont eu surtout à subir les épigrammes d’un savant de Bruxelles, M. Jobart, qui, malgré son nom, ne manque pas d’esprit et paraît s’amuser beaucoup des opérations magnétiques. Il a récité à leur honneur une fable, dans le genre de celles de M. Viennet, fable qui a autant contribué que le vin de Champagne à mettre les convives en gaîté

a Pour accréditer le magnétisme, ce qui eût mieux valu que tous ces kosannah à la gloire de Mesmer et des tables tournantes, c’est l’exposé de quelques-uns des résultats produits, depuis un siècle, par le magnétisme pour l’humanité, la science, les arts, l’industrie. Dans les discours des orateurs, les noms de Franklin et de Watt sont souvent revenus à côté de celui de Mesmer. Mais les découvertes de l’électricité faites par Franklin ont eu, de son vivant même,

des applications utiles et bien développées depuis cette époque. Watt est né à peu près la môme année que Mesmeî-, et déjà, en 176h, nous possédions les magnifiques applications de la vapeur. Où sont celles de Mesmer et de ses successeurs ? Voilà ce qu’il importait de dire le jour ou l’on célébrait le 119” anniversaire de la naissance du célèbre médecin allemand.

« 11 ne faut pas nier certains faits produits par le magnétisme; mais, jusqu’à ce jour; ils n’ont été que des accidents dont la loi n’est pas trouvée, et dont il n’a pas été possible de faire une science. Les partisans du magnétisme se vantent surtout de démontrer, par leurs opérations, la puissance de l’esprit sur la matière. Mais quelle est la puissance qui réglera l’action de l’esprit ? Ils éludent cette question, parce que pour y répondre il faudrait formuler une doctrine religieuse; or, sans la religion, la puissance de l’esprit sur la matière, c'est un fléau, c’est le mal. Tant que les opérations magnétiques ne seront pas soumises à une règle morale, tant qu’elles n’auront pas produit pour l’humanité, la science, l’industrie et les arts des applications utiles, on aura raison de s’en défier. Le magnétisme, en effet, ne peut guère être alors que l’exploitation de quelques charlatans et de quelques somnambules.

« Alex, de SAINT-CHÉRON. »

Ce compte-rendu a motivé l’envoi de la lettre suivante au directeur du journal :

« Monsieur le directeur,

« L'Union a publié un article de M. de Saint-Chéron sur la fête de Mesmer, dans lequel se trouvent quelques appréciations que je ne puis laisser passer sans rectification.

« Si M. de Saint-Chéron critique les discours qui ont été prononcés à notre banquet, c’est évidemment parce qu’il connaît peu le magnétisme et qu’il voit dans cette nouveauté un danger pour l'esprit religieux qui domine notre temps.

« M. de Saint-Chéron ne voit qu’une folie dans les tables tournantes et dans la production des faits de magnétisme; nous, nous y voyons le triomphe d’une vérité longtemps cachée à tous les yeux, vérité qui doit un jour faire disparaître bien des préjugés et des erreurs.

« 11 ne conçoit point notre enthousiasme, et nous reproche de ne pas avoir fait connaître les résultats obtenus par l’ap-

plication du principe' nouveau ; mais six cents volumes publiés déjà sont là pour lui répondre!

« Sans doute, nous n’avons pu faire adopter par les corps savants le fait incontestable du magnétisme; c’est un reproche qui doit être adressé à ceux-ci et 11011 à nous.

« On nous ferma même un jour les hôpitaux où l’application du magnétisme donnait déjà de magnifiques résultats, et, nous devons le dire, ce furent les hommes du propre parti de Y Union qui provoquèrent cette mesure.

1: S’il n’est rien resté des discours de MM. de Falloux, Mon-talembert, etc., c’est qu’apparemment ils ne contenaient rien qui eût vie et puissance ; nos paroles, à nous, sans être éloquentes comme celles de ces grands orateurs, auront pourtant une durée plus grande, car, émanées d’un sentiment vrai, elles seront un enseignement pour nos successeurs.

« M. de Saint-Chéron trouve ridicules les paroles de M. B011-nellier, lorsqu’il a dit : Si j’étais digne d'être prêtre, je voiidruis commencer par être magnétiseur. C’est, à notre avis, une pensée juste et profonde; car si les prêtres voulaient , ce ne serait point en vain qu’ils imposeraient les mains; mais aujourd’hui ils ne savent plus, comme autrefois, guérir les malades par le toucher.

« M. de Saint-Chéron nous aide, sans s’en douter, à remplir notre mission ; son appréciation, dépouillée d’esprit de parti, nous est favorable, elle constate que nous marchons maintenant en plein soleil, enseignes déployées. Lorsqu’on en est arrivé à ce point, on est bien près d’atteindre le but, et l’on peut s’attendre à ce que votre antagoniste d’aujourd’hui devienne demain votre champion.

« Baron DU POTET. »

Voici une pièce de vers envoyée par un adepte du département du Nord, et dédiée au président du banquet, mais que le temps n’a pas permis de lire.

MESMER.

Souvent des esprits solitaires Rayonnent au sein de la nuit.

On voit leurs clartés éphémères Combattre l'ombre qui les suit.

De ces enfants tic l’Empyrée I.e front, d'origine sacrée,

Du ciel en vain porte le sceau.

Ils sont méconnus. Leur ihémoire Venge par les chants de la gloire Le silence de leur berceau.

Ainsi, sous les traits de l’envie,

Du génie élcrnel éeueil,

Mesmer, 011 vit briller ta vie En dépit d'un injuste orgueil !

Par quels secrets, par quels miracles, Luttant contre de vieux oracles, Contre d'incrédules clameurs,

Seul contre tous, dans cet orage, As-tu préparé pour notre âge La défaite de ses erreurs?

Aujourd’hui, plus brillant encore, Ton nom rappelle ton passé.

Je crois te voir, à ton aurore, Reprendre ton cours éclipsé.

Aux yeux de la liainc irritée,

Ton esprit, nouveau Prométhée, Bravant le doute et les revers,

S'élève aux sources de la vie :

Par toi la flamme en est ravie Au sein du dieu de l’univers.

La flamme à notre âme est unie,

Ou bien s'exhale dans les airs,

La vie est l’heureuse harmonie :

Les cieux entendent scs concerts. Dans la commune destinée,

Des êtres ld foule entraînée Se confond en un seul transport.

Au centre de l'apothéose,

Le Créateur, sublime cause,

Règle leur éternel essor.

Derniers anneaux de cette chaîne,

Je vois l'espérance et l'amour Tendre vers le pôle suprême Qui réside au divin séjour.

De là s'écoule1 sans mesura Une source féconde el pure De biens sur l'immense univers, Chaque soleil, l'homme superbe,

La fleur ou l’insecte sous l'herbe L'aspirent en cent lieux divers.

Ces mains, concentrant la puissance,-Guident son généreux effort.

Mesmer, toi art ainsi dispense Le feu qui repousse la mort.

Tandis qn’en mes veines circule,

Le rayon qui pénètre et brûle. Portant un baume protecteur, Sublime en la reconnaissance,

D'un Dieu tu bénis la présenee,

Ta voix proclame sa grandeur.

Mais quand l’essor de ton génie Découvre un monde ù nos regards, Voici qu'une étoile ennemie Te livre à de nouveaux hasards.

Si tu pénètres dans ce temple Où l’erreur à regret contemple Le culte de la vérité,

Plus d’un faux sage, en son délire, D'un aveugle dédain s'inspire Contre ton règne redouté.

Pour nier la pure étincelle Et tes effets réparateurs,

Quel art merveilleux se révèle A l’esprit de les détracteurs?

Pour expliquer la force active,

Quelle cause? Une ombre fictive,

Je ne sais quelle illusion Où l'âme malgré soi sommeille,

Et soit qu’elle songe ou bien veille, Quel mot? L’imagination.

Le terme abstrait que leur parole Convertit en réalité.

Ressemble à cette vaine idole Qu’un peuple prit pour déité.

Mui'se, aux éclats du tonnerre,

Humble, le front dans la poussière, Recevait la suprême loi.

Par une orgueilleuse méprise,

A l’image qu'il divinise,

Israël consacrait sa foi.

Le froid métal, pour tout oracle,

Ne put exhaler qu’un vain bruit;

Et le vrai dieu du tabernaclo Bannit son empire détruit.

Ainsi comme l’ombre s'efface Saus môme laisser plus de trace Qu’un songe perdu sans retour.

L'image que l’erreur impose,

L'œil sans rayon sur qui repose,

Sans Péclairer, le feu du jour.

Pour les arrêts de la justice,

Il est donc un fatal moment Où s’accomplit le sacrifice Des adorateurs du néant.

Contr’eux s’armant de son égide,

La vérité de l'Euménide Emprunte alors les traits vengeurs.

Bientôt le mépris du vulgaire Brisera l'indigne colère De ces ténébreux détracteurs.

Bientôt!.... Mais déjà cette aurore Dont brille la vive clarté,

Éclaire l'autel où j’adore L'auguste et sainte Vérité.

Ainsi Dieu, toujours équitable,

Poursuit le doute, inévitable Est l’arrêt suspendu sur lui.

Gloire à Mesmer! L’heure est venue :

Sur sa puissance mieux connue L’éclat d’un nouveau jour a lui.

H. WARMÉ.

Saint-Pol, 23 mai 1853.

BIBLIOGRAPHIE.

TRAITÉ DE LA SCIENCE MÉDICALE, par M. le Dr Édoüaud AUBER.

1 vol. in-8°. Paris, 1853.

Presque tous les nouveaux ouvrages de médecine ont quelques pages consacrées au magnétisme, soit en bien, .soit en mal, soit avec indifférence.

Les auteurs qui ont trop de science pour nier les faits, mais pas assez de conscience pour les avouer, se bornent à des résumés neutres ; ceux qui sont ignorants ou hostiles donnent des explications puisées dans le domaine de la supercherie ou de l’imagination ; enfin, ceux qui sont instruits et sincères, confessent hautement leur croyance.

C’est à la dernière catégorie que M. Ed. Aubert appartient ; il parle du magnétisme en homme qui l’a bien étudié, et qui, plus préoccupé du progrès de l’art que des intérêts de la caste, veut avant tout la vérité.

Voici en quels termes il s’exprime, page 270 de son livre.

« Bien que le magnétisme ne constitue pas une doctrine médicale, il doit néanmoins trouver sa place ici, en raison des ressources puissantes qu’il fournit parfois à la médecine. En effet, l’histoire nous apprend que, dans tous les tempfe et chez tous les peuples, il a existé des hommes qui se sont livrés avec ardeur à la pratique du magnétisme, et qui ont avec son aide opéré des cures si extraordinaires, qu’on les eût volontiers regardées comme des miracles.

i Le magnétisme était pratiqué dans l’Inde par les brah-mes; les Egyptiens l’exerçaient aussi dans les temples d’Isis, d’Osiris et de Sérapis. Enfin, c’est incontestablement dans la science du magnétisme, qui, du reste, a servi de base à la plupart des religions païennes, que les prêtres de ces diverses religions ont puisé les éléments de la puissance tliéocra-tique qui a parfois pesé si lourdement sur les peuples et sur les gouvernements. C’est par les cures merveilleuses qu’ils obtenaient, qu’ils sont parvenus à subjuguer la raison non seulement des classes pauvres et ignorantes, mais encore des

classes riches et cultivées. Du reste, les prêtres se gardaient bien de divulguer cette partie de leur science ; ils en taisaient, au contraire, un mystère, soit dans leur intérêt pécuniaire, soit pour accréditer par des prodiges la puissance de leurs dieux. Ils étaient si jaloux de leurs connaissances, que les uns mouraient en emportant avec eux leur secret, tandis que les autres ne le confiaient à leurs afiidés qu’après de longues initiations et sur la loi du serment. Enfin, de l’avis de tous les écrivains, cette médecine sacrée constituait la meilleure et la plus importante partie de la science des Egyptiens.

« Si les détracteurs du magnétisme, si certains membres-bornes des sociétés savantes, magnifiquement ignorants et pompeusement débiles, savaient mieux ou même savaient un peu ce que c’est que le magnétisme, ils cesseraient de clabauder avec tant d'impertinence contre une science qu’ils ne comprennent pas, et qui finira par les écraser tôt ou tard sous le poids même du ridicule qu ils s’efforcent de soulever contre elle.

« Le magnétisme a pour objet de nous faire connaître l’action intime et réciproque que les êtres animés exercent les uns sur les autres. Il nous enseigne jusqu’où peut s’étendre la puissance de la volonté, car l’action magnétique bien jugée n’est, en réalité, que l’extension du pouvoir qu’ont tous les êtres vivants d'agir sur les organes qui sont soumis à leur action. Enfin, le magnétisme nous éclaire sur nos facultés médicatrices et sur les moyens de les employer à guérir ou à soulager les maux de nos semblables, en dirigeant sur eux, par notre volonté, le principe qui nous anime.

Mesmer, disciple de Maxwell, fut le premier qui développa scientifiquement la théorie du magnétisme animal, et qui expliqua les cures magnétiques par la communication des esprits qui se dégagent du corps humain. L’imposition des mains, l’électricité du regard et de la parole, le toucher, les frictions, les pressions, les passes et l’insufflation, constituent les procédés magnétiques, c'est-à-dire les moyens à l’aide desquels nous augmentons et nous dirigeons la faculté vitale médicatrice en vertu de laquelle nous exerçons une action intime et salutaire sur les êtres animés et sur nos semblables. La première condition pour magnétiser, c’est de vouloir magnétiser; car, nous l’avons déjà dit, c’est la volonté qui dirige et qui soutient l’action de l’agent magnétique, c’est-à-dire l'action du fluide nerveux qui opère tous les phénomènes magnétiques. La seconde condition, c’est d’avoir une grande confiance clans ses propres facultés, clans ses

forces magnétiques. La troisième condition, c’est d’avoir affaire à un sujet confiant et résigné. Enfin, il faut autant que possible qu’il y ait entre celui qui magnétise et celui qui se fait magnétiser cette sympathie active qui existe entre toutes les parties d’un corps organisé, et qui est aux êtres animés ce que l'affinité est aux êtres inanimés.

« La faculté magnétique existe chez tous les hommes, mais tous ne la possèdent pas au même degré. Elle se développe en nous par l’exercice et par l’habitude. Le magnétisme h’exerce ordinairement qu’une action assez faible sur les personnes qui jouissent d’une santé parfaite. D’autre part, beaucoup de personnes qui se disent insensibles au magnétisme ne le sont véritablement que parce qu’elles n’ont pas encore rencontré le magnétiseur qui leur convient. Le magnétisme a essentiellement pour but de développer les forces médicatrices et de Beconder les efforts de la nature; il donne de la force et du courage. Il faut bien se garder d’exercef le magnétisme par curiosité, par amusement, et surtout dans le dangereux espoir de produire des effets singuliers. Le magnétisme est un don de Dieu, il nous l’a confié pour être utiles à nos semblables; nous ne devons par conséquent le pratiquer qu’avec une grande pureté d’intention et un recueillement tout religieux. Quant aux lois qui président aux divers modes d’action de cette faculté précieuse, il faudrait un second Newton pour en formuler le code. Abstenons-nous donc et attendons ; mais, en attendant, exerçons-nous à diriger ce pouvoir naturel, et ne repoussons pas la doctrine qui a pour objet de nous éclairer sur la nature et les attributs d’un agent qui dénote l’existence d’un mode particulier d’actions électriques inhérentes à la matière animale.

« Etudions pratiquement le magnétisme, consultons les livres de PuySégur et Deleuze, qui ont porté les procédés magnétiques à un très-haut degré de perfection. Mais surtout ne tournons ni le dos ni la raison au magnétisme, parce que les phénomènes qu’il produit nous semblent au premier abord extraordinaires; car, sachons-le bien, la nature n’enfante que des faits ordinaires, et l’extraordinaire ne donne ordinairement que la mesure de notre ignorance ou de notre incapacité. Cicéron disait déjà de son temps à ce sujet : « Quelque phénomène qui se présente à vous, il est de toute «nécessité que la cause en soit dans la nature; quelque « étrange qu il vous paraisse, il ne peut être hors de la na-« ture : cherchez-en donc la cause et tachez de la trouver si « vous pouvez. Si vous ne la trouvez pas, tenez pour con-

h stant qu’elle n’en existe pas moins, parce qu’il ne peut rien « se faire sans cause. Et toutes ces terreurs ou ces craintes « que la nouveauté de la chose aurait pu faire naître en vous, (i repoussez-les de votre esprit en considérant qu’elles vien-« nent de la nature. » N’oubliez pas non plus que la plupart des savants sont sujets à une espèce d immobilité qui a sa source dans un profond sentiment de satisfaction, d’a-mour-propre repu (pii les portent à nier et à repousser les faits qu’ils ne connaissent pas ou qui ont été découverts par des hommes nouveaux. Enfin, cherchez vous-même la vérité, et elle apparaîtra à votre constance opiniâtre.

« Parmi les faits du magnétisme, il en est un qui domine tous les autres, et que nous devons signaler ici, c’est le somnambulisme. Le somnambulisme est une existence agrandie, mais c’est une existence interne et concentrée, si l’on peut s’exprimer ainsi, et celui qui la possède est éminemment actif, quoiqu’il ait l’air profondément absorbé et comme endormi.

« Cet état diffère essentiellement de l’état de veille et de sommeil ; il forme en quelque sorte une condition spéciale.

« Tout ce que le somnambule a lu, vu, entendu, imaginé pendant sa crise, il l’oublie entièrement lorsqu’il revient à son état ordinaire, et ce qu’on peut faire de mieux, c’est de ne pas l’en instruire. Pendant l’action il s’exprime mieux que de coutume, et il a plus d’esprit et de raison que dans l’état de veille ; enfin il se développe en lui un 6ens nouveau, qui est comme le centre des autres et qui l’éclaire sur sa conservation. Le somnambule est soumis à l’influence de celui qui le magnétise et cette influence peut lui être utile ou funeste selon la volonté du magnétiseur. Le somnambule acquiert pendant la crise des facultés qu’il n’avait pas. Ainsi il jouit de la vue à distance et de la faculté de prédire l’avenir : toutes choses que nous devons indiquer ici, mais sur lesquelles nous nous garderons bien d’insister, parce qu’elles n'entrent pas dans le plan que nous nous sommes imposé. Disons seulement que le somnambulisme était connu et exploité dans l’Inde bien avant l’expédition d’Alexandre-le-Grand. En effet, on lit dans un ouvrage qui traite des mystères en usage parmi les brahmes, que, par une pratique commune appelée matricha-marhon, les Indiens savaient obtenir une nouvelle sorte de vie. Selon l’auteur de cet écrit, les Indiens de ces temps reculés considéraient la région épi-gastrique comme le siège habituel de l’âme. Ils promenaient leurs mains depuis cet endroit du corps jusqu’à la tête, ils pressaient, ils frottaient quelques nerfs qu’ils supposaient

correspondre à ces différentes parties, et ils prétendaienl qu'en agissant ainsi, ils transportaient l’âme au cerveau. Oi le brahme qui .avait subi cet elîet pensait que son corps et son âme étaient réunis à la divinité dont il faisait lui-même partie.

« Quelque surprenants que soient les phénomènes du somnambulisme , quelque variables qu’ils nous paraissent el quel que soit l’agent de ces phéno r.ènes, sur la nature duquel on est encore loin d’être parfaitement d’accord, nous devons apporter une grande attention à leur examen et nous garder surtout de les rejeter quand nous ne les avons pas vus, sous le banal prétexte qu’ils nous paraissent inexplicables. En effet, nous sommes si loin de connaître les merveilles de la nature, qu’il serait absurde de nier l’existence de certains phénomènes uniquement parce qu’ils sont inexplicables dans l’état actuel de nos connaissances. La prudence en décide autrement: elle veut, d’accord avec l’expérience et la raison, que nous examinions les phénomènes extraordinaires avec une attention et une constance d'autant plus grandes qu’ils nous paraissent plus étonnants et plus difficiles à admettre. On peut dire aujourd’hui que le magnétisme est destiné à reproduire presque à volonté des phénomènes vraiment incompréhensibles jusqu’alors et qui cependant se manifestent sans cesse depuis que le monde existe. On peut soutenir qu’en ajoutant d’autres faits aux faits déjà si nombreux de la physique, ou, pour mieux dire, qu’en agrandissant sa sphère et en la surcomposant d’une nouvelle physique, d’une physique animale, le magnétisme animal fera disparaître une foule de préjugés et d'erreurs et donnera un jour le dernier mot de ces enchantements et de ces maléfices quides imaginations ardentes et pusillanimes ont attribués à des esprits, à des lutins ou à des causes surnaturelles.

« Pendant trop longtemps la pratique du magnétisme a été fatalement livrée au ridicule, faute d’avoir été examinée et jugée sous son véritable point de vue. Elle a été durement repoussée par quelques esprits avec un dédain superbe et systématique. Mais aujourd'hui l’horizon de cette science s'éclaircit, elle commence à se débarrasser des entraves qui l’étreignaient ; on se livre de toutes parts aux applications de sa théorie, et le temps ij’est pas très-éloigné où, malgré des résistances opiniâtres et intéressées, l’étude du magnétisme deviendra l’objet des méditations et des travaux des hommes les plus éclairés dans les sciences physiques. Que ses destinées s’accomplissent, et nous le verrons absorber toutes les autres branches de la s ience médicale. Il nous-

montrera la source île ces faux miracles qui, de tout temps, eu imposèrent à la plèbe et servirent d’aliment à son insatiable superstition. Enfin, il nous dévoilera l'origine de tous ces prodiges faciles que les prêtres des faux dieux opéraient autrefois dans le but très-coupable d’extorquer la confiance des hommes trop crédules et de s’approprier leurs richesses.

« Quelle que soit l’opinion que l’on ait d'ailleurs du magnétisme, on ne saurait refuser de reconnaître que tous les êtres animés exercent les uns sur les autres une certaine influence, et que parmi eux, ceux qui, par leurs facultés, occupent le sommet de l'échelle, sont véritablement doués d’un sentiment instinctif et souvent irrésistible, qui leur donne .à chaque instant et comme à leur insu la connaissance de ce qui est utile ou nuisible à leur conservation et, qui plus est, la faculté merveilleuse de développer et d’augmenter le pouvoir qui naît de cette connaissance par des procédés dont on retrouve la source dans la médecine occulte ou hypnoscopi-que des premiers hommes.

« Or, nous le demandons aux hommes vraiment éclairés, en méditant sérieusement sur la nature de cet instinct qui pique en dedans tous les êtres animés, n’est-on pas irrésistiblement porté à croire qu’il dérive de cette âme universelle qui d’un souille de vie anime tous les corps ; qui, fluide ou esprit, pénètre toute la nature et remplit l’univers d’une activité perpétuelle? Ce pouvoir instinctif se retrouve dans tout ce qui existe, il lie entre eux les êtres des trois régions de la nature, comme disaient les anciens. Chez l’homme et chez les animaux, la matière est gouvernée par l’intelligence et par l’instinct; chez les végétaux, il n’y a plus que des instincts, mais ces instincts sont plus sûrs. Enfin, chez les corps de la matière inorganisée, les affinités, les attractions et les répulsions règlent seules le choc des molécules.

« En résumé, toute la nature est pénétrée de vie et chaque corps en possède assez pour agir selon ses affinités, ses instincts ou sa volonté réglée d’avance par la volonté suprême. Ainsi donc, à l’homme l’intelligence pour mobile et pour guide; aux végétaux et aux animaux l’instinct ; aux corps inorganiques l’affinité et l’attraction. Voilà la gradation de cette chaîne admirable dont les anneaux unissent le ciel à la terre. Grâce à son intelligence, l’homme prend connaissance de l’univers tout entier, et par la force de la pensée, guidée par la conscience, il s’élève jusqu’à la connaissance de l’être qui a tout créé. Par leur instinct les animaux choisissent le terrain qui leur convient, ils.cherchent le ruisseau

qui les nourrit et le rayon de soleil qui les vivifie; et certains végétaux eux-mêmes, avec leurs vrilles rameuses qui leur servent cle bras et de mains, s’attachent pour la vie aux rameaux qu’ils préfèrent. Enfin, en vertu de leurs affinités réciproques, les molécules de la matière inorganique s’attirent et se repoussent et elles finissent par former des masses qui obéissent dans leurs oscillations aux lois éternelles de l’attraction. Ainsi donc, une loi suprême entretient le mouvement au sein de ce qui est, et la vie coule à plein bord daus l’univers comme un fluide éternel.

« Du reste, pour comprendre le fait-principe de l’existence universelle, pour s élever philosophiquement jusqu’à l’idée d’une puissance générale universellement répandue et imprimant le mouvement à toute la matière conformément aux lois d’une harmonie constante, il faut avoir préalablement acquis une grande habitude de l’observation, de la réflexion et de la méditation ; il faut savoir lire dans le livre de la nature, formé de toutes sortes de textes, les uns d'une espèce et les autres de l’autre, que l'ignorance repousse et que la sagesse rassemble avec amour et s’efforce d’expliquer : alors l’énigme du monde devient facile, et l’on saisit son dernier mot. Mais combien peu connaissent le grand livre de la nature, et combien peu sont réellement philosophes ou seulement physiciens! Voilà la cause de cette stérile oligarchie qui déclasse tout et glace tout, quoique la lumière déborde et afflue de toute part.

« Comment, tout vit dans l’univers, toutes les parties s’appellent et se correspondent, tous les corps exercent les uns sur les autres une action intime et élective, et l’homme, au milieu de tous ces êtres, serait seul fatalement déshérité de cette féconde et précieuse prérogative d’activité !... Comment, le chef-d’œuvre de la création resterait impuissant et muet au sein de ce concert d’expressions ! Non, tel u’est point son lot; la raison et la. justice s’y opposent. Puis, elle ne serait pas soumise aux lois d’une mécanique supérieure, cette admirable machine animale, dont les plus beaux monuments de l’art offrent à peine de faibles modèles!... Et elle ne serait pas pénétrée tTélectricité ai dente cette substance essentiellement vivante, dont la matière se transforme à l’infini et présente à chaque instant le spectacle certain d’une éternelle métempsycose ! La raison répugne à une pareille interprétation, et nous admettons la proposition contraire ; nous en attestons les frémissements de la pulpe, l’électricité des sens et les foudres de la parole.

« Etudions donc les phénomènes que présentent les corps organisés, et nous y retrouverons de la physique et de la chimie, mais de la physique et de la chimie vivantes, ce qui justifie le nom de propriétés vitales qu’on a donné aux sources actives de ces phénomènes, pour les distinguer de celles qui président aux mouvements analogues chez les êtres inorganisés et que l’on désigne, à cause de cela, sous les noms de propriétés physiques et chimiques.

« Cette distinction est capitale et fondamentale, car, en bonne philosophie, il faut admettre autant de causes différentes qu'il y a de groupes d’elfets différents. Or, il y a une différence si marquée et si profonde entre les propriétés vitales et les propriétés physiques, également réglées par des lois, qu’elles sont constamment à l’égard les unes des autres, dans un véritable état de lutte et d’antagonisme : ce qui apparaît surtout après la mort, alors que le corps, privé de ses propriétés actives, passe tout entier sous l’empire absolu des lois physiques, qui le désagrègent, le dissocient et le réduisent par la putréfaction à ses derniers éléments.

« Et que ce matérialisme fugitif de la vie n'inquiète et ne Chagrine personne, car, comme nous le verrons dans le chapitre consacré à la nature de l’homme, il y a vraiment un hiatus immense entre la physique du monde et la physique vivante proprement dite, et ce hiatus est encore dépassé de toute la’hauteur de la raison divine, lorsque de la force électrique qui préside aux phénomènes physiqueset de la force vltale qui préside aux phénomènes vitaux, on s’élève par la pensée à la contemplation ascétique de la force morale qui, de la conscience humaine, s’élève par la foi jusqu’à Dieu, où toutes les perfections se retrouvent.

ttlEn effet,'matérialiser par l’électricité animale les phénomènes purement vitaux et les Teporter tous au magnétisme, C’est faire de la physique transcendante ; mais cette science toute mécanique n’a rien à veir dans celle du cœur ou de la raison, qui vit de sa vie propre au sein de la physique vivante par un mystère que la religion nous indique, mais qu’il appartient à Dieu seul de connaître.

« Ainsi donc, sans déroger aux principes religieux, on peut admettre que la vie animale dépend de l’électricité vitale, comme la vie morale dépend de l’âme qui est en nous (nous pensant, jugeant et voulant), tandis que notre appareil physique, notre revêtement, notre corps, est à nous et n’est pas à nous. En effet, l’âme, ou la personnalité humaine, habite le corps, mais elle ne le constitue pas. Elle lui est unie

temporairement par les liens les plus étroits, mais elle ne lui appartient pas. Au contraire, elle le domine et elle le dirige, quand elle vit de la vie qui lui est essentielle et propre.

« Maintenant, et après ces considérations que nous avons cru devoir exposer ici, pour ne laisser aucun doute sur nos principes, nous dirons que toutes les sciences-réputées exactes aujourd'hui, ont commencé par des ébauches : qu’ainsi la physique des Brachmanes se réduisait à quelques notions d’optique et de fantasmagorie ; que l’astronomie a commencé par l’astrologie, et que la chimie n’était encore que de l’alchimie il y a trois cents ans. Eh bien, il en a été de même pour le magnétisme animal ; il a eu aussi ses temps fabuleux, mais ses destinées s’accomplissent, et nous touchons à l’époque ou il prendra sa place à la tête de la physique animale, et donnera physiquement la solution d’une foule de problèmes réputés physiologiques. Attachons-nous donc à l’étude des phénomènes magnétiques dans l’immense échelle des êtres ; mais procédons lentement, sagement, et dans cette recherche défions-nous également des enthousiastes et des détracteurs : les uns se laissent séduire par des demi-jours et se contentent d’expériences suspectes, entreprises sans méthode et sans critique ; les autres, trop souvent entraînés par des intérêts personnels, se prononcent systématiquement contre les procédés du magnétisme sans les avoir suffisamment examinés, et ils en contestent les effets parce qu’ils ne les connaissent pas. Evitons ce double écueil, et ne demandons au magnétisme que ce qu’il peut nous donner. Il peut seconder les efforts de ceux qui cherchent dans les ressources de notre propre nature les moyens de guérir les maux qui frappent l’humanité. Employons-le délicatement dans ce but, et seulement comme un complément de l’art médical qui a pour objet suprême la thérapeutique naturelle. En agissant ainsi, nous agirons sagement selon la nature et selon la loi ; mais défions-nous toujours des faux apôtres, car en fait de magnétisme, comme en fait de religion, il y a de mauvais ministres et des ministres infidèles. »

Peu de médecins ont abordé la question magnétique avec alitant de franchise et l’ont traitée avec plus de connaissance ; ce chapitre est un modèle.

IIÉDERT (de Garnaj).

Le Gérant : HUBERT (de Garnay).

ÉTUDES ET THÉORIES.

DES COMMUNICATIONS SPIRITUELLES.

A peine le phénomène de la rotation des tables avait-il fait son apparition en Europe, qu’il était suivi de plusieurs autres bien plus étonnants, bien plus féconds en conséquences. Les tables ou autres meubles actionnés par une chaîne humaine obéissent à la volonté d’un des expérimentateurs, se meuvent, soit circulairement, soit en droite ligne, dans le sens qui leur est prescrit, et exécutent de môme d’autres mouvements très-variés, s’inclinent de tel ou tel côté, lèvent un ou plusieurs pieds, frappent un certain nombre de coups, etc. Bien plus, on leur adresse la parole comme à des êtres animés, 011 leur propose un langage conventionnel consistant en un nombre désigné de coups correspondant aux mots oui et non, et aux vingt-quatre lettres de l'alphabet. Les réponses ont lieu, la conversation s’engage, une série de phrases exprimées à l’aide du mode convenu prouve qu’un être intelligent s’est mis en rapport avec nous et a pris la table pour organe. Nous abordons dès lors le domaine du merveilleux, nous entrons en relation avec les mondes supérieurs, nous réalisons tout ce que la magic a de plus transcendant.

Plus ces faits sont étonnants et s’écartent des lois connues et observées jusqu’ici, plus ils demandent à être observés avec un soin rigoureux. Nous comprenons donc qu’à cet égard on soit exigeant en fait de preuves, et qu’on multiplie les précautions pour se mettre en garde contre les rases du charlatanisme ou les illusions de l’entraînement, et qu’enfin

ioïk XII. — N° f«?. — 10 Juillet 1853. 15

on ne se rende qu’à l'évidence d’expériences sainement dirigées. Mais rien n’est plus contraire aux règles d’une critique philosophique, que de prononcer d’avance qu’un fait est impossible , et de prétendre imposer à la nature des limites infranchissables. L’homme, malgré tous les trésors de science amassés par son génie, doit être bien pénétré de sa faiblesse et de son ignorance; et rien ne peut excuser l’outrecuidance du savant qui, enorgueilli de son savoir, repousse sans examen tout fait nouveau, par cela seul que ce fait dérange ses systèmes et contrarie ses préjugés. Heureusement la vérité peut se passer de la feuille de route des Académies, dont l’anatlième n’empêchera aucune découverte. En dépit des sarcasmes des corps savants, on examine ce qu’ils ont déclaré impossible, 011 le réalise, et bientôt 011 le vulgarisera.

Des objections sérieuses ont été faites, notamment par MM. Faraday et Moigno, contre la rotation des tables : plusieurs personnes très-compétentes se proposent d’appliquer les moyens par eux indiqués pour vérifier la réalité des phénomènes , et se livreront prochainement à un examen consciencieux et approfondi de ce genre de faits. Nous 11e voulons aujourd’hui entretenir les lecteurs du Journal du Magnétisme que de l’ordre de phénomènes indiqué en tête de cet article.

Quand on a opéré quelque temps, 011 ne peut conserver aucun doute sur la réalité de ce qui se passe. Que deux personnes actionnent un guéridon ; que l’une d’elles lui ordonne mentalement d’exécuter certains mouvements ; si les mouvements ont lieu, comme il arrive journellement, celui qui, dans le secret de sa pensée, a donné l’ordre, sait à quoi s’en tenir sur la part qu’il a prise à l’exécution; s’il a opéré, comme nous le supposons, avec une entière bonne foi, il s’est abstenu de tout mouvement de mains, il s’est mis en garde contre tout ce qui pouvait communiquer une impulsion au meuble, il est resté neutre, et il a attendu la production du fait. Si le meuble s’est mu conformément à :sa pensée, il peut donc hardiment en conclure que la vo-

lonté humaine a, clans certains cas et dans certaines limites, le pouvoir de commander à des corps inertes qui deviennent momentanément comme des prolongements de nos organes , et comme un appendice de notre individu.

On objectera en vain que vous avez poussé sans vous en douter, et que chaque fois que vous désirez vivement qu’une chose se fasse, il se produit dans vos membres, à votre insu, des contractions musculaires propres à traduire votre désir en un fait. Quand on fait soigneusement l’expérience dont nous venons de parler, on pose sur le meuble l’extrémité d’un doigt de chaque main, de manière à en effleure à peine la surface, et l’on se met dans une position telle qu’on ne pourrait pas, quand même on le voudrait, produire le mouvement indiqué. Il n’y a donc pas d’illusion possible.

La certitude est encore plus complète quand il s’agit de tables qui se lèvent pour donner des réponses en frappant. Supposez deux opérateurs, l’un d’eux se charge d’interroger, et il demande que la table réponde en se levant de son côté, ce qui ne pourrait avoir lieu par la pression qu’il imprimerait à la table. Pour être certain que votre coopérateur, de son côté, n’exerce pas de pression, vous faites la question mentalement ou clans une langue qu’il ne comprend pas. Vous êtes donc à l’abri de toute supercherie, de toute erreur même involontaire. Si, sans vous en douter, vous cherchiez à agir sur la table par votre action musculaire, au lieu de réaliser le mouvement que vous désirez, vous y feriez obstacle ; vous ne pouvez communiquer à vos mains les propriétés d’un aimant pour qu’elle se lève de votre côté. Eh bien, dans ces conditions, les mouvements ont lieu, la table frappe des coups, non pas au hasard, mais' régulièrement, à chaque question. Si, par exemple, vous êtes convenu que la lettre A serait représentée par 1 coup, Il par 2 coups, G par 3 , et ainsi de suite, vous obtenez une suite de battements qui vous donnent des mots, des phrases, des discours. L’ensemble de ces discours vous dénote une intelligence , une personne dont vous pouvez étudier le carac-

1ère. Si les mouvements de la table provenaient de votre impulsion, les réponses ne seraient que le produit de votre esprit ; mais les choses se passent tout autrement. 11 y a quelquefois refus de réponse : et c’est précisément quand vous en désirez le plus ardemment que la table reste muette ; c’est cependant alors que l’action musculaire, si c’était elle qui fût la cause des phénomènes, s’exercerait avec le plus d’énergie. Quant aux réponses, non-seulement il arrive hé-quemment qu’elles sont contraires aux opinions de 1 interrogateur, mais elles déconcertent son attente, elles sont même parfois d’une dureté blessante pour les opérateurs. Ce ne sont donc pas eux qui sont les auteurs de ces réponses; il y a donc en dehors d’eux un être intelligent qui, par le moyen de la table, se met en rapport avec eux. Cette conséquence est rigoureuse.

Les procédés pour parvenir à lier conversation avec les êtres invisibles sont fort variés. Les Américains en emploient qui sont tout à fait différents des nôtres : des personnes honorables, très-dignes de foi, attestent qu’il se produit des manifestations extrêmement remarquables, tels que les coups mystérieux frappés sans qu’on puisse les attribuer à aucun être visible. Ne voulant, pour le moment, discuter que d'après les faits dont j’ai connaissance personnelle, je ne m’appuierai pas sur ces témoignages, et je me contenterai de faire observer que plusieurs récits très-circonstanciés émanent de personnes graves, et qui loin d’être enthousiastes de ces résultats, y sont profondément hostiles, tels que M. de Saint-Hérem, auteur d’un article fort intéressant publié dans la Revue contemporaine. -J’ajouterai que toutes ces attestations forment une autorité imposante, qu’il y a là de quoi réfléchir, et que le scepticisme matérialiste ne peut plus se borner à des sourires de dédain, et va être obligé de discuter et d’examiner.

Parmi les faits dont j’ai été témoin, il en est un qui mérite d'être connu.

Dans un cercle de douze personnes, on a fait des expériences au moyen d’une corbeille à ouvrage, en bois et à

jour; on y a adapté un crayon , maintenu dans une position verticale à. l'aide d'une règle et de deux fds, la pointe du crayon sc trouvant à la surface de la table sur laquelle la corbeille était placée. On a mis une feuille de papier sous la corbeille. Deux opérateurs ont actionné la corbeille en posant leurs mains dessus ; quand ils ont obtenu des mouvements d’oscillation , ils se sont bornés à toucher le haut de. la corbeille des extrémités de leurs index ; puis ils ont questionné Vesprit qui vient ordinairement les visiter. Aussitôt la corbeille s’est mise en mouvement, et, à l’aide du crayon, a écrit sur la feuille de papier. Le mouvement était très-rapide, et l’écriture très-nette. La corbeille marchait avec une régularité parfaite, barrant les t, mettant les points sur les i; et quand une ligne était achevée, elle se transportait au commencement de la ligne suivante, sans laisser de trace dans l’intervalle.

Une dame de la société s’est jointe la chaîne en posant ses doigts sur la corbeille, qui a continué à écrire.

Les réponses étaient nettes et concordantes ; plusieurs s’appliquaient à des questions mentales faites par des spectateurs. La corbeille, que j’ai examinée avec soin, ne peut contenir aucun appareil mécanique. Il serait complètement impossible aux opérateurs, dans la position où ils étaient, et que j’ai décrite, de faire écrire le meuble en lui imprimant des mouvements. L’expérience est donc parfaitement convaincante. Seulement il est à regretter qu’on ne puisse la reproduire à volonté avec toutes personnes ; mais en multipliant les essais, on découvrira facilement un grand nombre d’individus propres à servir d’intermédiaires pour obtenir de semblables phénomènes.

La séance d’écriture dont j’ai été témoin s’est terminée d’une façon inattendue. Plusieurs questions sont restées sans réponse : après dix ou douze minutes d’inaction, la corbeille s’est remise en marche ; mais au lieu de répondre aux questions, elle a parcouru le papier avec une rapidité qui tenait du vertige, et a tracé une foule de lignes bizarres, inintelligibles pour nous, puis a écrit ces mots : Monde fragile.

Après une nouvelle série il’arabesques, elle a tracé avec fermeté les lignes suivantes :

« Si vous voulez connaître les esprits, formez la chaîne comme autrefois. »

Quelques jours après, dans une réunion qui eut lieu chez un des témoins de l’expérience précitée, on voulut répéter ces faits si singuliers; une chiffonnière d’acajou ayant été actionnée, des réponses sont obtenues, on promet d’écrire. 11 s’agissait de savoir comment on mettrait le crayon à la disposition de l’auteur des réponses. On fit plusieurs tentatives dont je crus pouvoir d’avance annoncer l’insuccès, et qui ne donnèrent pas de résultat. Mais il se passa quelque chose de fort curieux. Chaque fois qu’on posa du papier sur la chiffonnière, elle s’agita violemment par des mouvements de droite et de gauche, elle oscillait avec une impétuosité telle, que les mains avaient peine la suivre ; il était visible qu’il y avait là l’expression d’une passion, d’un désir ardent qui ne pouvait se satisfaire. Le meuble en courroux finit par échapper aux opérateurs, et se renversa brusquement sur le parquet. Il n’y avait pas à s’y méprendre : c’était une protestation éloquente contre notre impuissance, et un encouragement à chercher d’autres combinaisons pour fournir des moyens de communication à celui qui ne demande qu’à entrer en rapport avec nous.

Une foule de personnes font, comme on dit vulgairement, parler des lubies ou des elutpcaux ; les unes n’ont pour but que de satisfaire une vague curiosité, d’autres se proposent sérieusement de connaître la vérité et d’entrei* dans la nouvelle voie qui s’ouvre devant nous. Partout les faits se multiplient et nous crient à haute voix que la création ne s’arrête pas à l’homme, que l’échelle des êtres s’étend à l’infini au-dessus comme au-dessous de lui ; que tout est lié dans la nature ; que nous devons être en relation avec les espèces les plus voisines de la nôtre , et que le moment approche où ces rapports vont se multiplier, où nous allons sonder les mystères de notre destinée, où les lumières d’êtres su-

périeurs vont suppléer à notre ignorance et aider l’buma-nité à sortir des limbes ténébreuses où elle est restée enfermée jusqu’ici. Les hommes les plus élevés, les plus religieux saluent avec joie cette ère nouvelle, et voient dans ces symptômes l’aurore du règne de Dieu, qui doit s’inau-gurer sur la terre. Des personnes imbues de vieux préjugés croient au contraire que ces phénomènes sont une œuvre des puissances infernales, un piège pour nous séduire, et nous faire tomber dans l’erreur et dans le crime. D’autres, sans pousser les craintes aussi loin, ne peuvent se défendre d’un sentiment d'effroi à la pensée de franchir une limite qui leur semble avoir été posée à notre curiosité ; ils redoutent pour nous le sort de Prométhée puni pour avoir voulu dérober le feu du ciel. Enfin il en est qui, précisant les dangers qu’ils ont cru voir, ont formulé des objections relativement aux suites possibles des pratiques ayant pour but de communiquer avec les esprits.

Tâchons de satisfaire ces diverses classes d’adversaires.

Quant aux premiers, nous ferons remarquer qu’il n’y a aucune raison pour attribuer à l’action des démons tel ou tel fait, qu’il soit ou non explicable. Beaucoup d’opérateurs, surtout en Amérique, n’évoquent les esprits qu’après avoir fait une prière à Dieu et prononcé à haute voix l’Oraison dominicale ; ils n’ont que des intentions pures, ils ne se proposent que le bien de l’humanité. Comment les démons (eu supposant qu’ils existent) auraient-ils prise sur ceux qui ne mettent leur confiance qu’en Dieu? D’ailleurs, ceux qui croient aux démons croient aussi que certaines pratiques ont le pouvoir de les chasser à coup sûr et de neutraliser leur maligne influence. Ils ont donc à leur disposition un critérium infaillible pour tranquilliser leur conscience. Qu’ils recourent aux moyens indiqués par l’Église : si ensuite les faits ont lieu comme d’habitude, il sera constant qu’ils n’ont rien de diabolique, et les consciences les plus timorées devront être en repos.

A ceux qu’arrête une terreur non définie, nous dirons que riioimna ne peut, comme un enfant, s’arrêter devant

l’obscurité, sous prétexte qu’elle peut recélcr des ennemis d’autant plus affreux qu’on n’en a aucune idée. Tout être doit développer, autant qu’il est son pouvoir, les facultés qu’il a reçues du Créateur ; c’est un devoir pour nous d’exercer notre intelligence ; et la curiosité que nous possédons tous, à dose plus ou moins forte, loin d'être un vice, est une vertu : c’cst un stimulant salutaire qui nous pousse sans cesse à élargir le cercle de nos connaissances, et qui chaque jour enfante les plus précieuses découvertes. Nous ne pouvons être coupables en obéissant à une loi de notre nature, en travaillant à nous perfectionner et à approcher de plus en plus de Dieu.

Je trouve quelques objections dans un article de M"' Wild, publié dans le dernier numéro de ce Journal. Je ferai d’abord remarquer que le mot surnaturel doit être écarté du débat. Le surnaturel, s’il existait, serait ce qui est contraire aux lois de la nature ; ce serait tout fait produit par une intervention spéciale de Dieu en dérogeant à ces lois. Dans la question qui nous occupe, il n’y a rien de semblable. Tous les êtres sont soumis à des lois. Les êtres invisibles qui se manifestent à nous, bien que vivant dans des conditions d’existence très-différentes des nôtres, n’en sont pas moins régis par les lois générales qui gouvernent l’univers ; tout acte de leur part, aussi bien que chez l’homme, est la résultante d’un certain nombre de ces lois ; tout ce qu’ils font est aussi naturel que les actes humains ; c’est en vertu d’^me loi qu’ils se manifestent à nous. 11 n’y a rien là de miraculeux.

M"' Wild craint de «voir son domicile envahi par ces hôtes turbulents qui agitent, bouleversent ses meubles, la pincent, la renversent, l’enlèvent au plafond, etc.» Nous n’avons pas connaissance personnelle des faits dont elle redoute l’invasion : s’ils sont réels, ils forment la démonstration la plus palpable de la vérité de notre thèse; et dès lors il faut bien prendre son parti du commerce avec jes esprits. Si, comme semble l’admettre Mm* Wild, les inconvénients qui sont quelquefois la suite de ce com-

mcrce, ne frappent que ceux qui se livrent aux pratiques de l’évocation, personne ne pourra s’en plaindre, car chacun sera toujours libre d'agir ou île s’abstenir. Que M1"” Wilcl, dans la crainte d’être secouée ou pincée, renonce à l’avantage d’être admise dans la société d’êtres supérieurs, c’est son affaire; niais bien d’autres, appréciant mieux une si sublime initiation, ne reculeront pas devant les fatigues imposées au catéchumène, et se croiront trop heureux d’acheter au prix de quelques tribulations, le bonheur de pénétrer plus avant dans les secrets de la nature et de converser avec les anges.

M"“ AVild craint une épidémie morale, une espèce de choléra spiritualité.... Toutes les idées un peu fortes sont contagieuses , qu’elles soient bonnes ou mauvaises. De la facilité avec laquelle les idées qu'on appelle spiritualistes ont envahi une partie de la population américaine, on ne peut rien conclure pour ou contre la vérité de tel ou tel système. Qu’on recherche philosophiquement et scientifiquement s’il est vrai que l’homme communique avec les esprits ; et si, comme nous le pensons, la question est résolue affirmativement, il faudra s’applaudir de l’empressement du public à accueillir une solution aussi grandiose que salutaire dont le premier avantage sera de nous affermir dans la croyance à l’immortalité de l’âme, et de nous consoler des malheurs actuels de l'humanité par la perspective d’un avenir meilleur.

Un danger réel consisterait dans la tendance que pourraient avoir certains hommes à s’abandonner aveuglément à la direction des Esprits, à abdiquer toute activité, toute spontanéité pour attendre l’impulsion extérieure. Il y a peu de personnes, surtout en France, disposées à se laisser aller à un tel quiétisme qui aurait pour résultat de paralyser nos plus nobles facultés. Mais en outre ou peut dire que, à part un très-petit nombre de faits déplorables et qui peuvent être regardés comme exceptionnels, la pratique vient dissiper ces alarmes. Dans ce qu’on connaît jusqu'ici des réponses des Esprits, il y a par-ci par-là des enseignements

I

moraux d’une liante portée, et silence sur une infinité de points à l'égard desquels les Esprits, dans notre intérêt tien entendu, 11e veulent ou ne peuvent satisfaire notre curiosité, et nous laissent le mérite de trouver par nous-mêmes. Souvent aussi les contradictions (pourquoi le nierait. 011), les inconséquences, les bizarreries des réponses sont pour nous une leçon et nous avertissent que, bien qu'ayant beaucoup à gagner dans le commerce des êtres supérieurs, nous ne devons pas renoncer à progresser par nos propres forces; que nous devons nous attendre 4 rencontrer, non des oracles infaillibles pour nous guider et nous dispenser de chercher la meilleure voie, mais des conseillera qui nous aident amicalement dans notre tâche laborieuse, et qui joignent leur concours k l'emploi de nos forces. Les aberrations où sont tombés quelques fanatiques n'ont donc rien qui doive nous effrayer. Ht si, comme tout nous le fait croire, la Providence a permis les rapports intellectuels entre les mondes, il faut croire que cette loi, comme toutes les autres, est inspirée par une profonde sagesse. Si les Américains, quoique inférieurs en science aux Européens, ont obtenu les premiers d'étre gratifiés de communications spirituelles, c’est qu’ils ont mérité cette faveor par leurs sentiments religieux, par le bon sens avec lequel ils savent accueillir la voix du progrès et par l’avantage qu'ils ont de posséder des institutions très-propres à faciliter le dévelop-peinent des facultés humaines (1).

MOBIN.

(i) Confiteor libi, Poter, Domino cœll et terra, quia ahsamdLtl hac * »piCDl.bu«tl prudentibus, et revelostl ea p*rru!ls. (Jfa/rA. «, îî).

On m en Fran Nous av face du faits et analogui n'a pas nous pu des récii coniraen

Un m lettre de

a Diin primes p ronde en miniatun au prix «Deux ce meubl' à-dire en louchant de son pa « Au b espèce de blette, poi

FAITS ET EXPÉRIENCES.

TABLES MOUVANTES.

On sait qu’au moment où la danse des talîles fit invasion en France, le journal la Pairie s’en déclara le champion. Nous avons applaudi son initiative en reproduisant la préface du Bulletin des sciences occultes qui devait réunir les faits et dires relatifs au phénomène en question et autres analogues. Maintenant nous allons en extraire tout ce qui n’a pas encore passé sous les yeux de nos lecteurs, ensuite nous publierons les faits d’Amérique, que la multiplicité des récits locaux a obligé de laisser en arrière, puis nous commenterons les uns et les autres.

1° Rotation.

Un médecin bien connude Paris a adressé au Siècle une lettre dont voici quelques extraits :

« Dimanche dernier, j.’avais réuni quelques amis. Nous prîmes pour objet de nos expériences une très-petite table ronde en bois léger, à trois pieds, un de ces guéridons en miniature que l’on trouve colportés et vendus dans les rues au prix de vingt-neuf sous.

« Deux personnes appliquèrent leurs mains sur la surface de ce meuble, de la manière qu’on a tant de fois indiquée, c’est-à-dire en effleurant à peine le bois,le petit doigt du côté droit touchant par sa face palmaire la face dorsale du petit doigt de son partner, et ainsi de suite.

n Au bout de huit minutes, la table éprouva comme une espèce de frémissement moléculaire ; on aurait dit que sa tablette, poussée par un mouvement irrésistible, eût voulu tour-

lier sur son axe perpendiculaire et qu’elle eut été arrêtée par les pieds arc-boutés vigoureusement sur le parquet. Ces mouvements vibratoires durèrent deux minutes, accompagnés de craquements sourds, et furent suivis d’une rotation lente d’abord, mais qui acquit une puissance incroyable. Le meuble parcourut rapidement toute l’étendue delà chambre; ses pieds étaient parfois arrêtés par les inégalités du parquet, mais ils surmontaient l’obstacle ; la table semblait trébucher, puis elle reprenait sa course. Les expérimentateurs étaient entraînés et avaient une peine infinie à suivre le mouvement.

« Nous tentâmes plusieurs épreuves qu’il est bon de rapporter :

« 1° Un changement de position des quatre petits doigts -changeait immédiatement le mouvement.circulaire, qui, de gauche à droite, par exemple, se faisait alors de droite à gauche ;

« 2° Une pièce d’or de vingt francs, interposée entre les petits doigts, de manière à ce que ceux-ci ne se touchassent plus immédiatement, ne modifia en rien le mouvement, ni en intensité, ni en direction ;

« 3° Un disque en verre mis à la place de la pièce d’or ne fit que ralentir un peu la rotation ;

« h° Les deux expérimentateurs ne se touchèrent plus par les petits doigts; seulement leurs mains ne cessant pas d’effleurer la table, ils saisirent avec leurs doigts chacun une extrémité d’une tige métallique (c’était du cuivre rouge) longue de dix centimètres; la table, après s’être arrêtée par la cessation du contact des doigts, reprit sa marche ordinaire lorsque les mains eurent été ainsi mises en communication avec le corps conducteur ;

« 5° Un bâton de verre mis à la place de la tige métallique eût le même résultat;

« 6° Les quatre petits doigts des deux expérimentateurs se touchant bout à bout par leur pulpe, n’arrêtèrent nullement le mouvement ;

a 7° Si, les doigts étant appliqués l’un sur l'autre comme à l’ordinaire, on détruisait le contact seulement d'un côté, le mouvement du meuble ne cessait pas, mais il devenait beaucoup plus lent ;

« 8° La table appliquée par ses pieds sur un carreau de verre tourna comme à l’ordinaire ; le même carreau mis sous les quatre mains des expérimentateurs ne modifia en rien le mouvement : carreau et table coururent dans la chambre ;

« 9° Une main étrangère touchant légèrement un des ex-

périmentateurs, faisait instantanément tout cesser, le meu-I>le, tout à l'heure plein de vie et d’action, tombait comme

mort. .

« En prenant un meuble léger pour sujet d expériences, nous avions un but, celui de pouvoir le faire agir à deux ou trois personnes au plus. De cette manière il n’y a plus d entente, pour ainsi dire, et l’on peut avec facilité laire toutes les épreuves possibles.

« Nous ne parlons pas ici de bien d’autres expériences faites avec des chapeaux, des assiettes, des plats en faïence, etc. Nous dirons seulement que, quoique réussissant avec ces objets, le phénomène rotatoire a lieu beaucoup plus rapidement si le corps est métallique, (’’est du moins ce que nous observâmes avec le plateau en cuivre d’une balance ordinaire*, qui commençait à tourner après quelques^ secondes de l’application de quatre mains sur lui, tandis qu’avec une assiette d’un même poids à peu près, ou avec un chapeau de feutre beaucoup plus léger, la rotation se faisait bien plus attendre et n’avait lieu qu’avec moins de rapidité.

« Dr A. CHEREAU. »

2° Attraction et répulsion.

Le Courrier de lu Drôme et de CArdèche publie une lettre qui lui est adressée par M. Gauthier, dans laquelle se trouvent consignées des expériences de tables qui ont offert les particularités suivantes :

« Après avoir tourmenté cette pauvre table comme je viens de le dire, nous l’avons remise en mouvement, de droite à gauche, en avant, en arrière, et puis tout à coup j’ai ôté mes mains de dessus la table, interrompant seul la chaîne, tenant les mains seulement à trois doigts de distance, et de là, avec la voix et le geste, je l’ai repoussée avec force et l’ai rappelée aussi vite à moi; je me suis remis à la chaîne, et j’ai dit à deux personnes qui entouraient la table avec moi (MM. Eugène Clairefond et Elie Duc, de Chapey), de l’appeler à eux ; elle leur a obéi à droite, à gauche, en avant, en arrière ; pendant que ces mouvements s’exécutaient, j ai de nouveau rompu la chaîne, et livrant combat à ceux qui appelaient la table à eux en même temps que moi, je les ai vaincus : la table a cessé de leur obéir, elle venait à moi

de nouveau et fuyait à ma voix ; mes mains, toujours à deux doigts de distance de la table.

« J’ai fait ces expériences trois fois : la première en présence de huit personnes autour de la table, et les deux autres fois en présence de vingt à vingt-cinq spectateurs.

o GAUTHIER. »

3° ¡iotalion, coups et élévation.

M. de Gasparin a adressé au Journal de Genève une lettre fort curieuse sur les tables tournantes. Nous croyons devoir donner un extrait de cette lettre, faisant connaître des expériences dont l’exactitude a pour garant la signature d’un homme très-sérieux :

« Nous avons pris une table de frêne, dont le plateau a 80 centimètres de diamètre. Il est monté sur une lourde colonne du même bois, qui se termine par trois pieds, distants entre eux de 55 centimètres.

« Les personnes qui ont pris part à l’expérience sont deux savants botanistes, MM. Muret et Reuter, M. le pasteur Tas-chet, M. Boissier, plusieurs domestiques, trois enfants de onze à quinze ans, ma femme et moi.

« La table a eu beaucoup de peine à se mettre en mouvement. Ce n’est qu’au bout d’une heure qu’elle a commencé à tourner. Le mouvement, très-contrarié d'ailleurs par les inégalités du parquet, a fini cependant par s’opérer dans les deux sens opposés, selon notre volonté. Cette volonté suffisait aussi pour l’arrêter brusquement.

« Je n’insiste d’ailleurs pas sur ce point. Le phénomène de la rotation , s’il était seul, ne me paraîtrait pas entière-rement concluant. Je suis défiant, quoique je ne sois pas académicien, et j’admets qu’il est possible (à la rigueur), qu’une impulsion mécanique soit involontairement imprimée.

« Mais la rotation ne sert qu’à préparer d’autres phénomènes dont il est impossible de demander l’explication à une action musculaire quelconque.

« Chacun de nous, à son tour, a adressé à la table des ordres auxquels eÜe a ponctuellement obéi, et je réussirais diflicilement à vous peindre le caractère étrange de ces mouvements, de ces coups frappés avec une netteté, une solennité qui nous épouvantaient presque.

« — Frappe trois coups, frappe dix coups. Frappe avec

ton pied gauche, avec ton pied droit, avec le pied du milieu. Lève-toi sur deux de tes pieds, sur un seul de tes pieds, tiens-toi debout, résiste à l’effort de ceux qui, placés du côté où tu te lèves, cherchent à te ramener à terre. »

n Après chaque commandement, la table obéissait. Elle opérait des mouvements qu’aucune complicité involontaire ou volontaire n’aurait pu provoquer, car nous aurions vainement tenté ensuite de l’amener et de la maintenir par une pression des mains dans la situation qu’elle prenait sur un seul pied, résistant d’une manière incontestable aux efforts destinés à la faire redescendre.

« Chacun de nous a donné les ordres avec un égal succès. Les enfants se sont fait obéir comme les grandes personnes.

« 11 y a plus : on est convenu que celui qui commanderait ne prononcerait pas à haute voix le nombre des coups, mais se contenterait de les penser, après les avoir communiqués à l’oreille de son voisin. Eh bien ! la table a obéi. Il n’y a jamais eu la moindre erreur.

« Chacun a ordonné à la table de frapper autant de coups qu’il avait d’années, et la table a indiqué notre âge tel qu’il était dans notre esprit, se hâtant même de la manière la plus comique lorsque le nombre de coups à frapper était un peu considérable. Je dois avouer à ma honte que j’ai été repris par elle, car, ayant involontairement diminué mon âge, la table a frappé 43 coups au lieu de 42, parce que ma femme, ayant meilleure mémoire, avait pensé au chiffre véritable.

«Enfin, après avoir continué pendant plus d’une heure ces expériences, auxquelles les voisins et les valets de ferme sont venus prendre part, j’ai senti qu’il était temps d’y mettre un terme. J’ai ordonné à la table de se dresser, de se dresser encore, et de se renverser de mon côté, ce quelle a fait.

« Agréez, etc.

« A. DE GASPAB1N. »

4° Frappements.

Un médecin de La Châtre écrit au rédacteur de la Patrie une lettre dont voici les passages principaux :

« Monsieur,

« Il y a peu de jours encore, j’étais d’une incrédulité absolue en ce qui concerne le singulier phénomène de la ro-

talion «les tables, qui occupe en ce moment la France entière; niais aujourd'hui, après avoir vu, ce qui s’appelle vu de mes deux yeux, des labiés tourner clans tous les sens, et obéir avec docilité à la puissance magnétique de tant de gens, je suis convaincu ; je crois fermement à l’existence de ce phénomène, et pour moi le doute n’est plus possible. »

Après avoir mentionné les expériences qui ont déterminé sa conviction, l’auteur aborde le fait de la réponse des tables aux questions qu'on leur pose, et s’exprime ainsi :

« Mais ce qui est plus surprenant et ce qui passe toute croyance, c’est qu’il (le guéridon) se penchait et se laissait choir quand on le lui disait, et qu’il indiquait les heures et les minutes quand 011 le lui demandait. Pour les heures, il frappait fortement le parquet avec l’un de ses pieds, et pour les minutes, il frappait également avec le pied, mais plus doucement et par des mouvements réguliers et cadencés ; et tout cela était d’une exactitude rigoureuse. Une fois, entre autres, il était 2 heures 25 minutes, il frappa deux coups forts pour indiquer les heures, et il continua de frapper plus doucement pour les minutes; arrivé à 23, la chaîne fut rompue brusquement d’un commun accord; mais le guéridon néanmoins frappa encore deux coups pour compléter le nombre 25, qui était justement l’heure iudiquée par la pendule du salon où se faisait l’expérience.

» Nous nous regardions tous avec étonnement, et nous nous défiions de nos propres sens, croyant être sous l’empire d’ur.e hallucination trompeuse ou d’une illusion d’optique ; mais cette expérience renouvelée plusieurs fois, toujours avec bonne foi, et ayant toujours le même résultat, a fini par nous convaincre.

« Le phénomène nouveau, produit par le magnétisme, doit rencontrer des incrédules et des railleurs ; il est peut-être aussi destiné, dans un avenir plus ou moins prochain, à obtenir des résultats précieux ; car, avec cette nouvelle application du magnétisme à des corps inertes, on pourra expliquer bien des faits regardés j uscju'ici comme inexplicables. D’ailleurs n’est-ce pas le fluide électrique qui régit le monde en remplissant l’espace? N’est-ce pas par lui que tout est sensible dans la nature? N’est-ce pas sur lui qu’est fondé l’admirable système de Newton? C’est lui qui a fait dire à Képler que la terre et les corps célestes étaient des corps animés sous son influence. N’est-ce pas le magnétisme qui

a fait dire aussi à Descartes que le mouvement du flux et du reflux de la mer se réglait sur la pression magnétique de la lune, et à liuler que les corps célestes sont doués de la force attractive qui attire les corps en raison directe de leur masse et eu raison inverse ln carré de leur distance ?

«Le fluide magnétique est peut-être cette émanation de la Divinité appelée psitc/ic par les Grecs et anima par les Latins; ce souille divin de la vie, susceptible d’être transmis ou communiqué par le contact des corps vivants à des objets inanimés, et d’en faire momentanément les instruments dociles de notre volonté, comme le sont nos propres organes.

« Toutefois, il y a deux cents ans, celui qui aurait fait tourner une table par le simple contact de ses doigts, aurait subi le sort de la maréchale d’Ancre, de Jeanne d’Arc, d’Urbain Grandier, etc., brûlés vifs pour cause de sortilège et de maléfice. Nous sommes heureusement loin de ces temps d’ignorance et de barbarie.

« Autrefois encore, pour enfanter une religion nouvelle, il fallait des adeptes et des martyrs ; il fallait à Mahomet un Omar et des Séïdes. Aujourd’hui que la lumière n’est plus sous le boisseau, il ne faut, pour faire accepter un fait vrai, bien qu’invraisemblable, que de la bonne foi, et attendre que le temps vienne le confirmer et dessiller les yeux de ceux qui croient que tout est découvert parce qu’ils prennent l’horizon pour les bornes du monde.

« Veuillez croire à la haute considération avec laquelle j’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très-humble serviteur.

«DECERFZ, d. u. p. »

5° Coups et clairvoyance.

M. J. Bonjean, membre de l’Académie royale de Savoie, écrit à la Patrie une lettre, datée de Chambéry, 18 mai, b. laquelle nous empruntons les passages suivants :

« Toutes les conditions qui viennent d’être indiquées se trouveraient paralysées si l’on négligeait celle non moins essentielle relative au silence ou au bruit que l’on peut faire dans la pièce où l’on opère. En effet, sans admettre ce principe d’une manière absolue, il est reconnu que plus on est recueilli, plus l’esprit est dirigé vers le but qu’on veut atteindre , plus vite a lieu la danse; cela est si vrai, que par-

tout où cette condition n’a pas été suffisamment observée, les résultats ont été nuls; ainsi, par exemple, nous avons vainement attendu une heure et plus sans rien obtenir, dans la salle du cours de chimie industrielle où se trouvaient environ quarante personnes, la plupart enfants, qui causaient tous à la fois et faisaient un tapage continuel, tandis que nous avons promptement réussi au cabinet de physique, en opérant dans des conditions contraires. Voilà pourquoi les ma-gnétistes s’accordent tous à dire que la présence trop rapprochée et trop nombreuse des curieux qui cherchent toujours à entourer leurs sujets, peut empêcher l’opération.

« Quand toutes les conditions de réussite ont été bien remplies, que l’on est convenablement placé autour d’une table, je suppose, on sent bientôt dans les mains une espèce de picotement, puis de frémissement qui ne tarde pas à passer dans le meuble soumis à l’influence magnétique ; à cette première impression succède un mouvement onduleux qui donne à l’objet inanimé une véritable apparence de vie; enfin un craquement, à peine sensible d’abord et croissant par degrés, annonce aux opérateurs impatients et émus que l’action va commencer. En effet, après quelques hésitations, la table se meut, avance, recule, tourne en tous sens, lève un ou plusieurs de ses pieds en se penchant, sans tomber, jusqu’en dehors de son centre de gravité, obéit au moindre commandement, et répond même aux questions qu’on lui adresse, pourvu qu’on se borne à lui demander des choses connues.

« Le temps nécessaire à la production du mouvement d'une table, d’un chapeau ou de tout autre objet, varie nécessairement suivant l’état, la nature et l’impressionnabilité des personnes qui forment la chaîne. C’est ainsi que des meubles ont pu être mis en mouvement au bout de trois ou quatre minutes, tandis que d’autres meubles de même nature, placés dans la même salle et à la même heure, n’ont pu se mouvoir qu’après une heure et quelquefois davantage. En général, l’action se produit au bout de dix à quinze minutes, pour une table de soixante centimètres de diamètre, avec trois à quatre personnes seulement; pour un chapeau, deux personnes suffisent, et l’effet est beaucoup plus prompt. Mais s’il s’agit d’un meuble déjà magnétisé et que l’on vient de quitter, la reprise de la chaîne le remet presque de suite en mouvement.

On a prétendu que l’action musculaire, volontaire ou involontaire , des personnes assises, pouvait prendre part au

inourcmcnl. Pour détruire cette objection il suffît de citer l’expérience que vient de faire M. Jouve, «avec quelques autres personnes (voir le Courrier de Lyon, du 17 mai). Ces messieurs sont parvenus à faire manœuvrer une table sans la toucher directement, en formant la chaîne sur une petite corbeille d’osier placée sur elle.

«— Il n’est pas toujours prudent de se livrer à ces sortes d’expériences ; chacun sait qu’on ne peut pas indifféremment exciter les sens, exalter l’imagination, surtout chez les personnes douées d’une grande susceptibilité nerveuse ; plusieurs accidents se sont déjà produits dans ces circonstances, et, pour mon compte, la digestion, qui se fait d’ordinaire chez moi avec une facilité admirable, a été très-pénible chaque fois que j’avais lait préalablement partie d’une chaîne magnétique.

« — Le mélange des sexes peut bien influer sur les résultats, si les personnes qui forment la chaîne sont de nature à se causer réciproquement des distractions involontaires du genre de celles qu’on ne peut maîtriser. Ainsi, frères et sœurs, maris et femmes, comme les cousins et cousines, neveux et tantes, dans de certaines conditions d’âge, conviennent parfaitement; mais une chaîne formée d’hommes et de femmes étrangers les uns aux autres, doués de la force et de l’âge où un seul regard révolutionne un cœur qui ne demande qu’à aimer, cette chaîne, disons-nous, fera tourner plus de têtes que de tables. Pères et mères qui ne tenez pas à développer chez vos jeunes filles des sentiment prématurés, époux qui tenez au repos et à la tranquillité de vos chastes moitiés, méfiez-vous de la chaîne magnétique en général, et de la danse des tables en particulier.

« — Le fait du mouvement de certains corps inertes sous l’influence du magnétisme animal, dans de certaines conditions, est donc un fait maintenant bien constaté, puisque des milliers de témoins de toute espèce, depuis l’homme vulgaire jusqu'au savant, viennent chaque jour apporter de nouvelles preuves en sa faveur. L’obéissance passive de ces corps à exécuter les mouvements qu’on leur commande, la précision et l’exactitude des réponses aux questions qu’on leur adresse, est un ordre de faits encore plus étrange ; et pourtant, rien n’est plus vrai. Toutefois, ces réponses ne sont et ne peuvent être que lu réflexion de la pensée de ta personne qui tes provoque, et le meuble ne peut satisfaire et ne satisfait qu’aux questions dont le résultat est connu, sans jamais pouvoir prédire l’inconnu.

« — Je vais citer ici quelques-unes des nombreuses questions, avec leurs réponses, que nous avons, dans diverses expériences, adressées à ces Py/honis.scs d’un nouveau genre, expliquant d'abord, pour la règle du lecteur, qu’avant de formuler une question, nous leur ordonnons de frapper un coup pour dire oui, et deux pour dire non, en alternant souvent pour notre propre satisfaction ; je dois avouer que, dans la grande majorité des cas, les réponses ont été d’une justesse désespérante :

h \° Combien y a-t-il de tables qui tournent maintenant dans la salle? La table frappe trois coups avec l’un de ses pieds. Nous étions cette fois au cabinet de physique avec le proviseur du collège, M. Le Chevalier, aussi conseiller de juge, le professeur M. Michel Saint-Martin, et quelques élèves : trois tables en effet se mouvaient en ce moment ;

« 2” Combien y a-t-il de vitres à la fenêtre de droite? Huit cojips bien articulés indiquent qu’il y en a huit, ce qui est exact ;

« 3° Combien ai-je d'écus? lui demande une personne qui en tenait deux dans une de ses mains. La table lève trois fois le pied. —Vous vous trompez, lui dit le questionneur; puis, élevant la voix pour la rendre plus impérieuse : Allons, dites juste : combien ai-je d’écus ? Trois coups encore ! Le meuble avait raison, M. I)*** avait dans sa poche le dernier écu dont il ne nous avait pas parlé.

« h° Ai-je un piano chez moi, demande un médecin ? Oui.

— Est-il placé dans le salon? î\on. —Dans la cuisine? Non.

— Dans une chambre à coucher? Non. — Dans la salle à manger ? Oui. — Tout cela était exact.

« 5° Combien, demande un autre docteur, ma femme a-t-elle envoyé de pièces de vers à l’empereur Napoléon ? — La table frappe cinq coups bien distincts; puis elle lève une sixième fois très-lentement le pied qu’elle laisse retomber avec la plus grande légèreté. Il y avait six pièces de vers envoyées à S. M., mais la sixième ne contenant que deux strophes, la table avait voulu indiquer qu’elles ne pouvaient pas compter pour une pièce entière.

« 6° Combien ai-je d’enfants? demande la femme d’un autre médecin. — La table frappe un coup sec et un deuxième très-léger, comme dans le cas précédent. Cette dame a un enfant de trois ans et porte le deuxième dans son sein. — Dans combien de mois dois-je accoucher? ajoute-t-elle. — Un coup bien distinct et un autre à peine sensible, ce dernier indiquant qu’il y avait des jours avec le mois. —Et combien

de jours après ce mois ? — I.a table frappe huit coups. Ce qui fait trente-huit jours, correspondant juste au terme de la grossesse de M",c C***.

« Une demande analogue a été adressée par une autre dame qui se trouve dans la même position. La sibylle a répondu qu’elle accoucherait dans quatre semaines. Ce qui doit être exact.

« 7° Combien y a-t-il de personnes dans cette pièce ? — Sept. — Sont-elles toutes du même sexe ? — Non. — Combien y a-t-il d’hommes? — Trois. — Et de femmes? — Quatre.

« Tout était juste ; même précision pour les demandes analogues, variées sous toutes les formes, avec des meubles, des tableaux, etc.

« L’âge des personnes est aussi indiqué de la manière la plus exacte; pour une année commencée, la table se borne à lever légèrement le pied ; et, sur la demande qui lui en est faite, elle indique depuis combien de mois et de jours cette année est commencée. Pardonnez, mesdames, cette indiscrétion ; que vous importe votre âge, quand vous plaisez toujours !

« 8° Une jeune et jolie personne demande de combien de mille francs elle vient d’hériter. La table répond par qua-rante-cinqcoupsbien marqués, et cinq très-faibles. L’heureuse héritière explique qu’elle a bien hérité de 50,000 fr., mais qu’il y en a cinq de contestables et douteux...

« 9° Une jeune personne, souffrante depuis plusieurs années, adresse au prophète (qui ne prédit pourtant par l’avenir) une foule de questions sur sa santé et les moyens de la rétablir. Voici les conseils donnés par le nouveau docteur. « La médecine, tant homéopathique qu’allopathique, ne lui « convient pas; le magnétisme lui sera très-favorable; en se « faisant magnétiser par son frère, une fois seulement tous les « quatre jours, à sept heures du soir, elle doit conserver son « corset, mais non le serrer (retenez bien cet avis, jeunes « filles qui tenez à votre fraîcheur et à votre santé), et « compléter son traitement par un voyage aux Pyrénées. » Inutile de dire que toutes ces prescriptions paraissent parfaitement adaptées à l’état et au besoin de la jeune personne.

« 10° L'homéopathie est conseillée à un jeune homme malade, qui vient consulter à son tour. Un médecin homéopathe tient dans sa main une boîte qui renferme cent-cin-quante médicaments homéopathiques, placés sur dix rangs de quinze flacons chacun ; il commande à la table de frapper

du pied quand son doigt, qu’il va promener sur les flacons, touchera le remède qui convient au malade. Arrivé au cent-quarante-huitième flacon, la table frappe un coup et s’arrête. Elle désignait le carbonaie de baryte, conseillé en l’espèce par tous les homéopathes! On a fait la contre-épreuve en demandant d’abord dans quel rang, puis la place dans ce rang, du flacon indiqué, la réponse est encore pour le même médicament !

« 11° Une autre fois, l’homéopathie est encore conseillée à une jeune dame ; la table désigne le potygala seneca. Interrogée si ce médicament ne pourrait pas être remplacé par un autre, le musc est indiqué, ('.es deux substances médicamenteuses sont conseillées généralement par les homéopathes dans les affections des yeux ; c’est précisément le genre de maladie dont Mm° X*** est atteinte.

« Quelques personnes voulurent aller plus loin, et, non contentes de rappeler le passé et de pénétrer le présent, ont voulu lire dans l’avenir ; mais, plus sensées qu’elle, les meubles interrogés ainsi ont fait comprendre par leur silence ou la divagation de leurs réponses, qu’il est des limites que les facultés humaines ne sauront jamais franchir : s’il en était autrement, n’aurait-on pas mis à profit le magnétisme pour dévoiler les complots, prévenir les conspirations, prévoir enfin tout ce qui peut intéresser les gouvernements et les peuples ? L’avenir n’appartient qu’à Dieu ! Nous, ses créatures, bornons-nous au rôle modeste qu’il nous a assigné dans ce monde.

« Ce qui paraît aujourd'hui surnaturel, impossible, sera sans doute expliqué plus tard ; et, cent ans après, nos neveux ne pourront peut-être pas se persuader que ces mêmes faits aient pu être jamais l’objet d’un doute. »

« —J’ai été, il y a douze ans, témoin d’un des phénomènes les plus extraordinaires que puisse présenter le magnétisme animal, et dont toutes les Facultés du monde ont jusqu’ici nié la possibilité. Je vais, pour terminer, citer en peu de mots cette histoire remarquable.

« C’était à Aix-les-Bains. Le Dr Despine père, dont la mémoire est à jamais vénérée, s’occupait aussi de magnétisme qu’il savait combiner avec succès à l’action des eaux thermales de cet établissement. 11 soignait alors, entre autres sujets, une femme de vingt-deux ans, aussi douce que jolie, atteinte d’une de ces affections nerveuses où la sensibilité et

l’imagination sont passées à un point d’exaltation désordonnée. M""X*** était donc un sujet de prédilection pour les expériences magnétiques, et le bon et savant docteur en obtenait les phénomènes les plus merveilleux qu’il soit possible de produire sous cette influence. Un beau jour, grande émotion dans la jolie petite ville d’Aix : M'"' X*'** lit par 1rs pieds, sons le secours des yeux !... Personne ne croit à ce miracle, et je partage l’incrédulité générale. Le bon papa Despine, dit-on, est dupe de fraudes, de ruses ou de supercherie; cependant, il demande à expérimenter devant témoins.

: Un médecin et un pharmacien d’Aix, deux étrangers et moi, acceptons cette offre avec empressement, heureux de pouvoir constater par nous-mêmes un fait aussi étonnant. Je me rends donc à Aix dans ce but. Le docteur nous présente tous cinq à Mm* X***, qui était alitée, il la magnétise et s’en va pour ne plus revenir, avant la fin de l’expérience.

« 11 était alors une heure et demie .après midi. M’adressant à mes cointéressés, je leur dis : Messieurs, il s’agit ici d un fait surnaturel, auquel la science ne croit pas ; vous êtes en partie habitants d’Aix, cela seul pourrait faire suspecter votre bonne foi, laissez-moi donc seul et ci votre insu formuler et écrire les lignes que nous devons soumettre à l’intéressante malade, et bornez-vous à être témoins matériel du phénomène, s’il se produit; ma proposition étant acceptée, j écris secrètement une phrase que je compose an moment même sur un morceau de papier que je dépose, plié en quatre, aux pieds de M^'X***. Deux heures sonnent en ce moment, nous sommes tous cinq assis près du lit de miracle, et nous ne perdons pas de vue un seul instant celle qui doit Y opérer à nos yeux. Nous faisons de temps à autre la conversation avec elle. Pendant la première heure, il ne se passe rien de particulier, on entend seulement le bruit que fait le papier mystérieux, quand la malade le froisse entre ses pieds.

« A trois heures, elle annonce que la lumière va venir, et, un quart d’heure après, elle lit, à un court intervalle, les deux premiers mots de ma phrase! Dès ce moment, son aspect change de face. Au lieu du calme dont elle a joui jus-qu alors, elle est en proie à une grande agitation ; ses facultés intellectuelles sont exaltées et ses paroles précipitées et saccadées comme à la suite d’une course rapide. Une soif ardente la dévore ; on lui met de temps en temps dans la bouche l’extrémité d’un linge imbibé d’eau froide, ce qui la soulage beaucoup. Elle éprouve de grandes souffrances dans la tête, qui est bridante.

« Quatre heures et demie. — Cet état d’excitation générale augmente de plus en plus, et la lumière aux pieds devient plus vive. La malade continua alors insensiblement la lecture du billet, en mettant entre chaque mot un intervalle variable ; l’articulation de chaque syllabe lui cause un effort douloureux, qui cesse immédiatement après.

« Cinq heures. — M'"' X*** nous dit que, pour y voir plus clair, il faut lui couvrir le visage avec des linges épais, tels que châles, draps, etc. Ce fait était exact. Ainsi voilée, elle lit plus vite, avec moins de peine, et la lumière diminue dès que son visage est remis à découvert.

« Enfin, à cinq heures et demie, la lecture de mon billet est achevée sans la moindre erreur! L’exaltation artificielle de la malade disparaît par degrés, et elle reprend dans la soirée le calme que ses forces épuisées par Y expérience lui rendaient si nécessaire.

« La phrase en question était ainsi conçue : Si la guérison des malades était en raison directe de Cintérêt qu’ils inspirent, la vôtre serait aussi prompte que la pensée.

« Pense-t-on maintenant que nous avons pu être trompés sur la réalité d’un si étonnant phénomène qui, répété d’autres fois, a souvent fourni des résultats aussi satisfaisants? Assis, pendant trois heures et demie, en face de la malade et tout près d’elle, nous ne l'avons pas perdue de vue, et toute ruse de sa part eût été manifestement impossible. Pour moi qui ai vu et touché, je crois parfaitement à la transposition des sens, bien que la raison se refuse à expliquer des laits de cette nature, qui resteront peut-être toujours dans le domaine des problèmes insolubles.

a J. BONJEAN. »

Bornons ici la citation de ces faits ; la quinzaine suivante y donnera suite par des résultats plus directement magnétiques : la rotation de personnes.

HÉBERT (de Camay).

CONTROVERSES.

DU MAGNÉTISME AU POINT DE VUE CATIIOI-IQUE.

Les adversaires religieux du magnétisme invoquent souvent contre lui une décision de la cour pontificale, qui en défend l’exercice.

Nous avons vu par la correspondance du Dr Despine avec l’archevêque de Chambéry, que cette décision n’avait pas le sens absolu qu’on lui donne, qu’elle s’appliquait à un cas particulier et nullement au magnétisme en général.

Il nous reste à examiner les termes dans lesquels la question a été présentée au Saint-Siège, pour connaître les motifs qui ont inspiré le fameux décret du 21 avril. C’est ce que nous allons faire en mettant sous les yeux de nos lecteurs le texte (traduction littérale) de la consultation, tel qu’il a été trouvé dans les papiers de M. Despine, qui, dans une de ses lettres à Mgr Alexis, dit l’avoir reçu de Rome même. Ce document est inédit.

CONSULTATION.

(( Les phénomènes du magnétisme animal, dont quelques-uns sont évidemment surnaturels, et d’autres sortent au moins de l’ordre ordinaire des lois connues de la physique ; les pratiques et les moyens mis en usage par quelques magnétiseurs, dont les expériences se font presque toujours sur de jeunes filles, ont donné lieu de soupçonner dans le magnétisme animal une source impure et tendant au vice, ainsi que l'immoralité dans plusieurs des personnes qui malheureusement l’exercent.

« On connaît la réponse qui a été faite au sujet d’une proposition déjà présentée à la congrégation du saint-oflice ; il

est permis, y est-il dit, d’employer des moyens physiques innocents, pour obtenir une fin naturelle, innocente elle-même ; mais pourtant, bien qu’elle ne laisse point apercevoir de doute, cette réponse 11e détermine pas si le moyen ou l'agent habituellement employé pour produire ces surprenants phénomènes, est naturel ou surnaturel. 11 serait illicite, s’il était sûr qu’il ne provint pas d’un bon esprit (quoique avec la permission de Dieu), ainsi qu’il a été démontré amplement par de longs raisonnements de savants auteurs, philosophes chrétiens.

« En effet, ils ont démontré :

« 1" Qu’il est d’unecroyance générale et constante chez tous les peuples, que les génies du mal apportent une prodigieuse intervention dans les événements de ce monde ;

«2° Ils confirment, pardestéinoignagesirréfragables, l’existence des phénomènes extraordinaires du susdit magnétisme animal, phénomènes tout à fait analogues à ceux du jansénisme convulsionnaire.

« Cette croyance universelle, conforme à la raison, s’établit non-seulement par l’autorité des saintes Ecritures, mais encore par les paroles sorties de la bouche des auteurs profanes les plus célèbres, tels que Plutarque, Porphyre, Pline, Bayle, Voltaire, Hoffmann, etc. Ces auteurs prouvent la réalité desdits phénomènes, par les citations d’un très-grand nombre d’auteurs de toutes les opinions, ainsi que par le témoignage oculaire de plusieurs d'entre eux, dont quelques-uns sont encore vivants, et par les expériences répétées plusieurs fois sous les yeux de commissions spéciales, nommées 'par les plus célèbres académies ; ce qui ne permet plus cl’en douter (1).

« Un des effets les plus ordinaires du magnétisme animal, est de frapper d’inertie et d’insensibilité le corps de l’homme, et de lui enlever ainsi entièrement autant l’usage de l’esprit que de l’âme.

« Pour produire cet état de somnambulisme, il suffit quel-

(1) « Delcuze. Instruclion pratique, chap. 5.

Georget, Physiologie du Système nerveux, chap. S, g 7.

Rapport à 1 Académie de médecine sur les Expériences magnétiques, lu les 21 et S» juin 1831.

Expériences publiques faites à l’Ilôtel-Dieu eu 1820.

M. Rostan. Dictionnaire i.e Médecine, art. Magniilismo animal.

Dcleuzc. Bibliothèque du Magnétisme, n° 13.

Bertrand, Traité du Somnambulisme, ch. 5.

Journal des Débats du 22 juin 1829.

Du Magnétisme animal en franco, § 270.

Delcuze. L’Iicrmès, t. IV.

M. du Potet. Le Propagateur du magnétisme animal. »

quefois d’un simple commandement donné, même mentalement, par le magnétiseur, qui peut n’être pas présent, mais avec le consentement de l’individu sur qui on opère, lequel consentement, toutefois, chose remarquable, n’est nécessaire que la première fois.

« Pendant la durée de cet état, le somnambule reste à l’entière disposition du magnétiseur. 11 arrive que des sujets, d’ailleurs fort délicats et sensibles, ne donnent pas le moindre signe qui puisse faire croire qu’ils s’aperçoivent de ce qui se passe autour d’eux et sur eux-mêmes ; conservant une immobilité parfaite de tous les membres, des lèvres et des paupières, malgré de fortes secousses, malgré les décharges imprévues et subites d’armes à feu, malgré des blessures profondes et des piqûres faites avec du fer incandescent, malgré encore les foudroyantes exhalaisons de l’ammoniaque concentrée; et cependant, au commandement du magnétiseur, ils reprennent leur sensibilité, répondent aux questions qu’il leur adresse, et à celles des personnes présentes, quoique faites dans une langue qu’ils ignorent. Il arrive aussi qu’ils voient et lisent au travers des corps opaques; qu’ils indiquent par leurs noms propres (quoiqu’ils ignorent entièrement la médecine) les maladies internes d’une personne présente, qu’ils lui prédisent une maladie, une crise ou autre chose semblable, en en fixant le jour et l'heure; il arrive même qu’ils pressentent et révèlent les intentions les plus secrètes des autres. Puis, lorsque le somnambulisme a cessé, ce qui a lieu au premier commandement (même mental) du magnétiseur, le somnambule ne se souvient en aucune manière de ce qui lui est arrivé.

