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2. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Frans et de Silvie. »

On m’envoya ses commissions que je lui donnai moi-même. […] Cela me donna encore meilleure opinion d’elle. […] Pourquoi, lui demandai-je, vous donner des rendez-vous ? […] Tout est à moi, et je vous donne tout. […] Je vous ai tout donné, je vous donne tout encore, bien certaine de ne rien regretter.

3. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Prez, et de Mademoiselle de l’Épine. »

Je fus ébloui de sa beauté, et croyant ne donner qu’à la civilité, ce que je donnais aux premiers mouvements de mon cœur, je m’offris de les faire parler à lui. […] Je donnai ordre qu’on le fît parler à moi quand il viendrait. […] Je donnai le reste à notre hôtesse pour nous avoir des meubles ; et n’y ayant point assez, j’emmenai son mari au logis pour lui donner encore de l’argent. […] Il ne me dit pas un mot qui pût me donner le moindre soupçon. […] Ceux de Des Ronais et de Dupuis y ayant donné sujet.

4. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Ronais, et de Mademoiselle Dupuis. »

Votre mère a donné assez de prise aux caquets, je veux vous en sauver. […] Je le lui promis, et le lui donnai le premier comme elle l’avait souhaité. […] À l’égard de l’amant qu’il me donne, je ne sais sur qui jeter les yeux. […] Croyez-moi, hâtez-vous de le faire expliquer, puisqu’il vous a donné parole. […] Nous le priâmes de se donner la peine d’y aller.

5. (1691) Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales (tome 2)

On leur donne du riz & de l’eau. […] On peut lui donner ces six vers de M.  […] Celui à qui il tomba, ne connaissant pas son prix, le donna pour un âne, & donna encore douze écus de retour. […] & ne lui ait donné un coup de pied. […] Ils lui ont donné la vie éternelle, à elle leur a donné ses biens temporels.

6. (1691) Journal du voyage des Indes orientales (à monsieur Raymond)

Que leur donnerons-nous, nous qui n’avons rien pour nous-mêmes ? […] Mais Monsieur de Porrières qui voulait lui donner l’aubade le premier comme il lui avait donné la sérénade fit donner dessus, et comme l’Ecueil va fort bien, nous l’eûmes bientôt joint. […] P Tachard a été sacrée aux boulets, aucun n’y a donné. […] Il a donné à terre où il s’est échoué. […] Le chaud nous accable et nous donne des malades.

7. (1690) Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales (tome 1)

Je leur dis que je voulais leur donner à dîner : ils répondirent que c’était eux qui me le voulaient donner. […] Mais ne donne pas tout. […] M.de La Chassée lui a donné un bon coup d’eau-de-vie. et le commandeur lui a fait donner une bouteille de vin. […] monsieur, le donner ! […] Je l’en donnerai deux autres, m’a-t-il dit.

8. (1721) Mémoires

Elle lui donna un louis d’or et se recommanda à ses prières. […] Il est bon sans doute de prier Dieu, surtout sur le point de donner un combat. […] L’argent monnayé fut donné aux pauvres qui étaient sur le perron de l’église. […] Pour moi, J’attends les Jésuites à Siam, où je leur ai donné rendez-vous. […] Il était parti de Paris avant moi ; cela me donna le champ libre à mentir.

9. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Contamine, et d’Angélique. »

Angélique, qui était toujours auprès d’elle, profita plus qu’elle des leçons qu’on lui donnait. […] Quelle certitude m’en donnerez-vous, demanda-t-il ? […] Si c’est pour lui donner ce qu’elle vous demande, ou si c’est pour autre chose. […] Elle lui donna son portrait qu’elle avait fait elle-même devant son miroir. […] Elle voulait avoir un miroir de poche pour donner à Contamine, elle s’en fit montrer.

10. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Dupuis, et de Madame de Londé. »

C’est encore une bonne qualité que j’ai oublié de me donner. […] On nous donna à boire, mais on ne put nous donner à coucher ; il fallut donc revenir à pied. […] Cela donna à rire à leurs dépens ; car j’avais pris soin de donner au tableau des couleurs de ma façon. […] J’en demandai à Gallouin, il m’en donna. […] Je vais vous donner un billet, dit-il à cette femme.

11. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIX. De ce qui se passa chez le duc de Médoc après le départ de Dulcinée, et comment Sancho reçut sa femme que la duchesse fit venir au château. »

Il donna à celui qui y allait vingt écus d’or, sans que personne en vît rien, et le pria de les donner à sa ménagère pour s’habiller elle et Sanchia. […] Le curé prit cet argent et se contenta de dire qu’il n’en donnerait pas un sol à personne sans son consentement. […] Il donna encore un bon coup à sa Thérèse en criant cinq, et disant : Ne dis mot, femme, il n’en faut plus qu’un. […] Gardez Thérèse si vous voulez, je vous la donne, puisque le diable n’en veut point, et si je ne vous demande rien de retour. […] Le point d’hôte est un point de misère ; la bouche donne et le cœur refuse.

12. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre LI. Le jaloux trompé »

Je vis parfaitement bien d’où provenait votre brusquerie, et par l’ordre de qui vous agissiez ; mais je veux absolument savoir ce qui a pu y donner sujet. […] Sa femme lui répondit que sa mère était trop vertueuse pour lui donner de semblables conseils, et trop sage pour avoir la moindre pensée criminelle. […] Ces paroles l’ayant mis au désespoir, il se jeta presque à ses pieds ; et l’officier qui s’en donnait la comédie, n’aurait pas sitôt cessé, s’il n’eût craint de le rebuter. […] et ne devriez-vous pas vous dédommager avec moi des chagrins qu’il vous donne ? […] Je leur donnerai des noms tels qu’ils me viendront à la bouche.

13. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Jussy, et de Mademoiselle Fenouil. »

Elle se fit émanciper, et renonça malgré toute sa famille à toutes les prétentions que cette sentence lui donnait contre moi. […] Voici ce qui en donna le moyen. […] Celui-ci, à qui je demandais tout, et que vous allez voir venir avec elle, le lui donna en main propre. […] Il l’apporta dans la chambre où il me le donna, et retourna vers la porte où la mère entrait. […] Son amant ne s’en fit pas prier davantage, et chacun s’étant apprêté pour lui donner attention, il commença en ces termes.

14. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLIX. Repas magique. Apparition d’un nouvel enchanteur. Défi fait à Don Quichotte, et ce qui s’ensuivit. »

L’enchanteur eut à peine achevé qu’il disparut, et ne donna pas le temps à notre héros de se jeter à ses pieds, parce qu’il lui défendit de descendre de cheval, de le remercier, et de le suivre. […] —  Ne t’en mets point en peine, répondit notre héros, tel que je suis je vais te donner satisfaction. […] Eugénie promit encore de lui en donner des nouvelles le lendemain, après avoir parlé à son bon ami Parafaragaramus. —  Je voudrais bien, dit notre héros en parlant au duc, que Monsieur le bachelier que j’ai vu chez vous, et les autres incrédules, fussent ici pour voir s’il y a des enchanteurs ou non. […] Ceux qui s’étaient chargés de l’exécution du dessein l’avaient plusieurs fois éprouvée, et enfin avaient si bien réussi que Don Quichotte et Sancho se seraient donnés à Belzébuth, qu’ils avaient été servis, et qu’ils avaient déjeuné par art de nécromancie. […] Il lui restait cependant un scrupule au sujet de cet enchanteur, dont il s’en ouvrit à la comtesse, qui lui en donna la solution ; mais il ne regardait point Dulcinée.

15. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVI. Suite de l’histoire de Silvie et de Sainville. »

Elle lui fit donner un fauteuil, et la laissa remettre de son trouble. […] Je n’eus pas le front de lui donner ma lettre en main propre, la honte m’en empêcha, et je me contentai de lui indiquer l’endroit où il la trouverait le lendemain. […] Je le souhaite trop pour vouloir en clouter ; cette incertitude me donnerait la mort. […] Ne m’interrompez point, ajouta-t-elle, j’ai bien d’autres choses à vous dire de plus grande conséquence, et vous connaîtrez quand vous m’aurez entendue qu’il faut vous aimer autant que je vous aime pour vous donner le chagrin que je vous donne, en vous découvrant et vous prouvant par des témoins irréprochables, la vérité d’un secret que je voudrais pouvoir me cacher à moi-même. […] Il vint me dire avec empressement avant-hier au soir qu’il sortait de votre cabinet, où vous lui aviez donné rendez-vous, et où vous lui aviez paru la plus emportée de toutes les filles.

16. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « ChapitreLII. Le mari prudent »

Elle avait dû le prévoir, mais son peu d’expérience, et la droiture de ses intentions ne lui avaient pas permis de rien craindre sur sa démarche, ni de faire réflexion qu’une femme présume trop de sa vertu, lorsqu’elle compte de se retirer entière d’un rendez-vous qu’un amant lui a donné dans un lieu où rien ne s’oppose à ses vœux, et où au contraire le silence et la solitude le favorisent et donnent tout lieu à ses entreprises. […] Non, Monsieur, lui dit Justin en l’arrêtant, nous n’avons jusqu’ici fait aucun éclat, n’en faisons point encore ; si vous la meniez présentement, on chercherait le sujet d’une absence si prompte, et cela donnerait matière à soupçon. […] Le pauvre vieillard ne put cacher la joie que cette demande lui donnait. […] Je suis prêt à vous la rendre, et j’espère que dans la suite elle vous donnera tous les sujets du monde de vous louer d’elle. […] Je vous reprends, Madame, lui dit enfin son époux, je consens d’oublier tout ce qui s’est passé, et je l’oublie bien sincèrement, oubliez-le de même, et tâchons vous et moi, de ne nous donner jamais l’un à l’autre sujet de nous en souvenir.

17. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIII. Belle morale du seigneur Don Quichotte. »

Et quoiqu’ils punissent leurs femmes avec tant de sévérité, ils se donnent à eux-mêmes toutes sortes de licences. […] Monsieur, lui repartit le curé, sauf le respect que je dois aux dames qui m’écoutent, vous me permettrez de vous dire que votre sentiment choque celui de tous les théologiens et de tous les physiciens ou naturalistes, qui tous unanimement donnent la préférence à l’homme, conviennent que la femme n’est qu’un informe composé de la nature. […] Le curé allait relever un raisonnement si captieux, et la dispute n’en serait pas demeurée là, si Sancho lui avait donné le temps de prendre la parole ; mais une pinte de vin qu’il avait dans la tête ne lui permit pas de garder le silence plus longtemps. […] Un valet de pied de Madame la comtesse, poursuivit-il, lisait tout haut l’autre jour auprès de mon lit l’histoire du bonhomme Job, il dit que Dieu avait donné le pouvoir au démon de le persécuter, et de lui ôter tout ce qu’il avait. Celui-ci lui ôta ses maisons, ses troupeaux, ses enfants ; en un mot tout ce qu’il aimait et lui donnait de la satisfaction ; mais il avait trop d’esprit pour lui ôter sa femme ; il savait bien qu’elle seule ferait plus enrager le bonhomme Job par son babil et ses reproches, que toutes les pertes qu’il avait faites.

18. (1713) Les illustres Françaises « Préface. »

À l’égard des noms que je leur ai donnés, j’ai cru les leur devoir donner français, parce qu’en effet ce sont des Français que je produis, et non pas des étrangers. […] Je l’ai fait, afin de détourner d’autant plus les curieux des idées que la lecture de ces histoires pourrait leur donner. […] Si ce premier effort de ma plume est bien reçu du public ; j’en pourrai donner un autre, où on verra quelque chose qui ne déplaira peut-être pas. […] Quoi qu’il en soit, le destin de celui-ci réglera le destin de l’autre ; je le donne au public de bonne volonté, sans y être forcé par personne. […] Il ne me reste qu’un mot à dire, au sujet des noms dérivés de ceux de baptême que j’ai donnés à mes héroïnes, tels que Manon, Babet et d’autres.

19. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LV. Don Quichotte et Sancho vont à la caverne de Montésinos. Ce qu’ils y virent, et comment se fit le désenchantement de Dulcinée. »

Il avait consenti à se donner trois mille six cents coups de fouet, et a paru en effet se les donner moyennant la récompense que le généreux chevalier des Lions que tu vois lui avait promise. […] Pluton dit qu’il était nécessaire de faire venir Dulcinée, afin qu’elle fût présente elle-même à la satisfaction qu’on allait lui donner. […] Pour lui donner cœur Merlin lui fit paraître la bourse. […] Pluton le lui ayant permis, elle se rapprocha de Sancho et lui donnant une bourse : Tenez, lui dit-elle, ô le plus fidèle et le plus digne écuyer de la Chevalerie errante, recevez toujours quatre cents écus que je vous donne pour arrhes de ma reconnaissance. […] Le sage Merlin qui a vu le mauvais usage que ce méchant faisait de mon argent le lui a ôté, et vient de me le rendre, et je vous le donne.

20. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXV. Du tour ridicule et malin que fit Parafaragaramus au chevalier Sancho, et des événements tristes qui le suivirent. »

demanda l’officier. —  Il faut, répliqua Sancho, qu’il soit retourné en enfer ; mais patience, rira bien qui rira le dernier : le faux glouton m’en a donné d’une, ajouta-t-il, mais je lui en rendrai d’une autre. —  Ah ! […] On l’informa ensuite des désordres que des voleurs faisaient autour de chez lui ; à quoi Eugénie ajouta qu’elle avait donné retraite dans son château à des gens qui avaient été fort maltraités. […] Il ajouta que s’il était en état de sortir de sa chambre il irait les voir et les assurer qu’ils étaient absolument les maîtres chez lui, et en même temps pria la comtesse d’aller donner ses ordres pour que rien ne leur manquât. […] Ce rapport donna occasion de parler des bandits, et Valerio qui ignorait la vie que ses frères avaient menée, regrettait sa santé qui ne lui permettait pas de nettoyer son voisinage de tant de brigands qui y faisaient de si grands désordres. […] Le souper ne fut pourtant pas triste ; Eugénie se contraignit pour ne donner aucun soupçon à son époux ; le duc et la duchesse d’Albuquerque tâchèrent d’y inspirer la joie, ou du moins d’en bannir la mélancolie.

21. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVIII. Des tristes et agréables choses que Parafaragaramus apprit au chevalier de la Manche. »

Je n’ai jamais été attaché au bien, lui dit Don Quichotte, mais puisque cela m’est donné de si bonne part, je le reçois de bon cœur, et vous offre le tout pour reconnaissance de votre protection. — Je t’en rends grâce, lui répondit Parafaragaramus, parce que j’en ai autant et plus qu’il ne m’en faut ; reçois ce qui t’est donné de la main des puissances, infernales. […] Il allait lui dire de quelle manière cela lui avait été donné lorsque le duc lui demanda s’il voulait troquer sa vaisselle contre son pesant d’argent monnayé et le dixième de plus pour la façon. Don Quichotte qui se souvenait de l’ordre qu’on lui avait donné accepta l’offre sur-le-champ, et excepta seulement une paire de flambeaux de vermeil qu’il voulait, disait-il, garder par des raisons qu’il lui dirait. […] Les chemins sont sûrs, et mon équipage est assez grand pour me garantir de toute mauvaise aventure ; gardez cette bague pour l’amour de moi, je vous la donne. […] C’était ceux qui avaient si bien fait les juges d’enfer, les enchanteurs et les démons, tous de la bande de Bracamont et de Ginès de Passamont, qui s’en retournaient fort bien récompensés du divertissement qu’ils s’étaient donné à eux-mêmes.

22. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXIV. De l’arrivée de plusieurs personnes dans l’hôtellerie. Qui étaient ces personnes. Nouvel exploit de Don Quichotte. Sanglants combats. »

Don Quichotte était celui qui leur donnait le plus de peine, et ce fut contre lui qu’ils firent leurs plus grands efforts. […] L’officier de Valerio qui faisait le personnage de Parafaragaramus, les avait fait avertir du lieu où ils étaient Sancho et lui, pour leur en donner la comédie. […] Cette retraite sauva notre héros, et lui donna le temps de voir le péril où était la pauvre Eugénie. […] Les questions qu’ils leur firent donnèrent le temps à notre héros de les joindre ; il était trop colère pour songer à autre chose qu’à la vengeance ; il déchargea un si furieux coup de son épée sur la tête de celui qui tenait Eugénie, qu’il le renversa tout étourdi, et la comtesse tomba à terre aussi bien que lui. […] Cependant le duc d’Albuquerque et son épouse restés auprès d’Eugénie qu’ils ne connaissaient point, tâchèrent de lui donner du secours et demandèrent vainement à Gabrielle de Monsalve qui elle était.

23. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVII. Du repas magnifique où se trouva Don Quichotte, et du beau et long discours qu’il y tint. »

Merlin, qui parut être le maître des cérémonies, fit mettre Don Quichotte et Dulcinée à côté l’un de l’autre dans des fauteuils si bien dorés, qu’ils paraissaient être d’or effectivement ; Durandar et Balerme furent mis vis-à-vis d’eux dans des sièges moins magnifiques, et Sancho et Montésinos furent mis, celui-ci entre Durandar et Don Quichotte, et Sancho entre Dulcinée et Balerme, et cela, parce que Dulcinée avait absolument voulu se placer entre nos deux aventuriers, et donner la droite à son chevalier. Les filles de Balerme et les deux de Dulcinée, qui étaient venues avec Merlin la rejoindre, et qui étaient toutes six des filles fort jeunes et fort aimables, les servaient au buffet ; deux donnaient largement à boire ; une rinçait les verres ; deux servaient et desservaient en changeant les couverts et les serviettes, et l’autre avait soin d’entretenir du feu, et de brûler des parfums exquis ; en un mot, Don Quichotte n’avait jamais rien lu dans ses romans qu’il ne vît et ne trouvât effectivement dans ce repas enchanté. […] L’intégrité de leurs jugements fut admirée ; la vénalité des charges, qui donnent à un homme le pouvoir de disposer de la vie et des biens de son prochain, fut détestée ; on y maudit le juge qui achetait en gros le droit de vendre à son choix l’injustice en détail ; le babil inutile des avocats, qui ne fait qu’obscurcir la vérité ; cette multiplication infinie de procédures et de chicanes, qui donne le tort dans les formes à un homme à qui le fond donne gain de cause ; tout cela fut blâmé ; on condamna les ambitieux ecclésiastiques qui recherchent et briguent les dignités de l’Eglise ; on se moqua de l’hypocrisie de ceux qui ne disent que des lèvres, Nolo episcopari l’avidité de ceux qui ont plusieurs bénéfices, dont un seul pourrait suffire aux besoins de la vie, et à faire leur salut, parut exécrable, aussi bien que le faste outré de ceux qui dissipent dans de vains plaisirs un bien qui n’a été destiné qu’aux pauvres, et dont ils ne sont que les économes et les dispensateurs, et non pas les propriétaires. […] Personne ne s’enrichissait à éterniser des procès ; les parties plaidaient leurs causes simplement et sur la vérité ; et comme on donnait dans le moment une sentence et un arrêt sans appel, on ne passait point par vingt tribunaux avant que d’arriver à celui qui décide souverainement.

24. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVI. De ce qui suivit le désenchantement de Dulcinée. »

Il a su que le chevalier Sancho l’avait trouvé, et puisqu’il ne lui a pas redemandé, n’était-ce pas consentir qu’il le gardât, et le lui donner tacitement ? […] Je conviens, dit Plutus, que l’argent appartient au chevalier Sancho, puisque le sage Parafaragaramus dit que Cardénio le lui a donné. […] Ils retournèrent aux opinions, après quoi Minos prononça ordre à Sancho de donner à sa femme douze coups de bâton bien appliqués tout aussitôt qu’il la verrait, et que pour lui il en serait quitte pour trente poils de barbe qui lui seraient arrachés sur l’heure. […] Non, non, dit Sancho quod gripsi gripsi, quand elle a bien bu je ne laisse pas d’être à jeun ; il ne faut pas réformer un arrêt ; elle en aura sa part ; on m’a donné un chapon, je lui rendrai une poule. […] perfide, lui dit-il, tu prêches la vertu aux autres et tu ne l’exerces pas, ne sais-tu pas que le meilleur sermon se tire de l’exemple qu’on donne ?

25. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLV. Pourquoi la maîtresse d’une hôtellerie voisine du château venait souvent demander des nouvelles de Sainville et de Silvie. »

Il avait appris sans chagrin la mort de Deshayes ; mais il n’avait pas pu apprendre sans douleur la confession qu’il avait faite avant sa mort, et l’ordre qu’il avait donné à sa veuve d’épouser Sainville. […] Il s’était déclaré à l’hôtesse, à qui il avait donné de l’argent, non pas en valet, mais en homme de qualité très riche. […] Il avait, comme j’ai dit, envoyé deux fois par jour savoir de ses nouvelles, et l’assiduité de l’hôtesse avait comme j’ai encore dit, donné du soupçon. […] Elle ne savait quel parti prendre pour se défaire de lui, et ne point donner sujet de jalousie à Sainville, et elle était encore incertaine de ce qu’elle devait faire lorsqu’elle apprit que ce prétendu valet de chambre était aussi bien qu’elle dans le château de Valerio, où il venait d’être apporté de l’hôtellerie ; elle apprit aussi que sa santé se rétablissait d’heure en heure, et qu’avant deux ou trois jours il serait en état de se rendre à ses devoirs auprès de Sainville. […] Valerio lui donna une chambre à côté de celle de Sainville, à qui on donna des défaites en paiement ; et comme Silvie venait le voir fort souvent, et que tous les Espagnols et Français mangeaient ensemble, du Chirou eut tout le loisir de voir cette belle veuve ; mais il ne lui parla pas plus de son amour qu’il lui en avait parlé à Paris.

26. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXIX. Du grand projet que forma le duc de Médoc, et dans lequel Don Quichotte entra avec plus de joie que Sancho. »

Lecteur mon ami, on t’a donné une trop belle idée de la civilité de Don Quichotte pour n’y avoir pas suppléé de toi-même. […] Comme ce duc était un très hon-| nête homme, il voulut bien à la prière d’Eugénie se donner la peine et se charger de tout. […] Don Quichotte et Sancho Pança ne furent pas plutôt seuls dans leur chambre, que notre chevalier visita ses armes de tous côtés, et examina une nouvelle épée que Valerio lui avait donnée à la place de la sienne, qui s’était cassée, comme on a vu, en délivrant Eugénie. Ami Sancho, lui dit-il, ce sera demain le plus glorieux jour de notre vie, car nous y allons accomplir les ordres de la Chevalerie errante, en purgeant le monde de brigands et de voleurs. —  Ah pardi, Monsieur, répliqua Sancho, à qui ces préparatifs ne plaisaient guère, vous me la donnez bonne, et nous ne tombons pas mal de la poêle au feu. […] Mais, Monsieur, il faut être demain matin de bonne heure sur pied, dormons, ou me laissez dormir, car le diable m’emporte si je réponds ; un bon payeur ne craint point de donner des gages.

27. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIV. Départ de la compagnie. Comment Sancho fit taire le curé. Aventures diverses arrivées à cet infortuné chevalier. »

Je ne veux pas prendre le paradis par famine ; les austérités ne sont pas pressées ; il y a du temps pour tout ; ne précipitons rien, et n’usons point imprudemment la vie que Dieu nous a donnée. […] Il en est de cela comme des autres vertus chrétiennes ; les gens d’Eglise les prêchent, et en laissent la pratique aux autres ; témoin la charité, au diable le liard qu’ils donnent aux pauvres ; témoin la paix et l’union, on ne voit qu’eux plaider ; et pour les jeûnes, ne trouvent-ils pas toujours des prétextes pour s’en dispenser ? […] En effet, ç’aurait été une chose digne de pitié, qu’un aussi honnête homme que notre héros fût mort dans ses imaginations ; mais avec ces favorables sentiments pour le maître, ils étaient bien résolus de fatiguer son malheureux écuyer de toutes manières, et d’en tirer tout le divertissement qu’un misérable paysan tel que lui, et avec cela fou à lier, peut donner à des gens de qualité. […] Cela donna au brutal écuyer l’effronterie de lui dire tout bas des paroles qui la firent rougir, et ensuite elle le regarda en souriant. […] Tout le monde lui applaudit, et chacun le pria de donner les ordres pour l’accomplissement d’un hyménée si illustre.

28. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLI. Don Quichotte et Sancho s’arment pour aller combattre les brigands. Ces deux chevaliers font des actions de valeur inouïes. »

Lorsque le duc crut avoir assez donné de temps à Parafaragaramus pour exécuter ce qu’il lui avait ordonné, il laissa aller nos chevaliers, qui se rendirent en diligence à l’endroit qui leur avait été marqué, où ils trouvèrent chacun leur affaire attaché en trophée avec des écriteaux chargés des noms de celui à qui chaque armure était destinée. […] dit Sancho, Parafaragaramus me donne les armes d’un larron pour en aller défaire d’autres, pardi je n’en veux point, elles me porteraient gui-gnon. —  Eh ! […] Ils donnèrent dessus l’épée au poing d’estoc et de taille. […] Sancho l’ayant rejoint lui fit rapport de sa bonne fortune, et il lui dit, qu’il ne savait pas combien il y avait d’argent dans le sac : mais qu’il était bien lourd. —  J’en ai de la joie, lui dit Don Quichotte, cela t’appartient de bonne guerre. —  Non pas à moi seul, Monsieur, lui dit le fidèle écuyer, car c’est celui que vous avez tué. —  Nous parlerons de cela une autre fois, ami Sancho, lui dit-il, toujours puis-je te dire, que je te sais bon gré de ton bon cœur, et je te donne le tout, à condition que tu ne me diras plus que nous faisons le métier d’archers ou de sergents : , cependant donne-moi à boire un coup, je t’avoue que j’ai soif. —  Et moi faim et soif, reprit Sancho ; mettons pied à terre, mon cher maître. —  Non, non, dit Don Quichotte, il faut voir la fin de l’aventure.

