L’endroit me paraît beau ; mais je n’y vois point de fort. […] J’ai vu à cinq ou six cents pas du fort un corps brûlé. […] Ils sont cependant fort lubriques. […] Le fort, ni les vaisseaux, ne l’ont point oubliée. […] Ce qu’ils se sont dit m’inquiète fort peu.
Heure fort propre pour voir les dames. […] Nous étions fort éloignés de chez nous. […] Elle me dit qu’il était fort mal. […] Les termes sont forts, lui dis-je. […] Cette fenêtre était fort basse au premier étage.
Je la trouvai dans sa chambre seule, fort pensive. […] Il est certain qu’elle me blâma du prétexte que j’avais pris, qui exposait une fille fort aimable, et fort innocente à la colère de ses proches. […] Je la quittai fort embarrassé, et fort en peine de ce nouveau moyen dont elle m’avait parlé comme en me menaçant. […] Je ne me suis pas fort éloigné de France. […] J’en vis en effet un fort propre, tout neuf et doré, attelé de quatre fort beaux chevaux pies.
Aussi me fit-elle des leçons fort justes et fort pressantes. […] Tout le monde s’en étonnait ; car je ne passais pas pour fort endurant. […] Le plus fort article est celui qui regarde Silvie que voilà. […] Je suis fort aise de l’avoir crue. […] Elle était fort contente de sa vue.
Elle est fort pieuse, fort charitable, fort bonne amie, secrète, point médisante ni satirique ; peut-être que sa politique a part à ses vertus ; quoi qu’il en soit, si elle se contraint elle se contraint fort bien : car tout paraît en elle fort naturel et sans fard. […] Elle y vit une fort belle bourse ; elle la prit sans réflexion. […] Il était fort honnête homme, et sa femme une très honnête femme. […] Je suis encore fille, Madame, poursuivit-elle, d’un air fort embarrassé. […] Ils résolurent de voir si on en pourrait traiter, et se séparèrent fort tard.
La chaleur se fait sentir bien fort et est cause que MM. […] Il fait une chaleur très forte. […] Il est reparti fort mortifié de la maladie de M. […] Le temps a toujours été fort couvert, et la mer fort haute. […] Je reviens à ce gouverneur du fort de Chedabouctou.
Je suis d’une assez bonne maison d’une province fort éloignée. […] Je regrettai cette dame, parce qu’elle m’avait toujours paru fort vertueuse. […] Elles avaient été fort longtemps pensionnaires et bonnes amies ensemble. […] J’avais l’honneur d’être son parent et d’en être fort considéré. […] Elle le fit par une fort grande révérence.
Sa fille parut fort mélancolique et rêveuse. […] Je le pris, et lui payai le port fort grassement. […] Je restai avec cet ecclésiastique que je récompensai fort honnêtement. […] Elle trouva les meubles fort beaux, demanda à qui était la chambre. […] Il a fait avoir une fort belle cure à l’ecclésiastique qui l’avait marié.
Il avait fait des voyages fort éloignés, dont il n’était pas revenu plus riche. […] Nous nous y trouvâmes et nous parlâmes ensemble fort longtemps. […] Il était vrai cependant, et il me le marqua d’une manière fort généreuse environ un mois après. […] C’est, ajouta-t-il, un fort honnête homme à qui je serais ravi de rendre service. […] Il ne m’a rien paru dans lui que d’un homme fort sage, reprit Des Frans.
Je m’aperçus qu’elle me regardait avec attention, et même avec des yeux humides ; elle me parut fort changée et son teint extrêmement terni. […] J’ai été fort longtemps à lui faire des avances inutiles ; il ne les interprétait que comme des marques d’une amitié d’enfant. […] Le bien de Deshayes autrefois fort ample est tout à fait dissipé par ses débauches et par son jeu. […] Deshayes au désespoir de voir une si forte intelligence entre vous et Sainville, vint me dire tout ce qu’il avait entendu. […] Quoique j’eusse une fièvre très forte, je sortis avec Phénice, qui ne me quittait point, pour l’aller chercher, et l’ayant trouvé j’allai vers lui.