« De là, les susdits philosophes chrétiens démontrent qu’aucun fluide matériel, quelque subtil qu’on puisse le supposer, n’était capable de produire une aussi parfaite insensibilité ni des effets aussi prodigieux. Et encore qu’en supposant que, si un fluide quelconque suffisait, il ne serait pas nécessaire du consentement simplement mental de l’individu, et qu’en supposant la nécessité d’un pareil consentement, il serait nécessaire toujours, et non pas la première fois seulement, comme cela est de fait; de même aussi, les facultés intellectuelles ou physiques ne sont pas suffisantes pour produire de tels phénomènes, puisque le somnambulisme, dont il s’agit, étant toujours produit par des forces extérieures, il ne peut cesser que par l’action de ces mêmes forces ; et que, d’autre part, il se produit souvent sur des personnes qui dorment d’un sommeil naturel. Les forces seules du magnétisme ne peu-

veni p:*s non plus être suffisantes à la production «le ces phénomènes, puisque, étant supposées réelles, comment serait-il nécessaire d’avoir cet acte secret imperceptible de consentement dans le magnétisme? El puis, 011 ne pourrait pas admettre non plus que ces forces agiraient sans moyen matériel de communication; et cependant, les phénomènes du somnambulisme s’opèrent d’une chambre à l’autre, malgré l’interposition d’épaisses murailles, et à de bien plus grandes distances, à l’insu du magnétisé, et môme quelquefois contre sa volonté, lorsqu’il y a déjà eu consentement une fois donné.

« Au dire donc de ces écrivains et d’un grand nombre d’adeptes, surtout en Allemagne, la puissance colossale et mystérieuse du magnétisme animal 11e résidant pas dans les forces occultes du magnétiseur, ni dans les facultés inhérentes aux somnambules, et moins encore dans celles des autres hommes, des animaux ou des êtres inanimés, il est hors de doute qu’on doit en conclure que cette puissance est surnaturelle.

«Dans un rapport adressé à Louis XVI par les membres de l’Académie de médecine, 011 lit ce qui suit :

« Les sens (1) s'allument, l’imagination, qui agit en môme « temps, répand un certain désordre dans toute la machine « (tout le corps), on sent pourquoi celui qui magnétise in-« spire tant d’attachement. Le traitement ne peut être que dan-« gereux pour les mœurs, il excite des émotions condamnables, « et d’autant plus dangereuses qu’il est plus facile d’en pren-« dre une douce habitude. Exposées à ce danger, les femmes « fortes s’en éloignent, les faibles peuvent y perdre leurs « forces et leur santé. »

« Dans le Dictionnaire de médecine, article magnétisme animal, le Dr llostan a dit encore :

« La somnambule contracte envers son magnétiseur un « attachement sans bornes. Si la violence est facile, la séduc-« tion, moins odieuse, l’est bien davantage encore ; le mali gnétiseur agit avec d’autant plus de sécurité que le sou-« venir de ce qui s’est passé est, au réveil, amplement effacé. « Le magnétisme, il faut le dire hautement, compromet au

(I) « I.e sieur de Monli-gre a fait imprimer le Rapport secrcl sur le Magnétisme, dans sen ouvrage in!i'u!ê : Du Magnétisme animal et de scs /'artisans. Bajlc. Dictionnaire historique, art. Magnétisme, njte P. »

» plus haut degré l'honneur des familles, et cet honneur des « familles peut encore être compromis par la possibilité de a révéler des secrets qu’il importe de tenir cachés. »

« Ayant donc ainsi prouvé, comme encore par nombre d’autres authentiques témoignages, que le soi-disant magnétisme animal est. immoral, on le prouve encore par l’effet qu’il produit assez souvent sur ceux qui en sont les victimes : tels sont des douleurs aiguës, des prostrations excessives des forces, de graves indispositions et de longues maladies.

a De plus, il est à remarquer que, dans plusieurs occasions, la présence de certaines personnes, et celle du signe religieux de la rédemption ou autres semblables, suffit pour rendre nulle et sans effet cette puissance extraordinaire du magnétiseur.

a Les mêmes philosophes chrétiens attestent aussi d’un commun accord, d’autre part, avec et par le témoignage des partisans des opinions contraires, la réalité des phénomènes connus sous la dénomination de phénomènes du jansénisme, dont sont remplies les annales de France de la moitié du siècle passé (1).

h Dans les opérations magnétiques se trouve une occasion prochaine de diminuer la foi et de porter atteinte aux mœurs, on désirerait savoir, pour la tranquillité des consciences, quelle est à cet égard la véritable opinion du Saint-Siège.

« On n’ignore pas la réponse déjà faite par la congrégation du saint-office, mais on désirerait obtenir du Saint-Siège une règle plus positive et mieux tranchée sur cette importante matière.

« Quelle que puisse être la conviction individuelle sur les faits examinés par des auteurs si graves et si religieux, comme il appartient à notre sainte mère l’Église de juger et de décider sur des sujets d’une aussi haute importance pour la religion et pour les mœurs, il importerait, beaucoup qu’on éùt sinon une décision formelle et péremptoire, du moins une règle que puissent suivre les gouvernements catholiques appelés par la divine Providence à protéger la religion et à donner des lois propres à diriger convenablement les mœurs et à veiller à leur exécution. »

( 1 ) « Itune. Essai philosophique sur l'Entcndement, ep. 10.

Diderot. Pensées philosophiques.

Dictionnaire des Sciences médicales, art Convulfionnaires,

Carré de Mongérant. I.a Vérité des Miraclej, t. 11, p. 1.

.L'univers énigmatique, g 17. »

DÉCRET.

Quatrième fine du 21 avril 1841.

« Dans la congrégation générale de la sainte inquisition romaine et universelle, tenue clans la salle ordinaire du conseil, à Sainte-Marie sur la Minerve, en présence des éminen-tissimes et révérendissimes 110s seigneurs les cardinaux de la sainte Eglise romaine, généraux inquisiteurs contre toutes malheureuses doctrines entachées d’hérésie, l’instance susdite ayant été proposée, les mêmes EEm. et RRév. cardinaux ont déclaré que l’usage du magnétisme, suivant l'exposé ci-dessus, n’étail pas permis. »

APPROBATION.

Les mîmes jour el férié.

« Notre très-saint père le pape Grégoire XVI, clans l’audience ordinaire, après avoir examiné et écouté la relation dont il s’agit, a approuvé la décision de nos seigneurs les éminentissimes et révérendissimes cardinaux.

« ANGE ARGENTI,

« Secrétaire-archiviste de la sainte et universelle inquisition romaine.

n Est permise l'impression.

« F. DOMINIQUE BUHONI,

V. P. S. P. A. Crusem.

« Est permis d'imprimer.

« N. FERRAREI.LI,

« Archevêque de Myor, pro vice-gérant. »

L’exposé qu’on vient de lire, et d’après lequel Rome s’est prononcée, n’est qu’un tissu d’erreurs, disons même de men-soflges. On voulait avoir une condamnation, et pour l’obtenir on a dénaturé les faits. Or, quand l’accusation est fausse, que devient le jugement? Nul.

La déloyauté est tellement évdiente, qu'en publiant le décret, dans Y Ami de ta Religion, du 22 juin 1841, on a supprimé les mots « prout exponitur, suivant l’exposé», qui sont essentiels. N’est-ce pas significatif?

HÉBERT (do Garnay).

BIBLIOGRAPHIE.

RÉSUMÉ DE L'HISTOIRE DE FRANCE, par Filix Boni». 1 vol. in-12.

Neuvième édition. Paris, 1829.

Voici un ouvrage dans lequel on 11e s’attend guère à trouver une appréciation du magnétisme. Il en contient pourtant une, et des plus sensées; qu’on en juge :

1 « Les phénomènes extraordinaires produits principalement

sur la matière organique et sur l’ordre moral par l’influence connue sous le nom de magnétisme animal, ne peuvent plus être révoqués en doute que par ceux qui ne veulent pas se donner la peine de les vérifier : il est donc temps d’en déclarer l’existence, quoiqu’on ne le puisse pas encore sans s’exposer au ridicule. Mais la vérité vaut bien la peine qu’on brave pour elle un si petit danger, puisque dans d’autres temps on s’estimait heureux de lui sacrifier sa vie.

« Aujourd’hui, passe pour le ridicule: dans dix ans, il aura cessé; car les faits sont plus vivants que lui, et après tout il est impossible de se moquer de la nature. *

« Des expériences publiques répétées plusieurs fois devant nombre de savants et de médecins, devraient pourtant avoir rendu incontestable pour les yeux éclairés la réalité de l’a-geni dit magnétique, et de l’état improprement appelé somnambulisme par les magnétiseurs. Une immense quantité d’expériences semblables, reproduites chaque jour dans presque toute l’Europe, offrent le développement d’un sixième sens ou de l’instinct élevé au plus haut degré ; elles montrent dans certains cas la puissance de la volonté humaine portée à un point qui jadis put sembler miraculeux,, et aujourd’hui peut aisément passer pour incroyable, quand il n’a pas été observé.

« Voici donc une science nouvelle ou plutôt renouvelée des anciens, qui naît au milieu des moqueries : souvent compromise par le charlatanisme, elle 11’a plus à combattre que la prévention. Fondée sur l’examen, elle nous révélera peut-être un agent universel, entrevu dès la plus haute antiquité, mais trop souvent méconnu, et servant, soit dans les mains des

hiérophantes ou des jongleurs, soit qu’il fût manifesté par hasard, à entretenir des croyances ou des puissances naturelles, anges ou démons, intermédiaires entre la divinité et la nature. Plus éclairés aujourd’hui que tout est ramené à d’immuables lois physiques, nous excuserons du moins nos pères d’avoir admis beaucoup de superstitions qui, en partie, étaient appuyées sur des phénomènes réels; nous les plaindrons seulement d’avoir cru que le diable y fût pour quelque chose, et d’avoir arrêté par les supplices l’esprit d’observation qui eût pu s’exercer bien plus tôt sur ces faits et les expliquer scientifiquement.

« Alais il est peut-être bien que le scepticisme historique du dix-huitième siècle ait fait table rase pour tous les faits inexplicables d’après les lois de la physique alors connue, parce que le principe de l’immobilité des lois de la nature a été établi dans les esprits. 11 sera curieux de voir maintenant un grand nombre de miracles sur lesquels sont fondées plusieurs religions, rangés successivement parmi les phénomènes naturels. Les uns diront que c’est saper les religions par leur base, les autres penseront qu'il faut d’abord chercher la vérité.

« Peut-être aussi que, loin de détruire les religions, cette science ne pourra que les épurer en fortifiant leurs fondements véritablement historiques, en les rattachant toutes à un ordre de faits qui donne la plus grande idée de l’homme et poétise pour ainsi dire toute la nature. Elle ira chercher jusque dans le passé antédiluvien de la haute Asie et de la haute Afrique les traces d’une sorte de révélation instinctive à laquelle il faut remonter pour concevoir l’histoire des anciennes sociétés. Enfin, l’agent magnétique ou de quelque autre nom qu’on l’appelle, soit qu’on découvre en lui une modification ou une généralisation de l’électricité, du galvanisme, du mouvement, de la lumière ou de la vie, semble devoir conduire l’humanité à des notions sublimes, physiologiques ou psychologiques ; et, confié à la prudence et à la philanthropie, il est sans doute appelé à la soulager ou à la guérir de maux qu’on a crus incurables, à resserrer ses liens sociaux et à contribuer à son amélioration morale. Dès lors qu’il existe, il ne peut exister que pour une bonne fin. L’homme peut abuser de tout ; mais l’usage utile prévaudra toujours sur l’abus. »

Le Gérant : IIKIiKUT (de Garnay)»

INSTITUTIONS.

l òti' de Mesmer.

BANQUET MESMÉRIEN DE LA NOÜVEI.I.E-ORLÉANS.

A Monsieur le baron du Pot et.

Mon cher maître,

Mon vieil ami, M. Félix Garcia, planteur-sucrier, qui dîna hier avec nous, doit partir demain pour Paris. C’est pour lui que je prépare ces lignes. Faites-lui, je vous prie, l’accueil d’un frère : il est magnétiseur.

Je pourrais vous adresser des volumes : j’aime mieux vous dire, en résumé, les quelques mots par lesquels j’ouvris la série des tostes.

« Messieurs,

« Nous fêtons aujourd’hui l’anniversaire de la naissance de Mesmer, ainsi que nous le faisons tous les ans, comme on le fait à Paris, et dans bien d’autres lieux dont le nombre s’accroît à mesure que l’étude du magnétisme se répand davantage.

« Cette réunion annuelle est toujours l’occasion de nous entretenir de ce que la science magnétique a pu acquérir dans l’année qui vient de s’écouler, et, Dieu merci! nous avons chaque fois la satisfaction de constater un progrès. Dans l’année qui vient de finir, ce progrès n’a pas été moins marqué que dans celle qui l’ont précédée. Le Journal du Magnétisme nous tient au courant de ce qui se passe de plus remarquable en Europe, et nous y avons lu avec un bien vif intérêt, que des hôpitaux magnétiques se sont institués

Tome XII. — N° 1«S. — 25 juillet 1853. 16

cil Angleterre, et des sociétés magnétologiques en Italie, à l’exemple des sociétés françaises. Les faits se multiplient partout , la presse les enregistre de plus en plus et les discute de temps en temps; il se fonde des journaux spéciaux, et diverses Académies, émues enfin de la marche toujours ascendante du magnétisme, ont ouvert des concours.

«Ici, messieurs, nous 11’avons pas eu le bonheur de fonder un hôpital pour exercer le magnétisme en grand, comme nous aurions été si heureux de le faire si nous en avions eu les moyens; mais du moins la pratique dans les familles a continué à s’étendre. Ensuite, vous vous rappelez peut-être qu’il y a aujourd’hui un an, je vous exprimais ici même l’espoir que le magnétisme recevrait une nouvelle impulsion de phénomènes nouveaux alors inconnus parmi nous, mais qui faisaient grand bruit dans le Nord , sous le titre de manifestations spirituelles. Il y a bientôt neuf mois que j’ai divulgué certains procédés pour faire éclore ces phénomènes, et vous savez ce qui en est résulté. Il y eut d'abord bien des mécomptes, de grossières erreurs dans la valeur des informations qui provenaient de ces expériences nouvelles; mais les effets produits n’étaient pas moins des phénomènes très-remarquables, très-intéressants à étudier, sous le double point de vue de la physiologie et de la psychologie. Ces faits étant évidents pour tout le monde, personne ne s avisa de les nier; bien plus, chacun voulut se les expliquer, et 011 vit les hommes qui jusqu’alors s’étaient le plus distingués par leur obstination à repousser le magnétisme, changer subitement de langage, et invoquer, peut-être instinctivement, comme explication des phénomènes étranges qui frappaient leurs regards, ce même magnétisme que, la veille encore, ils dédaignaient !.... Depuis lors, 011 ne trouve, pour ainsi dire, plus personne qui nie le magnétisme, lui qui avait été tant controversé jusque-là.

« Ici donc, comme enEurope, le magnétisme a grandi.

« Les phénomènes nouveaux ont traversé l’Atlantique, et il semble que les savants cherchent à les expliquer par l’électricité. Un jour viendra où ils expliqueront quelque autre chose par le magnétisme... Parce que ces hommes 11e comprennent pas l’existence de ce qui n’est point matière, ils 11e veulent rien admettre que de matériel. Ils ne font point la part de l’étroitesse de notre entendement; et cependant ils contemplent cette voûte céleste, qu’ils sentent bien ne pouvoir être qu infinie, sans néanmoins comprendre ce que c’est que l’infini... L’électricité n’est, très-probablement, qu’une

force physique : elle ne raisonne pas ; et les phénomènes dont je parle dénotent une origine essentiellement intelligente, qui échappera peut-être longtemps encore aux hommes à théories, mais qui, je crois, a été de suite pressentie par la foule. Toujours est-il que ces nouvelles expériences ont eu déjà une grande influence sur l’esprit des masses; des milliers d'êtres qui, depuis leur enfance, entendaient, sans y croire, des sermons sur ce qui fait la base de toutes les religions, l’existence d’outre-tombe, n’en doutent point aujourd'hui; et cette consolante foi, qui leur est venue après quelques heures de séance, les rend aujourd’hui bien plus heureux qu’ils ne l'étaient auparavant, et par conséquent meilleurs, plus reconnaissants envers leur Créateur, et plus sympathiques pour leurs semblables : avantage précieux qu’ont des actes positifs sur d’abstraites paroles, des faits réels sur de vaines théories!.... Le monde finira par être convaincu, comme je le suis depuis longtemps, que toutes les actions humaines, bonnes et mauvaises, sont vues et peuvent être dévoilées, quels que soient les temps et les lieux, et qu’elles seront irrévocablement récompensées ou punies. La fameuse prédiction de Cazotte, et quelques autres, qui ont tant étonné (je ne parle pas des incrédules qu’elles ont rencontrés), surprendront de moins en moins, à mesure que des faits analogues vont se produire moins exceptionnellement.

v Lorsque je débutais dans mes nouvelles expériences, je crus devoir distinguer les phénomènes que j’observais des elfets que nous avions eu l’habitude de rapporter au magnétisme, et il ne pouvait en être autrement, puisque nos théories étaient encore si imparfaites !... On m’a dit, à ce propos, que ce que nous appelons manifestations spirituelles ne sont (pie des elfets d’un sonma ubulisme éveillé! Mais on ne m’a pas dit ce que c’est que le somnambulisme, et je ne sache pas qu’on l’ait jamais expliqué d’une manière quelque peu satisfaisante. Je pense que c’est tout le contraire qu’il faudra dire : que les phénomènes somnambuliques, du moins ceux qui ont une certaine valeur, ne sont rien autre chose que des manifestations spirituelles, et on arrivera facilement alors à expliquer une foule de choses qui nous semblent si obscures : les rêves, etc.

« Dans le cours de nos expériences, nous avons reconnu que l’action ressentie par les médiums a quelquefois suffi pour faire disparaître des indispositions dont ces individus souillaient depuis plus ou moins longtemps. Mais 011 dit

aussi qu’elle a occasionné de graves accidents. La Gazelle médicale de New-York publiait dernièrement que ces expériences ont donné lieu à de nombreux cas de folie, etc. Je ne suis pas en mesure de le contester, mais cela dépend sans doute de la manière dont on procède ces expériences, do l’état de l’âme de ceux qui s’y livrent; et peut-être, dans les cas cités, serait-il plus vrai de dire que les médecins ont été appelés, et qu’ils ont encore employé, en aveugles, leurs douloureux moyens pour combattre des troubles qui, sans leur intervention, n’auraient été que passagers. Pour que la science officielle puisse guérir de telles affections, il faut qu’elle commence par étudier ce qui les produit. Matérialiste, elle ne sait qu’opposer la matière à ce qui n’est pourtant pas toujours matériel. Elle a repoussé le magnétisme, le somnambulisme, et elle les repoussera sans doute encore dans les manifestations spirituelles. 11 faudra pourtant bien qu’elle accepte les faits : bon gré, mal gré, elle sera forcée de les accepter tous.

n Nos théories sont incomplètes! Sans doute, et il ne saurait en être autrement, puisque les théories doivent tout naturellement découler de l’observation des faits, et que ceux-ci n’ont pas été suffisamment observés. Les voici maintenant sous de nouvelles formes, puisque les premières n’ont pas suffi pour mettre les hommes d’accord , et sous combien d’autres aspects nous est-il réservé encore de les

voir ?......Mais la source en est toujours la même, et cette

simple comparaison vous prédispose à le mieux comprendre : le fait d’un somnambule qui parle de lui à la troisième personne, et le fait d’un médium qui reçoit, par sa propre main et pour lui-même, des avis dont l’expression dénote qu’ils émanent d’un tiers, sont deux faits identiques.

« Cependant nous pouvons ne pas trop nous préoccuper encore de théories, mais nous devons nous efforcer de produire des effets, et surtout de les faire servir, autant que possible, à la guérison des maladies morales plus encore que physiques qui affligent l’espèce humaine.

« J’ai dit que le nombre des croyants a beaucoup augmenté, mais il nous reste beaucoup à faire encore pour que le nombre des praticiens s’accroisse convenablement. L’expérience nous a enseigné que le monde en général est peu soucieux de ce qui l'intéresse pourtant le plus, lorsqu’il faut donner quelque temps à son étude ; on lit bien les romans, mais les ouvrages sérieux sont délaissés par le plus grand nombre ; on gaspille son temps en futilités, et 011 néglige de

s'éclairer sur les moyens île conserver ou de rétablir sa santé ; malade, on ne sait rien, ni pour soi, ni pour les siens, et on a recours à autrui...

« Le moyen employé jusqu’ici pour faire des magnétiseurs n’ayant pas répondu à notre attente d’une manière satisfaisante, j’en ai signalé un autre, et, qui plus est, pour faire des magnétiseurs lucides, moyen bien simple, puisqu’il consiste , pour ainsi dire, à lire en soi-même, ou plutôt à se laisser diriger par une puissance occulte, qui agit en nous, lorsque nous nous trouvons dans de certaines conditions. \pprenons à écouter cette influence mystérieuse, et enseignons-le aux autres. Quelque étrange que cela paraisse, les magnétiseurs sont préparés à le vérifier ; ils savent que les livres de nos maîtres ont été écrits en vue de phénomènes observés principalement, mais pas exclusivement, sur des personnes magnétisées ; et ils ont été surtout frappés de ce fait que, dès que l’état normal est suspendu chez un être humain, et remplacé par cet autre état que l’on est convenu» d'appeler somnambulisme, le sujet se trouve ordinairement-doué d’une double faculté : d’abord de ce qu’on appelle clairvoyance, qui est une manière incompréhensible pour l’homme éveillé de voir ou de savoir, et ensuite qu’il magnétise spontanément les malades auprès desquels il se trouve, et cela, sans l’avoir appris, et pourtant d’une manière supérieure,, bien plus efficace que celle des plus habiles praticiens éveillés.

« Eh bien ! Messieurs, ce fait se produit également sur. des personnes éveillées, ou du moins dans un état de veille apparent. Efforçons-nous de le faire éclore partout, et tâchons d’en faire comprendre l’importance. Que nous importe, ¡t la rigueur, de savoir si cette faculté appartient bien réellement à l’âme humaine, ou si elle lui est momentanément suggérée par des intelligences supérieures, intermédiaires entre Dieu et l’humanité !... L’essentiel, c’est de développer cette faculté, et surtout de l’utiliser.

« Je n’ai pas hésité, quant à moi, à publier ce queje pense de son origine, et j’ai basé mon sentiment sur une multitude de faits dont le faisceau ne fait que grossir chaque jour, et que je n’ai pas trouvé, que je ne trouve pas susceptibles d’une autre interprétation. Mais, encore une fois, on peut se passer de théories, et cependant pratiquer, avec plus ou moins de succès; car une certaine foi est indispensable pour arriver à de grands résultats.

« L’expérience ne m’a pas convaincu que tout le inonde

était appelé à jouir île ce privilège, du moins au môme degré on dans le même temps; mais j’ai vu, et sans cloute vous l’avez également remarqué, (pie non seulement les personnes qui ont été somnambulisées, mais encore beaucoup d’autres que nous ne croirions pas somnambulisables, participent plus ou moins à cet inappréciable bienfait du ciel. Et vous savez aussi que bien des gens refuseraient de se laisser somnam-buliser, même lorsqu’il s’agit de la santé, peut-être de la vie d’une personne qui leur est chère, tandis qu’elles se prêteront volontiers à l’expérience lorsqu’il ne sera plus question de les endormir.

« Je vous parle donc, Messieurs, d’un moyen plus facile de faire le bien, et dont il me semble très-utile de chercher à généraliser l’emploi, en attendant qu’il nous en soit révélé d’autres que, sans aucun doute, la Providence tient en réserve pour d’autres temps.

« Mais, quels que soient les moyens qui seront employés pour atteindre le but indiqué par Mesmer, ils dépendront tous de ce que cet homme de génie nous a révélé sous le nom de magnétisme, sans le limiter en rien, et ce sera par conséquent à Mesmer que nous devrons en rapporter toute la gloire.

« Je vous offre donc, Messieurs, le toste fondamental de notre banquet annuel :

« A L’ÉTERNELI.E GLOIRE DE MESMER !

« Au développement (lu magnétisme, et conséquemmcnt de l'esprit humain; au bonheur de nos semblables! »

Voilà bien, à peu près, ce que j’ai dit ; les autres tostes ont été nombreux et chaudement soutenus.

La réunion, qui a duré depuis cinq heures jusqu’à huit, a été des plus aimables.

A demain , mon cher maître , car le navire ne part que demain.

Jos. barthet.

Nouvelle-Orldans, 24 mai 1833.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

1° TAHT.ES ET PERSONNES TOURNANTES.

1° Somnambulisme. — Rotation.

Un (le nos abonnés nous communique un fait qui montre qu’un lien existe entre le magnétisme et le phénomène des tables mouvantes. Voici sa relation :

« Dix personnes étaient assises, depuis soixante-dix minutes, autour d’une grande table à manger en acajou, attendant avec impatience la production du phénomène. On commençait à désespérer du résultat, quand une dame, paraissant mal à l’aise depuis quelque temps déjà, rompit subitement la chaîne, en poussant des cris qui jetèrent l’épouvante parmi l’assemblée.

« Connaissant parfaitement cette dame, et l’ayant magnétisée assez fréquemment, je ne tardai pas à reconnaître qu’elle était plongée dans le sommeil somnambulique. Interrogée sur les cris qu’elle faisait entendre, elle me répondit que la cause devait en être attribuée au iluicle électrique^ fourni par un monsieur qu’elle nomma, et qui, pendant l’opération, était assis à la chaîne, vis-à-vis d’elle.

« Ce fait, fort singulier, m’engagea à faire tous mes efforts pour pousser plus loin l’expérience. Sur mes pressantes instances, cette dame consentit, mais avec beaucoup de répugnance, car elle souffrait toujours, à former autour d’un grand guéridon en acajou, placé dans un salon voisin, une nouvelle chaîne, à laquelle s’adjoignirent deux expérimentateurs. A peine la chaîne fut-elle établie, que les souffrances de cette dame cessèrent complètement ; elle annonça qu’elle se sentait dégagée, que le fluide dont elle était saturée se reportait dans le guéridon, qui ne tarderait pas à être animé. Quelques instants après, elle était tout à fait éveillée, le meuble s’agitait et tournait aux applaudissements de l’assemblée.

(i 11 avait fallu trois minutes pour produire cc résultat.

« Je dois faire observer :

« 1° Que cette dame était excessivement sensible à l’action magnétique, mais que jusque-là, néanmoins, je n’avais pas obtenu un sommeil complet;

« 2° Que maintenant elle passe très-facilement à l’état de somnambulisme lucide.

« R‘".

« Paris, 11 mai 1855. »

2° Evanouissement.

Le Courrier de l’Isère, cité par la Patrie du 23 mai, rapporte un cas analogue ; en voici les termes :

« Un habitant de Grenoble, M. M***, nous écrit pour nous faire connaître un fait d’une certaine gravité, et qui viendrait corroborer l’opinion déjà émise dans plusieurs journaux, que les expériences sur la rotation des tables peuvent présenter de sérieux inconvénients.

« Dans la soirée de dimanche, quelques personnes réunies chez M. M*** voulurent faire tourner un guéridon qui se trouvait dans l’appartement.

« L’expérience réussit; au bout d’un quart d’heure, le meuble se mit à tourner et exécuter tous les mouvements qu’on lui ordonna. Mais tout à coup, une dame qui faisait partie de la chaîne se trouva dans un état convulsif et tomba à la renverse sur le plancher, où elle fut prise d’un complet évanouissement.

« On la porta aussitôt sur son lit, où elle resta plus de vingt minutes sans pouvoir reprendre connaissance.

« Tous les moyens employés pour la faire revenir avaient échoué, lorsqu’un des assistants eut l’idée de la soumettre à des passes magnétiques, qui la tirèrent enfin de sa léthargie, soit que la crise fût naturellement terminée, soit parce que ces passes l’eussent réellement dégagée du fluide qui semblait peser sur ses membres.

« Lorsque cette dame reprit connaissance,¡elle avait tout oublié depuis le commencement de sa chute, et ne put s’expliquer .comment elle se trouvait assise sur son lit ; enfin elle conserva jusqu’au milieu de la nuit un grand engourdissement dans les bras. »

Ce que le journaliste appelle ici évanouissement dans un

endroit, IHItartjie dans l'autre, n’est évidemment qu’un de ces états magnétiques, sans nom précis, qu’on obtient souvent dans les expériences faites sur des personnes bien portantes. 11 en est de même du cas suivant, où les caractères de la défaillance ne se trouvent plus seuls , mais unis à des spasmes et autres prodromes du sommeil magnétique.

3° Evanouissement.

1.'Émancipa teur, de Cambrai, cite l’expérience suivante, qui lui est racontée par un de ses amis dont l’honorabilité est un garant de la véracité du fait :

« Monsieur le Rédacteur,

« Voici un fait dont j’ai été témoin avec une douzaine de personnes, et je puis dire que jusqu’ici les journaux ne nous avaient encore appris rien de pareil. Voici la chose :

«Nous étions dix autour d’une table, ne prétendant rien moins, comme de juste, que de la faire tourner. Un témoin, la montre en main, nous faisait, sans prendre part à l’action, les recommandations usitées pour la pratique de la chose. Déjà la table craquait sous la pression du fluide animal. Tout à coup, à la 26° minute, une jeune dame tombe évanouie sur son voisin de gauche, du côté sans doute où la table devait prendre sa direction. Voilà donc la chaîne rompue et chacun empressé autour de l’intéressante victime. On la place sur une chaise dans la salle où se pratiquait l’expérience.

« Comme elle ne revenait pas, après un certain temps, de son évanouissement, on la conduit dans un autre appartement, où l’on pratique un courant d’air. Presque aussitôt elle reprend ses sens, mais avec une affection nerveuse bien prononcée dans les bras, les mains et les jambes. Quelques instants après, elle rentre au salon. A peine y était-elle depuis une minute, qu’elle retombe dans son premier état. Cette fois, on l’emporte sur un lit. Après dix minutes, se sentant parfaitement guérie, elle redescend au salon. Elle n’en avait pas franchi la porte qu’elle tombe de nouveau sans mouvement, soutenue heureusement dans sa chute. Alors on s’aperçut qu’évidemment l'atmosphère magnétique du salon

provoquait ces évanouissements successifs, avec crispations nerveuses.

« Un quart d’heure après, elle essaie encore, avec précaution toutefois, de se présenter à l’entrée du salon; mais nouvel évanouissement, avec les mêmes symptômes, ('.’est au point qu’il fallut fermer la porte du salon devant laquelle cette personne devait passer pour sortir de la maison. 11 y a plus : c’est que le lendemain, à la vue de la personne de gauche qui avait formé la chaîne, cette jeune dame tomba dans des convulsions tellement effrayantes, qu’on pouvait tout appréhender. 11 a suffi de se trouver dans la même salle, ou seulement dans la même maison. Ce n’est, pas tout encore : les jours suivants, les mêmes effets ont été excités rien que par la vue de la personne aperçue dans la rue au milieu de la foule, à plus de trois cents pas de distance.

« Veuillez croire, monsieur, que le charlatanisme est complètement étranger à ces surprenants elfets. Nous avions là, sans doute, un sujet d’une rare aptitude pour produire ces merveilleux résultats magnétiques. Inutile de dire que nous avons fait facilement tourner et tables et chapeaux, non-seulement tourner, mais ((¿tourner à la seule manifestation de notre volonté. »

Pour copie conforme,

Désiré B0DTTEAU.

h° Somnambulisme.

La Gazette de Ilclzingoer raconte un fait très-remarquable, dont elle garantit la vérité.

«On faisait la chaîne magnétique autour (l’une table. Une jeune dame, qui faisait partie de la chaîne, se plaignit d’un violent mal à la tôte après quelques mouvements très-rapides de la table. Deux autres jeunes personnes, également dans la chaîne, posèrent leurs mains sur la tête de la dame souffrante, aussitôt elle s’endormit si profondément, que toutes les tentatives que l’on fit pour la réveiller échouèrent. Cette dame entra même aussitôt en somnambulisme lucide; elle se mit à répéter toutes les questions qu’on lui adressa et y répondit. Elle signala la présence d’un individu qui lui était complètement incomju, et l’état de cet individu. Après qu’on lui eut fait prendre quelques gouttes de vinaigre, selon son ordonnance, elle se réveilla tout à coup sans

avoir le moindre souvenir de ce qui s’était passé durant son sommeil, qui avait duré une demi-heure. »

Jlotulion humaine.

On écrit d’Aranjuez à la Espana du 13 mai :

« La chaîne magnétique appliquée au corps humain produit le même mouvement de rotation que lorsqu’elle est appliquée aux tables circulaires dans les mêmes conditions. La personne sur laquelle 011 veut pratiquer l’expérience, homme ou femme, se tient debout. Trois ou quatre hommes et femmes font, autour du corps de cette personne, à la hauteur de la poitrine, la chaîne magnétique avec les mains. E11 moins de quatre ou cinq minutes, la personne soumise à l'expérience éprouve une impulsion douce, mais irrésistible, qui la porte de droite à gauche ou de gauche à droite.

« Son corps tourne lentement, mais visiblement. Elle cherche vainement il s’assurer sur ses pieds; les pieds eux-inêmes subissent l’entraînement et ils suivent le mouvement de rotation imprimé au corps. Cette rotation personnelle est très-lente et très-agréable ; cependant elle peut avoir des inconvénients pour les personnes très-nerveuses : 011 a vu une personne dégagée de la chaîne magnétique, continuer de tourner seule, malgré elle, pendant quelque temps. 11 parait prudent de ne pas faire ressentir au corps humain l’influence de la chaîne magnétique pendant plus de dix minutes pour prévenir tout accident. »

La confirmation de ce fait se trouve dans les passages suivants d’une lettre adressée à la Patrie du 18 niai :

« J’ai fait, avec un de mes amis, l'expérience imaginée par lui, des mains à demi renversées et posées sur les genoux ou autre endroit quelconque.

« Dans cette position, faites les bras morts (comme on dit vulgairement), et, par votre seule volonté, commandez à vos mains de se rapprocher, l’exécution du commandement ne se fera pas attendre ; commandez également leur séparation, elle aura lieu de même. Nous avons mis aussi les mains au-dessous d'un guéridon sans traverse, le tenant ainsi suspendu ; la rotation a encore eu lieu.

« Ce qui nous a bien intéressés et qui a procuré à cette science naissante un adepte de plus, c’est qu’un jeune homme

de vingt-huit ans, qui se glorifiait d’être sceptique à ce sujet, quoiqu’il eût été témoin de plusieurs faits assez convaincants, actionné de la même manière que les objets, n’a pas eu le même privilège que les figures des coiffeurs, qui tournent sans jamais se lasser, car il a tellement tourné que non-seulement il en est résulté une espèce de syncope, mais il a été pendant quelques jours alité, ne pouvant se tenir debout tant il a été fatigué, brisé et terrassé par le trop grand nombre de fluides différents.

« L’indisposition 11e devait pas avoir de suites graves, nous serions fort contents d’apprendre que tous les sceptiques ont tourné ; nous n’en serions pas pour cela débarrassés, puisqu’il y en a qui ont manifesté leur croyance à la suite d’expériences irréfutables, et une fois sortis de la maison où elles avaient été faites, les ont niées.

« Agréez, etc.

« Baron DE CHABERT.

« Batignolles, rue Saint-Louis, 62. »

6° Rotation.

On lit dans le Courrier de Paris de Y Indépendance belge, du 26 mai :

« Maintenant, j’ai un aveu à vous faire, l’aveu d’un sceptique , c’est quelque chose ! Que parliez-vous de tables, de chapeaux et de saladiers qui tournent ! Voici bien une autre affaire : j’ai tourné, moi ! Ne vous récriez pas, ne vous nia-quez pas! Tout ce que vous pourriez dire, je le disais. Mais aujourd’hui je me tais; et, tout bas, quand mon esprit veut douter encore de ces phénomènes, il y a ma conscience impitoyable qui répond : T.u as tourné !

h Eh bien, oui, vous saurez tout ! C’était l’autre dimanche, le soir, après le dîner. Un dîner demi-champêtre, demi-citadin, dans un donjon, dans un chalet, dans un castel si gentil, qu’il a vraiment l’air d’arriver tout droit de Nuremberg pour prendre la place d’une curiosité sur l’étagère d’un salon de Polyphèmes. Le jardin est le rendez-vous de tous les arbres les plus exotiques, et l’habitation est celle des plus aimables indigènes.

« J’ai, pour ma part, le café et le marasquin excessivement incrédules. On parla tables tournantes, car ça dure encore, bien que fort en train de s’user à la ville, malgré les quatre pièces que quatre théâtres jouent sur ce sujet, en ce

moment. Mais nous étions à la campagne, et là les modes sont en retard.

« Donc, 011 affirmait la rotation, et je riais. Le fait est que, depuis un mois, toutes les tables de ma connaissance se sont montrées récalcitrantes; je n’ai vu que des tables indomptables. Pour ne désobliger personne, je laissais entendre que je croyais ; mais, au fond, rien du tout ! La dame de la maison, soupçonnant l’hypocrisie de ma parole, déclara que de cet athéisme féroce elle allait me faire passer aux plus fervents actes de contrition.

« J’avoue cpie la conversion m’était douce, car j’avais à abjurer entre les mains les plus charmantes. Le mari, qui porte un des beaux noms de la littérature, fort titulant dans l’espèce, allait du sarcasme à la foi, selon que l’un ou l’autre lui inspirait un mot plaisant. 11 y avait en plus une jeune personne égayée et moqueuse comme une créole, et son frère un croyant. La sœur était schismatique. On commença.

« On commença par l’insupportable apposition des mains sur un guéridon qui ne broncha pas. Je déguisai trop peu, pour un invité, mon triomphe facile. — (l'est la centième expérience que je vois avorter ! dis-je.

« — Eh bien, que diriez-vous si nous vous faisions tourner vous-même ?

« — La tête ? C’est déjà fait !

« — On ne plaisante pas. Vous tournerez irrésistiblement, de la tête aux pieds !

« — Comme un derviche? Hurlerai-je aussi, comme un derviche toujours ?

« On ne daigna plus me répondre. Les deux opératrices montèrent sur des tabourets pour élever, sans fatigue, leurs mains à la hauteur de mes épaules. La maîtresse du logis renversa en arrière le col de mon habit, et les six mains imposées et liées par le petit doigt, m’entourèrent d’une chaîne magnétique. Je riais ! c’est que j’avais pour épaulettes à graines d’épinard, comme 011 dit vulgairement en style de cuisine, ces gentilles mains fluidiques, et déjà il m’était tout naturel de croire à quelque chose. Le sérieux des magnétiseurs finit pourtant par me gagner. Car... après cinq ou six minutes d’épreuves, je crus sentir...

« — Bah ! me dis-je, je me sens le désir instinctif de me retourner, et c’est tout simple; n’ai-je pas ces deux charmantes personnes derrière le dos? On se retournerait à moins.

« Mais bientôt il me sembla.... il me sembla.... comment

vous avouer, comment, vous expliquer le fait? Une involontaire puissance agissait sur mon buste, plutôt perçue d'abord, et physiquement constatée bientôt, en quelques secondes. J’y livrai curieusement l’inertie, me réservant de résister ensuite, et le torse à demi tourné, les jambes durent, suivre, les pieds pivotant immaîtrisablement. Les expérimentatrices poussèrent des clameurs de triomphe.

« Un moment, dis-je, ayant forcé le trio à déménager tabourets et position. Je me remets en place, et vous déclare que je vais résister jusqu’à la force, la douleur, jusqu’à tout ce qu’il faudra. Allez !

« Eh bien ! que vous dire ? Résister me fut finalement impossible. En peu d’instants il fallut (pie je fisse subir aux pieds la rotation du tronc à demi tourné, et nulle volonté, nulle résistance ne put s’opposer à cette force inconnue, effrayante, qui me maîtrisait d’une façon dont je n’osais plus rire !

« Ces dames, joyeuses de ma défaite morale et de ma rotation physique, voulurent la contre-épreuve. J’avais tourné vers ma droite, on me contraignit à tourner vers ma gauche. Il n'y eut pour cela qu’à poser le petit doigt vers la gauche. Et je retournai ! Ici c’est le fluide magnétique, me disais-je. Ailleurs, c’est le fluide de l’intérêt, de l’ambition. Que de gens il fait tourner, retourner et détourner !

« Enfin, j’ai tourné, c’est un fait. Je n’ai plus le droit', je n’ai même plus l’envie de nier ces relations de la matière inerte, quand moi j’ai dû obéir, malgré mes résistances de l’esprit et du corps. Le fluide m’a vaincu, et j’ai la bonne foi de le dire, afin que l’épreuve se multiplie et qu’on se fasse réciproquement .tourner. Si vous doutez de ma déclaration, retournez la page, moi je retourne à mes moutons.

« Jules LECOMTE. »

7° Communication de pensée.

Nous empruntons, dit la Pairie, le récit suivant à un journal hebdomadaire qui se publie à Brème sous le titre de : Les Tables tournantes et les Esprits frappants :

« Saarbruck, le 11 mai 1853.

« Avant-hier, l’expérience de la table tournante a été faite dans une maison de cette ville, et les résultats obtenus sur-

passent (oui ce que nous avons encore vu ou entendu. Cinq personnes, dont trois liomines de quarante-neuf, trente et \ ingt-six ans, et deux lîlles de dix-huit et seize, formaient la chaîne autour d’une table ronde reposant sur une colonne ;'i (rois pieds, et dont le plateau en bois de chêne non poli était de 40 à 50 centimètres de diamètre. Il était convenu d’avance, pour que la force de volonté des expérimentateurs se concentrât mieux et ne s’éparpillât point, qu’un d’entre eux prendrait la direction, et que toutes les questions adressées à la table le seraient par lui. Un monsieur île quarante-neuf ans, d’un tempérament vif et sanguin, et d’une excitabilité et irritabilité de nerfs peu commune, fut élu directeur à l’unanimité, et l’opération commença aussitôt dans le silence le plus profond. Après des questions adressées à la table qui tournait parfaitement, et des réponses obtenues, l'idée vint au directeur de faire deviner des pensées qu’il formerait mentalement, par les membres de la chaîne plutôt que par la table, pensant que, si une pensée pouvait être communiquée par la chaîne magnétique à un objet inanimé et rendue par lui par des coups frappés sur le plancher, cette pensée devait être communiquée tout, aussi bien, sinon mieux, à un être vivant faisant partie d’une chaîne magnétique. Donc, notre homme, après avoir remis la table en repos, fit asseoir les personnes de la chaîne et déclara qu’il avait formé une pensée, puis s’adressant à. un des membres de la chaîne, une jeune fille de seize ans, il lui demanda quelle était cette pensée. I.a jeune personne, qui n’avait reçu qu’une éducation très-simple et surtout n’avait pas la moindre connaissance des langues étrangères, répondit sans hésiter et d’une voix claire et particulièrement harmonieuse: Bealus Me, qui procut negotiis, commencement d’une ode d’Horace à Mécène.

« Le directeur, après avoir constaté que c'était bien là sa pensée, s’adressa à l’autre jeune fille de la chaîne, âgée de dix-huit uns, la priant de donner des mots à la pensée qu’il venait de former dans ce moment. La réponse de la jeune fille qui, soit dit en passant, s’occupe beaucoup à mesurer des chopines de bière, mais pas du tout de politique ou d’histoire, ne se fit pas attendre ; elle fut nettement formulée et prononcée d’une manière singulièrement claire et distincte : ( Le général Cavaignac a rendu des services importants à sa « patrie en l’année 1848. » Le directeur fit ensuite aux deux autres membres de la chaîne des questions semblables ; il lui fut répondu par l’un : « L'homme propose et Dieu dispose, » et « Honni soit qui mal y pense, » par l’autre. (Les deux

dernières réponses furent failes en français.) ('.'étaient précisément les pensées formées par le questionneur.

«..........Ici, la chaîne fut rompue, les personnes qui la formaient étant trop fatiguées pour la recommencer. »

Nous voici arrivés au terme des citations que nous avons promis de faire. Nous les avons groupées suivant leurs analogies, afin de rendre plus facile l’exposé des diverses opinions émises, pour expliquer ces laits, travail dont nous nous occuperons prochainement.

2° SOMNAMBULISME.

L’extrait suivant de Y Avenir, de Nice, du 22 février dernier, montre combien' se développe en Italie la propagation du magnétisme par les expériences publiques.

« Samedi dernier, M. François Guidi, homme de lettres et professeur de magnétisme, avait réuni dans ses salons une société particulière et choisie; là il a fait, avec le concours de M”“ Érminia, jeune somnambule sur laquelle il exerce une puissante influence, l’essai des expériences qu’il doit renouveler en public, après-demain mercredi, dans la salle de l'hôtel d’York.

« Dans la séance à laquelle nous avons eu le plaisir d’assister, l’habile professeur, après avoir, en quelques instants et sans la moindre fatigue, réduit son sujet en état de somnambulisme , a su nous donner des preuves irréfutables de l’insensibilité magnétique, sans recourir toutefois à des épreuves qui sont pour le moins aussi pénibles au spectateur qu’elles le seraient pour le sujet dans son état ordinaire. Nous louons fort M. Guidi de cette attention délicate pour la partie la plus sensible de son public.

« L’instant d'après, la somnambule a traduit avec une étonnante exactitude le sentiment intime des personnes qui se sont mises en communication avec elle. Ensuite, en lui confiant des cheveux ou une bague, elle a indiqué avec précision l’âge, le sexe, le caractère, le talent distinctif de la personne à laquelle ils appartenaient ; si cette personne est malade, quel est son gonre de maladie, etc.; elle indique avec une égale lucidité l’occupation à laquelle cette personne

se livre en ce moment, et tout cola avec une vérité que les faits n’ont pas démentie à leur vérification.

« Elle devine et elle rend), avec une admirable expression mimique, effrayante de réalité, la pensée qui a été écrite au moment môme par un des spectateurs.

« Enfin, là où elle cause une indicible émotion de surprise, c’est, lorsqu’aux accents de la musique et dans l’extase où elle est plongée, elle reproduit toutes les sensations que lui font éprouver les différentes phases musicales, par de beaux gestes et un jeu de physionomie que les plus grands artistes dramatiques, M11' Rachel, par exemple, lui envieraient certainement. A la suspension de la musique, elle s’arrête dans un état complet de catalepsie, dans des attitudes inconcevables, puisqu’elles sont quelquefois en dehors de tout équilibre , et qu’elle garde avec une immobilité de statue jusqu’à la reprise des sons de l’instrument ou à la volonté de son magnétiseur.

« Ces expériences variées ont été faites avec toute la grâce et la délicatesse voulues dans une réunion choisie, et avec 1111 succès qui opère la conviction des plus incrédules dans la puissance du magnétisme. »

3° ENLÈVEMENT DES HOMMES.

M. le Dr Begué nous écrit à propos de la suspension du corps humain dans l’espace, expérience dont il a rendu compte dans nos colonnes. Voici sa lettre :

Toulouse, 24 mai 1853.

« Quelques journaux de Paris ont reproduit, ces jours derniers, ma relation sur l’enlèvement des hommes, insérée dans le Journal du Magnétisme, 11° 154, du 25 décembre 1852. Cette curieuse expérience n’a pas eu dans la capitale le même retentissement que les tables tournantes. A-t-on essayé? J’en doute. Cependant ce phénomène, intimement lié aux effets magnétiques, devrait, ce me semble, être pris en considération et étudié avec plus d’ardeur, parce que les résultats qni en découlent sont plus surprenants que tous ceux que l’on a pu produire jusqu’à ce jour.

» Les magnétiseurs devraient répéter cette expérience ; s’ils échouent à leurs premiers essais, ce n’est pas une raison pour l’abandonner entièrement. Les tables ne tournent pas

toujours aux premières tentatives. D'ailleurs, il faut si peu «le temps pour enlever un lionnne, qu’en moins d’un quart d’heure oii peut expérimenter cinq ou six fois, sans (’'prouve]- de grande fatigue. On verra que les conséquences de ces phénomènes sont bien autrement merveilleuses que celles produites par la danse des tables.

a J’ai reçu d’Albi quelques communications à ce sujet; elles sont on ne peut plus satisfaisantes. Plusieurs de mes amis, qui se trouvaient ¡1 y a quelques jours dans cette ville, ont assisté dans plusieurs réunions à des enlèvements nombreux. Partout, après deux ou trois essais, on réussissait généralement vingt fois de suite. Ils ont vu enlever, à plusieurs reprises et avec une facilité étonnante, un homme d’une stature colossale et d’un poids approchant de cent kilogrammes.

« Cette expérience commence à se répandre à Toulouse; ceux qui la connaissaient déjà la répètent tous les jours avec succès. Pour moi, c’est un lait acquis.

« Nous avons mis en pratique quelques avis que M. du Potet voulut bien nous donner, lors de notre entrevue dernière à Paris, et nous avons reconnu, après un grand nombre d’épreuves, que l’enlèvement s’effectue mieux à l’air libre et sur le sol, que dans un appartement clos et élevé.

« Il arrive souvent que, quand l’expérience a été pratiquée un certain nombre de fois sur le môme individu et par les mêmes opérateurs, le sujet, étant enlevé, peut être maintenu au-dessus des têtes, et quitter, même pour un instant, les index qui l’ont accompagné dans cette excursion aérienne.

« Quelques essais et des études approfondies sur ce phénomène donneront, j’en suis certain, des résultats bien plus surprenants encore.

BEGUÉ, médecin.

M. Begué et un de ses amis ont tenté de produire ce fait devant une dizaine de personnes, réunies exprès au bureau du Journal. Le résultat n'a pas ôté satisfaisant; peut-être parce que, quatre personnes étant nécessaires, les deux expérimentateurs improvisés ne suivaient pas exactement les règles indiquées. C’est une expérience à refaire avant de rien conclure.

IIÉBEKT (de Garnay).

CLINIQUE.

On lit dans le liegister of médical science, publié à Calcutta, lin exposé des résultats obtenus dans le traitement des fous par le magnétisme. Voici les deux passages de ce document, qui résument les faits importants :

« Le l)r Kean, de Burhampore, nous informe que depuis l’emploi du magnétisme, la plupart des difficultés qu’on éprouve à diriger ces malades ont été aplanies. Autrefois, il y en avait toujours beaucoup de tapageurs, furieux même, et quelques-uns qui ne dormaient pas durant des semaines, malgré tous les moyens employés pour les calmer. Maintenant tous sont tranquilles, et aussi dociles que d’autres sujets ; ils jouissent également d’un sommeil naturel. Enfin le changement est si grand, qu’avec un nombre proportionné de gardiens, le médecin sus-nommé dit qu’il pourrait gouverner cinq cents de ces malheureux aussi facilement que cinquante.

« Dans un autre rapport, M. Kean dit que, sur soixante-quatorze aliénés qui ont été magnétisés dans son établissement pendant les années 1847 et 1848 , soixante-quatre ont été rétablis, c’est-à-dire guéris, selon toute apparence. »

Bien que l’on n’ait obtenu ici que peu de succès, ces résultats nouveaux doivent engager à multiplier les essais ; car, en supposant que l’Inde fût privilégiée pour les guérisons, comme elle l’est pour d’autres effets, il resterait encore une belle marge pour rendre à la société des membres utiles. Nous espérons qu’on essaiera dans toutes les occasions favorables, et qu’ainsi bientôt ce mode de traitement pourra être apprécié à sa juste valeur.

HÉBERT (de Carnaj).

VARIÉTÉS.

*l,ronlquc. — L’idée du magnétisme entre dans les masses par tous les pores. 11 n’y a guère de roman qui n’en inculque une scène pour favoriser quelque aventure invraisemblable, et peu de spectacle qui n’ait recours au même moyen dans un but analogue. Depuis quelques mois, trois théâtres ont joué des pièces oü l’on parlait du magnétisme et parodiait ses pratiques.

A l’Ambigu, dans le Château des tilleuls, un acteur magnétisait sur la scène, en me mimant si bien, qu’on disait dans la salle : c’est le président de la Société du Mesmérisme. J’ai appris que pour bien jouer ce rôle, il était venu voir les séances du Waux-Hall.

Dans une bouffonnerie sur les tables tournantes, qui se jouait naguère aux Variétés, un acteur, désolé de ne pouvoir réussir, propose à. ses conipagnons d'aller chez le baron du Potet, pour apprendre à manier le fluide.

Enfin, dans une pièce intitulée Y Ane mort, qu’on représente encore à la Gaîté, il se passe une longue scène de sommeil dont l’effet dramatique est des plus heureux. On y parle d’Urbain Grandier et de Cagliostro.

— On nous mande de la Suisse, qu’un jeune prêtre, relevant de l’évêché de Como, a été suspendu pour avoir parlé favorablement du magnétisme en chaire, et est menacé d’interdit s’il ne se rétracte pas. La personne qui nous donne cette nouvelle est persuadée qu’il résistera plutôt à l’autorité épiscopale que de se rétracter, tant il est pénétré de la

vérité du mesmérisme et convaincu du bien qui peut en résulter.

Pourquoi, en effet, si le 11. P. Lacordaire a pu confesser sa croyance du haut de la chaire de Notre-Dame de Paris, un humble curé de campagne ne le pourrait-il pas devant ses ouailles? Ainsi le veut la justice; mais la raison ne domine pas toujours, même dans les conseils sacerdotaux.

— Une autre tentative de rétractation a eu lieu envers un de nos amis, le vieil et bon commandant Laforgue , qui, malgré ses quatre-vingt-deux ans passés, voudrait magnétiser encore. Voici en quels termes il nous donne avis de cet acte honteux :

« Vous direz à nos frères réunis au banquet du 23 mai, que je fais des vœux à la vie, à la mort pour la propagande magnétique. Toutes les persécutions qui ont été exercées contre moi n’ont pu refroidir l’amour que je porte à cette grande vérité.

« Au fort de la maladie que je viens d’éprouver, et qui m’a retenu plus de six mois dans ma chambre, des personnes se disant sublimes en science., ont fait tous leurs efforts pour me faire déclarer, en présence de quatre témoins désignés par elles, que tout ce que j’avais dit ou écrit était faux, et que je n’avais jamais guéri personne. J’ai répondu : ce qui est écrit est écrit; je ne puis détruire ce que j’ai fait, quand on devrait me hacher en morceaux. Telle est la volonté du Seigneur !

« Le seuil de ma porte est chaque jour encore arrosé des larmes de pauvres malades qui viennent de différents pays, et qui sont déclarés incurables. Ils sont forcés de se retirer sans me voir... »

— Une Société, fondée sur les bases de la Société du Mesmérisme de Paris, est en train de s’organiser à Genève, peut-être même fonctionne-t-elle déjà, tant sa constitution était avancée à la date de nos dernières nouvelles.

HÉBEKT (do Garnay).

BIBLIOGRAPHIE.

MANUEL DE PHYSIOLOGIE , etc.; par J.-B. Béiiaid , in 1er ne-lauréat des hôpitaux. 1 vol. in-18, revu par le professeur Ch. Kon.'.v.

Paris, 1855, Gcrmer-Baillière. — Prix : 8 fr.

Je disais dernièrement que la plupart des écrivains médicaux se croient obligés de parler du magnétisme, pour éviter le reproche d'incomplet adressé à leurs livres. L’ouvrage (pii nous occupe en ce moment est une nouvelle preuve de cet acheminement. L’auteur, qui est un jeune homme d’avenir, a voulu prendre date en consignant sa croyance. Cette croyance est restreinte, malgré cela elle est précieuse, parce que ce sont des étudiants qui doivent la lire, et qu’elle consacre une partie des faits qu’ils sont habitués à entendre nier. En allant plus loin, M. Béraud se serait aliéné les professeurs qui ont affirmé le contraire, ce qui est dangereux pourun élève qui a des examens à subir. Il faut lui tenir compte de ses demi-aveux, le temps et l’étude les compléteront.

Voici le chapitre qu’il consacre à la science magnétique :

« 11 peut se faire que le somnambulisme arrive spontanément d’une manière directe, c’est-à-dire sans que l’individu passe par le sommeil, ou bien encore on peut mettre artificiellement une personne dans cet état particulier; c’est l’ensemble de tous les phénomènes qui se produisent alors que l’on a désigné sous le nom de miif/nâtismc animal.

Au point de vue le plus général, le magnétisme embrasse deux choses bien distinctes : une question physiologique et une question de thérapeutique. Sous ce dernier point de vue, nous ne devons pas nous en occuper. Mais sous le rapport de la physiologie, nous devons nous y arrêter un instant.

Y a-t-il un fluide magnétique? — D’après Mesmer et ses disciples, l’univers serait submergé en quelque sorte par un fluide éminemment subtil, que l’on peut appeler magnétique, par comparaison avec le fluide que l’on suppose exister dans

l'aimant; mais lien ne justifie cette croyance. L'œil de l’observateur placé dans les circonstances les plus favorables pour recevoir les impressions de l’agent magnétique ne voit jamais rien. Le goût, l’odorat, le toucher ne sont pas davantage affectés par son action, sa présence. Que s’il arrive que quelques malades croient, pendant leurs crises, percevoir son odeur, un effet occasionné par son passage à travers les tissus, par sa présence dans les liquides qu’on leur donne à boire, il eu est d’autres qui, bien que placés à leurs côtés, ne sentent jamais rien. Les personnes qui croient sentir quelque cliose ne le doivent qu’à une aberration de la sensibilité.

« O11 ne réussit pas davantage à établir l’existence du lluide magnétique en invoquant ses effets généraux sur l’économie animale. ¡1 est une foule de personnes malades ou bien portantes qui restent indéfiniment exposées à la prétendue influence de cet agent sans en ressentir aucun effet.

« Mesmer a donc attribué à l'intervention d’un agent imaginaire des phénomènes qui tiennent tout simplement à la conformation de notre être. De temps en temps 011 a observé des effets analogues à ceux produits par le prétendu fluide magnétique, mais il n’y avait là qu’un résultat de l’imagination sur le centre nerveux. Est-il besoin de parler des trembleurs des C.évennes, des convulsiounaires de Saint-Mé-dard et des illusions de la sorcellerie ?

Des effets obtenus par les procédés magnétiques. — Quand un sujet a été soumis aux procédés des magnétiseurs, il peut se produire des effets très-variables. L’un, sans éprouver le besoin du sommeil, accuse des sensations générales de chaud, plus rarement de froid ; il s’établit aux mains, aux aisselles, à la figure, une transpiration abondante; le pouls devient plus fréquent, la respiration plus active, les douleurs nerveuses s’engourdissent et se calment; les paupières semblent légèrement pesantes, les membres connue enchaînés par la paresse; l’autre a des convulsions et des tremblements; un autre s’endort d’un sommeil profond et comparable au sommeil naturel; les autres tombent dans une sorte de somnolence douce, accompagnée de rêves, d’hallucinations qu’ils rectifient à leur réveil. Dans cette situation du corps et de l’esprit, il leur arrive souvent de percevoir vaguement tout ce qui se passe auteur d’eux. Les plus curieux à observer sont les somnambules. Le somnambulisme spontané n’est pas rare, il affecte surtout les femmes hystériques, Jes sujets cataleptiques, les sujets exaltés par la solitude, les veilles, les jeunes, la prière, l’enthousiasme religieux ; il revêt une foule

do formes qu’il faut imputer surtout aux circonstances qui le font naître, ('.arpenter en cite plusieurs cas remarquables.

« Quanti le somnambulisme est provoqué ou artificiel, on observe des phénomènes très-variables. Quelques somnambules semblent d’abord étrangers aux impressions du dehors; bientôt leurs sens entrent en exercice; ils voient les objets, distinguent les couleurs, entendent, font la conversation avec le premier venu, exercent le goût, le toucher, l’odorat, comme dans l’état de veille. D’autres ne sont en rapport qu’avec une seule personne, un certain nombre d’objets, de sorte qu’ils ne répondent point à la voix du premier venu; qu’ils sont impressionnés, par exemple, par la vue d’une table, sans apercevoir à leurs côtés; une fleur, un livre qui s’y trouvent placés; qu’ils sont impressionnés par le bruit de la pluie, le son d’une horloge, sans entendre l’explosion d’une arme à feu, le son perçant d’un instrument de musique; qu’ils apprécient par le tact la température, la forme d’un corps, sans ressentir la douleur d’une piqûre; qu’ils goûtent, flairent avec délices certaines liqueurs, certaines substances odorantes, sans percevoir l’amertume d’un objet qu’on dépose sur la langue, l’odeur du soufre qui brûle auprès d’eux.

« D’autres distinguent avec une grande pénétration des sensations viscérales habituellement cachées pour le cerveau. Les uns éprouvent des hallucinations de la vue, de l’ouïe, de l’odorat, etc.

a Dans le somnambulisme, on voit quelquefois les facultés affectives, intellectuelles et morales, acquérir un développement extraordinaire. La mémoire devient d’une précision étonnante, la pensée se traduit en un langage élégant et correct.

« Voilà ce que le somnambulisme offre de réel dans ses effets, voilà ce que l’on peut admettre; mais peut-on maintenant accepter ce que les magnétiseurs peu versés dans les sciences physiologiques ou trop amateurs du merveilleux, ont voulu soutenir? Peut-on croire à la transposition des sens? Peut-on penser que l’avenir se dévoile au somnambule? Ce sont là autant d’erreurs ou d’exagérations qui sont tombées devant l’examen d’hommes sévères. Ainsi M. le professeur Ce ni y a contribué à réduire à néant toutes ces hypothèses. »

Le Gérant ; IIKHKKT (de Garnay).

CLINIQUE.

4>epst noXvv fiiov»

Il porte l’abondance vitale.

Un homme qui avait connu Mesmer, disait de lui : « C’est me âme de feu dans un corps de fer. » Nous avons dans M. du Potet un exemple vivant de ce que devait être l’énergie physique et morale de ce grand homme ; si vous voulez bien, ami lecteur, songer à ce que l’un dut donner de sa vitalité, à ce que l’autre en donne encore tous les jours, en voyant Mesmer parcourir un siècle d’existence, et notre excellent maître aussi riche.... de santé et de fluide, vous me permettrez d’établir qu’en magnétisme, plus on dépense, plus on gagne ; plus on est volé et soutiré, plus on a vaillant. J’en suis fâché pour les mathématiques, qui seules semblaient défier l’agent mesmérien, elles ont leur côté faible tout comme les autres choses ; ainsi, malgré l’avidité de mes malades, mon plexus brachial est encore assez vigoureux pour vous tracer deux longues observations et magnétiser d’avance votre bienveillance et votre attention.

1° Hernie crurale étranglée.

Voici un fait tout récent, qui est le troisième connu dans la science écrite, je veux parler d’une hernie étranglée réduite par le magnétisme.

Dans le premier cas que j’ai publié (Voy. t. VIII, p. 433), il s’agissait d’une hernie inguinale ; dans celui-ci, c’est d’une crurale.

Le dimanche 21 avril dernier, je fus appelé dans la mai-

IOJIE XII. — NO 109. _ 10 AOUT 1853. 17

son des bains, 27, rue Vieille-du-Temple, chez Mm0X..., qui, depuis quatre jours, était en proie aux plus cruelles souffrances, et chez qui le taxis avait été essayé en vain pendant tout ce temps ; c’était une hernie crurale droite, donnant l’aspect et le volume de trois marrons réunis sous une même enveloppe.

La bouche était sèche, la soif ardente, le pouls petit, filiforme ; il y avait des coliques aiguës et presque continues ; tout le côté droit du ventre était très-douloureux, et les vomissements se succédaient toutes les cinq et dix minutes ; les matières vomies en ma présence étaient grisâtres, c’est-à-dire celles de la période de l’étranglement où le précepte chirurgical est d’opérer immédiatement, surtout une hernie crurale marronnée.

J’avoue que je fus étonné de voir, après quatre jours, la malade vivre sous la seule providence des cataplasmes de graine de lin. Aussi déclarai-je au mari que, pour moi, la position de sa femme était très-grave, que l’opération me paraissait imminente, et que ses chances étaient de beaucoup diminuées par quatre jours d’une attente aussi imprudente. L’intestin pouvait bien être gangrené, surtout après un taxis si peu modéré, que la peau qui recouvrait la tumeur en était ecchymosée.

Néanmoins 'j’essayai de faire rentrer la hernie, mais en vain ; j’éprouvai une résistance considérable. Alors l’idée me vint de joindre le magnétisme aux manœuvres chirurgicales. Je saisis la tumeur de la main gauche, et, sans presser, je la magnétise directement , tandis qu’avec la main droite je fais sur le ventre des passes très-douces, « de manière seulement à en effleurer la surface de la peau : frictio lenis ut tan-tummodo summum cutem emoltiat (Celse). » Vingt secondes à peine sont écoulées, que je sens un gargouillement sous ma main droite, en même temps qu’un frisson parcourt tous les intestins de cette femme ; l’abdomen se couvre de sueurs, surtout dans la fosse iliaque droite ; j’agis vigoureusement (j’entends d’intention). A peine trois minutes se sont écoulées, il survient un second gargouillement

qui retentit jusque dans la tumeur; je sens celle-ci diminuer, puis bientôt glisser sous mes doigts et disparaître...

Alors une colique violente amena la syncope ; sans quitter l’anneau crural de la main gauche, je continue de magnétiser le ventre à grandes passes de la main droite, pendant que l’on applique de l’eau fraîche sur le frqnt. Je fais mettre un bandage solide, et bientôt une selle abondante vient soulager la malade et terminer les vomissements. Je n’avais plus à redouter que la gangrène de l’intestin; mais mes craintes furent bientôt dissipées, car deux jours après cette dame reprenait ses occupations ordinaires.

Et si quelqu’un se doute de l’efficacité du magnétisme, ce n’est certainement pas la malade : « elle n’y vit que du feu, » et croit à mon talent chirurgical bien plus qu’aux vertus de ma main... Je la laisse modestement dans cette confiance ; il est des gens que la vérité effarouche, il en est d’autres à qui elle nuit.

Dans le cas de hernie inguinale ci-dessus rappelé, l'imposition seule de la main avait réduit la hernie; mais ici j’ai intenté le taxis magnétique; or, comme le taxis méthodique avait échoué, je crois pouvoir affirmer que le magnétisme a opéré plus que la chirurgie; mais quand même le magnétisme n’aurait été là qu’un aide, je le préfère cent fois au bistouri, et je ne crois pas que j’aurai beaucoup de contradicteurs. .. surtout parmi les hemieux !

2° Encèphalo-méningite aiguë. — Épilepsie.

Je passe à une observation d’un ordre plus relevé en magnétisme, une encéphalite aiguë menée à bonne fin par le moyen universel de préserver et de guérir !

Arétée et Celse ont dit :

k Nam cl capitis longos dolores ipsius frictio levât. La friction enlève même les longues douleurs de tête. ->

: Faites abstraction du moyen mécanique, et vous ayez ce qui opère dans la friction, enlève les longues douleurs de tête.

Sigault, médecin électriseur, rencontre sur le Pont-Neuf un artiste célèbre, et, pour se moquer du magnétisme, lui promène le doigt indicateur à la racine du nez ; cet artiste avait une grande migraine, qui disparut en le laissant dans le plus grand étonnement! (Rapport de 178Æ, page 3/i.)

Voici un médecin qui guérit en ignorant, et il attribue à l’imagination de l’artiste la disparition de la migraine. J’aurais, pour ma part, énormément d’imaginations à me reprocher, car j’ai guéri déjà beaucoup de migraines avec l’index, et instantanément. Chose curieuse ! la douleur, le plus souvent, descend le long du cou, se perd sur les épaules, donne quelques borborygmes, et la crise salutaire est opérée. C’est toujours une friction, mais mieux comprise.

Je reprends de plus loin ; Celse a dit :

n longa vero frictioni uti neque in acutis morbis neque increscentibus convenit præterquam cüm phreneticis sommi'3 ea queritür. » Une longue friction (et nous savons ce qui agit) ne convient ni dans les maladies aiguës,' ni dans celles qui vont en augmentant, excepté si l'on cherche par-là à donner du sommeil aux frénétiques, »

Voici des frictions qui donnaient du sommeil aux malades en délire : Celse voyait la puissance de la locomotive sans imaginer la vapeur.

Pardonnez-moi, lecteur, cet aperçu rétrospectif ; après la lecture de mon observation, vous verrez que l’histoire ne nuit jamais, et que j’aurai complété un tout de morceaux séparés par la forme et homogènes dans le fond.

Le 29 août 1852, je fus appelé au n° 17, rue des Francs-Bourgeois, pourMme B..., âgée de vingt-deux ans, qui venait d’être prise d’une attaque épileptiforme. Elle souffrait beaucoup de la tête ; ses yeux étaient brillants, les pupilles très-dilatées, le pouls élevé à 105. Je fis appliquer dix sangsues sur le plat des cuisses, et j’administrai 15 centigrammes d’é-métique. Le lendemain j’avais obtenu plus de calme. Je purgeai la malade. Pendant quatre jours le mieux se soutint ; mais le vendredi, 3 septembre, les accidents se développèrent à ce point, que je commençai à redouter autre chose qu’une

simple congestion cérébrale. Une attaque violente s’était produite, et, à sa suite, la malade était restée trois heures en catalepsie, ce qui avait très-effrayé ses parents.

Le pouls monta dans la soirée jusqu’àl35. Je prescrivis des sangsues à l’anus et de la glace sur la tête, car tous les symptômes de l’encéphalo-méningite aiguë se manifestèrent clairement : soubresauts des tendons, spasmes cloniques, insensibilité complète de la peau, sans point hyperliestésique, face rouge, yeux brillants, bouche brûlante, pouls à 125—ÜO— 120—160, urines impossibles sans la sonde, délire furieux, visions, paroles brèves, saccadées, sans suite. Les accidents marchent, et le dimanche la malade tombe dans une prostration comateuse ; plus de mouvements, plus de délire, plus de paroles, respiration stertoreuse, convulsions cloniques de la face, qui se montrent à distances plus ou moins rapprochées, et surtout du côté droit; la commissure des lèvres est tirée tantôt en haut, tantôt en bas; les yeux roulent dans leur orbite avec un aspect hagard, et donnent à l’ensemble de cette figure quelque chose de terrible; le pouls petit, battait... battait à ne pas se compter, puis devenait moins fréquent, et alors il était dicrote, signe qui me fit annoncer une hémorrhagie nasale, qui survint en effet. Évidemment, si nous n’avions pas un ramolissement du cerveau, nous n’en étions pas loin... J’appelai le Dr Louyet, sur lequel on peut toujours compter quand on veut la confraternité et la lumière médicale réunies dans le même homme :

« Avez-vous magnétisé? me dit-il.

— Oui, mais sans résultat, a

Il constate l’insensibilité de la cornée, des paupières, de la peau, du nez, des lèvres... et se met bravement à faire des passes devant tout le monde étonné (car je dois confesser que j’avais magnétisé de manière à ce qu’on n’en vit rien).

« Pas de résultat, dit M. Louyet; c’est terrible I

— J’ai songé à un grand bain de moutarde, lui dis-je.

— C’est le cas, en effet, d’essayer une réaction vers la peau.»

Nous ordonnons donc un grand bain de moutarde, et nous nous en allons tristes, très-tristes.

« C’est la première fois de ma vie, dit M. Louyet, que je vois un cas semblable, après vingt-cinq ans de clientèle. »

Il était midi, A trois heures, je reviens voir la malade. A peine l’avait-on remuée, qu’une syncope se manifesta et empêcha de lui donner son bain.

Jusqu’ici, lecteur, la médecine, avec son jargon barbare et ses incertitudes, vous a seule parlé ; c’était nécessaire pour l’assise de l’observation. Maintenant, préparez votre cœur à la semence nouvelle, car voici le merveilleux qui commence ; voici des phénomènes physiques, religieux, moraux, philosophiques qui vont rouler devant nous et éblouir les yeux de nos têtes et de nos esprits : surgit apollo stupete.

.....A trois heures, l’affection avait revêtu un caractère

tout autre ; les yeux de la malade s’étaient tournés lentement vers une vierge en plâtre, nichée dans un angle de la chambre, et leur fixité cataleptique les y tenait braqués... Bientôt ses mains se lèvent.... s’étendent vers la statue-, elle pleure, un sourire effleure ses lèvres, et si elle ne parlait pas alors, son expression en disait assez pour que tous les assistants fussent émus aux larmes. En effet, cette figure pâle renaissant à la vie après une mort apparente, ce regard vitreux,, ces cheveux épars, ces bras tendus... Figurez-vous la fille de Zaïre, écartant son linceul et obéissant à la puissance du. Christ... Et moi quiprononce gravement : C’est un phénomène cataleptique! Pauvre médecin!.... Vous allez voir, lecteur, comme j’étais pauvre.

Une cousine de la malade voyant son regard ainsi fixé sur la vierge, la prend et la lui présente, et voici qu’elle l'embrasse de ses deux bras et la couvre de caresses; elle ne pouvait parler, puisque la pointe de la langue était tellement collée au palais, qu’en pesant avec une cuiller il était impossible de l’abaisser.

« Te trouves-tu mieux ? -

— Oui, fit-elle de la tête.

— Qui donc t’a guérie ? »

Elle montre la vierge.

« On a donc Lien fait de faire dire une messe ? »

La malade exprime par le geste combien on a eu raison d’avoir recours à la puissante médiatrice des hommes et du ciel. C’était si bien exprimé, que le sentiment religieux qu’elle manifestait allait droit à l’âme. Aussi les parents disaient avec la meilleure bonne foi : C’est un miracle ! Et déjà la statue était pour eux un palladium.

Moi, je ne disais rien ; mais je cherchais comment il se pouvait faire qu’un mieux semblable se fût opéré. Je n’étais pas plus satisfait de l’opération mystique que de ma science; je me défie des hystériques dans ces cas, car elles obéissent au souille inconnu de la possession, et les phénomènes sont si bizarres chez elles, qu’elles peuvent simuler les vraies possédées de Python. Enfin je m’en allai, en me disant : C’est peut-être un de ces mouvements de détente qui précède le terme fatal, et où le moribond recouvre sa connaissance, pour donner cette illusion cruelle qui fait sourire d’espérance dans les bras de la mort.

Le lundi 6 septembre au matin, la malade avait passé une bonne nuit, elle était plus tranquille ; je fis continuer les compresses d’eau glacée sur la tête, ce qui la soulageait beaucoup, et je lui fis tomber de l’eau goutte à goutte dans la bouche ; de temps en temps il survenait bien des mouvements de contraction dans le côté droit de la face, mais il n’y avait pas de comparaison avec son état de la veille ; en conséquence je restai un instant près d’elle, et je la magnétisai en appliquant la main sur l’estomac. Ses seules idées étaient pour sa bienheureuse vierge, qu’elle ne quittait pas ; et quand ces idées passaient, elle voyait son fils mort à deux ans, elle lui parlait d’une manière incompréhensible pour nous, seulement nous saisissions qu’elle lui souriait au milieu des anges; toutes ces visions avaient un caractère de calme incompatible avec le délire.

Le lundi soir, (5 septembre, vers neuf heures, je ma-

gnétise doucement ma malade, en évitant d’actionner la tête; au bout de quelques minutes, voici qu’elle se met îi dire :

« Tiens, c’est drôle ! je crois que je suis mieux. »

Songez «à notre surprise ! et il est bon de vous répéter que la pointe de la langue adhérait au palais, et que l’articulation ne se faisait que par ses bords latéraux; elle zézéyait beaucoup, mais elle se faisait bien comprendre.

Comme les dents étaient it peine écartées de cinq millimètres, et que la soif ne pouvait être satisfaite que par l’injection des boissons dans le nez :

« Attendez, dit-elle, je vais vous montrer un procédé pour me faire boire. »

Elle prend une cuiller à café, en passe le manche entre son palais et sa langue, et se fait verser de l’eau le long de ce manche ;..... la déglutition fut parfaite, et elle continua de boire ainsi tant que la langue fut privée de sa liberté.

Ce premier pas fait, elle nous entama la conversation suivante, sans plus de préambule :

« Oh ! je vois un gros livre.

— Qqel livre?

— 11 est en latin, je ne sais pas lire le latin , moi, et je n’ai pas assez étudié pour vous parler comme lui ; mais je le comprends tout de même.

— Epelez-moi les lettres de son titre.

— An ! je veux bien : C e 1 s e.

— Et où le voyez-vous ?

— Cette question!..... chez vous, puisque vous le lisiez

tout à l’heure (et c’était vrai) ; étudiez bien cet auteur, il révèle beaucoup de choses....... Ah ! mais je vois ma maladie ;...... c’est extrêmement rare. Observez-la bien, vous

ne rencontrerez peut-être pas sa pareille. Je guérirai, et vous savez qu’on ne guérit pas la grande fièvre cérébrale, surtout quand l'estomac et l’épilepsie;.... car, voyez-vous, j’ai trois maladies, et vous n’en avez vu que deux, l’épilepsie et la fièvre ; mais j’ai l’estomac rétréci..... d’une délicatesse incroyable; vous avez juste donné ce qu’il fallait de médica-

ments : un rien de plus, l’estomac ôtait mort.... et moi aussi ; ah, tenez! je suis bien heureuse de voir une chose....

— Quoi donc?

— C’est que nous avons les mîmes idées en médecine. Faut pas que ça vous étonne. Ah ! c’est bientôt fait; avec le magnétisme, je vois, je sais! Ainsi il me faudra beaucoup de moutarde aux jambes, beaucoup , beaucoup !

— Quand parlerez-vous librement?

— Attendez... samedi. Demain il me faudra de la tisane de violette pour adoucir l’estomac.

— Et pour votre langue?

— Attendez donc ! pas si vite ; je ne suis pas encore assez avancée pour courir. Il me faudra.... (avec volubilité) de l’eau de mélisse, de fleur d’oranger, de l’huile d’amandes ; bien battre, bien battre... Frotter les gencives et la langue.

— Passerez-vous une bonne nuit?

— Non ; je serai énervée par l’orage. Oh 1 l’orage, c’est terrible pour les malades ; étudiez cela : lèvres sèches, pesanteur de tète, délire, fièvre, mauvaise digestion, etc., etc. Ah 1 c’est bien digne d’étude.

— Dites-moi, êtes-vous bien sûre de guérir?

— Oui, certainement ; mais ce sera long. Mais qu’est-ce que ça fait, puisque je guérirai? Votre livre dit bien

cela: l’épilepsie est longue à partir..... Mais, tenez, vous

qui faites mon médecin , voulez-vous que je vous dise pourquoi vous êtes malade......hein ? Parce que vous êtes trop

ambitieux! Vous voudriez être, à votre âge, ce que vous ne serez qu’à quarante ans ; vous aurez beau travailler, vous n’arriverez qu’avec le temps.... ou vous vous tuerez; c’est comme ça....

— Mais je me repose.

— Ah ! oui ; un drôle de repos ! travailler avec les livres, ou tout seul dans sa tête, c’est la même chose; et faut toujours que ça marche chez vous; toujours l’étude... toujours, •c’est trop.

— Je serais à la campagne sans vous.

— Oui, je le sais; mais comme vous avez trouvé en moi un beau cas, ça vous a paru digne de rester. Ah ! c’est que je vois tout, moi. Suivez mon conseil, reposez-vous ; ne pensez plus à rien.... Je vous promets que vous arriverez, je vois une place pour vous... Oh! mais... oh! mais... ce sera un bien grand fardeau, un tour de force médical.... mais vous êtes taillé pour cela... et vous méritez l’avenir qui vous attend.... Ah! j’en suis bien heureuse! »

Lecteur, je dois h la vérité de vous raconter toutes ces choses, quoiqu’elles soient flatteuses pour mon amour-propropre; je n’entrevois rien d’extraordinaire dans mon avenir, je n’ambitionne rien. Si la fortune doit tourner sa roue de mon côté, tous ceux qui me connaissent savent combien je coule l’existence tranquille et gaie, c’est donc le moindre de mes tourments. Je consigne néanmoins ces faits, et ces derniers mots ont été prononcés avec fermeté, solennellement; la malade s’était levée sur son séant, et sa main était tendue vers moi avec un geste si expressif, que... je vous l’avouerai... le cœur me battit plus de peur que de vanité, et puis, pour tout celà, l'expérience m’a appris une chose : les somnambules mentent, mais pas autant qu'on le pense. Elles voient au grossissement de leur microscope, et trop souvent un ciron leur parait un bœuf..,. Je reprends.

o Que dites-vous du magnétisme?

— Je l’adore comme une suprême puissance, et cependant tout seul il m’aurait tuée.

— Comment donc cela?....

— Comment?... Et pourquoi avez-vous tant hésité à l'employer sur moi?...

— Parce que...

— Parce que... je vais vous le dire, moi ; parce que son action sur le cerveau malade décuple l’excitation maladive, et atténue la résistance vitale; car, en résumé, il faut que la résistance vitale cède devant les pratiques mesmériques, ou vous n’obtenez aucun phénomène ; et je serais morte, je vous

le répète, si vous m’aviez magnétisée!..... Ah! mais, je

m’en vas... »

La malade revient à l’état normal sans que je l’aie démagnétisée ; elle est fatiguée et éprouve le besoin de dormir. Nous la laissons. Je revins le lendemain la magnétiser de nouveau, elle s’endormit et nous eûmes la conversation suivante :

« Hier, je n’ai pas voulu vous fatiguer, lui dis-je; mais aujourd’hui je voudrais bien avoir quelques explications. Cependant je n’insisterai pas, à cause de la gène de la parole ; mais je serais bien aise de profiter de votre lucidité, qui pourrait bien 11’être que passagère.

— Ali ! vous croyez cela, vous.

— Mais, oui.

— Eli bien ! chacun sa croyance.

— Tous vos parents sont persuadés que vous guérirez par un miracle de votre vierge; pour asseoir ma conviction, j’aurais besoin, grand besoin d’éclaircissements. D’où vient le mieux que vous avez éprouvé? quelle cause l’a déterminé?

— Ah ! c’est trop fort ! Mais c’est vous et ce monsieur (M. Louyet).

— Et la vierge ?

— Je vous dis que c’est votre magnétisme.

— Mais vous n’avez rien éprouvé ?

— Est-ce que vous croyez que l'eau qui dort ne noie pas aussi bien que celle qui court ?

— Soit ; mais alors pourquoi ne vouliez-vous pas entendre parler de magnétisme hier? pourquoi même le disiez-vous dangereux pour vous?

— C’est qu’hier j’étais bête... Je vous ai dit que trop de magnétisme m’eût tuée ; mais je vois que j’en ai pris juste assez pour provoquer une crise, et c’était ce qu’il fallait.... Et tenez, en ce moment, je vois la force qui coule de vous en moi, et je me sens prendre des forces. Que de guérisons je vois obtenues par l'emprunt fait au médecin. A-t-on calomnié ces pauvres médicaments! mais aussi qu’on leur donna de réussites dont ils sont bien innocents !

— Mais la vierge, c’est la vierge qui me soucie?

— Ah I c’est très-simple : le magnétisme me monte au cerveau, il me dilate les yeux, ils voient ; le premier objet qui les frappe est cette statue.... Comme, avec le magnétisme, le mieux monte également; comme je ne le vois pas, mais seulement la statue, c’est elle qui me fait du bien, je lui tends les bras, ça va tout seul...

— Mais...

— Ah! quel homme vous faites avec vos mais !... Tenez, supposez un orgue jouant au même moment dans la rue, supposez que le magnétisme, au lieu de dilater mes yeux, dilate mes oreilles... l’orgue aurait opéré le miracle, parce qu’il eût donné le premier émoi à mon cerveau. Quand le cerveau s’en va, il oublie ; on l’arrête, il renaît. Naturellement, la puissance qui l’arrête est son premier souvenir, et quand il ne peut discerner la puissance, c’est le premier objet qu’il rencontre qui l’attache... Réfléchissez à cela, vous verrez qu’il y a une belle étude à faire là-dessus... »

Après une pause, elle reprend :

« Ce que vous pensez est très-juste, c’est bien cela,.. On s’étonne d’un amour bizarre chez une jeune fille ; c’est qu’on ne réfléchit pas que l’amour pour elle est une naissance à, une vie nouvelle... Au moment où cette vie nouvelle éclate, le premier individu qui entre dans son cercle actif l'imprègne d’une puissance qui ne s’efface jamais... jamais... Ce qu’il y a de malheureux, c’est que le cachet du bagne peut aussi bien marquer que celui de l’honneur : ça s’est vu, ces choses-là... »

C’était là, je l’affirme, toute ma pensée.

« Savez-vous, repris-je, que ces idées ne sont guère catholiques? Elles tendent à dire que les miracles des statues, des tableaux, sont tout simplement imaginaires. C’est antireligieux.

— Qu’est-ce que ça me fait, pourvu que ce soit raisonnable!... »

Ceci fut si énergiquement dit, cher lecteur, que je baissai la tête, comme si j’eusse reçu un soufflet.

« Diable ! lui dis-je, mais vous philosophez.

— Beaucoup; j’aime ça, moi. Je... je... Oh ! ça s’en va...»

Et ma malade sort spontanément de cet état, — car je n’oserais pas dire qu’elle était en somnambulisme bien franc, — et de philosophe si résolu, elle devient bien vite la plus fervente catholique que j’aie vue. La bonne vierge ne la quitte point !

Quelle bizarrerie I cette dame n’a jamais entendu prononcer le nom de Celse, elle ne sait pas plus s’il écrivait en latin qu’en grec, et elle voit son livre, elle épelle son nom, elle se recommande des boissons bouillies :

« Vous me donnez de l’eau froide, dit-elle, c’est trop lourd pour mon estomac. 11 faut la faire bouillir pour la rendre plus légère; voyez votre livre, c’est dedans. »

J’avoue que je ne savais pas du tout si Celse recommandait de faire bouillii l’eau des malades; il dit en effet : Nulla aqua nisi decocta potionis causâ utatur.

Peut-on expliquer plus rationnellement le fait de sa vierge? J’avais reconnu depuis longtemps l’utilité du précepte de

Celse, qui recommande de mettre les malades dans l’obscurité quand ils sortent du délire, car j’ai vu des malades prendre une personne en aversion, parce que c’était le premier objet qui les avait frappés en sortant d’idées de terreur, ou les aimer éperdument si le délire était érotique. Ainsi, j’ai connu une jeune fdle qui devint amoureuse d’un domestique qui se trouvait aux pieds de son lit au moment où elle sortait d’un coma. Ce fut un sujet de trouble incroyable pour la famille ; la jeune fdle ne pouvait plus se passer de ce jeune homme, lui-même sentait comme un besoin de rester près d’elle ; la distance des conditions était infranchis-ble, une séparation était impossible ; tout le monde était malheureux. Heureusement le médecin était de la foi mes-mérienne; j’opérai la dissociation de ces éléments animés, comme le feu détruit la cohésion des corps inorganiques. En magnétisant la jeune fille au travers du domestique, en trois jours j’avais gagné la moitié de ma bataille, en six jours j'étais maître du terrain : le charme était détruit. J’expédiai bien vite la demoiselle aux îles d’Hyères, de peur que le charme ne reprît; je me rappelais l’eau dormante.