29. (1713) Les illustres Françaises « Les Illustres Françaises. Histoires Véritables. »

Il se fit prendre la mesure, et lui laissa de l’argent pour lui faire un habit à la mode et riche pour le lendemain, et un autre à son valet, après quoi il sortit en disant au conseiller qu’il était au désespoir de le quitter si tôt ; car, ajouta-t-il, outre le plaisir que j’ai d’être avec vous, ce que vous m’avez dit de Gallouin me donne une envie de m’instruire de tout ce qui le regarde, que vous ne pouvez pas comprendre, parce que vous en ignorez le sujet, que je vous apprendrai moi-même. […] Il ne peut plus vous donner d’ombrage, et la lettre dont je vous parle, est ce qui l’a tout à fait déterminé à la retraite. […] Ce sont eux pourtant, reprit Des Frans en soupirant, qui ont donné le mouvement à toutes les actions de ma vie, et qui m’ont fait regarder ma patrie comme mon enfer ? […] J’ai voulu cent fois vous désabuser, poursuivit-il ; mais vous êtes tellement prévenu que vous n’avez jamais voulu m’écouter, non plus que d’autres que moi ; peut-être écouterez-vous mieux Monsieur Des Frans ; et la première fois que nous serons seuls, ou qu’il se donnera la peine d’aller voir ma cousine, comme elle m’a chargé de l’en prier, on le priera de tâcher de vous faire entendre raison. […] Ma cousine à qui j’ai dit que vous êtes arrivé, et que vous logez chez lui, vous supplie d’aller chez elle, elle croit que vous ne donnerez pas assez à la colère de son amant, pour lui refuser une visite.

30. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre L. Dissertation sur la différente manière d’aimer des Espagnols et des Français. »

Ces conversations qui furent poussées fort loin avec beaucoup d’esprit et de politesse, avaient assurément quelque chose de curieux aussi bien que les histoires qui furent récitées pour et contre ; mais pour tout cela ni les uns ni les autres ne changèrent point d’opinion, et chacun donna toujours la préférence à sa nation. […] Les Français en convinrent, et prétendirent que c’était un amour effectif qui leur inspirait cette pleine confiance, qu’ils se mettaient sur le pied de croire toute sorte de vertus dans leurs femmes et dans leurs maîtresses, et que d’ailleurs ils se flattaient d’avoir assez de mérite pour retenir un cœur qui s’était une fois donné à eux ; que dans cette persuasion, et surtout dans celle d’être parfaitement aimés comme ils aimaient, ils ne concevaient pas ces soupçons injurieux auxquels les Espagnols étaient sujets. […] Ils convenaient encore qu’il y en avait plusieurs en France qui faisaient un mauvais usage de cette confiance, que même le nombre n’en était pas petit ; mais ils ajoutèrent que généralement parlant il n’était pas plus grand qu’en Espagne, parce que l’infidélité des femmes provenait plutôt du dépit et des chagrins, que des soupçons mal fondés de leurs époux leur donnaient, que d’aucun penchant à l’infidélité. […] Pour montrer la différence qu’il y a entre ces divers procédés de gens qui ont des épouses infidèles, dit Sainville, et qu’il y en a qui sont plaints par le public, ou dont on ne parle seulement pas, et d’autres moqués et raillés avec juste raison, pour faire voir en même temps que ce point d’honneur qu’on y attache dépend beaucoup plus de la conduite du mari que de celle de la femme, quoique ce soit elle qui fasse le crime, pour montrer que ce ne sont pas ceux qui examinent la conduite de leurs épouses avec le plus de vigilance qui sont le plus à couvert de leur infidélité, et que c’est cette conduite qui les y pousse, je crois qu’il est à propos que chacun de nous raconte quelque aventure qu’il sache certainement être arrivée de notre temps en France même, afin de ne point mêler d’histoires étrangères dans nos entretiens ; et pour cet effet, je vais, poursuivit-il, en conter une qui montrera que les précautions d’un jaloux donnent déjà de lui un sujet de risée, qui est encore augmenté lorsqu’il a affaire à des gens qui ont l’esprit de les rendre inutiles, et de les tourner contre lui-même, et qui prouvera en même temps, que la jalousie est en effet un poison mortel pour ceux qui s’y abandonnent.

31. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LX. De l’aventure qui arriva au malheureux Sancho peu de temps après qu’il fut hors de chez le duc de Médoc, et de plusieurs autres choses qui ne sont pas de grande importance. »

Il s’en aperçut bien, et voulut recourir à une autre arme, mais Sancho ne lui en donna pas le temps, et poussa son cheval sur l’agresseur, et le lui fit passer sur le corps, après l’avoir blessé et terrassé d’un coup de lance. […] On lui retrancha l’usage du vin, et on ne lui donnait que de la tisane, breuvage qui n’était point de son goût. […] La duchesse de Médoc voyant son embarras, dit à sa mère qu’il ne fallait pas la presser, et qu’il était juste de donner aux parties le temps de se connaître.

32. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLVII. Suites agréables de la victoire remportée par le chevalier Sancho, et du projet que forma Don Quichotte pour le faire repentir de son indiscrétion. »

La beauté de Madame la comtesse vous donnera la victoire sur tous les chevaliers comme elle l’a sur toutes leurs dames à ce que vous dites. […] Viennent à présent que j’ai mes bonnes armes qui me garantiront de blessures tous les chevaliers errants du monde, viennent Mores, Sarrasins, Espagnols et enchanteurs même ; je les défie encore de nouveau, et pardi je les embrocherai dru comme mouches ; donnez-moi seulement le temps de me bien remettre à cheval, après cela vous verrez beau jeu ; je ne remets la partie qu’après demain matin, et laissez-moi faire. […] Don Quichotte enviait l’honneur qu’il y avait acquis, et aurait voulu qu’il lui en fût arrivé autant, quand il aurait dû être battu vingt fois plus que Sancho ne l’avait été ; il lui en donna néanmoins des louanges, mais plus modérément que la compagnie qui les outrait. […] Don Quichotte commençait à s’échauffer, et allait assurément faire un défi dans les formes à son écuyer, si celui-ci lui en eût donné le temps. —  Mais, Monsieur, poursuivit-il en parlant de Parafaragaramus, d’oû vient qu’il est si fâché quand un chevalier touche un fusil ou une autre de ces maudites armes ?

33. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVII. Des offres obligeantes que fit le duc d’Albuquerque aux dames françaises ; de la reconnaissance de Valerio et de Sainville, et de la conversation particulière que Don Quichotte eut avec Sancho. »

Le duc d’Albuquerque à qui l’agréable Française avait adressé la parole, la remercia au nom de toute la compagnie de la peine qu’elle s’était donnée ; il l’assura de faire ses efforts et d’employer toutes choses pour ne point tromper la bonne opinion qu’elle, la marquise, et Silvie avaient de lui. […] Il n’est pas encore temps de songer à leur départ, Seigneur chevalier, lui dit le duc ; nous ferons tous le voyage ensemble : nous vous prions de ne vous point impatienter jusques à ce temps-là ; vous savez que vous êtes nécessaire ici. —  Comment donc, ajouta Eugénie en riant et en s’adressant à notre héros, vous m’avez promis de ne nous point abandonner que je ne vous donnasse congé, et vous êtes tout prêt à partir ! […] L’un disait, poursuivit-il, que je voulais encore faire tirer au blanc, ou comme sur un âne ; l’autre, que j’ai des yeux au derrière, et que c’était pour voir ceux qui entraient que j’avais mis bas mes chausses ; l’autre, que je voulais me faire donner un clistère pour m’aider à vider ce que j’avais de trop dans le ventre ; un autre, que c’est que je suis propre, et que j’avais peur de salir mes grègues.

34. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLII. Comment Don Quichotte sauva la vie à la duchesse de Médoc. Nouveaux exploits des deux chevaliers. »

On a dit ci-dessus que comme le duc de Médoc était parti de chez lui sans dire à la duchesse ni où il allait ni pourquoi il sortait, ne le voyant point revenir le soir, elle s’en enquit ; et quelqu’un de ses domestiques lui ayant dit qu’il était allé chez le comte Valerio, où étaient Don Quichotte et Sancho, elle ne s’en mit pas plus en peine ; mais la journée du lendemain étant passée sans le voir revenir, et sachant d’ailleurs qu’il avait encore envoyé chercher du monde, elle crut que c’était quelque nouveau divertissement qu’il se donnait aux dépens de nos aventuriers, et voulut en avoir sa part. […] Leur crime leur ôtant l’assurance, la main leur trembla, et leurs coups donnèrent en glissant sur sa cuirasse, qui ne le percèrent pas, et ne firent que lui ôter un moment la respiration. […] Si ces scélérats n’avaient pas été aveuglés, et qu’ils eussent conservé un peu de bon sens, il est constant que nos braves étaient morts, parce qu’il n’y avait rien de si facile que de les égorger ; mais les criminels manquent toujours à quelque chose : ils s’amusèrent à recharger leurs mousquets, et à aider leur camarade, ce qui donna le temps à Don Quichotte de revenir à lui, et à la duchesse celui de reprendre assez ses sens, pour s’apercevoir qu’on était venu à son secours.

35. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLVIII. Du combat de Don Quichotte contre Sancho, et quelle en fut la fin. »

Arrêtez-vous, leur cria-t-il sitôt qu’il fut à portée de la voix, indiscrets Chevaliers, tous deux également indignes de mon affection, et des peines que je me donne pour vous. […] Don Quichotte ne se le fit pas répéter, et obéit avec une soumission profonde, et passa directement sous les arbres où les ducs et les autres étaient cachés, et sa confusion leur donna un nouveau sujet de rire. […] Il te hait peut-être encore à cause de ton maître, qu’il veut perdre, et qu’il hait comme le diable, parce qu’il est écrit dans les destinées, que le grand Don Quichotte doit combattre et vaincre un jeune chevalier, qu’il protège, et que tous les démons croient son bâtard ; avertis-l’en, afin qu’il s’en donne de garde, et que vous vous prépariez tous deux à soutenir de rudes combats en peu de temps, et à soutenir les plus glorieuses aventures de votre vie, pour tirer la pauvre princesse Dulcinée du Toboso de l’enchantement où Merlin la retient comme une gredine dans la caverne de Montésinos.

36. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XL. Des armes enchantées que les deux chevaliers reçurent de Parafaragaramus, avec des chevaux infatigables. »

Je suis l’enchanteur Parafaragaramus, le plus grand et le meilleur de tes amis, à cause du service que tu as rendu à la comtesse Eugénie, à qui je donne bien souvent à boire et à manger ; c’est par mon art que tu t’es trouvé aux occasions de lui être utile. […] Sortez tous deux à la pointe du jour, à pied, et sans épée, et donnez-vous de garde de dire votre secret à personne, car tout disparaîtrait.

37. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVIII. De l’arrivée du duc de Médoc, et de la mort touchante de Deshayes. »

Le duc d’Albuquerque lui dit qu’il y avait pourvu ; que l’histoire que la Française leur avait racontée le soir, lui avait donné l’idée de ce qu’il avait à faire ; c’est-à-dire de mander au duc de Médoc qui était son parent, l’état de toutes choses, et le prier de venir lui-même sur les lieux mettre ordre à tout par son autorité ; ce qu’il pouvait facilement, étant gouverneur de la province ; qu’il ne doutait pas qu’il ne lui accordât sa demande, et que quand il y serait, on prendrait avec lui des mesures pour faire en même temps tout savoir à Valerio, et ne rendre public que ce qu’on voudrait bien qui fût su pour mettre l’honneur d’Octavio et de Don Pedre à couvert, et que jusqu’à son arrivée, on ne devait faire autre chose que tâcher de divertir le comte Valerio, et avoir soin des Français qui étaient dans le château. […] Il alla le voir aussi bien que les autres, et fut aussi témoin des pardons qu’il demanda derechef à Sainville et à son épouse, de l’ordre qu’il leur donna de s’épouser, et du don de son bien qu’il leur réitéra ; après quoi ayant prié sa femme qu’elle l’embrassât pour la dernière fois, il mourut entre ses bras avec toutes les dispositions d’un bon chrétien, et un repentir sincère.

38. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLIII. De l’accident qui arriva au chevalier Sancho, en tirant une arme à feu. Remède pire que le mal. »

Don Quichotte fut toujours à la portière du carrosse, et eut lieu d’être content des louanges que le duc et son épouse donnèrent à l’envi l’un de l’autre à sa valeur. […] Il leur avait à tous refusé cette complaisance en leur faisant comprendre que l’entière exécution du dessein et sa réussite dépendaient uniquement de la diligence ; parce que si on donnait le temps à quelqu’un de ces scélérats de s’échapper ou de s’éloigner, il serait après leur fuite impossible de sauver la réputation de Don Pedre et celle d’Octavio, et par conséquent celle de Valerio ; ce qui était vrai ; ainsi il leur avait si résolument dit qu’il voulait que l’affaire fût terminée dès le lendemain par lui-même, qu’on avait été obligé de le laisser faire comme il voulut, et d’une manière dont il est sorti à son honneur, avec l’aide de nos deux chevaliers.

39. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLVI. Pourquoi Sancho perdit ses armes enchantées, et du terrible combat qu’il eut à soutenir pour les recouvrer. »

Ce devait être là la fin du combat, et l’officier allait céder la victoire, n’ayant pas ordre d’en faire davantage ; mais Sancho ne lui donna pas le temps de parler, et comme il avait le dessus, il commença à travailler sur lui à coups de poing le mieux qu’il put, faute d’autres armes, son bâton lui étant échappé dès sa première chute. […] L’enchanteur revint à lui, et le jeu lui plaisant, il lui donna de sa peau d’anguille un si grand coup au travers les reins, qu’il le rejeta encore une fois à terre, en frappant sur les fesses que Sancho découvrit pour se lever appuyé sur ses mains ; il lui fit plus de contusions sur cette partie, que le chevalier avait fort potelée et charnue, et en même temps plus de douleur que la dragée ne lui en avait jamais fait.

40. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXIII. Comment on a découvert ces nouvelles aventures qu’on donne au public. »

Comment on a découvert ces nouvelles aventures qu’on donne au public.

41. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLIV. Ce qui se passa dans le château après cette expédition. »

Pour ne plus parler d’objets si affreux, justice fut faite d’eux tous, et ils furent envoyés border les grands chemins, excepté celui à qui le duc de Médoc avait promis la vie, et à qui non seulement il donna la liberté, mais encore une somme d’argent suffisante pour le conduire hors d’Espagne, et mener ailleurs un train de vie plus honnête ; on l’avait mis exprès dans un endroit d’où il lui fut facile de se sauver, et on dressa un procès-verbal de son évasion pour la décharge du geôlier et des autres qui pouvaient en être inquiétés.

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