Elle descendit enfin à ses cris, et trouva un équipage assez grand, composé d’un carrosse fort magnifique, à quatre chevaux, et dans lequel il y avait un homme fort bien vêtu, une femme parfaitement bien mise, fort jeune et fort belle, deux autres femmes assez propres, mais en mauvais ordre, et cinq ou six cavaliers bien montés, et le tout fort étonné et en confusion. […] La duchesse de Médoc était indisposée, et avait envoyé prier le duc d’Albuquerque de passer chez elle ; et celui-ci qui était son parent fort proche, y allait, et y menait son épouse, que cette dame n’avait point encore vue. […] Deshayes qui était fort blessé, fut bien réjoui de ce renfort, et se défendait autant qu’il pouvait. […] Dans ce même moment Deshayes fort blessé se laissa tomber de cheval. […] Ceux qui tenaient Gabrielle la quittèrent, et se mirent sur les traces de leurs compagnons, qui enlevaient la comtesse, sans se mettre en peine de secourir leur chef, qui avait à faire à forte partie.
Pour résoudre ce doute il consulta la bouteille dont le glouglou mit fin à son inquiétude ; il était assis sur une chaise fort haute ; il s’endormit la tête et les bras appuyés sur la table. […] Le duc la reçut fort civilement. […] Le Français mit aussitôt pied à terre dans le dessein d’égorger son ennemi ; mais l’Espagnol se releva, et ils continuèrent à pied leur combat, qui fut fort opiniâtre. […] On l’informa ensuite des désordres que des voleurs faisaient autour de chez lui ; à quoi Eugénie ajouta qu’elle avait donné retraite dans son château à des gens qui avaient été fort maltraités. […] Valerio l’envoya chercher, et on le ramena fort tard sans qu’il eût rien trouvé de ce qu’il avait cherché.
Sa santé à lui en était diminuée, et à ses blessures s’était jointe une fièvre très forte. […] Valerio lui dit les termes où Sainville et Silvie en étaient ensemble, et ne lui conseilla pas de s’y obstiner, parce qu’outre le chagrin qu’il en aurait, il ne prendrait que des peines fort inutiles. […] Valerio lui donna une chambre à côté de celle de Sainville, à qui on donna des défaites en paiement ; et comme Silvie venait le voir fort souvent, et que tous les Espagnols et Français mangeaient ensemble, du Chirou eut tout le loisir de voir cette belle veuve ; mais il ne lui parla pas plus de son amour qu’il lui en avait parlé à Paris. […] Elle lui fit connaître ces soupçons fort spirituellement et comme par plaisanterie ; mais il lui répondit fort sérieusement et fort galamment, qu’il ne connaissait et n’avait regardé Silvie que sur le pied d’une femme séparée d’avec son mari, et d’une femme qui avait un amant favorisé ; que sur ce fondement il avouait que les vues qu’il avait eues pour elle n’étaient pas fort à l’avantage de sa vertu, et qu’il n’avait commencé de la regarder sur le pied qu’elle méritait de l’être, que depuis qu’il savait son histoire ; qu’ainsi son amour n’était pas extrêmement violent, mais qu’il n’en était pas de même de celui qu’il avait pour elle, puisqu’il était accompagné de vénération, d’estime et de respect. […] La duchesse de Médoc avait dit au duc son époux par un reproche fort obligeant pour la marquise, qu’il avait été sur ses brisées en écrivant au marquis de Pecaire, son frère à elle, en faveur du marquis, et avait ajouté qu’elle laissait à sa générosité et à son bon cœur le soin de lui procurer de l’appui au Conseil de Madrid ; mais qu’elle se chargeait de lui en procurer à Naples.
La vérité est qu’elle était fort jolie, fort sage, et avait beaucoup d’esprit. […] On avait mis de petits clous fort pointus sous les sangles de celui de Sancho, de sorte qu’il fit tant de bonds sous lui, que le pauvre écuyer ne put se tenir en selle. […] Cyd Ruy Gomez dit qu’il eut assez de délicatesse pour attendre avec impatience l’heure du rendez-vous, et que quoiqu’il passât la journée à boire, il ne laissa pas de la trouver fort longue. […] Il la suivit dans sa chambre, où il trouva qu’elle lui avait préparé une collation fort propre. […] Son maître le laissa ; et comme il avait passé une fort mauvaise nuit après avoir bien mangé et bien bu, il se mit dans son lit et s’endormit aussi tranquillement que s’il ne lui fut rien arrivé.
Son inquiétude se remarquait par ses fréquents tournements de tête et son agitation continuelle ; mais le malheureux n’en était pas encore où il pensait : car un démon dameret, c’est-à-dire fort proprement vêtu, et nullement effroyable comme les autres, mais au contraire parfaitement bien mis avec de la broderie d’or et d’argent, de belles bagues et de beaux anneaux aux doigts, de beau linge et de belles dentelles, poudré, frisé, en un mot tiré à quatre épingles et d’un visage fort doux, fort mignon et fort beau, s’approcha du trône de Pluton, et ayant posé sur le premier degré deux petits paniers qu’il portait, l’un rempli de petites cornes de différentes couleurs, et l’autre de petites fioles d’essence, de pots de pommade, de tours de cheveux, de boîtes à mouches, de fard et d’autres ingrédients propres aux femmes, se mit à genoux et d’une voix fort douce et fort agréable se mit à le supplier de lui accorder audience. […] Dans ce moment un coup de tonnerre se fit entendre ; les lumières du palais de Pluton, qui ne jetaient qu’une lueur fort sombre, n’étant que des bougies dans des lanternes de papier brouillard, disparurent, et une obscurité fort épaisse succéda à cette lueur.
