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2. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Dupuis, et de Madame de Londé. »

Je ne vous épouserai jamais, répondit-elle, y allât-il de ma vie. […] Sa douleur pensa lui coûter la vie dans le moment. […] Je ne mènerais pas la vie infortunée que je mène ! […] Elle ne craignit plus que j’en voulusse à sa vie ou à sa vertu. […] Au nom de Dieu, me dit-elle, ayez soin de votre vie.

3. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre LI. Le jaloux trompé »

Elle laissa son père outré contre elle, et bien résolu de ne la regarder de sa vie. […] L’Italienne accepta promptement le parti, louant Dieu, d’un air hypocrite, de lui avoir fait trouver un seigneur si charitable, et qui la retirait du malheur et de la honte de demander sa vie dans un pays où on ne l’entendait pas. […] Il finit par lui offrir de la tirer de captivité si elle voulait se fier à sa conduite ; il ajouta que sa vie était entre ses mains ; qu’il savait bien qu’il était mort pour peu que son mari le soupçonnât ; qu’elle pouvait le livrer à sa vengeance ; mais il la supplia aussi d’examiner si Sotain méritait ce sacrifice, et si elle était résolue d’user sa jeunesse et sa vie dans toutes les douleurs et les amertumes que la folie de cet homme pouvait et devait lui faire prévoir. […] Notre fausse Italienne frémit à cette proposition, et se résolut de vendre chèrement sa vie ; mais elle fut rassurée par le refus absolu que Sotain en fit. […] On la chercha vainement de tous côtés pendant plus de trois mois, que son mari toujours idolâtre d’elle, furieux et jaloux, resta en vie : enfin ne pouvant plus résister au chagrin de sa perte, ni au désespoir d’être l’objet des railleries publiques, il mourut comme il avait vécu les dix-huit derniers mois de sa vie, dans les agitations d’une fièvre chaude qui l’emporta.

4. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « ChapitreLII. Le mari prudent »

Le bonheur qu’elle a d’être votre fille lui a sauvé la vie, que je pouvais me sacrifier sans en craindre les suites ; je vous la remets pour en faire tout ce qu’il vous plaira, vous assurant que je n’y prends plus aucune part. Pour son amant, je lui pardonne de tout mon cœur, et ne lui demande pour toute reconnaissance de la vie que je lui laisse, qu’un secret inviolable sur ce qui s’est passé. Monsieur, ajouta-t-il en adressant la parole à Verville, retirez-vous ; mais comptez que la première indiscrétion vous coûtera la vie. […] Il la mit dans un couvent où elle est restée plus de dix-huit mois à demander pardon au ciel des désordres de sa vie, et à le prier de fléchir l’esprit de son mari, à qui elle écrivait très souvent. […] Je ne vous cache pas que c’est la joie la plus sensible que j’aie ressentie de ma vie ; je mourrai content si je vous vois réunis ; comme au contraire je mourrai de douleur si la réunion n’est pas parfaite.

5. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Terny, et de Mademoiselle de Bernay. »

Nous y fîmes connaissance, et y liâmes une amitié qui n’a fini qu’avec sa vie. […] Ils ne me parlaient que des troubles de la vie. […] Ne vous opposez plus à la tranquillité de ma vie que je vais chercher. […] J’espérais qu’il en mourrait, je demandais tous les jours à Dieu la fin de sa vie. […] Je quitterai la vie sans chagrin, elle a été trop infortunée pour la regretter.

6. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXIX. Du grand projet que forma le duc de Médoc, et dans lequel Don Quichotte entra avec plus de joie que Sancho. »

Pendant qu’ils y travaillaient il entra dans la chambre de Valerio dont il fit sortir tout le monde, et étant resté seul avec lui, après l’avoir préparé à ce qu’il avait à lui dire par un discours fort moral sur les accidents de la vie, que l’Espagnol rapporte, et que je passe sous silence, il lui lut le papier qu’il avait apporté, et lui expliqua tout le reste de vive voix. […] Le duc qui avait amené beaucoup de gens avec lui, en attendait encore d’autres, qu’il ne doutait pas qu’ils n’arrivassent incessamment, et tous ces hommes étant joints à ceux que le lieutenant avait amenés, et aux autres que Valerio pouvait fournir, on résolut de parcourir la forêt dès le lendemain, et de commencer à la pointe du jour, ce qui mit notre héros dans la plus grande joie qu’il eût eu de sa vie. […] Ami Sancho, lui dit-il, ce sera demain le plus glorieux jour de notre vie, car nous y allons accomplir les ordres de la Chevalerie errante, en purgeant le monde de brigands et de voleurs. —  Ah pardi, Monsieur, répliqua Sancho, à qui ces préparatifs ne plaisaient guère, vous me la donnez bonne, et nous ne tombons pas mal de la poêle au feu. Nous allons justement faire les chiens de chasse du bourreau, en lui allant au péril de nos vies chercher du gibier, et encore contre des gens désespérés, qui se vendront plus qu’ils ne valent. —  Tant mieux, interrompit Don Quichotte, il y en aura plus de matière à exercer notre valeur. —  Et plus de horions à gagner, interrompit Sancho à son tour. […] —  Vraiment oui je m’en souviens, répondit Sancho, mais peut-être aussi que ces démons n’avaient pas de pouvoir sur votre vie ; mais ceux-ci sont des hommes de chair et d’os, qui vous accommoderont en chien renfermé, comme les Français, dont il y en a déjà un de mort.

7. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Ronais, et de Mademoiselle Dupuis. »

J’ai fatigué et travaillé toute ma vie plus qu’on ne peut croire ; jamais rien ne m’a réussi. […] Il me regardait comme la devant épouser un jour, quoiqu’il ne voulût pas que ce fût pendant sa vie. […] Il me dit tout, et me jeta par là dans la plus grande confusion que j’aie eue de ma vie. […] Il me conta en peu de mots, et sans se flatter, toute sa vie. […] Je vais lui porter ma vie, ou lui arracher la sienne.

8. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Prez, et de Mademoiselle de l’Épine. »

Tirez-moi de mon incertitude, tout le bonheur de ma vie dépend de votre réponse. […] Je l’ai fait, et Dieu aidant, j’aurai toute ma vie soin de sa fortune. […] J’allai voir mon épouse pour la dernière fois de ma vie. […] Il en voulait à son mariage, mais non pas à sa vie, ni à celle de son fruit. […] Mariez-vous, ajouta-t-il, et ne menez pas une vie scandaleuse comme celle que vous menez.

9. (1721) Mémoires

Il n’y a point de mal qu’on n’ait dit de ce prélat pendant sa vie et après sa mort. […] Il fit cette amende honteuse, et le Roi lui fit grâce de la vie. […] Cependant cette jouissance paisible lui coûta la vie ; voici comment. […] Je m’en souviendrai toute ma vie. […] On fit boire un bon coup d’eau de vie à tout l’équipage, et chacun se rangea à son poste.

10. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIV. Départ de la compagnie. Comment Sancho fit taire le curé. Aventures diverses arrivées à cet infortuné chevalier. »

Je ne veux pas prendre le paradis par famine ; les austérités ne sont pas pressées ; il y a du temps pour tout ; ne précipitons rien, et n’usons point imprudemment la vie que Dieu nous a donnée. […] On a dit que le duc de Médoc était un fort honnête homme, aussi bien que le duc d’Albuquerque ; le comte Valerio et le comte du Chirou, et tous, comme on l’a vu, avaient obligation à Don Quichotte, tant par rapport à eux-mêmes, qu’à cause de leurs épouses, surtout le duc et la duchesse de Médoc, le comte de la Ribeyra, Eugénie son épouse et le comte du Chirou, qui tous lui devaient la vie, et les femmes leur honneur ; et comme la reconnaissance est le propre des bons cœurs, ils avaient résolu de faire paraître la leur dans toute son étendue, et de renvoyer notre héros chez lui dans un état à ne lui rien laisser à souhaiter pour la vie ; mais ils avaient résolu de lui faire recevoir leurs présents comme venant de la main d’un enchanteur, parce qu’ils étaient bien persuadés qu’il était trop généreux pour les accepter de main à main. […] Quoique la nuit approchât, Sancho ne se rebutait pas, et aurait passé toute sa vie dans cette recherche s’il n’avait pas été retiré de son embarras par la voix du sage Parafaragaramus, qui vint de l’autre côté du ruisseau lui faire une belle remontrance sur le peu d’attache qu’un honnête homme doit avoir pour les biens de ce monde, et surtout un chevalier errant. […] Prépare-toi à cette aventure, qui sera pour toi la plus glorieuse et la plus laborieuse, mais aussi la plus lucrative de ta vie ; va reprendre tes armes et tes habits, et ne monte sur aucun cheval, parce que les tiens sont enchantés. […] Don Quichotte alla lui quérir du linge et son habit qui avait été rapporté dans sa chambre par art de nécromancie, et le ramena avec lui plus honteux qu’il n’avait été de sa vie.

11. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXV. Du tour ridicule et malin que fit Parafaragaramus au chevalier Sancho, et des événements tristes qui le suivirent. »

Ce valet était un officier déguisé qui aimait Silvie depuis longtemps, et qui croyant, comme beaucoup d’autres, que Sainville l’avait enlevée, s’était mis avec Deshayes pour courir après, dans la résolution de venger sur son rival son amour méprisé, et pourtant de sauver la vie de sa maîtresse en la dérobant à la rage de son mari qui était parti dans la résolution de la poignarder partout où il pourrait la trouver. Dans ce dessein il avait suivi Deshayes, à qui il s’était fait présenter comme un valet fidèle, brave et bon postillon : il avait défendu sa vie non pas par amitié pour lui, mais parce qu’il s’était figuré que c’était Sainville qui lui avait fait dresser cette partie, et qui avait voulu le faire assassiner pour posséder ensuite sa veuve sans crainte et sans traverse. Cette pensée lui était tout à fait entrée dans l’esprit, et elle était d’autant mieux fondée que ces assassins n’avaient point demandé la bourse, et avaient tout d’un coup attaqué la vie ; il crut même que Don Pedre était Sainville qui s’était déguisé, et cela avait été cause que sans s’amuser à courir après les ravisseurs d’Eugénie, il s’était opiniâtrement attaché à lui. […] Il fut visité le premier comme le plus malade, et le chirurgien ayant eu ordre de venir rapporter au comte et à la comtesse l’état de la santé de leurs hôtes, il vint leur dire que Sainville était, comme Valerio, sans aucun danger pour la vie, et uniquement épuisé par la perte du sang ; mais que pour Deshayes il avait plus besoin d’un confesseur que de tout autre secours, et que c’était sûrement un homme mort dans vingt-quatre heures au plus tard ; ce fut aussi le sentiment du vieillard qui avait le premier pansé Valerio chez les chevriers. Ce rapport donna occasion de parler des bandits, et Valerio qui ignorait la vie que ses frères avaient menée, regrettait sa santé qui ne lui permettait pas de nettoyer son voisinage de tant de brigands qui y faisaient de si grands désordres.

12. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LX. De l’aventure qui arriva au malheureux Sancho peu de temps après qu’il fut hors de chez le duc de Médoc, et de plusieurs autres choses qui ne sont pas de grande importance. »

Alors les autres assistants s’armèrent de ce qu’ils purent trouver ; les uns se saisirent des chandeliers, les autres des flambeaux, les autres prirent les bâtons qui servaient à porter le cercueil, et tous tombant en même temps sur le misérable chevalier, lui firent bientôt vider les arçons, et se mirent à travailler sur lui comme à l’envi l’un de l’autre ; de manière qu’ils l’auraient bientôt expédié si les gens que le duc avait envoyés après lui ne fussent arrivés assez à temps pour lui sauver la vie. […] Ils le portèrent au château si moulu de coups, qu’il ne pouvait remuer ni pieds ni pattes ; il jetait le sang de tous côtés, et avait la tête fracassée en plusieurs endroits ; de sorte que les chirurgiens qui le visitèrent dirent d’abord que sa vie était en danger. […] Il disait en parlant des femmes, car il retombait toujours sur leur article : Mardi, ces créatures m’ont toujours porté guignon ; celles qui sont en vie m’ont fait enrager, m’ont battu et m’ont fait battre, et celles qui sont mortes me font assommer. […] Outre cela sait-il gagner sa vie ?

13. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVI. Suite de l’histoire de Silvie et de Sainville. »

Je crus que c’était un assez grand malheur pour elle d’avoir épousé Deshayes, pour me croire encore trop vengé de son infidélité ; ainsi je bornai toute ma vengeance à les laisser vivre ensemble, à les mépriser également tous deux, et surtout à ne lui parler de ma vie. […] Cette femme était la baronne de… dont l’histoire a depuis peu fait trop de bruit dans le monde pour être ignorée de vous ; mais il n’est pas encore temps de vous dire la part que je fus obligée de prendre dans une des dernières aventures de sa vie. […] En un mot, Madame, poursuivit-elle, ma vie est en danger ; et si je la perds, la sienne n’est pas en sûreté. […] Je la fis déshabiller et mettre dans mon lit, où nous passâmes ensemble la plus cruelle nuit que j’aie passée de ma vie. […] Il entreprit l’autre jour de me faire arrêter, et sans le secours de Sainville, et la retraite que vous eûtes la bonté de me donner, je serais présentement à sa disposition partout où il aurait voulu me mener, et peut-être au hasard de ma vie avec le plus violent de tous les hommes.

14. (1691) Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales (tome 2)

Il était attaché au milieu de la cour en vie, & ne mangeait que du fruit & des herbes. […] En effet, ne sanctifions-nous pas ceux dont la vie nous paraît avoir été toute sainte ? […] L’or & l’argent n’y manquent point, & ils ont à souhait tout ce qu’il faut pour la vie. […] Nous fîmes le repas le plus propre que j’aie fait de ma vie. […] Ils lui ont donné la vie éternelle, à elle leur a donné ses biens temporels.

15. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre L. Dissertation sur la différente manière d’aimer des Espagnols et des Français. »

Don Quichotte avec plaisir, parce que la vie qu’il avait menée chez Valerio lui semblait trop molle et trop délicate pour un homme aussi nécessaire au public qu’il croyait être, et qu’il espérait que la campagne lui étant ouverte, il trouverait des aventures à tout moment. […] Les Français convinrent, que l’amour semblait être né en Espagne, où généralement tout le monde y était porté, qu’il semblait même que les Espagnols aimaient d’une manière plus sérieuse que les Français, puisqu’il paraissait qu’ils faisaient de leur amour une des principales occupations de leur vie ; mais que cependant les Français aimaient d’une manière plus engageante, et que si on ne trouvait pas parmi quelques-uns d’eux autant de constance qu’aux Espagnols, on y trouvait du moins plus de feu et de vivacité. […] Et qu’il y avait très assurément des femmes en Espagne, aussi bien qu’en France, qui seraient toute leur vie restées sages et fidèles, si leurs maris ne leur avaient pas eux-mêmes inspiré l’envie de justifier leurs ombrages et leurs jalousies, et que très assurément le meilleur parti qu’un homme marié pouvait prendre, était de ne témoigner à sa femme aucun soupçon ; et pour soutenir leur paradoxe, ils citèrent les vers de l’Arioste que je ne rapporterai pas, mais bien la traduction ou la paraphrase faite par Monsieur de La Fontaine. […] Les Espagnols ne s’inscrivirent point en faux contre un si bon auteur, mais ils prétendirent encore que l’amour des Français n’était point si violent que celui des Espagnols, parce que, disaient-ils, on ne voyait point de Français se jeter, pour l’infidélité de leurs épouses, dans le dernier désespoir, comme on le voyait souvent en Espagne, surtout en Portugal, où un mari trompé se venge sur lui-même, et attente à sa vie de rage et de dépit.

16. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVII. Du repas magnifique où se trouva Don Quichotte, et du beau et long discours qu’il y tint. »