Vieux praticiens, mettez la main sur la conscience : Combien de fois, dans votre carrière médicale, n’avez-vous pas été charmeur, et sans le vouloir souvent? En magnétisme, c’est un des plus grands ennemis que je connaisse, que cette influence d’éveiller des sentiments très-difficiles à détruire, et qui souvent jettent un trouble malheureux dans une conscience pure jusqu’ici de toute idée vaguante... Aussi j’aurais un conseil à donner au médecin magnétiseur, je le formulerais ainsi : ne magnétisez que juste ce qu’il faut pour guérir, quand vous ne pouvez éviter d’être magnétiseur!

Pour en revenir à ma malade, je vous dirai, lecteur, qu’elle va très-bien aujourd'hui, sauf une difficulté de mémoire, ce qui prouverait qu’il y eut un ramollissement dans les lobe3 antérieurs, et qu’il persiste encore un peu d’induration plastique. Les autres phases de l'observation sont insignifiantes, «t d’ailleurs toutes médicales; seulement tout se passa comme elle l’avait annoncé: elle parla librement à l'heure juste tfn’elle

avait prédite, et les crises se succédèrent dans l'ordre qu’elle avait tracé.

Pline et Tulpius disent qu’on guérissait les épileptiques en leur faisant boire du sang tout chaud de gladiateur égorgé. A part les vertus nutritives du caillot, je ne vois dans ceci qu’une chose : Y aura du sang, le magnétisme qu’il contient... c’était comme de l’eau magnétisée. Chez ma malade, je n’avais besoin que d’étendre la main, et l’attaque liysté-ro-épileptiforme cessait immédiatement. Une fois qu’un agent, et bien connu, tous les procédés intermédiaires meurent , son application devient simple comme la nature d’où il procède est puissante comme toute force libre et dégagée.

Quant à l’encéphalite, en guérit-on? Hélas !...

Le rétrécissement de l’estomac fut le dernier à vaincre et le plus résistant; il fallut magnétiser tous les aliments dans les premiers temps, sans quoi rien n’était supporté, des douleurs atroces suivaient chaque ingestion. Maintenant cette dame mange et boit comme tout le monde peut le faire en bonne santé.

' Avetvotre permission, lecteur, je m’arrêterai; on vient de sonner à ma porte, et j’entends dire : c’est pressé.... faut courir... C’est peut-être une nouvelle observation?... Il y a tant de cerveaux malades I...

P. S. S’il était un lecteur qui se plaignît de ma prolixité, je le renverrais à mon épigraphe :

itfiu ItoXjü pw.

Dr E.-V. LÉGER.

VARIÉTÉS.

hi'oniqnc. — Mmc Hayden, la médium américaine dont on a beaucoup parlé dernièrement à Londres, à propos de communications spirituelles, vient d’arriver à Paris.

— Il est question de fonder à Paris un organe spécial du somnambulisme, ou plutôt.... des somnambules plus ou moins lucides, qui ne peuvent plus mettre leurs annonces et, réclames dans les grands journaux.

— M. Hébert est en Angleterre pour étudier l’état du magnétisme dans ce pays, et surtout examiner en détail la manière dont fonctionne l’infirmerie magnétique de Londres, institution autour de laquelle pivote toute la propagande d’outre-Manche.

C’est M. le Dr Léger qui présidera la Société du Mesmérisme en son absence.

— On nous mande du Mans, que le magnétisme est en grande faveur dans cette ville, et qu’il s’y passe des faits étranges sur lesquels un rapport nous est promis.

— M. de Rovère s’est fixé à, Dunkerque, où il a fait des séances qui lui ont tout d’abord concilié la bienveillance des notables habitants. Le compte-rendu de scs démonstrations a paru, il y a quelque temps, dans un journal de la localité.. Rempli par le phénomène à la mode, la danse des tables, notre Recueil n’a pu encore donner d’extraits de cette intéressante relation.

— Au moment de mettre sous presse, nous, apprenons qu’uu établissement hospitalier, semblable au Mesmeric in-

firmary de Londres, vient d’être organisé à la Nouvelle-Or-léans par les soins de M. J. Barthet.

Rernc des Journaux. — Depuis le commencement de la danse des tables, ç’a été dans toutes les feuilles publiques un feu roulant d’anecdotes et de bons mots sur ce phénomène. 11 y a eu des récits apocryphes, des fables, des plaisanteries, des canards; tout le cortège accoutumé des événements sur lesquels la controverse existe. De tout ce brait accessoire il ne reste déjà plus rien, et si nous en parlons nous-même, c’est moins par intérêt que pour rester fidèles à notre programme, qui est de publier tout ce qui intéresse le magnétisme dans scs manifestations ou dans son histoire.

— La Gazette du Midi a publié une boutade ainsi conçue, gui a été reproduite par la Gazette du Languedoc du 9 mai :

LES CHEVALIERS DE (.A TABLE BONDE.

«— Avez-vous vu tourner la table?

— Je l'ai vu souven t, Dieu merci I

Je l'enverrais cent fois au diable.

Tant ma téte tournait aussi.

— L’expérience est curieuse.

— C’est vrai, mais qu’on la fasse ailleurs;

La découverte n'est heureuse

Quo pour les derviches tourneurs.

11 est assez de gens en France

Qui tournent à tous les proiios,

Pour ne pas mettre encore en danse

Et nos tables et nos chapeaux.

« P. F......., d’Aix. »

— On lit dans le Courrier du Nord, journal de Lille, cité par la Patrie du 10 mai, l’aventure suivante, qui a été prise au sérieux par des gens pourtant sensés.

« On nous raconte qu’une table mise en mouvement par la vertu magnétique, dans une maison de notre ville, après avoir exécuté une danse vertigineuse dans un vaste salon, s’est tout à coup échappée des mains de ses magnétiseurs et est allé sauter par une fenêtre donnant sur un jardin. Au-flessous de la fenêtre se trouvait précisément à ce moment

un chien de chasse. L’animal a reçu la table sur le dos, et, saisi de vertige à son tour, s’est mis à tourner avec rapidité pendant plus d’un quart d’heure. On n’a pu arrêter la pauvre bête qu’en l’arrosant avec un seau d’eau froide; mais il n’est pas encore bien remis de l'étourdissement causé par cette valse diabolique. »

— La même feuille a écrit les lignes suivantes qui, malgré leur invraisemblance, ont été répétées gravement par plusieurs journaux :

« Ce phénomène de la danse des tables va être, nous assure-t-on , appliqué à la locomotion sur les chemins de fer. Des trains construits d’après un nouveau système et dirigés par un conducteur, recevront l’impulsion des voyageurs placés dans les wagons de troisième classe ; en échange de ce service rendu, on accordera le transport gratuit. La chaîne se fera dans chaque wagon autour d’une table montée sur pivot, et qui, au moyen d’un mécanisme, imprimera le mouvement aux roues.

« On calcule que la force magnétique de vingt voyageurs suffira pour imprimer à un train contenant 200 personnes et un poids égal en marchandises, une vitesse de ¿0 kilomètres à l’heure.

« La nouvelle de cette innovation a vivement ému, dit-on, nos compagnies liouillières, menacées de se voir déshéritées dans un avenir prochain de leurs plus importants débouchés. Qui sait ? le magnétisme est peut-être appelé ainsi à révolutionner complètement l’industrie ! »

— Voici une autre gasco'nnade, empruntée à la Dunker-quoise et insérée dans la Presse du 11 mai.

« Un navire avait à virer de bord dans notre port, c’est-à-dire à faire une évolution sur lui-même. Au lieu d’employer, comme d’ordinaire, les apparaux, les cordages et la force des bras, l’équipage s’est simplement groupé en cercle, a appliqué ses mains sur le pont, en ayant soin de former la chaîne magnétique par la superposition du petit doigt et du pouce ; puis, après quelques minutes d’attente, on a vu le navire opérer par enchantement le demi-tour désiré. Bientôt, sans doute, on trouvera à faire bien d’autres applications intéres santés de cette merveilleuse découverte. »

— Les canards qui précèdent sont sans conséquence : 011 rit de ceux qui s’y laissent prendre, et tout est dit; mais en voici un qui pourrait bien coûter cher à son auteur. Nous l’extrayons de la Patrie du 17 mai.

« Monsieur,

« Le 8 courant, au cercle littéraire d’Alençon, après de sérieuses expériences faites en compagnie de plusieurs de mes amis et confrères, je pensai, pouvant là disposer de nombreux expérimentateurs, à mettre en mouvement le billard. Nous formâmes une chaîne de vingt-deux, les mains portant seulement sur les bandes d’acajou, et rigoureusement isolées du tapis. Or, au bout de quarante-huit minutes, un craquement assez prononcé se fit entendre, puis une oscillation se fit sentir ; enfin, quatre minutes après, le billard se portait à droite. Lorsqu’il eut parcouru une distance de 120 centimètres environ, je lui ordonnai de s’arrêter et de retourner immédiatement à son point de départ. Il y eut environ une minute d'hésitation, après quoi le billard revint et s’arrêta avec une précision qui nous frappa tous d’étonnement.

« Le procès-verbal de ces faits existe au cercle littéraire, signé par tous les membres, au nombre desquels se trouve M. F. Fremy, maire; M. Hippolyte Verrier, adjoint; le général Sebille ; B. de Mondetour, substitut du procureur impérial ; le comte de Serizay, homme de lettres; Jouas Leba-ron, chimiste, etc., etc.

J’ai l’honneur d’être, etc.

« Le Docteur PRÉVOST.

«Alonçon (Orne), 12 mai 1853 »

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Trois jours après, on lisait dans le même journal :

« La Pairie a publié une lettre datée d’llençon et portant la signature du Dr Prévost. Cette lettre nous est signalée comme un faux matériel. Aussi nous empressons-nous d’obtempérer à la réclamation du véritable D' Prévost, en déposant au parquet du procureur impérial l’original de cette lettre, pour qu’il soit possible d’en rechercher et faire punir l’auteur. »

En voici assez pour aujourd’hui ; à quinzaine.

BIBLIOGRAPHIE.

DES ESPRITS et de leurs manifestations FLciDiQEES, Mémoire adressé à MM. les membres de l’Académie des Sciences morales et politiques, sur

un grand nombre do faits merveilleux; par M. lo marquis Eudes de M.....

■ i vol. in-8. Paris, 1853.

De tout temps, l’humanité a cru à des Êtres supérieurs à l’homme, exerçant sur le monde terrestre une certaine influence, et susceptibles de se communiquer à. nous. Toutes les religions anciennes faisaient une part considérable à l’action de ces Esprits mystérieux auxquels elles rendaient un culte, dont elles cherchaient à appeler le concours salutaire ou à neutraliser la colère. Le judaïsme et le christianisme ont admis, sous ce rapport, la plupart des doctrines contenues dans les religions rivales.

Toutefois les progrès de la science ont eu pour résultat d’amoindrir successivement le rôle assigné aux Esprits. A mesure que l’homme s’initiait à la connaissance des lois de la nature, il parvenait à expliquer, par le jeu constant et uniforme de ces lois, une foule de faits qui autrefois lui avaient paru nécessiter l’action de divinités secondaires : ainsi les plantes ont pu se développer sans la tutelle des dryades, les fleuves et les ruisseaux ont pu épancher leurs eaux sans le secours des nymphes, les vents n’ont plus eu besoin d’Ëole; la foudre, qui avait tant effrayé les premiers hommes et qui avait été si longtemps regardée comme un messager de la colère céleste, n’a plus été qu’un résultat de fluides dont la nature est connue, et dont l’homme a su se rendre maître ; ainsi de suite.

La philosophie, en s’attaquant aux religions révélées, a battu en brèche les Esprits qui avaient joué un rôle

plus ou moins brillant clans les théogonies et les mytho-logies antiques, et a cru ne pouvoir assurer son triomphe qu’en rejetant péremptoirement tout intermédiaire entre Dieu et l’homme. Le scepticisme du dix-huitième siècle a surtout porté de rudes coups aux croyances anciennes en faisant une guerre acharnée à tout ce qui tenait à l’ordre surnaturel, à tout ce qui semblait se rattacher aux révélations.

L’opinion publique s'est trouvée considérablement modifiée chez tous les peuples civilisés, par la propagande philosophique. La plupart des personnes un peu éclairées ou ayant la prétention de l’être, ont rejeté avec dédain le système des Esprits et ont pris en pitié la sotte crédulité de nos ancêtres, qui avaient attaché tant d’importance à ces êtres imaginaires. Les revenants ne pouvaient plus être pris au sérieux que par de vieilles bonnes femmes qui, confinées dans un coin de la Basse-Bretagne, échappaient aux lumières supérieures de la civilisation. Les spectres tombaient dans le domaine mythologique et n’étaient plus bons qu’à servir de sujets de ballade. Un savant, un lettré rougirait de discuter de pareilles futilités. Le clergé lui-même, quoique ne pouvant rejeter la partie du dogme qui consacre formellement l’existence des Esprits, s’est trouvé visiblement envahi par la contagion de l’incrédulité; il a gardé un silence prudent sur ces questions qu’il trouvait compromettantes et dont il aurait voulu pouvoir se débarrasser. On ne pouvait pas lui jouer un plus mauvais tour que de le mettre sur le chapitre des possessions démoniaques et des exorcismes, et l’on se rappelle la mine piteuse que fit naguère Y Univers, journal officiel du clergé, quand la Presse le somma malicieusement de se prononcer sur ce point délicat : de déclarer catégoriquement s’il acceptait ou répudiait l’héritage du passé.

La cause des Esprits semblait donc perdue, et pourtant on était bien près d’une réaction qui allait ressusciter des sujets de discussion qu’on avait crus oubliés pour jamais. Un petit nombre d'hommes graves, bravant le ridicule, animés

de convictions profondes, avaient constamment résisté à l’entraînement général. Au milieu du siècle de l’incrédulité, un homme aussi haut placé par scs vastes connaissances que par le rang qu’il occupait, Swedenborg, ne craignit pas d’annoncer au inonde qu’il avait des entretiens avec les Esprits. Il devint chef de secte, et ses partisans, fidèles à ses doctrines , le révèrent comme un initiateur choisi de Dieu. En dehors de cette petite église, plusieurs autres personnages recommandables par leurs vertus aussi bien que par leur savoir, admirent hautement les communications avec les mondes supérieurs.

Le magnétisme, qui a fait tant de progrès depuis quelques années, servit d’auxiliaire à la doctrine des Esprits : plusieurs magnétologues crurent ne pouvoir expliquer un certain nombre de phénomènes transcendants du somnambulisme qu’en faisant intervenir des êtres surhumains.

Des événements bien modiques en apparence vinrent exercer une influence considérable sur l’esprit public. Les coups américains et les tables tournantes rendirent extrêmement vulgaires des faits dans lesquels on ne pouvait se refuser à voir des manifestations d’intelligences qui n’appartenaient à aucun être humain. On se familiarisa donc peu à peu avec l’hypothèse des esprits; on se trouva amené comme malgré soi à envisager cette grande question qu’on avait crue indigne de fixer l’attention ; on se demanda si l’on avait fait preuve de raison en traitant si cavalièrement les traditions de tant de générations, en niant légèrement, et sans examen, des faits si nombreux, et surtout en déclarant impossible tout un ordre de choses qui avait le tort de ne pas s’accorder avec nos préjugés et nos passions. • Bien des hommes de bonne foi se livrèrent alors à un examen consciencieux de la matière, et reconnurent sans peine combien avaient été futiles et peu philosophiques les arguments de l’école matérialiste.

Pour un esprit sérieux, il n’y a rien de déraisonnable dans l’admission d’une hiérarchie des êtres s’étendant à l’infini, depuis l’atôme jusqu’à Dieu, magnifique série

symbolisée par l’échelle de Jacob, et dont l’homme ne pourrait, sans un orgueil insensé, se croire le terme le plus élevé. De là à la possibilité des communications, il n’y a plus qu’un pas. Si la mort, loin d’être l’anéantissement de l’individu , n’est qu’une transformation, un passage à une vie supérieure , pourquoi ceux qui ont habité des coips terrestres et qui sont entrés dans une autre vie, ne continueraient-ils pas d’aimer ceux qu’ils ont aimés sur terre, de veiller sur eux, d’entrer même en rapport avec eux ? Un système aussi beau, aussi consolant, aussi éminemment religieux, cessera-t-il d’être acceptable parce qu’il aura été défiguré par quelque conte ridicule de revenants?... Mais il ne suffit pas de reconnaître en théorie l’existence des Esprits : la réalité de leurs rapports avec l’homme ne peut se prouver que par des faits pour lesquels il faudra employer le critérium ordinaire.

Qu’on soit exigeant en fait de preuves, nous le concevons ; surtout qu’on ne se laisse pas aller étourdiment à tirer de faits même bien authentiques des conséquences qui n’en découlent pas nécessairement ; mais refuser l’examen, interdire même la discussion des faits, sous prétexte qu’on est éclairé d’avance et qu’on n’a rien à apprendre, c’est faire preuve de sottise, c’est s’exposer, dans un avenir peut-être prochain, aux démentis les plus humiliants.

Le livre de M. de M.... a tout le mérite de l’à-propos, et cependant on voit qu’il n’a pas été composé pour la circonstance. C’est une œuvre laborieuse, pleine d’érudition, et digne des méditations de tous ceux qui désirent étudier cette matière. L’auteur a eu raison de le dédier à l’Académie des sciences morales et politiques. Nous ne savons s’il ira à son adresse ; car le titre seul suffira pour faire tomber en syncope plus d’un académicien , et dans plus d’une docte assemblée , la lecture de la table des chapitres ne provoquerait qu’un accès de fou rire. Quoi qu’il en soit, le public ne peut manquer d’accueillir favorablement un ouvrage qui répond aussi bien aux préoccupations du moment. Peut-être fera-t-il peu de conversions ; mais, ou nous nous trompons fort, ou les lecteurs sauront gré à l’auteur de les avoir ini-

liés it un sujet plein d’intérêt et trop peu connu, et rendront hommage au talent distingué avec lequel il a accompli sa tâche laborieuse.

A plus d’un titre le Journal du Magnétisme devait s’occuper de cette publication, où le magnétisme tient une grande place, et où même il est l’objet de graves accusations.

L’auteur commence par prouver la réalité des phénomènes du magnétisme. Bien que cette preuve ait été déjà faite de la manière la plus complète et la plus satisfaisante dans de nombreux ouvrages, cette nouvelle dissertation n’en est pas moins pleine d’intérêt. On y démontre victorieusement combien est faux cet adage répété si souvent par l’ignorance, que les corps savants ont fait justice du magnétisme ; c’est précisément dans les corps savants, dans l’Académie de médecine et parmi les plus hautes sommités de la science, que nous trouvons les attestatians les plus imposantes en faveur du magnétisme.

Nous n’avons que des éloges sans restriction à donner à ce premier chapitre.

Nous commençons à différer d’avis avec l’auteur, quand il traite de la nature du magnétisme. Voici la conclusion à laquelle il arrive (page 63) :

« L’agent magnétique, qu’il soit bon ou mauvais, intérieur ou externe, associé ou non à un fluide, est avant tout un agent spirituel, un agent doué d’une intelligence transcendante, complètement étranger dans tous les cas à l’intelligence propre du somnambule ou du magnétiseur : en un mot, c’cst un esprit. »

Ici l’auteur, bien que s’appuyant sur des faits exacts, en tire une conséquence fausse, et formule gratuitement une assertion qu'il est hors d’état de justifier. En dehors du magnétisme , une foule de causes produisent chez l’homme une surexcitation de ses facultés, ou même font naître accidentellement des facultés nouvelles ; c’est ce qu’on voit dans l’ivresse, dans le délire, dans l’exaltation causée par de violents accès de passion. Rien ne nous autorise à affirmer que dans ces divers cas un esprit soit venu s’ajouter aux forces

humaines. 11 n’y a pas de raison pour prononcer différemment à l’égard des faits magnétiques.

L’agent magnétique modifie d’une manière plus ou moins considérable l’état du sujet, qui alors peut présenter des phénomènes plus ou moins remarquables; mais aucun de ces phénomènes n’est surhumain, puisque tous ont lieu chez des hommes, et que nous ne pouvons fixer la limite des facultés humaines. Un fait a beau être exceptionnel et dépasser de beaucoup la règle commune, ce n’est pas une raison pour l’attribuer à un être surhumain.

L’auteur entre dans de grands développements sur l’action qu’exercent, suivant lui, les démons; il discute à fond les possessions démoniaques; c’est à l’influence des Esprits infernaux qu’il attribue les monomanies. Dans toute cette partie de l’ouvrage, il faut distinguer les faits et la discussion.

Quant aux faits, plusieurs, nous le reconnaissons, paraissent d’une authenticité irrécusable ; tels sont les aventures des religieuses de Loudun, qui ont donné lieu au fameux procès du curé Urbain Grandier, les phénomènes extraordinaires qu’ont présentés les camisards des Cévennes et les convulsionnaires de Saint-Médard, etc.

D’autres récits auraient besoin d’une constatation plus précise, plus complète : on ne peut enregistrer comme historique l’aventure du Cochinchinois qui, sur l’ordre d’un exorciste, aurait été enlevé par le démon à la colonne d’une église, les pieds collés en haut et la tête en bas, puis aurait éfté, par le même procédé, replacé tranquillement sur ses pieds. A plus forte raison devrait-on s’abstenir, dans un ouvrage sérieux, de répéter des anas, des canards de journaux, comme l’histoire d’une table tournante, qui, en tombant, aurait atteint un chien, lequel aurait été saisi d’un mouvement de rotation; ce qui fournit.à l'auteur un rapprochement avec le miracle évangélique de l’envoi des démons dans le corps des pourceaux. Plus un fait est insolite, s’écarte de tout ce que nous connaissons des lois naturelles, plus notre critique doit être sévère, plus nous devons apporter de circonspection à l’accueillir.

Quant aux faits qui peuvent être tenus pour avérés, !j en est qu’on pourrait traiter d’étourdissants, tant ils sont merveilleux ; mais de ce qu’il est impossible de les expliquer par l’action des lois connues, ce n’est pas une raison pour forger une explication telle quelle ; mieux vaut avouer noire ignorance et attendre que de nouveaux progrès de la science nous permettent de rattacher ces faits ;\ une théorie. Le magnétisme, dans lequel, pour notre compte , nous ne voyons qu’un développement exceptionnel des facultés humaines, suffit pour rendre compte de beaucoup de faits qui autrefois ont été déclarés œuvres de magie et de sorcellerie, et ont motivé les condamnations les plus barbares et les plus extravagantes.

M. de AI..., lui, n’hésite pas à reconnaître l’intervention des dénions quand se trouve un de ces sept signes :

1° Pénétration de pensées non exprimées ;

2° Intelligence des langues inconnues ;

3° Faculté de les parler;

û° Connaissance des événements futurs ;

5° Connaissance de ce qui se passe dans les lieux éloignés ;

6° Développement des forces physiques supérieures;

7° Suspension du corps en l’air pendant un temps considérable.

Nous ne savons pourquoi l’auteur n’ajoute pas à cette liste : Vue à travers des corps opaques.

Nous ne connaissons pas de récit digne de foi où le dernier phénomène ait été constaté.

Pour les autres , le magnétisme les produit, et quelques-uns même (nMl, 2 et 5) sont extrêmement communs et familiers aux personnes un peu versées dans la pratique de l'étude du mesmérisme.

Bien que ces faits aient quelque chose de prodigieux, on peut en donner des explications satisfaisantes. Quelle nécessité y a-t-il donc à les attribuer à des agents hors de l’homme? Nous n’éprouvons aucune répugnance à admettre les êtres extra-humains et la possibilité de leur concours dans les affaires de ce monde ; mais ne nous livrons pas à

des suppositions d’interventions surhumaines, quand aucune preuve palpable, convaincante, ne vient nous les révéler.

Môme quand les faits sont en dehors de tout ce que nous connaissons des lois naturelles, nous 11e sommes pas pour cela autorisés faire intervenir les Esprits. Ce serait tomber dans la môme erreur que les sauvages qui voient de la magie dans tout ce qui leur est inconnu, pour lesquels une montre, une boussole, une arme à, feu, soin des miracles au-dessus du pouvoir de l’homme, et qui ne peuvent se rendre compte des merveilles de notre industrie qu’en en faisant honneur aux Esprits.

M. de M... ne se borne pas à revendiquer pour les Esprits une foule de faits, même parmi ceux qui se passent journellement autour de nous; il prétend de plus être en mesure de se prononcer sur la nature de ce3 Esprits; et c’est à ceux de la plus mauvaise espèce, c’est aux diables qu’il attribue cette action. Ce sont eux, d’après lui, qui ont produit les phénomènes enregistrés comme diaboliques dans les annales de la sorcellerie, qui ont inspiré les devins et les py-thonisses, qui ont doué les camisards et les convulsionnai-res de Saint-Médard de leurs facultés transcendantes ; ce sont encore les diables qui donnent à certains individus tels qu’Angélique Cottin, surnommée la fdle électrique, la vertu d’attirer divers objets ; ce sont eux qui président aux phénomènes du magnétisme, et même qui font tourner et parler nos tables. Les diables, comme on voit, joueraient un rôle très-actif dans la vie humaine, et une infinité de gens qui croient se livrer à un plaisir fort innocent, ou même qui ont la conviction de remplir une mission d’humanité et de dévouement, auraient, sans s’en douter, pour «»opérateurs les puissances infernales.

C’est ici surtout que l’auteur manque de logique et se laisse égarer par des opinions préconçues qui obscurcissent son jugement. Nous ne voulons point aborder le domaine théologique : restant dans la ligne scientifique, nous demanderons à M. de M.... qu’il veuille bien se placer au point de vue philosophique. 11 recueille des faits, il cherche

à les apprécier, il fait tous ses efforts pour parvenir it constater les rapports de l'homme avec les Esprits. 11 doit avouer qu’à cet égard les travaux purement humains (abstraction toujours faite du dogme théologique) ont bien peu fait avancer la question, n’ont soulevé qu’un bien petit coin du voile ! Il y a donc bien de la témérité à se prononcer sur la nature de ces êtres mystérieux dont l’existence nous est à peine entrevue, et surtout à les déclarer malfaisants, ennemis irréconciliables de Dieu et de l’homme, artisans effroyables de crimes. Sur quoi oserait-on baser un jugement aussi étrange ?..... Sur les œuvres auxquelles ils sont réputés avoir pris part!.... Mais la plupart sont inoffensives ou même bienfaisantes. Comment le ma^ gnétiseur qui s’exténue à guérir les malades, parfois au dê-‘ triment de sa propre santé, pourrait-il n’être qu’un complice de Satan ? Comment ! un Puységur, un Deleuze, un Laforgue , partageant leur temps entre la prière et les cures magnétiques , ne seraient que des suppôts de l’enfer ? M. de M.... ignore-t-il que beaucoup de magnétiseurs sont très-pieux , très-orthodoxes, n’opèrent jamais sans avoir eu recours à la prière, ne mettent leur confiance qu’en Dieu? Et ce serait le diable qui viendrait leur prêter son concours! Otf devrait nous dire au moins dans quel but et dans quel intérêt l’ennemi du genre humain, l’auteur du mal, viendrait nous guérir de nos maux... Beaucoup de faits magnétiques, sans présenter le même degré d’utilité, se recommandent du moins par un caractère évident d’innocuité, et il semble que. le diable perdrait son temps en nous aidant à produire les phénomènes d’attraction et de répulsion, la vue à distance» la catalepsie, etc. L’explication est donc déraisonnable et devrait être repoussée quand même nous serions hors d’état de hasarder une explication quelconque.

Même quand les faits où l’on croit découvrir une coopération des Esprits seraient nuisibles, la conséquence tirée par l’auteur, quoiqu’étant alors beaucoup moins choquante, n’en serait pas plus rationnelle; car l’homme, soit qu’il agisse en vertii de ses propres forces, soit qu’il se fasse aider

(si cela est possible) par des êtres surhumains, peut, en vertu de son libre arbitre, user bien ou mal de son pouvoir ainsi que de tous les dons de Dieu. Et de quoi n’abuse-t-il pas ? Le feu est un des agents les plus précieux, les plus bienfaisants; si l’homme s’en sert pour incendier ou ravager, faudra-t-il en conclure que le feu nous vient de l’enfer, ou qu’il est un Esprit maudit?

Dans les circonstances très-rares où l’intervention des Esprits (en la supposant réelle) aurait produit des faits bizarres, malfaisants, désastreux, tels que ceux de Cideville (chap. xi), faits sur lesquels nous faisons toutes nos réserves, on ne peut encore voir la main des démons. La nature nous offre tous les jours des résultats calamiteux, des orages, des tremblements de terre, des éruptions de volcan, etc. Les premiers hommes, ne pouvant les concilier avec la bonté de Dieu, les attribuaient au rival qu’ils lui supposaient. L’humanité devenue plus mûre, a conçu des idées plus saines et rejeté le manichéisme. Ce serait y retomber que de mettre sur le compte de Satan les événements étranges, inexplicables, dont nous sommes souvent victimes, et dont la cause nous est inconnue. Supposons que, peu de temps avant le sinistre de Monville, un berger se soit vanté de mettre à mal quelques manufacturiers, et que par une coïncidence fortuite, la trombe fût venue fondre ensuite sur les fabriques et y produire de ces ravages aussi terribles que surprenants, dont la science n’a pu encore donner que des explications bien insuffisantes ; que le berger, stupide comme celui de Cideville, se soit figuré être l’auteur du fléau, et ait eu la sottise de le dire, faudrait-il en conclure qu’un mauvais Esprit, obéissant à sa voix, a déchaîné la trombe ?..., Or, quelle différence y a-t-il entre le fléau de Monville et celui de Cideville ? C’est que le dernier est moins calamiteux, mais plus bizarre. Mais qui vous dit que cette bizarrerie ne nous semble telle qu’à cause de notre ignorance, et qu’une science plus étendue ne viendra pas en donner la clef?

Nous ne pouvons nous empêcher de remarquer combien

une erreur peut avoir de conséquences fâcheuses. M. de M..., persuadé de la réalité de l’intervention des démons et du pouvoir qu'ont certains hommes de la mettre à leur service, en vient à applaudir à l’horrible condamnation du curé Grandier, qui pourtant, selon lui, n’aurait été reconnu coupable que d’un fait, celui d’avoir jeté par dessus le mur du couvent un bouquet... lequel aurait suifi pour ensorceler toutes les religieuses. Si pour un pareil fait on mérite d’être brûlé vif, où s’arrêtera la logique des démonologues?.... Dieu nous garde de leur voir en main le pouvoir séculier !

M. de M.... termine en faisant le procès au magnétisme, qu’il accuse d’être un agent diabolique. 11 se fonde sur de prétendus aveux échappés à des magnétistes, et au plu3 illustre d’entre eux, à M. le baron du Potet. Nous pourrions nous borner à une remarque, c’est que ces aveux, s'Us existaient, ne seraient d’aucun poids quant à la constatation de la nature des choses, et n’auraient de valeur que comme opinions individuelles, sujettes à discussion ; mais heureusement nous n’avons rien à craindre de ces déclarations. Tout le monde comprendra que dans les écrits où l’admiration des effets produits se traduit par un langage lyrique, les expressions ne peuvent pas toujours avoir la signification littérale qu’elles auraient dans un traité didactique; que le mot surnaturel ne signifie alors que merveilleux, et ainsi de beaucoup d’autres. Quand M. du Potet, prenant cette fois le langage du professeur, a déclaré qu’U ferait revivre la magie, il savait très-bien qu’il employait un mot dangereux, pouvant donner lieu à des équivoques et à des imputations mal fondées ; néanmoins il l’a maintenu comme étant celui qui exprimait le mieux sa pensée, parce que la magie nouvelle reproduit une grande partie des merveilles de l’ancienne, qu’elle explique et justifie ; parce que, comme elle (et telle est notre prétention), elle n’emploie que les facultés humaines desquelles elle sait tirer un admirable parti, auxquelles elle donne une extension prodigieuse. Mais ni M. du Potet, ni aucun magnétiste à notre connaissance, n’a entendu que la magie à laquelle ils se livrent fût l’art

de se procurer la coopération des démons, pas plus qu’ils n’admettent que l’anciene magie, exécrée, anathématisée, poursuivie et condamnée pour son prétendu concours avec l’enfer, ait jamais mérité ce reproche.

Il existe, il est vrai, quelques phénomènes tellement étranges, que plusieurs auteurs ont regardé comme probable qu’il y avait un concours des esprits ; c’est ainsi qu’ils ont cru pouvoir expliquer la faculté de parler des langues inconnues et la connaissance presque subite de sciences non apprises, faits qui du reste comportent d’autres explications, telle que celle de la soustraction de pensée. Enfin, dernièrement, à propos du langage des tables, beaucoup de personnes livrées ou non à l’étude du magnétisme, ont affirmé que des intelligences surhumaines, et notamment les âmes des morts, conversaient avec les hommes ; mais, en admettant comme vraies ces assertions, la cause de M. de M... n’aurait encore rien à y gagner ; car il lui resterait à prouver que les Esprits en question sont radicalement mauvais, et que, quand une personne honnête, animée d’intentions pures , cherche à se mettre en rapport avec un parent tendrement aimé, avec un ami, Dieu permet que le diable usurpe le nom et le langage du défunt pour nous égarer et nous pervertir. Et une telle preuve n’a été ni faite, ni tentée.

En résumé, le livre de M. de M.... rendra des services utiles en mettant les lecteurs à même de réfléchir sur la question des Esprits ; il servira même, nous le croyons, la cause du magnétisme, parce que les témoignages qu’il lui donne sont plus propres à produire de l’impression que son accusation de sorcellerie.

Nous regrettons que par suite de sa fausse conception des Esprits mauvais, cet auteur se soittrouvé jeté dans une routé qui ne pouvait le conduire qu’à un enchaînement d’erreurs. Malgré le mérite incontestable de son ouvrage, un traité sur les Esprits est encore à faire.

MORIN.

Post-scriptum. Personnellement mis en jen dans l’ouvrage do 51. de Mirville, je dois ajouter quelques mots à la brillante analyse qui vient d’en être lue; c’est un simple avis.

Par un singulier hasard de fortune, je suis plus instruit sur ce qu’on appelle le diable que tous les rédacteurs de l’Univers religieux, que tous les évêques et nos cardinaux. Cette fortune, je ne la désirais point, car toute connaissance qui balance la force morale et domine la raison, approche l’homme de la folie. Mais comme il est impossible de chasser le souvenir de ce qui a été perçu, comme nous ne sommes plus libre lorsque la vérité parie en nous, je suis donc condamné à porter mon bagage et à vivre, non comme un obsédé, mais avec la connaissance d’un fait supérieur à tous ceux qui se produisent dans l'ordre physique.

A voir l’embarras de tous nos grands esprits, quand il s’agit seulement des tables tournantes, on est pris d’une sorte de tristesse. Quoi ! la science actuelle ne va pas plus loin que ce que nous lisons? Quoi ! il n’v a, à cette époque de lumière que des Faraday et des Arago? Il faut tirer l’échelle après ces grands noms. Nul, dans le catholicisme, n’ose élever la voix et dire sa pensée ; point d’aveux, point de dénégation, chacun laisse le champ libre à toutes conjectures. Et si moi-même j’avance d'un pas, et que ce premier pas indique la route du vrai, je me vois exposé à donner des armes pour combattre la vérité ; car, je le sais trop, la vérité n’est pas de notre temps, elle fut toujours rejetée ou exploitée en sens contraire des intérêts de la science et de l’humanité.

J’ai laissé écrire des choses mensongères sans les réfuter; je vois des opinions se produire qui ne tendent à rien moins qu’à rétablir la sainte inquisition. Tantôt c’est la pure ignorance qui parle, etjeme tais ; tantôt encore le demi-savoirélève la voix et cherche à s’imposer, et je ne fais que me tâter pour savoir si je prendrai la parole à mon tour. Est-ce nonchalance ou paresse? la peur a-t-elle le pouvoir de glacer mon esprit? Non, aucune de ces causes n’enchaîne mon intelligence, je sais seulement qu’il faut prouver ce qu’on avance, et ceci me retient; car en justifiant mes assertions, en mon-

trant le fait vivant qui prouve ma sincérité et la vérité, je traduis en dehors du temple l’inscription sacrée que nu profane ne devait jamais lire. Quoi qu'il en soit, j’entrerai dans la question, je parlerai des esprits sans corps et du démon. Je laisserai pourtant quelque chose à l’interprétation ; j’ouvrirai seulement la porte de la maison, les plus hardis y pénétreront. Je regarderai de loin leur contenance, je jugerai de leur courage ; c’est un spectacle qu’on peut voir à mon âge sans trop s’émouvoir. Je vais donc préparer les éléments d’un drame, où les acteurs seront inconnus, mais où chacun des spectateurs verra peut-être ce qu’il a été, ce qu’il sera. Je sais bien que, le rideau baissé, on ne voudra point croire à ce qu’on aura vu ; qu’importe ! la vie elle-même n’est-elle point un songe?

Baron DU POTET.

Nous avons reçu la lettre suivante :

ci Monsieur le rédacteur,

« J’espère vous faire plaisir en vous prévenant que le savant abbé Caupert, professeur de philosophie au grand séminaire de Versailles, vient de faire paraître un ouvrage intitulé : Théorie des relations considérées comme base de la science et du progrès actuel, dans lequel il parle avantageusement du magnétisme.

« Votre serviteur.

«X......»

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

FAITS ET EXPÉRIENCES/

1° TRANSPOSITION DU SENS DE LA VUE.

Les phénomènes rèlatifs à la transposition des sens doivent être au nombre des faits que possède la science. C’est ce que démontre un certain nombre d’observations recueillies avec autant d’exactitude que de bonne foi. Il ne faut pas cependant se dissimuler que, pour une foule de bons esprits, ces sortes de narrations n’ont pas un degré suffisant de crédibilité ; elles sont rares, dit-on ; elles contredisent la marche régulière et constante de la nature, qui nous a toujours appris qu’on voit par les yeux, qu’on sent par le nez, qu’on entend par les oreilles, etc.; et rejetant les faits exceptionnels que l’on s’empresse d’attribuer soit à l’amour du merveilleux, soit à l’influence d’une imagination prévenue, on répète aux narrateurs :

Qiiodcunquc ostendis mihi sic, incrcdulus odi.

Cette disposition des esprits m’a jusqu’ici empêché de publier un fait extrêmement intéressant que j’eusse exposé plus tôt, sans la crainte de passer pour dupeur ou pour dupe.

Mais, me suis-je dit enfin, l’observateur, fort de sa conscience et des précautions qu’il a prises pour s’assurer de la vérité, doit-il reculer devant cette crainte? Et n’est-ce pas un devoir pour lui de dire ce qu’il a vu, quelque paradoxales que doivent paraître ses assertions ?

Ce mémoire, rédigé sous l’impression du fait encore récent et de l’incrédulité qui l’accueillait de toutes parts, devait être publié plus tôt, mais je craignis de ne rencontrer que des répugnances, et j’attendis un moment plus oppor-Tome XII. — N° *70. — 25 AOUT 1853. 18

tnn. Aujourd’hui donc que je trouve un organe qui veut bien publier ce que j'ai vu, je m’adresse surtout aux hommes non prévenus ; je leur raconte un fait : je ne leur demande que «le croire à ma bonne foi.

Quelques réflexions accompagneront mon récit : pour elles j’ai besoin d’indulgence.

M***, âgé de quatorze ans, assez fortement constitué, avait depuis son enfance des croûtes, teigneuses selon les uns, dartreuses selon les autres, occupant presque toute l'étendue du cuir chevelu. Envoyé aux eaux de Baréges pendant le mois d’août 1823, il fit un usage immodéré de ces eaux qui lui inspiraient une grande confiance. Des signes d’excitation générale se manifestèrent au bout de quelque temps. Le jeune homme paraissait avoir plus de vivacité qu’à l’ordinaire; un vésicatoire appliqué au bras produisit une irritation très-intense, et la surface en suppuration s’ulcéra profondément. De retour à Montauban, M*** éprouva des indispositions plus marquées; il ressentit des douleurs de tète, des vertiges fréquents, et il est à remarquer que depuis le moment où ces symptômes d’irritation nerveuse s'étaient manifestés , l’affection du cuir chevelu était presque entièrement guérie.

Un jour M*** tombe de sa hauteur, soudainement, sans cause connue, et parait dans un état léthargique qui cède à un lavement avec le vin émétique et un pédiluve très-chaud. Le dimanche suivant, le malade tomba de la même manière; mais au lieu d’un état léthargique, nous le voyons au contraire dans une grande agitation, qui semble tenir de la manie. Il fait diverses singeries ; il se précipite sur un sofa comme s’il plongeait dans la rivière, et fait les mouvements comme pour nager; tantôt il veut faire la cabriole sur le pavé, puis il rit d’un air niais. Parcourant de ses mains le chambranle de la cheminée, il y trouve, en tâtonnant (car il a les yeux fermés), une grosse poire qu’il mange avec avidité ; 011 lui présente un grand verre d’eau et de vin qu’il boit d’un seul trait ; enfin, au bout de deux heures, il revient à son état naturel.

La mèine scène se renouvelle les jours suivants, mais sans périodicité. Le malade éprouve brusquement une contraction générale de tous les muscles; un court gémissement accompagne cette contraction, après quoi les muscles reprennent leur état naturel, et le malade, tantôt agité, tantôt calme, cherche ;ï s’amuser en variant ses jeux.

Le petit-lait, les bains, sont employés sans succès; les bains paraissent même donner plus d’agitation au malade qui refuse de les prendre. La valériane, le musc, divers autres anti-spasmodiques, n’ont pas mieux réussi.

Ces paroxysmes nerveux se renouvelant ainsi, malgré le traitement employé pour les combattre, ont amené les phénomène les plus extraordinaires. C’est ici le point le plus curieux de ma narration ; on me pardonnera ou plutôt l’on me saura gré d’entrer dans des détails minutieux.

On s’aperçut un jour, dans un des paroxysmes, que le malade, ayant pris un cahier, écrivait (saus y voir, puisque dans tous ses accès il avait les yeux fermés) les temps d’un verbe grec (du verbe «&•). Grande surprise! mais l’étonnement fut à son comble lorsqu’on vint à découvrir qu’il lisait aussi les yeux fermés.

J’étais à, la campagne dans ce moment, et, à, mon retour, la famille s’empressa de m’apprendre cette circonstance extraordinaire. La première impression fut un sentiment de doute ou plutôt d’incrédulité; et comme il était d’ailleurs impossible de ne pas compter sur la parfaite sincérité de cette famille, si respectable à tous égards, je crus tout expliquer en admettant qu’ils avaient mal vu et mal observé par conséquent.

Le malade eut plusieurs accès que je ne fus pas à portée d’étudier par moi-même. Dans ces accès, comme dans ceux qui ont suivi pendant plusieurs mois, on l’a vu lisant avec la plus grande facilité, sans le secours des yeux, au moyen de la main. Des personnes les plus recommandables par leur caractère, par leur instruction, parle rang qu’elles occupent, témoins des faits en plusieurs circonstances, me les attestaient avant que j'eusse trouvé l’occasion de les observer, et

nie mettaient dans l’alternative ou de rejeter leur témoignage, ou de croire à des phénomènes qui paraissaient en opposition avec les lois de notre économie physique.

On sent bien que le cas étant devenu si intéressant, je me mis en mesure de saisir tous les moments favorables pour en acquérir une exacte connaissance. Je priai les parents de me faire prévenir, soit de jour, soit de nuit, à l’invasion du premier accès qui se manifesterait. Voici dans quel état je trouvai le malade lors de ma première observation : l’habitude du corps dans l’état naturel ; les yeux complètement fermés ; les paupières pouvaient cependant être facilement séparées, et l’on voyait alors le globe de l’œil dévié de sa position normale. M***, disposé à correspondre avec les personnes qui l’entouraient, faisait divers signes, mais ne parlait point; il n’articulait que des sons dont la signification nous demeura inconnue, et les mots Toto et Lolo, par lesquels il désignait son frère et l’aînée de ses sœurs. L’ouïe était complètement perdue, ce dont je me suis assuré dans des attaques subséquentes. 11 n’entendait pas le bruit soudain de deux in-40 reliés se heurtant violemment derrière lui ; et le canon qui, un jour de réjouissance publique, tirait presque sous ses fenêtres , en ébranlait les vitres et imprimait une secousse à tous les assistants, ne produisait pas sur lui la plus légère impression.

Mais si le sens de l’ouïe était intercepté, par contre l’odorat acquérait une finesse et une exaltation merveilleuses. Le malade, marchant les yeux fermés, flairait continuellement et paraissait sentir les objets qui étaient sur son passage et qu’il évitait aussi sûrement que s’il les avait vus. Ainsi, dans quelques-unes de ses attaques, il a pu sortir de chez lui, cheminer dans la rue aussi sûrement que s’il eût eu les yeux ouverts ; d’autres fois, il est monté sur le toit de la maison et s’y est promené, mettant sa famille dans les transes les plus cruelles. Et telle était l’exquise sensibilité de l’odorat, que, au rapport de ses parents (mais ceci je ne l’ai point observé moi-même), il lui était arrivé de discerner, à l’aide de ce sens, certaines personnes qu’il voyait habituellement.

La chose 11e me paraît pas impossible, mais je n’ai pas été à portée de la vérifier. Ce qu’il y a de positif, c’est une prodigieuse exaltation de l’odorat, une complète surdité, et une transposition du sens de la vue dans la main ; c’est par la main qu’il voyait.

Du reste, le pouls était naturel et la santé généralement bonne. L’attaque terminée, M*** paraissait aussi calme que s’il n’avait rien éprouvé et ne conservait aucun souvenir de ce qui venait de se passer. Depuis sa guérison, il n'a aucune idée de l'état dans lequel il s’est trouvé ; mais ce qui est bien digne de remarque, c’est que, dans le paroxysme, il avait la conscience de son état et se souvenait alors des attaques précédentes. Il a même prétendu connaître d’avance la nature, la durée de celles qui suivraient; c'était une espèce de délire, et l'événement a prouvé que ces prédictions étaient tout à fait hasardées.

La transposition du sens de la vue étant ici le phénomène majeur, le phénomène le plus important à constater et le plus intéressant à connaître, je vais rapporter quelques-unes des nombreuses circonstances dans lesquelles il nous a été donné de l’observer.

C’était le soir quand je le vis pour la première fois. On avail allumé les chandelles, et nous étions dans une chambre située au premier étage de la maison. J’écris à une certaine distance du malade (tout à fait hors de la portée des yeux les plus clairvoyants) cette question : « Mon cher ami, veux-tu que nous descendions pour chanter? » Un piano se trouvait au rez-de-chaussée. On emporte les chandelles. Le jeune M*** est conduit vers une table ; on lui met à la main un crayon et le papier sur lequel je venais d’écrire ; il applique le papier sur la table, passe rapidement le plat de la main sur ce que j’avais écrit, et écrit lui-même précipitamment ces mots en réponse à ma question : « Je le veux bien. » Aussitôt, quittant le papier et le crayon, il part, se dirige vers l’escalier, descend avec la vitesse du trait qui fend

1 air. Nous le suivons étonnés, et nous le trouvons assis devant le piano que, du reste, il ne touchait pas, n’étant musi-

cien en aucune manière. Ma surprise fut il son comble, et mes hésitations de quelques jours tombèrent devant cette expérience bien simple, mais bien concluante. Avouons cependant que, dans un fait de cette nature, cette expérience seule n’eût pas suffi pour déterminer une entière conviction, et qu’il a fallu qu’elle fût confirmée par une foule d’autres ; c’est ce qui est surtout nécessaire pour les personnes qui liront ce récit.

Le jeune M*** indiquait avec la plus grande facilité les heures marquées par une montre; il lui suffisait de saisir la montre en appliquant le verre contre la paume de la main. On doit bien penser que nous avons eu la précaution de placer les aiguilles sur toute autre heure que celle de l’attaque et de notre expérience. M*** ne s’est jamais trompé; il comptait par ses doigts, allait même jusqu’à compter les minutes, et ses indications ont toujours été d’une exactitude frappante.

Un jour où il semblait se prêter avec une sorte de complaisance à nos observations (M. le Dr Roux père était présent) , je plaçai sur la surface interne du verre de la montre un disque de papier, qui glissa un peu lorsque je la refermai, et qui se trouva placé de manière qu’une portion du cadran était visible, savoir : de douze heures à trois heures. Après avoir appliqué, comme à son ordinaire, le verre de la montre contre la paume de la main, M*** prend le crayon et écrit :

« Je sens du papier, douze heures, trois heures. »

Je lui fais aussitôt cette question :

« Comment as-tu senti qu’il y avait du papier sous le verre de la montre ?

« — Parce que je sens sous le verre et non sous le papier ; de même que vous voyez sous le verre et non sous le papier. »

Cette attaque fut très-remarquable; comme je viens de le dire, M*** semblait vouloir nous faciliter les moyens d’étudier son état, et M. Roux a pu varier les expériences de manière à acquérir une parfaite connaissance des phénomènes principaux que présentait notre jeune somnambule.

Je crois devoir dire qu'on lui demanda, quand je fus arrivé, s’il croyait que l’attaque dût être assez longue pour qu’on eût le temps d’avertir M. Roux, et qu’il répondit oui. M. Roux entrait dans la chambre au moment où j’adressais au jeune homme les questions les plus inattendues et sans aucune liaison :

« As-tu vu le cheval qu’a acheté M. L***? »

Le malade répond, après avoir passé la main sur mon écriture au crayon :

« Je ne l’ai pas vu.

— Quel fut le premier roi de Rome ?

— Ce fut llomulus, etc. »

M. Roux, témoin de ce fait, voulait mettre un bandeau sur les yeux, afin de mieux s’assurer que le malade ne lisait pas, par un habile clignotement, les questions qu’on lui adressait par écrit. Les yeux bandés, ce que M*** voulut bien souffrir, pour l’ordinaire il ne supportait pas qu’on le touchât, il répondit à ces questions, que M. Roux écrivit lui-mfime :

« Depuis combien de temps êtes-vous à Montauban ?

— Depuis sept ans.

— Vous tarde-t-il de revenir à la campagne ? Qu’y faisiez-vous?

— Oui, il me tarde bien d’y revenir. J’y faisais toutes sortes de choses. »

Non contents d’avoir ainsi bandé les yeux avec un mouchoir, nous voulûmes encore appliquer une compresse sur chaque œil, ce qui fut fait, et le bandeau servit à les maintenir. Le résultat fut le môme.

Nous obtînmes enfin le même résultat encore en interposant un carton entre les yeux et le papier sur lequel les questions devaient être écrites. J’en demandai la permission au malade en ces termes :

« Dis-moi, mon cher ami, si tu pourrais lire ce que nous t’écrivons, en interposant un carton entre toi et le papier, en

sorte que nous soyons bien assurés que c’est par le toucher que tu lis? »

Et il répondit en mettant cette condition :

« Si vous me mettez un carton devant les yeux et non sous le nez. »

Nouvelle preuve du sens olfactif et du secours que le toucher en retirerait.

Pour faire notre nouvelle expérience, nous prîmes une pièce de carton à laquelle nous pratiquâmes un trou pour laisser passer le nez, conformément au vœu de notre jeune homme. La pièce de carton fut fortement appliquée contre le visage, et s’élevait bien au-dessus des yeux. Le malade lut également dans cette position ce qu’on lui présenta à lire, et notamment les arguments de deux chapitres dans une Bible imprimée en caractère ■petit-texte.

Plus tard les paroxysmes changèrent de forme; l’odorat se perdit et l’ouïe revint ; mais ce nouvel état fut de courte durée et les accès reparurent tels qu’ils étaient auparavant.

Alors le malade s’avisa de prédire, comme je l’ai dit plus haut, le nombre, la durée, l’intensité des attaques qui devaient suivre; ces prédictions n’ont pas eu leur accomplissement. Il faut cependant avouer qu’un genre de divination réussit plusieurs fois du moins chez notre somnambule, et c’est une circonstance que je ne rapporte qu’avec une répugnance extrême, parce que, dans le moment, malgré mes nombreuses observations, elle tendait à ébranler ma foi; c’est que, dans plusieurs paroxysmes, le malade indiqua par écrit le moyen de les faire cesser. Un jour, ce fut en demandant qu’on lui appliquât un fort coup de poing sur le mollet ; une autre fois, qu’on le piquât jusqu’au sang avec une aiguille ; tantôt en réclamant l’application d’une sangsue sur la partie interne de l’avant-bras ; dans un autre moment il voulut boire du vin, etc., et ces divers moyens réussirent. Il est aisé de concevoir quê le coup sur la jambe, les piqûres, le vin même auquel le malade était peu habitué, ont agi comme

des moyens perturbateurs, et ont fait cesser les paroxysmes en modifiant soudainement la sensibilité.

Mais dirai-je le remède bizarre et dégoûtant tpie M*** indiqua, non plus connue devant simplement faire cesser le paroxysme, niais radicalement guérir l'affection nerveuse dont il était atteint ? 11 demanda un chien barbet, le fit laver avec de l'urine et du savon, et voulut boire par cuillerées, je 11e sais plus à quelle dose, l’horrible composition qui devait résulter de cette étrange lessive. 11 en but en effet, et 11e fut pas guéri pour cela ; et lorsqu’on lui en fit la remarque, il répondit «pie le remède n’avait pas été continué aussi longtemps qu’il aurait dû l’être. C’est que les parents n’avaient permis qu’une fois ou deux, et par pure condescendance, l’ingestion de ce prétendu médicament.

Pendant que M*** était ainsi en veine de prédire, il m’arriva de soupçonner qu’à ce qu’il y avait de réel dans son état se joignait de sa part un peu de feinte et de supercherie. Je n’hésitai pas de faire part de mes soupçons à sa famille. Le père, frappé de cette communication, résolut d’en parler à son fils dans le courant du prochain paroxysme ; celui-ci en reçut une fâcheuse impression ; il se plaignit amèrement d’un soupçon si injurieux, disant qu’il était bien assez malheureux par sa maladie sans qu’on le rendît plus malheureux encore en le regardant comme un imposteur. Je conserve le long entretien qu’il eut avec son père sur ce sujet ; mais j’ai cru que le détail en serait ici tout à fait inutile.

Les paroxysmes ont continué plusieurs mois tels que je les ai décrits, avec la même irrégularité, soit dans leur durée, soit dans les intervalles qui les séparaient; et sans autres moyens curatifs qu’un régime doux et le séjour à la campagne, ils se sont affaiblis par degrés, sont devenus plus rares, et ont enfin entièrement disparu.

Voilà l’exposé fidèle, non de toutes les circonstances d’une maladie qui a duré plus de huit mois, mais de tous les phénomènes différents qu’elle a présentés.

Un fait de cette nature ne peut que trouver des incrédules obstinés, et le narrateur doit s’attendre à être sévèrement

jugé par les uns et ridiculisé par les autres. Ceux qui n’ont point vu le fait le rejettent sans difficulté, parce que, tout en comptant sur la sévérité des témoignages, ils peuvent compter aussi sur les défectuosités des observations. Mais ceux qui avancent que, quand môme ils seraient témoins du fait, ils ne le croiraient pas plus pour cela, rendent raison de leur incrédulité en soutenant que le malade est un jongleur adroit dont tous les observateurs sont les dupes.

Nous devons convenir, en effet, que, dans un cas aussi extraordinaire, quelques données que nous ayons d’ailleurs sur la moralité du sujet, il est plus facile encore de croire à la jonglerie qu’à la transposition d’un sens. Mais ici l’un serait presque aussi étonnant que l’autre. Le somnambule ou le jongleur, si l’on veut, a lu les yeux fermés, voilà qui est constant; des compresses, maintenues par un bandeau, ont été placées sur ses yeux. Dira-t-on que le petit intervalle qui subsiste toujours, à cause de la proéminence du nez, a suffi pour que le nouveau Lyncée put lire avec tant de rapidité à la distance de ses yeux à ses genoux, sur lesquels il posait ordinairement le papier ou le livre qu’il avait à lire ? Certes, ce serait une perfection du sens de la vue presque aussi étonnante, je l’ai déjà dit, que la transposition de ce sens.

Et d’ailleurs est-il facile d’admettre qu’un jeune homme de quatorze ans joue avec tant de constance et de duplicité le même rôle pendant plus de huit mois, et qu’il trompe sans but, avec tant d’art, un si grand nombre de personnes éclairées? Parmi les médecins, j’ai cité M. Roux comme ayant observé le fait; je puis invoquer aussi le témoignage de mes confrères, MM. Raynaudet Bonnaffé. Certes, si l’on est dupe, il est du moins consolant de l’être en si bonne compagnie.

Comprend-on facilement qu’un jeune homme bien né fasse durer si longtemps une comédie qui plonge sa famille dans la plus amère affliction? Car si on ne lui témoignait pas cette affliction dans l’intervalle des paroxysmes, pour ne lui rien donner à connaître de son état, du moins, dans la durée de ces paroxysmes, il aurait entendu des conversations bien dou-

loureuses pour lui, à moins qu’il n'eût étouffé dans son cœur tout sentiment d’amour filial et de sincérité.

Disons enfin que si le fait que je viens d’exposer était unique dans son genre, il serait bien plus difficile d’y ajouter foi. Mais les observations semblables ne manquent pas, accompagnées de circonstances qui doivent déterminer notre conviction.

Tout le monde connaît l’histoire de la cataleptique somnambule observée & Lyon par M. Pétetin; en vain s’écrie-t-on que les concitoyens de ce médecin n’ont pas cru à son récit, et dit-on fort spirituellement qu’un seul homme n’a pas raison contre toute une grande ville. Lorsqu’il s’agit d’un fait soigneusement étudié par un homme compétent, par un homme sérieux, par un homme de bonne foi, son témoignage seul peut l’emporter sur les négations de tous les habitants d’une ville, qui n’ont pas vu le fait, qui 11e le nient que parce qu’il est extraordinaire et qu’ils regardent comme faux tout ce qui n’est pas vraisemblable.

J’indiquerai encore les deux intéressantes observations publiées par M. Delpit dans la Bibliothèque médicale, t. LVI, page 308.

Enfin, je citerai le fait extrêmement curieux rapporté par le Dr Cazaintre dans les Éphémérides médicales de Montpellier, numéro de juillet 1827.

Un jeune homme de quatorze ans, pendant le cours d’une maladie nerveuse qui se manifesta par accès variables daus leur type, lisait en appliquant sur l’oreille les livres qu’on lui mettait entre les mains. M. Cazaintre raconte que, prévenu contre les récits de ce genre, regardant comme une chimère l’observation de Pétetin, il refusa de croire le rapport que lui en fit un confrère sur le fait dont il venait d’être témoin. Il se rend sur les lieux pour examiner par lui-même ce qu’il refusait d’admettre sur le témoignage d’autrui, et dont il 11e pouvait se laisser convaincre que par le témoignage de ses propres sens.

c A huit heures et demie, dit-il, l’attaque se déclara. Le malade se plaignit d’une grande faiblesse à l’estomac; après

un grand nombre de bâillements et de pandiculations, il tomba, se releva ensuite, et marcha sur les genoux aussi rapidement que sur ses pieds; ses yeux étaient ouverts; le mouvement des paupières était à l’ordinaire, les pupilles étaient extrêment dilatées; je les soumis à l’impression d’une vive lumière, elles restèrent insensibles. Je lui parlai en élevant la voix, je fis beaucoup de bruit autour de lui, ce fut vainement; il n’interrompit point son babil, qui roulait suide petites aventures de son enfance que ses parents me dirent lui être arrivées.

« J’étais impatient de voir le phénomène dont je niais l’existence.

« En supposant que mon malade pouvait voir, et pour m’assurer qu’il n’userait pas de ses yeux, je me plaçai derrière lui, et tirant de ma poche une bourse en soie verte (qu’assurément il n’avait jamais vue), je la lui appliquai à l’oreille : c Ah! ah! vert, s’écria-t-il, incrédule, qui croit que j’ai « besoin de mes yeux pour voir ! »

« On lui présenta à l’oreille des pastilles de différentes couleurs, qu’il discerna très-bien. J’allai moi-même prendre un livre à la bibliothèque de M. le curé; je le lui tins à l’oreille, il y porta sa main, l’appliqua encore plus fort contre l’ouïe, et lut l’intitulé et quelques lignes de l’intérieur. »

Voilà les faits; ils sont constatés par des observations exactes et consciencieuses, et ils devraient surmonter, ce semble, les plus fortes préventions. Ces préventions sont-elles d’ailleurs légitimement fondées sur les lois invariables de la physiologie ? Est-il bien démontré que la transposition des sens est rigoureusement impossible ? Et ne trouvera-t-on que des esprits disposés à une crédulité illimitée, qui admettent les histoires qu’on en rapporte, et qui fasse aux historiens l’honneur de croire qu’ils ne sont ni des imposteurs ni des sots?

M. le doyen Lordat me paraît avoir parfaitement répondu à ces questions. Les considérations qu’il présente me paraissent aussi justes qu’elles sont ingénieuses, et sans adopter tous les principes de la théorie sur laquelle le savant auteur les a appuyées, je crois pouvoir les admettre en suivant une méthode rigoureuse de philosopher.

Ici je devrais terminer mon mémoire et renvoyer mes lecteurs aux deux intéressants écrits de M. Lordat, consignés

dans les Éphtmtrides médicales (journal cité plus haut) ; mais qu’il me soit permis d’exposer la manière dont je raisonnais à l’occasion du fait dont je viens de rapporter l’histoire, avant d’avoir connaissance du récit de M. Cazaintre et de la réponse du savant physiologiste de Montpellier.

lit d’abord je nie hâte d’avertir, pour qu’on ne se méprenne pas sur ce que j’admets de la transposition des sens, que je suis convaincu de la correspondance harmonique qui existe entre chaque sens et les sensations qui en dépendent. La vision s’exerce selon les lois que l’observation a découvertes et clairement démontrées; et l’appareil des organes destinés à cette admirable fonction met en évidence la fin, le but qu’a voulu atteindre le suprême ordonnateur, qui a tout fait, tout arrangé, dans notre économie, avec une si profonde sagesse.

Mais si la loi de la nature est que la vision s’exerce par le moyen des yeux ; si les différentes parties qui concourent à la formation de l’œil sont disposées pour que l'impression des objets extérieurs parvienne à la rétine avec la plus entière liberté; si le Créateur a résolu, pour ainsi dire, dans ce cas particulier un problème demaximis et minimis, comme il en a tant résolu dans la structure de nos organes, peut-on conclure de là que la vision qui s’exerce naturellement par les yeux ne puisse, en aucune manière et dans un état contre nature, s’exercer par une autre surface ? Je ne le pense pas, et une telle conclusion ne me paraît pas légitimée par les règles d’une saine logique.

« Après avoir considéré tous les objets qui se lient à cette matière, dit M. Lordat dans sa lettre à M. Cazaintre au sujet de l'observation rapportée ci-dessus, loin d’être en état de rejeter les faits dont il s’agit, nous serions induits à nous demander pourquoi les transpositions des sens ne sont pas aussi communes que les monstres, les déviations des règles. »

Le premier médecin qui observa une irruption anormale du sang menstruel se faisant jour par les oreilles, par le bout des doigts, ne dut-il pas trouver des incrédules, argumentant comme ceux qui argumentent aujourd’hui contre la transposition du sens de la vue? La même manière d’argu-

menter n’a-t-elle pas pu s’appliquer aux faits de grossesse extra-utérine? Et puisque ces cas d’anomalies étranges et tant d’autres qu’on pourrait citer, sont, reconnus cl admis par tous les praticiens, par tous les physiologistes, pourquoi les aberrations du sens delà rue ne seraient-elles pas admises également, puisqu’elles sont également démontrées par l'observation ?

En second lieu, remarquons ce qu’il y a d’essentiel dans les phénomènes de la vision. Les membranes et les humeurs de l’œil ne formant qu’un appareil réfringent, ne sont pas rigoureusement nécessaires pour qu’il y ait impression de la lumière sur la rétine ; c’est cette impression qui seule constitue essentiellement l’acte extérieur de la vision; c’est palles points différents de la rétine simultanément affectés que commence cette opération mystérieuse, qui, se continuant par le nerf optique, va déterminer dans le cerveau les actes de la perception.

Or, ne peut-il pas arriver, par l’effet d’une aberration morbide de la sensibilité, qu’une partie de la surface du corps où les houppes nerveuses sont accidentellement plus développées, plus épanouies, plus sensibles que dans l’état naturel, devienne susceptible de recevoir l’impression du fluide lumineux, de telle manière qu’il en résulte, par la communication avec le cerveau, des sensations analogues à celles que fournit le sens de la vue ?

La possibilité d’une telle aberration s’expliquerait plus aisément encore dans l’hypothèse des physiologistes qui admettent, dans l’acte de la vision, une combinaison chimique du fluide lumineux avec la pulpe nerveuse. Mais cette hypothèse n’est pas nécessaire pour concevoir cette possibilité; et il n’est que trop vrai que la nature de l’impression reçue par la rétine nous est entièrement inconnue.

« Nous avons lieu de croire, dit Reid, que les rayons de la lumière font quelque impression sur la rétine; mais nous ne sentons point cette impression. Les philosophes et les anatomistes môme n’en ont point encore découvert la nature et les effets. Est-ce une vibration dans le nerf, ou un

mouvement de quelque fluide subtil contenu dans le nerf, ou quelque autre effet que nous ne saurions nommer, parce qu’il nous est inconnu? Toutes ces questions sont insolubles. » {Recherches sur Centendement humain, cliap. VI, sect. 8.)

Et je conclus précisément, de l’obscurité qui enveloppe cette mystérieuse fonction, qu’on ne doit pas décider dogmatiquement qu’elle ne puisse être remplie que par les voies et par les moyens ordinaires. Je recueille le fait essentiel : c’est une impression matérielle, quelle qu’elle soit, produite par la rétine, et qui se communique au cerveau; et je conçois qu’une impression du même genre puisse être reçue, sous certaines conditions, par les papilles nerveuses d’une partie quelconque de la surface de notre corps.

Mais, me dira-t-on, vous négligez un fait qui n’est pas moins constant que celui dont vous venez de parler : c’est l’image des objets qui se peignent sur la rétine, et qui ne sauraient se peindre ailleurs. Cette objection s’est naturellement présentée h mon esprit lorsque je m’occupais de cette matière, et elle mérite bien que je m’arrête quelques instants à la discuter.

Reconnaissons d’abord que la plupart des philosophes et des physiologistes qui se sont occupés de la vision ont parlé de l’image des objets comme d’une de ses circonstances essentielles.

« Nous ne voyons les objets hors de nous, ditEuler, qu’autant que leurs images sont peintes dans le fond de l’œil. Elles constituent l’objet immédiat de la vision ou de la sensation.» (Lettres à une princesse d‘ Allemagne, lettre xxxiv.)

« Nous savons, dit M. Prévost, de Genève, que, dans l’acte de la vision distincte, les rayons lancés par un point lumineux unique ont leur foyer dans la rétine. Ces rayons entrent divergents dans la pupille, se réfractent, et, devenus convergents, vont marquer par leur concours, sur la rétine, l’image du point lumineux. » (Essais de philosophie, tonie 1er, p. 94. Voy. aussi Haüy, Physique, t. 11, p. 23i.)

Tel est le langage généralement adopté ; c’est celui de la science; mais il s’agit de se bien entendre sur le sens du mot image, qui me paraît avoir ici une double signification.

1. L'image proprement dite de l’objet qui se peint sur la rétine est évidemment produite par la réflexion des rayons lumineux; la surface polie de la rétine agit comme toute autre surface réfléchissante (la rétine est blanche et transparente, mais, soutenue par la choroïde, elle peut faire l'office du miroir), et rien ne nous porte à croire que cette image réfléchie entre pour quelque chose dans l’acte de la vision. Nous la voyons en effet se produire dans l’œil frappé d’amau-rose, ainsi que dans l’œil de l’homme ou de l’animal mort. Lors donc que nous disons que l’image constitue l’objet immédiat de la vision, nous devons entendre par ce mot autre chose que Y image réfléchie.

2. L'image réellement essentielle à la vision consiste dans la série des points de la rétine affectés par les rayons lumineux, lesquels émanant de l’objet visible vont, comme autant de traits, frapper la membrane destinée à les recevoir, et y produisent en quelque sorte l’empreinte de cet objet. Supposons un carré sur lequel les yeux se dirigent; de tous les points de ce carré partent des faisceaux de rayons lumineux qui affectent une partie de la surface de la rétine, semblable au carré visible; il n’y a pas là d’image proprement dite, mais une disposition géométrique des points affectés, disposition conçue par l’esprit, disposition qu’on peut représenter par une figure, et qu'on peut sans inconvénient appeler image (ce qui est commode), pourvu que l’on s’entende bien à cet égard.

11 suit de ce que nous venons de dire, que la peinture de l’objet visible sur la rétine n’est qu’un phénomène secondaire; que le seul qui constitue immédiatement l’objet de la vision, c’est, comme je l’ai déjà dit plus haut, l’impression produite sur la rétine par les rayons lumineux. Dès lors l’objection tirée de l’image tombe nécessairement, et, sous ce rapport du moins, on peut laisser subsister l’explication que j’ai donnée.

ENCONTRE.

Ce long mémoire est extrait mot pour mot du Journal de Médecine de Bordeaux. —N°8, août 1844. — C’est, comme

on voit, d’une date déjà ancienne ; mais la vérité, en vieillissant, ne perd rien de son importance ni de sou intérêt.

Le magnétisme est complètement étranger à cette observation ; c’est un cas de médecine pure, circonstance qui en augmente beaucoup la valeur. En effet, si de pareils faits se développent sous l’influence d’un médicament, n’est-il pas probable qu’ils pourront être produits par un autre, ce que l’expérience prouve? Dès lors, pourquoi un agent tel que le magnétisme ne le produirait-il pas aussi? Ce qui importe donc avant tout, c’est l’admission des laits, parce que, une fois leur existence reconnue, il n’y a plus qu’à en déterminer les causes.

A ce titre, le mémoire du Dr Encontre nous a pani bon à publier dans nos annales. C’est en s’appuyant sur des phénomènes spontanés, constatés comme celui qui précède, que les magnétiseurs feront admettre ceux qu’ils obtiennent artificiellement. M. le professur Gregory, à qui l’on doit un excellent livre, est tellement pénétré de l’utilité de cette marche, que jamais il n’expose un effet magnétique avant son semblable puisé daus la nature ou dans les sciences.

Les quelques considérations qui suivent la narration nous font voir que le médecin de Montaubau n’est pas seulement un observateur consciencieux , mais un philosophe qui examiné et discute les hypothèses propres à donner une explication satisfaisante du phénomène en question. C’est avec de pareils hommes que les sciences grandissent et marchent à la conquête de l’inconnu.

HÉBERT (de Garnay).

2° ÉLECTRO-BIOLOGIE.

Nos lecteurs anciens savent ce qu’on entend par cette dénomination (1), mais les nouveaux peuvent l'ignorer; c’est pourquoi nous reproduisons l’extrait suivant d’un journal d’Alger. Ce récit leur donnera une idée des effets qu’on peut

(I) Voyez t. X, pages 503 à 574, ot t. XI, page 205.

déterminer par suggestion sur des sujets faiblement magnétisés.

On lit dans 1 'Akhbar du 7 juin :

« Dimanche dernier, M. le professeur Philips a donné, au Grand-Théâtre, une séance de ses expériences électro-biologiques.

« Les bonnes conditions du local, l’intelligence du public, qui a compris la nécessité du silence absolu pendant quelque temps, et les dispositions des sujets sur lesquels l’expérimentation a été faite, ont rendue la tâche facile au professeur ; et, cette fois, comme aux séances données à la Mairie et au Grand-Orient, le succès a été complet. Plus décisives encore pie les précédentes, les épreuves subies par les sujets qui s’y sont volontairement soumis, ont porté la conviction dans les esprits les plus rebelles et les plus incrédules.

« Nous ne pouvons, dans un simple article, développer le système de M. Philips. Nous voulons en constater le résultat, et si, comme tant d’autres, nous ne nous rendons pas uu compte complet des effets dont nous ignorons les causes premières, nous sommes de ceux qui ne nient pas d’abord, qui croient à la marche ascendante de l’intelligence humaine.

« A ceux qui niaient le mouvement, on disait de marcher. A ceux qui douteront, nous dirons d’aller voir et surtout d’expérimenter sur eux-mêmes.

« Nous connaissons deux ou trois des personnes honorables qui doutaient d’abord, et qui se sont convaincues de visu, de diyilo, en subissant elles-mêmes plusieurs fois les expérimentations.

«Nous n’avons à parler maintenant ici de cette science que sous le rapport plastique, si nous pouvons nous exprimer ainsi. Ceux qui ne cherchent qu’un spectacle trouveront des tableaux curieux, voire même amusants.

« Qui sait si les prétendus miracles des anciens thaumaturges, si les doubles vues des illuminés modernes, des Swedenborg, des Gagliostro, si les vieux oracles des augures et des sibylles étaient autre chose qu’une prescience identique au magnétisme, à l’électro-biologie ? Seulement Mesmer et ses adeptes opèrent sur des sujets soumis au sommeil magnétique, et M. Philips agit sur des gens éveillés qui perdent leur liberté d’action en gardant d’abord leur volonté d’agir en sens contraire. Vain combat ! Le professeur triomphe. Ainsi il commande ou arrête le mouvement. 11 double ou il paralyse l’action d’un organe.

« Avec quarante becs de gaz , il fait croire à l’obscurité : avec île l’eau, il fait boire du vin, du punch trop chargé de citron; avec du papier haché, il fait manger du poulet , etc., etc.

« Passant à un ordre de faits supérieurs, il absorbe la personnalité du sujet et lui impose la sienne propre. En dépit d’une volonté contraire, il force ce sujet à le suivre; malgré les, obstacles dont on l’entoure, il l’oblige à courir après lui sous l’aspect d’un vieillard décrépit; il lui fait parcourir et décrire des lieux connus des auditeurs; il lui fait presser la main d’un étranger avec l'affection sentie d’un ami : il fait plus, il le réduit à la bestialité, en lui inoculant l’instinct d’une bête féroce, il en fait un lion qui veut mordre et griffer. L’œil injecté, la respiration haletante , les ongles soumis à une tractibilité féline, le sujet était effrayant à voir, et le sang eût coulé si l’effet produit n’eût été suspendu par la volonté qui l’avait créé.

h 11 ordonne au sujet d’oublier son nom, et, riant le premier de son absence de mémoire, le sujet ne sait plus comment il s’appelle.

« Enfin, il fait embarquer un homme et lui donne le mal de mer à un tel degré que ce malheureux, perlant la sueur, versant des larmes, va se coucher dans l’orchestre croyant toujours s’étendre dans une cabine, en faisant des efforts

inouïs pour..... comment dirons-nous?.....pour.... ah!.....

compter ses chemises, comme disent les matelots, demande un récipient pour s’alléger, et si l’expérience n’a pas été poussée jusqu’au résultat, c’est qu’il y avait là bon nombre de dames dont l’odorat eût été peu flatté de ce paroxysme de conviction. On a fait débarquer le malade, qui a été immédiatement dîner sur le port de Marseille, à l’hôtel d’Italie.

« Nous arrivons au dernier épisode. Un Arabe, celui qui avait été lion, a perdu la conscience de son sexe, et de Mohammed il est devenu la belle Fatum. Convaincu de sa métamorphose , il a accepte le bras d’un galant chapelier, l'homme au mal de mer, et grâce au progrès fascinateur de M. Philips, après s’être laissée baiser la main, Fatma a consenti à s’unir en mariage au chapelier, qui paraissait épris de ses charmes. Ce dernier, évoquant peut-être en souvenir les formes de M“' Roland, qu’il nous a dit avoir une poitrine bien meublée, a voulu s’assurer, par un geste, de la vérité des contours qu’il croyait aussi admirer dans Fatma ; mais la volonté du professeur, homme de goût et de science avant tout, a donné une autre direction aux idées des fian-

cés. Seulement, en détruisant le charme sur le chapelier, il oubliait l’Arabe, qui eût été chez lui préparer le cous-couss, persuadé qu’il était une femme, si les spectateurs n’eussent fait remarquer à M. Philips son étrange oubli.

« Tels sont les phénomènes physiologiques et psycliolo-logiques éclos devant trois cents personnes, dimanche au soir. Qu’on ne suppose pas que nous avons voulu faire| le plaisant, l’as un mot dans notre compte-rendu qui ne soit rigoureusement vrai. Nous avons, au contraire, négligé beaucoup de détails et de faits d’autre nature. Nous en appelons ;\ la bonne foi des trois cents témoins.

« L’Arabe est connu. Un interprète a conversé avec lui dans sa langue maternelle. Le chapelier, qui s’est nommé, est un honnête industriel établi dans la ville.

h Ces faits, à la fois curieux, bizarres, grotesques et instructifs, révèlent un monde nouveau. La science, c’est la traduction d’un symbole, du Juif errant, qui marche toujours.

. L. TOIiLOL'ZE. »

3° CLAIRVOYANCE, j On lit dans le Courrier des États-Unis, du 6 août :

v Bien que les adeptes du magnétisme, du somnambulisme , des tocs-tocs spirituels et de toutes les sciences occultes deviennent tous les jours plus nombreux aux États-Unis, l’exposition de leurs théories n’avait pas jusqu’ici dépassé les limites de quelques journaux et de certaines réunions scientifiques, ni franchi le seuil des salons croyants. Vers le milieu du mois dernier, un tribunal de NewHaven (Connecticut) a, pour la première fois, donné le spectacle d’une fille clairvoyante, invoquée comme principal témoin dans une affaire criminelle.

« Le 27 avril, M. Parmelee de Wallingford se rendit à New-Haven pour y toucher la somme de 1,700 dollars. A son retour chez lui, il compta son argent et le déposa dans un tiroir de son bureau, ainsi qu’une montre en or et d’autres objets précieux. Le soir, il était déjà couché lorsqu’il entendit la jeune servante de la maison rentrer et monter dans sa chambre, mais pour en redescendre bientôt sans souliers. Elle resta quelque temps dans une salle du rez-de-chaussée, puis remonta définitivement chez elle, et tout bruit cessa pour la nuit. Le lendemain, quand M. Parmelee

voulut prendre son argent, il trouva que les tiroirs avaient été ouverts et que la somme avait disparu avec les bijoux. Les fenêtres de cette pièce avaient été nouvellement peintes; et par l’empreinte des doigts laissés sur la boiserie et sur les tiroirs, 011 crut pouvoir conclure que le voleur demeurait dans la maison môme.

(( Pour s’assurer de la vérité, le volé s’en alla, en compagnie d’un de ses amis, M. le doctenr Simons, consulter une jeune fille de douze ans, nommée Mary Rich, dont plusieurs personnes lui vantèrent la lucidité somnara-bulique. Le père de Mary la magnétisa, et mit le docteur en communication magnétique avec elle. Interrogée alors, elle déclara que la servante était l’auteur du vol commis chez lui la veille ; qu’elle avait brûlé les billets de banque et jeté les bijoux dans le puits de la maison. On fit aussitôt des recherches, et l’on trouva en effet les objets volés au fond du puits, ainsi que les débris de billets brûlés dans un tuyau de poêle. L’accusée, pressée de questions, avoua sa culpabilité.

« La décision du jury ne paraissait pas devoir être douteuse, même en mettant de côté la déposition soninambu-lique de la jeune Mary. Néanmoins, sur la déclaration d’un témoin à. décharge, nommée Anna Dagnan , qui affirme que les menaces de la famille Parmelee avaient seules contraint la servante à s’accuser faussement, le jury a rendu un verdict d’acquittement.

« 11 est probable que cetle décision inattendue, et en contradiction, au moins apparente, avec les faits de la cause, a été surtout dictée aux jurés par la crainte de sanctionner la véracité d’une consultation magnétique, et de donner ainsi à la science divinatoire des somnambules un précédent judiciaire dont on pourrait plus tard prendre prétexte pour justifier des abus. »

Un cas semblable s’est présenté, il y a deux ans, à Versailles, et y a eu la même terminaison (1).

ARNETTE.

(1) Voyez co Journal, t. X, p. 317.

VARIÉTÉS.

IVécrologic. — Les amis du magnétisme s’en vont comme ses ennemis, et, sans l’active propagande qui grossit chaque jour les rangs Ses premiers, on verrait bientôt l’extinction de la lutte par leur perte successive. A peu de jours d’intervalle, deux adeptes aussi dévoués qu’éminents, l’un anglais, l’autre français, viennent de finir leur carrière.

Le premier, M. le comte de I)ucie, fut le principal coopé-rateur de la fondation de l’infirmerie magnétique de Londres. C’est dans sa maison que se tinrent les premiers meetings, et quand le moment de souscrire arriva, il s’inscrivit le premier sur la liste pour une somme de 2,500 fr., qu’il a continué de payer chaque année. 11 fut élu président du comité qui dirige cette institution, et conserva cette fonction honorable jusqu’à sa dernière heure.

Le second est M. le général Cubières ; il est inutile de dire ici ce qu’il a fait, car ses cures ont été en partie relatées. Mais ce qu’on ignore généralement, c’est son ardente charité et son inépuisable amour pour les pauvres malades. Il n’y avait pas de soins qu’il ne leur prodiguât, et sa joie était extrême quand il avait le bonheur de les soulager. C’est grâce à lui que depuis quelques années le magnétisme s’est répandu dans les environs du Havre, où est Antiville, sa campagne.

Chronique. — C’est Mgr l’archevêque de Dublin qui a été élu président du comité du Mesméric in/irman/, en remplacement de M. le comte de Ducie, décédé. On ne peut qu’ap-

plaudir un tel choix, car celui qui en est l’objet a donné de nombreux gages de son attachement à la cause magnétique.

— Le phénomène de la danse des tables a fait éclore, outre les articles publiés dans les journaux, une foule d’écrits favorables ou contraires, dans lequels il est beaucoup parlé du magnétisme. Il est certain que cette sorte d’effervescence des esprits aura eu un bon résultat, car la discussion engagée fait chaque jour des prosélytes de gens tout à fait étrangers à, cet ordre d’idées.

— La Société du Mesmérisme de Paris vient d’offrir un exemplaire du buste de Mesmer à la Société du Magnétisme de la Noitrclle-Orléans. C’est un hommage qu’elle se propose de faire aux divers groupes avec lesquels elle entretient des rapports fraternels. Ainsi l’image du maître sera présente partout où s’assemblent régulièrement scs disciples.

— M. Petrus Baragno vient de publier à Toulouse la seconde édition d’un livre intitulé Étude du magnétisme animal, qui sera prochainement l’objet d’une analyse détaillée dans ce Journal.

Revue de» Journaux. _ Nous avons déjà cité bien des plaisanteries sur la danse des tables, en voici le complément :

— La Gazette du Languedoc du 16 mai s’exprime ainsi :

« La correspondance de M. Havas nous apprend qu’une chaîne de gamins ayant rencontré une lourde voiture chargée de moellons sur la place de la Sorbonne, lui ont fait exécuter une douzaine de tours sur elle-même. D’autres ont ait ché des fds de 1er aux ailes d’un moulin à vent de la butte Montmartre, et l’ont fait marcher malgré le frein qui le tenait inactif contre le vent.

« Si les gamins s'en mêlent, nous sommes perdus ; il n’y a plus rien de solide dans ce monde. »

— Voici un autre genre de nouvelles; il s’agit des accidents survenus en faisant tourner des tables.

On lit dans le Morning Adccrtiser de la fin de mai :

« Une jeune dame demeurant à Surrey-Place-old-Kent-road, a éprouvé un accident trôs-fàcheux et très-extraordi-

naire, à la suite d’une expérimentation de magnétisme animal. Cette dame avait fait partie de la chaîne autour d’une table, avec la superposition des doigts. Lorsqu’elle a quitté la table, son effroi a été grand de sentir que ses doigts, repliés dans la paume de sa main, étaient crispés au point de ne pouvoir reprendre leur position naturelle.

« Afin d’empêcher les ongles de déchirer la paume de la main, les médecins ont ordonné d’entourer de coton le bout des doigts. Cette dame a été conduite à l’hôpital de Guys et de Saint-Thomas; on ne peut pas la guérir. Nous garantissons l’exactitude de cette nouvelle, et nous engageons le public à être sobre en matière de ces prétendues récréations inoffensives. »

Le même journal, revenant sur ce fait dans son numéro du 10 juin, dit :

« Nous avons le regret d’annoncer que M11' C...... demeurant à Surrey-Place, et qui avait eu, comme nous l’avons dit, les doigts crispés à la suite d’une expérience delà chaîne électrique magnétique autour d’une table, est dans un état fâcheux. On espérait qu’elle recouvrerait bientôt l’usage de ses mains, cette espérance a été déçue. Ses mains sont fortement crispées; il faut une grande force pour séparer, même un instant, les doigts de la paume de la main, dans laquelle ils voudraient entrer. Cette affaire préoccupe vivement tous les médecins. »

— D’autre part on écrit de Prague à la Patrie :

« Un garçon de sept ans, appartenant à une des familles les plus considérables de la capitale de la Bohême, a pris part plusieurs jours de suite aux expériences de la table tournante. Un matin, en se levant, il commença à tourner comme ayant la maladie nommée en Allemagne veitstanz (la danse de Saint-Guy). Depuis, ce phénomène s’est montré tous les matins, de sorte que l’on a des craintes pour la vie de cet enfant. »

Nous apprendrons bien d’autres choses !

ARNETTE.

Le Gerani : HÉBERT (de Garnavi.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

1° ÉLECTRO-BIOLOGIE.

L'Akhbar du 26 Juin contient le récit suivant d’expériences dont nous avons déjà donné un aperçu.

« Mercredi dernier, M. Philips a donné une dernière séance qui avait été généralement demandée. L’auditoire était nombreux. Nous avons remarqué des hommes de science, des hommes spéciaux, bien connus dans notre cité, qui ont été les premiers à reconnaître, à constater les effets surprenants de l’électro-biologie et les résultats complets et concluants obtenus par le savant professeur. La foule qui envahissait la salle de la rue de l’Etat-Major a témoigné sa sym-

fiathie à M. Philips, qui l’avait impressionnée si vivement en ui communiquant tour à tour la surprise, la terreur, la gaîté.

v M. Philips fait de la science en Christophe Colomb, convaincu seul d’abord, mais arrachant aux autres l’aveu du succès, quand la branche d’arbre flottante vient enfin révéler un nouveau monde. Joignez à cela l’imprévu, le bizarre, qui naissent des expérimentations, une curiosité haletante de la part de l’auditeur, des incidents subits, et vous comprendrez que les séances scientifiques de AI. Philips masquent l’aridité de l’étude sous le charme et l’intérêt d’un drame complet aux mille péripéties.