Je viens de la part de Pluton te dire qu’il est fort satisfait que tu aies reçu son présent, et que tu en aies déjà fait le troc. […] Il ne se trompa pas, car sitôt qu’il fut connu de ces Messieurs, ils s’offrirent fort généreusement à lui rendre service. […] En effet il l’accorda de fort bonne grâce, et ce fut la dernière action de sa vie, comme nous le dirons en son lieu. […] Toute la compagnie, et surtout la duchesse, était fort aise de parler à elle avant que Sancho la vît, et qu’il eût un peu de vin dans la tête. […] Sitôt que la duchesse la vit, elle la reçut fort honnêtement, et celle-ci en entrant dans la salle fit une révérence à la paysanne.
Il n’en a jamais depuis la suppression de l’édit de Nantes obtenu que quelques bonnets de cardinaux, dignité fort inutile à la France, mais fort au gré de l’ambition des gens d’Eglise. […] C’est le même fort que j’y ai vu, fort véritablement par son assiette, mais peu par ses fortifications ; aussi n’ont-ils point à craindre le canon du côté de terre. […] Parlez. — Oui, Sire, dit M. de Mesmes fort embarrassé. — Quoi ! […] Il s’approcha d’une troupe de gens fort bien mis en noir, et en perruques fort belles. […] On sait que les chevaux de ces gens là sont vifs et forts.
Tout ce que Sancho y trouva de mal, c’est qu’elles étaient extrêmement pesantes, comme elles l’étaient en effet, parce que pour les mettre tout à fait à l’épreuve des armes à feu, le duc avait fait couler entre le fer et le cuir qui les doublait des mains de papier bien battues en double ; mais leurs chevaux, qui étaient deux forts allemands faits au feu, et accoutumés aux coups de mousquets et de pistolets, étaient assez forts pour n’en être pas surchargés. […] Tu ne dois pas t’en étonner, lui dit son maître, les hommes d’autrefois étaient bien plus forts et plus grands que ceux d’à présent ; la nature dépérit tous les jours, et outre cela Pinabel était un larron extrêmement vigoureux, comme je te le dirai une autre fois. — Quoi ! […] Ils auraient plus longtemps parlé et mangé, car la station plaisait fort à Sancho, si le duc ne fût arrivé suivi de toute sa troupe au nombre de plus de cent hommes. […] Elles furent néanmoins extrêmement faussées, et la violence de cette charge fut si forte, que nos deux chevaliers en perdirent la respiration, et furent renversés sur la croupe de leurs chevaux, et de là glissèrent à terre. […] Cependant les autres troupes étaient toutes rassemblées, après avoir chacune de son côté traversé une partie de la forêt sans rien trouver ; et comme le jour était déjà fort avancé, le duc avait fait résoudre qu’on arrêterait le premier bandit qu’on trouverait sans lui faire aucun mal, et qu’on l’assurerait même de lui sauver la vie, pourvu qu’il découvrît les retraites des autres, et en facilitât la prise.