L’intégrité de leurs jugements fut admirée ; la vénalité des charges, qui donnent à un homme le pouvoir de disposer de la vie et des biens de son prochain, fut détestée ; on y maudit le juge qui achetait en gros le droit de vendre à son choix l’injustice en détail ; le babil inutile des avocats, qui ne fait qu’obscurcir la vérité ; cette multiplication infinie de procédures et de chicanes, qui donne le tort dans les formes à un homme à qui le fond donne gain de cause ; tout cela fut blâmé ; on condamna les ambitieux ecclésiastiques qui recherchent et briguent les dignités de l’Eglise ; on se moqua de l’hypocrisie de ceux qui ne disent que des lèvres, Nolo episcopari l’avidité de ceux qui ont plusieurs bénéfices, dont un seul pourrait suffire aux besoins de la vie, et à faire leur salut, parut exécrable, aussi bien que le faste outré de ceux qui dissipent dans de vains plaisirs un bien qui n’a été destiné qu’aux pauvres, et dont ils ne sont que les économes et les dispensateurs, et non pas les propriétaires. […] Les arts étaient en vogue et en honneur ; l’ouvrier s’occupait et vivait du travail de ses mains, et on n’était point obligé d’acheter à prix d’argent la liberté de gagner sa vie ; les meilleurs ouvriers travaillaient le plus, parce qu’ils étaient les plus recherchés ; mais les autres n’étaient point obligés de travailler en cachette, ou de mendier leur pain. […] Le laboureur travaillait tranquillement, et nourrissait en même temps les peuples de son pays et les étrangers, en mangeant avec eux le pain qu’il recueillait ; le vigneron buvait une partie du vin dont il avait façonné la vigne, et du reste qu’il communiquait aux autres, en retirait sa subsistance ; le commerce fleurissait et rapportait des pays éloignés de quoi enrichir un peuple, qui ayant dans le sien surabondamment de tout ce qui est nécessaire à la vie, en faisait part à ces mêmes pays en échange de leurs trésors ; l’artisan y avait part en y envoyant les ouvrages qu’il avait travaillés de ses mains, et chacun vivait dans l’opulence, parce que chacun vivait dans l’innocence.

17. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIX. De ce qui se passa chez le duc de Médoc après le départ de Dulcinée, et comment Sancho reçut sa femme que la duchesse fit venir au château. »

Don Quichotte, dit-il à notre chevalier, je viens te rendre la dernière visite que tu recevras de moi de ta vie. […] Tous les honnêtes gens de l’enfer sont réjouis que tu aies consenti à laisser partir Dulcinée, et disent que c’est la plus glorieuse victoire que tu aies jamais remportée sur toi ; persiste donc dans la résolution de te vaincre en cela, en ne songeant plus du tout à elle, ressouviens-toi des ordres du destin d’abandonner pour toujours la Chevalerie errante, et que c’est pour cela qu’au lieu de te rendre tes armes, on les a retenues dans le palais de Merlin ; demeure où tu es jusqu’à ce que tu t’y ennuies, et pour lors retire-toi dans ton domestique auprès de ta famille et de tes amis sans changer dorénavant ton train de vie ; observe la tranquillité que je t’ai recommandée, et le reste de ta vie tu seras heureux ; mais si tu en agis autrement, prépare-toi à mourir avec infamie et à succomber au malheur qui te suivra partout. […] En effet il l’accorda de fort bonne grâce, et ce fut la dernière action de sa vie, comme nous le dirons en son lieu. […] Mort de ma vie, je n’ai qu’une femme qui me fait enrager ; ce serait bien le diable si j’en avais deux. […] Merci de ma vie je les ai une fois surpris tous deux.

18. (1691) Journal du voyage des Indes orientales (à monsieur Raymond)

Chez eux vie de cochon, bonne et courte. […] Il était attaché au milieu de la cour en vie. […] Le cours de la vie de ces gens-ci est assez aisé ne faisant que commander, et c’est avec eux que les Européens font leur négoce. […] Elle fournit abondamment non seulement aux nécessités de la vie, mais même à la délicatesse. […] Enfin il a tant fait que le Mogol désespérant de tirer rien de ses mains pendant sa vie, l’a laissé en repos.

19. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Contamine, et d’Angélique. »

J’aime mieux être toute ma vie pauvre, que de devenir riche par un moyen blâmable. […] J’attends votre réponse comme l’arrêt de ma vie, ou de ma mort ; c’est-à-dire avec la dernière impatience. […] Ce moment de chagrin, reprit-elle, durerait tout le temps de ma vie. […] Allez-y, ajouta-t-elle, et sauvez-moi ce que je tiens plus cher que la vie. […] Voulez-vous sauver la vie à Angélique, Mademoiselle, lui dit-elle en entrant, elle dépend de vous.

20. (1690) Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales (tome 1)

J’en conserverai toute ma vie une sincère reconnaissance. […] Je rejette absolument cette prédestination à l’égard de la vie mortelle. […] Et n’en peut-il pas arriver de même de tous les états de la vie ? […] J’ai fait aujourd’hui la vie d’un des chanoines de Boileau, boire, manger et dormir. […] Cela ne rendit pas la vie à d’Armagnan, ni à la Compagnie son bien.

21. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLV. Pourquoi la maîtresse d’une hôtellerie voisine du château venait souvent demander des nouvelles de Sainville et de Silvie. »

Nous avons dit que le valet de Deshayes y était resté blessé ; que ce valet était un officier déguisé qui s’était mis à sa suite pour sauver la vie de Silvie et la faire perdre à Sainville. […] Il s’était flatté que ce rival pourrait succomber à ses blessures, et apprit contre son espérance, que non seulement il était en sûreté de sa vie, mais encore qu’en peu de temps il serait parfaitement guéri. […] Le comte Valerio fut prié de dire par quelle aventure il connaissait ces deux Français, et il le fit en disant qu’en passant une fois de Barcelone à Naples sur une galère d’Espagne, il avait été attaqué et pris par une galère française commandée par Sainville, de qui il avait reçu un traitement si honnête et si généreux, qu’il s’en ressentirait toute sa vie. […] La marquise ayant par là l’esprit en repos, les ducs et les deux épouses n’ayant eu aucun sujet de chagrin que par rapport à leurs amis, le comte Valerio et son épouse étant contents, Sainville et sa veuve étant dans la meilleure intelligence du monde, aussi bien que le comte du Chirou avec la belle Provençale, Valerio et Sainville reprenant peu à peu leurs forces, Don Quichotte se portant bien, et Sancho en parfaite santé, à quelques brûlures près ; en un mot tout le monde ayant l’esprit porté à la joie et au plaisir on se disposa en attendant le départ, qui n’était retardé que par Valerio, Sainville et du Chirou, à prendre de nos aventuriers tout le divertissement qu’on pouvait en prendre sans s’en railler ouvertement, surtout de notre héros, dont le comte du Chirou admirait la valeur, et à qui il devait la vie, aussi bien que la duchesse et Eugénie, qui outre cela lui devait encore celle de son époux, et peut-être son honneur.

22. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Jussy, et de Mademoiselle Fenouil. »

Mon père était de barreau, mes frères et moi embrassâmes le même train de vie, les uns par inclination, les autres, dont j’étais du nombre, plutôt par nécessité que par aucune autre raison. […] Que si nous étions arrêtés, le moins qu’il pouvait lui en arriver, était d’être renfermée toute sa vie dans un couvent, et moi finir la mienne par la main d’un bourreau. […] Elle accoucha peu de temps après d’un garçon qui est encore en vie, et que vous verrez bientôt avec la mère. […] La manière de vie qu’elle menait, avait fait oublier ce qu’elle avait fait. […] Je vous jure, reprit Jussy, que j’en ai eu toute ma vie un vrai remords.

23. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLIV. Ce qui se passa dans le château après cette expédition. »

Pour ne plus parler d’objets si affreux, justice fut faite d’eux tous, et ils furent envoyés border les grands chemins, excepté celui à qui le duc de Médoc avait promis la vie, et à qui non seulement il donna la liberté, mais encore une somme d’argent suffisante pour le conduire hors d’Espagne, et mener ailleurs un train de vie plus honnête ; on l’avait mis exprès dans un endroit d’où il lui fut facile de se sauver, et on dressa un procès-verbal de son évasion pour la décharge du geôlier et des autres qui pouvaient en être inquiétés. […] Le duc de Médoc, qui avait un très grand fond de probité et d’honneur, écouta tout ce qu’on lui dit avec une patience admirable, et sans répondre un seul mot ; mais après qu’on eut achevé de lui dire tout ce qui se pouvait dire sur cette matière, il prit la parole, et après avoir remercié toute la compagnie en général du soin que chacun en particulier avait témoigné pour sa personne, il ajouta que s’agissant de rendre service au comte de Valerio, et de sauver l’honneur d’une des meilleures maisons d’Espagne, il n’aurait pas eu l’esprit en repos si lui-même n’y avait été ; que de plus, chacun se faisait dans le monde un point d’honneur et de probité selon son humeur ; qu’il avouait que la recherche qu’on faisait de gens qu’on destinait au gibet, offrait à l’esprit quelque chose de bas et de rebutant, qu’ainsi il ne blâmait point les Français de ne s’y pas commettre, parce qu’ils croyaient que cela était indigne d’un grand cœur ; mais que pour lui il était d’un autre sentiment et qu’il ne croyait pas qu’il fût plus indigne d’un prince de faire la guerre à des voleurs et à des bandits qui désolaient toute une province et ses propres compatriotes, que de la faire à des étrangers ; qu’il croyait même que c’était plus utilement servir sa conscience et le public dans une guerre de cette nature, que dans une guerre réglée, parce que les ennemis qu’on combat dans celle-ci, ne sont pas des ennemis particuliers ni domestiques, puisqu’on peut s’en défaire par un traité de paix ; mais que les autres sont des ennemis d’autant plus cruels, qu’ils ne sont retenus par aucune digue ; de plus que la guerre avait ses lois inconnues aux scélérats, et que les ennemis qu’on combattait dans une guerre de prince à prince, étaient presque toujours des ennemis contraints par la volonté et par l’ambition de leur souverain, avec qui la vie était sauve, ou du moins ne courait pas tant de risque, qu’avec les autres, qui non seulement n’épargnaient personne, mais de qui même leurs propres amis et les gens de leur connaissance avaient plus à craindre que des étrangers ; qu’enfin dans une guerre ouverte on était en état d’attaquer et de se défendre, et que l’on n’était jamais surpris qu’on ne dût s’attendre à l’être ; mais que les voleurs de grands chemins étaient des gens qui mettaient leur sûreté dans les surprises qu’ils faisaient aux gens qui ne se défiaient nullement d’eux ; et qu’en un mot c’était des ennemis d’autant plus dangereux qu’ils empêchaient le commerce et la sûreté, et qu’il n’y avait avec eux ni paix ni trêve à espérer que par leur mort ; enfin des gens universellement regardés avec exécration ; ce qui était si vrai, qu’en France même, où les gens de distinction tenaient cette chasse si indigne d’eux, les bandits et les voleurs de grand chemin étaient punis du plus long et du plus rude des supplices, et privés même de la sépulture.

24. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVIII. Des tristes et agréables choses que Parafaragaramus apprit au chevalier de la Manche. »

Après quoi on lui montra le résultat du destin en cas qu’il n’y voulût pas consentir, et qui était conçu en ces termes : Et si le chevalier des Lions n’y consent pas, elle ne sera pourtant jamais à lui, parce qu’elle tombera morte à ses pieds devant le prêtre qui voudra les marier ; ainsi la vie et la mort de cette princesse seront entre ses mains. […] Troussons nos bras jusqu’au coude, la huche est grande, et il y a suffisamment de la pâte pour faire des galettes et des miches ; on ne jouit de l’argent que lorsqu’on l’emploie ; nous n’avons qu’à vivre à gogo ; vie de cochon courte et bonne. Nous n’avons dans ce monde qu’aujourd’hui et demain, et le reste de notre vie ; l’habit ne fait pas le moine, ni la soutane l’habile homme, trois pas sur le pavé en découvrent la sottise ; un âne chargé d’or est toujours un âne ; mais n’importe, chacun lui ouvre la porte, il est bien reçu partout, et trouve des parents où il n’en cherchait pas ; nul n’a honte de parents vicieux pourvu qu’ils soient riches. […] Les Français cependant qui n’avaient pas été fâchés de trouver une occasion de témoigner leur générosité, et de reconnaître en quelque façon les honnêtetés des Espagnols, y avaient contribué plus abondamment, sous prétexte de reconnaître les services que le héros de la Manche leur avait rendus, surtout le comte du Chirou qui était puissamment riche, et qui avouait qu’il lui devait la vie aussi bien que Valerio, Eugénie et la duchesse de Médoc.

25. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVIII. De l’arrivée du duc de Médoc, et de la mort touchante de Deshayes. »

En un mot, il déclara toute sa vie, au grand étonnement de tous ses auditeurs, surtout de la tante de Silvie, qui en fut extrêmement surprise. […] Le duc d’Albuquerque assura la marquise qu’elle n’avait rien à craindre pour la vie de son époux, le Conseil d’Espagne ayant trop de lenteur pour décider rien sur une première lettre, et sans avoir fait des informations exactes, surtout s’agissant d’un homme de qualité, avoué de son roi ; et qu’avant qu’on pût en rien résoudre, il se faisait fort que le duc de Médoc écrirait en sa faveur au marquis de Pécaire, vice-roi de Naples, son beau-frère ; qu’il l’attendait le jour même, et que ce serait par là qu’il l’obligerait de commencer aussitôt qu’il serait arrivé, et que dans le moment on ferait partir un courrier pour Naples. […] Il montra ses lettres avant que de les cacheter, qui étaient écrites avec tant de zèle, qu’il n’aurait pas pu se servir de termes plus pressants quand il aurait été question de la vie de son propre fils ; et enfin il acheva de mettre en repos l’esprit de la marquise, qui fit partir deux courriers dans le moment même, pour les porter à leur adresse.

26. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLIII. De l’accident qui arriva au chevalier Sancho, en tirant une arme à feu. Remède pire que le mal. »

Si le canon n’en avait pas été parfaitement bon, il aurait infailliblement crevé entre ses mains, et l’aurait sans doute tué, ou du moins estropié pour toute sa vie ; outre cela il ne referma pas la gibecière où était la poudre à canon, et en mit dans le bassinet une si grande quantité, qu’il en répandit sur lui. […] Le chirurgien ne manqua pas d’occupation, surtout à panser les bandits qui avaient été blessés, et qui ne voulaient pas qu’on cherchât à prolonger leur vie qu’ils devaient perdre sur un échafaud ; on les avait amenés au château, parce qu’il était trop tard pour les conduire où leurs camarades avaient été envoyés. […] Il resta plus de huit jours aveugle, mais peu à peu sa vue lui revint, et sa mâchoire qui se remit lui fit faire une vie de son goût, puisqu’il ne faisait que boire, manger et dormir.

27. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LV. Don Quichotte et Sancho vont à la caverne de Montésinos. Ce qu’ils y virent, et comment se fit le désenchantement de Dulcinée. »

Ce prétendu neveu de Freston était Ginès de Passamont, à qui on avait ordonné de combattre notre héros, avec défense de le blesser sur peine de vie. […] lui demanda l’horrible figure. — Tu auras mon nom après ma victoire, lui repartit Don Quichotte, qui avait déjà l’épée haute pour le frapper lorsqu’il fut retenu par Parafaragaramus. — Il est juste de dire qui vous êtes, lui dit celui-ci, parce que le savant Merlin que vous voyez sait par qui les princesses enchantées doivent être mises en liberté ; et si c’est à vous que cette glorieuse aventure est destinée, je suis certain qu’il est trop honnête enchanteur pour vouloir éprouver un combat dont il ne remporterait que de la honte. — Si cela est, reprit notre héros, je lui apprendrai avec joie que je suis Don Quichotte de la Manche, ci-devant nommé le chevalier de la triste figure, et maintenant le chevalier des Lions, et toujours l’esclave de l’illustre princesse Dulcinée du Toboso que je viens délivrer, ou perdre la vie. […] Parafaragaramus en sortit le premier, et après s’être mis à genoux devant Pluton, et avoir obligé les autres d’en faire autant, il se releva, et lui adressant la parole : Puissant Dieu des enfers, lui dit-il, tu vois devant toi un héros qui à l’exemple de Thésée, qu’il a pris pour modèle de sa vie, a purgé la terre de monstres et de brigands. […] — Ecoutez, hardi Chevalier, poursuivit Minos seul, l’incomparable Dulcinée n’est point dans les enfers, et par conséquent elle n’est point sous la puissance du dieu Pluton ; elle est trop sage pour avoir mérité nos supplices, et étant encore vivante, elle n’est point descendue dans ce sombre empire des morts ; elle est encore au nombre des vivants, quoiqu’elle n’y paraisse pas ; mais comme tu sais, Merlin l’a enchantée, et il a fait sagement, parce que si elle avait paru telle qu’elle était, elle aurait armé tous les chevaliers errants les uns contre les autres, et n’étant occupés que de leur amour, ils n’auraient pas mis fin, ni toi non plus, aux grandes aventures qui rendent leur vie si illustre là-haut.

28. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLI. Don Quichotte et Sancho s’arment pour aller combattre les brigands. Ces deux chevaliers font des actions de valeur inouïes. »

La croyance qu’eurent les bandits de les avoir tués, fut ce qui leur sauva la vie. […] Sancho, bien persuadé qu’il était invulnérable, imita son maître le mieux qu’il pût, de sorte que, quelque résistance que ces hommes pussent faire, nos aventuriers en mirent deux sur la place, et des gens du lieutenant étant venus aux coups de pistolets, notre héros leur abandonna les deux autres, et les pria de leur sauver la vie. […] Cependant les autres troupes étaient toutes rassemblées, après avoir chacune de son côté traversé une partie de la forêt sans rien trouver ; et comme le jour était déjà fort avancé, le duc avait fait résoudre qu’on arrêterait le premier bandit qu’on trouverait sans lui faire aucun mal, et qu’on l’assurerait même de lui sauver la vie, pourvu qu’il découvrît les retraites des autres, et en facilitât la prise.

29. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XL. Des armes enchantées que les deux chevaliers reçurent de Parafaragaramus, avec des chevaux infatigables. »

Tu trouveras demain à l’entrée de la forêt, au même endroit où tu as retiré la comtesse des mains de ses ravisseurs, un cheval que je te destine, que monta autrefois le fameux Largail, des armes dont se servit Rodomont, et l’épée de Roger ; elles te serviront contre tous les enchantements, et par elles tu seras toujours victorieux dans les plus grandes aventures de ta vie. […] Il connaissait assez la bravoure et l’intrépidité de notre héros, pour savoir jusques où son courage le porterait dans la forêt ; il prévoyait bien aussi que Sancho ne le quitterait pas d’un pas ; il aurait bien voulu ne les point exposer contre des bandits ; mais dans le fond, outre que Don Quichotte n’aurait pas trouvé bon que l’affaire se fût passée sans lui, le duc voyait bien qu’il lui serait d’un grand secours, et qu’après tout c’était la mort la plus glorieuse qui pût arriver à deux fous, que de perdre la vie en servant le public ; d’un autre côté il voyait bien que l’occasion serait chaude et de fatigue, et que les chevaux de nos aventuriers n’étaient point assez forts pour la supporter, ni leurs armes assez bonnes pour résister au mousquet et au pistolet ; ainsi il avait jugé à propos de les armer par cette voie étant bien persuadé que l’estime qu’ils feraient de leurs armes et de leurs chevaux, qu’ils croiraient tenir de la main d’un enchanteur, leur ami, les animerait davantage, et relèverait le courage, surtout de Sancho, qui lui paraissait abattu par la conversation qu’il avait eue avec Don Quichotte, et que lui et Parafaragaramus avaient écoutée.

30. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVI. De ce qui suivit le désenchantement de Dulcinée. »

— Pardi, dit Sancho, ce diable-là tient un registre bien exact de ce que je fais ; c’est peut-être lui qui écrit ma vie. […] C’est d’avoir voulu violer les droits de l’hospitalité en voulant d’un lieu d’honneur où il était bien reçu en faire le théâtre de ses débauches, dont il mérite des reproches et des châtiments ; c’est d’avoir eu plus d’indulgence pour soi-même que pour autrui, c’est d’avoir été hypocrite, d’avoir voulu priver les autres des plaisirs infâmes où il tâchait de se souiller lui-même, d’avoir voulu sous les dehors d’une vie honnête et d’un mépris affecté des femmes cacher le penchant vicieux qu’il a pour elles ; c’est là vouloir imposer à Dieu et aux hommes, avoir deux mesures, l’une pour soi, l’autre pour autrui, c’est cela encore un coup dont on devait l’accuser ; il devait se souvenir de son proverbe ordinaire, Médecin guéris-toi toi-même. […] Combien en as-tu fait en ta vie ?

31. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLIX. Repas magique. Apparition d’un nouvel enchanteur. Défi fait à Don Quichotte, et ce qui s’ensuivit. »

Crois-tu qu’il suffise à un homme d’avoir de l’esprit et de la science, et que ce soit la seule force jointe à la valeur qui doive régler toutes les actions de la vie ? […] Regarde la vie et les actions du chevalier Roland, tu y verras partout une égale bravoure et une pareille force ; mais vois la différence entre Roland le furieux et Roland le sage, avant que l’infidélité d’Angélique lui eût tourné la cervelle, ou après qu’Astolphe lui eut fait reprendre son bon sens renfermé dans une fiole, qu’il avait été quérir sur l’hippogriffe jusque dans le paradis terrestre. […] Le feu qu’il jetait provenait d’une composition de poudre à canon, de coton, d’eau de vie, de camphre et d’autres artifices qu’on avait mis ensemble dans une boîte de fer blanc sur l’estomac, et dans les extrémités des cornes sur la tête, et le tout était presque traversé d’un petit tuyau de fer, qui répondait par une petite peau de cuir bien mince et bien cousue à un petit soufflet, que l’enchanteur avait sous l’aisselle, et qui portait vent aux trois endroits ; en sorte que le feu qui était renfermé dans la boîte et dans les cornes, étant réveillé par le vent, enflammait les compositions, et faisait l’effet que nous avons vu, et qui était effectivement terrible pour ceux qui n’y étaient pas préparés.

32. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLII. Comment Don Quichotte sauva la vie à la duchesse de Médoc. Nouveaux exploits des deux chevaliers. »

Comment Don Quichotte sauva la vie à la duchesse de Médoc. […] De sorte que de ces six qui avaient voulu assassiner le duc, il n’y en eut que deux qui restèrent sur la place, et quatre autres qui furent pris en vie, desquels était celui à qui Sancho avait cassé les jambes.

33. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LXI. Comment Don Quichotte et Sancho sortirent du château pour s’en retourner chez eux ; de ce qui leur arriva sur la route. Mort de Don Quichotte ; et ce qui s’ensuivit. »

Il y a dans la vie des héros un terme de bonheur et de gloire où ils doivent s’arrêter, sans vouloir passer outre, de crainte qu’en voulant forcer, pour ainsi dire, les destinées, ils ne tombent dans des malheurs qui leur attirent le mépris des mêmes hommes dont ils auraient acquis toute l’estime. […] — Rien n’est plus certain, reprit Don Quichotte, et je suis tenté d’en boire pour perdre entièrement l’amour malheureux dont je ne puis me défaire ; après cela rien ne troublera plus le repos de ma vie, et mes jours ne seront composés que de moments heureux.

34. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXIV. De l’arrivée de plusieurs personnes dans l’hôtellerie. Qui étaient ces personnes. Nouvel exploit de Don Quichotte. Sanglants combats. »

Le duc qui le vit dans le plus grand embarras où il eût été de sa vie, lui remontra qu’il n’était point en état de s’exposer. […] Il fit prendre Eugénie et l’y fit mettre la première, Gabrielle la suivit, et le mouvement du carrosse agitant la comtesse qui était couchée en travers, la fit revenir à elle ; les signes de vie qu’elle donna calmèrent la douleur de Gabrielle, et ce fut dans ce moment qu’ils arrivèrent à l’hôtellerie où ils criaient tous à pleine tête pour avoir une chambre, et par leur bruit interrompirent la narration de la Française.

35. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLVIII. Du combat de Don Quichotte contre Sancho, et quelle en fut la fin. »

Si je suis vaincu je t’abandonne ma vie ; et si je suis vainqueur, je ne prendrai d’autre vengeance de toi, que celle de te rouer de coups de bâton. —  Chevalier, lui repartit le brave Sancho, vous n’êtes assurément qu’un gavache, avec vos injures ; car mon maître qui jase comme un prédicateur, et qui est aussi savant qu’un pape, m’a dit que les injures sont les meilleures raisons des gens qui n’en ont point et des lâches. […] Il te hait peut-être encore à cause de ton maître, qu’il veut perdre, et qu’il hait comme le diable, parce qu’il est écrit dans les destinées, que le grand Don Quichotte doit combattre et vaincre un jeune chevalier, qu’il protège, et que tous les démons croient son bâtard ; avertis-l’en, afin qu’il s’en donne de garde, et que vous vous prépariez tous deux à soutenir de rudes combats en peu de temps, et à soutenir les plus glorieuses aventures de votre vie, pour tirer la pauvre princesse Dulcinée du Toboso de l’enchantement où Merlin la retient comme une gredine dans la caverne de Montésinos.

36. (1713) Les illustres Françaises « Préface. »

Mon roman et mes histoires, comme on voudra les appeler, tendent à une morale plus naturelle, et plus chrétienne, puisque par des faits certains, on y voit établie une partie du commerce de la vie. […] Celle de Jussy fait voir, qu’une fille qui a eu de la faiblesse pour un amant, doit, pour son honneur, soutenir son engagement toute sa vie ; n’y ayant que sa constance qui puisse faire oublier sa fragilité.

37. (1713) Les illustres Françaises « Les Illustres Françaises. Histoires Véritables. »

J’avoue, poursuivit-il, que ses austérités peuvent avoir usé sa vie ; mais du moins la fin n’en a point été avancée par aucun secours étranger. […] Ce sont eux pourtant, reprit Des Frans en soupirant, qui ont donné le mouvement à toutes les actions de ma vie, et qui m’ont fait regarder ma patrie comme mon enfer ?

38. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLVII. Suites agréables de la victoire remportée par le chevalier Sancho, et du projet que forma Don Quichotte pour le faire repentir de son indiscrétion. »

Il voulait par là le taxer sur ce qu’il avait dit de la beauté de la comtesse, sans en excepter Dulcinée ; mais Sancho n’avait pas l’esprit assez fin pour s’imaginer une chose à quoi il ne croyait pas que son maître songeât, c’est pourquoi il lui répondit selon son sens : Ma foi, Monsieur, j’avoue que ma main et ma langue vont trop vite, mais il faut que le renard meure dans sa peau, à moins qu’on ne l’écorche en vie, et puis il ne peut sortir d’un sac que ce qu’on y a mis. […] Depuis ce temps-là il a été cause que j’ai plus de vingt fois battu ma ménagère, car elle avait toujours quelque chose à lui dire, et bien loin qu’il ait mis depuis la paix dans notre ménage, mort de ma vie, il n’y a mis que la discorde. —  Il n’y pouvait pas mettre autre chose, ami Sancho, reprit Don Quichotte, je voudrais que tu eusses lu le divin Arioste, tu verrais que l’archange Gabriel ayant besoin de la discorde pour aller répandre son venin dans l’armée du roi Agraman qui assiégeait Paris, il ne la put jamais trouver pour lui faire exécuter l’ordre de Dieu, que dans un chapitre de moines où elle présidait. —  Eh !

39. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVII. Des offres obligeantes que fit le duc d’Albuquerque aux dames françaises ; de la reconnaissance de Valerio et de Sainville, et de la conversation particulière que Don Quichotte eut avec Sancho. »

. —  Cela est vrai, répondit Don Quichotte, et s’ils n’avaient pas fui, je n’en aurais pas laissé un en vie.

40. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIII. Belle morale du seigneur Don Quichotte. »

Les assassinats ne seraient point si fréquents, les crimes feraient plus d’horreur, et l’enfer n’engloutirait pas les âmes de ceux qui étant surpris de la mort, sans s’y être préparés, ne peuvent mériter leur salut par une sincère pénitence dans une plus longue vie.

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