« Le professeur a démontré que, dans un temps donné, tout le monde devait subir l’influence de l’électro-biologie. On est, par tempérament normal, plus ou moins disposé. De là l’exclusion de quelques-uns des sujets qui se présentent. Si, après une épreuve préparatoire, l’influence ne se dessine pas, le professeur rejette les individus pour ne garder que ceux qui sont tombés immédiatement sous cette influence. Les bornes d’une séance ne permettent pas de persister sur une organisation rebelle d’abord ; mais accordez un temps voulu, et tous obéiront àl’agent électro-biologique.

Toïe XII. — N° 151. — 10 SEPTEMBRE 1853. 19

« Ceci posé, M. Philips .1 gardé sur l’estrade une douzaine de personnes en état satisfaisant à son point de vue. Deux sujets seulement ont été expérimentés. O11 comprendra cette nécessité de borner le nombre des sujets présentés, quand on saura que l'influence augmente au fur et à mesure que l’on la fait subir au même individu. Pour agir sur les sensations, sur l’imagination, il faut d’abord s’exercer sur tout le système musculaire. Aussi M. Philips commence-t-il invariablement par paralyser ou doubler, à sou gré, l’action des muscles. Ainsi, il fait ouvrir les yeux et la bouche avec défense de les pouvoir fermer; puis l’effet contraire se produit, il vous transforme à l'état de barre de fer scellée au parquet : vous ne pouvez vous asseoir, vous courber ; il imprime à vos bras un mouvement de rotation accélérée que vous ne pouvez faire cesser sans sa volonté; il vous fait bégayer ; il vous rend muet. Après ces premiers effets, il passe à d’autres d’un ordre supérieur, et entre dans le domaine de l’intelligence et des sens. Ici, il faut renoncer à décrire, il faut avoir vu. Perdre la mémoire de son propre nom, du lieu où l’on est, sont choses préliminaires. Mercredi, il y a eu une lutte ouverte entre un sujet et le professeur.

« Le premier, bien connu à Alger, M. M..., jeune homme de dix-neuf ans environ, s’est soumis aux épreuves avec la résolution arrêtée d’y résister. 11 fallait voir de quel éclair rayonnait sa ligure intelligente quand une expérience manquait, car les premières tentatives du professeur échouaient contre cette jeune et énergique volonté. A la seconde injonction, le jeune homme résistait peu et finissait par obéir. Ce combat moral entre deux volontés était palpitant d’intérêt; mais le professeur, animé par la lutte, a voulu dominer complètement.

« Son succès a été franc et véritable.

« Les résultats ont été d’autant plus beaux qu’ils étaient d’abord presque négatifs, et l’on a dû s’applaudir d’une première résistance, puisque la victoire a été plus nettement remportée. Echouant primitivement, M. Philips a vaincu, et l’on peut dire de lui avec le poète Martial :

« Si non errasset, fecerat ille minus. »

« Les bornes de notre journal ne suffiraient pas à enregistrer tous les effets produits, tous les incidents arrivés, tous les phénomènes éclos. -----

« M. M.... ne pouvant ouvrir ou fermer la bouche, a eu recoure à ses mains pour faire jouer sa mâchoire ; alors le

professeur a collé les mains du jeune homme, et, chose bizarre, ce dernier avait l’air de chercher d’autres mains pour détacher les siennes. Agissant sur sa mémoire, M. Philips lui a fait oublier son nom, puis la première lettre de l’alphabet. «C’est étonnant!» disait tout haut le sujet, qui jouissait de ses facultés complètes, ce point excepté. On lui a demandé s’il se rappelait la seconde lettre, il a répondu B, mais il n’a pu se rappeler A, et pourtant, pour aider sa mémoire , il a tracé la lettre dans l’espace, avec son doigt, mais sans pouvoir articuler le nom du signe. Il avait oublié le son.

«On lui a donné un foulard en forme de tampon, et il le caressait avec amour, avec douceur d’attouchements, l’embrassait du bout des lèvres et finit par le mettre avec précaution dans son chapeau. M. Philips avait voulu qu’il vît un merle dans le foulard donné.

« On prend une canne ; on lui dit que c’est un serpent, et il le repousse et l’écrase avec son pied.

« On apporte un verre d’eau en lui disant que c’est du champagne. « Non, c’est de l’eau , » dit le sujet. M. Philips le regarde fixement et lui répond avec force : « Non, c’est du champagne; buvez.... » Le sujet boit, et trouve le prétendu sillery cette fois délicieux.

« On le fait promener sur la place du Gouvernement, toujours sans quitter le théâtre. Il reconnaît et désigne les maisons, puis rencontre un de ses amis, nommé Victor D... On entre au café ; là, dans son imagination fébrile, on est trop lent à servir; on entre dans un autre, 011 prend du café bouillant, et sans rien tenir dans ses mains 011 le fait jouer aux cartes ; il bat et donne, nomme les points, et prétend avoir été triché, puis refuse au garçon de payer ce qu’il croit avoir gagné.

« M. Philips cède et paie, puis il propose une promenade en mer ; 011 saute dans la barque, on va près du station-naire ; la mer grossit, on chavire, et, se croyant en pleine mer dans l’orchestre du théâtre, M. M... nage dans l’espace, bien qu’il ait déclaré ne pas savoir nager ; mais le sentiment de la conservation l’emporte et il gagne la berge, c’est-à-dire qu’il remonte sur la scène pour prendre une corde qu’il lance au batelier resté dans l'eau.

« Dès lors, le sujet était complètement dominé. M. Philips le conduit dans les montagnes Rocheuses de l’Amérique, et, en admirant le site, il voit des anthropophages; le sujet jes voit à son tour, demande des armes pour combattre; il

n’en a pas; il sc cache derrière un rocher qu’il désigne (c’était une chaise), puis il croit ramasser des pierres, les lancer dans l’espace à ceux qu’il appelle des Indiens; mais M. Philips lui dit de fuir en franchissant une cataracte au moyen d’un tronc d’arbre qui forme pont. Il fallait voir l’œil du sujet mesurant le vide, et croyant marcher sur un étroit cylindre, cherchant les lois de l’équilibre pour opérer sa dangereuse traversée. M. Philips, alors, lui persuade qu’un Indien l’a blessé avec un caillou lancé ; aussitôt AI. M.... comprime sa jambe avec un mouchoir.... et boite!....

« Ce n’est pas tout; les moustiques les assiègent. Le jeune homme cache ses mains, se couvre le visage pour éviter leurs piqûres; après il grelotte sous la neige qui tombe.

o Plus tard, sa personnalité est changée, ('/est un brigand italien, poursuivi par des soldats qu’il frappe pour leur échapper (et le sujet frappait rudement sur ceux qui l’entouraient ; expérience subie par les autres sujets présents, et qui n’était pas sur le programme). Ensuite il tire sur les soldats sa carabine.

« Enfin le brigand paraît en justice, nie des assassinats commis ; avoue avoir tué un seul voyageur qui avait trompé sa cousine. Condamné à mort, il envoie son poignard à sa femme, recommande qu’on lui dise qu’il est mort en brave, et, persuadé qu’il se fait sauter le caisson, suivant son expression propre, pour échapper à l’échafaud, il tombe roide sur le parquet.

« M. Philips le ressuscite pour en faire un loup furieux qui prend les chaises pour des molosses et qui les attaque, puis mord au bras un imprudent, M. E.... B...., qui vient aboyer près de lui. Ensuite le loup devient chien et suit partout le professeur en marchant à quatre pattes.

« Pour terminer, M. Philips lui persuade qu’il a une main de bois, et il se la fut arrachée par échardes, avec les dents, si le professeur ne l’eût rendu à lui-mème, en disant : «Vous êtes César. »

n N’est-ce pas là du drame, du drame réel ? Qui peut douter, après de pareilles épreuves renouvelées dix fois devant quatre cents spectateurs?

« D’ailleurs, une preuve palpable, matérielle, a été fournie aux incrédules quand môme.

« Agissant sur l’organe olfactif, M. Philips a fait respirer avec plaisir, par le sujet, un flacon d’essence de rose. L’odeur flattait tellement le jeune homme, qu’il en a imprégné

son mouchoir et aspiré fortement le liquide pendant longtemps. D’autres spectateurs ont voulu connaître la substance renfermée dans le flacon : c’était de l’ammoniaque pur!...

« Que dire après ces faits?... Croire, parce que la science est grande ; espérer, parce que des hommes dévoués agrandissent son domaine ; se consoler, parce (pie Xhumanité profite de ces découvertes, et que notre part de souffrances diminue quand l’étude et l’intelligence s’élèvent. Credo quia absurdmn, s'écriait saint Augustin. Plus heureux que le •converti, nous croyons ici à ce qui est rationnel et consolant.

. L. TOULOUZE. »

2° L’ANTHROPOPHAGE GAILICIEN.

On lit dans l'Union du 12 juillet l’extrait suivant d’une feuille algérienne, qui a rapport aux faits ci-dessus :

« Nous empruntons à un journal de la Corogne (Espagne), cité par le Clamorpublico du 16 juin, des détails fort curieux sur un certain Manuel Blanco, surnommé Y Homme loup, par suite des faits d’anthropophagie que nous allons raconter.

« Une dénonciation de trois Galliciens, faite devant l’alcade de Nombola, province de Tolède, fit connaître qu’un de leurs camarades, nommé Manuel, était l’auteur d’assassinats commis sur les femmes Manuela et Joseph Garcia, et leurs enfants, Pétronille, François et Joseph. La voix publique ajoutait que le meurtrier avait extrait de la graisse du corps de ses victimes pour aller la vendre en Portugal.

« Manuel Blanco, après sou arrestation, chercha d’abord à donner le change sur son identité ; puis il se décida à avouer son véritable nom, mais en niant les crimes qu’on lui attribuait.

« A cote époque, une instruction se poursuivait à Allariz, après la disparition de trois femmes de Castro de Laza, fait qu’on attribuait à un certain Manuel, connu sous le nom de Y Homme à la graisse. Il fut reconnu que c’était le nommé Manuel Blanco, déjà arrêté pour crimes analogues.

« Les deux causes étant jointes au tribunal d’Allariz, Manuel déclara enfin se nommer Manuel Blanco Rimasanta, dit qu’il était de Regnairo, dans le ressort d’Allariz; qu’il avait quarante-trois ans, était veuf et marchand ambulant. Ilajouta que, pendant treize années accomplies le jour de la Saint-Pierre en 1852, il avait été victime d’une malédiction qui l’avait transformé en loup, et que, sous le poids de cette es-

pèce de sort, il avait commis plusieurs assassinats et mangé la chair de ses victimes, seul ou en compagnie de deux Va-lenciens affligés de la même malédiction, don Genaro et Antonio.

« Sa première rencontre avec eux avait eu lieu dans la montagne de Couso. Là, en apercevant deux loups, il était devenu loup lui-même, et avait marché à leur suite pendant cinq jours, au bout desquels ils avaient tous les trois recouvré la forme humaine. C’est alors qu’il s’était trouvé avec ces deux hommes lorsqu’il se croyait en compagnie de deux loups.

« Les onze assassinats qu’il avoue, et d’autres qu’il a commis sans se rappeler les victimes, ont été perpétrés dans la montagne de Saint-Mamed, où, sous prétexte de les placer en service à Santander, il attirait les femmes qu’il voulait tuer. Seul ou avec ses complices, il dévorait ensuite les victimes après les avoir dépouillées pour vendre leurs effets.

« Manuel déclare qu’il n’avait aucune crainte de la justice, non plus que ses complices, car pour échapper aux poursuites de la garde civile, ils n’avaient qu’à se changer en •loups, ce qu’ils exécutaient en se mettant nus, et en se roulant deux ou trois fois sur le sol.

a 11 exécutait ces crimes atroces comme des actes simples et naturels, avec la plus grande indifférence, et sans faire usage d’autres armes que ses mains et ses dents. Si l’horrible faim de la chair humaine ne le possédait pas, il s’abstenait spontanément du meurtre : ainsi, il laissa volontairement échapper l’occasion de tuer une femme qui le tourmentait pour la mener auprès de sa sœur que ce monstre avait assassinée et mangée.

« Manuel exagère évidemment le nombre de ses crimes, car des témoins ont vu dévorer par les loups des personnes qu’il prétend avoir tuées. Au reste, la maladie mentale dont il se plaint l’avait quitté, dit-il, depuis la Saint-Pierre de 1852.

« L’examen fait par six médecins n’a pas amené la constatation de la monomanie homicide à laquelle Manuel se dit en proie. 11 a été déclaré hypocrite et pervers, et sa métamorphose en loup considérée comme une fable.

« Le juge d’AÛariz l’a condamné à mort, en première instance. La cour est sur le point d’en venir en appel.

« M. Philips, dont les séances ont si vivement intéressé notre population algérienne, considère Manuel Blanco

comme un véritable malade tombé naturellement dans une aberration que nous avons vu se produire en partie sur quelques-uns de nos concitoyens, en plein théâtre, par la vertu de l’électro-biologie.

« Le professeur en est tellement persuadé, qu’il vient d’écrire au ministère espagnol, demandant un sursis à l’exécution de Manuel Blanco. Il offre, pour prouver son assertion, d’aller à ses frais en Espagne et de développer, en présence de telle commission qu’on voudra désigner, les instincts anlliropophagiques sur des sujets pris pour ainsi dire au hasard.

« Cette offre philanthropique honore le caractère de M. Philips. Nous désirons vivement, dans l’intérêt de la science, qu’elle soit accueillie, car il pourra en résulter la solution d’un très-intéressant problème psychologique et d’un cas, heureusement bien rare, de médecine légale.

« A.-B. FLEÜRY. »

On exagère évidemment beaucoup ici la portée d’une semblable épreuve ; car le succès fùt-il même complet, il resterait à prouver que l’effet électro-biologique, abandonné à lui-même, peut durer autant que la prétendue lycanthropie du condamné, c’est-à-dire douze ans. Or, tous les effets contre nature sont essentiellement passagers.

3° ASCENSION DES TABLES.

Un journal de Saint-Pétersbourg, l’Abeille du Nord, cité par la Patrie du 3 juin, contient une lettre de M. Tschere-panoff, qui relate des faits extrêmement curieux. Ce savant russe, qui a longtemps vécu dans les Indes-Orientales, répond de la vérité de ce qu’il communique, et c’est sur la seule foi de son témoignage que nous en reproduisons ici le détail.

« 11 faut considérer que les lamas, ou prêtres de la religion bouddhiste, qui est celle de tous les Mongoles et des Burètes russes, ainsi que les prêtres de l’ancienne Egypte,

11e révèlent pas les mystères de la nature découverts par eux. Ils s’en servent pour entretenir les opinions superstitieuses de la multitude.

a Le lama, par exemple, sait trouver des choses dérobées par des voleurs en suivant la table qui s’envole devant lui. Le propriétaire de la chose dérobée adresse au lama la demande de lui indiquer l’endroit où elle est cachée. Le lama ne manque jamais de faire attendre sa réponse pendant quelques jours.

«Le jour où il est prêt à répondre, il s’assied par terre devant une petite table carrée, y pose ses mains en lisant dans un livre thibétain. Au bout d'une demi-heure, il se lève en ôtant aussi la main, de sorte qu’elle conserve la

Ïiosition qu’elle avait eue sur la table. Aussitôt la table se ève aussi, suivant la direction de la main. Le lama est enfin debout sur ses jambes, il lève sa main au-dessus de sa tête, et la table se lève au niveau des yeux. Alors le lama fait un mouvement en avant, et la table le suit ; le lama marche en avant et la table marche devant lui dans l’air avec une si rapide augmentation de vitesse que le lama a grande peine de suivre ; enfin la table parcourt des directions diverses, et finit par tomber par terre. La direction principale choisie par la table indique le côté où il faut chercher la chose perdue.

« On affirme que la table tombe ordinairement juste sur l’endroit où les choses volées se trouvent cachées. Dans le cas où je fus témoin oculaire, la table s’envola à une très-grande distance (d’environ 3(ï mètres), et la chose perdue ne fut pas trouvée tout de suite ; mais, dans la direction choisie par la table, il y avait la chaumière d’un paysan russe qui se suicida, ayant aperçu l’indication de la table.

« Ce suicide éveilla le soupçon, 011 fit des recherches, et on trouva les choses perdues dans sa chaumière.

« Dans trois autres cas où j’assistai aux expériences, il y eut des résultats négatifs ; la table ne se leva pas, et le lama déclara les choses introuvables.

« Mais j’ai observé moi-même la quatrième expérience dont je viens de raconter le succès et la conséquence sinistre. Elle fut faite dans l’an 1831, dans la province de Transbaïque, près du village de Jelauy. Je me méfiais de mes yeux, j’étais convaincu que le lama levait la table à l’aide d’un fil de fer mince et à peine visible; mais en visitant rigoureusement la table je ne trouvai rien, ni fil, ni aucun appareil quelconque ou instrument. La table était

construite en planches minces de bois ordinaire, et pesait environ une livre et demie.

« Maintenant j’ai la conviction que ce phénomène et celui des tables tournantes ont le même principe.

« TSCIIEREPANOFF. »

h" ASCENSION DES HOMMES.

i Mon cher monsieur Hébert,

« La danse des tables occupe les esprits ; l’enlèvement des hommes n’est pas moins digne d’intérêt.

« J’ai été assez heureux pour faire avec succès des expérimentations à cet endroit.

« Le mode que nous suivons au Mans diffère de celui qui a été indiqué par le Dr Bégué, de Toulouse.

« En effet, il suffit à l’un des quatre opérateurs, disposés, suivant la méthode de M. Bégué, autour d'une table sur laquelle est placée une personne, de compter un et deux : en exprimant le nombre deux, les quatre opérateurs, ainsi que le sujet, font simultanément une forte aspiration, et ce dernier est enlevé, sans résistance, à la hauteur qu’il est possible d’atteindre.

« La durée de la suspension est égale à la simultanéité de l’aspiration des opérateurs et du sujet. — 11 y a échec quand un des expérimentateurs n’aspire pas au moment indiqué, alors la partie du corps qui se trouve vers lui reste sur la table.

« La personne enlevée ne sent presque pas l’impulsion des doigts qui la soutiennent.

h La force physique n’est pour rien dans le résultat de cette expérience : nous avons mis au nombre des expérimentateurs une demoiselle âgée de dix ans, et notre réussite a été complète.

« Les expérimentateurs enlèvent l’homme le plus robuste sans aucune dilliculté ; à peine ont-ils le sentiment d’un poids le plus léger.

u Agréez, monsieur, l’expression de mon bien vif et bien sincère attachement.

i Le Mans, 19 août 1853- »

« J. GAUTIER.

ÉTUDES ET THÉORÎES.

1° DE LA ROTATION DES PERSONNES.

La question de la rotation des tables semble épuisée aux yeux du vulgaire ; en réalité, elle est à peine posée ; la plupart de ceux qui s’en sont occupés n’en conçoivent même pas la portée. N'importe, le Journal du Magnétisme n’en continue pas moins sa tâche et recueille les faits dont la science pourra tirer parti.

La rotation des personnes s’obtient encore plus facilement que celle des tables ou autres corps inanimés. Il suffît le plus souvent de poser les deux mains à plat sur les épaules d’une personne, et de vouloir fortement qu’elle tourne dans un sens déterminé par la pensée ; au bout de quelques minutes, le sujet est sollicité par une force intérieure qui lui entraîne les jambes dans le sens voulu par l’expérimentateur. Si celui-ci est doué d’une grande énergie, et que le sujet soit très-impressionnable, la rotation a lieu même malgré la résistance du sujet; j’ai vu des individus se roidir ainsi de toutes leurs forces, puis céder graduellement, et enfin être subjugués par la puissance qui les entraînait.

L’opérateur, par le seul changement de sa volonté, fait ensuite tourner en sens contraire, accélère ou ralentit le mouvement, ou le fait cesser, attire le sujet en arrière, le repousse en avant. Le sujet auquel on demande compte de ce qu’il a éprouvé, déclare que ce n’est point l’impulsion des mains qui a produit ces divers mouvements, mais qu’il a été subjugué par une puissance qu’il ne peut définir, et dont le

siège n’est point à l’endroit oi'i les mains étaient appliquées. Tout s’est passé comme dans la rotation des tables; mais les tables ne pouvant nous faire part de ce qu’elles éprouvent, 011 conçoit la polémique sur la question de savoir si elles ont été poussées par les mains, ou si une autre force a été la cause de leurs mouvements. Ici, au contraire, on peut étudier la nature de la force ; chacun de nous peut se prêter à l’expérience, et le témoignage de nos sens est un guide plus sûr que les appareils de M. Faraday.

Souvent une personne seule ne suffit pas pour amener la rotation. On fait alors une chaîne de deux, trois ou quatre personnes, qui se tiennent debout autour du sujet, chacune appliquant sur lui ses deux mains, sans qu’il soit nécessaire que les doigts se touchent. 11 y a bien peu d’individus qui soient insensibles à cette action, et même parmi les plus rebelles à l’action magnétique, la plupart sont mis en mouvement par une chaîne.

Une fois qu’un sujet est actionné, les expérimentateurs peuvent lui imposer par leur volonté un grand nombre de mouvements, faire qu’il s’agenouille, s’asseye, se lève, etc. Cette transmission de volonté peut être attribuée à une influence magnétique; mais il y a un autre ordre de faits dont le magnétisme ne peut rendre compte.

L’individu actionné peut parler à l’instar des tables tournantes, c’est-à-dire qu’en l’interrogeant, ou plutôt l’agent mystérieux qui le fait mouvoir, on obtient des réponses à l’aide des gestes qui forment un langage conventionnel. Par exemple, le corps du sujet se penche en arrière; deux battements indiquent oui, un veut dire non; les lettres de l’alphabet sont représentées respectivement par le nombre de battement répondant à leur rang, c’est-à-dire, a par 1, b par 2, c par 3, et ainsi de suite. Voilà donc la conversation établie. Avec qui ? C’est là le grand point. Le sujet est tout à fait neutre dans cet exercice, et n’est qu’un instrument passif; sa volonté est complètement étrangère aux mouvements de son corps ; les réponses qu’il sert à transmettre n’émanant point de son intelligence, sont souvent en désaccord avec sa

manière de voir, et roulent môme parfois sur des matières qui lui sont inconnues. Ce n’est donc pas lui qui parle : il joue le même rôle que le fd métallique dans la télégraphie électrique.

Quant aux interrogateurs, ils opèrent comme si, au lieu d’un homme, ils avaient affaire à une chose. Ils n’imposent pas les réponses, ils les provoquent; ils se trouvent souvent déçus dans leur attente, en recevant des solutions en opposition formelle avec leurs systèmes ou leurs désirs. L’ensemble des réponses dénote une intelligence, une volonté, révèle une physionomie, un caractère propre. Nous dirons donc, comme pour les tables (1) : il y a là, en dehors des expérimentateurs et du sujet, une individualité qui se manifeste par des discours, bien que l’auteur en soit invisible.

Le moyen de communication dont nous venons de parler n’est pas le seul. En voici un dont nous avons été témoin.

M. M.... ayant été actionné, s’assied, pose sa main sur une table où se trouve une feuille de papier. On lui met entre les doigts un crayon. La main se met en mouvement et trace plusieurs mots en réponse à nos questions ; l’écriture, quoique tremblée, est nette et parfaitement lisible. Pour mettre plus de rapidité dans le dialogue, nous proposons d’exprimer oui par un trait vertical, non par un trait horizontal. La proposition est acceptée. Nous obtenons un grand nombre de réponses formant un système concordant. Comme le sujet paraît fatigué, nous mettons fin à ces exercices au bout d’une demi-heure. Le sujet est tout couvert de sueur et semble sortir d’un rêve. Néanmoins, il n’a pas dormi, et il a le souvenir de tout ce qui s’est dit et fait en sa présence, mais il n’a pas conscience d’avoir écrit. Quand on lui présente la feuille de papier couverte de son écriture et d’une foule de traits verticaux et horizontaux, il méconnaît son œuvre et ne sait ce que cela signifie. Remarquons qu’il n’y a point eu de somnambulisme, puisqu’il n’y a aucune lacune dans les souvenirs du sujet. De plus, les réponses écrites, aussi bien que

(1) Voyez le n° 167 du Journal du Magnétisme.

celles qui avaient eu lieu par les oscillations du corps, ont été données, non en son nom, mais en celui d’un personnage historique mort depuis longtemps, et que nous ne croyons pas à propos de nommer, parce que nous n’avons pas à discuter, pour le moment, sur la valeur intrinsèque des communications, nous bornant à raconter les faits à l’aide desquels elles se produisent.

M. M.... est donc arrivé ainsi, quoique d’une manière encore bien imparfaite, à l’état de medium, pour nous servir du terme consacré par les Américains. J’ai essayé ce mode sur plusieurs individus, après avoir demandé à l'auteur des oscillations s’il écrivait par la main du sujet. Je ne suis arrivé qu’à des résultats moins étendus, mais qui pourtant ont une grande valeur, en ce qu’ils forment le premier degré d’une échelle qu’il dépend de nous de gravir, pour peu que nous y mettions de persévérance.

Une dame ayant pris le crayon, sa main fut agitée d’un tremblement convulsif, et elle ne parvint à écrire qu’un nom propre; une autre écrivit un membre de phrase; d’autres ne tracèrent que des caractères illisibles.

Tous s’accordent à dire que leur volonté n’est pour rien dans ce que fait leur main.

Ces ébauches prouvent l’existence d’une faculté qu’il ne s’agit que de cultiver pour lui faire produire les phénomènes les plus étonnants.

MORIN.

2° ORIGINE DES TAIU.ES PARLANTES.

Dans le phénomène de la rotation des tables, les uns ne voient qu’un elfet physique résultant soit de la vibration musculaire, soit de l’émission d’un certain fluide humain analogue au fluide électrique et magnétique ; les autres veulent y reconnaître une opération extra-naturelle, l’intervention d’une force occulte, une œuvre de magie et de divination. Ceux-ci, à l’appui de leur opinion, citent un passage de Tertullien, apologiste chrétien qui vivait au deuxième siècle,

dans lequel il est question d'opérations magiques et de divination à l’aide de tables.

Voici ce passage, qui se trouve dans le. vingt-troisième chapitre de Y Apologétique contre les Gentils.

« Porro si et magi phantasmata edunt et jam dcfunctorum » inclamant animas, si pueros in eloquium oraculi eludunt ; « si multa circulatoriis prœstigiis ludunt, si et somnia imit-« tunt, liabentes semel invitatorum angelorum et dæmonum « assistentem sibi potestatem, per quos cl caprœ et mensÆ « divinare consueverunt ; quanto magis ea potestas de suo « arbitrio et pro suo negotio studeat totis viribus operari » quod alienæpræstat negotiationi... »

Ce passage est ainsi traduit dans la collection qui porte pour titre : Tertuixien et saint Augustin. Œuvres choisies avec la traduction française, publiées sous la direction de M. Nisard, professeur d’éloquence au collège de France. Paris, 1845.

« Or, si les magiciens font paraître les fantômes, s'ils évo-« quent les âmes des morts, s’ils font rendre des oracles à des « enfants, à des chèvres, à des tables; s’ils trompent les yeux « en charlatans adroits, par des prodiges apparents ; s’ils sa-ii vent même envoyer des songes par le moyen des anges et « des démons avec lesquels ils ont fait un pacte, à plus forte h raison ces esprits malins feront-ils d’eux-mêmes et pour u eux-mêmes ce qu’ils font pour des intérêts étrangers. »

On remarquera que cette traduction pêche un peu par excès de liberté, et que la singulière expression de cireuluto-riis prœstigiis n’est pas rendue.

Nous ajouterons, pour compléter la citation de Tertul-lien, qu’un commentateur de ce Père de l’Eglise fait remarquer, à propos de la divination par les tables, qu’Apollonius de Tliyane, le fameux thaumaturge païen, raconte qu’elle était usitée chez les gymnosophistes de l’Inde, qui sont, comme on sait, les prédécesseurs des derviches tourneurs qui existent encore de nos jours dans ce pays.

E. ÏIOUTTE.T.

3“ CAUSES DU MOUVEMENT DES TABLES.

Le Mémorial de Vaueluse a publié une communication de M. Farvager, sur la cause de la rotation des tables. C’est

une explication de ce phénomène fournie par un somnambule interrogé à ce sujet. Voici, dit la Patrie du 8 juin, les parties les plus intéressantes de cette explication, M. Robert, magnétiseur, ayant endormi son sujet, M. Charavet, le dialogue suivant s’établit entre eux :

« — Vous rappelez-vous les expériences qui viennent d’être faites ?

« — Oui.

« — Voyez-vous la cause et de quelle manière le phénomène se produit ?

.! Après un instant de pause, suivi d’un léger mouvement convulsif, le somnambule répond : Parfaitement.

« — Puisqu’il en est ainsi, tâchez de nous l’expliquer ?

« — Volontiers, monsieur.... 11 se recueillit un moment, puis il continua : Je vois ici que quand nous avons opéré, du moment que la chaîne a été formée, le fluide vital de chaque opérateur a circulé dans tous les nerfs, de manière que, se confondant l’un dans l’autre, ils n'ont plus formé qu’un seul fluide, de force proportionnée aux dispositions de chacun, et ce n’a été que quand ce mélange a été fait que le fluide a agi sur la table et l’a mise en mouvemeut.

« — Dites-nous comment s’opère ce mouvement?

« — C’est le fluide vital qui, mis en action par concentration de volontés, a envahi la table.

« — Quels sont les obstacles qui peuvent faire échouer l’opération?

« — Plusieurs ; ils peuvent se trouver ensemble comme être séparés ; le premier, c’est le manque de volonté ; le deuxième, le manque de force physique , et, d’autres fois, le mauvais accord dans les systèmes vitaux.

« — Y aurait-il donc des conditions à remplir pour la réussite?

« — Oui, monsieur.

« — Dites-nous quelles seraient ces conditions?

« — Chaque fois que vous choisirez des personnes de bonne volonté, en parfaite santé et en assez grand nombre, les effets que vous produirez vous étonneront.

« Le somnambule s’arrêta un moment, puis il continua : cette expérience pourrait se faire beaucoup plus forte et et plus concluante encore selon le nombre et la constitution physique des individus, mais la table touchera toujours à terre par un point.

« — On no pourrait donc pas la soulever entièrement?

_«— Cela ne se pourrait pas en opérant comme vous le faites; d’ailleurs, en fait de magnétisme, il faut agir avec le plus grand sérieux, les distractions môme sont une, cause de difficulté et de résistance; mais on le pourrait si l’on avait quatre personnes magnétisées, en les faisant procéder à l’expérience elles-mêmes ; il est certain que ces quatre personnes, dans l’état de somnambulisme, ont la force de seize; leur puissance magnétique devient quadruple, en ce qu’elles possèdent déjà leur fluide propre, puis celui de leur magnétiseur; et ce double fluide se trouve encore doublé parla ferme volonté quelles ont.

« Ne voyant alors que l’objet sur lequel on les fixe, elles peuvent produire des effets extraordinaires. Sans toucher la table, par une simple imposition des mains faite à quatre doigts de distance, ces magnétisés pourraient la tenir un moment suspendue comme par enchantement : cela paraît impossible, mais moi qui le vois, je vous assure que l’expérience réussirait. »

Il y a dans ces vues une opposition frappante avec celles qui ont généralement cours. Il serait bon d’essayer l’action ici indiquée de plusieurs somnambules au lieu de personnes éveillées; car on sait qu’ils obtiennent des effets magnétiques plus intenses. Plusieurs analogies recommandent cette expérience; si elle réussissait ce serait une grande probabilité en faveui de l’explication donnée et presque la preuve que le magnétisme est seul cause des effets attribués aux esprits.

Quant à la suspension de la table, qui serait analogue aux faits ci-dessus rapportés par RI. Tscherepanoff, rien n’en indique encore la réalité. Cette attraction verticale des hommes et des choses, bien qu’alléguée par plusieurs observateurs est loin d’ôtre démontrée. Malheureusement, les théories outrepassent toujours les faits.

HÉBERT (de Garnay).

CLINIQUE.

On lit dans le Journal de Genève :

a 11 y a deux mois à peine que le monde artistique fut frappé de douleur en apprenant le cruel accident arrivé à M. Sivori.

ci Le 22 niai, le célèbre violoniste s’était brisé le poignet, en tombant de voiture dans une course aux environs de Genève, et la nature de l’accident faisait penser que les arts avaient perdu un de leurs plus dignes interprètes.

« Grâce à l’habileté de nos premiers chirurgiens, la fracture fut réduite avec une adresse extrême; pendant un mois, les précautions, les soins les plus minutieux lui furent prodigués, et le 25 juin tout appareil avait disparu; le bras était bien remis, mais il était roide, et la science osait à peine espérer que le grand artiste pût se faire entendre à la fin de 'année; le temps et les eaux d’Aix étaient les seuls remèdes conseillés.

h Grande, très-grande a donc été notre surprise, lorsque mercredi, 3 août, nous avons reçu une invitation pour une soirée musicale chez .M. Sivori, dans laquelle le célèbre violoniste devait se faire entendre.

« Lorsque M. Sivori parut tenant son violon, tous les cœurs battirent vivement, et sur chaque visage on lisait une émotion facile à comprendre.

« A peine quelques minutes s’étaient-elles écoulées, que toute crainte disparut pour faire place à la joie la plus vive, à l’étonnement le plus profond. Jamais peut-être cet archet magique n’avait versé tant d’harmonie, et rendu les cris du cœur avec une vérité tour à tour si touchante et si vigoureuse.

« lléjouissons-nous donc, car, grâce à une espèce de miracle, Sivori restera le premier violoniste que nous ayons entendu ; mais non, il n’y a point de miracle, c’est le magnétisme cpii a produit cet heureux résultat.

« M. Lafontaine, avec cette puissance magnétique qu’on ne saurait lui nier, est parvenu en un mois à rendre à ses nerfs, frappés d’immobilité, la souplesse et la force que le temps et les douches semblaient seules devoir leur rendre à la fin de l’année, a

VARIÉTÉS.

Lettre «le M. iinstnn. — Les détracteurs du magnétisme allèguent souvent queM. Hostau a désavoué sa croyance aux faits magnétiques, et qu’il y est maintenant opposé. Voici la preuve du contraire.

M. Pichard ayant appris que l’éminent professeur s’était montré sympathique au but de la Société Pliilantliropico-magnftiqve, qui se formait alors, lui écrivit pour l’engager à en faire partie. Il en reçut la réponse suivante :

« Monsieur,

« Je suis très-flatté des choses obligeantes que vous voulez bien m’adresser, je vous prie d’en agréer mes sincères re-mercîments; il est vrai que j’ai témoigné de l’étonnement de n’avoir pas entendu parler d’une Société qui renferme un aussi grand nombre de membres distingués, s’occupant d’une matière dont j’ai fait l’objet de mes recherches, mais je n’ai pu malheureusement témoigner le désir d’en faire partie, mes occupations et mes travaux m’en ôtant la possibilité. Je vous prie de nouveau, monsieur, d’agréer tous mes remercîments pour la communication et l’invitation que vous avez bien voulu me faire, et de croire à mes sentiments de haute considération.

« rostan. »

Cbroniqne__La grande nouvelle du jour est la mise en

scène du somnambulisme, dans un drame intitulé : lu Moissonneuse , qui se joue au Théâtre-Lyrique.

11 s’agit d’un des abus auxquels le magnétisme peut donner lieu. Cagliostro voulant s’emparer du trésor d’un fermier, endort une servante pour se faire indiquer la cachette, et puis l’oblige elle-même à dérober la précieuse cassette.

Le tout est parfaitement joué, et ceux de nos amis qui

ont vu cette pièce sont tous d’avis quelle fera plus de bien que de mal à la cause magnétique.

Revue de» Journaux. —M. Pliilarète Chasle, rendant compte, dans le Journal des Débats, du 16 avril, de quelques ouvrages allemands et anglais, sur les Esprits, jette la pierre au magnétisme, sur lequel s’appuient les auteurs de ces écrits. Peu important.

— Voici un extrait du Pays, du 5 mai, relatant une série d’escroqueries commises par un prétendu magnétiseur, qui était aussi un faux médecin.

« Depuis quelques mois, il n’était brait, dans la ville de Marseille, que des prouesses médicales d’un docteur exotique tombé des nues un beau matin au milieu de la Cannebière ; noble comme Cagliostro, mystérieux comme Mesmer, et parfois facétieux comme le Dr Isambard. Du reste, il exerçait en grand seigneur l’art de guérir, et s’il acceptait des marques exagérées de la reconnaissance de ses clients, c’était seulement dans le cas où, ce qui du reste souvent lui arrivait, il triomphait des affections rebelles devant lequelles avaient échoué les plus habiles praticiens. Le comte de L.... (c’était le nom qu’il se donnait) ne s’abaissait pas à traiter de vulgaires altérations de la santé ; il lui fallait une lutte avec le génie de la destruction, et quand, pour le combattre, les ressources de la science lui manquaient, il avait recours à, celles de l’extra-monde, avec lequel il était, disait-il, en communication perpétuelle.

« La vue à distance à travers les corps opaques, le déplacement, l’interversion des sens, la communication instantanée de la pensée sans le secours d’aucun signe extérieur, l’anesthésie extatique provoquée par un geste, le sommeil surnaturel imposé par un regard, la locomotion donnée aux objets inanimés, aux tables, aux chaises, tout cela n’était pour lui que bagatelles. On disait même qu’il avait trouvé le moyen de séparer à volonté son âme de son corps. Au dernier coup de minuit s’opérait la disjonction. Délivrée de sa prison, l’âme s’envolait et commençait un merveilleux voyage à travers les sphères célestes. Au point du jour, elle revenait, chargée d’un bulletin intellectuel, reprendre possession des organes qui lui servaient d’intermédiaires avec ce monde grossier.

« Les bruits relatifs à toutes ces merveilles trouvaient sur-

tout crédit parmi les femmes. Leur organisation impressionnable les rendait singulièrement aptes à être surexcitées par les fluides dont disposait le docteur, bel homme du reste, au regard profond et fascinateur. Il savait quels étaient de ce côté ses chances de succès, et il les exploitait habilement. Les vapeurs, les diables bleus, les papillons noirs, toutes les fantasques hallucinations du sexe rêveur trouvaient en lui un complaisant exorciste. 11 ne dédaignait pas d’appliquer son omniscience à la satisfaction des plus chers désirs de ses clientes; il leur communiquait des recettes dont eût été jalouse la classique Jouvence, et, grâce à lui, elles pouvaient se livrer aux douceurs du moka sans que la fève parfumée leur enlevât aucun de leurs moyens de plaire.

« A force d’entendre vanter par leurs moitiés le comte de

I....... les maris se fatiguèrent, comme jadis les Athéniens,

d’une réputation qui, par son éclat, les plongeait dans une désagréable obscurité. Des bruits propagés par la médisance vinrent aux oreilles de l’autorité. On parla de sommes considérables extorquées à des malades timorés, d’accidents graves dus à l’ingestion de médicaments dangereux, d’attentats aux mœurs, etc. Le commissaire central fut invité à faire une visite au célèbre docteur. Dans le cours de la conversation, le magistrat exprima le désir de savoir par quelle faculté avait été reçu un homme de ce mérite, et de voir le diplôme constatant cette acquisition si précieuse du corps médical. La pièce lui fut courtoisement exhibée. Elle paraissait parfaitement en règle ; mais le commissaire concevant in petto quelques doutes sur son authenticité, demanda la permission de l’emporter, afin de justifier de l’exécution du mandat qui lui avait été confié.

« Le diplôme fut envoyé à Paris, et il arrivait hier à la Préfecture de police. Des renseignements pris immédiatement firent reconnaître qu’il était faux et que les signatures des membres de la faculté avaient été habilement imitées au moyen d’un décalque. Un ordre d’arrestation fut aussitôt transmis par le télégraphe électrique ; mais si prompt que fût le fluide, le docteur, auquel sans doute obéissaient des agents encore plus rapides, avait déjà disparu, avec l'important butin prélevé sur la crédulité marseillaise. Cet aventurier, sur lequel pèsent les charges les plus graves, est activement recherché; mais on a lieu de craindre qu’il ne se soit glissé à bord de l’un des navires qui ont pris récemment la mer. >:

BIBLIOGRAPHIE.

—S^Î3t3^3>—

I.E MYSTÈRE DE I.A DANSE DES TABLES dévoilé par ses rapports avec les Manifestations spirituelles d'Amérique, par us Catholique.

— Brochure in-8. Paris, 1853.

Depuis quelque temps 011 n’entend parler que de tables tournantes, dansantes et parlantes, de manifestations spirituelles et de coups mystérieux, phénomènes dont chacun s’explique différemment la cause.

De tous les écrits publiés sur ce sujet, celui qui a le plus fixé mon attention, est une brochure attribuée à M. le comte D. de 11...., qui a pour titre : Le mystère de la Danse des tables dévoile, etc. Je vais en dire quelques mots.

L'auteur, après avoir rapporté un grand nombre de faits concernant les tables et les médiums, faits qu’il assimile et déclare identiques , conclut qu’ils sont l’œuvre du démon. Pour lui, si une table tourne c’est le diable qui la pousse, et si des coups mystérieux se font entendre, c'est Satan qui frappe. Plein de cette idée, qui est une conviction, il cherche à mettre le monde catholique en garde contre les pièges de l’esprit malin, et engage le clergé à se prononcer contre les phénomènes en question.

Cette appréciation d’un écrivain anonyme a pu satisfaire les rédacteurs de Y Univers; mais doit-on pour cela l’adopter sans examen? et les catholiques peuvent-ils attribuer au démon tous ces phénomènes sans les contrôler auparavant par les moyens que la religion leur offre? Suivant moi ce serait imprudent et illogique, et même pourrait être nuisible aux intérêts du catholicisme.

C’est donc pour éviter au monde catholique, auquel j’ap-

partiens aussi, le désagrément que la doctrine de l’auteur de la brochure, reçue sans examen, pourrait lui occasionner, que j’ai cru devoir prendre la plume. .Te vais indiquer à mes coreligionnaires les moyens dont ils pourront se servir pour connaître si l’esprit malin intervient ou non, directement et comme cause efficiente, dans la danse des tables et les coups mystérieux.

Tout le monde sait qu’un phénomène étant donné, en détruisant la cause reflet disparaît. Cela posé, il s’ensuit que si le diable est vraiment l’auteur de la rotation des tables, ainsi que des coups mystérieux, en le chassant du lieu où se produisent ces phénomènes, ils doivent cesser immédiatement; car comme on dit : Sublata causa, tollitur c/fectus.

Quels sont donc les moyens de mettre Satan en fuite ?

D’après l’enseignement catholique, il y en a plusieurs; les voici :

1° Saint Athanase, pour prouver aux païens la puissance du saint nom de Jésus, leur parlait ainsi :

« Que celui qui voudra l’éprouver vienne, et au seul nom de Jésus il verra que le démon fuit. »

Le nom de Jésus, dit aussi Macrobe, met en fuite les mauvais esprits.

Donc, lorsqu’une table danse, il n’y aurait qu’à proférer le nom de Jésus avec foi, et, si c’est le démon qui la fait tourner, il s’enfuirait du lieu de l’expérience, laissant le meuble immobile.

2° Saint Jean Chrysostome, dans son homélie sur l’adoration de la Croix, dit que le signe de notre rédemption chasse le démon.

Si c’est un mauvais esprit qui fait parler la table, et qui frappe mystérieusement, comme il arrive non-seulement en Amérique, mais à Paris, en faisant un signe de croix la table restera muette et les bruits cesseront sur-le-champ.

3“ D'après la doctrine catholique, l’eau bénite a la puissance de chasser les démons : Ut creatura tua, dit l’Église

dans la bénédiction ; ad abigendos detnones divinœ suœ gratte sumat effectum.

Quand une table tourne ou parle, et qu’on entend frapper sans voir personne, si Léviathan est l’agent de ces phénomènes, il suffira de jeter un peu d’eau bénite et tout rentrera dans l’ordre.

h° Les exorcismes ont une vertu toute particulière pour faire sauver le diable.

Flavius Josephe rapporte que Salomon y avait recours ; et combien Gasner n’a-t-il pas opéré de merveilles par ce moyen !

Eh bien, en exorcisant les tables dans le moment de leurs évolutions, ainsi que les murs de la salle entière où l'on entend les coups, si l’esprit malin y est, forcé de fuir par la présence des exorcismes, tout mouvement et tapage doit nécessairement cesser en vertu du principe établi ci-dessus.

C’est maintenant aux bons catholiques d’employer ces moyens pour s’assurer de l’intervention de Satan dans les manifestations dont il s’agit.

Si par quelqu’un de ces moyens on obtient que les tables s’arrêtent et que les bruits cessent, on sera sûr que ce sont des productions sataniques, et l’on devra s’abstenir de semblables opérations. Mais si on n’obtient rien , ne sera-t-on pas^en droit de regretter les conclusions de l’auteur de la brochure comme étant le résultat de l’ignorance ? (1)

Je trouve, et toute personne sensée doit penser de même, que quelqu’un qui veut prendre l’intérêt d’un parti quelconque , ne doit pas agir sans calculer les conséquences de ce qu’il entreprend.

Je sais d’avance que les moyens indiqués ci-dessus n’annuleront pas les phénomènes.

En ce cas, si le catholique anonyme veut soutenir que c’est l’œuvre du démon, le nom de Jésus, le signe de la

(1) Voir sur ce sujet les savanles lettres de M. l’abbé Almignana. TomcjV, pages 41.174 et suivantes.

croix, les exorcismes cl les autres moyens étant impuissants, sont donc de pures simagrées qui ne servent qu’à retenir le peuple dans l’ornière profonde du fanatisme ; et, par suite, la religion catholique est fausse, et tous ses adeptes sont dans l’erreur la plus grossière.

Pour moi, en qualité de bon catholique, je ne souffre rien qui attaque à tort ma religion, lorsque je puis y remédier; or c’est lui nuire que d’agir d’une manière aussi inconséquente que l’a fait la personne dont je combats la doctrine. Elle peut avoir de bonnes intentions; mais, n’ayant pas sondé le sol sur lequel elle marchait, elle s’est laissée guider par le fanatisme.

Puissent ces faibles considérations fortifier dans leur œuvre de recherches nos frères les magnétistes.

Barou DE CIIABERT.

— M. le comte Schewrin, chambellan du roi de Prusse, vient de faire une traduction allemande du Petit Catéchisme magnétique, qui doit paraître incessamment à Berlin.

Le môme ouvrage a été traduit en anglais par M. le docteur Bergevin , et va paraître à New-York. Ainsi, grâce à ces traductions, la propagande magnétique va se trouver sur le même pied en France, en Italie, en Allemagne et en Amérique.

Le Gérant : I1ÉDILHT (de Garnay).

CLINIQUE.

Hystérie. —Somnambulisme lucide survenu sous l'injluenct. de l’eau froide. — Précision.

M"° J.... A...., fille de la campagne, âgée de vingt-un ans, petite taille, trapue, fortement musclée, visage coloré, cheveux noirs, apparence de la santé la plus parfaite, intelligence naturelle, mais inculte, est entrée à l’établissement hydrothérapique de Divonne le 10 mars 1852.

Cette jeune fille est atteinte depuis plus d’une année d’une affection hystérique, avec accès épileptiformes non périodiques, pour laquelle elle a reçu des médecins éclairés de son voisinage les soins les plus affectueux. La menstruation, qui s’est établie chez elle à l’àge de quinze ans, suit toujours une marche très-régulière ; toutes les autres fonctions se font avec la plus parfaite intégrité.

Avant son arrivée à Divonne, les accès hystériques paraissaient tous les huit jours environ, et étaient ainsi caractérisés : elle éprouvait d’abord, et sans aucun motif appréciable , un sentiment de tristesse qui augmentait graduellement, puis une violente constriction vers l'épigastre ; elle y portait aussitôt les mains ; ses yeux se fermaient ; elle se levait brusquement quand elle était assise, faisait deux ou trois pas, chancelait et tombait sur le sol, les membres entièrement roidis ; la face devenait vultueuse, les mâchoires serrées, sans écume à la bouche ; les paupières s’entr'ouvraient spasmodiquement et laissaient apercevoir le globe de l’œil convulsé ; les poings étaient fermés, les pouces tournés en dedans; les membres étaient alors agités de mouvements convulsifs. Cet état durait pendant huit à dix minutes, après

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lesquelles le calme survenait brusquement : elle ouvrait les yeux, le regard ¿‘tait fixe; elle se relevait avec vivacité, regardait autour d’elle avec étonnement, et quel que soit le lieu où elle se trouvât, elle le quittait immédiatement sans proférer une parole, conservant sur sa physionomie un sentiment de tristesse et de honte inexprimable; elle se promenait quelque temps en évitant la société, et elle venait reprendre les travaux que la crise lui avait fait interrompre.

Elle a un accès hystérique semblable à celui que je viens de décrire, trois heures après son arrivée à Divonne ; le lendemain seulement le traitement commence, et je débute le matin par une friction avec le drap mouillé, et deux bains de siège froids dans la journée.

Le quatrième jour, une deuxième crise hystérique survient ; je modifie le traitement déjà indiqué, et j’ordonne l’enveloppement dans le drap mouillé, suivi d un lavage à 18“, plus deux bains de siège à 18° et d’une durée d un quart d’heure, avec l’injonction de diminuer chaque jour la température de l’eau et la durée du bain.

Ce traitement continue pendant plus d’un mois sans qu aucune crise se manifeste.

Tout à coup, et sans pouvoir y rattacher aucune cause, les crises reparaissent périodiquement tous les soirs à.huit heures, au milieu de son souper; mais déjà avec quelques modifications dans leurs formes et dans leurs caractères ; c’est-à-dire que, pendant la crise qui commence et se termine à peu près comme les précédentes, elle répond nettement aux questions qu’on lui adresse, et le calme de sa voix n’est nullement en rapport avec l’agitation générale de son corps. Dès ce moment elle a une horreur invincible poulies personnes du sexe féminin qui l’approchent. Appelé aussitôt près d’elle, je la trouve étendue au milieu de la salle à manger ; je fais éloigner, sur sa demande impérieuse, toutes les femmes qui lui portaient secours ; ces dernières se retirent dans le corridor voisin, d’où je suis bientôt forcé de les renvoyer encore, parce que, même à cette distance, la malade ne peut les supporter.

J...., toujours étendue sur le sol, agite tousses membres et pousse des cris désordonnés ; le pouls est calme et naturel. Je lui applique la main droite sur l’épigastre, presque à l’instant môme le calme reparaît : le globe de l’œil reste toujours convulsé, la face est pourpre; les membres, qui étaient roides avant l’application de la main, sont détendus ; je lui adresse quelques paroles d’un ton bref et énergique, elle me répond avec précision; je lui ordonne de se lever, de s’appuyer sur mon bras, elle obéit : la crise continue; et pendant qu’elle semble ainsi domptée par la force de ma volonté, je la fais marcher, non sans peine, jusqu'à sa chambre distante d’une centaine de pas du lieu où nous nous trouvons.

Cette crise, d’un caractère nouveau, dure jusqu’au lendemain à neuf heures, et je ne puis quitter la malade le soir qu’en lui promettant de fermer sa porte en dehors et d’emporter la clef sur moi, afin qu’elle reste entièrement seule, à l’abri surtout des personnes qui lui sont antipathiques.

Traitement. Enveloppement dans le drap mouillé, suivi de la grande piscine ; — douche en pluie générale, d’une durée de deux minutes ; — bains de siège à courant continu, de cinq minutes ; — pédiluve froid de trois minutes;

— deux lavements froids dans la journée, et application jour et nuit de la ceinture môuillée recouvrant le plexus solaire et les deux hypochondres. Ce dernier appareil est renouvelé quatre fois par jour; — régime habituel, avec privation de boissons et d’aliments excitants.

Pendant trois semaines environ, des crises semblables à celle dont je viens de parler se renouvellent tous les soirs, et pendant toute leur durée la malade ressent pour diverses personnes des deux sexes des antipathies et des sympathies inexplicables. Vers le milieu de cette période, il survint un nouveau et curieux phénomène : toutes les personnes qui auparavant lui étaient sympathiques, qui pouvaient l’approcher pendant ses crises lui deviennent subitement antipathiques.

Après ces trois semaines écoulées, les accès changent en-

core de nature et présentent un autre ordre de phénomènes ; ainsi, à huit heures du soir, la crise se présente comme à l’ordinaire, mais avec les caractères suivants :

Vers 1? (U du souper, J.... se met soudain à rire aux éclats pendant cm ¡ron cinq à dix minutes; elle agite ses membres convulsivement; ses yeux se ferment, le globe de l’œil se convulse ; elle frappe avec violence sur la table qui est devant elle; son rire est parfois entrecoupé de paroles brèves, saccadées, cl souvent d’invectives contre les femmes qui mangent à la même table qu’elle : le rire cesse tout à coup ; elle se lève spontanément, sort de la salle avec précipitation et se promène dans le parc en présentant tous les phénomènes du somnambulisme lucide.

C’est dans ce moment qu’elle prédit, sans qu’on l’ait nullement questionnée à cet égard, que de nouvelles crises lui surviendront au bout de huit jours, pendant qu’elle sera dans ce même état de somnambulisme ; elle indique l’heure précise à laquelle elles se montreront, la durée et le nombre d’accès dont chaque soir se composera sa crise.

Au jour indiqué par elle, c’est-à-dire le 14 mai, à huit heures du soir, à peine est-elle entrée en somnambulisme qu’elle nous dit que la crise dont elle a parlé commencera à neuf heures, qu’il faudra la forcer à entrer dans sa chambre et à se coucher ; qu’elle refusera, mais qu’il faut insister. Elle ajoute qu’elle éprouvera un désir extrême de marcher et de courir ; qu’il sera donc nécessaire d’être près d’elle en ce moment pour l’empêcher de sortir; elle indique elle-même les endroits très-éloignés où elle se rendrait de préférence si on la laissait libre; elle ressentira, dit-elle, une attraction irrésistible pour les hauteurs, la montagne, et une répulsion pour la plaine et les lieux où se rencontre beaucoup d’eau (1).

Déjà, cinq minutes avant l’heure annoncée, elle refuse

(1) Ce phénomène singulier n’est pas nouveau pour moi ; je l’ai déjà observé souvent, à Divonne, chez d’autres hystériques, et notamment chez celle qui fait le sujet de l’observatiou 14" des Éludes pratiques sur l'hydrothérapie , page 96, année 185o.

d’entrer dans sa chambre, elle finit cependant par céder à mes sollicitations ; elle ferme elle-même hermétiquement ses volets, elle éteint la lumière et elle s’étend sur son lit. A l’heure précise, le premier accès de la crise commence; plaintes d’abord étouffées, puis cris extraordinairement aigus; les membres s’agitent, se roidissent, les pouces toujours tournés vers la paume de la main ; le corps tout entier est en proie à des soubresauts violents et alternatifs, il est tantôt courbé en arc comme dans l’opisthotonos, tantôt replié sur lui-même, comme dans l’emprosthotonos ; pendant cette agitation tumultueuse, la malade frappe le lit, les murs, et indistinctement tout ce qui l’environne ; bientôt elle veut s’élancer au dehors, je la repousse sur son lit en m’appuyant sur elle de tout le poids de mon corps, et en l’étreignant vigoureusement contre ma poitrine ; devant cette résistance, ses forces se centuplent, elle veut m’échapper. « Laissez-moi donc sortir! » dit-elle avec rage ; « je veux sortir ! >- Les bras, semblables à des barres de fer, prennent un point d’appui, tantôt sur la muraille, tantôt sur le lit, et malgré toute la force que je déploie, je ne puis la maintenir : le lit est bientôt entraîné au milieu de la chambre.

Dix minutes après, la respiration, de rare et concentrée qu’elle était, devient précipitée, haletante, puis insensiblement diminue, s’affaiblit, et l’accès se termine par un profond soupir exprimant le soulagement. Elle entre alors dans son premier état de somnambulisme et de calme; elle s’assied sur son lit et cause tranquillement avec moi de l’accès qui vient d’avoir lieu ; elle en annonce quatre autres successifs pour la même soirée, devant présenter tous la même intensité et la même durée. L’intervalle de ces accès était chaque fois de sept à dix minutes; elle pouvait toujours, sans se tromper, indiquer le moment exact de leur retour.

Après le cinquième de ces accès elle me dit :

« C’est fini ; allez-vous-en, fermez ma porte et emportez ma clef; je vais dormir tranquillement toute la nuit, et je ne sortirai de ma crise que demain matin à neuf heures. »

Pendant les intervalles qui séparaient les accès, la malade

désignait elle-même les opérations qu’elle devait faire le lendemain ; elle reconnaissait que la nature de ces crises était très-favorable, qu’elles étaient produites par l’eau froide, et que, sans ce traitement, elle ne se serait jamais guérie. Pendant la durée de son état somnanibulique, elle tutoyait indistinctement tout le monde; tout sentiment de dignité personnelle et de respect pour les autres disparaissait, elle proférait des jurons énergiques et des blasphèmes tout fait en opposition avec la bonté de son caractère naturel et la pureté de ses principes religieux.

Le lendemain, 15 mai, même'crise et même nombre d’accès; pendant un des intervalles de ceux-ci elle prédit tout à coup que la dernière aurait lieu le 10 juin ; que pendant ce laps de temps il s’en présenterait une tous les jours ; que les accès seraient variables en nombre et en durée vers le milieu de cette période, et qu’ils prendraient une intensité extrême du 3 au 10 juin. Elle ajouta qu’il fallait cesser le maillot humide, et faire exclusivement usage de deux piscines par jour ; elle fixe elle-même le 10 juin comme ternie de sa maladie, en disant qu’elle resterait encore huit jours pour continuer sa cure, mais sans avoir de crise, et que le 19 elle pourrait retourner dans sa famille.

Ces prédictions se sont réalisées de point en point; le 10 eut lieu sa dernière érise, et le 19 elle pouvait partir, quand, sur notre proposition, elle consentit à servir dans l’établissement iü»me eu qualité de femme de chambre. Elle remplit ces fonctions assez pénibles depuis plus d’une année, sans qu’aucune crise ait reparu ; elle donna même, pendant plusieurs mois, des soins assidus à d’autres hystériques sans en être impressionnée : circonstance qui seule prouverait sa guérison radicale.

Un fait important à signaler, c’est que pendant les époques menstruelles les crises et les accès étaient d’une violence encore plus grande.

Dr Paul VIDAKT, Directeur de l'établissement kydrolhéropique de Divonne (Ain),

CONTROVERSES.

TABLES MOUVANTES.

Le Journal des Débats lu 30 août contient une lettre fort importante, dont voici la teneur :

Yallevrcs (canton tic Vaud), 13 août 1853.

« Monsieur le rédacteur,

« 11 faut absolument que quelqu’un réponde à votre feuilleton du 15 juillet, sur les tables tournantes; il faut qu’avec les égards dus au mérite de M. Foucault, on puisse opposer des /ails aux assertions qu’il a émises. Ceux qu’il classe parmi les niais et parmi les illuminés ont sans doute le droit d’être entendus avant de subir leur sentence. Un droit ! je me trompe : il y a plus que cela ici, il y a un devoir à remplir, et vous l’avez certainement prévu lorsque vous avez inséré le jugement aussi expéditif que faiblement motivé qui atteint un grand nombre de vos lecteurs. A défaut de contradicteurs plus compétents , j’ose me présenter, et je croirais vous faire injure en sollicitant l’insertion de ma lettre. Votre impartialité m’en est garant.

« Le compte-rendu du 15 juillet est un réquisitoire. Après un réquisitoire, les accusés ont toujours la parole. Ce n’est pas mon affaire de discuter les opinions de M. Foucault; c’est mon affaire de protester, quand l’exposition des opinions fait place à l’appréciation des personnes. M. Foucault a parlé de « profond dégoût », de « scènes burlesques », de « comédie », de «bandes d’illuminés. » 11 a versé à pleines mains le ridicule. 11 a déploré l’imbécillité du siècle, et montré le savant, c’est-à-dire l’homme des sciences exactes, conservant seul son bon sens au milieu de ces pauvres ignorants, légistes, administrateurs, philosophes, agriculteurs, Hommes politiques, canaille, sotte espèce, qui sont la proie des illusions, des superstitions les plus honteuses, et qui ne savent ni observer ni raisonner. Rien de plus imposant que l’appréciation du représentant unique de l’intelligence humaine, qui daigne se mêler un moment à la tourbe. 11 est vrai qu’il se souvient de sa dignité : «Gardez-vous de supposer, dit M. Foucault, que le grand physicien (M. Faraday) se soit bourgeoisement m-

stallé en face d’un guéridon pour le faire tourner sons l’imposition de sa propre main. » — De su propre main.' Hélas ! c’est précisément ce qui a manqué à. M. Faraday. S’il avait poussé la condescendance envers les simples mortels jusqu’il se servir comme eux de sa propre main, il aurait peut-être évité de compromettre une belle renommée scientifique par la découverte d’une prétendue démonstration qui ne démontre rien et qui ne s’applique à quoi que ce soit.

«Permettez, Monsieur, qu’avant d’aborder les questions techniques, j’insiste sur ces observations générales. Elles ont plus d’importance que la rotation des tables, et, à vrai dire, ce sont elles qui me mettent la plume à la main. Notre époque n’est que trop livrée au despotisme des sciences positives. Elle n’est que trop disposée à réserver pour elles seules le titre de sciences. Je voudrais qu’on songeât enfin ii combattre une usurpation décidément excessive. 11 y a d’autres savants que ceux qui emploient des formules algébriques; il y a d’autres vérités que celles qui se démontrent par des théorèmes ; il y a d’autres faits que ceux qu’aperçoit le télescope ou que met à nu le scalpel ; il y a d’autres lois naturelles que celles dont les académies ont arrêté la promulgation ; il y en a qu’elles tiennent à ne pas reconnaître et qui excitent chez elles des répugances extrêmes, parce qu’elles menacent nos tendances matérialistes en étendant le domaine de l’âme et de la volonté.

« Or, qu’arrive-t-il ? Au moment où l’orgueil des sciences exactes éclate comme jamais il n’avait éclaté, au moment où elles multiplient leurs découvertes et pensent avoir pénétré tous les secrets de la création, survient une petite observation , fâcheuse, imprévue, qui ne se laisse classer dans aucune des catégories spéciales. Ira-t-on refaire les catégories pour si peu de chose? Les savants renonceront-ils à leur infaillibilité? Confesseront-ils leur ignorance et leurs limites? Non. 11 est plus simple de contester d’avance au fait nouveau le droit d’exister. 11 ne doit pas exister, donc il n’existe pas ; il n’y a pas de place pour lui dans ce monde. Les académies, qui savent tout et qui comprennent tout, ne sauraient qu’en faire. — Jugez s’il est difficile de crier haro sur lui et d’ameuter la masse des ignorants qui affichent la prétention d’être les gens semis par excellence, et dont la profession ici-bas consiste à se tenir «au gros de l’arbre», selon l’expression de Bassompierre, ne s’écartant jamais des opinions orthodoxes, affirmant d’autant plus qu’ils pensent moins, ma-

nifestant leur supériorité par un rigorisme hautain à l’égard des idées suspectes ! _

«Eh bien ! voilà ce qui me révolte. Au nom du véritable esprit philosophique, je dénonce les décisions à priori et les refus d’examen. Au nom du véritable esprit scientifique, je dénonce la prétention de repousser une chose nouvelle par cela seul qu’elle est nouvelle et qu’elle ne se range sous aucune des étiquettes convenues. Vu nom du véritable esprit de liberté, je dénonce l’oppression qu’on prétend exercer en étouffant sous les clameurs ou sous un silence concerté les découvertes qui contrarient la théorie admise. On a le droit de dédaigner, mais après avoir étudie ; le dédain qui précède l’étude s’appelle abus de pouvoir. M. Foucault y a poussé et il s’en félicite. «L’Académie des Sciences, dit-il avec l’accent « du triomphe, l’Académie des Sciences a répondu en général « par un dédaigneux silence; elle n’a pas voulu s’occuper des « communications qui lui ont été adressées à ce sujet ; elle les « a considérées comme non avenues. »

« De quel côté est la crédulité, je le demande, du côté de ceux qui ferment les yeux ou du côté de ceux qui les ouvrent, qui comparent, qui expérimentent, qui sont décidés à mettre les faits au-dessus de leurs systèmes au lieu de mettre leurs systèmes au-dessus des faits? 11 existe une crédulité négative, qu’on le sache bien. On est crédule en refusant de croire, comme on est crédule en croyant. Ceux qui s'endorment sur le commode oreiller des opinions toutes faites et qui 11e commettent jamais l’imprudence d’avoir un avis à eux sont les plus crédules des hommes.

« Les plus crédules et les moins courageux ! Nos sociétés modernes périssent faute de courage, faute de convictions indépendantes. Nous 11e conservons rien, parce que nous ne croyons à rien, et nous 11e croyons à rien parce que nous adoptons une fois pour toutes la croy ance de tout le monde. Nous n’avons jamais que les idées qu’il est de bon ton d’avoir, et nous en changeons par conséquent lorsque la mode change.

« C’est l’amour de la vérité qui nous manque. Aux yeux de l’homme qui aime la vérité, il n’y a pas de vérités indifférentes. 11 se sent pressé de défendre celles qui sont méconnues, et il le fait sans s calculer les conséquences en ce qui le concerne. O11 le jugera imprudent, 011 trouvera qu’il aurait dû se ménager, se respecter, se réserver pour des sujets plus sérieux ! Qu’importe? La défense du vrai n’est au-dessous de personne. Celui qui laisse maltraiter une vérité, si petite soit-

elle, est aussi lâche que celui qui laisse maltraiter un homme dans la nie. Nous nous devons à qui a besoin de nous.

« Vous comprenez maintenant, Monsieur, le sentiment qui me pousse à vous adresser ces lignes. Je suis aussi défiant qu’un autre; je conçois, j’honore, j’approuve la défiance en pareille matière; j’ai levé les épaules comme un autre quand on a commencé à parler des tables; j'ai refusé de croire avant d’avoir vu ; même après avoir vu, j’ai tenu à revoir, à revoir plusieurs fois, avec des précautions et un contrôle scientifiques ; j’ai écarté les expériences dont le résultat pouvait s'expliquer par une action musculaire prolongée, volontaire oit involontaire ; enfin j’ai été aussi rigoureux, plus rigoureux envers le phénomène dont il s’agit que M. Faraday et M. Foucault. Mais je n’ai pas décidé d’avance que le phénomène devait être une illusion et que ses partisans devaient être des illuminés. Telle est la différence entre leur conduite et la mienne. La différence entre les résulta ts n’a pas été moindre, et il est bien temps que je vous en dise quelques mots.

« M. Faraday ne s’est occupé que de la rotation ! c’est commode. Est-cc équitable? Quant à moi, j’ai senti qu’il était absurde de se renfermer dans l’étude d’un fait qui prêtera toujours, quoi qu’on fasse, aux interprétations les plus diverses. Quand la table tourne, il est impossible de prouver mathématiquement qu’une action musculaire inconsciente ne détermine pas le mouvement. Sans doute cela est infiniment peu probable, et ceux qui ont assisté à des expériences ou la table reste obstinément immobile, malgré la bonne volonté des assistants, malgré leurs ordres répétés et leur excitation nerveuse, tandis que d’autres fois deux ou trois minutes suffisent aux mêmes personnes pour amener une rotation énergique, ceux-là auront de la peine à admettre l’explication tirée d’une impulsion mécanique involontaire. Toutefois il suffit que le doute soit permis ; le doute doit prévaloir. Vous voyez que je suis de bonne composition.

« 11 s’agit donc de se renfermer dans un ordre de faits où l’illusion ne soit pas concevable, et où l’action involontaire soit tellement hors de cause, que l’action volontaire et la fraude elle-même ne puissent produire aucun résultat.

« Cet ordre de faits se trouve essentiellement dans l’accomplissement des ordres non exprimés.

« J’ai donc pris une table de frêne don tie plateau a 80 centimètres de diamètre, et qui est montée sur une lourde colonne du même bois, terminée par trois pieds distants entre

eux «le 55 centimètres. Elle a 6t6 mise en mouvement ; puis l’expérience décisive a commencé.

«Je dis l’expérience, je devrais dire les expériences; car ce (pie je rapporte ici a été renouvelé et vérifié bien des fois, et les expériences, séparées par des intervalles de plusieurs jours ou de plusieurs semaines, ont eu un grand nombre de témoins parmi lesquels on compte des hommes qui ne sont rien moins qu’ignorants, crédules ou illuminés.

« Voici comment nous avons procédé :

« Ou a décidé qu’afin que le fait fût concluant, il fallait que la table obéit douze fois de suite ('!), sans la moindre erreur. Un des témoins inscrivait sur un morceau de papier le nombre de coups tpie devait, selon lui, frapper la table; puis il montrait en secret le papier à celui des expérimentateurs qu’il chargeait de donner l’ordre. Toutes les autres personnes qui entouraient la table avaient les yeux fermés et ne les ouvraient qu’après la fin de l’opération. 11 était donc absolument impossible que le chiffre demandé fût connu ou soupçonné par aucune d’elles. Ce n’était pas tout : afin que la personne qui connaissait seule le chiffre ne pût pas déterminer elle-même le mouvement par une pression involontaire ou volontaire, 011 lui imposait le plus souvent la condition d’adresser son commandement au pied placé immédiatement devant elle et sur lequel, par conséquent, elle n’avait aucune action.

« Les choses étant ainsi réglées, douze nombres ont été successivement communiqués à des personnes dont l’autorité sur la table était constatée, et douze fois le pied désigné s’est levé et a frappé distinctement le chiffre qui n’était connu que d’un seul des dix expérimentateurs formant la chaîne. Ces chiffres étaient impossibles ù. prévoir ; ceux qui les écrivaient y avaient mis une malice bien naturelle. Les nombres étaient tantôt très-petits, et tantôt très-élevés. Une fois nous avons été surpris de voir que le pied demeurait immobile, malgré l’ordre qu’il venait de recevoir. L’explication ne s’est pas fait attendre : le chiffre inscrit sur le papier était zéro! Ceux (jui croient à une action involontaire voudront bien expliquer comment ces neuf personnes, persuadées que le pied devait se lever, 11e lui ont imprimé aucun mouvement, par cela seul que la dixième personne (sans action sur le

(1) « J'Indique ce chiffre douze, qui a été celui de la dernière expérience. Nous avons d'autres fois exigé le succès non interrompu de vingt, de trente commandements successifs.

pied placé devant elle) savait que son commandement correspondait au chiffre zéro.

« Nous avons voulu éprouver alors jusqu’où pouvait aller la force communiquée à la table : nous avons fait monter sur elle un homme qui pèse 87 kilogrammes ; nous avons ordonné ii la table de tourner, et après de longs délais, des tentatives, des craquements, elle y est parvenue. Nous lui avons ordonné de frapper des coups, et elle y est également parvenue; nous lui avons ordonné de se dresser entièrement et de renverser son fardeau, elle s’est dressée (1).

« Ici, qu’il me soit permis de présenter une remarque. Je ne mentionne que les faits que nous n’avons pas pu réaliser en y mettant ensuite toute notre force et toute notre mauvaise foi. Pour chaque expérience, nous avions institué ce que nous appelions te contrôle de la fraude. Nous étions décidés à considérer comme nulles toutes celles que noire action musculaire volontairement appliquée parviendrait à faire réussir. ’.’est ainsi qu’après la cessation du phénomène nous nous sommes placés autour de la même table et que l’un de nous a essayé par fraude de déterminer le pied placé devant lui à frapper le chiffre auquel il pensait. Inutiles efforts! l’immobilité a été complète. Lorsque les autres membres de la chaîne cherchaient à imprimer le mouvement, ils y parvenaient sans doute; mais alors le mouvement avait lieu même quand le nombre pensé était zéro. Nous avons ensuite combiné toutes nos forces, dans le but de faire tourner et frapper la table chargée comme je le disais tout à l’heure ; nous avons appuyé afin qu’elle se dressât, etnousn’avons pas réussi.

« Il nie semble que ceci signifie bien quelque chose. Ceux qui croiraient que la combinaison des forces involontairement exercées par des doigts qui n’ont aucune apparence de tension dépasse de beaucoup les forces volontairement exercées par des doigts qui se crispent et se roidissent pour obtenir un résultat, ceux-là nous sembleraient mériter mieux que nous l’accusation de crédulité. Ils la mériteraient surtout s’ils mettaient par dessus le marché l’exécution des ordres non exprimés au compte de «l’intégration des forces infinitésimales ! »

« Je veux appeler l’attention sur une dernière circonstance du phénomène qui nous incorpore en quelque sorte un meuble, qui le transforme momentanément en un de nos mem-

(1) Cette expérience n'a pas toujours réussi. La puissance qui varie avec les personnes, varie aussi avec les jours.

lires et qui le fait obéir à notre volonté en vertu d’une loi aussi mystérieuse que celle qui met notre corps à la disposition de notre âme et qui transmet des millions d’ordres à nos divers muscles sans que notre intelligence perçoive autre cliose que l’acte définitif seul voulu par nous et ;\ l’accomplissement duquel concourent tous les actes particuliers, actes inconscients, inexplicables, et qui n’en sont pas moins réels. Le phénomène en question n’est pas indifféremment et également produit par tout le monde. Il n’est pas davantage en rapport avec la vigueur physique, ou la force de la v olonté, ou l’excitation nerveuse de chacun. Il y a des personnes très-fortes, très-énergiques et très-nerveuses (très-convaincues, en outre), et qui ne se font guère obéir.

« Ce fait, qui me paraît de nature à renverser beaucoup d’hypothèses explicatives, nous a donné l’idée de chercher la mesure de faction exercée par chacun des expérimentateurs. Contester cette action, c’était quelque chose ; la mesurer, c’était unpasdeplus.Voicicommentnous y sommesparvenus :

« Nous avons remarqué une personne dont les commandements étaient toujours suivis d’une exécution particulièrement nette et prompte. Nous l’avons successivement mise aux prises avec chacun des autres expérimentateurs. On communiquait secrètement un chiffre élevé à son adversaire, et un chiffre plus faible à elle. L’adversaire donnait l’ordre à la table de frapper le nombre de coups pensé par lui, et il s’agissait de savoir si la personne dont je parle parviendrait à arrêter la table au chiffre qu’elle pensait elle-même. Eh bien ! sa volonté l’a toujours emporté ; toujours, au chiffre précis qui lui avait été secrètement indiqué, elle a empêché l’exécution du commandement.

« Alors nous avons essayé l’expérience inverse. Cette personne a été chargée de commander et a reçu communication des chiffres élevés, tandis que chacun des autres expérimentateurs à son tour devait s’efforcer de supprimer les coups à partir du nombre moins considérable dont 011 lui avait donné connaissance. Le résultat a été identique. Nul n’a pu empêcher la table d’obéir jusqu’au bout; mais rien n’était plus comique que la difficulté visible avec laquelle elle achevait sa tâche depuis le moment où les deux chiffres et les deux volontés cessaient de coïncider; rien 11’était plus significatif que sa vigueur, sa prestesse et son élan dès que l’on invitait

1 adversaire à cesser son opposition. On eût dit une voiture à laquelle on ôte brusquement son sabot et qui roule précipitamment sur la pente.

i Enfin on a trouvé la balance exacte des actions. A la personne la plus puissante on a opposé d’abord deux enfants qui ont été sur-le-champ vaincus, puis deux hommes qui n’ont pas mieux réussi, puis deux autres, dont l’un s’est trouvé presque en état de lutter seul. Réunis, ils ont coupé l’exécution du commandement à la limite qui leur avait été fixée.

« Je répète que tout cela s’est accompli à maintes reprises, avec des précautions minutieuses, en présence de témoins soupçonneux et qui ne se sont rendus qu’à l'évidence absolue.

d Je répète qu'on eut soin de faire adresser la plupart des commandements au pied placé devant l’expérimentateur qui connaissait le chiffre, pied sur lequel il ne pouvait agir, ainsi qu’il est aisé de le concevoir, et que nous l’avons constaté plusieurs fois.

« Je répète que les chiffres étaient communiqués à cet expérimentateur seulement, et cela par le moyen de l’écriture, afin d’éviter que le nombre des coups à frapper ne pût être soupçonné à un degré quelconque par les neuf autres personnes qui fonnaient la chaîne et qui tenaient les yeux fermés pendant la durée entière de l’opération.

« J’ai passé sous silence ce qui n’a pas un caractère scienti fique, l’imitation des airs chantés, les danses, l’exécution inimitable de l’ordre: «Frappe des coups énormes; frappe des coups très-petits, qu’on les entende à peine. » Je me suis arrêté aux faits qu’aucune complicité volontaire ou involontaire ne saurait expliquer, et qui révèlent une loi jusqu’ici inconnue, soulevant ainsi un coin du voile qui nous dérobe encore en grande partie l’organisation réelle de l’univers.

a Une loi, ai-je dit ; et en effet il ne s’agit ni de divination, ni de miracle, ni de magie. Les tables ne devinent rien, et elles savent même si peu ce que vous avez dans l’esprit, que si votre volonté ne les arrête pas au moment où se termine le chiffre pensé, elles continueront indéfiniment, frappant parfois cent, cent-cinquante coups, et plus encore. Les tables ne se meuvent pas en dehors des conditions naturelles; pour se soulever, elles ont besoin de rencontrer un point d’appui, une inégalité du parquet, et elles glissent jusqu’à ce qu’elles l’aient trouvé. Les tables ne volent pas. Les tables ne révèlent pas ce qui n’est pas dans la pensée et dans la volonté de l’expérimentateur; quand on veut les charger d’autre chose que d’obéir comme des membres, on arrive à des erreurs continuelles.

« On dirait vraiment, à entendre certaines personnes, que le mouvement des tables se rattache à des maléfices, à une

influence diabolique ! Jo tiens à leur faire connaître deux circonstances qui calmeront leurs appréhensions. D’abord l’horrible mystère ne s’accomplit qu’à la condition d’un certain nombre de rotations; c’est en tournant que la table se charge, reprend des forces quand elle est fatiguée, et se met en état il’obéir. Ceci n’est déjà pas trop infernal et ressemble bien plutôt à une loi naturelle; mais voici qui est encore mieux : au milieu des évolutions de la table, il suffît de rapprocher d elle un morceau de verre pour gêner ses mouvements, et de poser ce verre sur elle pour l’arrêter tout à fait. Quand ce verre est placé près d’un des bords du plateau,il provoque le soulèvement du bord opposé. Des magiciens qui redouteraient à ce point le contact du verre appartiendraient, 011 en conviendra, à une catégorie inconnue jusqu’ici.

v Que les chrétiens se rassurent donc ! 11 ne s’agit ni de violer la défense proclamée par Habacuc (chap. 11, versets 18,

10 et 20), où le bois n’est mentionné que dans le sens d'idoles de bois, m de renouveler les opérations condamnées par Ter-tullien (Apologétique, chap. XX111), où se trouve la phrase curieuse ; « Les magiciens envoient des songes, ayant pour « auxiliaires la puissance des anges et-des démons qu’ils invo-« quent et pur les//nets des chèvres et des tables se fort»eut à ta « divination. » 11 n’y a ici ni divination d’aucune sorte, ni anges, m démons invoqués. Le charlatanisme s’empara et s’est emparé du phénomène nouveau, comme il s'empare de tout. Qui en doute ? Mais un phénomène vrai ne devient pas faux par cela seul que des charlatans s’en emparent.

« Que les savants se rassurent aussi. Il ne s’agit pas d’échapper à 1 ordre des faits naturels, il s’agit d’en introduire un qui paraît impossible, parce qu’il est nouveau. Tout fait nouv eau sent la magie. Attendez un peu, et les Académies lui feront sa place, et, une fois casé, il nous paraîtra le plus simple du monde, aussi simple que le contact en nous delà pensée et de l’étendue , aussi simple que le retour par la terre du courant magnétique de nos télégraphes, dont le circuit se complète ainsi d’une manière inconcevable, aussi simple que la circulation du sang déclarée impossible et antiscientifique dans son temps.

« Il y a quelque chose de très-respectable, je le reconnais, dans la crainte que l’on éprouve de se laisser entraîner sur un terrain où cesserait la catégorie des faits scientifiquement observables et où l’on côtoierait le miracle. Mais avant de s abandonner à ces craintes, on aurait dû se demander d’abord s il existe un rapport quelconque entre le miracle qui

rend la vie ou la santé, et le mouvement momentané imprimé à nn meuble passif qui retombe ensuite aussi inerte que devant, puis si le phénomène des tables ne comporte aucune explication naturelle. Or, 011 conçoit des explications, et j en indiquerai une. .le n’ai pas d’ailleurs l'imprudence de la donner pour vraie; je la présente comme possible, afin de montrer que nous ne sortons pas du terrain des vérités physiques. Supposons qu’un fluide soit émis par les expérimentateurs, et principalement par quelques-uns d’entre eux; supposons que ce lluide ait un mouvement, la rotation n’en résultera-t-elle pas? Supposons que ce lluide prenne la direction que lui imprime la volonté et qu’il s’accumule dans le voisinage du pied auquel l’ordre s’adresse, le pied ne se lèvera-t-il pas ? Supposons que le fluide luie le contact du verre, le mouvement ne cessera-t-il pas lorsque le verre sera placé au centre de la table ? Et dans le cas où le verre est placé vers un des bords, le fluide 11e refluera-t-il pas vers l’extrémité opposée, de manière à la soulever immédiatement? Je n’affirme pas que les choses se passent ainsi; je dis qu’elles peuvent se passer ainsi sans miracle et sans sortilège. Le galvanisme, qui n’a rien de miraculeux, fait bien remuer des cadavres; je 11e vois pas pourquoi il serait absurde de supposer qu’un autre agent fasse remuer un morceau de bois.

« Patience I le jour viendra où M. Foucault, qui est un homme de science et de conscience, regrettera d’avoir été si vif. 11 se demandera alors quel rapport existe entre le phénomène tel qu’il est et cette prétendue réfutation de M. Faraday, qui a fait pousser tant de cris de victoire. Que démontre M. Faraday au moyen de ses disques superposés? Qu’il y a une force ? personne 11’en doute. Que nous 11e faisons pas un miracle? nous le savions vraiment bien. Que dans une rotation imprimée, les disques supérieurs précèdent les disques inférieurs? cela va sans dire. —Cela va sans dire, et cela ne prouve rien : d’abord parce que l’obliquité du mouvement n’en résulte en aucune manière ; ensuite parce que l’action oblique, fùt-elle manifestée, n’est pas mesurée; eu-fin et surtout parce que le phénomène de la rotation 11’est pas celui que nous mettons en avant, n’ignorant pas qu’il prête aux objections, et qu’une loi nouvelle demande à s’appuyer sur des faits absolument incontestables.

« Et voilà cependant la grande expérience qui a donné occasion de déclarer que tous les doutes étaient levés, qu’on pouvait enfin se débarrasser des « bandes d’illuminés» et de

leurs questions importunes ! Dorénavant on ne parlera plus, on ne répondra plus! Après cette étude si complète, qu’exami-nerait-on encore ? La Société royale de Londres, « qui n’a >i pas cru manquer à sa dignité » en s'emparant de choses paci railles, M. Faraday, «qui est quelque peu honteux et con-« fus» de s’être abaissé à une telle communication, les autres corps savants, qui n’ont rien examiné et rien dit, tous à l’unisson s’écrient par l’organe de M. Foucault: «Oliale « droit de renvoyer comme incurables tous ceux qui reste-« raient inébranlables devant cette fine analyse.... »

« Prenons-y garde, les représentants des sciences exactes risquent de devenir, autant que faire se peut aujourd’hui, les inquisiteurs de notre temps. J’ai besoin de revenir, en finissant, à cette pensée qui a été mon point de départ. Les compagnies illustres, que tout le monde respecte et pour lesquelles j’éprouve (on peut m’en croire) autant de respect que qui que ce soit, se doivent et doivent au public de veiller sur elles-mêmes. L’autorité absolue porte à la tête, et nos savants énoncent une autorité absolue. S’ils se laissaient entraîner à en abuser; si, persuadés qu’ils possèdent l’explication définitive du monde visible, ils se refusaient à l’examen des faits nouveaux qui semblent ne pas rentrer dans leur explication, ils mettraient en péril leur légitime autorité. Les faits sont plus forts que les académies. Repoussés, niés, moqués, ils n’en subsistent pas moins, et c’est avec une opiniâtreté inexorable qu’ils réclament leur place au soleil. On ne les arrête pas en leur opposant des fins de non-recevoir, des appréciations passionnées ou des réfutations dérisoires.

« Voilà ce que j’avais à cœur de dire. Le reste m’importe assez peu. Je ne tiens pas du tout à ce que les tables tournent et obéissent, mais je tiens à ce qu’aucune tyrannie n’é-toulfe aucune vérité, quelle qu’elle soit. Je tiens à combattre les procédés sommaires, et à maintenir pour ma faible part ce qui nous reste de liberté : la liberté dans le domaine de la pensée scientifique. Ce sentiment seul a pu transformer en devoir ce qui n’a été d’abord qu’une distraction. Les comptes-rendus de M. Foucault m’ont fait voir le côté moral , le côté philosophique et vraiment sérieux de la discussion. Je n’y serais pas entré à un autre titre; chacun doi faire son métier, et le mien est d’appliquer mon esprit à des études d’une nature fort différente.

« Agréez, etc.

« A. DE GASPARIN. »

ÉTUDES ET THÉORIES

DES ESPRITS.

La croyance au diable, ou aux mauvais esprits, marche de pair chez tous les peuples, avec la croyance en Dieu. Est-ce simplement une superstition, un finit de l’imagination , ou bien y a-t-il quelque chose en elle de fondé ? Pour un chrétien , la discussion, l’examen, serait une chose dangereuse pour sa foi ; car s’il mettait en doute la réalité de ce qu’admet si positivement l’Écriture, il cesserait de croire ce qu’a dit Jésus.