Sancho, qui se plaisait fort dans le château, fut très fâché d’entendre parler ainsi son maître. […] Le héros de la Manche et son écuyer après avoir pris congé des dames, et avoir remercié la duchesse, prirent le chemin du Toboso, et couchèrent le premier jour dans une hôtellerie que Don Quichotte prit alors pour ce qu’elle était, et il ne leur arriva rien de particulier ; mais le lendemain s’étant remis en marche, et se trouvant sur le midi fatigués de la chaleur et du chemin qu’ils avaient fait, ils gagnèrent un bois fort épais qui pouvait être à trois cents pas du grand chemin. […] Sur quoi le héros de la Manche fit un long discours moral, que Cid Ruy Gomez a fort sagement fait supprimer. S’ils se persuadèrent follement que l’eau avait changé leurs cœurs, elle ne laissa pas de produire réellement un fort mauvais effet, en leur causant une pleurésie dont ils ne tardèrent guère à sentir les atteintes ; car à peine se furent-ils remis en chemin, que Sancho se plaignit d’un grand mal de côté. — Tu n’en dois pas être surpris, ami Sancho, lui dit Don Quichotte, il est impossible que cette eau merveilleuse change la disposition du cœur sans que le corps s’en ressente ; j’ai comme toi des douleurs au côté, et de plus un très grand mal de tête, qui ne fait qu’augmenter de moment en moment. — Pour moi, répondit Sancho, je crois que l’eau ne me vaut rien, et que si j’avais bu autant de vin, je serais à présent plus gai qu’un pinson. […] A l’égard de Sancho, son instinct le porta d’abord à demander du vin, et il ne voulut jamais souffrir qu’on le saignât ; il but en arrivant deux ou trois pintes de vin presque tout d’une haleine, il se coucha et s’endormit, il continua le même remède, et se trouva parfaitement guéri au bout de trois jours, au lieu que Don Quichotte en suivant fort religieusement tous les avis du barbier, après huit saignées et grand nombre de bouteilles de tisanes, mourut entre les bras de son curé avec tous les sentiments d’un bon chrétien.
Ils suivirent fort longtemps ce neveu de Freston, qui s’éloignait à grands pas dans une très grande obscurité. Tout ce que nos aventuriers pouvaient faire était de l’apercevoir à la faveur d’une lumière fort éloignée. […] La voûte parut illuminée d’une lumière vive et pure, et représenter un ciel couvert de nuages ; en même temps il entendit distinctement ces paroles proférées d’une voix forte : Arrête, invincible Chevalier des Lions, c’est contre l’enchanteur Freston que tu veux combattre, et tu dois te souvenir que je me suis réservé l’honneur de la victoire. […] Notre héros le releva fort honnêtement, et Parafaragaramus les fit tous passer dans la première salle où Merlin était disparu. […] Après que chacun fut bien repu, le tonnerre se fit entendre plus fort que jamais, les nuages qui couvraient le haut de la salle offusquèrent la lumière, la table disparut, les éclairs éclatèrent, et deux démons fondirent des nuées sur Sancho, qui l’enlevèrent au haut, et se précipitèrent tout aussitôt avec lui dans le même fond où Merlin s’était abîmé, et où la table venait de se perdre.
Il ouvrit, et vit l’écuyer de la comtesse, qui lui demanda fort froidement, s’il avait déjà pris son cheval à l’écurie, et par où il l’avait fait sortir, puisque la porte avait toujours été fermée, et qu’on ne l’y trouvait point, ni dans aucun endroit du château, quoiqu’on l’eût cherché partout, et qu’il n’en avait pas pu sortir, le pont-levis n’étant pas encore baissé. […] L’enchanteur qui gardait ces armes, était encore le maître d’hôtel même qui avait toujours joué le personnage de Parafaragaramus ; c’était un homme extrêmement grand, fort et robuste ; il était vêtu d’une grande simarre rouge, qui le prenait depuis le sommet de la tête jusques à la plante des pieds, ce qui le faisait paraître encore plus grand qu’il n’était. […] Seigneur chevalier Don Quichotte, au nom de l’illustre Dulcinée, ne nous abandonnez pas, dirent-ils, en feignant une terreur fort grande, et en s’approchant de lui comme pour se mettre à couvert sous son bras invincible ; mais en effet pour l’empêcher d’aller au secours de Sancho, s’il l’eût entrepris, et qu’il eût oublié les ordres de Parafara-garamus. […] L’enchanteur revint à lui, et le jeu lui plaisant, il lui donna de sa peau d’anguille un si grand coup au travers les reins, qu’il le rejeta encore une fois à terre, en frappant sur les fesses que Sancho découvrit pour se lever appuyé sur ses mains ; il lui fit plus de contusions sur cette partie, que le chevalier avait fort potelée et charnue, et en même temps plus de douleur que la dragée ne lui en avait jamais fait. […] Sancho moulu de coups ne laissa pas de se lever et de le suivre la massue sur l’épaule ; mais à son grand étonnement il le vit tout d’un coup abîmé dans la terre et disparaître à ses yeux, ne laissant après lui qu’une grande flamme qui s’évanouit dans le moment, et qui fut suivie d’une noire et épaisse fumée qui sentait bien fort le soufre.
