Avertissement L’ouvrage dont on fait part au public dans ces trois volume a été trouvé en manuscrit dans le cabinet de son auteur, après sa mort ; et, comme il est tout rempli de vérités extrêmement intéressantes pour certaines gens au ressentiment desquels on ne s’expose pas d’ordinaire impunément, il y a tout lieu de croire qu’il n’aurait jamais vu le jour si un des intimes amis de l’auteur ne s’en était adroitement emparé à l’insu de sa famille, et n’avait pris soin d’en procurer l’impression. On y verra un journal fort exact et très circonstancié d’un voyage fait aux Indes orientales, pour le compte et par ordre de la Compagnie des Indes orientales de France, et sous la conduite de M. du Quesne, chef d’une escadre de six vaisseaux, depuis le 24 février 1690 jusqu’au 20 août 1691. L’auteur ne se renferme pas tellement dans le simple détail de ce qui regarde son escadre en général, et son vaisseau en particulier, qu’il ne s’égaie de temps en temps sur divers sujets, tantôt de théologie, tantôt de philosophie, tantôt d’histoire, et même assez souvent de galanterie et de chronique médisante. Il aurait sans doute été plus à propos de faire main basse sur quelques-uns de ces derniers endroits que de les publier, parce que la pudeur n’y est pas toujours assez ménagée : mais, on n’en a point été le maître ; et la personne de qui l’on tenait le manuscrit n’a jamais voulu consentir qu’on en retranchât aucune des choses auxquelles l’auteur avait trouvé à propos d’y donner place. Il les a toujours traitées d’une manière également agréable et intéressante ; et, chemin faisant, il débite sur tous ces sujets ses propres opinions, qui sont quelquefois assez singulières, et assez dignes de la curiosité des lecteurs.
J’étais de ses amis avant sa lâcheté du samedi 29 juillet, que j’ai rapportée t.
J’ai vu pendre à Lyon une fille qui en recevait deGenève ; c’était vers le mois de juillet 1714. […] Comme j’en parlerai encore dans la suite, je me contenterai de dire ici que par arrêt de la Chambre de Justice du jeudi 9e juillet 1716, il fut condamné à faire amende honorable, la corde au cou et la torche ardente en ses mains, avec deux écriteaux devant et derrière portant ces mots : Le Normant, faussaire, voleur et concussionnaire public, devant l’église cathédrale de Paris, la Chambre de Justice et le pilori, et là à genoux dire et déclarer à haute et intelligible voix, que méchamment et comme mal avisé, il a fait et fabriqué des copies d’un prétendu arrêt du Conseil daté du 15 mai 1703 dont il n’y a point eu de minute.
Mon père mourut vers la fin de juillet, et moi abandonné à ma bonne foi, je passai l’hiver à Paris avec des vagabonds, qui tout aussi bien que moi ne valaient pas grand-chose.