La science est et sera toujours sceptique, elle n’admet que les vérités démontrées; tout ce qui est de tradition, de révélation , la touche peu ; elle laisse le vulgaire aux prises avec les erreurs les plus monstrueuses, sans chercher jamais à l’éclairer; d’ailleurs, elle n’en a pas le droit, on lui a toujours contesté la discussion, l’examen même de tout ce qui touchait au dogme, et les savants aiment trop le repos pour oser franchir le cercle que la caste sacerdotale, en tous pays, a tracé autour de la science. La croyance au diable s’est fort affaiblie chez nous depuis deux siècles, et nul prêtre, aujourd’hui, n’oserait, si ce n’est dans quelque village, parler ouvertement du démon. C’est que nul d’entre eux ne sait plus comment peindre cet être mystérieux, et n’a plus sous les yeux que les traditions du passé ; les exorcismes sont devenus très-rares, tandis quautrefois le démon semblait exercer sa puissance redoutable sur un grand nombre d’humains. On vous montrait un possédé dans chaque bourgade, et nul n’était étonné de cette profusion de malheureux. Partout encore, et ouvertement, des gens proposaient aux ré-

solus de leur faire voir Satan, promettant qu’on acquérerait une grande puissance par un simple pacte avec lui.

Chacun aujourd’hui rit de bon cieur lorsque sa mémoire lui rappelle ces terribles histoires ; on 11e se doute point que )e sang humain ruisselait en Y honneur du diable, et que partout des bûchera s’allumaient au souffle des mauvais génies,

Comme nos lecteurs l’ont vu dernièrement, à propos du livre de M. le marquis de M...., on cherche à faire revivre une croyance éteinte ; si c’était pour en étudier le fondement et pour faire entrer dans le domaine de la science tous les laits d’occulte puissance, nous battrions des mains; mais il y a ici quelque chose de caché, de monstrueux projets qu’on n’ose point avouer. Le magnétisme grandit chaque jour, il prend racine ; à. tort ou à raison, 011 soupçonne que cet agent est le principe, la cause de tout fait miraculeux , et que par la suite il doit nécessairement fixer l’attention de tous les esprits élevés, qui pourraient bien expliquer un jour ce qu’on veut laisser dans l’ombre. Des hommes prévoyants, disons-nous, ont pensé que la peur saisirait les chercheurs, si on parvenait à faire croire que l’agent magnétique pourrait bien venir du malin. 11 y a tant d’imbéciles en ce monde , tant de niais, de gens stupides , qu’il serait encore possible d’empêcher l’essor d’une puissante vérité. En agitant tous les esprits faibles, ceux qui croient tout sans examen, on peut réduire au silence ce petit nombre d’hommes que la vérité éclaire, et que Dieu aj semés sur cette terre pour que les ténèbres ne la couvrent point tout entière.

11 faut donc répondre au défi que l’on jette à la raison, et montrer que l’on ne reculera point par crainte et par faiblesse ; et puisqu’il s’agit du diable, il faut dire ce qu'on en sait, et tâcher d’approcher de la vérité.

Je l’avoue franchement, cet examen me plaît, d’abord parce qu’il est nouveau, ensuite parce que le diable est de ma connaissance. Bail I vont dire certains esprits subtils, au xixe siècle, un homme ose se vanter d’avoir vu le diableI la chose est curieuse ; cet homme est fou, il faut lui ouvrir

les portes de Cliarenton. Doucement, braves gens, si 011 y mettait les sots, peut-être y seriez-vous depuis longtemps ; car ce que vous ignorez existe, ce que votre raison repousse est en puissance parmi nous, ce que vous 11e voyez pas est autour de vous ou dans votre personne, et rien 11’cst plus certain que l’existence de cet agent du real, ('.’est d’abord lui qui vous retient captif dans votre ignorance; c’est lui qui vous bouche les yeux et obstrue vos oreilles comme si vous étiez membre de quelque académie, ('.’est encore le démon qui fait taire chaque jour votre conscience, lorsqu’elle veut parler et vous faire entendre sa voix ; c’est lui qui vous rend obtus et vous fait faire tant de sottises; le pacte est ici flagrant, vous êtes serviteurs du démon, et il se sert de vous pour perpétuer les maux; vous êtes ses agents, nulle puissance humaine n’est capable de vous tirer de scs griffes !

Ah! vous parlez comme un curé, vont dire les mêmes hommes. Sans doute, cela est vrai ; mais celui-ci vous parle par réminiscence du passé ; moi je vais traduire ce qui est présent, ce que de jeunes faits révèlent. Si vous voulez vous convaincre, et sortir de votre erreur, vous n’aurez qu’à nous imiter ; dès vos premiers pas vous en saurez plus sur ce chapitre que le confesseur de votre femme, plus que toute la science moderne ne saurait vous en apprendre ; vous recouvrerez vos yeux et vos oreilles, et en sachant quelque chose de certain sur les mauvais esprits, vous comprendrez également Dieu, car ni l’un ni l’autre, je le suppose du moins, n’ont été l’objet de vos méditations.

Me voilà entré en matière par une courte préface, je trace mon chemin; comme j’ignore l’art de bien dire, j’exprime ce que je sais dans un mauvais langage. Qu’importe ! si je soutiens bien ma thèse jusqu’au bout. Les plus grands sorciers n’étaient point tous lettrés. Pour être magicien, il faut seulement comprendre, et pour voir les esprits sans corps, il ne faut posséder qu’un peu de craie et de charbon.

Ceci dit, nous allons désormais examiner les plus curieux phénomènes, et faire passer sous les yeux du lecteur ce qui

est dans notre pensée, ce qui est de nature, et nous pouvons ajouter : ce qui est de Dieu.

Quant au génie sombre et puissant qui gouverne les âmes basses et viles, qui a pour lui tout ce qui est faux , hypocrite et mensonger, tous ces hommes ;ï double visage, si sur ceux-ci Dieu a laissé effacer son image, ou peut, dans quelques cas du moins, en retrouver l’empreinte. Voilà le vrai danger de l’art nouveau. En effet, il effraie les coupables, et pour ceux-ci notre science est vraiment la science du diable.

Si tout ici était vain prestige ou illusion, il n’y aurait aucune opposition ; les Robert IIoudin,les Bosco sont parfaitement tranquilles, on ne songe point à les troubler, à les inquiéter, et le public bat des mains aux charmants tours qu’ils exécutent, quoiqu’il ne comprenne point le mécanisme qu’ils mettent en jeu, et qu’encore le surnaturel semble parfois exister, tant le succès est complet et l’illusion parfaite.

A Naples, les escamoteurs exercent leur art en pleine liberté : les magnétistes sont envoyés aux galères; en Autriche, 011 lie leur permet que sous certaines conditions l’emploi de leur moyen de guérir les maux; à Rome, nul n’oserait parler ouvertement du magnétisme.

Abrutissement de l’esprit ! rien de ce qui peut l’éclairer ! Applatir les cerveaux, courber la face afin que l’homme voie toujours comment la bôte broute et s’engraisse,’et qu’il n’é-lève jamais les yeux vers le ciel pour y chercher le vrai Dieu : voilà la maxime des faux interprètes de la Divinité.

Auguste Vérité, viens à mon aide ! laisse-toi voir et saisir par moi ; je veux peindre le pouvoir de la nature et scs enchantements réels; je veux montrer à l’homme l’étendue de sa puissance, lui indiquer ce qu'il peut faire dans l’ordre moral, le convaincre enfin que toutes les forces mortes sont à son service, et que, par son âme, il est en contact avec les immortels.

Vérité ! j’ai besoin de te sentir en moi ; souvent tu viens m’inciter à la lutte; pourquoi donc laisse-tu si souvent mon

esprit en repos? Je ne puis rien sentir sans le bouillonnement de mon sang; jusque-là je vois le mal avec indifférence; mais aussitôt qu’une chaleur vivante me monte au cerveau, je deviens sorcier, magicien ; je puis pénétrer dans l'organisation des autres êtres, en faire jaillir ce qui y est caché, et les rendre supérieurs à eux-mêmes. Voir leurs destinées n’est pour eux, dans cet instant, que la plus facile des choses ; regarder et considérer ceux qui ne sont plus leur est possible, car ils ne voient point par l’œil matériel, mais par celui des purs esprits.

0 Vérité ! j’ai besoin, pour qu’un semblable trésor ne se perde point, que tu descendes également dans le cœur de ceux qui méritent d’être élus! Ce n’est rien de produire devant la foule des phénomènes qui la surprennent et la saisissent , il faut de plus lui montrer, la convaincre que tout pouvoir vient de Dieu , que le mystère de la vie peut être perçu, et qu’enfin, l’homme étant supérieur à toute l’animalité , une autre vie l’attend après son court séjour sur cette terre.

Ne faut-il pas montrer aussi que deux puissances gouvernent les mondes, et que pour échapper à celle du mal il faut connaître ses artifices et son pouvoir ?

Si ce que je vais tracer doit seulement passer comme l'éclair, qu’au moins ceux qui ont vu les faits de mes mains soient frappés, éblouis par l’évidence, et qu’ils apprennent qu’il y a des possibilités méconnues de la science des écoles, et que dans ce que celle-ci ignore, se trouve la clef de la vérité.

On a dit : Renoncez à Satan, à ses œuvres, à ses pompes, et moi je dis qu’il faut étudier l’agent du mal pour apprécier et connaître ce qui est bien.

Baron DD POTET.

(La suite au prochain numéro.)

VARIÉTÉS.

Clii'oiiiqnc. — M. le Dr Elliotson a passé une partie de la semaine dernière à Paris. 11 a assisté à une des séances de M. du Potet.

— Les trois bustes de Mesmer, Puységur et Deleuze, viennent d’ètre offerts à l’infirmerie magnétique de Londres, par la Société du Mesmérisme de Paris.

— L’identité de nom et de profession a fait confondre l’auteur des articles signés Morin, dans nos derniers numéros , avec un magnétiste dont il a été parlé plusieurs fois dans ce Journal, et notamment tome VIII, page 267.

Notre collaborateur est l’ancien sous-préfet de Nogent-le-Rotrou ; tous les articles publiés avec ou sans cette désignation sont de lui.

— Une erreur de date qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses, existe dans la plupart des annonces qui ont été faites du prix proposé par l’Acadêmie des Sciences morales et politiques. On a imprimé que le terme extrême du dépôt des manuscrits pour ce concours, était fixé au 31 décembre 1855. C’est 1853 qu’il faut lire, comme nous l’avons dit dans le temps. Ainsi les concurrents doivent se hâter d’achever leurs travaux.

Revue des Journaux. — Le dernier numéro du Civilisateur contient l’analyse, par M",c de Lamartine, du poëme persan de Rustcm, de Firdousi. Nous y avons remarqué un passage qui se rattache aux sciences occultes.

Guirc le Vaillant, ne sachant ce qu’est devenu son fils Bijem, assemble les magiciens, les devins, les astrologues. L’un d'eux lui présente un miroir magique qui, dans de certaines conditions, avait le pouvoir d’évoquer l'image de la personne désirée, et Guive, après des cérémonies d’initiation, voit Bijem au fond de sou cachot de pierre. L’éditeur, dans une note, fait un rapprochement entre cette aventure merveilleuse, dont la scène est placée dans les premiers siècles du monde , et les procédés de la nécromancie moderne , dérivant de la découverte de Mesmer.

— Lorsque la danse des labiés était en vogue, on a publié une foule de faits et d’anecdotes dont nous avons été forcés de passer la plupart sous silence. Nous allons continuer de signaler les principaux récits des journaux en commençant par la Revue Britannique. Son numéro d’avril contient un long exposé de résultats qu’on obtient en Amérique. Cet article mérite toute l’attention des hommes sérieux.

— Un homme qui a longtemps poursuivi le magnétisme des sarcasmes de son incrédulité, M. Lireux, a demandé sou pardon en consacrant tout le feuilleton du Constitutionnel du 9 mai, à l’exposition de ce qu’il avait obtenu sur les tables et les chapeaux. C’est une des relations les mieux faites ; mais aujourd’hui elle a perdu tout intérêt d’actualité.

— D’une lettre publiée par YAssa/iblâc nationale du 8 mai, il résulte que la rotation des tables aurait eu lieu à à Joigny dès 1805, en présence de plusieurs ecclésiastiques. Ce document peut être bon à consulter.

— La Patrie du \h mai contenait une lettre de M. Louis Sœhnée, de laquelle il semble résulter que les tables devinent. Une d’elles, consultée sur l’arrivée de MM. d’Ourches et du Potet, attendus ce jour là à Wïssembourg, répond qu’ils ne viendront pas ; ce qui était vrai.

HÉBERT (de Camay).

Le Gérant : HKBIÏHT (de Garnay).

ÉTUDES ET THÉORIES.

DE LA DANSE DES TABLES.

L’existence et la cause de cc phénomène ont donné lieu à maintes discussions, dont l’écho a déjà longuement retenti dans nos colonnes. Cependant cette étude est loin d’être épuisée, et nous allons y donner suite en insérant de nouvelles pièces sur lesquelles la controverse s’établira plus tard.

1° Doutes et objections.

M. Ch. Drion, professeur de physique au collège d’Orléans , dans un article publié par le Journal du Loiret du

9 mai s’exprime ainsi sur le fond de la question :

« En présence des convictions bien arrêtées d’un grand nombre de personnes très-sérieuses et dont 011 ne saurait révoquer en doute un seul instant l’entière bonne foi, l’on nous trouvera bien hardi peut-être d’oser élever des doutes. Et cependant, nous l’avouons, nous ne croyons pas que le phénomène de la table tournante puisse être regardé comme définitivement acquis à la science. Nous ne nous arrêtons pas aux exagérations et aux plaisanteries plus ou moins spirituelles que l’on a mêlées à profusion aux faits consciencieusement observés.

« Mais nous désirons éveiller l’attention des personnes sérieuses sur la facilité avec laquelle les plus graves erreurs se glissent malgré nous dans nos observations. C’est principalement lorsqu’une expérience est entreprise avec le désir de la voir aboutir à la confirmation d’une idée préconçue, d’une loi imaginée à l’avance, que l’opérateur est entraîné,

Tome XII. — X» 1Î3. — 10 octobre 1833. 21

sans en avoir conscience, dans la direction môme du but qu’il voudrait atteindre.

« Nous avons pris part, à plusieurs reprises, à l'expérience de la rotation de la table; chaque fois cette expérience a été tentée en compagnie de personnes aussi désireuses que nous d’arriver à la vérité. Nous le dirons, le résultat a presque toujours été négatif; et lorsque l’expérience a réussi, il ne nous a pas semblé qu’elle eût été laite dans les conditions convenables. Au bout d’un temps plus ou moins long, la table éprouve une impulsion dans une certaine direction, après quoi les expérimentateurs la suivent dans la direction du mouvement commencé, et la rotation s’effectue avec une vitesse croissante.

« La première impulsion peut avoir diverses causes : la lassitude de l’une ou l’autre des personnes faisant la chaîne, un mouvement involontaire de l’une d'elles; peut-être même la table obéit-elle à un effort exercé par l’un des opérateurs, qui, désirant voir le mouvement s’effectuer dans un certain sens, incline, sans le savoir, la partie supérieure de son corps dans ce sens. Mais c’est après cette première impulsion surtout que le mode d’expérimentation nous paraît défectueux.

« Lorsqu’on cherche à suivre le mouvement commencé, il est certain qu’on le devance. En effet, les mains de la plupart des personnes qui ont fait la chaîne pendant une demi-heure au moins sont humides de transpiration ; elles ont contracté une forte adhérence avec la table, et il est facile de s’assurer que d*ans ces conditions, pour peu que l’on avance un tant soit peu d’un côté ou de l’autre, 011 entraîne la table avec soi.

« Nous voudrions que l’expérience pût être faite par des personnes qui resteraient dans une complète immobilité, et qui laisseraient glisser la table sous leurs mains, sans chercher ît la suivre dans son mouvement. Malheureusement nous n’avons jamais pu réussir en opérant ainsi, et nous serions heureux d’apprendre que d’autres ont été plus habiles.

« Malgré ces difficultés, nous nous abstenons encore d’énoncer une opinion. Nous sommes d’autant plus porté à. cette réserve, que jusqu’ici aucun corps savant n’a encore émis son jugement. Notre opinion, d’ailleurs, ne serait fondée que sur des résultats négatifs, et de pareils résultats peuvent éveiller des doutes; mais l’on 11e doit s’en servir qu’avec la plus grande circonspection pour rejeter les faits.

« Cu. drion. »

Celte appréciation tient le milieu entre la négation du fait et sa croyance; c’est moins une explication qu’une série de raisons probantes : il y manque le caractère décisif qu’impriment aux théories les convictions arrêtées.

Voici quelque chose de bien plus avancé. Nous l’extrayons de Y Union médicale, numéro du 17 mai.

2° Physique et physiologie.

« Vendredi, 13 mai.

« Monsieur le rédacteur,

« Depuis que la publicité quotidienne a souillé chez nous cet air île vertige qui entraîne autour des tables les gens même les plus sensés, nous avons réellement l’air d’une population de derviches fanatiques. C'était d’abord de la curiosité , c’est de la passion aujourd’hui, ou peu s’en faut. Vous avez eu raison , il y a huit jours, de dire qu’il fallait en parler sérieusement, comme d’une chose sérieuse. Les railleries, quelque spirituelles qu’elles soient, ne peuvent être acceptées comme des raisons, et trop de réserve de la part des personnes adonnées plus particulièrement aux recherches scientifiques serait d’autant plus regrettable, qu’elle permettrait à une idée fausse de se produire et de faire ses ravages, sous ce prétexte chimérique que les idées fausses se réfutent d’elles-mêmes.

« Examinons donc ce que c’est que ce mouvement imprimé à des corps inanimés.

« Incontestablement il est réel, et se produit toutes les fois que l’on expérimente avec patience et, qu’on me passe l’expression, avec recueillement. Quelle en est la cause ? Je la crois assez complexe ; mais il ne se rencontre dans les éléments de cette force rien d'inconnu, rien de surnaturel.

« Disons d’abord que l’on peut s’affranchir d’une précaution qui enlève déjà une partie du merveilleux. Le phénomène se produit sans que la chaîne soit nécessaire, et les mains restant entièrement isolées.

« Vous avez lu ce matin, dans le Journal des Débats, l’extrait d’une lettre de M. le professeur Chevreul à M. Ampère et son interprétation d’un phénomène exactement comparable. Il paraît qu’à l’époque, cette découverte des mouvements d’un pendule avait produit quelque émotion, puisque le savant et judicieux M. Ampère lui-même s’en inquié-

tait. L'émotion d'alors s'est passée, cl malheureusement on a tout oublié, le fait aussi bien que l’interprétation. Je dis malheureusement, parce que l’interprétation de M. C.hcvrcul est tout aussi vraie pour l'émotion actuelle que pour l’ancienne. En résumé, la voici :

« 1“ D'après l’illustre professeur, il existerait îles mome-ments musculaires en dehors de la conscience dans les muscles de la vie de relation, comme il en existe dans les m s-cles de la vie organique.

«2° L’homme, en présence d’un corps qui se meut, se trouve dans un état psychologique particulier tout, à fait en dehors des déterminations volontaires, et auquel on ne saurait résister; cet état est caractérisé par une tendance au mouvement qui nous porte irrésistiblement à sui\ re le mouvement produit sous nos yeux. C’est cette tendance qui fait que le joueur de billard suit sa bille et cherche à la conduire après l’impulsion donnée, c’est celle qui nous fait suivre l'oiseau qui vole, la pierre lancée, etc.

« Ainsi voilà deux causes bien précisées : des mouvements musculaires en dehors de la conscience communiquent une première impulsion, puis une tendance particulière nous porte à exagérer involontairement cette impulsion première.

a Dire que les expériences qui servent de base à ces conclusions ont été conduites par M. Chevreul, et que M. Ampère les accepta comme concluantes, c’est suffisamment affirmer qu’elles méritent entière confiance. L'interprétation est simple, elle est rationnelle, elle s’accorde entièrement avec les lois connues de la physique et de la physiologie; elle est donc parfaitement satisfaisante.

« Seulement, M. Chevreul me semble avoir oublié une cause de quelque importance. Elle est toute physiologique et appartient à la dynamique vasculaire. C’est èn quelque sorte la conséquence et la conclusion des travaux plus récents de MM. Isidore lJourdon, Magendie, Flourens et Poi-seuille. — La voici mise en action.

« Lorsque les deux jambes sont croisées, le creux poplité de l’une sur le genou de l’autre, le pied libre n’est pas immobile : il oscille. Ses oscillations sont régulières et correspondent parfaitement aux pulsations du cœur et du pouls. Les mouvements de projection en avant ont une certaine puissance, puisqu’au dire de Sénac et de Ilaller, un poids de cinquante livres attaché au bout du pied est poussé sensiblement encore.

a Lorsqu’on tient à la main une feuille de papier ou quel-

que aulro corps léger, le bras étant demi-fléchi, on voit ce corps osciller de la même façon.

« Ces oscillations sont généralement rapportées aux pulsations des artères seules. Mais, pour peu que l'on réfléchisse un moment aux lois générales de la circulation vasculaire, il est évident que tout le système vasculaire san-guin doit participer à sa production. On peut le prouver à l'aide d’un petit appareil très-simple, et puisque le public aime à s’amuser à des expériences, je lui conseille celle-ci, qui met en quelque sorte les battements du cœur sous les yeux.

« On prend un petit bocal à large ouverture. On choisit un bouchon peu épais, capable de fermer hermétiquement ; puis 011 perce ce bouchon de deux trous. L’un est destiné au pouce, qui doit s'enfoncer aussi profondément que possible dans le bocal, et à frottement : l’autre donne passage à un petit tube de 1 millimètre de diamètre, à peu près, et de 10 à 15 centimètres de longueur.

« Cela fait, on remplit le bocal d’eau tiède, et on enfonce le pouce, en ayant soin qu'il ne reste pas d’air dans le bocal. Ceci est facile, et l’on prend la précaution de faire que l'extrémité intérieure du petit tube affleure le bouchon, parce qu’alors l’air s'échappe avec le trop plein du bocal.

« Si le liquide ne fuit pas, voici ce que l’on observe : la colonne de liquide contenue dans le petit tube oscille ; elle monte et descend alternativement, et chaque mouvement d’ascension correspond à, une pulsation du pouls. C'est invariable. 11 est important que la respiration soit calme; car, dans les grands mouvements de respiration, le liquide peut déborder, et dans l'inspiration suivante on court le risque de faire rentrer de l’air par suite de l’abaissement trop considérable de la colonne liquide. Dans l’expiration forcée, dans l’effort, le liquide déborde avec abondance.

« Pour rendre ces phénomènes très-évidents, il suffît d'opérer sur des portions de membres ou sur des membres entiers. En expérimentant sur la cuisse et la jambe, par exemple, on a des hauteurs d’oscillations de 15, 30 et 40 centimètres, suivant les diamètres des tubes, et l'influence de la respiration devient très-claire; alors on se rappelle forcément les mouvements puisai ifs du cerveau et les oscillations (io la colonne de liquide qui les met en évidence dans l'appareil du Dr Bourgougnon. La ressemblance est des plus complètes.

« 11 est donc infiniment plus rationnel de rapporter le

mouvement de la jambe à une turgescence des parties molles représentant la somme de toutes les dilatations vasculaires, qu’à la seule dilatation de l’artère. Mais les preuves de cette manière de voir doivent être multipliées au delà des limites d’une simple lettre, et seront mieux placées dans un travail spécial; aussi je vous demande pardon de ce petit détail personnel, et je reviens bien vite à mon sujet.

« Que ce soit par suite d’une cause ou d’une autre, le corps entier est agité de mouvements oscillatoires sous l’influence des contractions du cœur, et ces mouvements oscillatoires sont amplifiés par la respiration; deux observations très-simples peuvent servir de preuve à celle assertion. Pour les bien réussir, il suffit de s’abandonner sans gène, sans contrainte et sans le moindre parti pris, les muscles restant dans la position de repos relatif la plus grande pour l’attitude que l’on choisit.

« On s’assied sur une chaise, en se renversant en avant, de manière à ne laisser appuyer sur le parquet que les deux pieds de devant de la chaise. Les coudes reposent sur les genoux; les bras sont croisés l’un sur l’autre horizontalement. Des oscillations d’avant en arrière se manifestent presque immédiatement, et bientôt, malgré soi, on exagère l’amplitude des oscillations jusqu’à arriver quelquefois à perdre l’équilibre. Dans l'attitude debout, 011 constate de même des oscillations de la partie supérieure du corps, et on sent que le mouvement est involontaire et qu’il vous entraîne alternativement en avant et en arrière. Dans cette dernière attitude surtout, lorsque le corps est maintenu à quelque distance d’une table ou de tout autre meuble résistant sur lequel on appuie légèrement l’extrémité des doigts, le mouvement oscillatoire de tout le tronc se trahit par une légère flexion des doigts. Cette force oscillatoire doit donc aussi concourir à la production du mouvement giratoire.

« Dans les explications données ces jours derniers, on a mentionné avec juste raison une dernière catégorie de forces. Elle résulte des contractions involontaires des muscles qu’une action trop prolongée fatigue, et qui cherchent incessamment à rassurer leur équilibre. Chacun peut sentir, en effet, ces contractions involontaires et suivre leur influence à mesure que la fatigue augmente. Remarquez que c’est précisément cette fatigue qui indique aux enthousiastes que le fluide commence à se dégager. 11 faut avouer que ce fluide, qu’011 dit nerveux, est d’une nature bien bizarre : plus on en

a dépensé et plus ou est riche; c'est neuf à coup sûr. Si du moins on pouvait nous donner l’application de cette loi nouvelle à tous les usages, ce serait un vrai triomphe.

« Ainsi donc, pour nous résumer, le même individu doit être considéré comme représentant un système de foires susceptible de se décomposer en quatre forces principales. Trois d’entre elles appartiennent essentiellement à la physiologie classique. Ce sont :

« 1“ Des contractions musculaires en dehors de la conscience, comme le pense i\l. le professeur Chevreul ;

i 2° Des contractions musculaires involontaires résultant de la fatigue que produit une tension trop prolongée ;

« 3° Des mouvements oscillatoires déterminés par la force aortique du cœur, et appartenant à la dynamique vasculaire;

« h° Une dernière force qui est plutôt du domaine psychologique et qui n’est pas moins remarquable, caractérisée par M. Chevreul d'(lut particulier déterminant la disposition ou tendance au mouvement qui nous porte, malgré nous, à exagérer et à continuer le mouvement commencé par les trois autres.

> » Lorsque deux , six ou dix personnes sont placées autour d’un corps qui linit par tourner, après un certain temps d’imposition de leurs mains, ce corps peut être considéré à son tour comme sollicité par un système de forces dont la résultante lixe la direction et la vitesse. C’est ce qu’on peut appeler le système collectif, en opposition avec le premier qui serait désigné sous le nom de système individuel. Un mouvement d’abord vague est communiqué, puis ce mouvement prend un sens plus précis. C’est alors que l’on commence à l’aider, qu’on le suit malgré soi. La ronde est commencée, lente d’abord, puis elle marche, elle court, se précipite , s’accélérant incessamment. Cela rappelle parfaitement la locomotive qui, avec un poids de 15,000, traîne à sa suite un convoi de 150,000 et plus à une vitesse prodigieuse, chaque coup de piston nouveau donnant une accélération de vitesse jusqu’à la limite particulière que fixe la somme des résistances rencontrées. Le phénomène simple s’explique donc tout naturellement.

« Quant aux faits extraordinaires qui ont été vus accompagnant le phénomène, doivent-ils être discutés sérieusement? Quand le mouvement des tables aura été étudié, de façon à ce que toutes les conditions de production, causes, résistances, etc., soient appréciées rigoureusement, cette discussion pourra se faire sérieusement, s’il est encore né-

cessairo. Seulement, qu'on se rappelle bien que toutes les conditions du mouvement des corps ne sont pas encore parfaitement connues. Qui pourrait aujourd’hui, par exemple, préciser les effets des corps lancés à une grande vitesse ? Et ne savons-nous pas que les plaies produites par les projectiles des armes à feu ne peuvent être rapportées à aucune loi fixe?

i ,Te termine cette lettre, car elle est déjà bien longue ; et je 11e saurais trop vous remercier de l’extrême bienveillance qui vous porte à lin témoigner quelque valeur. Si j’ai abusé de votre obligeance, recevez-en mes sincères excuses. Que voulez-vous. il est des gens singuliers : cette récente invasion du domicile par l'illuminisme les afflige; ils ne peuvent s’accommoder de la vue d’un convulsionnaire, fût-il à Vital domestique et parfaitement apprivoisé.

«Dr PIÉGU. »

Le rédacteur de 1 ’Union, en publiant cette lettre, a fait ses réserves dans une note ainsi conçue :

( De tout ce qui a été publié sur ce sujet, dans le même sens, ce travail est celui qui me satisfait le plus. Je l’accueille donc avec empressement et plaisir. Je dois cependant déclarer, et je le fais sous ma seule responsabilité, que si les explications de M. le Dr Piégu me semblent admissibles pour un certain nombre de phénomènes, il en est d’autres, et je ne parle que de ceux que j’ai vus ou que j’ai produits moi-même, qui échappent encore à cette ingénieuse et savante interprétation.

« Auêdée LATOUR. »

3° Vibrations musculaires.

Lorsqu’un fait nouveau se présente, chacun en cherche l’explication dans la spécialité de ses connaissances. Aussi voyons-nous aujourd’hui la rotation des tables rapportée à des causes mécaniques par les physiciens, à des actions physiologiques par les médecins, et à des influences psychologiques par les philosophes. Nous venons d’entendre la théorie de l’action du cœur, en voici une autre qui fait partir le mouvement des muscles.

Los auteurs de cette hypothèse disent :

» Les tourneurs de tables et de chapeaux sont presque tous de bonne foi, mais ils se trompent. Ils croient, par un acte de leur volonté ou par une émission de fluide magnétique, faire tourner l’objet inanimé placé sous leurs mains, tandis que c’est par une action musculaire imperceptible pour tous et pour eux-mêmes, par des vibrations partant des milliers de rameaux nerveux distribués sur toute la surface de nos organes, et surtout dans nos mains et au bout de nos doigts, que ce mouvement est déterminé.

« Chacun des individus composant une chaîne autour de ia table, ayant l’esprit fortement tendu par le désir de la \oir marcher, il se produit une vibration insensible dans tous les bras ; et tous ces efforts qui, pris isolément, ne seraient rien , réunis dans un élan commun, impriment la rotation désirée. »

Tels sont, dit la Patrie, avec exactitude et dans toute leur force, les arguments sur lesquels cette explication est basée. Tout le monde, bien entendu, ne l’accepte pas; voici à ce sujet les objections faites par la Revue médicale :

« MM. de Castelnau et Corvisart affirment que le mouvement imprimé à une table n’a d’autre cause que les vibrations invisibles et involontaires du système musculaire des expérimentateurs ; la contraction prolongée des muscles se traduisant par une série de vibrations, et devenant un tremblement visible, imprimerait à l’objet le mouvement ro-tatoire.

« Nous allons présenter quelques difficultés ù, C3tte explication :

« 1° Quand on tient le bras tendu horizontalement, après deux ou trois minutes il survient, il est vrai, un léger tremblement involontaire ; mais si la main trouve un point d’appui, quelque faible qu’il soit, le tremblement en question n’a pas lieu.

« Or, dans ce cas, nous avions et un point d’appui du tronc sur les chaises, et un point d’appui de la main sur la table ou le chapeau. Les vibrations musculaires enfin peu-vent produire une vibration de la table ou du chapeau sur place, mais de mouvement circulaire et de translation, point.

« 2° La suspension du phénomène par le contact d’une personne étrangère, ignoré de l'acteur, détruit l’explication

dos effets de l’imagination aussi bien que celle «les vibrations musculaires, puisque celles-ci ne se suspendent probablement pas par l’effet d’un contact à notre insu.

« 3° Le changement de direction dans le mouvement ro-latoire, par le fait du simple changement dans les rapports des petits doigts, mine enfin la théorie de MAI. Castelnau et Corvisart.

« 11 faut donc une autre explication du fait, une autre théorie du phénomène, et nous croyons qu’il est nécessaire de chercher l’une et l’autre dans l’étude d’un fluide impondérable nouveau, ou dans les effets encore inédits des fluides impondérables connus.

« IK PIETRA SANTA. »

1“ Magnétisme animal.

Enfin, plus hardie que les autres feuilles savantes, la Presse médicale présente les considérations suivantes :

« Est-ce bieu une force nouvelle qui vient de nous être révélée ? Je crois plutôt, pour mon compte, que c’est une manifestation particulière de l’électricité vitale, déjà et depuis longtemps étudiée sous le nom de magnétisme animal. Quelle que soit la destinée de cette découverte, elle mérite assurément de fixer l’attention des savants, car nul ne saurait prévoir les applications dont elle est susceptible, (¡’est tout un monde à explorer, et c’est peut-être la clef d’une science nouvelle qui nous dévoilera les mystères jusqu’à présent impénétrables de la psychologie.

« Saluons donc avec bonheur cette ère de régénération qui s’annonce, et dont la mission sera de purifier l’humanité des doctrines matérialistes qui la détournent de sa voie ! Et puis, suivons, sans nous laisser rebuter par les obstacles, ce sillon que le hasard nous a montré. Qui sait s’il n’y a pas au bout de quoi illustrer toute une génération !

>ü' Alex. MAÏER. a

Yoilà bien des manières de voir la même chose ; quelle est la bonne ? Aucune ne rend compte de tous les effets observés. Cette insuffisance a frappé tout le monde, aussi chacun cherche-t-il quelque chose de mieux. Dans un prochain article, nous finirons l’exposé de ces différents systèmes.

UÉBEUT (de Garnay).

VARIÉTÉS.

Tribunaux. — Voici le compte-rendu détaillé d’un procès dont le Droit et la Gazelle de France du 5 courant ont donné un court aperçu :

TRIBUNAL CORRECTIONNEL I)E LYON.

Présidence de M. Bouchelal-Laroche.

Audience du 9 août 1833.

EJirLOI DU MAGNÉTISME. — ESCROQUERIE. — CABINET D'UNE SOMNAMBULE.

— LIEU PUBLIC.

L’emploi du magnétisme seul, en l'absence de tout autre fait qualifiable de manœuvres frauduleuses, est insuffisant ■pour constituer le délit d'escroquerie.

Le signalement vague et sans indication (le nom d’un tiers comme ayant volé un objet recherché, ne constitue point la diffamation.

Le cabinet d'une somnambule ne peut être considéré comme un lieu public.

Mmo Barthélémy est somnambule ; M'“* Tissot, sa mère, la magnétise.

Un sieur Vauturin, ayant perdu sa montre, vint consulter M"0 Barthélémy, et, moyennant 5 fr., reçut le signalement de l’individu qui avait dû trouver l’objet égaré.

Ces indications étaient vagues. La somnambule voyait la montre sur une planche, dans une chambre dont les fenêtres donnaient sur la rivière, et où elle avait été déposée par un homme portant lunettes et tablier de travail.

Sur ce portrait, Vauturin crut reconnaître deux ouvriers

travaillant dans la maison où il avait oublié sa montre, les sieurs Clair et Corrodon, et, assisté d’un de ses amis, le sieur Tiphaine, il alla faire ses perquisitions chez eux, sans y rien découvrir.

Ceux-ci ont porté plainte en violation de domicile et diffamation. Le ministère public s’est ému, et a poursuivi Vauturin et Tiphaine comme coupables de ces deux délits, et les femmes Tissot et Barthélémy comme coupables d'escroquerie et de diffamation publique.

Les premiers ont été défendus par M* Bacot; les secondes par M" de Peyronnv, qui avait à traiter cette question intéressante : L’emploi du magnétisme, moyennant salaire, sans autres manœuvres, constitue-t-il à lui seul l’escroquerie?

Voici le résumé des moyens principaux qu’il a présentés :

« M”“ Tissot et Barthélémy n’ont point à répondre des actes de MM. Tiphaine et Vauturin, dont la responsabilité ne saurait remonter jusqu’à elles, pas plus qu’un médecin ne pourrait être recherché pour une ordonnance, bonne en elle-même, consciencieuse, mais mal composée et exécutée sans prudence ni intelligence.

« Mes clientes n’ont donc à justifier que les faits accomplis chez elles, par elles. Le tribunal les connaît déjà. Donnent-ils lieu à la qualification d’escroquerie?

Pour résoudre cette question, il faut examiner la condition constitutive de l’escroquerie, c’est-à-dire la bonne ou mauvaise foi de l’agent.

« Qu’est-ce que le somnambulisme, le magnétisme? Comment doit l’apprécier le magistrat?

« Le somnambulisme est l’objet des rigueurs de la justice. Les poursuites sont fréquentes, elles amènent des condamnations.

« Constitue-t-il une science ? Comment trancher ce nœud scientifique?

« L’embarras est grand, et je n’en voudrais pour preuve que la diversité des textes dont on a fait l’application au même fait. Tantôt c’est l'art. 479 du Code pénal qui punit les gens faisant métier de deviner et pronostiquer ou d’expliquer les songes ; tantôt c’est l’art. /i05 qui qualifie d’escrocs et punit ceux qui « emploient des manœuvres frau-« duleuses pour persuader l’existence d’un pouvoir imagi-

Ti'.it et se font remettre des fonds, etc. ;>

x En matière d'escroquerie, tout se réduit ;ï examiner si ou non il y a bonne foi.

« Mais en fait de magnétisme, y a-t-il possibilité de bonne foi ?

« La solution dépend de l’opinion des juges sur la réalité de cet état étrange, désigné sous le nom de sommeil magnétique; n’y croyez-vous pas, et le tenez-vous d’une façon absolue, radicale, pour jonglerie et mensonge? Je n’entreprendrai pas de vous convaincre et de vous démontrer, en cette audience, pendant les quelques minutes que le nombre des causes permet seulement d’accorder à celle-ci, ce qui est vérité ou erreur ; je n’essaierai pas de traiter un sujet aussi fécond, aussi inépuisable.

« Je dirai seulement, avec la certitude d’être entendu et de voir exaucer ma respectueuse prière : S'il en est ainsi, avant de juger, étudiez; consultez les liommes et les ouvrages spéciaux, avant de vous prononcer sur un ordre d’idées aussi graves, avant de repousser dans le domaine des fables, des impossibilités et du charlatanisme, l'existence de cette puissance qui s'est révélée à des gens de bien, des savants , à de pieux personnages ; de ce qui est affirmé par les Deleuze, les Puységur et tant d’autres.

« Je ne veux pas non plus faire l’histoire du magnétisme, il faudrait remonter bien haut, car il est de tous les temps, il sort des mains de celui qui a tout créé, qui a mis en nous ce principe latent qui va d’un être à un autre.

« Je 11e vous raconterai pas la découverte de Mesmer, en 177'2, Mesmer, qui mettait eu pratique ce que les Egyptiens connaissaient et transmirent aux Grecs, qui en firent quelques-uns de leurs mystères. La chaîne ne fut jamais interrompue , et a traversé le moyen âge et ses persécutions contre les prétendus sorciers; je vous citerai seulement quelques paroles du P. Lacordaire, en pleine chaire de Notre-Dame :

« Le magnétisme est une parcelle brisée d’un grand pa-« lais ; c’est le dernier rayon de la puissance adamique des-« tinée à confondre la raison humaine et à ¡’humilier devant « Dieu; c’est un phénomène qui appartient il l’ordre pro-« phétique.

« Plongé dans un sommeil factice, l’homme voit à travers « les corps opaques, à distance, etc. »

« Et ces paroles étaient confirmées par Mgr l’archevêque de Paris, qui, s’adressant aux fidèles assemblés, dit :

« Mes frères, c’est Dieu qui a parlé par la bouche de l’il— « lustre Dominicain : allez, et répandez ces vérités! »

« Si vous admettez comme seulement possibles le sommeil magnétique et ses effets, nous arrivons sur un terrain où l’acquittement des prévenues est certain.

« En effet, plus d’escroquerie, car plus de mauvaise foi si M™ Barthélémy était réellement endormie.... Or, elle affirme qu’elle l’était; elle n’a gardé aucun souvenir de ce qu’elle a vu, fait et dit en cet état.

« La sincérité de son allégation est admissible. A l’accusation incombe la preuve de son mensonge, de la fausseté de son sommeil apparent, de la comédie qu’elle aurait jouée.

« Le ministère public non-seulement ne le prouve pas, mais n’ose pas môme l’affirmer, car il la cite devant vous pour s’être fait remettre 5 fr., en faisant croire à un pouvoir imaginaire, étant endormie ou cemic endormie du sommeil magnétique.

« Quelles sont les conséquences légales de ces prémisses ?

« C’est que nous ne rencontrons dans le fait aucun des éléments constitutifs de l’escroquerie.

« 1° Les manœuvres (article 405), c’est-à-dire combinaison d’actes et de paroles de nature à tromper une prudence ordinaire. Quelles manœuvres reproche-t-on à M"'* Tissot et Barthélémy? Aucunes. — Ont-elles attiré chez elles le sieur Vauturin ? Non, il y est venu de lui-même ; il les a cherchées sans même être guidé par ces annonces où nous voyons des somnambules s’annoncer comme lucides, très-lucides, extra-lucides.

« 2° 11 ne suffirait pas qu’il y eût manœuvres, il faudrait encore qu’elles fussent frauduleuses. Or, où est la fraude, si le sommeil est réel ou doit être tenu pour tel en l’absence de toute preuve contraire?

« Dès lors les 5 fr., prix de la consultation, sont le salaire légitime d’une peine (l’on sait la fatigue qu’impose au somnambule l’état magnétique) et d’un service rendu. Et ne voyez-vous pas tous les jours les gens les plus distingués par l’esprit et la position, magistrats et savants, aller porter cette rémunération d’un avis qu’ils réclament à cette science, comparée ici aux jongleries du magicien couvert du bonnet semé d’étoiles et armé de la baguette magique? Us la donnent en pleine connaissance de cause, et, à coup sûr, sans se croire le moins du monde victimes d’une escroquerie si facile à éviter.

« 3“ Nous sommes encore accusées d’avoir fait croire à

un pouvoir imaginaire; mais sait-on s’il est réel ou faux? C’est précisément la question. J’affirme, moi, prévenu, qu’il est réel. Je le proclame avec des autorités nombreuses, respectables; à l’accusation à prouver qu’il n’est qu’imaginaire, et ce serait le cas do lui rappeler ce certificat du commissaire de police de Montargis, disant :

« Les résultats sont si extraordinaires, qu’il serait urgent, a dans l’intérêt de la société, que les hommes attachés à la « police aient une somnambule à leur disposition pour dé-ii couvrir et punir les coupables. » h Sans croire qu’il soit nécessaire d’attacher une somnambule à chaque bureau de police, nous pensons qu’un objet perdu ou volé peut très-bien être vu dans le sommeil magnétique , à travers l’espace, et retrouvé sur les indications obtenues de cette façon.

« Ce n’est pas plus surnaturel que de lire dans un livre fermé, de décrire un appartement éloigné de cent lieues et inconnu du sujet, ce qui se fait tous les jours.

« D’ailleurs, quand Vauturin est venu me consulter, c’est que, probablement déjà, il croyait à mon pouvoir. 11 est donc venu à moi, il est arrivé tout converti. Ce ne sont ni mes manœuvres, ni mes ruses qui l’ont persuadé. Je n’ai donc point à répondre de sa foi.

« En résumé, Messieurs, du moment qu’en fait il n’est pas établi que la somnambule a feint un sommeil magnétique qu’elle n’éprouvait pas, et, parconséquent, était de mauvaise foi, vous ne sauriez voir dans ses réponses une escroquerie, car vous n’y rencontrez aucune des conditions substantielles de ce délit, ni manœuvres, ni fraude, ni persuasion d’un pouvoir imaginaire.

« Le fait ne présente aucun des caractères de ce délit tel qu’il est déféré par la loi du 17 mai 1819,

« M""’ Tissot et Barthélémy sont encore prévenues de diffamation publique.

« 1° Ont-elles désigné les plaignants? Non; Mmc Barthélémy a parlé d’un homme portant lunettes, en bras de chemise et tablier, travaillant au premier ou au deuxième étage, logeant où finit l’escalier, sur un de nos quais.

« Nous en avons quatre fort longs, on pourrait chercher parmi tous les étages de ces quatre lignes de maisons qui s’étendent des deux côtés du Rhône et de la Saône, et même en excluant les locataires qui ne font point usage de lunettes, Vauturin avait un choix assez étendu pour ne pouvoir prétendre que la somnambule lui avait désigné Clair ou Cor-

odon. Il est allé de l’un à l'autre. Lequel dos deux aurions-nous diffamé? Nous n’avons vu qu'un seul personnage? S'ils l’ont été, ce n’est donc point par nous.

« L’auraient-ils été? En quel lieu? Dans une chambre à coucher fermée à clef, ne s’ouvrant point au public: bien que les consultants, moyennant 5 fr., y soient bien reçus. On n'a jamais prétendu que le cabinet d’un médecin ou d’un dentiste, où l'on entre aussi en payant, puisse être considéré comme un lieu public dont l’accès est libre h tous. Ainsi donc, pas de publicité, élément qui seul rond punissable la di/famation.

« Conclusion : ce délit ne se rencontre pas plus dans l’espèce que celui d’escroquerie.»

Nous publierons dans un prochain numéro le texte du jugement, dont nous n’avons encore pu obtenir communication.

Le tribunal a déclaré que la prévention n’était pas suffisamment établie contre les dames Tissot et Barthélémy, et les a acquittées.

11 a condamné Tiphaine et Vauturin à deux mois de prison.

(Moniteur judiciaire de J.jon.)

\ccrolo#ic. — Un homme qui a soutenu le magnétisme avec une grande constance, et qui l’a répandu par des œuvres vives, les guérisons, vient de payer son tribut

la nature. C’est M. Boméa, notre correspondant à Valence. Un de ses amis, qui fut aussi le compagnon de ses bienfaits, rédige les notes qu’il avait prises sur ses principaux traitements, et doit nous en donner le résumé afin que le fruit de tant d’expériences ne soit pas perdu.

— Une des plus grandes gloires scientifiques de la France, A1. F. Arago, vient de mourir. Il fut, comme tant d'autres savants, hostile au magnétisme, et, cette année même, Y Annuaire du Bureau des longitudes contient un article de lui, qui est des plus injustes contre Mesmer et sa doctrine. Un de nos collaborateurs est en train de réfuter ce travail ; son appréciation fera ressortir mieux que nous ne pourrions le faire ici, l’opinion et la conduite de M. Arago à l'égard du magnétisme et du somnambulisme.

Revue des .loiiciiaus. — Nous venons de parler d’un article de M. Arago, c’est une étude sur la vie de Bailly, qui, >:onime on sait, fit un Rapport fameux sur le magnétisme. Le Moniteur /fis Hôpitaux, du 1°' février, en analysant ce travail, fait les remarques suivantes, par la plume de M. H. de Castelnau, son rédacteur en chef.

u En parlant d’imprudence et de témérité, tout le monde a compris que M. Arago faisait allusion it l’Académie de médecine, qui a décidé, par un vole solennel, qu’elle ne s'occuperait jamais de somnambulisme ou de magnétisme anima! , voulant ainsi, en se basant sur de fausses analogies, parodier en quelque sorte l’Académie des sciences, qui a décidé qu’elle ne s’occuperait jamais de la quadrature du cercle ni du mouvement perpétuel.

« Avec lui nous croyons que l’Académie de médecine a eu tort. lxs faits qui constatent l'action de l’homme sur l’homme ont sans doute été démesurément grossis, dénaturés et surtout impudemment exploités par le charlatanisme; mais enfin, dans une proportion quelconque, ces faits existent, et peuvent par conséquent être scientifiquement étudiés. En dédaignant une telle étude, un corps savant n’empêche aucun mal, et il se prive gratuitement du mérite de faire un bien réel en cherchant d’abord sans passion, en propageant ensuite la vérité.

« Aujourd’hui, dans la crainte de se perdre dans l’opinion de tous ses confrères, aucun médecin sérieux n’ose aborder l’étude des faits qui peuvent être considérés comme étant du domaine du somnambulisme; cette crainte peut être un véritable dommage pour la science. »

— M. l’abbé Moigno, en reproduisant, dans le Pays du 3 mars, toute la partie magnétique de la biographie de Bailly, par M. Arago, dit que «c’est la première fois qu’un savant «lu xix' siècle discute la grande et délicate question du magnétisme animal.» On pourrait croire, d’après cela, que Cuvier, Laplace, Berzélius, Husson, etc., n’étaient pas des savants, et que Gregory, Reichenbach, Franck et Lelut n’en sont pas non plus. Ceci prouve que M. Moigno ne connaît ni le magnétisme, ni son histoire.

— M. le Dr Donné n’aime pas le magnétisme, il en a

fourni mille preuves; cependant, comme quelqu’un encore pourrait l’ignorer, il le répète dans le Journal îles Dthaïs du 12 mars, en analysant le livre Des Hallucinations.

« Je ne m’occuperai pas, dit-il, de tout ce qui a trait au magnétisme, dans l’ouvrage de M. Brière de Boisuiont : il faudrait avant tout discuter la valeur des faits, et ce serait une trop longue besogne. A une autre époque, à propos de certaines merveilles que j’avais dû étudier de près, j’ai eu l’occasion d’exprimer mon incrédulité. M. Brière de Bois-mont professe une opinion contraire, rien de mieux, etcc n’est pas moi qui l’accuserai de folie pour cela : je respecte toutes les opinions, môme celles qui ne me paraissent pas raisonnables. »

— Nous avons vu ci-dessus le rédacteur en chef du Moniteur des Hôpitaux se prononcer en faveur du magnétisme; celui qui blâme chez les autres le refus d’examen devait tendre les bras à la vérité proscrite. 11 l’a fait, et dans le numéro du 2h mars de son journal se trouve l’exposé d’une leçon clinique de M. Gendrin, ¡\ l’hôpital de la Pitié, dans laquelle ce médecin, traitant de l’hystérie, dit, en parlant de l’extase qui l’accompagne :

«Dans quelques circonstances, les malades continuent avec une remarquable précision, pendant le cours de l’extase, les mouvements qu’elles étaient en voie d’exécuter.

« Nous pouvons, à ce sujet, citer l’exemple d’une femme que nous avons eue dans nos salles, il y a quinze ans environ. Elle était fréquemment prise de ses accès au moment de la visite, pendant qu’elle se livrait à des travaux de broderie qui faisaient son occupation habituelle. On la voyait, malgré l’extase dans laquelle elle était tombée, continuer de broder. Venait-on à interposer un corps opaque entre ses yeux et l’objet qu’elle tenait, elle poursuivait sa tâche, et exécutait d’une manière précise des mouvements automatiques qui, à n’en pas douter, s’accomplissaient sans le secours de la vision.

« Il n’est pas sans exemple que des hystériques, pendant l’extase, racontent d’une manière très-exacte tout ce qui tient à leur santé, donnent sur leurs maladies, quelque anciennes qu’elles soient, des notions très-précises, et décri-

vent les symptômes qui s’y rattachent avec beaucoup plus de netteté que dans les intervalles des attaques. Des faits de ce genre se sont produits dans des accès d’extase provoqués par les pratiques du magnétisme, et ont contribué à accréditer les croyances qui sont aujourd’hui si généralement répandues sur la puissance des somnambules lucides. »

— Le Nouvelliste de Bouen, du 12 avril, contient un très-long article intitulé : « Exploitation du somnambulisme à Paris, » dans lequel M. Henri Delaage démontre que la justice devrait sévir contre certaines gens pour qui le magnétisme n’est qu’un moyen de tromperie. Cette pensée, éminemment juste, est exprimée en ternies aussi élevés que forts et précis. Malheureusement, les écrivains de profession se laissent trop souvent aller au désir de faire de l’esprit, et, pour un bon mot, ils sacrifient tout un monde. C’est ainsi que M. Delaage a mis en épigraphe : « Je crois au magnétisme, mais non aux magnétiseurs. » On ne peut être plus impertinent ; mais telle n’est assurément pas l’intention de l’auteur, car s’il croyait qu’il n’y a parmi nous personne d’honnête, il se retirerait. Or, chacun sait que ses ouvrages sont bourrés d'éloges envers bon nombre de magnétiseurs : ce n’est donc qu’une inconséquence.

— Le Messager du Midi, du 20 juin, contient une lettre pleine de réflexions fort judicieuses, écrite par M. le docteur Roux, de Cette, sur les obstacles que rencontre la propaga-gation du magnétisme. Cette démonstration n’est pas le coup d'essai de ce médecin distingué ; il a publié ces années dernières une brochure, trop peu connue, qui résume fidèlement les plus saines notions de la science magnétique.

UÉBERT (de Camay).

BIBLIOGRAPHIE.

SAUV0NS LE GENRE HUMAIN. Ouvrage inédit, par II. Victor IIense-quis, ancien représentant du peuple.

¡1 Indépendance, belge parlait, dans un de ses derniers numéros, d'une lettre adressée à l’Empereur par un ancien membre de la Montagne, à l’effet d’obtenir la libre publication d’un ouvrage sur les tables tournantes. Ce journal a reçu à ce sujet la réclamation suivante :

Paris, 12 septembre 1853.

« Monsieur le rédacteur,

« Vous avez dit, dans votre numéro du 10 de ce mois, qu’un montagnard exilé venait d’adresser une lettre îil’Em-pereur, à propos de tables tournantes.

ii Ce montagnard n’est pas exilé, c’est moi. Il est vrai que j’ai débuté, dans mes communications avec l’autre monde, par des tables et des chapeaux, mais j’ai laissé de côté depuis longtemps ces moyens vulgaires.

« Ma main, posée sur le papier, se meut d’elle-même et répond avec la plume à mes questions. J’entends une voix dans mon oreille.

« Cette voix est celle de l'âme de ta terre. Elle m’a dicté ou inspiré un ouvrage que nous avons rédigé ensemble, principalement pendant les nuits; il contient une morale aussi sévère qu’inattendue pour moi-même. Je me suis vu initié à l’organisation générale de l’univers, à la vie des âmes, à l’astronomie que j’ignorais entièrement, révélations dont je ne puis donner qu’un avant-goût dans une publication intitulée Sauvons le genre /imnuin. ('.’est le titre choisi par l’âme de la terre.

«Si j’ai écrit à l’Empereur, c’est avant tout pour être sûr

que la circulation de cc livre 11e rencontre pas d’obstacles. J’ai fait pour des vérités, dont je 11e suis que l’intermédiaire, une démarche contraire à tous mes antécédents, mais dont je me console par le double motif qu’elle n’a été ni intéressée, ni volontaire.

« J’attends de vous, Monsieur, l’insertion do celte lettre dans \’ Indépendance belge, et je vous prie d'agréer mes civilités les plus empressées.

« VicroR HENNIÎQUIM,

11 Représentant de Saône-el-Loire. »

Voici, d’après le Journal des Débuts du 17 septembre, la lettre à laquelle XIndépendance avait fait allusion.

« Sire,

« Je m’appelle Victor Hennequin ; j’étais représentant du peuple le 2 décembre 1851.

« Je 11e me suis jamais rallié à votre gouvernement.

« Je vous écris avec l'espoir que vous nie lirez jusqu’au bout.

« Je ne vous demande ni place, ni croix, ni argent, ni faveur d’aucune espèce.

« Vous avez entendu parler des tables tournantes.

« J'ai poussé ce phénomène à ses dernières limites, et le mouvement de la table s’est changé en voix qui m’a inspiré et dicté tout un livre.

« La voix céleste m’a ordonné d’intituler ce livre : Saurons le genre humain.

« Je vous en parle pour deux motifs :

« Le premier, c’est pour réclamer de vous directement l’autorisation de le publier sans contrôle.

« Ce que M. Proudhon a fait pour lui-même, je viens le faire pour l’inspiration de Dieu.

« Le second motif de cette missive, c’est que Dieu a bouleversé toutes mes données politiques, c’est que mon livre attaque les principes les plus chers à la démocratie, qu’il soutient la cause du pouvoir en général, malgré les vives répugnances de ma nature, et que j’ai ordre de vo.us dire, h vous personnellement, que vous avez une mission providentielle.

1 Ceci n’est pas un ralliement intéressé. Je le prouve en vous demandant, ce que vous 111’accorderez sans peine, de

permettre l’impression de mon livre et ne plus vous enquérir de moi.

« Deux choses vous démontreront que je ne suis pas fou :

« Les phénomènes surnaturels, aujourd’hui multipliés de toutes parts,

« Et la lecture du livre même.

«J’ignore, Sire, les formules de la cour, et je vous prie de m’accorder, contrairement à tous les usages sans doute, la permission de finir cette lettre par mon nom seul. »

(Suit la signature).

On voit, par ces quelques phrases, que M. Hennequin est ce qu’on appelle en Amérique un medium écrivain ; sou ouvrage se rattache par conséquent à la doctrine des manifestations spirituelles. Nous aurons probablement lieu de nous occuper bientôt de cette publication.

AI.MANACH MAGNÉTIQUE, otc. ; par le Docteur Fluidus. 1 vol. in-12.

Paris, Delarue. Prix : 30 centimes.

Plusieurs almanachs pour 1854 sont entièrement consacrés au magnétisme : c’est là. un symptôme favorable qui prouve clairement que le public se préoccupe beaucoup de ce sujet, et qu’on est sûr de se faire lire en l’en entretenant.

L'Almanach magnétique est un opuscule très bienveillant, où l’on expose succinctement le but, l’origine et l’histoire du mesmérisme. L’auteur, caché sous le pseudonyme de Fluidus, est un homme de beaucoup d’esprit et d’un talent bien connu pour l’emploi des formes plaisantes et même ironiques. 11 est très-aisé de voir qu’il est animé d’une conviction sérieuse, qu’il a eu pour but de la faire partager à ses lecteurs, surtout en leur racontant des faits remarquables et décisifs, mais qu’il a pensé qu’un almanach, pour réussir, devait éviter une allure lourde et scientifique ; qu’un ton enjoué était le meilleur moyen de plaire au lecteur, et que pour le convaincre, il fallait d’abord l’amuser. Il a par-

faitenient atteint son but. Son style est clair, attachant, plein de saillies spirituelles.

I)e jolies vignettes, intercalées dans le texte, ajoutent au charme de la narration.

L’ouvrage est terminé par une courte série de dialogues fins et comiques, où l’auteur a persifllé la crédulité excessive de quelques partisans du magnétisme, et les roueries de prétendus somnambules qui exploitent effrontément l’amour du merveilleux. C’est une petite comédie de mœurs, qui se distingue par la finesse de l’observation, par le mordant de la satire et par une heureuse peinture des caractères. Nous ne pouvons qu’applaudir aux traits lancés contre le charlatanisme qui se pare du masque du magnétisme, et qui compromet la plus belle et la plus noble des causes. Loin de revendiquer pour nos alliés ceux qui ne sont animés que parla passion du lucre, et qui ne vivent que de l’astuce et du mensonge, nous applaudissons chaque fois que nous les voyons livrés au mépris qu’ils méritent.

NOUVEL ALMANACH DU MAGNÉTISEUR, par M. A. Ségoiix.

1 vol. in-18. Prix : 50 centimes.

Celui-ci est un petit manuel où l’auteur expose, en paraphrasant une partie du Caliehismc de M. Hébert, les éléments de la science magnétique. 11 a pris la forme des dialogues familiers, dans lesquels un des interlocuteurs retrace l’origine du magnétisme, indique les procédés, fait connaître quelques-unes des applications. 11 aurait pu, môme dans un cadre aussi restreint, être plus substantiel, donner des notions plus étendues et quelques développements indispensables sur certains points ; s’appuyer de faits bien authentiques, ce qui est toujours le meilleur des arguments, en un mot faire pénétrer plus avant ses lecteurs dans le sujet auquel il a voulu les initier. Venant après une foule d’auteurs de traités élémentaires, il était obligé de faire mieux qu’eux

ou au moins de racheter par le mérite de la forme ce qui manque au fond sous le rapport de l’originalité... Mais nous allions oublier que le titre d’Almanach commande l’indulgence.

Nous recommandons seulement à l’auteur, pour le cas où son livre aurait la bonne fortune d’une seconde édition (ce que nous lui souhaitons de tout notre cœur), de ne pas confondre, comme il l’a fait parmégarde, l’Académie dessciences, dont l’hostilité est bien connue à l’égard des innovations en général et du magnétisme en particulier, avec Messieurs les Quarante de l’Académie française (pages (57 et 68) auxquels on n’a jamais reproché, sans doute à tort, qu’un peu de somnolence, et qu’on n’a jamais vus du moins s’enrôler sous labannière de l’éteignoir. C’est déjà bien assez d’avoir contre nous une des classes de l’institut : que M. Ségouin n’aille pas nous brouiller avec les autres.

Disons, pour terminer cet aperçu, que l’ouvrage paraît destiné à recommander une somnambule qui sert de sujet à M. Ségoin, dans des séances qui sont également annoncées par cet almanach.

A. S. MORlN(l), ancien sous-préfet.

(1) Pour éviter toute confusion avec mon homonyme, dont il a été parlé dans le dernier numéro du Journal du Magnétisme, je prends le parti de faire précéder ma signature des iniliales de mes prénoms.

Le Gérant : HÉBfcKT (de Garnav].

INSTITUTIONS.

Société du Mcsmérlgmc de Pari*.

DU RÔLE DE LA VOLONTÉ DANS LA MAGNÉTISATION (1).

Dans les phénomènes si variés et si étonnants que présente le magnétisme, deux personnes sont en jeu : l’une exerce sur l’autre un pouvoir plus ou moins étendu, modifie momentanément son organisation, augmente, ralentit ou suspend la sensibilité, pervertit les sens et en transpose le siège, produit le sommeil, calme ou dissipe les douleurs et les infirmités, allume à son gré les passions, fait naître les sentiments les plus divers, transforme le moral, inspire des sentiments, crée chez l’individu un caractère et des actes tout différents de ceux qui se manifestent dans l’état ordinaire, fait naître des illusions, évoque les images les plus fantastiques, et en un mot commande en maître à la nature, façonne et pétrit en quelque sorte une personnalité humaine comme une pâte molle.

Cet empire prodigieux, effrayant, ne peut plus être nié; des faits multipliés, irréfragables, en démontrent la réalité. Quelle en est la nature?... A cet égard, un mystère profond nous enveloppe, et la science, malgré ses persévérantes recherches, n’a pu encore soulever le voile qui nous dérobe des secrets destinés peut-être à rester toujours impénétrables pour la débile intelligence de l’homme. Existe-t-il en nous un fluide que nous aurions le pouvoir d’émettre au de-

(1) Thèse présentée et soutenue pour l'obtention du grade de membre titulaire.

TOME XII. — N» 174. — 25 octobre 1853. 22

Iiors et de diriger en lui communiquant, suivant nos désirs, diverses propriétés? Ou bien, sans qu’un fluide particulier soit l’organe des faits magnétiques, exerçons-nous, par notre action, des vibrations sur les corps environnants, de manière leur imprimer certaines qualités?... Nous ne chercherons pas ici à résoudre cette question ardue, dont la discussion a exercé beaucoup d’esprits éminents; nous nous bornerons à examiner le rôle que joue la volonté dans l’une et l’autre hypothèse.

Deux personnes remplissant des fonctions différentes, il y a à considérer les deux volontés, chez le magnétiseur et chez le magnétisé, chez l’agent et chez le patient.

Dans la plupart des cas, la condition essentielle de l'efficacité de la magnétisation, c’est que le magnétiseur ait la volonté de produire certains effets. L’agent magnétique ne s’échappe pas de ¡notre corps à. l’instar des émanations odorantes, morbifiques ou autres, pour aller atteindre et actionner les personnes qui nous environnent. Il existe cependant des individus doués d’une organisation tellement riche que la puissance magnétique en déborde; si, sans chercher à magnétiser, et ignorant même ce que c’est que le magnétisme , ils prennent part à une scène animée, le feu de leurs regards, l’éclat de la physionomie, la vivacité des gestes seront des moyens naturels et instinctifs d’influence sur les auditeurs; et si parmi ceux-ci il s’en trouve de très-impressionnables, l’action qu’ils subiront pourra être magnétique. Mais, outre que de tels faits sont fort'rares et exigent un concours de conditions difficiles à remplir, la magnétisation qui alors a lieu est aveugle, puisqu’elle s’exerce 1 en dehors de la prévision de son auteur, et qu’aucune in- • telligence ne la dirige; ce sera quelque chose de désordonné, d’anormal, dont les conséquences sont livrées au hasard. Ce3 faits exceptionnels n’infirment donc pas le principe qui fait de la volonté le moteur et le recteur de l’action magnétique, principe que confirme l’expérience générale.

En effet, les magnétiseurs ont ordinairement recours & des passes, à des gestes qui ne sont pas uniformes partout,

ilont aucun ne peut être regardé comme indispensable, mais qui néanmoins ne sont pas indifférents, et qui, indépendamment de la valeur intrinsèque pouvant y être attachée, servent invariablement à fixer l’esprit et à maintenir tendue la force de la volonté. Qu’un magnétiseur habitué à employer certains gestes avec lesquels il réussit, s’en serve machinalement sans concentrer sa volonté sur un but, il n’obtiendra rien : il n’aura exécuté qu’une vaine pantomime ; le même insuccès lui est réservé si, agissant avec distraction, il a laissé ses idées flotter à l’abandon. Et cependant le sujet qui ne peut lire dans sa pensée, et aux yeux duquel tout se passe extérieurement, comme d’habitude, est hors d’état de discerner cette différence de procédés. On s’explique cette différence de résultats. Nous ne pouvons produire d’effets magnétiques qu’en nous mettant dans une sorte d’éréthisme qui stimule et excite l’organe mystérieux par lequel nous devenons magnétiseurs; si donc nous restons calmes, apathiques, la faculté que nous possédons reste engourdie et impuissante. C’est comme si, pour en lever un fardeau énorme et qui demande l’emploi de toutes nos forces, nous nous bornions à y poser les mains sans mettre en jeu par notre volonté l’énergie dont nous sommes capables ; notre geste resterait alors aussi stérile que celui du magnétiseur qui fait des passes sans volonté.

Ce n’est pas seulement par la réalité de l’action que se manifeste la volonté, c’est surtout par la nature de ses effets. Ainsi, qu’on veuille calmer une douleur de nerfs ou qu’on veuille amener le sommeil, on pourra à la rigueur employer les mêmes gestes pour l’un ou l’autre but. Mais la volonté suffira pour leur imprimer un caractère spécial, et elle saura se faire obéir.

Bien plus, que la volonté acquière un certain degré de force, et elle pourra seule, et sans le secours des gestes, asservir le sujet à son empire. Ainsi l’opérateur agissant même à distance, et malgré l’interposition d’un grand nombre de corps très-épais, n’aura qu’à vouloir, il produira le sommeil. Sur un geste exprimant le désir d’un spectateur,

il dirige vers le sujet les efforts de sa volonté, il l’attire , le repousse, le renverse, lui impose certains actes, met ses membres en catalepsie et exerce sur lui une domination dont il est difficile de fixer les limites.

Cet assujettissement peut même persister après la cessation de l’état magnétique. Ainsi un magnétiseur exige de son somnambule qu'à son réveil il ne puisse voir un objet placé sous ses yeux, ou qu’il éprouve un vif désir pour une chose qui précédemment lui inspirait de la répugnance , ou qu’il exécute à un moment désigné une certaine action : tout se réalisera de point en point. Et pourtant le somnambule éveillé perd le souvenir de tout ce qu’il a éprouvé pendant sa crise; il n’a conscience d'aucune impression déposée dans son esprit par le magnétiseur; il se croit affranchi de toute influence, il se flatte d’avoir reconquis son libre arbitre, d'être redevenu ce qu’il était avant d’avoir subi l’action magnétique. Eu eur ! Son être est modifié : une force inconnue, et dont il ne peut se rendre compte, continue à le faire mouvoir; celui qui naguère le dominait a cessé de fixer sur lui son regard fascinateur, il s’est éloigné, est rentré dans l’inaction; mais il a déposé une impression qui, même en son absence, assure le succès de sa volonté; l’organisme qu’il a modifié, contiuue de lui être asservi et de se plier à ses ordres irrésistibles.

L’explication de pareils faits est extrêmement ardue. Plusieurs auteurs recommandables, ne pouvant admettre que l’homme, par le jeu de ses organes, puisse acquérir une telle puissance, supposent que, dans des circonstances exceptionnelles, l’âme peut se dégager de la matière; que c’est alors qu’il s’établit entre le magnétiseur et le magnétisé un commerce purement intellectuel, et que c’est ce genre de communication qui peut rendre compte des transmissions de volonté à distance, de la lucidité des somnambules qui s’étend aux lieux les plus éloignés et aux pensées les plus secrètes, de la connaissance subitement acquise aux somnambules de sciences qu’ils n’ont point étudiées, etc.

Nous ne pouvons admettre cette explication. La nature de

l’âme est pour nous un mystère qui sans doute n'est pas près d’être éclairci ; mais la science ne peut s’appuyer suides hypothèses aventureuses et dénuées de base positive. Nous ne savons ce que c’est qu’une âme dégagée de la matière. L’homme, tel que nous le connaissons, ne peut exister sans ses organes. Les faits les plus merveilleux qu'offre le magnétisme n’ont rien de contraire aux lois de son organisation. C’est par sa volonté qu’il met ses membres en mouvement , c’est par elle aussi qu’il commande à l’agent magnétique qui est en lui, c’est par elle qu’il l’émet au dehors et le dirige, et qu’il parvient ainsi à produire sur ses semblables des impressions qui peuvent modifier leur manière d’être. Bien qu’aucun mouvement extérieur ne dénote son action, il n’en agit pas avec moins d'efficacité en employant l'organe invisible dont il dispose. Et comme il ne se passe rien dans notre esprit qui ne se traduise par des symptômes corporels, le sujet dont la lucidité est développée par l’agent magnétique, voit ces signes corporels, invisibles à nos yeux, et peut ainsi lire dans la pensée, ou 11 eu reçoit l’impression, même sans en avoir conscience.

Cette explication a l’avantage de se prêter à tous les systèmes psychologiques-; quelle que soit la nature do l’âme, à quelques destinées qu’elle soit réservée, qu’il y ait ou non des êtres purement immatériels, nous n’avons pas à nous en préoccuper : nous ramenons tous les phénomènes à une même loi, celle qui régit les faits les plus vulgaires, et elle peut suffire pour rendre compte des faits les plus extraordinaires , les plus transcendants.

Si la volonté du magnétiseur joue un rôle important, prédominant , celle du magnétisé, quoique réduite à un rôle secondaire, n’en est pas moins digne d’attention. Elle peut s’exercer d’une manière négative en contrariant l’action du magnétiseur; dans ce cas, ou elle la neutralise et rend la magnétisation impossible, ou du moins elle est un obstacle qui retarde et amoindrit les effets. Au contraire, quand la volonté du sujet seconde celle du magnétiseur, les deux forces s’ajoutent, et le succès est plus rapide et plus com-

plet. Il n’est même pas nécessaire que le sujet ait une volonté active, il suffit qu’ayant l’imagination frappée de ce qu’il regarde comme étant au pouvoir du magnétiseur, il attende comme un événement inévitable le résultat connu de lui, et le voie .accompli d’avance. Dans ce cas les dispositions du sujet peuvent prêter un concours tellement puissant qu’elles vont jusqu’à rendre superflue l’action du magnétiseur, c’est-à-dire qu’alors cette action se produira même sans la volonté de celui-ci, môme à son insu.

Ainsi, ayant magnétisé une seule fois une dame très-impressionnable , je lui promis de revenir la voir prochainement. Quelques jours après, je me rendis chez elle; je la trouvai debout, tenant son petit enfant dans ses bras. A peine eus-je le temps de m’asseoir et de m’informer de sa santé, qu’elle remit précipitamment son enfant entre les mains de son mari et tomba brusquement dans un fauteuil • elle dormait du sommeil somnambulique ; elle me déclara que ma présence avait suffi pour la mettre en cet état. Il n’y avait eu aucune volonté de ma part.

Les adversaires du magnétisme voudraient en vain arguer de ce fait et d’autres semblables, pour prétendre que les faits magnétiques, et spécialement le somnambulisme, ne sont dus qu’à l’imagination. Des expériences innombrables, mais dont la discussion nous entraînerait trop loin hors de notre sujet, prouvent la réalité des faits magnétiques, notamment quand le sujet ignore môme qu’on cherche à agir sur lui. Pour expliquer le fait que nous venons de rapporter, nous dirons que l’homme possède un agent magnétique qui, d’après sa volonté, d’après les mouvements de ses passions, peut acquérir un degré plus ou moins grand d’énergie, mais qui n’est jamais complètement oisif; môme dans le moment où nous n’avons aucunement l’intention de la mettre en œuvre et où notre puissance magnétique est réduite à ses plus faibles proportions, elle a néanmoins encore assez de force pour opérer sur des personnes extrêmement impressionnables et chez lesquelles les prédispositions favorables et la volonté fournissent un auxiliaire excellent.

Dans tous les faits du magnétisme, la volonté du magnétisé , quand elle est conforme à celle du magnétiseur, en augmente la force. Le magnétisé, amené il cet état où il commande à son organisation, peut par sa volonté produire sur lui-même des effets merveilleux qui persistent même dans son état de veille.

Puységur en cite un exemple fort curieux. Une somnambule, qu’il magnétisait, se prescrivit une herbe dont elle ne put ni articuler le nom ni faire la description ; comme on lui fit sentir la nécessité de la spécifier afin de pouvoir en faire usage pour sa guérison, elle dit à Puységur qu’ils iraient se promener ensemble au jardin, que dès qu’elle se trouverait près de l’herbe en question elle éprouverait une vive démangeaison àla main, et qu’elle serait forcée de cueillir l’herbe. Éveillée, elle perdit, comme d’habitude, tout souvenir de ce qui s’était passé dans son sommeil ; elle alla se promener au jardin avec Puységur, sans se douter même qu’elle se fût prescrit une herbe quelconque. La première fois qu’elle se reposa, elle se plaignit d’une douleur à la main, et elle se mit machinalement à cueillir une plante qui était près d’elle. On lui demanda pourquoi elle agissait ainsi; elle répondit que cette herbe lui plaisait. A chaque station, les mêmes faits se renouvelèrent, de sorte que le bouquet se trouva suffisant pour fournir le médicament indiqué. Ainsi la somnambule avait eu assez d’empire sur ses organes pour leur imprimer à l’avance des mouvements qui, au moment où ils s’accomplissaient, avaient quelque chose d’automatique , n’étant plus dirigés par une volonté actuelle.

Ce n’est pas seulement sur nos semblables que nous agissons dans le magnétisme, c’est aussi sur les corps inanimés. Cette action est de deux espèces. En magnétisant certains objets, nous en faisons des intermédiaires pour agir sur les personnes auxquelles nous les destinons. Ou bien, sans avoir en vue des personnes, nous opérons sur des corps inanimés, et nous leur imprimons des mouvements.

Le premier ordre de phénomènes fait un sujet de thèse distinct du nôtre ; cette matière a été récemment traitée avec

beaucoup de talent par un de nos collègues (1). Nous n’ajouterons rien à sa discussion lumineuse; nous nous bornerons à rappeler les admirables résultats qu’obtenait Puységur à l’aide des arbres magnétisés, et nous 11e savons pourquoi on n’aurait pas actuellement recours à un moyen auquel ont été dues des guérisons si merveilleuses.

Le second ordre de phénomènes ne date que de peu de temps, il a vivement occupé l’attention publique et a donné lieu à la polémique la plus animée. Nous n’en parlerons qu’au point de vue du rôle de la volonté.

Que plusieurs personnes posent les mains sur une table, au bout de quelques instants elle craque, elle se met à tourner; elle est alors actionnée, et des opérateurs peuvent essayer sur elle la force de leur volonté. Leurs mains continuant à être seulement posées sans imprimer aucun mouvement, la volonté de l’un des expérimentateurs suffira pour faire mouvoir la table dans tel ou tel sens, pour la faire arrêter, pour lui faire lever un ou plusieurs pieds, pour lui faire frapper un certain nombre de coups, etc. Le meuble semble alors s’être identifié à vous, être devenu momentanément un prolongement de votre corps, et obéit à votre pensée comme vos propres organes.

En présence de faits si étranges, si contraires aux systèmes scientifiques, on reste étonné, confondu, et il semble fort difficile de hasarder quelques explications. Néanmoins il nous paraît certain que le magnétisme animal joue ici un grand rôle. En effet, la chaîne des opérateurs fait naître un courant magnétique dont les effets se font sentir avec plus ou moins d’énergie ; presque toutes les personnes éprouvent la sensation du fourmillement dans les mains, quelques-unes sont agitées, d’autres tombent dans le sommeil magnétique : on eu a même vu éprouver des crises qui rappellent le baquet mesmérien. On a remarqué aussi que les personnes les plus sensibles à l’action magnétique sont en général les plus

(1) Voyez numéro 165 de ce Journal.

propres à actionner les tables. Ce qui se passe appartient donc à l’ordre magnétique.

Nous 11e parlons ici que des faits dont on peut, du moins suivant nous, rendre compte par le magnétisme. Ces faits ne sont eux-mCmes qu’un prélude pour arriver à quelque chose de bien plus élevé, à des communications avec des êtres invisibles; mais nous n'avons pas ici à traiter de cette partie des sciences occultes.

Quant au pouvoir qu’exerce la volonté dans le mouvement des tables ou autres objets inanimés, il est démontré par les faits, et, en définitive, il n'a rien qui répugne à la raison. Cependant M. Foucault, grand adversaire du magnétisme, répondant, dans le Journal des D/bats, à une lettre de M. de Gasparin, a déclaré ne pouvoir accepter l’empire de la volonté sur la matière placée en dehors de notre corps.

K Si, dit-il, la volonté seule fait mouvoir un fétu, il y aura de quoi être épouvanté. Il n’y aura pas de raison pour qu’elle ne fasse pas mouvoir une maison, une montagne, etc., et il faudra cesser de ne voir qu’une plaisanterie dans l’histoire des quatre invalides formant la chaîne pour faire tourner la colonne Vendôme, etc. »

Il est étrange que des hommes de mérite, mais imbus de préjugés, aient autant de peine à se défaire de sophismes qui ne peuvent supporter l'examen, et persistent à se traîner dans l’ornière de ce vieil argument : Cela n’était pas hier, donc cela est impossible.

Quand on veut se rendre compte de la réalité des faits, il ne faut que voir et observer, sans se préoccuper si les faits s’accordent ou non avec telle ou telle théorie. Ici, il ne s’agit que de vérifier si l’homme peut, sans imprimer aucun mouvement par son action musculaire, faire mouvoir la table suivant sa volonté. Quant à savoir ensuite si c’est par sa volonté seule, c’est l’affaire des faiseurs de systèmes. Mais jusqu’ici personne, même parmi les plus fervents partisans de la rotation des tables, n’a prétendu que la volonté agît seule. On dit seulement que ce ne sont pas les mains qui poussent, et que le mouvement est dû à une autre force. C’est là toute

la question. Le moteur peut être invisible, sans qu’il y ait de quoi s’épouvanter. M. Foucault peut se donner le plaisir d’agir par sa volonté sur un fétu : il n’aura qu’à souffler dessus pour ¡’éloigner, ou qu’à aspirer pour l’attirer; et, certes, ces résultats ne l’épouvanteront pas. C’est cependant. bien sa volonté qui les aura produits. Seulement, elle n’agit pas scide : elle emploie un fluide qui, bien qu’invisible, n’en a pas moins une existence certaine, incontestable, fluide qu’on peut peser, analyser. De même, dans le. cas des tables, notre volonté a déterminé l’émission d’un fluide invisible, moins bien connu que l’air, mais dont l’existence se manifeste par une foide de phénomènes. Un des deux cas n’est ni plus incroyable, ni plus épouvantable, ni plus surnaturel que l’autre.

Quant à demander pourquoi on ne fait pas tourner des maisons et des montagnes, il faut, pour se permettre de tels raisonnements, compter beaucoup sur les licences qu’autorise le brevet d’académicien. Vous soulevez 50 kilogrammes avec vos mains, en enlèverez-vous 500, 5,000, 50,000? Vous Êtes en état de boire un litre de liquide, boirez-vous le lac de Genève?.... Toute faculté humaine est nécessairement bornée ; et même, quand nous ne pouvons fixer le point où se trouve la borne, nous sommes en droit d’affirmer qu’elle existe. C’est, en définitive, un étrange dilemme que celui qui consiste à dire d’une puissance quelconque, qu’elle doit être infinie ou qu’elle n’existe pas.

Si la lettre de M. Foucault est le dernier mot des corps savants sur la question qui nous occupe, nous sommes en droit de dire que c’est un aveu d’impuissance : ce n’est que l’expression du dépit et de la confusion.

A. s. MORIN.

ÉTUDES ET THÉORIES!

- /T\ e

DES ESPRITS.

(Dcuxiômo Article.)

A peine avons-nous commencé notre entrée en matière sur les faits si curieux attribués généralement au diable, que des clameurs s’élèvent :

— Où allez-vous? dit-on ; vous suivez le chemin qui conduit à la folie. Évitez de tomber dans cet égarement d’esprit dont la presse vient de révéler un exemple si frappant !

— Moi, dit l’un , pour ne pas être témoin de votre défaite , je donne ma démission, je me désabonne et me dé-safectionne : je ne fais plus partie de votre cercle.

— Où courez-vous ? dit un autre ; vous sortez du magnétisme , et donnez tête baissée dans cette nouvelle folie américaine : vous faites tourner des tables ! Si le fait est certain, je me retire de vous.

Un autre encore me crie : — Je crois au magnétisme agent physique ; et lorsque vous voulez en faire sortir l’âme et son immortalité, la certitude d’une autre vie, vous choquez ma raison ; je ne puis plus vous suivre.

Ainsi, chaque pas en avant est marqué par une défection.

Mais, d’un autre côté, des esprits non moins forts nous apostrophent également.

— Que faites-vous donc ? Vous restez en arrière ! Le inonde spirituel s’explore partout, et vous ne nous en parlez point; les tables tournent sans que vous essayiez de résoudre ce problème! Vous laissez trop de côté les médiums, tandis que par eux seuls on peut apprendre

uelque chose de réel sur les êtres qui ne sont plus.

Votre magie même semble vous effrayer, et c’est avec trop de timidité que vous nous en présentez quelques résultats; si vous n'avancez, nous créerons un autre organe, que nous appellerons Y Écho du magnétisme, et qui devra contenir toutes les nouvelles.

Ah ! mes bons amis, faites votre œuvre ; mais nommez-la la Mouche du Coche, et soyez-en les rédacteurs : votre bourdonnement indique ce dont vous êtes capables.

Telle est notre position aujourd’hui. Menacé de tous côtés,

il faut sans cesse nous retourner pour faire face à des adversaires plutôt qu’à des amis.

0 divine clarté de l’âme, que viens-tu faire ici en ce siècle? Pourquoi répandre inutilement tes célestes rayons? Laisse les hommes courbés sous l’ignorance; qu’ils portent leur faix jusqu’au tombeau.

Ah ! ne prétendez point m’jmposer une règle de conduite, qui que vous soyez, magnétistes, somnambulistes. Ce que j’ai trouvé, je l’ai trouvé seul, et je ne veux rendre aucun de vous responsable de mes erreurs.

Je parlerai du diable, des anges, de Dieu même, si la fantaisie m’en prend. Et qu’importent, après tout, les objections ! n’est-il pas évident qu’aujourd’hui les idées sont portées aux recherches de tout ce qui est au delà du physique, et si la science officielle n’obéit point à cette impulsion morale, à ce besoin des âmes, devons-nous, pour plaire à quelques hommes, nous arrêter également ? Non, nous ne le ferons point, nous marcherons en avant, dussions-nous déplaire même à nos meilleurs amis.

Baron DU POTET.

(La suite au prochain numéro.)

CONTROVERSES.

1° TAM.ES et esprits.

L’Emancipation belge du 26 septembre publie, sous la rubrique de Paris, une correspondance ainsi conçue : n Monsieur le rédacteur,

« Le météore des tables tournantes est-il éteint, ou s’est-il confiné dans le sanctuaire, comme d’aucuns le prétendent? Le fait est qu’on n’en parle plus depuis qu’un grand journal a mis la sourdine sur son bulletin des sciences occultes.

« A propos de ce journal, on raconte une anecdote fort piquante, qui dénote un admirable esprit de répartie chez son propriétaire.

« Dans un cercle brillant du soir, ouvert en haut lieu, on annonçait à haute voix M. D. L. M.

« Quel bonheur ! s’écrie certaine duchesse renommée par « la finesse de ses critiques, nous allons bien nous amuser; « venez, mesdames.... »

« On entoure le nouveau venu d’une triple circonvallation , pour en faire le siège en règle. La spirituelle duchesse ouvre le feu, et d’une voix flûtée et railleuse :

«Monsieur le sénateur, vous croyez donc aux tables parlantes ?

— Moi, madame ! Qui peutm’avoir calomnié de la sorte?

— Mais vous en faites tourner, n’est-ce pas?

— Certainement, madame, j’en fais tourner, mais je n’y crois pas.

— Pourquoi donc en parlez-vous si souvent dans votre journal?

— Dame! il faut bien détourner l’attention de la question d’Orient, et puis la police me paie pour cela.

— Vraiment ! dit la dame un peu décontenancée.

— Tenez, duchesse, reprend le spirituel plastron, la table est comme le télégraphe électrique : je fais jouer l’un et je me sers de l’autre sans y croire.

— Comment! monsieur, vous ne croyez pas au télégraphe électrique?

— Non, madame.

— Mais comment supposez-vous donc que cela se fait?

— Je ne cherche pas à, l’expliquer; c’est un secret breveté sans garantie ilu gouvernement, comme le daguerréotype.

— Vous ne croyez peut-être pas non plus au daguerréotype?

— Est-ce que vous y croyez , madame ?

— Certainement, j’ai fait faire mon portrait.

— Alors, madame, je suis fâché de vous le dire, on -vous a fait poser.

— Cela est vrai, mais pendant une seule minute.

— N’avez-vous pas vu un monsieur s’enfuir dans un cabinet noir avec votre plaque?

• — En effet.

— Eh bien, c’est là que s’accomplit le mystère; car si gracieuse et si jolie que vous soyez, madame, je ne saurais croire que le soleil soit assez galant pour descendre dans un petit cabinet pour faire votre miniature.

— Mais comment expliquez-vous donc cela, monsieur le sénateur?

— Je vous l’ai dit, madame, c’est un secret que je serais bien fâché de perdre mon temps à deviner. Il y a sans doute des moyens, car moi aussi j’ai posé pour mon portrait, sans y rien comprendre, et, par conséquent, sans y croire ; car je ne crois que ce que je comprends : j’ai eu le malheur de naître sceptique comme un académicien ; dès l’âge de cinq ans j’étais voltairien fini, et quand mon maître me disait : « Mon ami, la terre tourne » ; je lui répondais sans hésiter : « Je ne le crois pas » ; car je sentais (pie la chose était impossible, absurde; je ne sais pas vraiment comment on peut s’appliquer à inculquer de pareilles erreurs à la jeunesse, car il y a de ces bonnes natures qui croient tout; quant à moi, je ne crois à rien, et j’ai toujours eu lieu de m’en féliciter. L’incrédulité est le type du libre penseur, de l’académicien et de l’homme d'Etat.