Oui, reprit Des Frans en riant, et même de fort surprenantes. Je n’y ai pris au commencement que le seul intérêt de la curiosité, et ensuite un dessein effectif de rendre service à un fort honnête homme, si l’occasion s’en fût présentée. […] Voilà, poursuivit Dupuis, l’état où nous en sommes, fort affligés de la mort funeste du pauvre religieux. […] Il ne m’avait point offensé, reprit Des Frans, fort embarrassé. […] Je lui demande pardon d’avoir eu quelque chose de secret pour lui, mais lorsqu’il saura quel est ce secret, je suis sûr, qu’honnête homme comme il est, il conviendra que le vôtre était d’une nature à n’être jamais révélé sans votre consentement ; et ne voulant plus, dites-vous, le cacher à Monsieur Des Ronais, je vous assurerai devant lui, que Gallouin n’a pas cru vous offenser, puisqu’il ne savait point que le sacrement vous eût joints vous et Silvie ; et qu’elle ne vous a point fait d’injure volontaire, puisqu’elle a été forcée à ce qu’elle a fait par une puissance plus forte que la nature.
Il avait pendant plus de dix ans porté les armes, et acquis la réputation d’un fort brave homme ; il était d’une des premières Maisons de la province, bien fait de sa personne, d’une conversation fort aisée et agréable, et n’avait pas plus de trente ans lorsqu’il se retira chez lui et quitta le service. […] Elle ne visitait même que fort rarement son père et sa mère, qui plusieurs fois lui en demandèrent la raison, sans en pouvoir tirer d’autre que celles qu’elle donnait à tout le monde. […] Il lui demanda s’il était impossible de la voir, et elle lui répondit qu’elle ne sortait point du tout de chez elle, parce que son mari faisait même dire une messe dans une chapelle du château, sous prétexte qu’il était fort éloigné de la paroisse, mais en effet pour empêcher sa femme de sortir. […] Il sut que Sotain, qui avait fort longtemps servi en Italie, entendait parfaitement l’italien, et il ne douta point que sa jalousie ne fût une maladie contractée dans le pays, et comme il avait dupé quelques Italiens, il se flatta de duper aussi un Français attaqué du même mal. […] Après avoir employé deux jours tant à cela, qu’à donner quelques ordres jusqu’à son retour, qu’elle jugeait bien ne devoir pas être fort prompt, elle revint chez Sotain, qui la reçut avec une joie qui ne se peut pas comprendre.
Il avait épousé une fille fort riche qui mourut trois ans après son mariage, et ne lui laissa qu’une petite fille que je nommerai Silvie. […] Cette petite fille se vit croître, et en même temps les honneurs de son père et son bien qui était déjà fort ample. […] Il ne sortit de cette maison que fort tard et longtemps après eux ; et ayant rêvé longtemps au parti qu’il avait à prendre, il commença, sous prétexte d’incommodité, à faire lit à part ; mais sa plus grande mortification fut les caresses dont sa femme l’accabla. […] Cléon vit les caresses qu’ils se firent en s’abordant, et enfin voyant qu’ils se joignaient de fort près, il descendit promptement en tirant son gendre après lui ; ils entrèrent tous deux dans la chambre en même temps, et surprirent les deux amants. […] Sitôt qu’elle y fut, elle se jeta aux pieds de son époux, qui la releva ; elle en fit autant à son père, qui la laissa à ses pieds tout le temps qu’il fut à lui faire une fort sévère réprimande, qu’il finit par lui dire de demander pardon à Dieu pendant toute sa vie des fautes qu’elle avait faites, et de supplier son époux de les oublier, et d’y contribuer elle-même par une conduite toute opposée à celle qu’elle avait tenue.
La manière différente dont les Français et les Espagnols traitaient cette passion, fut fort différente et fort spirituellement discutée, aussi bien que la fidélité des uns et des autres pour leurs maîtresses et leurs épouses, et des dames pour leurs amants et leurs maris. […] Ces conversations qui furent poussées fort loin avec beaucoup d’esprit et de politesse, avaient assurément quelque chose de curieux aussi bien que les histoires qui furent récitées pour et contre ; mais pour tout cela ni les uns ni les autres ne changèrent point d’opinion, et chacun donna toujours la préférence à sa nation. […] Et moi, ajouta la marquise, je raconterai celle d’un fort honnête homme, qui, par sa prudence ayant en même temps sauvé sa réputation et celle de sa femme, s’est fait plaindre et louer par tous ceux qui ont appris son aventure, laquelle s’est enfin terminée à faire de son épouse une des femmes de France des plus sages et des plus retirées.
N’est-ce pas là avouer qu’il n’y a pour eux que la force qui impose la loi, puisqu’ils sont par leur propre confession beaucoup plus condamnables que leurs femmes, en demeurant d’accord que comme l’homme a l’esprit incomparablement plus fort que celui d’une femme, qui, à ce qu’ils disent, n’est rempli que de faiblesse, il doit par conséquent employer cette force d’esprit à combattre ses passions et à vaincre ses tentations qui l’agitent. […] Je dirai bien plus, si eux qui s’attribuent la fermeté sont si facilement vaincus, comment des femmes qui n’ont que de la faiblesse s’empêcheraient-elles de succomber, puisqu’avec cela cette impression est bien plus vive et bien plus forte dans leur cœur que dans celui des hommes, parce que la douceur d’esprit d’une femme la porte naturellement à la tendresse ? […] On avait craint que le héros de la Manche par la citation de ses romans ne se jetât dans les abîmes sans fond de la Chevalerie errante ; mais loin de cela il raisonna toujours, comme on le voit, de fort bon sens. Les Espagnols ses auditeurs ne lui repartirent rien crainte de dispute ; et les Français et les dames qui avaient fort goûté et approuvé ce qu’il avait dit, se regardaient l’un l’autre, et ne savaient que penser d’un homme, qui ne passant dans leur esprit que pour un fou, parlait néanmoins si à propos, et mêlait dans ses discours une morale si pure et si chrétienne parmi tant d’impertinences. […] Tout le monde se mit à rire de la réponse de Sancho ; mais Don Quichotte outré de son effronterie, lui dit qu’il ne devait pas parler des femmes comme il en parlait, surtout devant les dames qui l’écoutaient. — Pardi, Monsieur, répondit Sancho avec une pointe de colère, elles m’ont forcé de parler, et puis au fond je ne me plains pas de ces dames, et ne prétends point les offenser ; mais j’entends dire par tant de gens que leurs femmes ont des têtes de fer, et d’ailleurs la mienne en a une si forte, que je m’imagine qu’elles se ressemblent toutes, et que c’est queussi queusmi ; et de plus avec tout cela je ne me plains que de ma femme, parce que je n’en ai qu’une, et je crois que tous les autres aussi bien que moi ne se plaignent que de la leur, parce qu’ils n’en ont pas deux.
On suivit le satyre, qui toujours en gambadant les mena environ quinze pas dans le bois, où ils virent un déjeuner fort propre sur l’herbe. […] Il fut obligé de se mettre sur le ventre, et en mangeant avec son visage tout ridé et roussi, il ne ressemblait pas mal à un chien couvert de la peau d’un singe ; ce qui faisait rire tout le monde, surtout lorsqu’il buvait, comme il lui arrivait fort souvent, malgré la posture contrainte où il était ; parce que les dames qui avaient voulu absolument avoir l’honneur de le servir, n’attendaient pas qu’il en demandât. […] Nous verrons ce qui en sera dans son temps ; il faut reconduire toute la bande au château, où tout le monde arriva fort content de la matinée, excepté Don Quichotte qui ne disait pas ce qu’il en pensait. […] Il alla s’asseoir sur un banc de marbre, derrière lequel était un espalier fort épais, en sorte que celui qui l’espionnait entendit distinctement tout ce qu’il dit lorsqu’il se mit à dire : Illustre Dulcinée, votre beauté incomparable ayant été mise en comparaison, et même plus bas que celle d’une autre dame qui est assurément belle, mais qui n’approche pas de vous, c’est un déshonneur qu’on vous fait dont j’entreprends la vengeance.
Vraiment, Seigneur chevalier, lui dit la belle Provençale, le métier de chevalier errant n’est pas, à ce que je vois, fort dangereux ; nous croyions trouver déjà cinq ou six chevaliers vaincus, et vous dans le chemin de la gloire ; Monsieur le duc avait ordonné qu’on emmenât une charrette pour enlever les trophées et les dépouilles que vous aviez conquises, et il n’y en a pas un de nous qui n’eût juré que vos bras agissaient pour l’honneur de la beauté de la comtesse, et nous voyons avec étonnement qu’il n’y a que vos dents qui soient en mouvement pour le profit de votre ventre. — Mardi, Mademoiselle, lui répondit Sancho, vous parlez comme on dit que parlent les gens de votre pays, sans savoir ce qu’ils veulent dire ; si vous aviez été ici il y a un quart d’heure, vous auriez vu si je n’ai pas bien gagné le pain et l’eau que Monseigneur Parafaragaramus me fait donner. — Quoi ! […] Pendant que toute la troupe déjeunait de fort bon appétit, Don Quichotte parut en robe de chambre, feignant d’ignorer ce qui était arrivé à Sancho, qui le lui répéta avec des paroles atroces contre l’incivil chevalier aux armes noires. […] Elle poursuivit, en disant qu’elle avait appris de lui que c’était le lâche Freston lui-même