— Vraiment, monsieur, vous ne croyez pas que la terre •tourne ?

— Mais le croyez-vous, madame?

— Certainement; les savants.....

— Les savants ! les savants ! c’est possible, cela leur est permis, ils portent des pantalons; mais une femme qui se respecte, une femme qui a de la pudeur, ne devrait pas croire ¿.ces choses-là.

— Et pourquoi donc, monsieur ?

— Mais, madame, si la terre tournait, voyez un peu dans

quelle position fâcheuse vous vous trouveriez à, minuit, les pieds en l’air et les jupes......»

« Un immense éclat de rire accueillit cette plaisanterie, et le mystifié ne fut pas celui qui devait l'être. La duchesse se retira confuse dans son camp, en disant : « Il n’est pas ga-« lant, votre sénateur!» Celui-ci l’entendit, et s’avançant vers les dames, il ajouta : « Si la terre tournait, madame la « duchesse, vous ne trouveriez plus une goutte d’eau dans « vos carafes; vos puits et vos citernes se videraient... Vous « voyez donc bien qu’il est heureux que la terre ne tourne « pas. »

« Cette anecdote court Paris, et les vingt ou trente sociétés d’adeptes semblent l’avoir adoptée pour règle de conduite avec les profanes, car on ne peut plus leur arracher un mot sur ce qui se passe dans le sanctuaire. On parle cependant de révélations fort importantes, de medium que les esprits saisissent et qui écrivent des livres sous leur dictée à la façon de Swedenborg; on nous annonce un opéra, musique et paroles d’un habitant de Jupiter, qui veut faire jouer sa pièce à l’Opéra de Paris. Déjà plus d’une invention a été brevetée, que le génie de l’industrie a dictée, dit-on, aux heureux croyants.

« L’Amérique en compte déjà six cents mille, et il ne faut rien moins que huit journaux spéciaux pour desservir cette nouvelle clientèle. Nous avons vu un numéro du Spiritual telegraph, qui portait quarante et une signatures autographes des quarante et un principaux hommes d’Etat décédés des Etats-Unis, venus tout exprès d’outre-tombe pour attester leur identité par cette preuve irrécusable de leur présence aro-male, comme disait Fourier. J’ai retenu le distique suivant, dicté pas Y esprit de Lavoisier, auquel on demandait : Qu’est-ce que la mort?

Réveil silencieuic d'un sommeil agité.

La mort est le chaînon de l’immortalité.

« A genoux ! rimeurs de notre globe terraqué.

« Telles sont, monsieur le rédacteur, les dernières nouvelles • de l’autre monde ; je vous les adresse à vous qui nous avez donné les premières. Pour peu qu’elles soient goûtées de vos lecteurs, je vous tiendrai au courant des on dit, tout aussi extravagants que ceux de la politique, qui transpirent de^ ces réunions secrètes, dont la police paraît s’inquiéter assez pour avoir envoyé des inspecteurs voir ce qui s’y passe.

«L’un d’eux ayant mis la main sur une table parlante, fut

si frappé des réponses, qu’il se convertit subitement à la foi nouvelle, et demanda à être affilié. On le dit passé il l’état de medium. 0 allitudo !

« J. »

2° ÉLECTRO-BIOLOGIE.

A Monsieur le baron du Potet.

« Monsieur le baron,

« Après vous avoir remercié de l'honneur que vous m’avez fait de reproduire dans votre savante feuille divers comptes-rendus de mes expériences, je prendrai la liberté de réfuter les appréciations sur la nature des effets électro-biologiques auxquelles vous vous êtes livré à propos de ma dé-marche conccrnantY tinl/iropop/iageexpugnol (1). Vous affirmez que la transformation imaginaire d’un homme en loup, laquelle je puis produire et que j’ai produite souvent par l’action de l’électro-biologie, ne peut être assimilée à l’état dans lequel a vécu pendant douze ans, égaré, assure-t-il, par une hallucination, un malheureux qui, errant dans les bois, nu et sans armes, se faisait une proie vivante des êtres humains qu’il rencontrait. Cet infortuné, qu’un tribunal a condamné à mort, est, suivant moi, non un criminel, mais la victime d’une aberration fonctionnelle du cerveau. A l’appui de mon opinion, j’offre de développer, devant qui de droit, sur des êtres sains et bien constitués, les instincts anthropophages les mieux caractérisés, et de leur ôter tout sentiment de leur nature humaine.

« Vous avancez, monsieur, qu’une semblable démonstration sera sans valeur, par la raison que la prétendue ly-canthropie du condamné a été permanente, et que les phénomènes électro-biologiques «étant contre nature,» doivent être pur conséquent nécessairement passagers.

« Une conséquence forcée à tirer de ce principe, serait, monsieur, que la maladie en général, la folie et la manie en particulier, qui sont par excellence des phénomènes contre nature, ne pourraient jamais être que des accidents de courte durée, tandis que le fait contraire est malheureusement incontestable. Dès lors, monsieur le baron, puisque la maladie en général, puisque la folie et la manie en particulier , jouissent de la funeste propriété de s’établir dans

(1) Voyez plus haut, page 446.

nos organisations en permanence et souvent à perpétuité, le long espace pendant lequel lilanco a vécu livré à des appétits monstrueux doit cesser d’être pour vous un motif de nier que cet homme, cannibale en plein pays civilisé, ait

I agi sous l’influence d’une cause morbide. Mais, direz-vous | peut-être, la médecine ne connaît point de maladie présentant île semblables caractères. A cette objection, je réponds par mes expériences, j’v réponds en créant à volonté un état physiologique avec tous ses caractères anormaux. Donc un état pareil peut être produit par une cause étrangère, indépendante de la volonté de l’individu, et celui-ci, par conséquent, ne saurait être, sans une brutale iniquité, fait responsable des conséquences d’un pareil état, des conséquences d’une folie.

« Monsieur le baron, l’épreuve que je propose à la justice espagnole n’est donc point, comme vous l’avez pensé d’abord, privée de la portée que je lui attribue, et le gouvernement espagnol, en l’acceptant, comme je viens d’avoir la satisfaction de l’apprendre, a bien fait preuve d’intelligence et d’humanité.

« Permettez-moi encore, monsieur, de m’armer ici contre vous de votre propre opinion. Dans un de vos derniers numéros, vous louez la méthode du professeur Gregory, qui a soin, dites-vous, toutes les fois qu'il énonce l’existence d’un phénomène magnétique, de signaler son analogue dans l’ordre de la pathologie. Par là vous reconnaissez, vous proclamez la similitude des effets produits artificiellement par le mesmérisme, et de ceux offerts spontanément par la maladie; maintenant, ce qui est vrai pour les effets dus aux procédés magnétiques du grand Mesmer, ne l’est pas moins, sans doute, pour des effets de même ordre obtenus par l’emploi d’une autre méthode.

« Vous apprécierez, je n’en doute pas, monsieur, les motifs honorables de cette lettre, vous trouverez juste d’en faire part à vos lecteurs pour mettre ainsi sous leurs yeux toutes les pièces d’un débat qui, non-seulement intéresse la science que nous servons, vous et moi, mais qui de plus intéresse la vie d’un homme éventuellement placé sous le coup d’une condamnation capitale.

«Veuillez agréer, monsieur le baron, les sentiments de haute considération avec lesquels j’ai l’honneur de me dire votre bien dévoué frère,

„ . «G. THILIPS.

« Genève, 8 octobre 1853. »

FAITS ET EXPÉRIENCES.

1° ASCENSION ET ROTATION DES HOMMES.

Le Journal des Pyrénées-Orientalcs, feuille qui se publie à Perpignan, contient la lettre suivante, dans son numéro du 21 juin dernier :

« Monsieur le rédacteur,

h Vous avez bien voulu insérer, dans votre estimable journal du 1k mai dernier, l'article de l’ascension de l’homme; veuillez, je vous prie , me réserver encore une place dans ses colonnes, afin de faire connaître aux lecteurs, non la rotation des tables, fait qui est assez constaté aujourd’hui, mais la rotation de l’homme.

« Après plusieurs expériences, dont les réussites ont été constatées par plusieurs personnes, je puis aujourd’hui en donner l’analyse.

a En présence de la contemplation des faits coexistants, il en est une qui nous offre la vérité la plus importante et pourtant la plus méconnue ou du moins la plus négligée.

C’est celle des faits produits par le fluide magnétique.....

Il est aussi un défaut trop marquant avorté par notre siècle, que je ne puis passer sous silence : c’est 1 exaltation ou le mépris gradué des faits, et cela, fort souvent, sans plus de raison d’une part que de l’autre. Aussi je laisse l'enthousiasme aux fanatiques, les dédains à l’ignorance, à chacun ses idées, ses croyances, ses doutes.

n L’ascension de l’homme s’opère, comme je l’ai dit, par le fait d’un fluide, d’une force vitale, que je n’ai pas cherché à pénétrer. Au lieu que la rotation s’opère par la forte volonté d’une vraie loi magnétique, loi dont tout magnétiseur peut énumérer les effets.

« Le sujet que vous soumettez à cette expérience se place

sur un rond de bois de 30 centimètres de diamètre et de 2 à 3 centimètres de hauteur.

« L’opérateur se place en face du sujet, se tient sur une chaise basse ou un banc, afin de reposer sans fatigue le pouce (le la main droite sur le crâne du sujet ; il tient les doigts un peu écartés et à demi fléchis ; il place le pouce de la main gauche au creux de l’estomac, et, dans cette position, l’opérateur fixe le sujet durant un quart-d’heure au plus, en ne s’écartant jamais de sa volonté précise, de son désir formel. Bientôt le sujet éprouve un engourdissement général, une extrême pâleur couvre son visage, et les fréquents clignotements des paupières et la transpiration cutanée plus grande, prouvent à l’opérateur que son fluide produit son effet, et doit instantanément commander la rotation. De cinq à dix minutes après (suivant la force ou la faiblesse du sujet), la rotation commence et l’on doit retirer le pouce du creux de l’estomac. J’ai obtenu douze tours à la minute, et il est plus que probable qu’en agissant sur des êtres faibles (enfants) l’on pourrait obtenir de vingt à trente tours à la minute.

« Adeptes mesmériens, régénérateurs du magnétisme, poursuivons sans relâche la voie qui nous est tracée, car nous posséderons bientôt une masse de faits et d’opinions propres à confondre nos antagonistes et à réduire tout incrédule. Restons impassibles aux sarcasmes : la vérité que nous défendons approche de l’instant du triomphe.

« Constance et fermeté !

« M. XIFFRE. »

Un de nos abonnés nous écrit au sujet de la relation qui précède, une lettre que voici tout entière :

« Monsieur le Rédacteur,

c J’ai réuni pendant plusieurs semaines un certain nombre de personnes chez moi, afin de tenter l’expérience sur l’enlèvement des hommes.

« Nous avons suivi les préceptes que M. Xiffre a bien voulu faire connaître dans le Journal des Pyrènées-Orientalcs, et, sauf quelques cas où le manque d’ensemble et le rire difficile à réprimer dans les premiers essais, nous avons toujours eu les résultats les plus complets.

« A chaque séance, et pendant plusieurs fois de suite, sept ou huit personnes se sont soumises à l’épreuve, et toujours nous avons obtenu sur chacune d’elles un plein succès. Nous pouvons ajouter qu’avec un peu d’habitude, un ensem-

blc plus parfait, et en enlevant le patient avec une plus grande vitesse, on pourrait le lancer à trois mètres au-dessus du sol; mais il faudrait, pour réussir au delà de ses désirs, que les quatre opérateurs fussent de la même taille et de la même force. L’équilibre étant ainsi parfaitement établi, le .succès en est certain.

« Nous avons cherché à nous rendre compte du phénomène , nous l’avons observé par tous les moyens qui ont été à notre disposition, et nous vous avouons, monsieur, qu’il nous a été impossible d’y reconnaître la présence d’aucun agent mystérieux, d’aucune force psychique mise en jeu, et, malgré enfin notre bonne volonté, nous n’avons pu rattacher cette merveille à aucune loi magnétique, comme sont portés à le croire MM. Begué et Xiffre.

« Nous pourrions peut-être afiîrmer que la loi qui préside à cette étrange ascension est une loi toute physique, attendu qu’on opère et qu’on peut opérer en dehors des conditions nécessaires à la production des faits magnétiques, et peut-être môme pourrait-on opérer en dehors de toute règle prescrite. Nous espérons que les expériences qui se tentent de toutes parts dans la ville viendront confirmer notre assertion.

c. Voilà, monsieur le rédacteur, ce que je vous prie de faire connaître aux lecteurs du Journal du Magnétisme, dans l’intérêt de la science et de la vérité.

« Quant à la rotation de l'homme, telle que M. Xiffre nous l’a donnée dans le Journal des Pyrénées du 21 juin, nous la croyons possible ; mais nous n’avons jamais pu obtenir douze tours à la minute : cela m’a paru exagéré. 11 faut, pour avoir quelques résultats, que le sujet soit très-sensible, et, malgré cela, la chose ne réussit pas toujours ; tous les somnambules sont loin d’être aptes à la manifestation de ce phénomène.

« Nous savons que M. Xiffre a des secrets bien plus merveilleux encore à nous apprendre.

« Nous avons lieu de croire qu’il livrera bientôt à la publicité sa nouvelle découverte, à laquelle il a donné le nom d'éleelropose. Nous n’avons que des louanges à donner au zèle de cet infatigable magnétiseur.

« Veuillez me croire, monsieur le rédacteur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

« BRUYAS.

» Perpignan, 9 août 1853. »

2° RÉSURRECTION.

— On écrit de Thizy, le 20 courant, au Journal de Ville-franche :

« Vendredi dernier, entre deux et trois heures de l’après-midi, la foudre est tombée sur les bâtiments du sieur Lafay, qui sont situés à Lagresle, sur les limites du bourg de Thizy. Elle a endommagé l’angle de l’écurie et perforé le mur de l'étable, dans laquelle elle a tué deux vaches. Ensuite elle a traversé une cour et s’est introduite dans les bâtiments du voisin.

« M"" Chevalier était dans sa cuisine avec ses deux fds et sa fille, tous grands et fortement constitués. Elle vit la flamme électrique sur son chien qui se sauvait, et qui n’a point eu de mal ; mais en même temps sa fille asphyxiée tombait à ses pieds. Cette mère courageuse ne perd pas de temps ; elle envoie chercher M. le vicaire de Lagresle, qui demeure à près d’une lieue de là; puis elle ouvre la bouche de sa fille, y applique la sienne et aspire de toutes ses forces; fatiguée, ses fils la remplacent et continuent alternativement l’opération commencée par la mère.

« M. le vicaire arrive, fait la recommandation de l’âme à l’asphyxiée; ce n’est qu’après plus d’une heure et demie d’une aspiration continue, et au moment où l’on désespérait du succès des moyens employés, que la fille parut respirer. Des larmes de joie et d’espoir coulèrent de tous les yeux ; les deux frères redoublèrent d’action, et ils eurent la douce satisfaction de voir leur sœur rappelée à la vie. »

3° ATTRACTION HUMAINE.

M"" Pigné, âgée de dix-septans, demeurant à Puteaux, rue Saint-Denis, n° 93, présente un phénomène fort singulier. Elle pose une main sur une paire de ciseaux qui, au bout de quelques secondes, se met à tourner. On place alors sur la table où se trouve sa main une .autre paire de ciseaux que la jeune personne ne peut apercevoir, ce dont on peut même s’assurer en lui bandant les yeux avec soin. Les ciseaux sur lesquels la main est posée sont attirés vers les seconds ciseaux, et entraînent la main dans cette direction. Le

mouvement a lieu en ligne droite, jusqu'à ce que les premiers ciseaux atteignent les seconds ; la pointe des premiers vient joindre les derniers à l’angle des deux lames, du côté du tranchant.

Dès que la personne cesse de toucher les ciseaux, le mouvement cesse aussi : c’est donc à elle que l’attraction, est due. On a remplacé les ciseaux par des barres d’acier et d’autres objets de môme métal, l’attraction a eu lieu de même; cependant on a remarqué qu’elle s’exerçait plus énergiquement avec des objets pointus. On a ensuite employé le fer : on a encore réussi, mais M"c Pigné déclarait que l'attraction était plus faible, et en effet le mouvement était plus lent. Avec le cuivre, la difficulté a été encore plus grande ; le mouvement a été intermittent et s’est exercé en ligne courbe. Enfin 011 a essayé l’argent, et il ne s’est rien produit.

Les objets attirants et attirés semblent ne jouir d’aucune propriété électrique ou magnétique-minérale : ils n’attirent ni les petits papiers, comme les bâtons de cire électrisés, ni les aiguilles, comme les aimants.

Une observation nous paraît utile à faire ; c’est que cette jeune personne et son père font tourner les tables avec la plus grande faciüté.

Nous nous bornons à constater les faits dont nous avons été témoin, laissant à de plus habiles le soin d'en donner l’explication.

A. s. MORIN..

VARIÉTÉS-

Poésie. — Voici une charmante petite pièce de vers, composée à l’issue d’une des dernières séances de M. du Potet, par un membre de la Société du Mesmérisme de Bennes, qui venait de voir une scène d’extase provoquée par le miroir magique.

A M11' MARIE A...., MAGNÉTISÉE.

Quel est donc l’avenir à tes yeux éblouis,

0 belle jeune fille? A ce miroir magique,

Quels secrets révélés ou quels tableaux chéris Ont donné le bonheur à ton âme angélique?

Conduis-nous avec toi dans ton ciel étoilé.....

— Mais un geste plaintif de la vierge endormie Demanda le silence, et, ce vœu respecté,

On la vit tout à coup, de la terre affranchie,

Se transformer aux yeux. — Dans un éclat plus pur Se montraient les objets illuminés par elle;

Avide, elle aspirait vers le monde futur ;

Sa main voulait atteindra à la voûte éternelle ;

L’hôte divin chantait en ce corps ennobli;

Elvire l’envlrait, Raphaël l’aurait peinte.

— Mais tout à coup, tremblante aux bords de l’infini,

La vierge ressentit une indicible crainte.

Le monde des esprits avait-il trop d'éclat Pour l’enfant de la terre? ou l’amante ingénue Craignit-elle qu’absente un amant la pleurât?

Nul n’a su son secret!.....— Telle la sombre nue,

Éclatant tout & coup sous les feux du soleil,

Découvre à l’œil charmé des horizons immonses;

Ainsi, par un sourire, appris sans doute au ciel, L'enfant nous révéla ses nobles jouissances.

Qu’elle était belle à voir! Le ruisseau qui s’enfuit, Le silence des bois et le zéphir qui passe.

La harpe qui soupire ou l’oiseau qui gémit,

Co que l’on peut rêver do plus doux en l'espace Ne vous peindra jamais la céleste beauté,

La paisible innocence et la douce harmonie,

Les élans inspirés et le regard charmé De cette blanche enfant qui voyait endormie.

Poésie éternelle, adorable vertu,

C'est par toi seulement que la femme s'élève,

Qu’on lui sourit au ciel, et que l'homme, éperdu De respect et d’amour, peut la chérir sans trêve. Toutes auraient compris ces secrets oubliés,

Si Dieu leur eût montré comme à moi l’auréole Que posait sur ton front, en retlets étoilés,

Ton cœur resté si pur en ce monde frivole.

Je me dirai souvent : «A qui souriais-tu? Revoyais-tu ta mère et ses longues ivresses;

Le blanc petit berceau, d'où ton bras étendu Appelait ses baisers et ses chaudes caresses ? Peut-être aussi ton père à tes yeux s’est montré, Bon vieillard, qui grondait, en souriant, sa fille; J'ai pu penser encor qu’au miroir enchanté Tu voyais s'applaudir de l’amour dont il brille Ton amant, dont les jours, unis avec les tiens, Allaient paisiblement, comme vagues amies,

Sans bruit et sans efforts reposer vos destins Dans l’océan divin, aux rives infinies. »

Que ne puis-je. avenir, t'évoquer devant moi?.... Voir écrits tes secrets sur ce miroir magique,

Et, comme cette enfant, regarder sans effroi Les jours que peut montrer l'extase magnétique !

A.....fils.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

ÉTUDES ET THÉORIES.

DES ESPRITS.

(5° Article.)

Vous qui croyez la chaîne des êtres terminée à l’homme, qu’il n’y a rien au delà, vous êtes dans l’erreur ; vous prenez la portée de vos sens pour la mesure exacte de ce qui existe, sans songer que vos sens sont bornés et qu’ils ne voient et ne touchent que les choses les plus grossières de la nature.

Apercevez-vous ces aromes voyageant dans l’espace, ces innombrables essences des corps organisés qui vous environnent, allant former d'autres corps ou s’ajoutant à ce qui prend vie? Un monde à l’état moléculaire vous environne et vous ne l’apercevez point. Voyez-vous seulement dans le gland le chêne qui s’y trouve? Dans cette graine, distinguez-vous la forme, l’image de la plante qui doit en sortir un jour? Eh bien ! tout ceci n’est rien près des purs esprits : plus insaisissables encore par les sens, leur existence, cependant, n’est pas moins certaine que la vôtre. Vos yeux ne voient de nous que l’enveloppe ; la partie spirituelle, celle par qui la matière s’organise en chair, en sang, en mille fluides différents qui font et feront toujours par leur nature sut generis le désespoir de la chimie, cette puissance organisatrice, qui donc oserait en nier l’existence ? Et cependant, jusqu’à ce jour, la science n’a pu en découvrir la forme et la couleur ; elle ne peut parvenir à saisir, par aucun instrument, par aucun des sens, cet agent divin qu’on appelle la vie.

Un insecte, un papillon, trouve dans l’air — ce milieu

TOME XII. — N° 155. — 10 NOVEMBRE 1853. Í3

plus mobile que la vague — le chemin que sa femelle a suivi et que rien n’a pu effacer.

Tout ce qui se forme dans la nature agit comme un aimant qui attire à lui ce qui peut-être se trouve à des distances incalculables, et ces atomes allant à leur destinée sont des milliards de fois moins gros que ces petits corps qu’un rayon de soleil vous laisse apercevoir dans l’air.

Ah! les savants modernes, sceptiques sur ce qu’ils ne saisissent point, rejetant par ce seul fait l’existence même d’un agent aussi perceptible que le magnétisme, me paraissent insensés ! Ils ont donc amoindri, altéré chez eux cette perception intime de l’âme qui découvre les affinités les plus secrètes, et qui fait deviner ce qui échappe aux sens ? Je ne m’étonne plus si vos académies ressemblent à ces bandes d’étourneaux engraissés pendant l’été et qui oublient que le temps des frimats va les surprendre et détruire leur graisse par le jeûne : l’instinct même a été détruit par un trop riche butin !

Serait-il donc vrai que pour sentir il faille souffrir? Ah! les novateurs n’entrent point aux académies; ils meurent brûlés par le feu divin, ou finissent leurs jours à l’hôpital ; car la fausse science n’a pas plus d’entrailles que de génie ; elle s’amuse aux petites choses, et laisse les grandes aux rêveurs illuminés par la vérité.

Voyez-vous ce vaisseau sans voiles, dont la course rapide jette en vous l’étonnement? 11 cingle vers un nouveau monde. Son équipage ne s’inquiète point des vents et des tempêtes, il sait que, dans les flancs de cette maison flottante, une ingénieuse machine fournit une force puissante, plus facile à maîtriser et à diriger que les éléments. On a donc rompu avec les traditions du passé, et, profitant d'une magnifique découverte , l’art nautique a fait un grand progrès.

Que dirait-on de savants qui, témoins de ce miracle, verraient avec indifférence cette œuvre du génie humain, et, sans chercher à expliquer ni à comprendre, passeraient leur chemin ? On dirait que ce sont de pauvres fous dignes de

pitié, et que sans cloute l’académie dont ils font partie s'assemble et tient ses séances à Bicêtre.

Eh bien, un miracle bien plus grand existe et se constate chaque jour. Ce n’est point une force morte que le génie humain a découverte, mais la souveraine puissance de la nature, puissance mise par Mesmer aux mains de tous les hommes. Voyez-vous les académies s'émouvoir, examiner, constater l’existence et les propriétés merveilleuses de l’agent nouveau ? Non ! Ces sages modernes ferment les yeux à la lumière; satisfaits d’eux-mêmes, ils ressassent les erreurs du passé pour en extraire une semence qui ne doit point germer.

Ah ! s’il existait dans notre pays un pouvoir tant soit peu despotique, mettant sa gloire à marquer dans l’histoire comme un des bienfaiteurs de l’humanité, il chasserait de leurs temples ces ennemis du bien public et de la vérité, afin que ce vieil arbre coupé laissât enfin pousser les plantes que son ombre étiole depuis trop longtemps ! Je le dis sans colère, nos corps savants ont mérité qu’on les châtie, car rien d'aussi grand que ce qui reçoit nos hommages ne fut couvert de plus de mépris.

Cette digression n’est point étrangère à mon sujet; elle indique qu’au moment où j’écris, nos grands génies modernes ne nient plus la puissance de la vapeur ; mais qu’ils n’ont point encore admis le magnétisme, et que cette vérité, parcourant le monde entier, n’a pas encore ici de lieu d’asile.

Ah ! cet être attaque tout le monde, —va dire un profond moraliste, — il ne respecte rien. Est-il donc un esprit tellement supérieur qu’on doive lui pardonner ses outrages? — Moralistes, philosophes, je vous connais, et vous ignorez qui je suis. Je vais vous le dire, afin que le jugement que vous porterez sur moi soit empreint de justice.

Lorsqu’un homme découvre un des secrets de la nature, n’a-t-il pas d’abord contre lui la société tout entière? Et dans ce concert de voix qui l’accusent de mensonge, ne rencontre-t-on point d’abord tout ce qui prend le titre de savant? Les plus grands éclats de la parole humaine ne partent-ils pas aussi des hommes de paix et de silence? Selon eux, il

faut venger Dieu et punir l’homme sans foi qui ose dire que la terre tourne. Et tous les braillards répandus sur la terre insultent au novateur, les presses gémissent bientôt de diatribes à son adresse. 11 faut que cet homme meure à la peine si Dieu n’a point trempé son âme ; il faut, dans ce cas encore , qu'il prenne corps à corps scs ennemis, et que, sans se donner le temps de les compter, il s’apprête à les vaincre tous.

Je suis dans mon rôle, car je suis novateur ; j’ai la vérité, et mes censeurs sont dans l’erreur.

Mais c’est trop m’arrêter, continuons notre route.

On vit dans l’ancien temps les mages venir adorer Jésus. A cette époque reculée, nul ne s’étonna de voir des sages au berceau d’un enfant. Ces augustes visiteurs n’étaient-ils pas devins ? Leur art leur avait appris ce que devait accomplir le divin fds de Marie. Ils venaient saluer en lui le modèle d’une nature parfaite; car il réunissait dans sa personne le naturel et le divin. Selon leur croyance, Jésus devait être un jour le prince des mages et initier les hommes à la science morale, en les convainquant du surnaturel par des faits miraculeux. La corruption du langage et l’ignorance du temps présent ont donné au mot magie un sens vulgaire et grossier ; tandis qu’il était et devrait être encore aujourd’hui la plus haute expression de la science et de la sagesse.

Est-il nécessaire de rappeler ici les œuvres miraculeuses de Jésus? Il guérissait les malades et chassait les diables du corps des possédés ; il changeait l’eau en vin, multipliait les pains, ressuscitait les morts ; il jouissait du don de la prévision, il voyait ceux qui devaient le trahir.

Faites ceci, vont dire les esprits forts. — Patience, répondrons-nous, nous sommes sur le chemin, nous avançons, et ce que nous produisons actuellement est déjà supérieur à toute œuvre de savant. Nous pouvons défier les plus grands médecins, car nous sommes certain que toute leur habileté et toutes leurs drogues réunies doivent échouer où nous réussirons, et ce qui le prouve, c’est que les malheureux

que le magnétisme a guéris avaient tous pass^ par les mains de nos Esculapes.

Dans l'ordre surnaturel, n’obtenons-nous pas le sommeil lucide et l'extase ? N’allons-nous pas même jusqu’aux évocations?

L'agent miraculeux est donc entre nos mains, et si notre foi était plus vive, beaucoup de choses merveilleuses, qui nous paraissent impossibles à produire aujourd’hui, seraient faciles.

La foi, — vont dire les gens raisonnables, — qu’est-ce que la foi, et pourquoi en manquez-vous? — Nous répondrons: f.’est un état de l’âme qui rend toutes les forces du corps obéissantes et qui les revêt de vertus. La timidité, la crainte, un sot orgueil, nous font redouter le jugement et la censure d’hommes que nous croyons placés très-haut dans l’estime des autres, et par cela seul nous craignons qu’ils ne ridiculisent des œuvres incomplètes. Plus 011 surmonte cette difficulté de soi-même, et plus on acquiert de pouvoir. Ce qui me rend supérieur à beaucoup de magnétistes, c’est que, quels que soient les hommes qui m’approchent ou devant lesquels j’expérimente, ils ne m’imposent point; leur incrédulité me fait comprendre l’infériorité de leur nature et la pauvreté de leurs sens.

Mais revenons au diable. Jésus chassait les démons, cela est avéré, nul chrétien n’oserait le contester. Jésus n’avait pas la puissance d'anéantir ces mauvais esprits, il les mettait en fuite seulement ou les faisait passer dans des corps d’animaux. Lui-même, le fils de Dieu, fut transporté sur une haute montagne par Satan, ainsi que le dit l’Ecriture, et tous les chrétiens sont forcés d’y ajouter foi. On a même donné une forme au malin esprit, et son image est dans toutes les églises. Est-ce simplement une figure, la traduction d’une idée? Non; c’est la forme même du démon. Pour le peindre ainsi, il faut bien que quelqu’un l’ait vu de très-près. Sans cela ce serait une tromperie générale, un infâme charlatanisme , un jeu cruel de la bonne foi des hommes crédules, une piperie qui mériterait toutes les sévérités de la justice.

Tous les malheureux initiés à l’art de la sorcellerie, femmes, enfants, vieillards, le peignent de la même manière; ils l’ont vu dans les scènes nocturnes du sabat; et je crois plus à la terreur de tous ces gens-là, à leur témoignage, qu'aux témoignages qui me seraient donnés par les rédacteurs du Journal des Débats. Tous ces esprits supérieurs sont sans doute fort enclins à la malice, mais ils ne sont ni devins, ni sorciers.

L’imagination des poètes et des artistes a peint le démon comme le peignaient le pâtre et le berger, et si nous voulions publier la liste des hommes qm crurent à Satan et qui le virent, on serait tout étonné d’y trouver inscrits les noms des plus grands génies.

Pendant les siècles derniers, et de nos jours encore, lorsqu’on voulait donner plus de force à une affirmation, on disait : Que le diable m'emporte si cela n’est pas vrai! Quand quelque chose de difficile s’accomplit, on dit encore : Celui-là a donné son âme au diable, ou bien : Le diable s’en est mêlé! Il y a beaucoup de vrai dans tout ceci; une foule de parvenus, de gens enrichis, ne seraient point arrivés aux honneurs, à la fortune, s’ils n’eussent évoqué, appelé à leur aide l’esprit du mal, afin d’en être inspirés et de pouvoir ainsi, par des ruses infernales, arriver à leur fin.

Ah ! bah ! — vont dire certaines gens, — ces idées ne sont pas neuves, et celui qui les remet en lumière nous prend pour de petits enfants. — Ces gens se trompent. Je ne prétends point imposer ma croyance et faire naître la crainte ; j’exprime seulement mon opinion. Quant aux faits qui frappent l’esprit d’un effroi salutaire, un rédempteur, un révélateur les produisent quelquefois pour appuyer leur doctrine. Mais ceux-ci ont une mission, ils sont choisis par Dieu, et je n’ai aucune prétention de ce genre. La sincérité, en cette matière, est rare ; mes aveux vont prouver que je ne redoute aucun jugement, car je ne relève que de ma con-saience.

Je vais bientôt examiner les faits diaboliques. Je dirai ce que j’ai vu, ce que je puis faire voir aux autres. Je prou-

verai par là que je n’ai aucun souci de l’opinion et des scrupules des prétendus savants. Demandez au plus renommé d’entre eux ce que c’est que la vie, ce que c’est que le sommeil; interrogez-le sur la mort. 11 ne saura que répondre. Mais on ne peut en ce monde, et sur quoi que ce soit, dire la vérité tout entière, il faut la voiler et la rendre douteuse pour la faire passer, sans cela dame justice se mettrait à votre poursuite : —Vous attaquez ceci, cela; vous excitez les passions. —Si vous n’avez point de privilège, tant pis pour vous, on saura bien vous prouver que vous ôtes un méchant homme.

On dit que le démon a perdu sans retour son empire sur les âmes. Au contraire, son rôle n’a jamais été plus actif et mieux rempli. On serait tenté de croire que la mort du divin Sauveur n’a rien sauvé; car les hommes ne sont point meilleurs , et il est vrai aussi que la nature est toujours la même. L’homme ne change pas plus que la nature. 11 existe un principe de bien et un principe de mal. Ces deux agents, ces deux forces se font équilibre ; toutes deux étemelles, elles se combattent sans pouvoir se détruire. Lorsque le jour paraît , la nuit se retire ; bientôt celle-ci regagne le terrain qu’elle a perdu, pour le céder ensuite et le reprendre encore. Le monde obéit à cette loi fatale ; ce qui peut seul la surmonter, la dominer, sera toujours rejeté ou connu seulement de quelques-uns qui ne pourront rien sur la masse. Satan n’est point un mot vide de sens ; Dieu apparaît partout, et nul ne saurait le comprendre. Et comme rien ne se fait sans être incité par Dieu ou par Satan, les esprits clairvoyants sauront bientôt reconnaître qui de l’un ou de l’autre est mon maître I

Baron DU POTET.

FAITS ET EXPÉRIENCES,

1° 7.oo-Magnétoscope.

Un de nos abonnés nous adresse la lettre suivante :

Paris, 9 mars 1853.

« Monsieur le baron,

« Je m’empresse de vous faire connaître la manière aussi simple qu’ingénieuse de confectionner un bio-électro-mètre d’une extrême sensibilité, révélant en outre l’existence incontestable des deux pôles du magnétisme vital. A cette fin on coupe une petite bande de papier à lettre de la largeuv de deux millimètres , et longue de trois ou quatre centimètres : sans percer le milieu de cette bande, il faut y pratiquer un petit enfoncement, afin qu’elle puisse se tenir plus facilement en équilibre sur la pointe d’une aiguille dont l’autre extrémité est enfoncée dans un bouchon de liège. Aussitôt que cette espèce de boussole se trouve placée au centre de l’espace formé par la réunion du pouce et de l’index, le mouvement de rotation de la bande de papier commence immédiatement de droite à gauche ou de gauche à droite, selon que l’on expérimente avec l’une ou l’autre main. L’inventeur de cette expérience ingénieuse est M. Weier, de Strasbourg ; étant jeune, et d'une bonne constitution , il fait tourner ce papier avec une vitesse merveilleuse et continue.

« La portée scientifique de cette expérience, et son actualité, me semblent dignes d’être connus des lecteurs du Journal du Magnétisme.

« Dans l’attente de cette publicité, recevez, monsieur le baron, l’assurance de ma considération distinguée,

« Charles-Frêdéric SOEHNÉE. a

Nous trouvons dans la Patrie du 15 mai dernier la description de la même invention. Nous lui empruntons les passages suivants :

« ...Passons maintenant à l’expérimentation. Vous approchez de l’appareil l’une de vos deux mains, et vous l’arrondissez autour du zoo-magnétoscope, comme vous feriez pour une bougie que vous voudriez préserver du vent. Au bout de quelques secondes, la bande de papier se met à tourner avec plus ou moins de rapidité, selon que votre main émet plus ou moins de fluide. Vous observerez, et ceci est le plus important, que si c’est la main droite qui agit, le papier tournera de gauche à droite; et si c’est la main gauche, il tournera de droite à gauche. On peut répéter, en les alternant, les deux expériences ; elles réussissent toujours de la même manière.

_ « Le papier bleu de tournesol employé à la place du papier végétal a donné des résultats absolument identiques.

« Ce petit appareil, qui joint à la plus extrême simplicité la plus délicate sensibilité, est à la foi3 zoo-magnétoscope et zoo-magnétomètre, car il indique la présence du fluide zoo-magnétique, la direction de ses courants, et Y intensité de ces courants. »

Dans son numéro du 18, le même journal rend compte d’une observation qui tendrait à prouver qu’il existe une relation intime entre l’état électrique de l’atmosphère et le fluide humain. Nous laissons parler la Patrie :

« Quelques personnes qui ont voulu faire, hier lundi, un peu avant l’orage, l’expérience du zoo-magnétoscope qui leur avait toujours réussi auparavant, n’ont pu obtenir aucune rotation fixe, le papier n’a fait qu’osciller d’une manière irrégulière. Si cette observation était répétée et donnait constamment le même résultat, dans les moments où le temps est à l’orage, elle fournirait la preuve que la chaleur de la main n’est pas, comme quelques personnes le prétendent, une cause déterminante du mouvement giratoire du zoo-magnétoscope, puisque les mains sont tout aussi chaudes, sinon plus, quand l’air est surchargé d’électricité que quand il est dans l’état normal. »

Voici maintenant une affirmation contradictoire. La. Patrie

du 22 contient une lettre d’un de nos abonnés de Fécamp, qui est ainsi conçue :

« L’électricité atmosphérique n’a pas d’action appréciable pendant l’expérimentation du zoo-magnétoscope, et si quelques personnes ont observé des irrégularités durant un temps orageux, cela tenait plutôt à leur agitation nerveuse qu’à des causes d’électricité ou de chaleur par rapport à l’instrument.

« Une main froide produit tout autant d'effet qu’une main chaude ; mais, pour aller au devant de toute objection sur le foyer calorique qui pourrait résulter de la position de la main, l’on peut s’assurer que les mêmes effets giratoires ont lieu en présentant près de l’appareil un morceau de verre à surface convexe. Ce mauvais conducteur d’électricité et de calorique fait éprouver à l’instrument un mouvement de rotation plus vif que la main ; si l’on mouille le verre, l’effet se continue ; si, au contraire, on le chauffe, le mouvement se trouve suspendu et ne reprend que lorsque le verre est suffisamment refroidi. Les métaux ont la même propriété, mais à un degré inférieur.

« En cherchant une analogie entre le zoo-magnétoscope et l’électroscope, nous avons fait une série d’expérimentations qu’il serait trop long de relater. Attendons que la jeunesse savante puisse s’occuper de cet impondérable, qui n’est ni l’électricité, ni le calorique, mais qui, en définitive, pourrait bien être un principe ou une modification de ces agents.

« A. LEPORT. »

2° OBJET MAGNÉTISÉ.

Nous extrayons les faits suivants d’une lettre qu’un de nos abonnés nous adresse de Suisse :

« ...Au mois de décembre 1852, je fis faire, àMannheim, mon portrait au daguerréotype. Pendant l’exécution, l’idée me vint de le magnétiser. Quelque temps après, me trouvant à Zurich en société avec des dames, on parla de portraits, et je leur montrai le mien. Pendant qu'elles le regardaient, je fus appelé dans une autre pièce où peu d’instants après je vis entrer précipitamment les trois dames auxquelles j’avais laissé le portrait, et qui, tout effrayées, me racontèrent ce qui venait d’arriver : un monsieur étant entré après ma sortie, avait pris mon portrait qui produisit aussitôt sur lui. un

effet tel, qu’il fut obligé de le jeter loin de lui en poussant un cri. J’engageai ce monsieur à prendre de nouveau l’image et à la regarder avec attention. A peine l’eut-il entre les mains, que le même effet se reproduisit, il jeta l’image avec un mouvement convulsif. Arrivé chez moi, j’expérimentai sur les sujets sensibles, et le résultat fut celui de la magnétisation directe... »

a F.-B. RAGAZZI. J>

3° LUCIDITÉ SOMNAMBULIQUE.

Il y a quelques jours, le Pays contenait les faits suivants :

« Deux faits des plus singuliers, et dont les adeptes du magnétisme ne manqueront pas sans doute de chercher à faire un puissant argument en faveur de leurs théories, viennent de se produire coup sur coup et ont paru mériter la sérieuse attention de la justice.

« Un ancien commerçant en bestiaux de Nogent-le-Rotrou, le sieur Auguste Marchand, qui, après s’être ruiné dans les affaires, s’était fixé à Versailles, où il exerçait l’humble profession de toucheur de bœufs, avait disparu, il y a quelque temps, à l’issue d’un marché de Sceaux, abandonnant les bestiaux qu’il conduisait, et qui avaient été recueillis errant à l’aventure.

« Depuis lors, toutes les recherches faites pour découvrir sa trace étaient demeurées infructueuses, lorsque sa femme, ayant été conduite chez une somnambule, au faubourg Montmartre, celle-ci, interrogée dans le sommeil magnétique, lui dit que son mari s’était noyé, et indiqua un petit étang situé dans un bois sur la route de Sceaux à Versailles, comme étant le lieu où on trouverait son cadavre. Sur cette indication, en effet, le corps du malheureux Auguste Marchand fut retrouvé, et comme il avait manifesté des intentions de suicide et que la somme d’argent dont on le savait porteur se retrouvait dans ses vêtements, on dut croire qu’il avait lui-même attenté à ses jours, ainsi que l’avait annoncé la somnambule.

« Un certain temps s’était écoulé depuis lors, quand, par hasard, la veuve du toucheur de bœufs se trouvant à Fontainebleau, fut témoin des regrets qu’exprimait une jardinière de cette ville, dont la fille, âgée de onze ans et demi, avait disparu. Elle lui raconta alors ce qui lui était arrivé à elle-

même el lui conseilla d’aller consulter la somnambule dont elle lui donna l’adresse. La jardinière, en conséquence, fit le voyage de Paris, et se rendit, accompagnée d’une sienne parente, femme d’un serrurier établi rue des Fontaines, 15, près de celle de qui elle espérait avoir des nouvelles de son enfant, f.a somnambule endormie, on lui mit entre les mains un bonnet de la petite fille, et aussitôt elle déclara la voir. « Mais cette enfant a déjà été l'objet d’un attentat qui a « donné lieu à un procès ! » dit-elle. Ce qui était vrai, la malheureuse enfant ayant été volée à l’âge de huit ans. « Oh ! mon Dieu ! continua la somnambule, je la vois avec « un assassin ! » Puis elle indiqua qu’on la trouverait dans un puits d’une maison de la banlieue de Fontainebleau, quelle indiqua.

a Le corps de cette jeune fille a été en effet retrouvé mutilé et portant les traces d’une mort violente. Le meurtrier, dont la somnambule avait tracé d’une manière assez vague le signalement, a été arrêté et devra comparaître devant le jury à la prochaine session des assises du département de Seine-et-Marne. Quant à la somnambule, elle a été appelée à comparaître, en vertu d’une commission rogatoire, devant M. le juge d’instruction Michaux, du tribunal de la Seine ; mais elle n’a pu donner aucun renseignement, bien que la femme du serrurier de la rue des Fontaines rapportât, dans le plus grand détail, ce qui s'était passé en sa présence lors de la visite de la mère de la victime.

« Ce fait, dont il faut se garder de conclure que les renseignements d’une nature analogue donnés par les somnambules soient toujours exacts, car malheureusement le contraire arrive presque constamment, nous a paru mériter d’être mentionné, en ce que c’est pour la première fois que le concours d’un sujet magnétisé aurait été d’un utile secours aux opérations de la justice. »

CONTROVERSES.

On lit clans le Courrier de l’Eure du 26 juillet la lettre suivante :

Vorneuil, 10 juillet 1853.

a Monsieur le rédacteur,

« Je croyais qu’on ne parlait plus des tables qui tournent, qui parlent ; des montres, des bagues qui entendent, qui obéissent, etc. J’espérais que la raison avait calmé la mode, déité folle et inconstante, qui, sous l’empire d’une fièvre ardente et non sans quelques dangers, avait quitté pour un instant Alexandrine, Bridault, Boulet-Héros, C.lémençon, Talian, la Tentation, etc., pour aller faire tourbillonner dans tous les salons les chapeaux, les tables, les montres, les bagues, la foule élégante, et jusqu’à la tête de quelques savants fascinés par l’amour du merveilleux.

« D’après la lettre par laquelle vous me faites l’honneur de me demander mon opinion sur cet intéressant phénomène, il paraît que beaucoup de gens tournent encore. J’en suis fâché pour ceux qui n’ont pas voulu voir le somnambulisme magnétique, c’est-à-dire un des merveilleux résultats de l’action de l’homme sur l’homme, et qui ont cru tout de suite qu'une table peut marcher, entendre, savoir, compter, parce que trois, cinq, sept ou neuf personnes le veulent, la touchent ; sans avoir remarqué que la nature, malgré sa puissance, croit encore devoir donner des muscles, un cerveau à tout ce qu’elle veut qui agisse et qui pense.

« Tant de gens sérieux m’ont parlé avec enthousiasme de faits de rotation opérés sous leurs mains, que j’ai d’abord été tenté cle répéter ce qu’a dit à propos du magnétisme un philosophe dont le nom m’échappe :

u Je me sens peu surpris d'observer et d'entendre « Un prodige nouveau queje ne puis comprendre;

« Et loin de m'épuiser en efforts superflus,

« Dans l'immense océan de l'humaine ignorance,

o Froid spectateur je vois avec indifférence « Tomber une goutte de plus.

« Mais afin de ne pas mériter un jour ce reproche qu’on pourra faire à certains magnétiseurs (vous vous laissez enivrer par l’amour du merveilleux, votre imagination vous égare, témoin les tables tournantes, immense mystification dont vous avez été la dupe), regardons, étudions, écoutons les tables tournantes, comme nous avons regardé, étudié, écouté le magnétisme.

« La table, quand le mouvement s’opère, ne glisse pas sous les doigts de ceux qui l’entourent, ils la suivent en courant autour d’elle.

u Employons pour l’expérience, des femmes vives, nerveuses , impressionnables, dont quelquefois la main plus prompte que la pensée a laissé échapper un soufflet, le plus souvent suivi de regrets ; au bout de cinq minutes on sent le mouvement, on le suit, on marche, on court, on ordonne, et la table obéit.

« Choisissons ensuite des femmes calmes, de celles qui ont eu toute leur vie ce qu’elles appellent la démangeaison de taper certains ennuyeux, et qui n’ont jamais laissé voir leur ennui.... la table ne tourne plus.

« Quelquefois j’ai fait réussir des expériences en plaçant un jeune homme entre deux vieilles femmes. Le malheureux fait tourner bien vite pour terminer une séance qu'il craignait de voir se prolonger, et les deux vieilles qui ont très-bien senti le mouvement sont ravies d’avoir encore du fluide.

« L’expérience de la bague ou de la montre réussit toujours, même quand la personne qui tient le pendule ignore Perdre mental donné par ceux qui font la chaîne ; car notre force musculaire est tellement habituée à seconder, presque gang effort, notre volonté, qu’il nous est difficile de vouloir une chose et d’agir dans un sens opposé. Si le pendule que le moindre mouvement, même involontaire, agite, va du nord au sud sous l’influence de la personne qui le supporte en cherchant la pensée des autres, il change bientôt de direction lorsque la chaîne ne paraît pas satisfaite et quand elle dît: Ah! voilà..., alors le mouvement s’accélère. La rfoigsitp paraît complète, à moins qu’on n’appuie le pouce et l'index qui tiennent le fil de la bague ou la clef de la montre sur un support immobile, car alors, malgré les commandements les plus énergiques, les volontés les plus puissantes, on arrive à l'immobilité.

« Pour faire tourner une table à droite, le petit doigt de la main droite de chacun des expérimentateurs doit être posé sur la table et celui de la main gauche sur le petit doigt du

voisin. Quand vient un peu de fatigue, on appuie généralement davantage sur la table que sur le doigt de son voisin, et cette pression inégale aide le mouvement à droite.

« Ajoutons à cela que la chaîne formée autour de la table agit magnétiquement sur tous ceux qui la composent, et qu’un des effets les plus ordinaires du magnétisme est de donner, à ceux qui sont sous son influence, des mouvements soumis à la volonté du magnétiseur. Pendant le somnambulisme , quand le sujet avance, recule, prend telle attitude, la pose de telle statue, c’est la volonté seule du magnétiseur qui agit.

n Ceux qui entourent la table sont bientôt en rapport magnétique , les uns deviennent magnétiseurs, les autres magnétisés; la volonté de tous est de faire tourner la table, le mouvement involontaire s’opère, et des gens qui ne croient point au magnétisme crient au miracle, font lever un pied aux tables qui en ont trois, et par ce moyen obtiennent des réponses^ à des questions posées très-sérieusement.

« 11 n’est pas mutile, je pense, de dire ici que ces expériences ne sont pas sans danger. D’abord il y a émission du fluide magnétique ou vital en pure perte; ensuite elles ont causé souvent à des femmes nerveuses des crises qui les ont fait souffrir, parce qu’un magnétiseur expérimenté n’était pas là pour diriger et calmer, et enfin certaines maladies peuvent se communiquer par les rapports magnétiques, quand on n’a pas le soin de se bien dégager après l’expérience.

« Un jour, pour me convertir, cinq jeunes femmes tournaient avec une galté folle mêlée d une certaine crainte, avec une table sur laquelle, depuis dix minutes, elles avaient posé les mains. — A gauche ! dit la plus vive, et la table changea de direction.—Arrête-toi !... et la table s’arrêta.

« — Eh bien, monsieur l’incrédule, que direz-vous maintenant?

« — Mesdames, leur répondis-je, avez-vous vu quelquefois un jeune chat jouant avec un peloton qu’un coup de patte vient de faire rouler? Le chat qui le croit animé le poursuit, mais recule effrayé quand son joujou, après avoir heurté un meuble, revient menaçant vers lui.

« — C'est peu aimable de nous comparer à des chats.

“ — Cestbien gracieux, mesdames, un joli petit chat: il a les organes de la sympathie et de la constance assez développés pour l’attacher jusqu’à la mort à la maison qu’il a adoptée ; mais c’est le peloton que je compare à la table.

h Dieu, pour marier l’intelligence à la matière, c’est-à-dire pour donner à la terre des admirateurs, des modificateurs, le complément de la nature, créa l’homme, une intelligence servie par des organes pour devenir la reine de la terre.

« La volonté à laquelle on veut attribuer une puissance matérielle, tout en la croyant purement spirituelle, n’est pas unedes facultés primitives de l’homme, mais bien le résultat de l’action simultanée de l'instinct de la persévérance et des facultés de l’âme; c’est la persévérance raisonnée, et chez l’homme l’instinct agit quelquefois à l’insu de l’intelligence.

« J’ai déjà répondu à ceux qui ne voulaient point admettre le classement de la persévérance parmi les instincts, parce que d’après eux l’âme doit avoir la volonté tout entière, que les sutures du crâne m’ont indiqué les divisions que j’ai faites, et que la pénétration, Y imagination, la conscience, le respect et Y harmonie suffisent à l’âme pour lui faire aimer le bien et haïr le mal.

« La volonté qui produit le magnétisme procède aussi du corps et^ de l’âme; la persévérance dans l’imposition des mains, l’électricité du regard, et la conscience du bien que l’on veut faire.

« Je crois donc que dans notre monde matériel, l’esprit de l’homme ne peut rien sans le corps.

« A. D'IIAREMliERT. »

PETITE CORRESPONDANCE.

Avis général. — M. du Potet reprendru, le vendredi 25 novembre, ses Cours de magnétisme. Les leçons auront lieu, comme par le passé, à huit heures du soir, et seront suivies d'expériences.

M. du Potet rappelle à ses anciens élèves qu'ils pourront toujours suivre ses leçons gratuitement.

S'adresser, pour plus amples renseignements, au bureau du Journal.

BIBLIOGRAPHIE.

ÉTUDE DU MAGNÉTISME ANIMAL sous lo point do vue d'une exacte

pratique, suivie d’un mot sur la Rotation des Tables, par P. Baiugnon ;

2e édit., Toulouse, 1853. 1 vol. in-8. Prix : 5 fr.; par la poste, 6 fr. (1).

Le magnétisme animal a fait éclore un très-grand nombre d’ouvrages; et, malgré le dédain affecté des princes de la science, ce riche et intéressant sujet est tous les jours exploré par une foule d’hommes éminents qui y consacrent leurs méditations, multiplient les expériences, cherchent à coordonner les faits pour les ramener à une loi, et à surprendre les secrets de la nature. 11 a été publié des traités d’un grand mérite qui assurent à leurs auteurs l’estime et la reconnaissance de la postérité, et quels que puissent être les progrès de la science, on lira toujours avec fruit les ouvrages de Mesmer, de Puységur, de Doleuze, de MM. Bertrand , du Potet, Charpignon, etc. ; que des écrivains aient la noble ambition de dépasser leurs devanciers, de mieux exposer la matière, d’enrichir leurs traités des découvertes les plus récentes, de présenter des théories plus satisfaisantes, on ne peut qu’applaudir à ces tentatives qui, même quand elles ne sont pas couronnées de succès, servent presque toujours à étendre le champ de la discussion et à faire jaillir quelques nouvelles lumières sur un sujet enveloppé encore de tant de ténèbres. D’ailleurs le public, surtout en France, a besoin de noms nouveaux : chaque livre, quand même il ne serait que la répétition des anciens, stimule l’attention, pénètre dans quelque classe de lecteurs demeurée jusque là étrangère aux découvertes de Mesmer, et contribue ainsi à la propagande.

(1) Dépit à Paris, au bureau du Journal du Magnétisme.

Nous serons donc toujours prêts à tendre une main amicale à tous ceux qui écriront sur le magnétisme. Nous pensons toutefois qu’il serait convenable à ceux qui s’avancent dans cette carrière, de rendre justice aux maîtres dont les travaux nous ont tracé le chemin. S’il faut en croire M. Ba-ragnon, le magnétisme n’est, jusqu’à présent, qu’un enfant mort-né; les magnétiseurs les plus instruits, entourés de suspicion , d’égoïsme, de parti pris, ont perdu l’habitude du dévouement (page 16). C’est faire trop bon marché de tant d’admirables résultats pratiques, d’écrits si lumineux, si remarquables à tous égards ; c’est montrer une injustice vraiment inexplicable envers tant de magnétiseurs dont toute la vie a été consacrée au bien de l’humanité. M. Baragnon peut-il donc croire que jusqu’ici le magnétisme n’a rien été; qu’à lui seul était réservée la tâche glorieuse de le constituer en débrouillant le chaos ; qu’on n’avait fait jusqu’ici qu’entasser des erreurs, et qu’il a enfin trouvé le secret de faire luire la vérité si longtemps méconnue? Des prétentions si exorbitantes seraient impardonnables, même chez l’auteur qui, par l’étendue de ses connaissances, l’importance de ses découvertes, la profondeur de ses vues, la beauté de son style, s’élèverait au premier rang ; à plus forte raison ne peuvent-elles se justifier chez celui qui, comme M. Baragnon, ne fait guère que reproduire ce qui a été déjà imprimé bien des fois depuis soixante ans ; on chercherait en vain dans son ouvrage quelque chose d’original, de saillant. Si donc, comme il le prétend, le magnétisme est dans une position fausse, anormale, s’il erre sans asile, sans savoir où poser sa tête, ce n’est pas son livre qui l’aidera à fixer ses pas vagabonds, à sortir de son état d’infériorité.

L’auteur ayant à rendre raison des phénomènes, se prononce pour l’existence d’un fluide particulier qui en serait la cause, et combat avec force l’opinion qui les attribue à la volonté. Mais en attaquant l’hypothèse purement spiritua-liste, il tombe dans l’excès contraire, ne voit dans le magnétisme que des effets matériels, et refuse toute part d’ac* tion à la volonté. Selon lui, il est inutile, pour magnétiser,

d’avoir foi au magnétisme; la magnétisation est une force physique, brutale, aussi brutale que la force musculaire. « Peu importe, dit-il, l’opposition morale. Qu’un patient me prête son corps seulement : nous agirons sur lui, quelle que soit son intention. J’ai même été appelé à constater, en pratique, qu’il valait souvent mieux avoir affaire à un système nerveux surexcité par une résistance, que d’opérer sur l’inertie physique d’une nature qui se soumet à tout (page 38)... Je dis que le sommeil magnétique est possible sans la volonté, sans le regard.... Que la volonté et le regard seulement n’endorment pas, parce que je n’ai jamais produit le sommeil par la volonté et le regard seulement (page il). » Pour peu qu’on ait pratiqué et observé le magnétisme, on conçoit combien ce système est erroné. Dans les phénomènes magnétiques, la volonté du magnétiseur joue un rôle capital ; c’est elle qui met en jeu l’agent mystérieux dont nous a doués la nature ; c’est par la volonté que nous l’émettons, que nous en pénétrons le corps du sujet, que nous nous rendons maîtres de ses sens, puis de son imagination, et même de sa volonté, et que nous produisons des effets si variés, si merveilleux. Bien que les passes aient une utilité incontestable, néanmoins elles ne sont pas indispensables. Tout en restant immobiles et sans manifester notre intention par aucun signe extérieur, nous pouvons agir sur le sujet, même sans être vus de lui, le plonger dans le sommeil, mettre ses membres en catalepsie, l’attirer, le repousser, lui imposer des actions, le faire obéir à nos ordres tacites, agiter son esprit par des passions tumultueuses, lui inspirer à notre gré l'effroi, la joie, la douleur, etc. Quelques-uns des faits que nous venons de retracer sont très-communs, parfaitement connus de tous ceux qui s’occupent de magnétisme ; d’autres ne se produisent qu’autant que des expérimentateurs habiles et puissants ont affaire à des sujets fort impressionnables; les séances de M. du Potet en ont offert de nombreux exemples. Eh bien, en présence de pareils résultats, peut-on nier l’influence décisive de la volonté ? peut-on persister à soutenir que l’action du magnétiseur est une force physique, brutale, comme la force

musculaire ? L’action physique est, de sa nature, aveugle ; elle est uniforme dans ses effets; telle sera l’action d’un corps grave qui tombera sur un de nos membres. Par le magnétisme, au contraire, non-seulement on produit sur le corps des effets très-divers et même opposés l’un à l’autre, tels que le sommeil et le réveil, le calme et l’irritation, la rigidité tétanique ou la flexibilité inerte, mais encore on s’empare de l’âme, 011 la domine, on la transforme. N’est-il pas évident que la puissance qui produit de telles merveilles est autre chose qu’une force physique et brutale, et que si c’est un fluide qui lui sert d’organe, c’est notre volonté qui la dirige? Que, pour magnétiser, il ne soit pas nécessaire d’avoir la foi au magnétisme, nous l’accordons; quelquefois même il pourra arriver que certains effets aient lieu sans la volonté du magnétiseur, si celui-ci est doué d’une organisation très-puissante , et si en même temps il se trouve en rapport avec des sujets très-impressionnables, surtout si leurs dispositions morales les rendent très-sensibles à l’action magnétique; mais ces faits, qui exigent un concours de circonstances assez rares, n’infirment en rien ce que nous venons de dire de la volonté; car alors les phénomènes qui se produisent naissent au hasard, ne sont ni prévus, ni dirigés; et même, quand une volonté éclairée n’a pas concouru à les produire, elle seule peut les contenir ou leur imprimer une direction salutaire. Il y a plus, en dehors de ces cas exceptionnels, la volonté seule peut déterminer l’action magnétique ; elle peut se passer des gestes, et les gestes ne peuvent se passer d’elle. Que, sans avoir la volonté d’agir, on fasse des passes suivant le mode accoutumé, le sujet n’en éprouvera aucune impression ; ou même, qu’en opérant, notre esprit distrait se détourne de son but et laisse flotter ses idées au hasard, l’action magnétique se ralentira, deviendra molle, indécise, inefficace ; il en pourra même résulter des accidents pour le magnétisé-De la part du sujet, le rôle de la volonté, quoique secondaire , n’en est pas moins important, et les assertions de M. Baragnon sont en contradiction avec l’expérience. Si le sujet veut résister à l’action, il pourra la neutraliser ou au

moins en atténuer considérablement la force. S’il est indifférent, il facilite notablement la tâche du magnétiseur; si enfin il va au-devant de son action par son désir d’être magnétisé; s’il a l’imagination frappée de la grandeur du pouvoir qu’il attribue à celui-ci, il se trouve alors clans les conditions les plus favorables, et le moindre effort, un seul regard pourra suffire pour le mettre dans l’état magnétique.

Quand M. Baragnon énumère les effets du magnétisme, tantôt il se laisse entraîner à un enthousiasme hyperbolique que ne peut admettre le langage scientifique, tantôt il se maintient dans une réserve excessive, qui lui fait rejeter les faits les mieux avérés. Ainsi, c’est aller beaucoup trop loin que d’affirmer que l’âme du somnambule « parcourt d’un bond l'immensité; qu’il n’est point de corps dont elle ne puisse voir l’intérieur; point de pensée si profondément enfouie qu’elle ne puisse connaître, point d'effets dont elle ne puisse apprécier la cause. » Dans un traité où l’on doit surtout s’attacher à la propriété des termes, 011 doit éviter de déclarer divins et surnaturels les résultats du somnambulisme (page 155). Le somnambulisme s’exerce en vertu d’une faculté que nous tenons de la nature ; il 11’a donc rien que de parfaitement naturel; pour qu’il fût surnaturel, il faudrait que chaque fait de somnambulisme fût dû à une intervention miraculeuse de Dieu, à une dérogation spéciale aux lois de la nature. Si telle est l’opinion de l’auteur, il aurait dû la formuler plus nettement, et déduire les raisons sur lesquelles il la fonde. Si, au contraire, il pense, comme nous, que le somnambulisme est naturel, il doit éviter des termes qui peuvent jeter de l’ambiguïté dans l’esprit du lecteur. Cette remarque nous semble avoir d’autant plus d’importance, que plusieurs auteurs, notamment M. Billot et M. de M..., en son Traité des Esprits, dont nous avons rendu compte dans ce Journal, soutiennent très-sérieusement que tout est surnaturel dans le magnétisme, dont ils attribuent les effets, l’un aux anges et l’autre aux démons. Quant à la pénétration des somnambules, bien qu’elle soit prodigieuse, elle a ses limites, comme toutes les facultés humaines, et il n’y a que l’Être in-

fini dont on puisse dire qu’i/ n’est point d'effet dont il ne puisse apprécier la cause.

M. Baragnon nie la perversion des sens (page 135) et la transposition des sens (page 163) chez les somnambules. Ces phénomènes ont cependant été présentés bien des fois et constatés d’une manière irrécusable. 11 rejette également la médecine somnambulique, au risque d'être fort peu conséquent avec lui-même, après avoir exalté la pénétration divine et surnaturelle des somnambules qui apprécient les causes de tous les effets.

Sans doute, la lucidité des somnambules appliquée au traitement des maladies est loin d’être infaillible, et l’on ne doit s’en servir qu’avec précaution. Néanmoins il est constant, et il ne peut être ignoré d’un professeur de magnétisme, que beaucoup de somnambules ont montré sur cette matière une clairvoyance admirable, ont guéri des malades que la médecine n’avait pu même soulager et avait déclarés incurables. Il y a, à notre connaissance, de fort belles cures dues à la lucidité des somnambules, et il serait bien fâcheux que l’humanité fût privée d’une ressource aussi précieuse.

C’est encore une erreur que de prétendre, comme M. Baragnon , que la clairvoyance, la transmission de pensée, la vue à de grandes distances ne peuvent exister sans le somnambulisme (page 153). Sans doute, c’est le plus souvent le somnambulisme qui fait naître ces brillantes facultés; mais d’autres causes peuvent les produire, comme on l’a constaté chez les Ursulines de Loudun, les trembleurs des Cévennes, les Écossais doués de la seconde vue, etc.

L'auteur entre dans de grands détails sur les procédés techniques de la magnétisation, dont il fait un art compliqué et minutieux. Nous pensons, d’après notre pratique et l’autorité des magnétistes les plus compétents, qu’on peut produire tout autant d’effets par des moyens beaucoup plus simples. Cependant, nous reconnaissons qu'il y a là une étude importante àfaire ; ce n’est qu’en se livrant d’une manière suivie à l’examen comparatif des diverses méthodes et de leurs ré-

sultats, qu'on pourra parvenir à faire un choix définitif. Cette partie de l’ouvrage est la plus instructive.

M. Baragnon termine par une dissertation sur les tables tournantes; il rend compte d’un grand nombre d’expériences, et cherche l’explication de ce phénomène si singulier. Mais, après avoir fait quelques pas, il s’arrête à une limite qu'il refuse de franchir, et montre une incrédulité digne d’un académicien. 11 veut bien admettre le mouvement des tables sous l’action de la chaîne formée par les mains, ainsi que l’empire de la volonté sur l’objet actionné; mais ce qu’il repousse avec dédain, c’est la communication intellectuelle obtenue à l’aide de ces procédés. 11 ne peut concevoir, dit-il, des révélations qai feraient supposer une âme à l’objet magnétisé. C’est mal poser la question. Les partisans des communications n’attribuent point une âme à la table, mais pensent qu’un être invisible se sert de la table comme d’un instrument pour produire certains actes et converser avec nous. L’auteur, qui ne paraît pas avoir suffisamment étudié cette branche si curieuse des sciences occultes, s’empresse beaucoup trop de tirer du fait supposé des conséquences absurdes, de déclarer qu’il « n’y a plus de science, si l’on possède en main toutes les solutions, » que l’esprit humain est condamné à l’apathie « s’il n’a plus qu’à trouver un instrument prompt et docile qui, nouveau télégraphe jeté entre notre monde et le monde invisible, révèle fatalement nos destinées. » 11 tombe aussi dans le même abus de raisonnement que la plupart des adversaires du magnétisme, pour lesquels toute faculté extraordinaire ne peut exister qu’à condition d’être infinie, et qui croient nous faire une objection formidable en nous sommant de trouver sur-le-champ, à l’aide d’un somnambule, la réponse à toutes les questions, la solution de tous les problèmes, la connaissance complète du passé, du présent et de l’avenir. De même, pourM. Baragnon, du moment que des esprits se communiquent, ils doivent tout savoir, nous révéler tout, et faire toute notre besogne. Avec un peu de réflexion, il comprendra qu’une école ne peut être responsable des doctrines que ses adver-

saires lui prêtent gratuitement; que, s’il existe des êtres extra-humains capables de se manifester à l’homme, l’expérience seule pourra nous apprendre s’ils sont supérieurs à nous, ce qui n’est pas évident à priori; que, dans le cas où ces êtres nous seraient supérieurs, ils seraient nécessairement bornés dans leur science et dans leur pouvoir; qu’enfin nous pourrions avoir à gagner dans leur commerce sans qu’il en résultât pour nous la dispense de penser et d’agir, de même que l’intervention de la race blanche supérieure chez les peuples sauvages a été pour ceux-ci une source de progrès, un immense bienfait, et, loin d'éteindre leur activité, en a été le stimulant le plus énergique.

Après avoir rapporté quelques faits racontés par les novateurs, l’auteur s’écrie : « Que b guerre autre que celle du ridicule peut-on faire à c’e tels fanatiques?... » Un magnétiste devrait toujours se rappe’er que c’est là le langage des adversaires du magnétisme qui, en criant au ridicule, au fanatisme, se croient dispensés d’examiner, et déclarent péremptoirement impossible tout ce qui leur est étranger. Nous concevons qu’on accueille avec beaucoup de circonspection tout ce qui regarde les communications spirituelles; qu’on procède dans une matière si délicate avec une grande réserve; qu’on soit très-exigeant en fait de preuves ; que même, les faits étant admis, on conteste les conséquences que veut en tirer tel théoricien, et qu’on discute sur la cause; mais quand en France, en Allemagne, en Angleterre et en Amérique beaucoup d’hommes graves et consciencieux présentent une série d’expériences, ils ont droit au moins à l’examen. Se borner à leur répondre par la raillerie ou l’injure, c’est faire cause commune avec ceux qui cherchent à étouffer toute innovation, à bâillonner quiconque ose dépasser le cercle de leur programme ; c’est marcher sous la bannière de ceux qui, en conspuant Mesmer, ont cru tuer le mesmérisme.

A.-S. MORIN.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

CLINIQUE.

1“ EXTRACTION DE DENTS SANS DOULEUR.

Dans un moment où les cas de mort par le chloroforme semblent se multiplier, on ne saurait trop faire connaître à nos chirurgiens des faits de la nature de ceux cpii suivent. Us prouvent qu’il n’est pas même besoin de produire le somnambulisme pour obtenir l’insensibilité ; ce qui augmente de beaucoup le nombre des personnes qui peuvent profiter du bénéfice de cet état, et nous fait regretter que les chirurgiens ne veuillent pas essayer de l’anesthésie magnétique (ce qui est sans inconvénient) avant d’employer le chloroforme, dont l’usage a fait déjà un trop grand nombre de victimes.

Première observation.

Je fus appelé, le 9 décembre 1852, rue de la Roquette, 101, pour donner des soins à M"e Cambrune. Cette demoiselle, âgée de vingt ans et douée d’un tempérament éminemment nerveux, souffrait depuis trois semaines d’une odontalgie, au point d’éprouver ce qu’on appelle vulgairement une rage de dents. Après avoir examiné attentivement l’intérieur de la bouche, je constatai que toute la membrane muqueuse de cette cavité était enflammée, et qu’une grosse molaire du côté gauche, et en bas, était cariée. J’appris que le point de départ de cette violente douleur correspondait précisément à la dent malade.

En quelques minutes, je parvins à faire disparaître la douleur dentaire, par un procédé que j’ai déjà employé plusieurs fois avec succès, et qui consiste à mettre le bout d’un

tome XII. — N° lîtt. — 25 noyembue 1853. 21

doigt sur la dent malade, pendant que la pulpe îles doigts île l’autre main est appliquée sur la joue du même côté. La malade était satisfaite d’un pareil résultat. Je lui dis cependant qu’elle ne devait pas se faire illusion, et que, très-probablement , ce mieux ne serait pas de longue durée, car la cause qui avait produit le mal existait encore; que le moyen le plus sûr de l'empècher de revenir, était d’avoir recours à, l’extraction de la dent.

Cette jeune fille se livra alors au désespoir, disant qu’elle aimait mieux la mort que de se soumettre à cette opération, attendu qu’elle l’avait déjà subie deux fois avec d’horribles souffrances.

L’espoir de la rendre insensible à la douleur me détermina à la magnétiser. Je fus assez heureux pour obtenir de suite le sommeil et l’insensibilité. A son réveil, nous nous donnâmes rendez-vous pour le lendemain chez un dentiste. Je dis à celui-ci que je réclamais son ministère pour extraire une dent à cette jeune personne ; mais qu’auparavant je désirais la mettre dans l’insensibilité à l’aide du magnétisme.

« Est-ce que vous croyez que cela est possible ? » me dit-il, avec un air d’incrédulité.

Je lui dis que j’espérais obtenir ce résultat.

« Ce serait fort heureux pour mademoiselle, me répondit-il ; car lorsque je lui ai plombé la dent dont elle veut se débarrasser, j’ai employé le chloroforme et n’ai pu obtenir que des convulsions. »

Alors, je magnétisai, et ne pus, malgré mes efforts, obtenir le sommeil, bien que j’aie magnétisé pendant une demi-heure.

La jeune personne était désolée, et me dit qu’elle sentait qu’elle ne pourrait dormir, tant elle avait peur de l’opération. Je pris une épingle et la piquai dans différentes parties du corps, sans déterminer la moindre douleur. Elle sentait bien, disait-elle, que je la touchais, mais n’éprouvait aucune souffrance. La bouche était largement ouverte, car les muscles masséters étaient dans un relâchement complet, comme les muscles des membres. Je profitai de cette dispo-

sition pour piquer profondément les gencives, et notamment la portion qui correspondait à la dent cariée. Môme réponse de la part de la malade :

« Je sens bien, me dit-elle, que vous me touchez; mais je n’éprouve aucune douleur. «

Alors je donnai un coup de coude au dentiste, pour l’avertir qu’il pouvait commencer l’opération. A peine avait-il introduit la clef de Garangeot dans la bouche, que la malade, jusqu’à ce que l’opération soit terminée, jeta des cris épouvantables, de manière à se faite entendre du voisinage. Lorsque le dentiste lui montra sa dent, elle fut enchantée et me témoigna sa reconnaissance de l’avoir préservée des douleurs atroces qui accompagnent l’extraction des dents.

Je pris d’abord ce témoignage apparent de reconnaissance pour une mystification, et lui fis observer que son langage n’était guère en harmonie avec les cris qu’elle venait de jeter.

« La douleur, me dit-elle, est étrangère aux cris que vous venez d'entendre : la peur du mal en est la seule cause. » Cette explication était d’autant plus nécessaire, que le dentiste, qui riait déjà sous cape, paraissait ne pas croire à la possibilité de produire l’insensibilité à l’aide du magnétisme.

Deuxième observation.

Le fait suivant est extrait des procès-verbaux de la Société du Magnétisme de Paris, je le résume seulement :

M"“ Rose Guvot, âgée de vingt-un ans, souffrait depuis quelque temps de violentes douleurs odontalgiques qui la privaient de sommeil. Sensible au magnétisme, sous l’action duquel elle s’endort, elle voulut tenter, dans cet état, l’extraction d’une dent cariée, afin de ne pas ressentir les douleurs qu’elle avait endurées dans une opération de ce genre. A cet effet elle s’adressa à M. Calame, qui déjà l’avait magnétisée, et qui voulut bien tenter l’expérience, autant dans le but d’être utile à la patiente, que pour convaincre le dentiste de la puissance anesthésique du magnétisme.

M. Calame ayant fait asseoir son sujet, se mit à l’œuvre. Mais, hélas ! il avait compté sans la langue des assistants. Dans l’appartement se trouvaient quelques personnes curieuses de voir l’expérience; elles engagèrent une conversation d’abord sur un ton assez bas, puis un peu plus haut, puis enfin sur le diapason de la conversation la plus animée et la plus bruyante. La situation morale du sujet venant s’ajouter îi cette mauvaise condition, devait rendre la réussite des plus difficiles. Cependant, après trente ou quarante .minutes d’efforts, le sommeil apparut. Le silence régnait alors, grâce à la réclamation un peu vive du magnétiseur, et un peu aussi à la curiosité avec laquelle ou attendait le résultat.

A ce moment, le magnétiseur, plaçant ses doigts réunis en pointe à un centimètre environ de la joue, magnétise dans le but d’obtenir l’insensibilité absolue de cette région.

Peu après, supposant le but atteint, il veut ouvrir la bouche de la dormeuse pour procéder à l’opération ; mais la rigidité des muscles masséters ne le lui permet pas tout d’abord, ce n’est qu'au bout de cinq ou six minutes que la détente se fait et que le menton, cédant à une légère pression du petit doigt, s’abaisse assez pour livrer passage au davier.

Le magnétiseur croyait le moment propice ; mais ici encore il avait compté sans les émotions, les préoccupations de sou sujet. Lorsque, sur un signe de lui, le chirurgien voulut introduire l’instrument, la malade s’éveilla et déclara de la façon la plus énergique, et à plusieurs reprises, qu’elle ne voulait pas qu’on lui arrachât sa dent. Cette scène provoqua les rires de l’assemblée, du dentiste surtout.

Cependant, après un quart d’heure d’hésitation, la malade, cédant aux sollicitations de M. Calame, et sans doute aussi à la crainte du retour des douleurs, consent à se laisser opérer.

Quoique éveillée, M"° liose ôtait encore visiblement sous l’influence magnétique , ce qu’indiquaient le brillant de ses yeux et l’attitude de ses traits. C’est dans cet état que l’opération fut tentée. Elle réussit parfaitement, sans la moindre douleur, et à la grande surprise des personnes présentes.

Ces deux opérations justifient pleinement l’opinion, sou-

vont émise par M. Hébert devant la Société du Mesmérisme, qu’il n’est pas nécessaire que les patients perdent connaissance pour être insensibles à la douleur. Peu importe, en effet, qu’ils sentent, qu’ils voient même qu’on les opère, s’ils ne souffrent pus. Or, le nombre des magnétisés qui sont, non pas insensibles, mais indolores ou analgésiques, est très-con-sidérable. Ainsi beaucoup de gens qui, ne dormant pas, étaient considérés comme devant souffrir, pourraient subir les plus grandes opérations sans ou avec très-peu de douleur, étant magnétisés.

Ces considérations engageront sans doute les magnétiseurs à multiplier leurs essais dans cette voie; alors les vues que je viens d’indiquer pourront êtie développées par leur auteur, et l’on verra que le magnétisme est loin d’être, comme on l’a dit, « détrôné pari’éther. »

m LOÜYET.

Un de nos abonnés nous communique l’extrait suivant d’une lettre qu’il a reçue d’un magnétiste italien qui habite Florence :

2° RÉSOLUTION DE GLANDES.

n Mon cher monsieur Rey,

«Dans votre dernière lettre,, vous me priez de vous faire part des phénomènes que j’obtiendrais dans mes séances somnambuliques magnétiques, afin, me dites-vous, de les présenter à M. le baron du Potet.

« Je me rends à votre demande, pensant qu’il est du devoir de tout sincère magnétiseur d’apporter des matériaux pour l’érection du grand édifice humanitaire; toutefois, ce n’est qu’avec la réserve qu’on ne mettra la lin de mes articles que mes initiales, que j’en permettrai la publication. Vous n’ignorez pas, je pense, que connue magnétiseurs, quoique n’exerçant cette science que par pure humanité, nous sommes traqués comme des bêtes fauves et qu’on nous traite en vrais charlatans. En effet, je ne crains pas de vous avouer que j’ai dû dernièrement agir en charlatan ; voici comment cela s’est passé : Un père de famille me di'l

un jour qu’il avait, un fils, âgé de trois ans et demi, bien malade; je lui promis d’aller le voir. Quoique je lie sois pas médecin, je reconnus que l’enfant était attaqué d’une maladie glandulaire; son cou était tellement gonflé qu’on ne le distinguait pas d'avec sa têle, c’était tout une même boule; je proposai de suite le magnétisme. 11 est inutile de vous raconter comment 011 reçut ma proposition, ce serait trop long: ces gens-là étaient prévenus contre le magnétisme, et ils ne voulaient point voir ensorceler leur enfant. Que faire en pareil cas?... Il me vint une inspiration : je proposai au père une huile que je dis très-souveraine pour guérir cette maladie, huile que j’avais apportée moi-même d’Afrique; et comme il n’y en avait point ici, je voulus l'administrer en frictions moi-même, afin d’en consommer le moins possible ; le père et le restant de la famille, composée de six personnes,assurés qu’il 11e s’agissait plus ici du magnétisme, me permirent d’agir. Je fis semblant de faire des frictions, mais je ne fis que des passes, et j’agis avec la ferme volonté de dégorger les glandes et de rétablir la circulation des humeurs portées au cou du pauvre enfant.

« A la première magnétisation, le cou s’assouplit un peu ; le second jour, l’estomac gonfla et le cou diminua d’un tiers de sa grosseur ; à la troisième magnétisation, l’enfant eut quatre évacuations de matières séreuses; à la quatrième, tout le mal avait disparu ; le cinquième jour, les parents vinrent me trouver et me firent mille compliments de la vertu de mon huile que j’avais eu le soin d’emporter journellement avec moi, non-seulement pour lui donner plus d’importance, mais pour éviter le désagrément qu’elle m’aurait pu susciter si quelque curieux l’avait analysée ; car c’était tout bonnement de l’huile d’olive. L’enfant, qui languissait depuis deux mois, est très-bien portant et mange d’un grand appétit. »

« M. A. »

FAITS ET EXPÉRIENCES.

1° VISION DANS LE MIROIR MAGIQUE.

Regarde dans ce miroir, saisis ces images qui passent sous tes yeux comme des nuages légers.

— Je vois les temps passés.... Le globe bouleversé se fend par parties.... Des animaux, hauts comme les pyramides, sont engloutis dans les eaux.... La nature s’essaie et produit des ébauches.

— Regarde encore.

— Je vois la terre refroidie produire d’autres races qui elles-mêmes vont achever l’ouvrage terrible de la nature.... C’est à qui d’entre les hommes s’excitera au carnage.... partout des hécatombes, partout du sang répandu en honneur de faux dieux, partout des blasphèmes et des malédictions... L’homme, enfant encore, brise les idoles jouets de ses pensées et de son imagination ; il s’ingénie à la recherche du vrai et n’y peut parvenir... Nulle part le calme , la tempête est partout; lorsqu’elle n’est point dans le cœur de l’homme, elle est dans les éléments.... Des rires, des pleurs,

des grincements de dents.... des édifices renversés, des villes brûlées et des débordements.... Ce n’est encore qu'un nouvel essai.

— Regarde toujours.

— C’est un commencement d’ordre qui s’établit. Voici de nouveaux dieux, créations éphémères.... Du sang en leur honneur.... pourtant ces dieux sont méchants et cruels comme leurs devanciers; mais leur puissance sera moins durable. Assez de dieux.... Voici des rois et des empereurs, des sceptres et des couronnes : tout sera brisé et renversé... L'homme vend son frère, il le rend esclave; il distille le venin pour en avoir la plus parfaite essence... Le fer s’est émoussé.... Le poison se payera au poids de l’or... Malheur à vous, grands de la terre, vous allez vous entre-détruire !

— Regarde; vois-tu quelque part la justice ici-bas?

— Non ; mais des échafauds, des cadavres suspendus aux arbres, des bûchers par centaines.... 11 me semble entendre les cris des malheureux que l’on jette dans les flammes.

— Que vois-tu encore?

— Ah! grand Dieu!.... les lieux saints, les maisons de

Dieu sont à, leur tour bouleversées!..... Le fer change

de mains, les persécutés deviennent à. leur tour persécuteurs !.... Un homme apparaît.... il fait cesser ces meurtres..., il lance des myriades d’êtres ii la poursuite de plusieurs autres chefs de nations.... Pâlissez, vieilles coutumes! un seul jour vaudra dix années, quinze jours vaudront plus d’un siècle.... L’Inde, l’Égypte, Rome et les Gaules ver-sentie plus pur du sang humain.... Je suis saisi d’effroi!

— Ne crains rien, ce sont des ombres qui passent; regarde toujours.

— Je vois des savants pétrissant le soufre et le salpêtre..,, leur mission est de conserver les hommes : ils inventent ce qui doit les détruire.... Partout un bruit comme celui de la foudre, partout le son du clairon et du tambour, le cliquetis des armes....

— Mais la justice, la vois-tu quelque part ?

— Non; l’homme ne la connaît pas encore.... Il jette à

terre ce qu’il a édifié, puis il relève ses demi-dieux tombés... Otez-moi ces images qui me glacent d’épouvante.... Ma vue ne distingue plus les lieux où j’ai passé, les villes sont cachées sous l’herbe ; la paix des tombeaux règne où naguère se faisaient entendre des chants belliqueux ; des continents depuis longtemps déserts se couvrent d’habitants, et déjà la discorde se glisse jusqu’au séjour de la prière que l’on adresse aux dieux... Elle dit à celui-ci : «Ton dieu vaut mieux que celui qu’adore ton voisin. » A un autre elle dit : h II n'y a point de Dieu.... » Un souille empesté pénètre dans les poitrines ; les champs desséchés sont abandonnés, le grain n'a plus de valeur, on court après l’or que renferme la terre, les cadavres tracent la route qui conduit à ces lieux fortunés où le génie des mondes .avait, dans sa sagesse, caché ces fausses richesses.... La terre tremble sous la pioche.... ce n’est partout que coups de mines.... L'or va servir à forger de nouvelles armes....

— Va-t-on combattre pour la sainte cause de la justice?

— Non, pas encore!... Les hommes vont s’entre-détruire au nom du Dieu de paix et de miséricorde.... Je vois des empires détruits, des royaumes disparaître... un fleuve de sang coule jusqu’àmes pieds.... Oh! faites cesser cette cruelle vision!.... ma vue se trouble... j’entends comme le roulement d’un tonnerre souterrain...

— Est-ce enfin le règne de la justice ?

— Non, pas encore !...

— Mais qu’est-ce donc enfin?

— Je ne puis plus parler... mon être s’évapore et va se confondre avec les éléments....

— Encore un mot. Quand apparaîtra un juste?

— Dans trente-quatre ans.

— Enfant, tu n’as rien vu de réel ; fasciné un instant, ta vision n’est qu’un rêve. Un autre jour la réalité viendra frapper tes esprits, nous recueillerons tes paroles.... Réveille-toi !

Baron DU POTET.

2° CLAIRVOYANCE.

A Monsieur Hébert (de Garnay).

Monsieur,

Un fait, dont je n’avais encore vu aucun exemple, vient de se produire il y a deux jours.

Dans la matinée du 20 courant, je m’étais transporté chez un sujet que je prépare pour quelques soirées que je désire donner à des amis.

Ce sujet est une femme d’une constitution grêle, mais très-nerveuse.

A huit heures j’ai commencé h opérer ; après les premières passes, le sujet s’est plaint d’une grande fatigue, et m’a prié de ne pas continuer. Je me suis rendu à ses désirs, et je l’ai démagnétisé avec le plus grand soin, jusqu’au moment où il m’a dit ne plus souffrir.

Un de mes amis était survenu dans l’intervalle, et nous restâmes à causer. Vers onze heures, au moment où nous allions partir, le sujet, qui était gai et riant, s’est plaint de douleurs d’estomac, auxquelles a succédé une crise nerveuse des plus intenses. Ne sachant de quelle cause dépendait ce malaise, nous avons envoyé chercher immédiatement un médecin, qui, à son arrivée, a prescrit l’éther et les précautions ordinaires. Cet état a duré environ une heure et demie; après quoi la malade a dit se bien trouver, et s’est endormie.

On a cru d’abord que c’était une faiblesse, réaction inévitable des contractions pénibles que venait d’éprouver le sujet; mais elle n’a voulu répondre à personne. Je me suis approché, et à mes questions elle a répondu avec le plus grand calme. Surpris de ce phénomène, je lui ai demandé :

— Souffrez-vous?

— Non, m’a-t-elle dit.

— Mais vous n’êtes pas dans votre état normal ?

— Non, m’a-t-elle répondu, je suis magnétisée, et je dors.

Je restai anéanti ; quatre heures s’étaient écoulées depuis

que j avais essayé (le la magnétiser, et j’étais sûr d’avoir détruit , lorsqu’elle m’en avait prié, tout l'effet de mes premières passes. Cependant il ne pouvait y avoir de doute, le sujet donnait.

Durant trois quarts d’heure je l’ai questionnée, et tout le temps elle a été d’une lucidité vraiment extraordinaire. Une série de questions a été posée par les personnes de la maison, qui étaient montées pour assister à cette scène étrange, et pas une fois le sujet ne s’est trouvé en défaut.