qui avait enchanté l’épée du chevalier Sancho, parce qu’il n’était qu’un poltron qui n’aurait jamais osé se moquer de lui ni le braver s’il avait été en état de défense ; que Parafaragaramus lui avait promis de le combattre lui-même en sa présence, et se faisait fort de le renvoyer en enfer aussi vite qu’il en était venu ; cependant qu’il n’avait pas pu se dispenser de lui dire qu’en sortant d’avec lui, ce maudit enchanteur avait été dans la caverne de Montésinos, où il avait eu en effet la barbarie de donner vingt coups d’étrivières bien appliqués à la pauvre princesse Dulcinée, et que sans doute il aurait encore porté sa cruauté plus loin si Parafaragaramus lui-même ne l’en avait empêché, et ne l’avait obligé de prendre la fuite, et d’abandonner cette pauvre dame, après l’avoir traînée longtemps toute nue sur les ronces et les épines ; que cette pauvre désolée avait appelé plus de cent fois son fidèle et bien aimé chevalier Don Quichotte à son secours, et que c’était cela qui avait redoublé la fureur de son bourreau ; mais que Parafaragaramus l’avait un peu remise, en lui promettant qu’avant qu’il fût huit jours il la vengerait, et que l’invincible chevalier des Lions romprait son enchantement ; que c’était ce que Parafaragaramus lui avait donné ordre de lui dire, et qu’il dormît en repos sur cette assurance. — Ah ! […] Sancho ne sachant à la fin comment accorder cet enchantement de Dulcinée avec ce qu’il avait fait, se figura que c’était lui-même qui s’était trompé, et que Dulcinée était véritablement enchantée ; et la plus forte raison qu’il avait pour le croire, était que Parafaragaramus était trop honnête enchanteur pour lui en avoir parlé à lui-même si ce n’avait pas été une vérité.
Ils virent à leurs yeux sortir de terre une table parfaitement bien couverte, et un buffet fort riche, dont les nappes traînaient plus bas que le plancher. […] Les filles de Balerme et les deux de Dulcinée, qui étaient venues avec Merlin la rejoindre, et qui étaient toutes six des filles fort jeunes et fort aimables, les servaient au buffet ; deux donnaient largement à boire ; une rinçait les verres ; deux servaient et desservaient en changeant les couverts et les serviettes, et l’autre avait soin d’entretenir du feu, et de brûler des parfums exquis ; en un mot, Don Quichotte n’avait jamais rien lu dans ses romans qu’il ne vît et ne trouvât effectivement dans ce repas enchanté.
Il se leva tout en jurant ; mais il aurait bien voulu retenir ses paroles à la surprise agréable qu’il eut de voir aux pieds de son lit ses armes en bon état, ses habits ordinaires, deux autres habits fort propres, sa robe blanche, et par-dessus le tout, un petit coffre d’ébène garni de lames d’argent, et la clef à la serrure. […] Il est constant que cette femme était fort aimable, et l’art joint à la magnificence des habits ajoutant du lustre à la nature, il ne faut pas s’étonner si notre chevalier, qui n’avait jamais rien aimé, s’était trouvé sensible, surtout ayant le cœur préparé à l’amour par les sottises qu’il avait lues dans ses romans, et dont il avait encore la mémoire et la tête remplies. […] Et en même temps elle lui présenta un fort beau diamant.
Il n’alla pas fort loin sans trouver plus qu’il ne cherchait. […] A peine eut-il lâché la parole, que le mari qui paraissait fort affligé, redoubla ses larmes et poussa des soupirs à toucher les cœurs les plus insensibles.
Il parla fort longtemps pour un homme aussi bas qu’il paraissait être ; il avoua toutes les fourberies qu’il avait faites à Silvie et à Sainville, et leur en demanda pardon, aussi bien qu’à la tante de Silvie, qu’il pria d’obtenir son pardon de ses deux autres soeurs, qu’il avait trompées les premières ; il confessa que la baronne n’avait rien dit contre elles en leur présence dont il ne fût l’inventeur, et non pas Sainville, qui n’avait jamais parlé qu’avec vénération de Silvie et de sa famille ; il avoua son commerce criminel avec cette femme, et fit entendre en termes obscurs qu’il l’avait empoisonnée. […] Le duc d’Albuquerque assura la marquise qu’elle n’avait rien à craindre pour la vie de son époux, le Conseil d’Espagne ayant trop de lenteur pour décider rien sur une première lettre, et sans avoir fait des informations exactes, surtout s’agissant d’un homme de qualité, avoué de son roi ; et qu’avant qu’on pût en rien résoudre, il se faisait fort que le duc de Médoc écrirait en sa faveur au marquis de Pécaire, vice-roi de Naples, son beau-frère ; qu’il l’attendait le jour même, et que ce serait par là qu’il l’obligerait de commencer aussitôt qu’il serait arrivé, et que dans le moment on ferait partir un courrier pour Naples.
Don Quichotte qui ne demandait qu’à se signaler, dit qu’il fallait aller dès le lendemain dans la forêt, et qu’il se faisait fort d’en venir à bout lui seul, sa profession étant de purger le monde de brigands. […] Pendant qu’ils y travaillaient il entra dans la chambre de Valerio dont il fit sortir tout le monde, et étant resté seul avec lui, après l’avoir préparé à ce qu’il avait à lui dire par un discours fort moral sur les accidents de la vie, que l’Espagnol rapporte, et que je passe sous silence, il lui lut le papier qu’il avait apporté, et lui expliqua tout le reste de vive voix.
Quoique l’Espagnol crût avoir pris le Français pour dupe, celui- ci ne se crut point trompé ; et en effet, s’il l’a été, ce n’est pas de beaucoup ; du moins, supposé qu’il ait fait une folie, le public lui en aura obligation, étant très certain que sans lui les mémorables aventures de l’incomparable Don Quichotte, et celles du chevalier Sancho Pança, ci-devant son écuyer, seraient restées dans l’oubli, quoiqu’elles soient dignes de la curiosité des gens qui n’ont rien de meilleur à faire que d’employer leur temps à une lecture fort inutile, sans en excepter la morale du savant Don Quichotte, dont personne ne profite, ou du moins très peu de gens.
Il connaissait assez la bravoure et l’intrépidité de notre héros, pour savoir jusques où son courage le porterait dans la forêt ; il prévoyait bien aussi que Sancho ne le quitterait pas d’un pas ; il aurait bien voulu ne les point exposer contre des bandits ; mais dans le fond, outre que Don Quichotte n’aurait pas trouvé bon que l’affaire se fût passée sans lui, le duc voyait bien qu’il lui serait d’un grand secours, et qu’après tout c’était la mort la plus glorieuse qui pût arriver à deux fous, que de perdre la vie en servant le public ; d’un autre côté il voyait bien que l’occasion serait chaude et de fatigue, et que les chevaux de nos aventuriers n’étaient point assez forts pour la supporter, ni leurs armes assez bonnes pour résister au mousquet et au pistolet ; ainsi il avait jugé à propos de les armer par cette voie étant bien persuadé que l’estime qu’ils feraient de leurs armes et de leurs chevaux, qu’ils croiraient tenir de la main d’un enchanteur, leur ami, les animerait davantage, et relèverait le courage, surtout de Sancho, qui lui paraissait abattu par la conversation qu’il avait eue avec Don Quichotte, et que lui et Parafaragaramus avaient écoutée.
On se mit à table sitôt qu’on eut eu soin des blessés, et qu’on se fut assuré des prisonniers, et comme la journée avait été fatigante, on se coucha de bonne heure ; le lendemain on fit enterrer les morts fort honorablement, surtout le gentilhomme qui avait été assassiné dans le carrosse de la duchesse.
Pour moi je t’avoue que je suis fort satisfait de la mienne. — Je le crois, répondit Sancho, on dit que vous valez vous seul plus de cent Amadis, que vous avez mis en fuite l’armée des ennemis, et que vous avez sauvé Madame la comtesse. — Cela est vrai, répondit Don Quichotte, et s’ils n’avaient pas fui, je n’en aurais pas laissé un en vie.
Il fut fort étonné de la voir où il l’attendait si peu, et plus encore lorsqu’elle lui raconta tout ce qui lui était arrivé, en y joignant toutes les louanges imaginables que la reconnaissance qu’elle devait à nos aventuriers lui arracha.
Leurs chevaux, qui n’étaient ni Rossinante ni Flanquine, étaient extrêmement vifs et forts, et avaient la bouche tendre ; et si les coups de poing qui portaient à faux faisaient faire des contorsions et des demi-tours à droit, leurs montures qui en sentaient le contrecoup par le mouvement de leurs corps qui entraînaient leur bride, leur faisaient faire des saccades de la manière du monde la plus plaisante et la plus risible.
J’avertis les curieux qui voudront déterrer les noms de mes héros, et de mes héroïnes, qu’ils prendront une peine fort inutile, et que je ne sais pas moi-même quels ils étaient, ou quels ils sont ; ceci n’étant que des histoires différentes que j’ai entendu raconter en différents temps, et que j’ai mises par écrit à mes heures perdues.