J’avais laissé sur mon secrétaire une lettre inachevée, et, vu l’éloignement de mon domicile, le sujet n’en pouvait avoir connaissance; sur la question que je lui posai, à savoir depuis quel jour j’avais écrit à la personne à laquelle j’adressais précisément cette lettre, elle me répondit que j’avais écrit le matin, mais que ma lettre n’avait point été finie; sur ma demande, elle en a lu le contenu. J’envoyai deux personnes chercher ma lettre, les paroles de la somnambule l’avaient fidèlement traduite.

Je lui demandai depuis quand elle n’avait reçu des nouvelles de sa mère ; elle me dit qu’en bas il y avait une lettre que le facteur venait d’apporter, mais que le portier n’avait pas encore montée, attendu qu’il ne pouvait s’absenter de sa loge. Une personne présente descendit à la hâte ; elle trouva en effet une lettre arrivée depuis un quart d’heure environ. Je priai la somnambule de. nous en lire le contenu, elle s’y refusa. J'insistai, et elle s’en acquitta à merveille, car, au grand étonnement des assistants, et du médecin surtout, lorsqu’il rompit le cachet, il fut reconnu qu’elle n’avait fait aucune erreur.

Voilà, monsieur, un fait que je transmets à votre connaissance, heureux de pouvoir m’associer petitement, il est vrai, mais du moins avec zèle, à la recherche de ces vérités sur la voie desquelles nous avons tant de plaisir à vous suivre.

L. LAMBERT,

Avocat, président dota Société de Magnétisme.

3° COMMUNICATION DE PENSÉE.

Parmi les personnes sur lesquelles je fais des expériences , il en est nne d’une sensibilité merveilleuse. A une distance quelconque, je puis lui faire lire dans ma pensée, lui faire éprouver toutes les sensations que je désire, et correspondre avec elle mentalement et à distance, même télégraphiquement. Dans mon dernier voyage, je lui fis savoir de Mannheim le jour de mon arrivée; elle le sut dans l’instant même, comme je pus le vérifier à mon retour. Chaque fois que je vais chez elle, elle me sent venir ; si elle est absente, elle s’aperçoit de ma venue.

Si je lui ordonne mentalement de faire une chose, elle l’accomplit ponctuellement; par la pensée je puis la rendre insensible ou exalter sa sensibilité d’une manière prodigieuse ; je lui fais voir des objets ou des personnes non présents, et rends invisibles les objets et les personnes qui l’entourent, et cela sans sommeil, et même sans magnétisation préalable. Si je le veux, elle voit à travers un corps opaque quelconque ; elle voit mon fiuide pénétrant la matière. Elle voit ce qui se passe à de grandes distances. C'est ainsi qu’elle ine dit ce qui avait lieu à Milan dans la soirée du 6 février, ce que j’ai pu vérifier. Je puis la délivrer d’une maladie par ma seule volonté ; elle suit le parcours du mal s’éloignant.

11 faudrait un volume pour donner le détail de toutes les expériences faites sur cette personne, expériences qui ont été répétées cent fois et qui réussirent toujours.

F. RAGAZZI.

CONTROVERSES.

ENCORE LES TABLES !

Oui, c’est encore des tables, mais non des tables tournantes que je vais parler, car toutes les exceptions dilatoires, toutes ces interprétations du phénomène par la contraction musculaire et la tendance à l’exagération impulsive, par les oscillations artérielles et les dilatations vasculaires, par la propulsion involontaire et inconsciente, enfin, fort applicables, j’en conviens, à la rotation suspecte, se trouvent, dans d’autres cas, perdre toute leur valeur. Tables ! fables ! s’est d’abord écriée la science. A le prendre à la lettre, il est vrai, de l’un à l’autre la différence n’est pas grande : une petite barre de plus ou de moins, voilà tout. Mais c’est précisément là le point à élucider. Cette petite barre récusa-trice des académies savantes, nous la retrouvons souvent; elle est venue s’opposer à la circulation du sang, à la vapeur, au magnétisme vital, partout enfin où un phénomène nouveau viendra prendre au dépourvu les corps savants, leurs théories et leurs systèmes, sauf à s’effacer plus tard sous forme d’amende honorable. Et c’est ainsi que les fables finissent par devenir de l'histoire. En sera-t-il de même des tables ? Je l’ignore. Mais déjà la question est entrée dans une phase nouvelle : nous voyons aujourd'hui des hommes d’un mérite reconnu admettre le fait et en rechercher les causes au point de vue scientifique. C’est déjà un pas en

avant. Ou regrette de ne point voir entrer dans cette voie un jeune savant, dont le nom se rattache à des travaux glorieux, et dont la belle intelligence, pour laquelle on se sent pris d’admiration et de sympathie, semblerait devoir concourir avec bonheur h la solution du problème. C’est de M. Foucault que je veux parler.

« Cette question, dit, en parlant de l’homéopathie, un philosophe mis en scène par M. le Dr Aussandon (1), cette question est plus difficile à résoudre que celle des tables tournantes, qu’une académie a expliquée d’une façon ambiguë, et pour cause : pauvres gens, qui ont étudié les autres sans s’étudier eux-mêmes ! N’auraient-ils pas vu, par cette étude, que dans ce fait où la sensation est si proche de l’idée, nuance délicate à saisir, mais saisissable cependant pour tout homme qui se domine ; que dans cet acte, dis-je, l’électricité attisant la puissance fibro-musculaire, l’idée se soumettait peu à peu à la sensation, et, arrivée enfin à la substitution complète, le jugement n’existait plus? Le candide expérimentateur poussait alors la table à son voisin, et devenait menteur comme une somnambule. Les esprits sains, les gens doués d’un bon naturel, qui se sont donné la peine do répéter les expériences de l'illustre Faraday, et il y en a bien peu, ont acquis la certitude qu’ils avaient fait fausse route. »

Tel est le jugement du philosophe. C’est subtil, mais peu judicieux ; c’est bien dit, mais ça ne dit rien. C’est bon pour la gent machinale des expérimentateurs candides auxquels évidemment s’adresse le docteur. Mais pour tout homme qui se domine et qui s’étudie, pour les esprits sains, tes gens doués d'un bon naturel, qui se sont donné la peine d'expérimenter beaucoup cl sous le contrôle de la surveillauce la plus rigoureuse, il est évident que c’est le bénin philosophe du Dr Aussandon qui fait fausse route, à la remorque de l’illustre physicien anglais.

J’ai lu avec l’extrême intérêt qu’inspirent toujours les travaux d’un homme illustre dans la science, j’ai étudié avec l’attention contenue et la confiance respectueuse que cora-

mande son autorité en la matière, les fines expériences de M. Faraday sur les tables tournantes.

Mais que penser de la valeur de ces expériences, toutes scientifiques qu'elles puissent être, lorsque, sons l’impression même des scrupules fort légitimes qu’elles viennent de soulever, ont voit quatre personnes ayant mis une table en mouvement se réunir toutes quatre d’un côté de la table, y imposant les mains, la charger du même côté d’un poids de dix kilogrammes, et, à leur commandement, ce même côté de la table, ainsi chargé, se dresser sous leurs mains, elle fardeau glissant vers le côté opposé, entièrement libre et où, par conséquent, nul mouvement de bascule ne peut avoir lieu, aller tomber sur le parquet? Ou bien encore quatre autres personnes placées de la même façon, dans l’intention bien arrêtée de faire avancer la table qu’elles ont devant elles, forcées de subir un mouvement de recul invincible que leur imprime le meuble et poussées en arrière avec une violence extrême, reculer ainsi malgré tous leurs efforts jusque dans le salon voisin, d’où elles rentrent dans une émotion difficile à décrire.

Spectateurs de pareils faits, que diraient et M. le Dr Aus-sandon et son philosophe, et l’illustre Faraday lui-même? Je vous le demande. Ici l’idée préconçue était loin d’être confirmée par l’impulsion involontaire, et si les opérateurs se trouvaient entraînés, ce n’était guère, il faut en convenir, dans la direction du but qu’ils voulaient atteindre.

Les quatre forces principales qu’établit M. le Dr Piégu (1) peuvent exister, et, je le crois, existent réellement, mais ne peuvent être admises dans les cas que je viens de citer, pas plus que leur influence ne peut s’appliquer aux cas fort fréquents de la production du phénomène après une imposition de mains de trois, quatre et cinq minutes, où nulle tension prolongée des membres, nulle fatigue n’a lieu, partant nulle contraction musculaire involontaire faussant l’expérience. Quant à la quatrième de ces forces physiques, remarquable

par sa teinte psychologique, et caractérisée par M. Chevreul à’ctnt particulier déterminant la disposition ou tendance au mouvement qui nous porte, malgré nous, à exagérer et à continuer le mouvement commencé par les trois autres, j’ai pu souvent l’observer dans certains individus qui, du reste, n’en avaient pas la moindre conscience, et opéraient, dans leur conviction, de la meilleure foi du inonde. C’est une tendance contre laquelle 011 11e saurait assez se prémunir.

Mais toutes ces interprétations 11e s’appliquent qu’à la simple rotation, et cette rotation si sujette à caution avec ses chaînes superflues de mains humides et adhérentes au meuble, il serait temps de l’abandonner pour s’occuper d’un ordre de faits moins soumis aux chances du mécanisme involontaire, et par cela même plus concluants. J’en parlerai dans un prochain article.

Cette expérience de la table glissant sous les mains sans être suivie dans son mouvement, expérience qu’à son grand regret n’a pu faire réussir M. Ch. Drion, professeur au collège d’Orléans (l), je l’ai vu faire et faite moi-même cent fois. Ce n’est que dans nos premiers essais que nous nous levions pour suivre le mouvement; plus tard, au simple commandement, le meuble restait en place, glissant, non sous nos mains, mais au léger contact du bout de nos doigts. C’était un fait que nous avions à cœur de bien constater, sous le contrôle de l’observation la plus circonspecte et de l’examen le plus rigoureux. A la troisième ou quatrième expérience, la table prévenait le commandement, qui, dès lors, devenait inutile. Et notez bien que le meuble sur lequel nous opérions était une énorme table massive, du poids de \ 40 à 150 kilogrammes. 11 111’est arrivé d’appuyer fortement en sens contraire, pour arrêter la rotation ou lui imprimer un mouvement opposé ; je n’ai pas réussi.

AEG. GATHY.

2° ESPRITS. — EXORCISME.

A Monsieur le baron du Potcl.

Rauzan, octobre 1853.

Monsieur le baron,

Le numéro du 10 septembre dernier de votre excellent Journal contient un article de M. le baron de Chabert, au sujet d’une petite brochure attribuée à M. le comte D. de R., et dont M. de Chabert n’adopte pas les conclusions, qu’il regarde comme tout à. fait erronées.

Sans entendre prendre la défense de M. de Richemond, qui se défendra bien lui-même s’il le juge convenable, permettez-moi, monsieur le baron, de vous soumettre quelques faits auxquels j’ai participé comme acteur ou comme témoin, et dont je puis ainsi garantir la rigoureuse exactitude.

J’ai vu plusieurs fois des tables s’arrêter sur-le-champ , lorsque l’un de ceux qui étaient à la chaîne traçait, en invoquant mentalement Dieu, une croix avec le pouce et à l’insu de ses coopéraleurs.

J’ai vu le môme fait se renouveler, lorsque ce signe était tracé par une personne étrangère à la chaîne.

J'ai vu également, dans deux expériences solennelles, la table s’arrêter dans son mouvement rotatoire ou cesser de frapper, lorsqu’un crucifix était placé sur elle, et reprendre son mouvement lorsque le crucifix était enlevé, et qu’un autre objet lui était substitué à l’insu des personnes de la chaîne. Mais pour rester fidèle à la vérité, je dois ajouter que d’autres expériences, faites dans les mêmes conditions apparentes, n’ont produit aucun résultat, et que la table a continué, soit à frapper, soit à tourner, quoiqu’une petite croix ou un chapelet fût placé sur elle. A quoi tiennent ces différences dans les résultats? Je l’ignore; je me borne à constater le fait, sans prétendre l’expliquer.

Voici, du reste, d’autres faits bien plus étranges, et que j’ai également rus, de mes propres yeux vus, ce qui s’appelle ru :

Toutes les tables que j’ai interrogées ou que l’on a interrogées en ma présence, ont, sans aucune exception, prétendu être animées par les esprits de personnes ayant déjà vécu sur la terre, et ont indiqué, lorsque l’on a insisté, leur nom, leur âge, leur sexe, l’époque de leur décès, etc. Puis, lorsqu’on a fait sur la table un signe de croix et prononcé en t ème temps, soit mentalement, soit de vive voix, les paroles suivantes : Au nom du Dieu rivant, je t’adjure de dire la vérité, j’ai vu le plus grand nombre des tables rétracter ce qu’elles avaient dit d’abord, et déclarer qu’elles étaient animées par l'esprit du mal, et que celui-ci ne cherchait qu’à nous tromper et à nous égarer. D’autres tables, mais en plus petit nombre, ont persisté à se dire les esprits de personnes décédées, mais finiront, j’en suis sûr, par se démasquer, si l’on persiste à les interroger avec foi et fermeté. Ce qui fait ma conviction à cet égard, c’est ce qui vient de m’arriver à moi-même, dimanche dernier.

Deux guéridons se disaient depuis plus d’un mois animés par les esprits de deux personnes de ma famille, mortes il y a quelques années dans de grands sentiments de religion. Mes parents et moi avions contrôlé par tous les moyens possibles la véracité de ces esprits; nous les avions adjurés au nom de Dieu de ne pas nous tromper; nous avions mis sur les guéridons des crucifix, des médailles bénies, etc., et jamais leur langage ne s’était démenti. Toujours des paroles de piété, des sentences de l’Evangile, des engagements à prier Dieu, à l’aimer, ainsi (’juc la sainte Vierge ; toujours les conseils les plus sages et les plus affectueux. En un mot, nous étions dans la plus vive admiration, ainsi que lès nombreuses personnes qui étaient journellement témoins de ces singulières expériences, lorsque, à notre grand ébahissement, dimanche dernier, immédiatement après les vêpres, le guéridon du salon de compagnie (c’était celui qui parlait le mieux et tenait les discours les plus édifiants), interrogé par nous, refuse d’abord de répondre, puis, sur nos instances, nous dit textuellement ces paroles :

— Je m’ennuie de vous dire des paroles mielleuses que

je ne pense pas, et de vous exprimer des sentiments affectueux, lorsque je n’ai pour vous que des sentiments de haine.

— Mais tu n’es donc pas celui que tu prétends être? lui dîmes-nous tout stupéfaits.

— Non.

— Qui es-tu donc alors?

— Je suis l’esprit du mal.

— Quel a été le but de l’indigne comédie que tu joues avec nous depuis si longtemps ?

— De chercher à vous inspirer de la confiance pour mieux vous tromper ensuite.

— Mais ne souffrais-tu pas d’être obligé de nous parler de Dieu, de la Vierge, des saints, etc., et surtout lorsqu’on mettait sur le guéridon un crucifix, des médailles bénies, etc. ?

— Oui, je souffrais ; mais je dissimulais mes souffrances, dans l’espoir de parvenir plus tard à vous égarer.

— Tu nous hais donc ?

— Oui, parce que vous Êtes chrétiens.

Puis l’esprit a pris congé de nous par ces paroles :

— Dieu me force à parler ainsi; l’enfer me réclame, adieu.

Interrogé de nouveau par nous dans la soirée, il a cherché à revenir sur ses aveux et à nous persuader que c’était pour éprouver notre confiance et notre foi qu’il avait parlé de la sorte, et il a persisté dans cette comédie ; mais le lendemain, voyant qu’il perdait son temps, il nous a de nouveau avoué qu’il était l’esprit du mal, qu’il avait espéré reprendre notre confiance, mais que ne pouvant y parvenir, il jetait le masque. Le même jour, l’autre guéridon nous a fait pour son compte les mêmes aveux. Comme vous le pensez bien, monsieur le baron, tous ces faits étranges nous ont causé une douloureuse surprise, et nous ont donné la preuve évidente que nous avions affaire à de mauvais esprits, et que si ces esprits cherchent d’abord à tromper ceux qui les interrogent, en se disant l’âme d’un parent, d’un ami ou de toute autre personne décédée, ils finissent tôt ou tard par se dé-

masquer et par dire leur véritable nom lorsqu’on persiste à les interroger avec foi et fermeté.

De tous ces faits que je viens de vous rapporter le plus succinctement possible, faits dont j’ai été acteur ou témoin, et que j’ai contrôlé par tous les moyens imaginables, doivent ressortir, il me semble, les conclusions suivantes:

1° Par la formation delà chaîne magnétique (ou, dans certains cas et pour certaines personnes, par la seule imposition des mains sur une table, un guéridon, etc.), on se met en communication avec une force extérieure occulte et intelligente, en un mot, avec un esprit;

2° Cet esprit, lorsqu’on l’interroge, se dit toujours l’âme d’une personne décédée, et prétend n’avoir d’autre intention , d’autre but que de nous conseiller et de nous rendre meilleurs ;

3“ Les moyens de contrôle indiqués aux catholiques par M. le baron de Chabert, pour s’assurer si l’on a affaire à l’esprit du mal, peuvent ne pas réussir immédiatement (soit par le peu de foi de ceux qui les emploient, soit par une permission divine, etc.); mais de ce seul fait il serait peu sage et peu prudent d’en induire (pie l’on doit se rassurer et avoir confiance, car si l’on persiste h interroger l’esprit, celui-ci, au bout d'un temps plus ou moins long, finit par se démasquer et par convenir formellement qu’il est Y esprit du mal, et qu’il ne cherche qu’à nous égarer et à nous tromper.

J’ose espérer, monsieur le baron, que vous voudrez bien accueillir avec bienveillance cette trop longue lettre, qui ne contient cependant qu’une très-faible partie des expériences auxquelles j’ai participé comme acteur ou comme témoin , et je vous serai reconnaissant de lui donner place dans votre excellent Journal, afin que d’autres contrôlent à leur tour les faits au point de vue que j’indique, et évitent, s’il y a lieu, les dangers d’une confiance prématurée.

Veuillez agréer, etc.

Vicomte L. de MESLON.

Un simple rayonnement des forces humaines pénétrant à

travers des corps matériels est assez puissant pour donner à ceux-ci une apparence de sentiments, une sorte d’animation passagère.

Ce surprenant phénomène, dont l’imprévu a stupéfié dans leur coquille tous nos philosophes modernes, tous nos savants, dont l’incrédulité cache un grand fonds d’ignorance touchant les choses morales ; ce phénomène des tables tournantes et parlantes continue d’occuper les esprits sérieux. C’est en vain que les Foucault, les Faraday, les Babinet, etc., ont voulu empêcher ce mouvement. — Ce n’est rien! s’écrièrent-ils en se tordant, pour donner à leur rire une apparence de bon aloi. — Cependant quelques gens d’académie se mirent à essayer de la chose nouvelle, sans doute pour en démontrer le ridicule. Mais, grand Dieu! quelle surprise! eux aussi virent sous leurs doigts les tables tourner. — Ce n’est rien, dirent-ils à leur tour; c’est le calorique humain, ce sont des vibrations, une continuité de mouvement de la machine vivante transmis par le contact. — Cette explication fut un trait de génie sorti de la pensée de nos illustres savants. Un si vaste effort d’intelligence ne laissa plus de place aux explications contraires, et le bruit des tables s’apaisa pour un instant.

Nous vous le disons, lecteur : ne vous y trompez point ; il y a ici un problème à résoudre, une nouvelle vérité à faire comprendre et à expliquer. Les tables tournent, non sous la pression des mains, mais par une force venant de nos organes, force qui n’est, selon nous, que l’agent magnétique, celui-là même que nous transmettons, sans contact, aux magnétisés, et qui nous sert à déterminer des attractions et des répulsions; c’est enfin, pour être plus explicite, le principe môme de la vie, jouant au dehors de nous le rôle qu’il joue en nous-mêmes. Voilà pourquoi les faits sont parfois incertains, capricieux toujours, et que leur manifestation , lorsqu’elle est franche, a quelque chose de surnaturel et de divin.

Pour les gens qui sauront me comprendre, ceux qui sont en communion de pensée avec moi, ils reconnaîtront en-

core la force magique, l’aimant spirituel, qui, une fois formé, établit des communications avec les forces vives répandues dans l'espace, (’.’est donc on vain qu’on donnerait aux nouveaux phénomènes une explication toute physique. Pour le comprendre, il faut aborder les lois morales et les pénétrer.

Baron DU POTET.

VARIÉTÉS-

Chronique. — Un de nos abonnés de la Suisse, qui dirige une grande usine dans le canton des Grisons, nous écrit que le magnétisme se propage dans ce pays. Nous extrayons les passages suivants de sa lettre :

« ....Quoique depuis un an vous n’ayez reçu de mes nouvelles, ne croyez pas, monsieur, que mon zèle pour la pratique et la propagation du magnétisme soit refroidi; au contraire, depuis cette époque j’ai fait bien des cures, et plusieurs de nos paysans, convaincus de l’efficacité du magnétisme comme agent curatif, l’accueillirent et le pratiquent maintenant au sein de la famille, avec des résultats parfois surprenants. 11 m’est plus difficile de convaincre la classe riche ou aisée, c’est-à-dire lettrée, qui croit que ce qui n’est pas enseigné dans les écoles n’existe pas. Cependant je fus appelé quelquefois auprès de riches malades au moment où la mort allait saisir sa proie. Comme je ne me pique pas de faire des miracles, je refusai, ce qui m'attira les sarcasmes obligés.

« Mes affaires m’appelant souvent dans l'intérieur de la Suisse, j'en profite pour y répandre la bonne nouvelle. Dans le canton de Zurich, entre autres, j’ai été assez heureux de rencontrer des amis qui ont accueilli le magnétisme avec ardeur et qui le pratiquent dans la famille, en attendant qu'ils le répandent au dehors.

« Presque chaque semaine je reçois des lettres de gens qui me sont complètement Inconnus, me témoignant le dé-

sir d’apprendre à magnétiser. Malheureusement mes affaires 11e me permettent pas de satisfaire à toutes ces demandes comme j’en aurais le désir.

« Tous les jours mon Frère et moi magnétisons. »

— M. Védol, maçon, habitant une commune de l’Ar-dèche, entre les mains duquel est tombé un exemplaire du Manuel de lEtudiant nuif/nt'/ispur, écrit à M. du Potet une lettre de laquelle nous donnons plus bas quelques passages. Cette lettre, touchante de naïveté et de bon sens, dénote chez son auteur, en même temps que la bonté du cœur, un fonds d’intelligence que l’on regrette de ne pas voir développé par l’instruction.

Nous copions presque littéralement, afin de laisser à cette lettre son cachet d’originalité :

« ... Je vous dirai, monsieur, que je ne suis pas instruit, malheureusement pour moi; le peu de science que j’ai, je l’ai appris presque moi-même, mes parents étant eux-mêmes pauvres. Cependant, je crois jouir d’une bonne réputation. Lorsqu’il y a quelque division entre quelqu’un, on me nomme bien souvent arbitre. Je suis membre du conso.il municipal et répartiteur, et depuis que je suis agrégé à la confrérie des pénitents de Cliassiers, j'en ai été nommé recteur.

« Monsieur, je voulais vous écrire plus tôt; mais je n’osais pas le faire, dans la crainte de vous importuner. Ce qui m’y décide aujourd’hui, c’est qu’il y a ici, à Largentière, tout près de Cliassiers, un certain nommé Philippe et un autre nommé Alexis, qui ont donné deux séances en forme de spectacle. Dans leurs affiches je vis une représentation magnétique. Je me dis en moi-même : « Si tu pouvais y voir « quelque chose qui t’éclaircît sur le magnétisme, tu pour-« rais bien y sacrifier une pièce de quinze sous ! « Mais je craignais d’être trompé. Un monsieur à qui je parlais de cela (celui-là. même qui est possesseur de votre livre, que j’ai lu et relu) me dit : « Ne prenez pas une place de quinze sous, « vous ne verrez rien ; prenez une place de trente sous, au « moins vous pourrez voir quelque chose. »

« Qu’y vis-je? L'n charlatan ,pour tromper les gens, pour avoir de l’argent ! Pour escamoter, à la bonne heure ! il parait être assez habile ; mais pour avoir magnétisé son garçon, cela est faux ! Quand même il lui eût mis un bandeau devant les yeux, ce n’est qu’un accord qu’ils ont ensemble :

«les mots et. des lettres, qu'il devine les choses qu’on lui demande. A la vérité, il magnétisa un petit garçon de quinze ans; de I.argentière ; il le fit marcher, le lit mettre à genoux. Je dis que ce n’est rien; moi-même j’en fais bien autant, et je \ous assure que je plains mes trente sous ! J’avais lit de quoi faire manger de la soupe à mes enfants pendant tout une semaine.

« A la sortie de la séance, j’eus une petite conférence avec cet individu. Je lui dis :

« Monsieur, vous ne suivez pas le procédé de M. du Potet pour magnétiser ?

« — Non pas, certes! je ne m’en suis jamais servi; mais « c’est qu’il ne vaut rien du tout son procédé !

« — Je suis étonné, monsieur, que le procédé de M. du « Potet ne vaille rien. Cependant je connais moi-même une « personne qui, sans que jamais de sa vie elle eût vu faire « aucun signe magnétique, magnétise, rien que par son pro-« cédé ; elle a fait des essais, et elle a fort bien réussi. »

« Je voulais parler des deux essais que j’ai faits moi-même. Je le quittai en plaignant mes trente sous.

« D’après tout ce que je viens de vous dire, monsieur, si vous mç connaissez et croyez que je sois utile à la société (non pas pour faire le charlatan, notez bien), veuillez me faire une réponse à la présente et me dire si, depuis que vous avez fait imprimer votre Manuel, vous avez découvert quelque chose pour magnétiser plus facilement. Si plus tard je pouvais me procurer vos ouvrages, je le ferais volontiers ; mais pour le moment cela m’est impossible.... »

Revue «le» Journ:un. — On lit dans le Constitutionnel du 17 novembre, sous la rubrique de Saint-Pétersbourg:

« On s’occupe beaucoup ici desesprits frappeurs. On attache à une petite table, de la grandeur d’un volume in-8° ou in-4°, un crayon renversé qui trace des caractères sur une feuille de papier déployé. Deux personnes suffisent pour former la chaîne électrique. On fait des questions à la table et elle répond. Les cercles élevés de la société se livrent avec ardeur à ces expériences. On va jusqu’à dire qu’un personnage très-haut placé a toujours à sa disposition une petite table ou une petite caisse pour expérimenter. »

Nous remettons la suite de cette revue à quinzaine.

ARNLTTE.

BIBLIOGRAPHIE.

LE SCALPEL; Traité de Philosophie passionnelle, par H. de Vives.

1 vol. in—18. Paris, 1853.

Depuis l’antiquité la plus reculée, l’homme a cherché à connaître sa nature, son origine, sa destinée ; il s’est demandé quels liens l’unissaient aux autres êtres , à l’univers, à Dieu. Les esprits les plus éminents ont apporté le tribut de leurs méditations sur ces graves sujets; la raison philosophique s’est efforcée de résoudre les questions qui intéressent à un si haut degré l’individu aussi bien que la société, et qui ont une influence décisive sur la morale et sur l’ordre social; les diverses religions s’armant d’une autorité divine, ont prétendu imposer silence ii l’esprit d’examen et dicter des solutions devant lesquelles la discussion devait s’incliner.

Ni la philosophie, ni la théologie n’ont été assez puissantes pour faire cesserla divergence des opinions, et n’ont pu encore présenter de doctrine dont l’évidence pût rallier les esprits. La lutte a dû continuer, toujours aussi vive, aussi ardente, et il en devra être ainsi jusqu’à ce que les sciences morales soient parvenues à un degré de certitude égal à celui qu’offrent les mathématiques et la physique. On conçoit donc que de nouveaux athlètes entrant en lice, cherchent sans cesse à reculer les limites de nos connaissances et à percer les voiles qui nous dérobent la vérité.

M. de Vivès, dans le petit ouvrage qu’il vient de publier, a abordé hardiment les problèmes les plus ardus. Mais ses tentatives, loin de nous aider à faire quelques pas de plus en avant, seraient plutôt propres à nous désespérer de jamais atteindre le but. Dès sa préface, il nous glace par des pa-

rôles de découragement et tend à éteindre la foi dans nos cœurs. Son livre a pour but, nous dit-il, de prouver :

>• Que la certitude n'existe pas et annulerait l’humanité, l'homme et la civilisation. »

Il dit ailleurs :

« Qu’il n’existe aucune certitude pour l’homme, et que c’est là le secret de l’existence humaine ; que l’homme n’est pas même certain de son existence matérielle. »

A quoi peuvent conduire de telles prémisses? Quelle lumière devons-nous attendre de celui qui commence par éteindre les flambeaux qui pouvaient nous guider? Quel édifice peut construire celui qui, en niant les principes les plus élémentaires, s’interdit toute espèce de base ? Quelle consolation peut nous apporter, au milieu de nos misères, celui qui doute de tout et entreprend la tâche désolante de nous communiquer son triste scepticisme ? Aussi n’est-il pas étonnant qu’il nous interdise tout espoir d’améliorations sociales.

D’après lui, la progression morale serait une chimère ; des transformations superficielles pourraient avoir lieu, mais la somme du mal serait toujours la même (page 80). Ce serait donc peine perdue que de travailler à faire cesser les souffrances de nos frères, à combattre l’ignorance et la misère qui sont aujourd’hui le lot de la majeure partie du genre humain, à faire descendre sur la terre le règne de Dieu prophétisé par les hommes supérieurs chez lesquels tant de générations ont cm reconnaître une émanation de la lumière céleste: non, Arimaline devrait rester éternellement supérieur à Ormuzd, Satan serait pour toujours le prince de ce monde, comme l’appelle l’Évangile, et rien ne pourrait lui arracher sa proie. Cette manière de voir sanctionne toutes les injustices, toutes les oppressions, condamne les ilotes, les déshérités, à des tortures irrémédiables, et leur enlève, coiume aux damnés, tout espoir d’un sort meilleur.

Cette épouvantable doctrine est démentie par la raison ;

elle l’est par l'examen «le. l'histoire, qui nous montre l'humanité marchant à travers les siècles vers sou développement, et soumise à la loi constante du progrès.

¡Nous ne pouvons suivre M. de Vivès dans toutes les parties de son ouvrage. 11 passe en revue une foule de questions ; il les tranche pour la plupart sans les discuter, comme si son affirmation devait suffire. Quand il veut bien condescendre à traiter une matière, il l’ellleure en quelques mots, débite avec aplomb quelque banalité, se hâte de conclure, et semble croire que le lecteur ne peut rien demander de plus.

11 consacre un chapitre au magnétisme.

C’est une chose digne de remarque, que presque tous les écrivains qui, aujourd’hui, dissertent sur la nature de l’homme, ne croient pouvoir le faire sans s’occuper du magnétisme qu’ils considèrent comme une de ses facultés les plus brillantes et les plus dignes d’examen. Nous sommes loin déjà, comme 011 le voit, du temps où ceux qui se posaient en arbitres de la science, 110 pouvaient entendre prononcer le mot de magnétisme sans éprouver des horripilations, et 11e voulaient pas môme s’occuper de ce qu’ils appelaient une jonglerie ridicule, une niaiserie pitoyable. Cette niaiserie a fait son chemin, en dépit des arrêts qui la condamnaient à un prochain oubli et des oraisons funèbres prononcées sur sa tombe ; elle est plus vivace que jamais, elle se manifeste par les faits les plus éclatants; elle appelle l’attention universelle; elle attire la curiosité des gens du monde, elle luit aux yeux des malades comme un phare consolateur; elle éveille la susceptibilité des théologiens; elle confond les physiciens par des phénomènes surprenants qui mettent en déroute bien des systèmes ; elle apparaît aux médecins comme venant suppléer à l’insuffisance de leur science ; elle trouble le repos des académies et force l’entrée du sanctuaire, malgré les sarcasmes et les ana-thèmes.

M. de Vivès admet la réalité et la puissance du magnétisme. Mais il n’est pas heureux dans ses tentatives pour l’expliquer. Voici ce qu’il en dit :

u Le magnétisme est une propriété de la matière et non pas nn esprit terrestre. L'homme, comme composition matérielle, prend dans son organisation les fluides les plus subtils de la création terrestre, fluides qui comptent pour beaucoup dans sa création. L'homme, d’après des lois qui nous sont inconnues, peut disposer de ce fluide soit, pour l’attireràsci, soit même pour le jeter sur les matières environnantes et sur ses semblables.

« Le magnétisme est une des conditions de l'activité matérielle conduite par l’activité do l’âme. L'homme se repose dans le sommeil, quand lu matière est trop thargée pur la mu litre, quand elle est fatiguée d’activité. Or le magnétisme, en .'»?■luirgeaitl l'homme de forces adirés, le force à s'endormir, et alors l’âme reprend sa demi-!il:erté, et elle devient plus lucide, que lorsqu’elle est forcée d’animer le corps.

« En cas de sc nieil magnétique, l’âme est d’autant plus lucide qu’elle est moins chargée de matérialité et de forces corporelles. Mais pourquoi l’âme obéit-elle : u magnétiseur? C’est que l'âme a été libérée du corps par le magnétiseur; c’est que l'âme n'appartient pas à un homme; elle est universelle, elle appartient à l’existence humaine; elle n'obéit pas non plus à une autre âme, mais le magnétiseur ayant en-donni le corps du magnétisé, est plus puissant que cette m > tière presque inerte, et il prend possession de cette chose qui, commandée par une autre organisation humaine complète dans sa vie, en contact avec elle, commande à son tour à une âme d’obéir à ses besoins. Le somnambule magnétique éprouve de la fatigue dans son corps, car il est surchargé de magnétisme, car il est forcé d’employer des forces de sou organisme, des forces matérielles. L’âme s’isole du corps avec une certaine matérialité; c’est cette matérialité qui est fatiguée et non point l’âme, qui n’est jamais complètement âme tant qu'il y a vie humaine, et qui d’ailleurs ne sort jamais des idées de l’existence de l’homme.

« Des gens qui ont été endormis une fois par un magnétiseur, s’endorment très-promptement aux autres fois; en effet, l’homme peut repousser le Jluide par la volonté, de même qu’il peut l'attirer; et, après avoir été magnétisé, sa volonté ne lutte plus là où elle a déjà succombé. La volonté humaine 11e peut entièrement combattre le fluide magnétique, pas plus qu'elle ne peut résister au sommeil naturel et aux ivresses. Le magnétisme est une force matérielle que l’âme chez l'homme 11e peut vaincre. Un individu plus fort qu’un autre, ayant plus cle fluide, peut endormir ce dernier;

la volonté a certains droits sur la matière, et elle peut attirer le magnétisme.

« Un homme peut s’endormir tout seul du sommeil magnétique, surtout lorsqu’il a déjà été endormi; ctir il attire cette force par sa seule volonté. Ces laits se produisent, du reste, assez souvent.

« Magnétiser à distance est possible, car le magnétisme est un fluide.

• Des boissons magnétisées peuvent produire certains effets •sur l’homme. *

« Nous n'entrerons pas dans la recherche et l’examen de tous les résultats du somnambulisme magnétique; d’après nos théories, nous les admettons dans les limites de l’existence humaine : aussi le magnétise ne peu/ rien plus savoir que l'homme ne peut savoir, rien plus savoir que le magnétiseur ou le somnambule n’ont pu vouloir. »

Il nous paraît, facile de faire justice de ces étranges paradoxes, qui ne supportent pas un examen sérieux, et qui, n’ayant pas même le mérite d'être nettement formulés, ne présentent qu’un amas confus de nuages. Mais les lecteurs du Journal du Magnétisme sont assez familiers avec cette matière pour apprécier à leur juste valeur les assertions que nous venons de faire passer sous leurs yeux, et qui leur donneront un échantillon suffisant du style et de l’argumentation de l'auteur.

A.-s. MORIN.

ORTUS MEDICINÆ, etc., par Jean-Baftiste Vax Helmost. 1 vol. in-4®.

Amsterdam, 1648, clicz Elzcvir.

Au moment oit les merveilles des tables tournantes et parlantes semblent vouloir reprendre de plus belle le privilège d’occuper le public, je crois qu’il ne sera pas sans intérêt de rapporter ici l’opinion de Jean-Baptiste Van Helmont, répondant, il y a plus de deux cents ans, au jésuite Roberti, lequel condamnait les guérisons magnétiques, par la raison qu’il les attribuait à la puissance du diable.

Ce passage a certainement un intérêt d’actualité, alors que tant de personnes ne voient dans les manifestations llui-diques de nos jours que le résultat, d’une intervention du démon. Le clergé, plus que personne, semble partager cette erreur, et nous en trouvons un exemple frappant dans un article du journal Y Univers, où il est dit qu’un ecclésiastique, après avoir fait tourner une table en présence d’une vingtaine de personnes, obtint de ce meuble l’étourdissante réponse que voici :

« D. Qui es-tu ?

« II. Je suis le démon. »

Puis le soi-disant démon, interrogé en latin en ces termes : Loqueris-nc latinè? garda le silence le plus complet, ce qui permet de croire que l’instruction publique n’est pas fort avancée dans le royaume des enfers.

M. Paulin Limayrac, dans un article sur le livre de M. Hen-nequin (Presse du 13 novembre), commente ce fait avec une ironie charmante. Pour lui, l’expérience du presbytère des environs de Versailles se résume en une simple supercherie, dont l’auteur serait un des expérimentateurs.

Sans partager le scepticisme absolu du spirituel critique de la Presse, je ne puis m’empêcher de voir dans ces phénomènes toute autre chose que l’action de l’esprit malin; mais il serait trop long d’entrer dans une discussion sur ce sujet.

Je reviens à mon passage de Van Helmont, extrait du chapitre : De ma g ne lieu vulnerum curulione, pages 180 et suivantes.

d Celui qui considère les guérisons magnétiques comme étant diaboliques, celui-là doit, par la même raison, prendre tous les phénomènes magnétiques pour une sorcellerie du diable. Le magnétisme est une propriété inconnue, de nature céleste, dont l’influence est semblable aux influences sidérales, et qui n’est empêchée par aucune distance. El ma-gnetismo quoque, quatilas eœlestis est, aslralibus in/luenliis persimilis, nec loei dislanciis coereilu. Cette puissance magique est cachée dans l’homme; elle sommeille et agit en nous comme l’ivresse. C’est par nos péchés qu’elle s’est en-

donnie, et voilà pourquoi elle doit être réveillée un jour. Et cette puissance cachée, qui gît en nous dans le royaume de l’âme. lequel est aussi le royaume de Dieu , peut être mise en action au dehors de nous par la volonté; elle peut également être transmise aux autres. Cette force agit sur les objets 1er plus éloignés.

u Du moment doue que cette singulière puissance est démontrée comme étant naturelle, il est absurde de croire, comme cela s’est fait jusqu’alors, que le diable y est pour quelque chose. Ouvrez donc les yeux; le diable, grâce à votre énorme ignorance, a joui jusqu’à présent d’une grande célébrité, en ce que, pour ainsi dire, vous lui offriez l’encens de la gloire, et que, en ce faisant, vous vous dépouilliez de votre dignité naturelle, comme aussi de vos yeux, pour en faire hommage au diable.

« Mais la volonté humaine est la première et la plus puissante de toutes les forces. Elle est la cause primordiale de tout mouvement; car c'est par la force de la volonté du Créateur que tout fut créé, et cette volonté est la propriété de toüs les êtres spirituels, chez lesquels elle peut toutefois être plus ou moins limitée par des influences contraires.

« La force cachée dans l’homme est une certaine puissance extatique, qui n’agit que par un désir fervent de l’imagination , nec ducilur ad artum, nisi excitetur accensa imagina donc ferventi desiderio. Elle est une puissance spirituelle , qui ne vient pas du ciel et encore 7»oins de t’enfer, mais bien de l'homme lui-même, comme le feu qui jaillit du silex; c’est de lu volonté humaine que s’écoule Cesprit vital, qui revêt alors une existence idéale, et, devenant l'intermédiaire entre l'esprit et le corps, agit là où la volonté le dirige.

Telle est l’opinion de Van Helmont. Elle fut condamnée par la Faculté de théologie de Louvain, comme étant ouvertement hérétique, et valut à son auteur d’être enfermé dans les prisons de Malines.

Heureusement, on est plus tolérant de nos jours, et on fait bien, car s’il fallait appréhender au corps tous ceux qui usent leur intelligence à chercher la cause des phénomènes qui se passent sous nos yeux, et que nous devons peut-être toujours ignorer, les maisons de détention seraient trop petites.

A la même époque ou vivait Van Helmont, un autre esprit mystique, Rodolphe Goclenius, ardent disciple de Para-celse, publia ses idées dans un livre qui porte le titre de : T racial us de magnctica vulneris cnratione (1613, in-12, réimprimé à Nuremberg en 1662, in-/i°). Cet ouvrage suscita contre son auteur les haines et la colère du Père Roberti, jésuite (le môme dont il est question au commencement de cet article). Roberti attaqua énergiquement le livre de Goclenius, s’évertuant h prouver que ce n’était qu’un ramassis de faussetés, de superstitions et de sottises.

Voilà comment 011 accueillait les novateurs, idéologues ou autres au temps de Van Helmont! Félicitons M. Hen-nequin de n’avoir pas été le secrétaire in ime de l'âme de la terre dans ce bienheureux xvnc siècle. Le genre humain d’alors, pour ne sauver, eût probablement commencé par supprimer le sauveur et son livre, en emprisonnant l'un, en brûlant l’autre, ou peut-être même en les brûlant tous les deux.

Estimons-nous donc heureux de vivre en 1853.

Ferdinand SILAS,

Membre de la Société Philantropico-magnétique.

Le Gérant : HÉBERT (de Garnay).

ÉTUDES ET THÉORIES.

1° DES ESPRITS.

(4® nrliclc.)

Heureux de Puységur ! votre vie ne fut point tourmentée, vous preniez des instants de repos. La vérité qui s’était emparée de votre caur avait ainsi pour vous des charmes. Parfois vous appeliez à vous quelques hommes et cherchiez à ouvrir leurs yeux à la lumière ; mais, comme un seigneur (jui sait vivre, vous ne heurtiez pas trop l’incrédulité persistante. Satisfait d’avoir découvert le sommeil magnétique, vous en décriviez tranquillement les merveilleuses facultés. Trop sage pour entrer dans le champ de la discussion avec la plume 'ou l’épée, vous laissiez aux mauvaises passions toute liberté d’action ; souriant même à la calomnie, vous viviez avec l’espoir fondé d’une réhabilitation posthume.

Heureux Deleuze! votre chaleur montait rarement au-dessus de zéro, et si parfois la vérité vous échauffait un peu, la modération de votre caractère renfermait dans un cercle étroit ce qu’elle vous inspirait; vous cheminiez ainsi paisiblement sur la route qui conduit à l’Académie, donnant la main à celui-ci, à celui-là, à tous ceux même qui, ne doutant point de votre probité et de votre savoir, vous prenaieni cependant pour un esprit crédule. Cœur candide, vous croyie -que tous les hommes de science vous ressemblaient, et que, comme vous, ils prendraient la peine d’examiner si la découverte de Mesmer, jugée et condamnée par les académies, ne demandait point une réhabilitation. Vous vécûtes dans le doux espoir que vos travaux vous conduiraient à l’institut.

tous XII. — S“ 177. — 10 DÉCEMBRE 1R33. S5

Vous méritiez bien cet honneur, et c’est justement parce que vous le méritiez qu’il ne vous fut point accordé. Un bon homme n’a pas d’ennemis; mais il n’arrive point, 011 le laisse de côté.

Oui, Deleuze, vous pouviez tout; vous n’avez pas osé ! La position officielle que vous occupiez vous donnait une véritable influence. 11 fallait attaquer, démasquer tous les savants de mauvaise foi ; votre savoir était égal au leur, et vous aviez en main un agent puissant qu’ils ne voulaient point accepter et qui vous eût rendu redoutable. Mais la nature varie ses dons; elle donne à celui-ci le courage, il cet autre la prudence, à beaucoup la ruse et la souplesse. Ces derniers seuls arrivent aux honneurs, la fortune : le pouvoir, quel qu'il soit, les prend de préférence et à mérite égal, car les sciences touchent à la politique.

Mais où vais-je? N’ai-je point à parler du diable? Je suis si plein de mou sujet, que l’on pourrait croire que je le vois partout sans pourtant oser le dépeindre.

La première fois que je soupçonnai l’existence d’une puissance active par elle-même, mais cachée aux regards humains, ce fut pendant le traitement d’une jeune fille affectée d’une maladie nerveuse qui simulait l’épilepsie. Cette malade tombait en effet dans des crises où tous les symptômes de cette affreuse maladie pouvaient se constater ; moi-même je n’avais pas d’autre idée à ce sujet, le diagnostique du médecin me paraissait fondé. Quel fut pourtant mon étonnement lorsque je vis le magnétisme produire des phénomènes inaccoutumés ! La nature de ces faits était telle que je restai stupéfié. Plus timide, la peur sans doute m’aurait saisi.

Qu’on se figure, en effet, une face humaine d'abord calme et douce, puis changeant tout à coup et présentant un masque mobile indescriptible. Tantôt les yeux sortent de leurs orbites et se présentent rouges et enflammés, tandis que le nez, prenant une couleur livide, paraît s’applatir ou rentrer dans les chahs; le bas de la figure, souriant d’un air narquois,

semblait me dire : Continue ton manège, tu as affaire à plus malin que toi !

Ce n’était rien encore. Les membres de cette pauvre fille se disloquaient de telle sorte tpi’on eût pu croire à la rupture des tendons et des muscles; puis tout à coup le visage changeait, le bas de la face se déformait, la langue sortait de la bouche. C’était alors par les yeux, le front et les sourcils que je pouvais lire une sorte de moquerie de tous mes efforts, de défi de continuer l’entreprise.

Je cessai la magnétisation, tout rentra bientôt dans l’ordre, et je n’eus plus sous les yeux qu’un visage où se montrait seulement la souffrance et la langueur.

C’était pour moi une chose nouvelle. Je venais de considérer une maladie présentant une forme singulière et inconnue. Cependant je n'étais point novice, toutes les variétés des affections nerveuses avaient passé sous mes regards ; j’étais d’ailleurs assez instruit pour ne pas me laisser mystifier par une enfant.'Je résolus de redoubler d’attention; mais, je dois le dire avec franchise, mon esprit était frappé d’étonnement ; je pensais constamment à ce que j’avais vu de bizarre, et je me promis d’apporter le plus grand soin à un nouvel examen.

Je recommençai donc le lendemain le traitement. Je magnétisai cet être abattu par la souffrance et qui se présentait à moi avec les dehors les plus convenables et une timidité qui n’avait rien d’affecté. Mais à peine avais-je commencé mon aspersion de magnétisme, que son visage se métamorphosa. Ce n’était plus celui que j’avais vu déjà, mais une figure de vieille décrépite, avec des yeux chassieux, des lèvres pendantes, des rides à y mettre le doigt, et toujours ce rire que toute la malice humaine ne pourrait imiter. Les membres se disloquant de nouveau, ce fut en vain qu’on essaya, non pas de contenir la malade, mais de la faire tenir debout, appuyée contre la muraille ; son visage devint blanc comme de l’albâtre, puis il prit une nuance foncée ; et toujours ce rire satanique qui semblait me dire : Va, va, tu n’es pas au bout de tes peines : j’en sais plus long que toi !

26.

Pendant cette séance, j’interrogeai le pouls, il était naturel; la chaleur de la peau ne paraissait point être augmentée, et les crises nerveuses dites épileptiques^n’avaient point reparu depuis la première magnétisation, tandis qu’avant elles étaient fréquentes (cinq ou six par jour).

J’étais très-intrigué, comme on le pense'bien; mais je n’aurais point donné le fruit de mon observation pour une grosse somme d'argent.

Voici, me disais-je après cette seconde magnétisation, voici l’image d’une possession ; j’ai sous les yeux une religieuse de Loudun, une des saintes filles qui firent brûler Urbain Grandier, et puisque le hasard conduit sous ma main une possédée, je veux connaître la puissance du malin esprit et lutter avec lui. Cette détermination prise, je résolus de m’assurer si la malade lisait dans ma pensée. Je n’en doutais plus le lendemaih ; car, la forçant de parler, elle traduisit mes pensées secrètes, et pour se venger de cette violence, elle chercha à me cracher au visage. Bientôt ses membres inactifs entrèrent en convulsion; une voix qui n’avait rien d’humain sortit de la poitrine de cette jeune fille, puis on entendit un langage incompréhensible suivi de gestes dont la traduction signifiait les plus grandes menaces. N’y tenant plus, j’apostrophai à mon tour cette personne, ou plutôt l’esprit qui semblait la poséder :

Si tu es le diable, lui dis-je, je vais te contraindre à Sortir de ce corps !

Et, redoublant d’efforts, je dirigeai toute mon action magnétique vers les centres nerveux, c’est-à-dire l’estomac et la base du crâne. C’est alors qu’un spectacle incroyable s’offrit à ma vue : des convulsions apparurent si terribles qu’aucune description ne saurait les rendre, des cris, des hurle-lements à briser les oreilles, à rompre tous les muscles, puis des pleurs et des supplications.

Bien! me dis-je, je suis maître, puisqu’on me supplie. Continuons :

Quand sortiras-tu de ce corps?

Nouvelles convulsions; mais d’un geste j’arrêtai ce mouvement désordonné et commandai de nouveau.

.le cn's en cet instant que la malade allait mourir; car sa gorge se serra tellement qu’on pouvait croire qu’une main puissante la comprimait avec effort. l!n Ilot de salive inonda scs vêtements, et je ne pus plus obtenir une seule parole.

('.’est bien , me dis-je encore, le démon recule, je le vaincrai; je n’ai point d’eau bénite, la formule pour chasser les mauvais esprits m’est inconnue, mais je suis possesseur d’une puissance redoutable, je sens en moi quelque chose qui s? révolte à la vue du mal. Ce sentiment vient d’un Dieu bon et juste , en le suivant, en écoutant sa voix, je ne puis m’égarer; puis Dieu n’a-t-il pas dit : Aie la foi, tu chasseras les démons du corps des possédés et tu guériras les malades.

Ainsi armé de pied en cap, je me proposais de recommencer la bataille. Dès le lendemain le démon répondit; il confessa ses torts par la bouche de sa victime, dit que dans vingt jours il sortirait de son corps pour n’y jamais rentrer. Le terme était bien long, mais malgré tous mes efforts, je n’obtins rien de moins. Jusqu’au dernier moment les crises continuèrent pendant la magnétisation, et à la dernière, ce corps frêle était comme emporté dans l’espace. A dater de ce jour, plus de crise d’épilepsie, plus de malaise ; une santé parfaite. Je continuai pourtant de magnétiser cette pauvre enfant; elle tomba dans un somnambulisme parfait et rendit de grands services à quelques malades. De mes mains elle passa dans celles d’un magnétiseur qui ignorait complètement les faits qui s’étaient produits; je me gardai bien de les lui révéler.

Je reçus plusieurs fois des nouvelles de cette intéressante personne ; elle me manifestait chaque fois un profond sentiment de reconnaissance, et rien ne m’eût été plus facile que de me l'attacher à jamais.

Bon ! va dire certain sceptique, cet homme est jésuite, ou d’une crédulité à toute épreuve. Je ne crois pas un mot. de tout ce qu’il nous dit.

Conservez vos doutes, mon brave homme, et si vous êtes médecin, sachez d'abord mieux employer vos drogues ; car, ici, vos confrères avaient tous échoué, et si, dans toutes les affections morales dites nerveuses, vous appelez les remèdes à votre aide, je crains bien que vous n’ayez les mêmes insuccès à déplorer.

Mais ce n’est pas le malin esprit, dira un esprit fort, cette jeune fdle était hystérique ou convulsionnaire ; on sait ce que c’est que cela, nous en a\ons vu bien d’autres, sans compter celles du cimetière deSaint-Médard; nos hôpitaux en sont remplis, et il y en a quelques milliers de par le monde.

Bien! répondrai-je, puisque vous connaissez si bien ces maladies, pourquoi donc ne les guérissez-vous point? Pourquoi sur elles vos remèdes perdent-ils leur empire? Je vais vous le dire : c’est parce que vous avez plus d’orgueil que de véritable science, et que ne connaissant rien des agents moraux et des forces invisibles qui nous environnent, votre intelligence débile, qui ne comprend point la signification des faits vous porte à rejeter la vérité.

Me voilà en chemin, et je puis dire en plein merveilleux. Je vais heurter toutes les idées, faire rire nos illustres savants. Ils soutiennent qu’il n’y a rien au delà de la matière. Eh bien ! puisqu’ils y sont tous plongés, qu’ils y restent, nous n’essaierons point de les en tirer.

Je suis convaincu que des agents d’une grande puissance existent en dehors de nous; qu’ils peuvent entrer en nous, faire mouvoir nos organes et nous opprimer. Si nous voyons le magnétisme humain pénétrer d’autres corps, à une grande distance même; si nous le voyons se comporter à la manière des agents spirituels et comme doué de réflexion dans ses actes, bien qu’il ne fasse plus partie de nous, comment refuserait-on d’admettre que des forces semblables, mais venant d’autres sources, ne puissent de même exister et jouer un rôle actif en affectant tout ce qui vit, tout ce qui a sentiment? C’était au reste la croyance de nos pères et de toute l’antiquité. Toutes les religions admettent la réalité des agents spirituels.

Si les faits que nous observons 11e mentent point, nous allons acquérir les preuves certaines d’une vérité qui n’était chez nous qu’à l’état de doute, et donner raison aux anciens. Mais, ne fût-ce que sous le point de vue de la physiologie et de la thérapeutique, nos recherches doivent avoir quelque utilité ; c'est pourquoi nous les poursuivrons, sans nous arrêter aux objections, sans considérer le péril qui menace tout homme qui s’engage dans ce labyrinthe.

Baron DU POTET.

[Lu mite prochainement.)

2° DES TAULES.

A Monsieur te directeur du Journal du Magnétisme, Monsieur,

Je fais, depuis plusieurs années, des expériences magnétiques; je vois avec admiration les phénomènes merveilleux qu’elles produisent, dans la partie métaphysique notamment. Depuis quelques temps, les journaux constatent des phénomènes surnaturels au sujet des tables tournantes et des tables parlantes. Chacun, jusqu’ici, voit ces merveilles à son point de vue : les uns affirment, les autres nient. En présence des controverses, il me vint à l’idée d’adresser

quelques questions sur ces phénomènes à M"' L...... que

j’avais mise en somnambulisme, et dont la lucidité est assez remarquable. Voici le dialogue qui eut lieu entre nous :

— L’homme peut-il infdtrer sa vie à un objet inanimé, et en faire, par suite, l’instrument passif de sa volonté ?

— Non, monsieur; les objets inanimés ne sont susceptibles de recevoir, par transmission, aucun principe vital émanant de l'homme, comme le peuvent les personnes sensibles à l’action magnétique, qui absorbent, par la saturation, le fluide, principe vital du magnétisme. Les objets inanimés ne peuvent être mus que par des effets purement physiques.

— Que pensez-vous des tables tournantes? Comment

peut-on donner à une table les mouvements de rotation et d’oscillation ?

— Les tables sont mues par la force de l'agent magnétique qui s’échappe des personnes qui forment la chaîne.

— Comment se produit cet agent magnétique?

— La volonté de l’homme détermine l’émission d'une plus ou moins grande quantité de fluide. La chaîne établit un courant magnétique qui donne à la table qu’on expérimente, le mouvement de rotation. Le mouvement d’oscillation s’effectue par la direction donnée à droite et à gauche au fluide impondérable.

— Les tables alors obéissent à la volonté des expérimentateurs ?

— La table n’obéit pas d’une manière psychologique à la volonté des expérimentateurs, comme l’ont prétendu quelques enthousiastes; les mouvements de la table, comme je l’ai déjà dit, ne peuvent être dus à autre chose qu’à des effets physiques résultant de la direction du fluide émis paila volonté des expérimentateurs : si la table fait un mouvement soit à droite, soit à gauche, c’est par l’effet de la volonté des personnes qui expérimentent et qui dirigent l'action attractive soit à droite ou à gauche. Les tables ne peuvent recevoir aucune impulsion psychique.

— Si les objets inanimés, les tables, par exemple, ne peuvent recevoir aucune impulsion psychique, elles ne peuvent, comme quelques personnes l’ont prétendu, répondre aux questions qui pourraient leur être faites soit oralement, soit même mentalement?

— Les tables n’entendent rien ; elles ne parlent pas et ne sont susceptibles de recevoir aucune transmission de pensée.

— 11 a été constaté et affirmé, cependant, que les tables mises en mouvement par la chaîne avaient deviné l’âge de plusieurs membres qui la composaient, et que cet âge avait été indiqué en autant de coups frappés par la table.

— Les tables peuvent frapper ; mais elles ne le peuvent que par l’impulsion magnétique qui leur est donnée par un

ou plusieurs des expérimentateurs; elles n’obéissent qu’à la force fluidique émise par la force de volonté : si cette volonté ne détermine qu’une petite quantité de fluide, les tables ne frappent pas, il y a insuccès; elles cessent de frapper alors que l’émission fluidique cesse. Chaque coup frappé ne peut être que le résultat d'un effort de volonté de la part de la personne qui a fait la question. Les tables s’arrêtent dès que la volonté cesse : elles ne peuvent donc découvrir ce qui est caché.

— Un expérimentateur a déclaré qu’après avoir reçu d’une table tournante les réponses aux questions qu’il lui avait faites, il lui vint à l’idée de faire deviner ses pensées par une ou plusieurs personnes qui formaient la chaîne, et qu’il avait réussi. Que pensez-vous de cela?

— Lorsque la chaîne est bien établie, il y a entre les personnes qui la composent unité, harmonie des fluides; il peut y avoir, dès lors, transmission de pensée. L’un des membres, s’il est sensible à l’action magnétique, pourrait formuler la pensée d’un autre membre : c’est rentrer dans le domaine ordinaire du magnétisme. Mais les tables n'entendent pas, ne parlent pas et ne peuvent, en tant qu’objets inanimés, refléter les pensées des expérimentateurs.

L’un de vos abonnés.

CLÉMENT.

Sons, le 15 novembre 1855.

CLINIQUE.

—ô‘PÆiiî'40—

PARALYSIE ET ATROPHIE DU BRAS.

Frappé des prodiges du vénérable Laforgue, que je regarde comme un de ces hommes marqués du doigt de Dieu pour le triomphe du magnétisme, j’hésitais à croire qu’il me fut possible de produire des effets semblables, ma raison me faisait douter de moi ; mais un de mes amis, plus confiant,

m’amena, le 1" juin 1851, un de ces malades dont la cure exige les dispositions n orales que je ne crovais pas posséder. ('.’était le nommé Moulinier, âgé de quarante-sept ans. très-grand et qui a dû être robuste. Voici l’état dans lequel je trouvai ce malade.

Le bras droit est complètement paralysé, le pouce seul a conservé une faible mobilité. Une plaie considérable existe à la partie interne de l'avant-bras, à la hauteur du poignet; h la partie externe et à la même hauteur se trouve une tumeur du volume d’une noix. L’atrophie a remonté jusqu'à l’épaule et tout le membre est. d’un quart moins gros que l’autre; les ongles sont pâles, la peau froide, en un mot, la vie paraît l'abandonner totalement.

Tous les malins, vomissements de pourriture mêlée de sang.

Ne consultant que mon dévouement, je fis ce que j’appelais une entreprise de fou. Prendre mon courage à deux mains, me recueillir, invoquer le secours de la Providence pour ce malheureux père de famille, tout cela fut pour moi un éclair.

1" Séance. — Je pose mes deux mains sur cette épaule malade, ensuite je magnétise sans toucher, depuis l’épaule jusqu’au Lotit des doigts. Après avoir agi ainsi pendant dix minutes, je demande à ce malheureux :

— Sentez-vous quelque chose?

— Pas plus que si j’avais une bûche à côté de moi.

Malgré cela, un instinct.... quelque chose.... me dit de

persévérer. J’étais tout yeux et tout oreilles. Au bout de cinq minutes, mon malade pousse des cris. Lorsque je descends la main le long de son bras, il me suit comme si quelqu’un l’attirait par le poignet. Les douleurs deviennent si fortes, qu’il m’injurie, nie menace de sa main valide. Je lui donne un instant de répit et tâche de faire passer en lui la confiance qui venait de ¿..’arriver comme un courant. Après cinq minutes de repos et une bonne résolution, je lui applique de nouveau la main gauche sur l’épaule et la droite en dessous du bras rapproché du corps. Il déclare alors que mes mains

le brûlent. Les douleurs reparaissent, et quel n’est pas mon étonnement, d’entendre cet homme me dire :

— Je suis guéri, voyez !

Et il se met à lever le bras en pliant le coude avec assez de facilité. Je fus tellement étourdi de ce succès, que mes mains abandonnèrent son corps, je ne pouvais croire ce que je voyais et entendais. Ce moment me fit pardonner à tous ceux qui doutent du magnétisme et des effets qu’il produit.

Revenu de mon étonnement, j’essayai, à sa demande, d’écarter le bras du corps en relevant le coude en dehors, c’est-à-dire d’opérer un mouveme t qui fit jouer l’articulation de l’épaule, ce que j’obtins, non sans grimace du patient. Je terminai par une magnétisation générale. Cette séance dura une heure et demie.

Je l’engageai à revenir tous les deux jours, et lui donnai de l’eau magnétisée pour boisson ordinaire.

Ce malade demeurant à douze kilomètres, je lui dis que la prochaine fois, pour lui épargner une trop grande fatigue, j’irais le magnétiser chez lui.

2° Séance. — A mon arrivée, j’interroge le malade.

— J'ai souffert pendant la nuit, me dit-il; ces douleurs me parcourent le bras de haut en bas. Je n’ai pas vomi comme d’habitude.

— Pouvez-vous maintenant remuer votre bras ?

— Oui, je le porte à mon oreille.

Je le magnétise de nouveau pendant une heure et demie, après quoi les mouvements du bras se reproduisent.

Dans la magnétisation générale, j’insiste quelques instants sur le creux de l’estomac, puis j’attire vers les pieds, de même que dans la magnétisation locale j’attire vers l’extrémité des doigts.

Je laisse au malade une cruche d’eau magnétisée.

3e Séance. — Arrivé chez moi à midi, le malade est magnétisé à . ne heure. Les douleurs persistent; plus de vomissements ; il y a eu transpiration dans la nuit ; les forces commencent à arriver. Je place dans sa main droite une cheville, pour l’exciter à faire quelque exercice ; il en éprouve

une sensation de chaleur et la possibilité de fermer les doigts.

h% 5e et 0° Séances. — L’amélioration continue ; les vomissements n’ont pas reparu; la vie revient sensiblement ; les ongles se colorent.

A la sixième séance assistaient un médecin, et un prêtre étudiant la vérité nouvelle. Le docteur, très-surpris d’entendre le patient pousser des cris pendant la magnétisation à distance, lui fit les questions suivantes :

« Vous souffrez beaucoup? Quel effet cela vous produit-il ?

« — C’est comme si l’on me passait un couteau dans le bras.

« — Mais ce n’est pas possible ! reprend le docteur. »

Après la magnétisation, le Dr V... lui dit :

« — Puisque M. Valleton vous a fait tant de bien, il est certain qu’il vous guérira. Afin de l’aider, vous devriez ramasser des feuilles de noyer, les faire bouillir, puis vous laver le bras ; cela aiderait beaucoup.

« — Arrêtez, docteur, lui dit le prêtre, qui suit ce traitement avec le plus vif intérêt; nous ne pouvons faire ce que vous dites là; car la guérison étant certaine maintenant , vous ne manqueriez pas de l’attribuer à voire eau de noyer. »

A l’issue de la séance, le malade prend son chapeau de la main droite, nous salue et se coiffe avec assez de facilité.

7* Séance. — Je cherche le sommeil; je l’obtiens accompagné de lucidité. Dans cet état, le malade approuve ma manière de procéder, avec cette différence cependant qu’au lieu de présenter la pointe des doigts à distance du bras , je devrai à l’avenir magnétiser par contact et de la manière suivante : poser les mains sur l’épaule, les descendre ensuite, sans cesser le contact, jusqu’à l’articulation du coude où elles resteront trois minutes; puis glisser jusqu'au poignet, où les mains seront placées de telle façon que les doigts soient en dessous du bras, le pouce de la main droite sur la plaie et l’autre sur la tumeur, et garder cette position quatre minutes, que le malade a fort bien comptées, car l’un des assistants, qui tenait sa montre, fut averti que le temps

prescrit était révolu. En abandonnant le poignet, il m’a fait tirer chacun de ses doigts les uns après les autres :

— Là, comme ça, me dit-il, je suis guéri. 11 faudra me toucher encore quinze fois, m’endormir de nouveau à la quatorzième.

— Guérirez-vous complètement?

Oui; mais il faut quatre mois avant que mon bras soit égal à l’autre en volume et en force.

— Que faudra-t-il faire pendant ce temps ?

— Le ménager, ne pas lui faire faire d’excès. Je m’en servirai librement, sans souffrance, après la quinzième magnétisation ; mais c’est pour compléter les forces qu’il me faut ce temps. Par exemple, il faut que je continue à boire de l’eau, elle a tant de vertu !

— Quel elfet vous produit-elle ?

— C’est elle qui a fait cesser les vomissements. Un moment après que je l'ai avalée, il me semble que j’ai bu du cognac; je sens qu’elle va partout et qu’elle me travaille.

— L’eau de feuilles de noyer du docteur était-elle bien indiquée ?

— Non, c’est trop fort, c’est trop resserrant. Tenez, le meilleur remède, c’est ce que vous me faites; mais je vais chercher quelque chose qui vous aidera; car je connais mieux ce qu’il me faut que les médecins.... Je la vois, cette feuille de noyer du docteur... il voulait me faire du bien, et il m’aurait fait du mal.... Tenez, je la tiens la feuille qu’il me faut... c’est plus doux.

— Quelle est cette feuille ?

— C'est une feuille de pommer.... 11 faut en mettre deux poignées dans deux à trois litres d’eau, les faire bouil lir, mettre mon bras au-dessus de la vapeur jusqu’à ce qu'il sue; puis prendre les feuilles, en faire un cataplasme et l’appliquer sur le bras, où il restera trois heures, et cela tous les jours, jusqu’à ce que vous m’endormiez de nouveau. Les mêmes feuilles peuvent servir trois fois.

Au réveil, le malade ne se rappelle rien. Je lui recom-

mande de faire ce qu'il s’est prescrit; il obéit et il en résulte le plus grand bien.

8€ et 9e Stances. — 11 y a progrès. Le malade commence à porter son bâton de la main droite. A le voir, 011 11e supposerait pas le membre dans un si triste état. Le vie revient ainsi que l'appétit; il salue facilement; il saisit de sa main jadis paralysée un verre d'eau magnétisée qu’il porte à sa bouche, après quoi il reporte celte main derrière sa tête. En prenant une prise de tabac, il dit, en parlant de son bras :

— (le fainéant commence à me servir !

Dans sa commune on le regarde comme une sorte de prodige. Dimanche, au sortir de l’église, tout le monde voulait Je voir. Comme un grand enfant, il salue peut-être cinquante fois. Ses camarades l’ont fait boire pour lui voir porter le verre à la bouche, ce qui lui a procuré une mauvaise nuit et lui a fait manquer de venir chez moi le jour (ixé.

10e Séance. — Après l’avoir magnétisé, je lui ai bien défendu de renouveler de pareilles sottises, en le menaçant de l’abandonner. Il doit revenir le lendemain pour compenser le temps perdu.

11 s’est ¡développé chez lui un instinct magnétique extraordinaire. Dans toutes mes magnétisations, il me guide fort bien à l’état de veille.

11° Séance. —Le malade est enchanté, tout va bien. Si je voulais l’écouter, il m’amènerait toute sa commune.

Deux médecins avaient décidé, avant que la maladie ne gagnât l’épaule, lorsqu'elle paraissait circonscrite aux environs du poignet, de couper le bras; mais un troisième eut l’heureuse idée de s’opposer à l'opération.

Voici, touchant l'histoire de cette maladie, ce que j’ai pu recueillir. D'après les témoignages du malade, cette affection aurait débuté, il y a environ cinq ans, par des efforts du poignet; plus tard, il ressentit une douleur au côté, qu'il attribue à une espèce de pleurésie, et il aflirme que tout s'était porté sur son bras.

VALI.ETON , horloger ù Bergerac.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

1° LUCIDITÉ. — VUE A DISTANCE.

Nous croyons être agréable à nos lecteurs en leur donnant connaissance des laits suivants, obtenus par un de nos abonnés dans un voyage qu’il fit à llouen.

Voici un extrait de la lettre qu'il nous a adressée :

Le 13 juillet dernier, étant chez M. H..., négociant, où se ti ouvaient réunies plusieurs autres personnes, 011 vint à parler magnétisme. Aucune des personnes présentés n’y croyait. Je leur proposai d’essayer de les convaincre, ce qui fut aussitôt accepté. Un jeune homme consentit à se laisser magnétiser: au bout de cinq minutes ses yeux se fermèrent, dix minutes après, sur ma demande, il me repondit qu’il dormait.

Ayant été mis en rapport, à l’aide de la main, avec toutes les personnes présentes à tour de rôle, il a successivement deviné la pensée de chacune.

Ensuite il nous a raconté un fait qui s’était passé la veille au Havre et dont les détails n’étaient point encore connus à Rouen.

Un voisin de M. H.... s’était tué la veille par accident; 011 ne connaissait pas parfaitement les circonstances de ce malheur, qui laisse dans l'affliction une jeune veuve et toute une famille.

Voici comment la question fut posée au somnambule :

— Pouvez-vous nous dire comment M. Joye (c’est le nom du malheureux) est mort?

— Il venait de se baigner, ils étaient trois ensemble; ils sont allés visiter un navire. Sur ce navire il y a un trou (une écoutille); on ne veut pas qu’il passe par là; il veut y passer.... Oh ! le pied lui manque.... il tombe de seize pieds de haut dans la cale.... 11 s’est fracassé le crâne sur des pavés qui s’y trouvent.... On a fait venir un médecin qui a pansé la blessure.... Il est mort une heure après.

— Où est le corps du malheureux en ce moment?

— En chemin de fer, entre le Havre et Bolbec ; il arrivera ici ce soir, à onze heures dix minutes.

Le fait, vérifié le lendemain, s’est trouvé exact.

— Croyez-vous au magnétisme ?

— Je ne sais pas ce que c’est.

— S’échappe-t-il quelque chose de mes mains lorsque je les approche de vous?

— Oui, il sort par le bout de vos doigts une poudre noire.

Une dame me remet une petite bourse en me priant de demander au sujet ce que j'ai dans la main.

La réponse fut :

— Cne chaîne de montre.

— Vous vous trompez, lui dis-je, regardez bien.

— Une chaîne de montre, j’en suis sûr.

Alors cette dame s’écrie :

— Je crois qu’il a raison.

Elle me prend la bourse , l’ouvre, et en tire effectivement une chaîne de montre qu’elle n’y pensait plus être.

Une personne présente se mit à manger.

— Que fait M.....?

— Il mange du pain et du fromage.

C’était exact. Je réveillai le sujet.

I- SCHMOLLE.

2° ENLÈVEMENT DES PERSONNES.

M. le comte d’Ourches vient de faire le voyage du Mans tout exprès pour assister à une expérience d’enlèvement de personnes par le procédé que M. J. Gautier a fait connaître.

Voici une lettre écrite à M. Hébert sur ce sujet :

Quo les jeunes filles l'enlèvent, que les roses naissent sous scs pas.

Vieille Ballade.

Monsieur,

Effectivement j’ai vu enlever une personne, môme deux personnes, couchées l’une sur l’autre.

J'ai, moi, prêté mon index à ce phénomène, — puis mon entière personnalité.

Que vous dirai-je? je suis devenu semblable au ballon, dont j’ai déjà la rotondité. Commentcela se fait-il ? Je l’ignore.

Moi — pardonnez cette biographie — qui n’ai pas toujours le courage de confier mon corps mes jambes , j’ai placé mes soixante-six ans et mes Si» kilogr. sur des index, et j'ai été soutenu quatre ou cinq secondes sur l’extrémité de quatre doigts.

C’est renversant; mais non, je me trompe, je n’ai pas été renversé, j’ai été reposé doucement.

Nous avons essayé les deux manières (I), et j’ai su tenir mon sérieux, quand on a dit, en regardant ma bedaine : «Il est sre connue un os , etc. »

Est-ce de la magie?

Adieu, monsieur; dans peu je serai à Paris, et nous exécuterons l’enlèvement.

Permettez-moi de vous remercier de m’avoir mis en rapport avec M. Gautier, et agréez l’expression de tous mes sentiments.

B. d’OURCHES.

Le Mans, lundi 28 novembre.

Nous avons répété cette expérience samedi dernier, chez M. d’Ourches, nous pouvons assurer qu’elle a parfaitement réussi.

Nous publierons incessamment de nouveaux documents, que nous accompagnerons de réflexions critiques.

Doron DU POTET.

(1) Voir Joumal du Magnétisme, numtiros 154, 168, 171 et 174.

VARIÉTÉ3.

Tribunaux. — Un procès relatif au somnambulisme a eu lieu dernièrement à Lyon, et s’est terminé favorablement. En voici un concernant le magnétisme, qui a eu, dans la môme ville, une issue tout opposée :

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE LYON.

Présidence do M. Rossi. — Audience du 16 novembre 1855.

MAGNÉTISME. — EXERCICE DE LA PROFESSION DE MÉDECIN. — INFRACTION A LA LOI DU 19 VENTÔSE AN XI.

Jm pratique de l’art de guérir sans l’emploi d'aucun médicament constitue-t-elle l’exercice de ta profession de médecin , défendu, sans diplôme, par les articles 35 et 36 de la loi du 19 ventôse an XI?

M. Chevalier reconnaît qu’il fait servir le magnétisme au soulagement des malades, et cite divers cas de guérisons par ce procédé sans l’emploi d’aucun remède.

Il est accusé d’exercice illégal de la médecine. M. le procureur impérial conclut à sa condamnation. Dans un réquisitoire rempli d’appréciations d’un sens exquis, où il met spirituellement en saillie tout le ridicule auquel prêtent les prétentions de Chevalier offrant comme panacée universelle son fluide et les morceaux de flanelle magnétisés qu’il adresse, aux croyants. Le ministère public traite ces derniers de troupeau d’imbéciles que la magistrature doit protéger contre l’excès de leur propre crédulité.

Le défenseur du prévenu regrette d’avoir à peine le temps d’indiquer les faces diverses de la question intéressante que présente la cause.

« Le magnétisme, dit-il, est le fond de l’affaire, et je ne puis le démontrer. Je dois me contenter de constater l’état actuel de la science et de l’opinion publique à cet égard.

« Le magnétisme est cet agent universel, gouvernant, immatériel, impalpable, irraisonné, qui va d’un être à un autre et (disent ses adeptes) d’une âme à une autre âme; qui ne connaît, comme obstacles, ni les corps opaques, ni les distances.

« Ses effets apparaissent, sa cause reste ignorée.

« N’a-t-il pas cela d'analogue avec tant d’autres phénomènes inexpliqués, tels que ceux du calorique ou de l’électricité?

« Un artiste éminent trouve le moyen de reproduire sur une plaque de métal les images des corps, aussitôt ou décrit le mécanisme de l’opération ; mais sa raison essentielle, qui la dira ?

« Une chaîne fragile transmet le signe conveuu avec la rapidité de la pensée d’un inonde à l’autre, au travers des flots de l’océan; on explique l’appareil, mais le mobile?

« A cette heure, les résultats merveilleux du magnèti-me sont reconnus, avoués par tous, même par les corps savants, malgré leur répugnance presque invincible à admettre toute idée venant troubler leur repos académique , répugnances excusables, car l’esprit a ses habitudes et n’y renouce pas plus que le cœur, ce sont ses opinions plus ou moins profondes, selon qu’il les a plus ou moins travaillées, suivant qu’elles se composent d’une plus ou moins graude quantité d’idées.

« Une opinion fondée sur l’examen et le rapprochement de beaucoup d’idées, qui ne peut être ébranlée sans faire écrouler une foule d’opinions secondaires, a presque toujours une force qu’il est impossible de détruire.

« Or, les savants travaillent plus, en général, leurs opinions que les autres hommes, et mettent ensemble, pour les composer, une plus grande masse de réflexions et d’idées. Leur esprit a donc des habitudes plus enracinées, plus difficiles à modifier, et à l’apparition d’un nouveau système, ils ont pour l’adopter plus de préjugés à vaincre.

« ("est ainsi que s’explique cette longue et opiniàü-e résistance de l'Académie de médecine, qui n’a cédé qu’à grande peine à l’évidence des faits, et a refusé, en 1831, d'ouvrir la discussion sur ceux que sa commission même, en 1826, avait constatés et exposait, par l’organe de l'honorable M. Husson, après cinq annés d’investigation, dans un rapport où l’on

voit rapportées des guérisons de la môme nature et plus étranges encore que colles que SI. Chevalier assure avoir obtenues.

« Si le tribunal admet ce jugement d’hommes compétents et à coup sûr peu suspects de partialité en faveur du magnétisme, il s’ensuivra (pic Chevalier peut dire vrai.

« Mais, lui répond-on : Plus votre succès dans la pratique de l’art de guérir sera grand et constaté, et plus vous tomberez sous l’application de la loi de ventôse, qui défend de l’exercer sans diplôme.

« Erreur ! Ne confondons pas son genre de traitement avec celui que la loi proscrit, et distinguons les diverses sortes de magnétisme.

« On en compte deux catégories très-distinctes : le somnambulisme et le magnétisme animal.

« Le somnambulisme, faculté résultant d’une maladie, entre plus avant dans le domaine des esprits : c’est un moyen de suppléer à la science acquise pour juger les symptômes des maladies et les traiter par les moyens ordinaires thérapeutiques.

« Les somnambules exercent réellement la profession de médecin; car ils font ce que font ceux-ci, atteignent le même but par les mêmes procédés.

o L’unique différence entre les uns et les autres, c’est que Içs médecins ordinaires ou/ appris, et que les somnambules devinent; mais ils n anient la n ême arme dangereuse entre des mains inexpérimentées, je veux parler de la pharmacie, des substances qu’on assimile au corps par l’emploi interne ou externe.

« Le législateur avait à choisir entre deux inconvénients : celui de priver le public de la science de quelques-uns, ou celui de la livrer aux entreprises de tous. 11 a évité le plus grave en exigeant le diplôme, garantie d’étude, de science, d'habileté à user de la pharmacie, à exercer la profession de médecin.

« La société s’est ainsi trouvée préservée des docteurs ayant pris leurs degrés à la façon de Sganarelle, et des somnambules médecins dont la capacité ne saurait être vérifiée et peut faire du mal.

« Mais la prohibition cesse avec le danger, par exemple, lorsqu'un médecin diplômé assiste le somnambule, vérifiant, signant, couvrant de sa propre responsabilité les ordonnances dictées dans le sommeil somnambulique.

« Ce docteur a, quelquefois, été accusé de complicité,

mais toujours acquitté lorsque son contrôle a été reconnu sérieux.

« En effet, autorisé par son diplôme à exercer sa profession, il est libre, sans avoir à en rendre compte à personne, de s’éclairer par les moyens qui lui plaisent, soit qu’il s’adresse au somnambulisme ou qu’il préfère les conjectures de la science des écoles.

« Voilà pour la première catégorie. Passons à la seconde, désignée sous le nom de magnétisme animal.

« Tel est celui que nous rencontrons dans l’espèce. Il se restreint à des faits physiques, à une action matérielle sur les corps, comme le fluide nerveux.

« C’est un ordre de faits plus palpables, moins surnaturels , certains, constatés, reconnus par tous, se produisant dans des séances publiques, où chacun de nous a pu voir les sujets magnétisés, insensibles à la douleur, se laisser percer les narines, les lèvres, les doigts, sans que la moindre contraction musculaire apparût sur leur visage et qu’il en restât de trace après l’opération; constater les battements du pouls ralentis ou accélérés à la volonté du magnétiseur, etc., etc.

« Si tout cela est autorisé lorsqu’il ne s’agit que de satisfaire une curiosité vaine et stérile, pourquoi le défendre lorsqu’on fait tourner cette même puissance au soulagement de ceux qui souffrent.... sans les exposer au moindre inconvénient?.... Ne serait-ce pas retourner le Code pénal contre Dieu qui l’a permis?

« Et dans quel intérêt.... de la société? Non, car il n’est plus besoin de la préserver du danger de l'emploi inintelligent c!e la pharmacie, du remède, de l'exercice aveugle d’une profession qui consiste spécialement à user des ressources de la thérapeutique.

.! Serait-ce pour protéger la clientèle de MM. les médecins? Ce but est au-dessous de la sollicitude du législateur et de la magistrature.... Que MM. les docteurs gardent leur arsenal du codex, si souvent impuissant ou funeste entre leurs mains, et laissent les magnétiseurs essayer de faire vivre, contre les règles, les principes de l’art, sans rien leur administrer, ceux qu’ils ont abandonnés comme morts guéris.

« Que demande, après tout, M. Chevalier? l’application rigoureuse du texte législatif.... sans l’étendre au delà des limites indiquées par le but que s’est proposé le législateur...

« Or, que dit l’art. 35 de la loi de ventôse? Il défend d’exercer sans diplôme... quoi?.... Est-ce l’art de guérir?

Non, vraiment; mais seulement (ce qui est bien différent) les (rois branches de cet art qu’il énumère : les professions de médecin, de chirurgien et d’accoucheur.

« 11 ne parle pas de celle de magnétiseur, ne la prévoit pas. De quel droit ajouter à son œuvre, à sa pensée?

i Confondez-vous dans la désignation générale de médecins, tous ceux qui (suivant l’expression de M. le procureur impérial) s’occupent directement ou indirectement du soulagement des maux de l'humanité, et par quelque mode que ce soit?

« Mais où vous arrèterez-vous? et pourquoi donc alors le texte ne se borne-t-il pas à parler des médecins au lieu d’entrer dans une nomenclature, et d'ajouter à cette dénomination spéciale les chirurgiens et les accoucheurs?

« Qu’entend-on par médecins proprement dits? Le Dictionnaire de I"Académie nous répond : « Celui qui sait la « structure du corps humain, ses maladies et ses remèdes. » « Ses remèdes, vous le voyez ; ce qui est prescrit; la substance administrée.

« Le (Iode belge est rédigé d’une façon moins limitative ; il soumet à la nécessité du diplôme tous ceux qui exercent « quelque branche que ce soit de l'art de guérir. »

(( Et pourtant, en face d’un pareil texte, les tribunaux de ce pays décident que les magnétiseurs qui n'emploient point de remèdes ne peuvent être poursuivis pour l’exercice de cet art.

.« I.e texte français est bien plus restreint; comment l’é-tendre au delà de la signification grammaticale, du but que s’est proposé le législateur, et des prévisions de l'époque?

« Ces principes posés, et le terrain du droit étant bien connu, précisons les faits :

« Chevalier donne des séances magnétiques, et pour guérir par la transfusion du fluide de ce nom. Il accepte une rétribution, c’est son droit.... et de toutes parts on vient le trouver, sans qu’il ait eu recours à la moindre publicité, à réclame d’aucun genre.

« Pendant vingt années il a habité Chàlons, et depuis un an seulement il est établi à Lyon. Sa clientèle y est déjà nombreuse , et on y compte non-seulement des gens simples et crédules, comme cette femme Christophe, (pii a proclamé, levant M. le juge d’instruction, sa guérison par ¡’influence bienfaisante des passes de M. Chevalier ; mais encore des hommes remarquables et honorés dans les lettres, les arts, le haut commerce, l’armée, voire même la magistrature ;

aussi, avant d’étiqueter Chevalier charlatan grossier, il faudrait songer un peu à la qualité de ses prétendues dupes.

« Mais de deux choses l’une: on le croira de bonne ou de mauvaise foi.

« Dans le premier cas, la qualification unique à donner légalement au fait qui lui est imputé, est l’escroquerie, consistant à s’être fait remettre une portion de la fortune d’autrui, en persuadant l’existence d’un pouvoir imaginaire (Code pénal, art. /|05); et à une accusation de ce genre, nous répondrions, en fait, par les certificats d’indigence trouvés dans ses papiers, car il donnait gratis ses soins et son dévouement à tous les pauvres munis de recommandations de leurs maires; trait commun à nos médecins les plus vénérés, mais inconnu aux jongleurs et aux escrocs.

o D'ailleurs, Chevalier a-t-il l’attitude, le faire, le passé d’un escroc ? Qu’on feuillette le livre de sa vie, et on y rencontrera à chaque page, enthousiasme, peut-être foi irraisonnée à l’espèce d’apostolat qu’il croyait naïvement avoir reçu de Dieu; mais aussi, austérité de mœurs, probité à toute épreuve, délicatesse de sentiments, pratique d’une chanté élevée.

«Nous ajouterons, en droit, que, suivant la doctrine de la (iOur de cassation, l'emploi du magnétisme seul, sans autres manœuvres, est insuffisant pour constituer l’escroquerie.

« Si vous rendez justice à la bonne foi, la prévention d’escroquerie devient inadmissible, et alors vous croirez à sa puissance ou bien dénierez; si elle est vaine, les gens qui le consultent ne courent aucun danger, ne sortent pas plus malades de son cabinet qu’ils n’y sont entrés, et la loi de ventôse 11e soumet à la formalité du diplôme que les modes de l’art de guérir pouvant exposer le malade.

« Si elle est réelle.... c’est un don, une faculté et non un art... la loi ne l’a pas prévue.... La réglementer serait ajouter au texte.

« Enfin, dans le cas même où elle présenterait quelque inconvénient, M. Chevalier serait encore à couvert derrière le palladium deM. le Dr Murât, qui, muni de son diplôme, habite, exerce avec lui, tient la correspondance, envoie les morceaux de flanelle magnétisée, voit tout, vérifie tout, contrôle tout.... signerait les ordonnances s’il en donnait.

« Chevalier se trouve donc dans une situation identique à celle des somnambules que le parquet laisse vivre en paix à l’abri de leur docteur.

« La cause est môme plus favorable, puisque, d’une part, il ne fait pas, comme eux, courir à ses clients le risque de la confusion des ingrédients prescrits comme remèdes, et que, d’autre part, il est constant que, loin d'usurper le titre de médecin, son premier soin est d’annoncer à ses visiteurs qu’il n'a point cette qualité; si bien qu’on n’a pu requérir contre lui que la peine d’une simple contravention.

« Une condamnation serait sans effet, n’enlèverait à Chevalier la confiance d’aucun de ceux qui se croient guéris par lui, ne leur persuaderait qu’ils souffrent encore, ne leur ferait rétracter les déclarations qu’il apporte au tribunal, retirer les expressions de gratitude et de dévouement qu’il leur a inspirées.

(i Si un doute planait sur sa moralité, il supplie ses juges d’ordonner une enquête, il appelle les investigations les plus sévères, et c’est par celte prière qu’il termine sa défense. »

Le tribunal a rendu la décision que voici :

« Considérant que les débals ont fourni la preuve qu’en 1851, et antérieurement, Victor Chevalier a exercé l’art de guérir sans titre, sans prendre, néanmoins, ni le litre de médecin, ni celui d’officier de santé;

« Qu’il a vu des malades, qu’il leur a remis ou envoyé des morceaux de flanelle en guise de remèdes ;

« Considérant que ces faits constituent une infraction à l’art. 35 de la loi du 15) ventôse an XI, qui est punie d’une amende pécuniaire envers les hospices;

« Considérant que, d’après l’art. /i6(i du Code pénal, les amendes pour contraventions pourront être prononcées depuis un franc jusqu’à quinze francs inclusivement ;

« Condamne, par jugement en premier ressort, Victor Chevalier à quinze francs d’amende, et aux dépens liquidés à six francs trente centimes, outre les coût et accessoires du présent jugement. »

Ministère public. M. Février.

Défenseur. M* Ch. de Peyronny.

(Moniteur judiciaire de Lyon.)

Chronique. — Je publie les deux lettres suivantes, comme documents pouvant servir ii l'histoire du magnétisme.

A Monsieur le Préfet de police.

Paris, 28 novembre 1853.

Monsieur le Préfet,

Au moment où chacun s’ingénie pour trouver les moyens de venir en aide aux malheureux incendiés de la rue Beaubourg, je viens moi-même vous soumettre un projet que j’ai conçu et qu’il dépendra de vous de voir mettre à exécution.

Surmontant tous mes scrupules, je donnerais en public une séance magnétique qui se composerait d’un discours et d’une suite d’expériences qui me sont propres et n’ont rien de commun avec les pratiques somnambuliques de tous les charlatans.

Je crois que mon nom, ma réputation, l’attrait de la nouveauté, attireraient un grand concours de spectateurs, et que, en prenant la grande salle du Waux-Hall, où se tiennent ordinairement les séances de la Société du Mesmérisme, l’on pourrait placer environ mille billets.

Le monde magnétique concourrait à cette œuvre de bien, et le but serait atteint. .

Je n'ai pas besoin, monsieur le Préfet, de vous assurer qu’il ne se passerait rien dans cette séance qui put blesser aucune susceptibilité; je saurais la rendre intéressante, et même émouvante, de manière à ne laisser aucun regret du sacrifice que l’on se serait imposé.

En supposant cent billets à 3 fr., et le reste à 2 fr. ou à

1 fr. seulement, cela produirait au moins 1,200 fr. Mais en ceci, comme en toute autre chose, je suivrais vos avis.

Je m’estimerai très-heureux , monsieur le Préfet, si je puis ainsi être utile aux malheureux, en leur créant une ressource nouvelle et d’une certaine importance.

Si mon offre ne vous paraît point acceptable, votre refus ne diminuera en rien la haute estime que j’ai pour votif caractère, et vous me trouverez toujours l’admirateur sincère du bien que vous réalisez.

Veuillez, monsieur le Préfet, recevoir l’assurance de mon respect et de mon dévouement

Baron DU POTET, Président itu Jury magnétique.

Voici la réponse que ce magistrat vient de faire à la demande ci-dessus ;

Paris, le 8 décembre 1833.

Monsieur le baron,

Vous m’avez prié, le 28 novembre dernier, de vous autoriser à organiser, dans la salle du Waux-Hall, une séance de magnétisme où le public serait admis à prix d’entrée, et dont le produit serait destiné aux incendiés de la rue Beaubourg.

Je vous informe que, tout en reconnaissant votre intention philanthropique, je ne puis permettre une réunion publique dont le principe est contraire aux règles de mon administration.

Agréez, Monsieur le baron, l’assurance de ma considération distinguée.

Pour le Préfet do police,

Le secrétaire-yênêral,

A. de SAl'LXUKE.

Animé par une grande pensée, je voulais que la science nouvelle fît ses preuves et fût en même temps utile aux malheureux. Je perds l’occasion de faire briller d’un vif éclat la vérité, en montrant des phénomènes touchant au surnaturel, faits que nul autre que moi ne saurait produire aujourd’hui. Si je n’ai pu ajouter cette page à tout ce que j’ai déjà fait pour le magnétisme ; on me tiendra compte de mes efforts, et j’aurai mérité, j’aime à le croire, la sympathie de tous les gens de cœur.

Baron DU POTET.

Revue de« Journaux. — Le Constitutionnel du 22 novembre contient une lettre relative aux tables tournantes. L’auteur, qui se dit médecin, u’a pas cru devoir se nommer. Son nom se serait cependant trouvé en bonne compagnie, à côté de ceux de MM. Faraday, Babinet, Foucault, Chevreul, etc., à l’exemple desquels il croit devoir protester contre une si grosse absurdité. L’illustre savant débute par l'éli

citer le Constitutionnel sur le danger auquel il a échappé, grâce au peu d’attention qu'il a prêté aux discours des imbéciles ou des fripons qui ont aidé cette épidémie américaine à se propager chez nous, attendu que lui, médecin, vient de constater la folie chez trois individus dont la faible raison n’a pu résister aux émotions des tables tournantes. C’est peu flatteur pour les rédacteurs du Constitutionnel, auquel le discret docteur paraît ne pas être abonné, car il aurait vu que ce journal a été le premier à enregistrer les faits dénoncés par lui.

— M. Haussmann, membre de la mission de M. de La-grené en Chine, a publié dans Y Union du 27 septembre un feuilleton sur les scènes de la vie chinoise. 11 met les paroles suivantes dans la bouche d’un mandarin ; nous lui en laissons la responsabilité :

......Ajoutons cependant que la médecine externe a été

l’objet de travaux remarquables dans notre pays, et que nos médecins ont poussé fort loin l’étude et la connaissance du pouls. Le somnambulisme a aussi été pour eux le sujet de profondes méditations. Notre fameux docteur Chang m'assurait encore hier avoir vu des personnes qui, pendant le sommeil magnétique, parvenaient à déchillrer des lettres écrites en anglais, quoique cette langue leur fût parfaitement inconnue ; et une autre célébrité médicale, le I)r Tchin-Tchen-Tsoung, m’a bien souvent affirmé avoir été témoin des plus singuliers échanges intellectuels opérés par le magnétisme. Ainsi un somnambule de beaucoup d’esprit, mis en rapport avec un imbécile, devenait le sot, tandis que le sot se changeait en homme d’esprit. Charmante métamorphose, à laquelle plus d’un de nos grands mandarins ferait bien de recourir ! »

— Quelques-uns de nos abonnés ont pu lire dans un grand journal politique un long article intitulé : llidicules des rêveurs magnétiques. Son auteur s’en donne à cœur joie. Quelle verve cl quel entrain ! comme il calomnie et n.ent avec aplomb! quel feu roulant d’invectives et de dénonciations! Ce jeune Jupiter a pris ses foudres pour écraser les magnétistes ; il ne ménage pas même ses propres amis,

car loué par un lel homme, c’est, selon nous, recevoir un outrage.

Auteur de quelques innocents écrits dont l’étiquette pompeuse masque le vide, cet écrivain a pensé sans doute qu’il sortirait plus vite de son obscurité par un grand scandale. C’est probablement avec cette pensée qu’il a publié son article ; aussi M. du Potet a-t-il cru devoir adresser au journal en question la lettre suivante :

A Monsieur le Réducteur en chef du Pays.

Paris, 28 novembre 1835.

Monsieur,

Dans un article intitulé : Ridicules des rêveurs magnétiques , signé Delaage, article qui a paru dans le Pays du 24 courant, il y a une assertion malveillante qui me concerne, et que votre impartialité me permettra de réfuter. M. Delaage dit :

o Pour entrer avx séances des sociétés magnétiques , il « faut présenter une quittance d’abonnement au Journal du « Magnétisme. »

Je déclare que jamais rien de semblable n’a eu lieu. Les sociétés qui se sont formées pour répandre gratuitement le magnétisme n’ont rien de commun, quant aux intérêts, avec notre entreprise.

En présence de tant d’invectives, de calomnies et de dénonciations dont est rempli l’article que j’ai l’honneur de vous signaler, il est de mon devoir de rétablir la vérité en ce qui me concerne.

Comptant sur votre esprit de justice, j’espère que vous voudrez bien donner place à ma lettre dans un de vos prochains numéros.

Agréez, etc.

Baron DU POTET.

— On lil dans Y Union cl» 5 décembre:

(i Voici, au sujet de la fin tragique de M. L. Deschampa, un détail assez curieux, et dont nous pouvons garantir l’exactitude.

« On connaît le dicton populaire qui s’applique il tout homme heureux: « 11 a de la corde dépendu dans sa po-« clie. » Deschamps, quoique très-religieux, croyait à l'efficacité de ce talisman, et, depuis de nombreuses années, il avait dans un portefeuille, qu’il ne quitt ât jamais, un morceau de la fameuse corde. Très-souvent, il disait à sa femme et à ses amis: « Tant que ce chanvre sera dans ma poche, « je n’aurai rien à craindre; mais il m’arrivera malheur dès « queje négligerai de le prendre avec moi. »

« Deschamps a fait 160 ascensions avec ce qu’il appelait son talisman, et aucun accident ne lui est survenu, bien que plusieurs d’entre elles aient été effectuées par des temps plus défavorables que celui de dimanche dernier. Par une coïncidence bizarre, le hasard a voulu que ce jour-là le superstitieux aéronautc eût oublié de prendre avec lui le morceau de corde de pendu auquel il attribuait une vertu préservatrice.

« Deschamps était âgé de trente-quatre ans seulement ; il était né à Paris. »

— Un journal de la Martinique contient un long article sur les tables tournantes, parlantes, etc., dans lequel l’auteur, M. A. de M., se propose d’étudier le phénomène en question. Dans ce but, une enquête est ouverte dans le journal, sous le titre de Bulletin des seienecs occultes, sur tous les faits, les considérations, les événements nés ou à naître des tables et des meubles mis en mouvement par l’apposition des mains. Comme on le voit, c’est une imitation du Bulletin de la Patrie.

ARNETTE.

BIBLIOGRAPHIE.

FACUNDO QDIROGA ET ALDAO, par Domingo F. Sarmiesto. Traduit par A. OiitACD. Paris, chc* Arthus Bertrand.

Cet ouvrage a pour but de faire connaître les mœurs, coutumes et caractères des peuples argentins. Parmi les types présentés par l’auteur, un surtout nous a paru mériter l’attention de nos lecteurs : le Dépisteur. Ce portrait curieux donne une idée de la physionomie de ces populations à demi barbares.

Voici comment s’exprime l’auteur :

« Le plus distingué, le plus extraordinaire de ces types spéciaux, est sans contredit le dépisteur (cl rastreador). Tous les gauchos de l’intérieur le sont. Dans des plaines si étendues, où les sentiers et les chemins se croisent dans tous les sens, et où les champs que traversent les bestiaux et dans lesquels ils paissent sont ouverts, il faut savoir suivre les traces d’un animal et les distinguer au milieu de mille, savoir s’il va doucement ou vite, seul ou attelé, chargé ou k vide ; cela constitue une science populaire et domestique.

« Le dépisteur est un personnage grave, circonspecl, dont les assertions font foi devant les tribunaux inférieurs. La conscience de la science qu'il possède lui donne une certaine dignité pleine de réserve et de mystère. Tout le monde le traite avec considération : le pauvre, car il peut lui faire du mal en le calomniant et le dénonçant; le propriétaire, parce que son témoignage peut l’appeler en justice. Un vol a ôté fait pendant la nuit; rien ne le dénote; on court alors à la recherche d’une empreinte du voleur, et l’ayant trouvée, on la couvre avec quelque clio.'e pour que le vent ne la dissipe pas. On appelle ensuite le dépisteur, qui examine la trace et la suit sans regarder le sol, si ce n’est de temps en

temps, comme si les yeux voyaient en relief cette empreinte des pas qui est imperceptible pour les autres. 11 suit le cours des rues, traverse les jardins, entre dans une maison, et, montrant un homme qu’il trouve, dit froidement : «Le voilà. » Le délit est prouvé, et il est rare que le délinquant résiste à cette accusation. Pour lui, plus que pour le juge, le dépisteur est l’évidence même; nier serait ridicule, absurde. Il se soumet donc à ce témoin, qu’il considère comme étant le doigt de Dieu qui le signale. J’ai connu moi-même un nommé Calibar qui a exercé sa profession dans une province pendant cinquante années consécutives. 11 a maintenant près de quatre-vingts ans; courbé par l’âge, il conserve cependant un aspect vénérable et plein de dignité. Quand on lui parle de sa réputation, il répond : « Maintenant, je « ne vaux plus rien ; voici mes enfants. » Les enfants sout sesfds, qui ont étudié à l’école d’un maître aussi célèbre. On raconte de lui que, pendant un voyage qu’il fit à Buenos-Ayres, on lui v ola son cheval de fête ; sa femme couvrit la trace avec une huche ; deux mois après, Galibar retourna, vit l’empreinte déjà effacée et imperceptible pour d’autres yeux, puis ne parla plus de l’affaire. Un an et demi plus tard, Galibar marchait la tête basse dans une rue des faubourgs ; il entre dans une maison et voit son cheval déjà noircissant et hors d’usage. Il avait trouvé la piste de son voleur deux ans après !

«En 1830, un condamné à mort s’était échappé de la prison, Galibar fut chargé de le retrouver. Le malheureux, prévenu qu’il serait dépisté, avait pris toutes les précautions que pouvait lui suggérer l'image du supplice. Précautions inutiles! Peut-être servirent-elles seulement à le perdre, parce que Calibar voyant sa réputation compromise, son amour-propre offensé le porta à remplir une tâche qui perdait un homme, mais qui prouvait sa merveilleuse intuition. Le fugitif mettait à profit tous les accidents de terrain pour ne point laisser de vestiges ; il avait marché des cuadrus entières sur la pointe du pied ; il enjambait de basses murailles, traversait un endroit et se retournait par derrière ; Calibar le suivait sans perdre la piste, et si, par hasard, il s’égarait un moment, dès qu’il la trouvait de nouveau, il s’écriait : «Où vas-tu me conduire?» A la fin, il arriva à un canal plein d'eau situé dans les faubourgs, et dont le

fugitif avait suivi le courant pour tromper le dépisteur.....

Inutile : Calibar suivit les bords sans s’inquiéter, sans se troubler ; à la fiu, il s’arrête, il examine quelques herbes et

dit : «U est sorti par là; il n’y a pas de traces, mais ces quelques gouttes d’eau me l’indiquent. » Il entre dans une vigne; Calibar reconnaît les murs en torchis qui l'entourent et dit : « Il est dedans.» La troupe de soldats, fatiguée de chercher, retourna rendre compte de l'inutilité de ses recherches : « 11 n’est pas sorti », fut la courte réponse que, sans s'émouvoir, sans procéder à un autre examen, donna le dépisteur; il n'était pas sorti de la vigne, car le jour suivant il fut exécuté.

«En 1831, quelques personnes tentèrent de s'évader; tout était prêt, les amis du dehors prévenus; au moment de sortir, l’un d’entre eux s'écria : « Et Calibar ! — Ah ! oui; Calibar! » répondirent les autres anéantis et atterrés. Leurs familles purent obtenir de Calibar qu’il fût malade quatre jours à partir de l’évasion ; elle put ainsi s’opérer sans inconvénient.

« Quel mystère renferme cet état de dépisteur? Quel pouvoir microscopique se développe-t-il dans l’œil de ces hommes ? Quelle sublime créature est celle que Dieu fit à son image et à sa ressemblance ! >>

Voilà des gens en qui la nature a mis en permanence une faculté qui ne se montre plus chez nous que dans l’état som-nambulique.

Les faits ci-dessus remettent en mémoire la baguette divinatoire à l’aide de laquelle Bleton et bien d’autres trouvaient non-seulement des sources d’eau, mais suivaient à la piste les voleurs et les assassins. Tous ces faits se lient au magnétisme ; c’est pourquoi nous leur avons donné place dans ce Journal, qui doit contenir tout ce qui est relatif aux mystérieuses puissances de l'âme.

11É1IERT (de GarnayV

Le Gérant : HÉBERT (de Camay).

CONTROVERSES.

SOMNAMBULISME MAGNÉTIQUE.

11 y a dans le SûWc du 1er décembre un long feuille-ion de M. Alphonse Karr, duquel nous extrayons le passage suivant :

« Si les tables prédisent l’avenir, les somnambules continuent à voir à distance, à voir les yeux fermés, ce qui n’esl pas, du reste, un rtfctuvais moyen : « Ferme les yeux et tu « verras. » C’est-à-dire que la pensée nous apprend que ce qui se passe sous nos yeux n’est rien que formes vaines, apparences fugitives, fumées qui s’exhalent, nuées qui passent, reflets qui s’effacent.

« Le magnétisme produit des effets bizarres, inconcevables, que personne ne peut nier; mais où s’arrêtent ces effets? où commencent le charlatanisme et la tromperie ? C’est ce qu’il est difficile ou plutôt impossible de dire. La science constituée nie tout sans examen avec la haine d’un marchand pour la boutique d’à côté. Les magnétiseurs vendent du magnétisme; en général, l’épicier qui vend du café y mêle plus ou moins de chicorée.

« L’opinion publique reste fort embarrassée et mon opinion particulière aussi.

« Je vous dirai quelque autre jour ce que j’ai vu en ce genre.

« Je vais vous raconter aujourd’hui seulement comment s’en tira un savant, un savantde la science constituée, un membre de l’Académie de médecine, le Dr Fourc....

« Je lui faisais part de mon anxiété. Plus d’une fois j’avais pris les somnambules en fraude incontestable, mais plus souvent encore j’avais assisté à des résultats qui ne pouvaient s’expliquer que par des causes plus difficiles à croire que le magnétisme.

— Vous autres de la science constituée, lui disais-je, au

ToilE XII. — N° 178. — 25 décembre 1853. Î6

lieu de vous renfermer dans un dédain peut-être apparent, vous devriez songer que votre devoir est d’examiner, de prouver et de dévoiler la fourberie aux ignorants comme moi. Jusqu’à nouvel ordre, je crois au magnétisme sans croire aux magnétiseurs.

« Je le menai voir un somnambule célèbre; le DrFourc... sortit un peu surpris.

« — Que dites-vous? lui demandai-je.

« — Je dis que cela ne prouve rien.

„ — Qu’entendez-vous par une preuve?

« — La certitude mathématique.

« — Eh bien, mettez le somnambule à une épreuve qui soit une preuve pour vous ; mais pas aujourd'hui ; prenez votre temps, nous reviendrons dans huit jours. Combinez votre épreuve.

« Huit jours après, le docteur vient me chercher.

« — j’ai mon affaire, me dit-il. Voici ma clef dans ma poche, j’ai donné congé à ma servante. Après son départ, j'ai fait quelque chose chez moi que je ne vous dirai pas. -Si le somnambule voit et dit ce que j’ai fait chez moi, je serai convaincu que l’on peut voir à distance et sans le secours des yeux.

„ _ Vous êtes persuadé que votre expérience a pour vous tous les éléments de la preuve ?

11 — Oui.

« Nous partons, nous arrivons. Le docteur dit au somnambule endormi :

„ — Allez chez moi, et dites ce que vous voyez dans ma Chambre. »

« Je vous fais grâce des hésitations, des tâtonnements, des silences, des oppressions du somnambule. Voici seulement le résumé de ce qu’il dit au docteur :

,, — Vous demeurez à tel endroit, telle rue, tel numéro, tel étage. Il y a sur la cheminée de votre chambre une pendule en marbre, carrée ; sur cette pendule est placé, sans y adhérer, un buste en marbre blanc, légèrement veiné de gris: c’est le buste de l’empereur Napoléon. Vous avez enlevé ce buste, vous l’avez placé à l’opposé de la cheminée, entre les deux fenêtres, sur un tabouret recouvert d’une étoffe rouge, et vous avez mis sur la tête du buste un pâté de quinze sous. » . , .

« Je regardai le docteur, il était disparu. Je me demandai 9i c’était par le résultat du magnétisme. Le lendemain, je le rencontrai dans la rue.

« — Eh bien ! lui dis-je, ce que vous a dit le somnambule était-il vrai ?

«:— Oui; mais qu’est-ce que ça prouve?

« — Comment! qu’est-ce que ça prouve !

« — Oui, j’ai d’abord été un peu surpris, mais ensuite j’ai réfléchi et j’ai compris qu’avec un peu de finesse et de perspicacité, il avait très-bien pu deviner ce qu’il m’a dit.

« — Ça me paraît fort I

« — Non, c’est au contraire très-simple et très-facile, et je suis certain qu’à sa place j’aurais deviné comme lui et avec moins d’hésitation. Par exemple, savoir mon-adresse, le moindre hasard ou la moindre question suffit.

a — D'accord.

« — A mon air, à ma tournure, à mon ruban de la Légion d’honneur, il est facile de voir que j’ai été militaire; à mon âge, que j’ai servi sous l’Empire. Eh bien ! un homme qui a servi sous l’Empire a gardé de l’empereur un souvenir religieux. 11 a sans aucun doute chez lui quelques images de l’empereur. J’ai l’air cossu, je n’ai pas reculé devant la dépense nécessaire pour me procurer cette image sous toutes ses formes, la peinture et la sculpture. J’ai donc un buste de l’empereur Napoléon. Où est-il ? dans l'endroit le plus apparent, à la place d’honneur, sur la cheminée. Et à quelle place delà cheminée? sera-ce d’un des côtés de la pendule? mais alors il faudrait un pendant. Ou est le coquin qui oserait mettre un pendant à Napoléon? 11 faut donc le placer au milieu de la cheminée ; mais la pendule a, à cette place, des droits imprescriptibles et incontestables : il n’y a qu’un moyen de se tirer d’affaires, c’est de mettre le buste sur la pendule, n’est-ce pas? 11 y a donc nécessairement chez moi un buste de l'empereur Napoléon placé sur la pendule. Le buste est en marbre blanc légèrement veiné de gris? Il est difficile de trouver un morceau de marbre blanc où il n’y ait pas quelque légère veine, et je ne pouvais faire faire le buste de l’empereur en marbre noir. Donc, tout naturellement, le prétendu somnambule a pu deviner sans miracle , rien qu’en me voyant, qu’il y a sur ma cheminée, sur la

Pendule un buste, en marbre blanc, légèrement veiné, de empereur Napoléon. Toutle monde en aurait pu faire autant.

h — Pas moi.

« — Allons donc I

« — Mais ce n’est pas tout ce que vous a dit le somnambule.

« — Aussi, vais-je vous expliquer le reste. J’ai à faire

20.

une épreuve chez moi, il faut que je donne quelque chose à deviner; naturellement je vais faire un dérangement, lion esprit se porte encore naturellement sur le buste de l’empereur.

« — Pourquoi naturellement ?

« — Vous n’avez pas servi sous l’empereur. Pour nous, c’est tout simplement quelque chose comme le bonnet de Trim dans Tnstram Shandy. Nous jurons par l’empereur, nous gageons des napoléons, nous comptons en napoléons, nous comparons tout à Napoléon, nous datons de Napoléon, nous croyons que Napoléon nous porte bonheur : c’est donc au moyen du buste de l’empereur que je dois naturellement essayer de faire mon expérience. Il s’agit de le déplacer. Sa place étant nécessairement, comme je vous l’ai prouvé, sur la cheminée, il tombe tout de suite dans l’esprit de le mettre le plus loin possible de la cheminée ; eh bien, le plus loin possible de la cheminée, c’est entre les deux fenêtres , à l’autre extrémité de la chambre. Je ne le mettrai pas à terre : d’abord ce ne serait pas très-révérencieux, ensuite les années et la fatigue m’ont un peu roidi ; le somnambule, ou prétendu tel, voit bien que je ne me baisse ni facilement ni volontiers : je mets donc le buste sur un tabouret, c’est le plus facile à remuer des meubles qui garnissent les appartements. — Ce tabouret, dit-il, est rouge. — Eh bien, oui, il est rouge; mais il faut qu’il soit rouge ou jaune ; on ne fait guère les meubles que de ces deux couleurs ; entre deux couleurs, il y a autant de chances de deviner que de se tromper, et encore on fait plus de meubles rouges que de meubles jaunes. Je vous ai donc prouvé qu’il n’y a besoin que d’y penser un instant, pour deviner qu’il qu’il y a chez moi sur la pendule, laquelle est naturellement sur la cheminée, un buste de l’empereur en marbre blanc ; qu’ayant à faire un changement et une épreuve, j’ai placé ce buste entre les deux fenêtres, sur un tabouret rouge. Un enfant de six ans devinerait cela. Reste la circonstance du pâté de quinze sous. Appliquons à cette circonstance, comme nous venons de le faire pour les autres, le calme, la sérénité et la sévérité du raisonnement : donner à deviner que j’ai déplacé le buste de l’empereur, quand il s’agit de faire une épreuve sérieuse, ce ne serait pas assez compliqué : SI est donc facile de supposer que j’aurai ajouté quelques circonstances. La première circonstance qui vient à l’esprit est de mettre quelque chose sur le buste. Y placerai-je une couronne? ce ne serait pas fort, c’est un front qu’on se repré-

sente toujours couronné, ce serait vouloir être compère du somnambule ; n’y mettant pas de couronne, et voulant dérouter l’esprit du prétendu devin, j’ai dû mettre sur la tôt,' de l’empereur quelque chose d’inusité, d’absurde, d’incroyable, d’impossible à, deviner. Eh bien ! quoi de plus absurde à mettre sur la tète de l’empereur Napoléon qu’un pâté de quinze sous ? Vous voyez bien, mon cher ami, que cela ne prouve rien.

« Je suppose qu’à ce moment, le Dr Fourc... me regarda pour voir 1 effet de son argumentation ; mais il lui arriva à mon égard ce qui lui était arrivé au sien chez le somnambule. Il ne me trouva pas, j’avais disparu. »

Cet esprit de révolte contre la vérité, ou plutôt ce sot orgueil du savant si bien décrit ici, nous l’avons constaté il y a bien longtemps, lors de nos expériences à la Salpé-trière. Un médecin ne voulait pas se rendre à l’évidence ; poussé à bout je lui dis :

« Mais si, par ma volonté, je faisais tomber cet homme qui est là devant nous?

— Je ne croirais nullement, répondit-il, car on tombe sans être magnétisé.

— Et si je le tuais roide?

— Cela ne pourrait me convaincre. Ne meurt-on pas de mort subite ?

— Mais enfin, si la mort était bien constatée et que je le ressuscitasse?

— Cela prouverait infiniment ; cependant, finit-il par dire, si vous le ressuscitiez, cela ne me prouverait point votre puissance; je dirais et je soutiendrais qu’il n’était pas mort. »

Je tournai aussi le dos et m’enfuis à toutes jambes.

Baron DU TOTET.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

4° ZOO-MAGNÊTOSCOPIE.

A Monsieur le baron du Potct.

Villeneuve (Suisse), 16 décembre 1853.

Mon cher maître,

Vous devez être bien étonné de mon silence ; la raison en est simple : je vais vous la dire.

Spectateur, je ne dirai pas émerveillé, mais ébloui des découvertes gigantesques qui se pressent, se succèdent et se remplacent en magnétisme, je me suis arrêté. Je ne me sens ni la force ni le courage d’entreprendre cette course au clocher où se précipitent tant de novateurs. Je crains de me trouver aux prises avec certaine anthropophagie, ou de me heurter contre une table tournante, et j’attends le résultat de ces nouvelles expériences, repoussées par les mis, regardées comme concluantes par les autres. Si je m’abstiens, je n’ai pas pour cela renoncé à la lutte, et je n’attends que l’occasion de combattre de nouveau pour une cause à laquelle j’ai déjà tant sacrifié.

Je romps aujourd’hui le silence pour vous prémunir contre une découverte que le Journal du Magnétisme du

10 novembre donne comme aussi simple qn’ingénieuse : je veux parler du zoo-magnétoscope ou bio-électromètre inventé par M. Weier, et préconisé par M. Sœhnée.

Après avoir lu avec beaucoup d’intérêt cet article, je me suis dit : L’expérience est trop simple, trop facile pour ne

pas la tenter. Et, dans une chambre parfaitement close, j’ai disposé une aiguille sur un liège; j’ai découpé une bandelette de papier, comme il est indiqué ; j’ai entouré cette boussole de mes mains, et la bandelette s’est mise en mouvement, mais sans régularité.

Je l’ai placée ensuite au centre de l'espace formé par la réunion du pouce et de l’index, comme le fait M. Weier, et le mouvement de rotation de la bande de papier a acquis une vitesse merveilleuse et continue. J’étais en effet émerveillé.

Malheureusement, ou plutôt heureusement, l’idée me vint que le courant d’air qui existe toujours dans une chambre entre les couches inférieures et les couches supérieures, surtout si cette chambre est chauffée, pouvait fort bien agir sur un instrument aussi sensible, et remplacer alors le fluide censé électrique ou magnétique qui est supposé s’échapper des mains de l’expérimentateur. Pour m’en assurer, j’ai pris le capuchon de ma lampe en remplacement de ma main, et mon zoo-magnétoscope s’est mis à tourner avec une vitesse plus merveilleuse encore.

D’abord le mouvement de rotation eut lieu de droite ii gauche; je disposai le capuchon d’une autre manière, en le penchant, et j’obtins une vitesse de gauche à droite vraiment étonnante.

Quels que soient les coips dont je me sois servi pour resserrer l’espace autour du prétendu zoo-magnétoscope, je suis parvenu à le mettre en mouvement à ma volonté, soit de droite à gauche, soit de gauche à droite, d’après la disposition de la petite bande de papier ou celle des corps environnants.

Je conseille à l’honorable M. Leport de répéter mes expériences , et il s’assurera que cet instrument nommé zoomagnétoscope, qui présente parfois des irrégularités durant

tes temps orageux, mérite d’ôtre classé parmi......les jeux

d’enfants.

11 est fort ingénieux, je le concède; mais il est plus amusant qu’instructif.

Je compte que votre impartialité, ou plutôt votre désir d’ar-

river au mi en se méfiant des illusions, vous fera un devoir de publier cette communication.

Agréez, cher maître, etc.

P. C. ORDINAIRE,

docteur-médecin.

2° ENLÈVEMENT DE PERSONNES.

A Monsieur Ilfbert (de Garnaÿ).

Mon cher confrère,

Vous avez inséré dans les numéros de septembre et d’octobre derniers du Journal du Magnétisme quelques communications relatives à l’expérience sur l’enlèvement des hommes. Permettez-moi de soumettre quelques réflexions sur ce point de recherches.

Tout en cherchant à prouver sciemment le fait, ces communications s’en écartent d’une manière évidente.

Que l’on soit parvenu, à l’aide de certaines lois physiques, à imiter les faits magnétiques, rien de mieux, tout chemin conduit à Rome; mais assurer formellement qu’aucune force psychique n’est mise en jeu, c’est ce que je ne puis comprendre, alors surtout que nous avons expérimenté un assez grand nombre de fois, et que nous nous sommes assurés par tous les moyens possibles de la solution de ce problème. Nous n’avons jamais tenu compte de l’aspiration dont parle M. Gautier ; nous ne nous sommes point écartés des règles prescrites, comme semble le prouver M. Bruyas, et cependant, contre l’assertion de ces honorables collègues, nous avons toujours opéré avec succès.

Ces messieurs nient l’influence volitive. Je prétends au contraire que, pour réussir au delà des désirs, il faut une volonté ferme et soutenue de la part des opérateurs, volonté qui doit se traduire par une émission fluidique intense entre eux et le sujet. Ce qui se passe pendant cette courte expérimentation semble au premier abord fort difficile à concevoir, mais ce n’est nullement insaississable pour ceux qui s’occupent depuis longtemps de magnétisme.

Je ne doute pas que la façon d’agir employée par ces messieurs ne leur ait parfaitement réussi, mais ils n’ont poiut voulu voir le véritable principe, la cause efficiente du succès. L’aspiration pourrait peut-ùtre servir d’auxiliaire au mode d’opération, mais de règle fixe, non.

M. Gautier dit bien que la force physique n’est pour rien dans la réussite de cette expérience ; mais il semble prouver que le résultat obtenu n’est dû qu’à la simultanéité de l’aspiration des opérateurs et du sujet. 11 y a donc dans cet ensemble quelque agent que l’on ne peut saisir, puisque le sujet, malgré la force physique qui paraît l’enlever, ne sent presque pas l’impulsion des doigts qui le soutiennent.

D’après mes propres observations, je crois pouvoir conclure que ce phénomène n’est déterminé que par la présence d’un fluide, d’une force vitale agissant directement sur le sujet par la volonté des opérateurs, ceux-ci se la communiquant par le regard et l’intention d’un acte préalablement réfléchi.

J’ai trouvé, dans un ouvrage de l’Encyclopédie Roret (1), un passage fort curieux sur le mode expérimenté par M. Gautier. Je vous le transcris sans commentaire :

« Une des expériences les plus remarquables et la moins explicable relativement à la forme de la charpente humaine, que j’ai vue moi-même et fort admirée, c’est celle dans laquelle un homme pesant est soulevé avec la plus grande facilité, quand on le saisit à l’instant où ses poumons et ceux des personnes qui le soulèvent sont gonflés d’air. Cette expérience fut, je crois, d’abord répétée en Angleterre, il y a peu d’années, par le major H...., qui la vit exécuter à Venise sous la direction d’un officier de marine américain, devant une nombreuse société. Comme le major H.... l’exécuta souvent sous mes yeux, je puis décrire en détail les moyens qu’il employait.

« La personne la plus pesante de la société se met sur deux chaises qui supportent l’une ses reins et l’autre ses jambes. Quatre personnes alors, une à chaque jambe et

(1) Nouveau Manuel de Magie naturelle et amusanto, par M. Brewster, publié par M. A.-D. Vergnaud. Paris, 183».

une à chaque épaule, s’efforcent à l’enlever et le peuvent à peine, tant le poids leur semble lourd. Quand il est remis, en place sur ses chaises, chacune des quatre personnes le reprend de même; puis la personne à soulever frappe deux fois dans ses mains. Au premier signal, tous font une aspiration longue, et aussi complète que possible, pour gonfler leurs poumons; puis, au second signal, on enlève le corps. A la grande surprise de tous, le corps s’enlève avec la plus grande facilité, comme s’il ne pesait pas plus qu’une plume. En plusieurs occasions j’ai remarqué que lorsque l’un des porteurs remplit mal sa tâche, en respirant mal à propos, la partie du corps qu’il tend à soulever reste en arrière : je me suis souvent amusé h ce jeu, porteur ou porté, et je puis affirmer que ses effets paraissent surprenants à tous ceux qui l’exécutent, car ils ont tous la conviction ou que le fardeau s’est allégé, ou que les porteurs ont plus de force par ce simple gonflement des poumons.

« A Venise, l’expérience se fit d’une manière plus imposante. L’homme le plus pesant de la société était porté et soutenu sur les index de six personnes. Le major H... soutenait que l’expérience ne réussirait pas si l’on mettait le corps à porter sur une planche, et que l’on appliquât la force de six individus à cette planche. Il croyait qu’il était nécessaire que les porteurs communiquassent directement avec le corps de celui qu’on portait. Je n’ai pas eu l’occasion de faire des expériences sur ces faits curieux ; mais , que l’effet généra] soit une illusion ou bien une réalité provenant de principes connus ou nouveaux, le sujet n’en mérite pas moins un examen approfondi. »

Tel est, mon cher confrère, le résumé de mon opinion sur' ce nouveau sujet d’investigation ; libre à vous d’en faire ce que vous jùgerez convenable.

Daignez agréer, etc.

BÉGUÉ, médecin.

Toulouse, ï décembre 1853.

ÉTUDES ET THÉORIES.

LES TABLES TOURNANTES EN L’AN 371 DE J.-C.

Nilnovi sub sole. Voilà un bien vieux dicton, .et qui trouve encore aujourd’hui son application journalière. Pauvres gens ! le phénomène des tables tournantes ne nous occupait autant que parce que nous le regardions comme une nouveauté, et voilà que l’histoire, l’impitoyable histoire vient nous crier que ces pratiques giratoires étaient déjà anciennes au temps de l’antiquilé. Ainsi pour le magnétisme, retrouvé et systématisé par Mesmer, mais dont on trouve des traces si positives dans les Sentences de.Solon (fragment V, vers 52 à 62) ; — dans Sénèque (epist. 66); — dans Martial (III, epigr. 82), etc. Ainsi pour une foule de merveilles ignorées de nos grands-pères, et qui étaient connues de nos ancêtres. Qui nous dit qu’on ne trouvera pas un jour quelque vieux bouquin imprimé bien avant la naissance de Guttemberg? Sommes-nous bien sûrs que l'électricité, le galvanisme, la vapeur, etc., n’aient pas été connus avant nous ? •

Ah ! si l’on exhumait les innombrables vieilleries qui pourrissent sous leur vénérable poussière dans certaines bibliothèques étrangères, là où les conservateurs, ont soin de ne pas les déranger, et où ces malheureux bouquins sont réduits à se conserver tout seuls, que de choses ne découvrirait-on pas qui nous rempliraient de surprise et peut-être d’effroi! Et si de temps à autre quelque lecteur indiscret ne venait pas les troubler dans leur tombe, que de livres intéressants eussent été perdus à tout jamais ! Il me souvient d’avoir vu en Allemagne, il y a quelques années, un de

ces bouquins, couvert en parchemin, imprimé en caractères multicolores et rédigé dans un langage fantastique. Ce précieux livre porte la date de 1590, et a pour titre : la Folle clos Sages et la Sagesse des Fous. C’est un recueil d’idées neuves sur l’architecture, la médecine et même la navigation aérienne.

Je ne parlerai pas ici des Chinois qui, à ce qu’ils disent, connaissent tout, môme ce qui reste encore à trouver. Leur témoignage est quelque peu suspect; mais enfin, au dire de certains missionnaires, ce peuple serait en effet moins arriéré que beaucoup de nations civilisées. 11 ne serait donc pas impossible que les inventions d’aujourd’hui ne fussent, en fin de compte, que de vieilles nouveautés remises à neuf, rhabillées et étiquetées d’un nom plus ou moins barbare, à peu près comme les chapeaux retapés en poil de lapin, qu’on vend au Temple, où ils frappent l’œil de l’antiquaire; les naïfs béotiens les achètent, bien convaincus de leur parfaite virginité !

Cette comparaison, toute hyperbolique qu’elle paraisse, était cependant nécessaire pour empêcher qu’on ne m’accusât de faire des paradoxes.

Je reviens maintenant à mon sujet et je vais expliquer le titre de cet article.

Or donc, il y a quelque chose comme quinze cents ans, c’était en 371 de notre ère (les demoiselles Fox n’étaient pas encore inventées, ni l’Amérique non plus), on faisait mouvoir les tables tout comme on le fait aujourd’hui dans les salons du monde civilisé.

A cette époque, l’empereur Valens, prince cruel et superstitieux, signalait son règne par de nombreuses exécutions capitales qu’il ordonnait contre tous ceux dont le nom commençait par Théod. Et savez-vous pourquoi ? Parce qu’un magicien avait déclaré que le nom de son successeur commençait par ces deux syllabes (1). Dès lors, pour faire pièce à la magie, et voulant faire mentir la prédiction, ce gé-

(1) Voir la Biographie univenelle par deFoller, tome VIII, page 115.

néreux monarque imagina l’ingénieux expédient ci-dessus. Ce qui n'empêcha pas qu’en l’an 376 un Théodosc ne devînt son successeur.

Voyons maintenant comment cette prédiction avait été obtenue, et pour cela ouvrons Ammien Marcellin en son XIX0 livre de Ilcnan geslarum (édition de Hambourg, 1609.

1 vol. in-â°), page ¿15 :

11 s’agit d’un certain Hilarius, accusé de complicité dan* les pratiques magiques faites au moyen d’une table. Ce malheureux , amené devant un tribunal et déconcerté à la vue du compromettant guéridon qui gisait là piteusement comme pièce de conviction, s’exprime comme suit :

_« Contruximus, inquit, magnifie! judices, ad cortinæ si-militudinem Delphicæ diris auspiciis de laureis virgulis infaustam hanc mensulam quam videtis : et imprecatio-nibus carminum secretorum, choragiisque multis ac diu-turnis ritualitater consecratam, uovimds tandem ; movendi aulern, quoties super rebus arcanis consulebatur, erat in-stitutio talis. Collocabatur in medio domus emaculatæ odoribus Arabicis, undique lance rotunda pure superposita, ex divertis metallicis materiis fabrefacta: cujus in ambitu rotunditatis extremo elementorum viginti quatuor scrip-tiles formæ incisæ perite, dijungebantur spatiis exami-nate dimensis ; » etc., etc.

Il existe plusieurs traductions françaises d’Ammien Marcellin , toutes imparfaites, en ce qu’elles ne sont pas littérales. Nous avons vu celle qu’a publiée l’abbé de Marolles en 1672 (1) ; mais elle est encore insuffisante pour le texte qui nous occupe. Je préfère dès lors donner ici une traduction mot à mot.

« Nous construisîmes, dit-il, très-magnifiques juges, à l’imitation du trépied de Delphes, sous des auspices terribles , et avec des branches de laurier, la fatale petite table que vous voyez, et après l’avoir consacrée, selon les rite» voulus, par des chants mystérieux et par de longues et nombreuses formules magiques, nous la mimes enfin en

(1) Ammien Marcollin, les XVIII Livres qui nous restent. Paris, 167Î . chez Claudg Barbin. 3 vol. in-12. — Tomo III, page 1253.

mouvement; et cela par le procédé suivant, qui était en usage chaque fois qu’on voulait la consulter sur des choses cachées. Elle fut donc placée dans le milieu de la maison, après avoir été purifiée de tous côtés avec de l’encens, puis on posa simplement dessus une soucoupe faite de divers métaux. Au bord extrême et intérieur de cette soucoupe sont gravées les vingt-quatre lettres de l’alphabet, placées à distances égales, les intervalles ayant été exactement mesurés........

Je traduis ci-après la suite de ce passage ; quant au texte latin, j’ai indiqué plus haut où on pourrait le trouver.

«......Quelqu’un de nous, enveloppé de vêtements

de lin et chaussé de socques de même étoffe, la tête ceinte d'un bandeau, tenant à la main do la verveine, l’arbre heureux , après avoir invoqué la divinité préposée aux oracles, se mit sur ce trépied suivant l’ordre du cérémonial, faisant osciller en rond Une bague pendant à un fil de Carpathe très-léger, initiée d’après certaines règles mystiques, laquelle, par des intervalles distincts, s’arrêtant en sautant à certaines lettres, formait ainsi en réponse aux interrogations des vers héroïques dûment achevés sous le rapport du rhythme et de la versification, comme les vers pythiques ou ceux donnés par les oracles des Branchides. Lorsque nous demandâmes ensuite qu’est-ce qui succéderait à l’empereur actuel, parce qu’on avait dit que ce serait un homme accompli sous tous les rapports, la bague avait en sautillant touché les deux syllabes Théo, avec addition d’une autre lettre. Alors un des assistants s’écria que c’était Théodose que le destin désignait. Nous ne poursuivîmes pas davantage l’affaire, car il était constant pour nous que c était lui qu’on désirait. »

11 va sans dire que les malheureux tourneurs de table furent tous condamnés à mort et exécutés.

M. le Dr J. Kerner, le célèbre auteur de la Voyante de Prevorst, a donné une traduction allemande du même texte dans une remarquable brochure publiée par lui au mois de juin, sous le titre de Die somnambulen Tische, etc. Stutt-gardt, in-8° de 64 pages). C’est à ce savant magnétologue que revient le mérite d’avoir appelé l’attention sur ce curieux document historique. Comme il est juste de rendre à César ce qui appartient à César, je m’empresse de consigner ici ce témoignage de priorité.

Ajoutons pourtant qu’antérieurement au travail de M. Ker-ner, quelques livres de magnétisme en ont parlé, mais seulement comme texte explicatif des oracles, et sans s’arrêter au fait de la table. M. le baron d’Hénin de Cuvillers le rapporte dans le 1er vol. des Archives du Magnétisme, p. 275.

Et maintenant, que dites-vous, lecteur, de ce passage ? Le movimus'tandem vous paraît-il clair? En faut-il davantage pour prouver que les tables tournaient au quatrième siècle ? Ai-je tort quand je dis : Nil novi su!/ sole?

Nous reparlerons au reste de toutes ces pratiques bizarres, oubliées pendant des siècles pour revenir dans le pays où est né Voltaire! 0 philosophes! ô encyclopédistes! voilà donc à quoi servent vos théories et vos œuvres! et c’est en plein dix-neuvième siècle que nous retombons dans l’ornière dont vous nous avez tirés ! Dressez donc des statues à Para-celse, à Van Helmont, ù vous qui lisez de sang froid les élucubrations facétieuses des faux sorciers; alors seulement vous vous réhabiliterez aux yeux du inonde sérieux ! ! !

Un dernier mot. Dans la collection des Classiques latins publiée par M. Nisard, ce savant latiniste a quelque peu tronqué le passage d’Ammien Marcellin. Ainsi les mots si importants, movimus tandem, ne sont pas traduits!! ! pas plus que movendi autem. Mensulam est rendu par trépied, comme s’il n’était pas plus simple de mettre petite table! Ne dirait-on pas qu’en sa qualité d’académicien, M. Nisard, prévoyant qu’un jour ou l’autre les tables se mettraient à tourner, a voulu empêcher qu’on pût l’accuser de connivence avec ce phénomène, et que pour cela il s’est abstenu de traduire les mots essentiels pour l’intelligence du texte? Si cela était, l’esprit de ce pauvre Ammien Marcellm aurait le droit dfêtre furieusement en colère, et nous craignons fort, qu’un j,our il ne vienne demander compte à M. Nisard. de ce délit de lèse original. Mais qui sait? l’honorable académicien est peut-être de ceux dont le poète a dit : lmpa-vidum ferint ruines. Pardon de tant de latin.

Ferdimaud SILAS.

CLINIQUE.

IIÉMORRHAGIE UTÉRINE.

Le traitement des hémorrhagies essentielles, par le magnétisme, n’est pas encore bien fixe, ni pour la manière d’agir, ni pour le résultat qu’on peut en attendre. Il paraît que certaines dispositions sthéniques contre-indiqucnt l’emploi de ce moyen, et que le caractère passif de ces affections est, au contraire, la condition du succès. Voici deux faits qui contribueront à élucider cette question.

Premier cas.

La lettre suivante, adressée à M. du Potet, président du Banquet mesmérien, ne lui est parvenue qu’à la fin de la cérémonie, et n’a pu être lue. Nous réparons ce contre-temps en l’insérant tout entière.

Monsieur,

Connaissant le bienveillant accueil que vous faites aux récits des effets merveilleux qu’opère chaque jour le magnétisme, je m’empresse de vous présenter une nouvelle preuve de cette puissance divine conférée à l’humanité pour son soulagement.

• Moi, sage-femme de la Faculté de Paris, épouse du D'Soudan, étais, depuis six mois, affligée d’hémorrhagie utérine , malgré les soins intelligents des hommes les plus distingués dans l’art de guérir. J’étais réduite à l’abattement physique et moral le plus complet, par suite de l’inefficacité des moyens de la médecine allopathique, homéopathique et hydrothérapique, lorsque Dieu , prenant sa créature en pitié, m’envoya son ange de charité, un de vos

honorables membres, Mmc O’Malley, afin de répandre sa vertu puissante sur ma faiblesse, et la dissiper. A sa vue, mon courage se releva, elle fit renaître en moi l’espoir.

Après m’avoir examinée et entendue, cette âme d’élite se sentit émue et inspirée de me sauver. J’entendis avec attendrissement la promesse de me guérir en quinze jours si je le voulais. J’acceptai avec reconnaissance ce secours inespéré. Le jour et l’heure de ce travail de dévouement furent fixés.

La première magnétisation, faite par insufflations locales, arrêta irrévocablement le flux sanguin. La seconde séance, dirigée de la même manière que la précédente, calma les douleurs hypogastriques. Les magnétisations subséquentes les firent complètement disparaître.

Chaque jour fut marqué d’un pas de plus vers la guérison : elle fut radicale îi l’époque déterminée par mon habile médecin qui, pour me soustraire au retour du même mal, me magnétisa pendant quinze autres jours consécutifs, comme mesure préventive, et après, deux fois par semaine seulement.

C’est à ce traitement sagement conçu qu’est dû le succès de mon rétablissement.

J’aurais désiré, monsieur, pouvoir assister à l’imposante solennité de ce soir, pour faire acclamer publiquement celle à qui je dois mon salut. Veuillez être assez bon pour le faire vous-même ; ce sera un encouragement offert à toutes les personnes qui concourent avec vous aux œuvres philanthropiques.

Femme SOUDAN.

Paris, 23 mai 1853.

Second cas.

La Société du Mesmérisme a entendu dernièrement la relation détaillée d’une guérison obtenue dans des circonstances analogues à, la précédente.

Il s’agit d'une dame qui, étant allée en partie de plaisir à Corbeil, y fut prise d’une perte si abondante qu’on dut la ramener à Paris couchée dans une voiture.

Le narrateur de ce fait termine ainsi son récit :

a Le mal durait depuis dix mois, et Mme P..., perdant chaque jour un peu du sang qui lui restait, attendait avec résignation sa fin prochaine. Quelqu'un alors lui parla du magnétisme, et surtout de là lucidité de ma fille : je fus donc

demandé. En arrivant auprès de cette malade, je fus effrayé de sa pâleur ; son teint était d’un blanc porcelaine. Cependant , après m’être renseigné sur les causes et l’état actuel de la maladie de cette dame, je lui fis la proposition de la magnétiser ; mais, surprise et fortement impressionnée, son émotion lui permit à peine de me répondre : «Monsieur, i- me dit-elle enfin, je croyais que vous auriez bien voulu « endormir votre demoiselle pour me donner une con-« sultation. » C’est vainement que j’employai tous les arguments possibles pour la déterminer à se laisser magnétiser, l’assurant que, puisque la médecine avait été impuissante, ma fille, sans aucun doute, lui prescrirait le magnétisme ; je ne pus calmer son agitation.

« Je demandai une carafe d’eau que je magnétisai fortement et intentionnellement; j’en recommandai l’emploi pour boisson et l’usage de la toilette. Ensuite, assuré que moins timide avec son mari, la malade se soumettrait à ses soins, j’enseignai à celui-ci le moyen que voici :

« Appliquer la main gauche sur les dernières vertèbres lombaires, et la droite au-dessus des pubis ; faire une douce pression en cherchant à rapprocher les mains vers un centre commun, pendant dix ou onze minutes, dans l’intention bien soutenue d’arrêter l’écoulement du sang._

« Dès la première séance la malade sentit dans les viscères de l’abdomen quelque chose d’étrange, et crut remarquer que la perte était moins forte; huit jours de suite ce moyen fut employé, et l’hémorrhagie s’arrêta. M“* P..,. put enfin se lever et descendre à son magasin ; puis, trois ou quatre jours plus tard, elle sortit et respira l'air après lequel elle soupirait depuis si longtemps.

« Des preuves à l’appui de ce rapport seront produites au besoin.

« BRUNELLIÈRE.

■ Paris, 15 avril 1853. »

VARIÉTÉS.

Le» tables font un I»rult d'enfer ! — Entrez dans la loge du portier, vous le verrez faire tourner sa table; allez chez un juge, un avocat, un archevêque même, les tables tournent — après le dîner, s’entend; il paraît même qu’on les interroge dans les palais.

Que font les savants pendant ce temps?

Eélas ! eux aussi s’occupent des tables, mais sans chercher ¿.les mettre en.mouvement. Ils n’estiment que le repos; les labiés bien servies, voilà leur affaire! Que diable! il faut bien se refaire un peu des pertes occasionnées par le travail.

Dans la table du portier, c’est un génie bienfaisant qui répond aux interrogations : il promet la fortune. Chez nos prélats, c’est un mauvais génie, un démon plein de ruse et d’astuce, qui dispute sur le dogme et qui s’avoue vaincu.

Jamais rien de pareil ne s’était vu sur la terre. Le siècle présent est aux sorciers, aux magiciens ; les magnétiseurs sont au premier rang, car c’est à eux que l’on doit toutes ces inventions diaboliques. L’électricité est détrônée, le gaz et la vapeur on n’en parle plus. Tout est aux esprits, aux apparitions, aux médiums, aux tables tournantes et parlantes.

Que va-t-il advenir de ces communications d’outre-tombe, de ces révélations mystérieuses touchant l’autre vie?...

D’abord nous constaterons un premier fait, c’est celui du néant de la science moderne en présence des nouveaux phénomènes. Frappés de mutisme, nos augures excitent le rire et la pitié. La voyez-vous, cette science orgueilleuse qui nous accablait de ses dédains, la voyez-vous obligée de confesser son impuissance ? Ah ! pour la tirer d’embarras, le pouvoir

devrait bien lui venir en aide. Quelle bonne mesure que-celle qui proscrirait la malencontreuse vérité ! Déjà nos savants ont tâté le terrain de ce côté : ils ont crié à la folie... les tables font des fous... Voyez-vous ces sages qui se croient encore au temps de Galilée? Vous n’y ôtes plus, messieurs, il faut changer d’allure! Le magnétisme, que vous avez condamné, survit à votre jugement, les tables tournantes achèveront notre vengeance.

Le Journal du Magnétisme ne peut donc désormais se renfermer dans le cadre qu’il s’ôtait tracé à son apparition; il doit suivre les nouveaux phénomènes dans toutes leurs évolutions, enregistrer chaque fait important et bien constaté. Ne rien négliger de tout ce qui pourrait éclairer cette question nous paraît être aujourd’hui un devoir.

Lecteurs déjà habitués aux faits merveilleux, nous allons vous en offrir d’incommensurables. Le magnétisme vous a convaincus qu’il y avait plus de choses possibles qu’on ne le pensait communément. Vous allez être forcés de reconnaître bientôt encore que si le magnétisme a soulevé un coin du voile de la nature, il doit continuer son œuvre et la montrer tout entière.

Nous nous chargeons donc de cette mission délicate, et, sans que d’autres travaux en souffrent, nous vous tiendrons au courant des découvertes nouvelles.

A nos Abonnés. — Notre Recueil compte aujourd’hui douze volumes. Tous ces matériaux recueillis avec labeur et persévérance forment une bibliothèque nouvelle où la science qui s’élève trouvera toujours à puiser.

Notre tâche est loin d’être terminée, il reste et restera toujours à enregistrer quelques nouveaux phénomènes importants; car nous avons devant nous le champ de l’infini. Ce Journal, si nécessaire aux progrès du magnétisme, va enfin, après avoir surmonté mille obstacles, prendre le rang que lui assignent ses destinées, et répondre à un besoin impérieux que les découvertes nouvelles ont fait naître au

milieu de nous, celui de pénétrer quelques-uns des secrets de la nature, peut-être môme ses lois.

Dans ce grand travail des esprits intelligents, dans ces recherches profondes, nous tâcherons toujours de recueillir ce qui sera marqué d’un cachet de vérité, et, nous préservant d’un enthousiasme irréfléchi, nous apporterons à ce choix l’indépendance dont nous avons fait preuve jusqu’à ce jour, sans qu’il nous soit arrivé jamais de faire prévaloir nos propres idées, si celles-ci, au préalable, n’ont été soumises au creuset de l’expérience.

Recueillant tout ce qui se rapporte au magnétisme, suivant pas à pas les chercheurs, chaque découverte recevra une mention spéciale en rapport avec son importance. Ayant des auxiliaires et des correspondants à l’étranger, nous aurons , dans un temps rapproché, une idée exacte de ce qui s’accomplit chez les autres nations.

Si nous avons déjà réalisé un progrès, si ce qui n’était d’abord qu’un germe s’est développé pendant ces dernières années de manière à défier les événements, l’on peut prévoir l’intérêt nouveau de notre recueil, car il réunira l’uniformité de vues dans la variété des sujets traités.

Nous n’avons pas la prétention d’être des guides infaillibles ; mais aucun ne nous dépassera en dévouement, la preuve d'ailleurs doit en être acquise.

0 Vérité ! te voici déchaînée, non comme le vent du désert pour accabler le voyageur, mais pour livrer les hommes à des disputes sans fin. Plus on produira de merveilles et moins la soif de savoir sera satisfaite. Que d’intelligences vont faillir, ne pouvant supporter cette lumière divine ! Mais aussi quelle grandeur va paraître dans les conceptions nouvelles ; et si quelques navigateurs font naufrage, d’autres , plus heureux, découvriront un nouveau monde.

Pour nous, sans nous laisser emporter par le tourbillon qui aujourd’hui agite les esprits, nous continuerons paisiblement nos travaux, examinant froidement les faits et les rapportant au magnétisme; car il est la véritable clef pour ouvrir le sanctuaire : rien ne se fait sans lui, rien ne se fera

de grand et de durable en dehors de lui. Puisse cette vérité pénétrer l’intelligence de tous nos amis, de tous ceux qui s’élancent dans la route du merveilleux.

Notre première pensée sera toujours portée au bien réalisable : soulager ceux qui souffrent, guérir les infirmités humaines , voilà le premier but où nous tendons.

Secondez-nous, lecteurs amis, aidez-nous à maintenir le drapeau du magnétisme haut et ferme, car il porte pour devise :

LA VÉRITÉ, N'iMPORTE PAR QUELLE BOUCHE;

LE BIE5 , «’IMPORTE PAU QUELLES MAIXS.

Nécrologie. — Au moment de mettre sous presse, nous recevons une douloureuse nouvelle ; M. Laforgue est décédé avant-hier à Pau.

Baron DU POTET.

BIBLIOGRAPHIE.

jH a *-■

QUÆRE ET INVEN’IES. 1 vol. in-8. Paris, 1853. Chez Ledoycn, au Palais-Royal, galerie d'Orléans.

« Il y a, dit Descartes, trois choses en l’esprit de l’homme qu’il faut, suivant saint Augustin, soigneusement distinguer, savoir est : entendre, croire et opiner.

« Celui-là entend qui comprend quelque chose par des raisons certaines.

* Celui-là croit, lequel, emporté par le poids de quelque grave et puissante autorité, tient pour vrai cela même qu'il ne comprend point par des raisons certaines.

« Celui-là opine qui se persuade ou plutôt qui présume de savoir ce qu’il ne sait pas.

u Or, ceci est une chose honteuse et indigne d’un homme, que d'opiner; pour deux raisons : la première, pour ce que celui-là n’est plus en état d’apprendre, qui s’est déjà persuadé de savoir ce qu’il ignore; et la seconde, pour ce que la présomption est en soi la marque d’un esprit mal fait et d’un homme de peu de sens.

« Nous devons cc que nous entendons à la raison, ce que nous croyons à l’autorité, ce que nous opinons à l’erreur. »

Nous recommandons ce passage aux méditations des personnes qui font des livres sur les tables parlantes, et qui posent en fait, comme si c’était une chose démontrée, qu’il n’y a clans ces phénomènes aucune autre force que les nôtres. L’auteur de Quœre cl Inventes n’a pas cette présomption,

Il montre en fait de théologie et de physique assez de connaissances pour pouvoir émettre, comme les gens dont nous parlons, une opinion arrêtée, et il se borne à présenter, sans les imposer à personne, les raisons qui lui paraissent de nature à faire soupçonner dans l’air des puissances invisibles. Nous constatons avec plaisir ce soupçon que des expériences ont converti pour nous en certitude.

Aux raisons scientifiques qu’il a trouvées, pour penser ainsi, dans trois cosmologies différentes dont il fait l’exposé avec une lucidité remarquable et qui toutes battent en brèche Newton et remettent Descartcs en honneur, notre auteur a ajouté des expériences auxquelles il a concouru,, et d’autres faites hors sa présence, tant en Angleterre qu’en Amérique et à Paris. Voici celle qui nous a paru la plus curieuse, et sans la gravité du caractère de la personne qui la raconte, nous nous permettrions d’en douter.

M. Tallmadge, sénateur aux États-Unis, ayant évoqué au moyen d’une table un de ses amis mort, s’exprime ainsi s

« Nous revenons le vendredi, prenons nos places, et mettons le papier sur le tiroir. Je dis à' mon ami :

„—Je voudrais que vous fissiez usage de votre écriture d® « la terre, pour que vos amis puissent la reconnaître..#»

B On répond :

« — Vous la reconnaîtrez. Pensez à l’esprit de John C. « Calhoun. »

« J'entends un mouvement rapide. Je regarde sous le tiroir, trouve mon crayon tombé, la feuille de papier dérangée, et dessus : I’m withyou still (je suis encore avec vous).

« Je montre la phrase au général Hamilton, ancien gouverneur de la Caroline ; au général Waddy Thompson, ancien ministre à Mexico ; au général Robert Campbell, der-

nier consul à la Havane, à, d’autres intimes amis de Calhoun et à un de ses enfants : tous disent que c’est bien son écriture. Le général Hamilton fait de plus une observation frappante : que Calhoun avait l’habitude d’écrire l'm pour I’inn, et qu’il a plusieurs lettres de lui 0(1 se trouve cette abréviation. Mmc Macoumb m’avait déjà dit la même chose. Son mari, le feu général Macoumb, lui avait montré une lettre de Calhoun où cette abréviation particulière à Calhoun avait été remarquée par elle. La phrase est d’ailleurs tout à fait dans le caractère de Calhoun : courte et claire, tout ce qu’il fallait.

« 11 y aurait, ii mon avis, des volumes à écrire sur tout cela. J’y trouve une preuve irréfragable :

« 1° De l’immortalité de l’âme,

« 2° Du pouvoir qu’ont les esprits de revenir visiter la terre,

« 3° De leur aptitude à communiquer avec leurs parents et amis. »

Nous recommandons Quœre et Invenics à nos abonnés. Les tables qui y sont citées s’étant toutes accordées à prédire une transformation sociale, la tête de l’auteur s’est échauffée à chercher par quels moyens la société pourrait s’améliorer, et les idées qu’il présente pour atteindre ce but sont dignes de la plus sérieuse attention.

Baron DU POTET.

PETITE CORRESPONDANCE.

Avis. — Le Gérant du Journal du Magnétisme a l’honneur de prévenir MM. les Actionnaires que rassemblée générale annuelle aura lieu le Dimanche 8 janvier, à 3 heures, au siège social, rue de Beaujolais-Palais-Royal, 5, conformément aux prescriptions des Statuts de la Société.

TABLE

ANALYTIQUE

DES MATIÈRES DU TOME DOUZIÈME.

INSTITUTIONS.

Banquet mesmérien. 119e anniversaire de la naissance de Mesmer. Circulaire réglant les dispositions de cette fête, 222. — Sa célébration. Compte-rendu, par M. Arnette. Discours et tostes de MM. du Potet, Morin, Bonnellier, Baïhaut, Logerotte, Jobard. Pièces de vers de MM. Cosson, Jobard, Warmé, 249 à 272, 316. — Appréciation de la fête par divers journaux de Paris, 311. — Réponse à l'Union, par M. du Potet, 315.

Jury magnétique d'encouragement et de récompense. Médailles décernées à MM. Baïhaut, Bard, Capern, d'Ourches, Morin, Mesmer, 272.

Hôpital magnétique de Londres Lettre de M. le général de Cubières sur les traitements qui y sont pratiqués, 59. — Election de Mgr l’archevêque de Dublin à la présidence du comité de cet établissement, en remplacement du comte de Ducie, décédé, 438.

Société bio-magnétique de Gènes. Sa fondation et son but, 86,

Société du magnétisme de la Nouvelle-Orléans. Célébration de la fête de Mesmer. Discours de M. J. Barthet, président, 361. — Organisation d'une infirmerie magnétique, 400.

Société du Mesmérisme de Paris. Bustes de de Puységur et Deleuze exécutés et offerts par M. Paul Carpentier, 58. — Rapport de cures opérées par M. Ruggeri, membre correspondant, 86. — Thèses soutenues pour l'obtention du grade de membre titulaire : 1° par M. Arnette (Des Objets magnétisés), 285 ; — 2° par M. Morin (Du Rôle de la volonté dans la magnétisation), 513.

Société philanthropico-magnétique de Paris. Renouvellement de son bureau, 57.

Société en voie d'organisation à Genève, 381.

CLINIQUE.

§ I. Cas de Chirurgie. — Opérations accomplies sans douleur. Extraction de dents, 561. | Hernie crurale étranglée, 385.

§ II. Cas de médecine. — Maux guéris ou soulagés.

Affaiblissement nerveux, 86.

Aliénation mentale, 61, 379.

Ankylose, 457.

Asphyxie, 533.

Atrophie de membres, 601.

Cardialgie, 87.

Congestion sanguine, 159.

Convulsions épileptiformes, 283, 594.

Désordres cholériformes, 274.

Douleurs rhumatismales, 60, 291.

Effets de la foudre, 533.

Encéphalo-méningite aiguë, 387.

Epilepsie, 60, 179, 388, 594.

Fièvre intermittente, 278.

— typhoïde, 290.

Gastro-entérite, 278.

Glandes, 565.

Goutte, 60.

Hémorrhagie utérine, 640.

Hydropéricardite, 33.

Hydropéritonite, 276.

Hystérie, 33, 60, 283, 465.

Maux d'estomac, 289.

Migraine, 388.

Névralgie frontale, 280.

Odontalgie, 561.

Panaris, 158.

Paralysie, 60, 86, 601.

Paraplégie hystérique, 33.

Rhumatisme, 60, 291.

Suppression de menstrues, 160.

Surdité, 60, 86.

Tumeurs scrofuleuscs, 60.

Tympanite, 278.

Verrues, 122.

ÉTUDES ET THÉORIES.

Communications (des) avec les Esprits. Voy. Esprits.

Controverses : sur le magnétisme au point de vue de la religion et de la morale, 88, 112, 138, 161, 353; — sur les manifestations spirituelles, 297, 336, 403; — sur les tables tournantes, etc., 470, 525, 519, 573, 577. — Réflexions par M. du Potet, 580. — Voy. aussi Electro-magnétisme,

Danse (de la) des tables, etc. Voy. Tables tournantes.

Electro-magnétisme. Diversité d'opinions sur la cause du phénomène des tables tournantes, etc., 185, 220, 240, 257, 330, 341, 405, 453, 461, 471, 489 à 498, 521, 549, 559, 573, 577, 599. — Voy. aussi Tables tournantes.

Esprits (des). Considérations :

— par Mlle Blackwell, sur les communications spirituelles en Amérique et en Angleterre, 187;

— par M. Robert Owen, sur le but que se proposent les Esprits, et les moyens qu'ils emploient dans leurs manifestations actuelles, 296;

— par Mme Wild, sur le danger de commercer avec les Esprits, 297;

— par M. Morin : 1° sur les différents modes de communication avec le monde invisible, 329 ; — 2° sur le retour aux croyances superstitieuses, 403;

— par M. J. Barthet, sur l'expansion des manifestations spirituelles, 361 ;

— par M. le baron de Chabert, sur l'inconséquence des catholiques qui attribuent tout phénomène extraordinaire au démon, 461 ;

— par M. le baron du Potet, sur la croyance aux Esprits, 482, 523, 537, 593 ;

— par M. le vicomte de Meslon, sur

des exorcismes de tables parlantes, 577.

Magnétisme (du) intermédiaire. Thèse de M. Arnette, sur la vertu des objets magnétisés, 285.

Manifestations (des) spirituelles. Voy. Esprits.

Médecine (de la) somnambulique, par M le Dr Alfr. Perrier (suite). Chap. IV : 1° Recherches sur son usage dans tous les temps, 4 ; — 2° du somnambulisme naturel et spontané, 17 ; — 3° du somnambulisme artificiel ou magnétique, 21.

Principe (du) de l'agent magnétique au double point de vue médical et philosophique, par M. le Dr Edouard Auber, 320.

Progrès (du) de la science nouvelle. Réflexions et vues diverses :

— par M. du Potet, sur la répugnance des savants à s'occuper de l'agent mystérieux qui sert de lien entre le monde visible et le monde immatériel, 62, 106, 581;

— par M. le Dr Jaussens, sur le magnétisme moral, ou action de la pensée individuelle sur la conscience d'autrui ; morale qui peut en dérouler, 136;

— par M. Jules Logerotte : 1° sur la vulgarisation de la science au moyen de livres élémentaires, 73;

— 2° sur le progrès indéfini que l'intelligence humaine pourra puiser dans l'étude de la vérité mesmérienne, 260 ;

— par M. Morin, sur:les prodiges se rattachant au magnétisme,251.

Religion (la) et le magnétisme. Controverse entre le Dr Despine et l'archevêque de Chambéry, 88 à 94. 112 à 121, 138 à 143, 161 à 173. — Consultation servant de préambule au décret de la sacrée congrégation de l'inquisition,

contre l'usage du magnétisme clans certains cas, 353.

Science nouvelle (de la). V. Progrès.

Somnambulisme (du) : naturel et spontané; — artificiel ou magnétique. Voy. Médecine somnamb.

Tables (des) tournantes et parlantes. Observations diverses :

— par M. E. Mouttet: 1° sur la portée scientifique de ce phénomène, 225 ; — 2° sur un passage de Tertullien, relatif à la divination par les tables, 453 ;

— par M. Fcrd. Silas, sur un passage d'Ammien Marcellin traitant du même sujet, 635.

— par H. Aug. Gathy, sur des expériences de tables tournantes et parlantes, 183, 235, 573;

— par M. A. de Gasparin, sur le scepticisme aveugle des savants à cet égard, 471 ;

— par M. le Dr Piégu, sur les questions de physique et de physiologie, 491. Voy. Electro-magnétisme.

Volonté (de la). Thèse de M. Morin, sur le rôle de la volonté dans la magnétisation, 513. —Opinion de Van Helmont sur la puissance de la volonté, comme cause de guérison, 589.

FAITS ET EXPÉRIENCES.

Aérostation et magnétisme. Expérience de magnétisme en ballon, par M. Jules de Rovère, 84.

Animaux magnétisés. Singe amené au premier degré de sommeil magnétique, 129. — Serpent à sonnettes dompté à Cayenne, 81.

Ascension des hommes. Renseignements et expériences par MM. : Dr Bégué, 377, 632 ; — J. Gautier, 449 ; — Xiffre, 530; — Bruyas, 531 ; d'Ourches, 608.

Ascension des tables. Faits rapportés par M. Tscherepanoff 447.

Attraction humaine. Jeune fille attirant les objets d'acier et les aimantant par le contact de ses mains, 533.

Clairvoyance ou lucidité somnambulique. Faits, 43, 53, 351, 376, 392, 408, 436, 547, 570, 604, 607.

Communication de pensée à distance. Fait, 177.

Coups mystérieux attribués à des Esprits. Relation de faits : par Bille Anna Blackwell, 187 ; — par MM. : Blanck, 63 ; — Limier, 69 ; — Sœhnée, 106 ; — Dr Kerner, 241. — Réflexions par M. du Potet, 62, 105. — Note historique par M. Hébert, 246.

Electro-biologie. Expériences par M. Philips, 134, 433, 441.

Electro-magnétisme. Expériences par divers, 183, 201, 223, 339, 341, 367, 371, 474, 489.

Exorcismes catholiques, 462, 578; id. magnétiques, 596.

Expériences de : magnétisme et som

nambulisme, 84, 129, 155, 376, 546, 570, 572, 607, 625. — Magie, 153, 177, 567. —Electro-biologie, 134, 433, 441. — Tables tournantes, 183, 201, 228, 339, 341, 367, 474, 489. — Tables parlantes, 233 à 241 , 342 à 352, 475, 577, 584. — Tables qui écrivent, 333, 584, 647. — Ascension des tables, 447. — Rotation humaine, 367, 371, 450, 530. — Ascension des hommes, 377, 449, 530, 608, 633.

Extase. Fait, 390.

Inculcation de volonté à un somnambule, avec souvenance au réveil. Fait, 157.

Insensibilité des magnétisés : à l’ustion des chairs, 157 ; — à l'extraction de dents, 561.

Intuition médicale. Faits, 38, 180, 396, 470, 819, 605.

Lycanthropie. Homme tuant plusieurs personnes pour en manger la chair, 445. — Observations sur ce sujet par M. Philips, 528.

Magie. Expériences par M. du Potet, 153, 567; — par M. Lelièvre, 177.

Magnétisme et somnambulisme. Expériences rapportées par MM. : de Rovére, 84 ; — D'Ourches, 129 ; — Hébert (de Garnay), 130 ;

— Leport, 155 ; — Bonjean, 351 ;

— Guidi, 376 ; — Lambert, 570 ;

— Ragazzi, 546 ; — Schmolle, 607 ; — Alph. Karr, 625 ; — Divers, 436, 547.

Médiums, ou intermédiaires dans les communications spirituelles.

188 à 107, 296, 297, 399, 452, 508, 528.

Mimique imitative dans l’étal somnambulique, 376.

Miroir magique, 153, 178, 567.

Objets magnétisés opérant les effets assignés par la volonté du magnétiseur, 285, 546.

Obsession à distance. Fait rapporté par M. le Dr Jaussens, 135.

Prévision somnambulique. Faits, 40, 48, 408.

Puységurisme ou somnambulisme magnétique. Faits de : Clairvoyance ou lucidité, 43, 53, 351, 376, 392, 408, 436, 547, 570, 604, 607. — Communication de pensée à distance, 177. — Extase, 390. — Inculcation de mémoire, 157. — Insensibilité à la douleur physique, 157, 561. — Intuition médicale, 38, 180, 396, 470, 519, 605. — Mimique imitative, 376. — Prévision, 40, 48, 408. — Transposition des sens, 351. — Vue à distance, 43, 392, 547, 570, 572, 607, 625.

Rêves et pressentiments réalisés. Faits, 131, 621.

Rotation humaine. Renseignements et expériences par MM. : Jules Lecomte, 372 ; — Morin, 450; — Xiffre, 531 ; — Divers, 367, 371.

Somnambulisme magnétique. Voy. Puységurisme.

Somnambulisme naturel. Phénomènes observés sur le berger Postolet : Lucidité, vue à distance et rétrospective, etc., 53.

Tables tournantes, parlantes, etc. Voy. Expériences.

Traitements magnétiques. Rapports de MM. : Dr Paul Vidart, 33, 465; — Thiry, 121 ; — Leport, 155 ; — Dr Louyet, 273, 561 ; — Dr Léger, 385 ; — Valleton, 601 ; — Brunellière, 642 ; — Mme Soudan, 640. — (Voy. aussi Clinique.)

Transposition du sens de la vue. Faits pathologiques observés et rapportés par M. le Dr Encontre, 417. — Réflexions à ce sujet par M. Hébert (de Garnay), 433. — Fait puységurique rapporté par M. Bonjean, 351.

Visions magiques, 153, 178, 181, 567.

Vue à distance, 43, 392, 547, 570, 572, 607, 625.

Vue chez des animaux décapités. Faits cités par M. de St-Agy, 111.

Zoo-magnétisme. Voy. Animaux magnétisés.

Zoo-magnétoscope ou bio-électromètre, 544, 630.

VARIÉTÉS.

Accidents attribués aux tables tournantes, etc., 206, 368, 440, 619.

Anecdotes, 53, 63, 69, 81, 106, 126, 131, 219, 400, 436, 457, 459, 525, 625.

Anthropophage (l') gallicien, 445.

Bustes de de Puységur et Deleuze exécutés par M. Paul Carpentier, 58.

Chronique, 98, 126, 200, 380, 399, 438, 458, 487, 582, 617.

Clergé (le) et le magnétisme. Décret papal du 21 avril 1841, contre l'usage du magnétisme dans certains cas, 358. — Conséquences du vague de ce décret : L’archevêque de Chambéry ordonne de refuser les sacrements aux personnes qui se soumettraient à des opérations magnétiques, 112. — Les évêques de Gap, de Montpellier, de Grenoble, de Lyon, etc., permettent la libre pratique du ma-

gnétisme à tout médecin offrant garantie de science et de moralité, 117. — Suspension d'un jeune prêtre du diocèse de Côme, pour avoir prêché en faveur du magnétisme, 380.

Corde (la) de pendu. Foi qu'avait en ce préservatif l'aéronaute Deschamps, 621.

Dépisteur (le). Détails sur Calibar, sorte de devin argentin, 622.

Dompteur (le) de serpents. Scène émouvante, 81.

Drôleries et canards sur la danse des tables, 219, 400, 439, 525.

Escroqueries d’un prétendu magnétiseur, 459.

Fête de Mesmer : à Paris, 222, 248, 249 à 272, 294, 311 ; — à la Nouvelle-Orléans, 361.

Législation et jurisprudence. Le magnétisme et le somnambulisme au point de vue pénal, par M. Emile

Jay, avocat, 95. — Loi sur l’exercice de la médecine en Belgique, commentée par M. Jobard, 247.

Magnétisme (le) au théâtre, 380, 458.

Magnétisme (le) en Angleterre, 59; — en Sardaigne, 86, 124; — en Styrie, 126 ; — à Milan, 148 ; — en Belgique, 247 ; — à Rome, 353; — en Suisse, 381, 582 ; — dans l'Inde, 379; — en Chine, 619.

Mesmérisme (le) devant la justice. Rapport de M. le conseiller Ch. Nouguier, sur le pourvoi en cassation formé par M. Jules de Rovére, 144. — Plaidoiries de M. de Peyronny à Lyon, dans les procès : 1° de Mmes Barthélemy et Tissot, 499 ; 2° de M. Chevalier, 611. — Voy. Tribunaux.

Nécrologie. Mort de magnétistes : Général comte de Préval, 56 ; — Mme Geslin, 99 ; — Dr Husson, 223 ; — Desjobert, 223 ; —Comte de Ducie, 438 ; — Général de Cubières, 438 ; — Boméa, 504; — Laforgue, 646.

Pétitions : au Roi de Sardaigne, par M. Guidi, pour solliciter les moyens d'établir une institution magnétique, 124 ; — à l'Empereur des Français, par M. le Dr Darricau, pour réclamer, dans l'intérêt de ceux qui souffrent, la libre pratique du magnétisme, 173.

Persécutions contre les magnétiseurs, 144, 380, 610.

Petite correspondance. Avis divers, 56, 123, 143, 224, 552, 648.

Philanthropie. Lettre de M. du Potet offrant à M. le Préfet de police de donner une séance au profit des incendiés de la rue Beaubourg, 617. — Réponse du Préfet, 618.

Poésies : Salut à Mesmer, ode par M. le Dr Léger, 253 ; — Un Rien, couplets par M. Cosson, 266 ; — le Remorqueur, fable par M. Jobard , 271 ; — Mesmer, stances par M. Warmé, 316 ; — Vision magique, par M. A...fils, 535.

Propagande. Traduction du Catéchisme de M. Hébert : 1° en alle-

mand, par M. le comte Schwerin, chambellan du roi de Prusse ; 2° en anglais par M. le Dr Bergevin, à New-York, 464. — Formation de Sociétés magnétiques : à Gênes, 86 ; — à Genève, 381. — Création d'une publication périodique à Milan, sous la direction de M. le Dr Terzaghi, 148. — Organisation d'une Infirmerie magnétique à la Nouvelle-Orléans, par les soins de M. Jos. Barthet, 400.

Prophétie de Saint-Martin, le philosophe inconnu, touchant les prodiges qui commencent à s’accomplir, 311.

Railleries badines, par M. Th. Muret, à propos de la rotation magnétique, 228 ; — par M. Baïhaut, sur le désarroi des savants en présence du phénomène de la danse des tables, 256; — par M. Jobard, sur l'irruption du magnétisme dans le sanctuaire académique, à la faveur des tables tournantes, 270 ; — par un sénateur, relativement à la rotation du globe terrestre, 525; — par Alph. Karr, sur l'incrédulité systématique de la science constituée à l'égard du magnétisme, 605.

Récits de faits merveilleux. L'Esprit frappeur de Bergzabern, 63, 106 ; — de Montoillot, 69 ; — de Dibbesdorf, 241. — Le mannequin dansant, 219. — La table volante, 447.

Résurrection. Jeune fille asphyxiée par la foudre et rappelée à la vie par sa mère, 533.

Revue des Journaux en ce qui concerne les faits et nouvelles magnétiques, 99, 128, 175, 223, 248, 400, 439, 459, 487, 505, 584, 618.

Scène tragi-comique. Mésaventure du comte de R... en Styrie, 126.

Tribunaux. — 1° Exercice illégal de la médecine : Procès de M. J. de Rovère, 144; — de M. Chevalier, 610 ; — 2° Prévention d'escroquerie : Procès des dames Barthélémy et Tissot, 499. — V. Mesmérisme devant la justice.

BIBLIOGRAPHIE.

Almanach magnétique, par le Dr Fluidus. Analyse par M. Morin, 510.

Considérations sur la durée de la vie humaine et les moyens de la prolonger, par le vicomte de Lapasse. Extrait relatif au magnétisme, 101.

Cronica del magnetismo animale. Recueil périodique publié à Milan, sous la direction du Dr Terzaghi. Prospectus exposant le but de cette publication, 148.

Des Esprits et de leurs manifestations fluidiques, par M. le marquis Eudes de M..... Analyse, examen et critique par M. Morin, 403. — Post-scriptum par M. du Potet, 416.

Etude du magnétisme animal sous le point de vue d’une exacte pratique, suivie d’un mot sur la rotation des tables, par P. Baragnon. Examen et critique par M. Morin, 553.

Facundo Quiroga et Aldao, par Domingo F. Sarmiento. Traduit par M. A. Giraud. Extrait relatif à la faculté que possèdent la plupart des gauchos de découvrir la piste des malfaiteurs, 622.

Manuel de Physiologie, par J.-B. Béraud, interne-lauréat des hôpitaux. Fragment ayant trait au magnétisme, 382.

Mystère (le) de la danse des tables

dévoilé par ses rapports avec les manifestations spirituelles d'Amérique, par un Catholique. Analyse critique par M. le baron de Chabert, 461.

Nouvel Almanach du magnétiseur, par A. Ségouin. Appréciation par M. Morin, 511.

Ortus medicinae, etc., par J.-B. Van Helmont; ouvrage publié en 1648. Citations relatives aux guérisons magnétiques, avec commentaire par M. Ferd. Silas, 589.

Petit Catéchisme magnétique, par M. Hébert (de Garnay), 2e édit. Examen raisonné par M. Jules Logerotte, 73.

Quœre et Invenies. Ouvrage relatif aux tables parlantes. Appréciation par M. du Potet, 646.

Résumé de l'Histoire de France, par Félix Bodin. Fragment concernant le magnétisme, 339.

Sauvons le genre humain, ouvrage inédit, par Victor Hennequin. Lettres de l'auteur au sujet de ce livre, qu'il annonce avoir été dicté par l'âme de la terre, 508.

Scalpel (le). Traité de Philosophie passionnelle, par H. de Vivés. Analyse, citations et critique par M. Morin, 585.

Traité de la science médicale, par le Dr Edouard Auber. Extrait fort remarquable concernant le magnétisme, 320.

LISTE NOMINATIVE

DES PERSONNES DONT LES ÉCRITS, LES ACTES OU LES OPINIONS

sont insérés, analysés, cités, rapportés, commentés ou réfutés dans ce volume.

Alexandre Dumas père et fils, 128, 133

Alexis (archevêque), 88, 112, 138, 161.

Andrée (Dr), 183, 201.

Arago (de l'institut), 504.

Arnette, 272, 294, 437, 440, 584, 621,

Auber (Dr Edouard), 320.

Aussandon (Dr), 574.

Azaïs, 26.

Baïhaut, 256, 272.

Baragnon, 553.

Bard, 100, 272.

Barricaud (abbé), 98.

Barthélemy (Mme), 499.

Barthet (Jos.), 366.

Bégué (Dr), 377, 449, 634.

Béraud, 382.

Bergevin (Dr), 464.

Bertrand (Dr), 21.

Bisson (Mlle), 179.

Blackwell (Mlle Anna), 199.

Blanck, 69.

Bodin (Félix), 339.

Boméa, 504.

Bonjean, 345.

Bonnellier (Hyppolite), 255.

Boutteau (Désiré), 370.

Brierre de Boismont (Dr), 21, 506. Brunellière, 642.

Bruyas, 532.

Calame, 563.

Calibar, 622.

Cambrune (Mlle), 561.

Capern, 60, 272.

Carpentier (Paul), 56, 58.

Castelnau (de), 497, 503.

Caupert (abbé), 416.

Cazaintre (Dr), 427.

Chabert (baron de), 372, 464.

Charavet, 455,

Charpignon (Dr), 29.

Chasles (Philarète), 459.

Chereau (Dr), 341.

Chevalier, 610.

Chevalier (Mme), 533.

Chevreul, 491.

Clément, 601.

Coddé (Dr), 224.

Cosson, 266.

Cubières (général de), 61, 438.

Darricau (Dr). 175.

Decerfz (Dr), 345.

Delaage (Henri), 507, 620.

Deleuze, 593.

Deschamps, 621.

Desjobert, 223.

Despine (Dr), 88, 112, 138, 161, 350, 353.

D'Harembert, 552.

Domicile, 295.

Donné (Dr), 505.

Drion (Charles), 489.

Ducie (comte de), 438.

Du Planty (Dr), 294.

Du Potet (baron), 56, 63, 100, 106, 128, 155, 221, 235, 248, 249, 316, 378, 413, 416, 486, 524, 543, 569, 582, 599, 617, 620, 629, 646, 648.

Eissen (Dr), 207.

Encontre (Dr), 432.

Fabre (Ch.), 57.

Faraday, 472.

Faria (abbé), 24.

Fleury, 447.

Foucault, 471, 521.

Gasparin (A. de), 342, 481.

Gathy (Auguste), 186, 241, 576.

Gauthier, 341.

Gautier (Jules), 449, 608, 632.

Gendrin (Dr), 506.

Geslin (Mme), 99.

Govi, 87.

Guidi, 126, 224, 376.

Guilmot (Dr), 176.

Guyot (Mlle), 563.

Haussmann, 619.

Hayden (Mme), 197, 399.

Hébert (de Garnay), 59, 73, 100, 104, 128, 131, 176, 200, 246, 328, 352, 358, 381, 433, 456, 488, 498, 507, 624.

Hennequin (Victor), 509.

Husson (Dr), 223.

Jaussens (Dr), 137.

Jay (Emile), 98.

Jobard, 247, 270.

Jouve, 230.

Juffey, 290.

Karr (Alph.),623.

Kean (Dr), 379.