/ 39
2. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Ronais, et de Mademoiselle Dupuis. »

Je croyais qu’elle serait ma commère, le père et la mère le croyaient aussi, et nous nous trompions. […] C’est avec une espèce de certitude que je vous crois infidèle. […] Croyez-vous que par une règle particulière je me gouverne bien, vous qui ne croyez pas qu’il y ait une fille qui soit sage ? […] disait-elle, la différence est, je crois, bien imaginaire. […] Elle me crut, alla chez sa tante, et y est encore.

3. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Dupuis, et de Madame de Londé. »

Je ne croyais pas que d’Épinai butât au mariage : ainsi je ne crus pas lui faire une grande offense de faire enrager sa maîtresse. Je crus qu’il se passait entre eux quelque chose de criminel ; il n’en était rien, mais je voulus le croire. […] Mais si vous n’en croyez ni mes serments ni mes paroles, croyez-en tout ce qu’il vous plaira de me faire écrire. […] Vous me croyez un débauché, et Monsieur, qui à ce que je vois, le croit sur votre bonne foi, se trompe aussi bien que vous. […] Je les crus justes.

4. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Frans et de Silvie. »

Croyez-moi, ajouta-t-elle, adressez-vous en lieu plus avantageux : vous croyez m’aimer, vous vous trompez : et je me tromperais moi-même si je le croyais. […] Je vous crois présentement, dit-elle. […] Je sais par moi-même ce qui en est, et je le crois ; mais je ne crois point du tout la méchante conduite qu’on lui donne. […] Elle en convint, comme vous pouvez croire. […] Je le crois, et le crois uniquement parce que c’est vous qui m’en assurez.

5. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Contamine, et d’Angélique. »

Je le croirai, dit-elle. […] Me croyez-vous assez simple pour croire qu’à ma seule considération vous accordez ce que vous avez refusé à Mademoiselle de Vougy ? […] Je m’en suis prié moi-même, et je crois avoir bien fait. […] Mais, lui dit Contamine, croyez-vous qu’elle vous en croira à votre parole ? […] C’est tout dire, reprit Mademoiselle de Vougy, sur votre seule assurance, je la crois présentement tout autre que je ne la croyais encore ce matin.

6. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Terny, et de Mademoiselle de Bernay. »

J’en croirai là-dessus la raison, dit-elle. […] Dois-je en croire vos lettres et vos serments ? […] Votre éloignement m’en veut désabuser, lequel croirai-je ? […] Tous les gens à qui j’en parlai, crurent l’affaire faite, elle ni moi ne le crurent pas. […] La pauvre fille le croyait sincère.

7. (1691) Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales (tome 2)

Je ne les crois pas propres à la fatigue : leurs jambes & leurs gaulis trop menus me le font croire. […] Leur hauteur est difficile à croire. […] Croyons-nous, comme nos ancêtres païens le croyaient, que l’âme séparée de nos corps soit quarante jours errante ? […] Je crois que la mortalité est tombée sur eux. […] J’en puis, je crois, parler savamment, puisque ce M. 

8. (1690) Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales (tome 1)

Je crus devoir profiter de l’aventure. […] On en croira ce qu’on voudra. Pour moi, je n’en crois rien. […] Je crois pourtant, a-t-il ajouté, que puisque M. […] On en croira ce qu’on voudra : voici ce que c’est.

9. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVI. Suite de l’histoire de Silvie et de Sainville. »

Je crus que c’était un assez grand malheur pour elle d’avoir épousé Deshayes, pour me croire encore trop vengé de son infidélité ; ainsi je bornai toute ma vengeance à les laisser vivre ensemble, à les mépriser également tous deux, et surtout à ne lui parler de ma vie. […] Sainville a dû vous parler d’elle comme d’une femme qu’on croyait en intrigue avec Deshayes. […] Vous avez cru être aimée de Sainville ; vous lui avez abandonné votre cœur tout entier. […] La baronne me fit assurer par mes tantes qu’elle ne savait pas qu’elles fussent en ma chambre lorsqu’elle m’avait parlé, et je le crus d’autant plus que je ne me figurais pas que cette femme eût eu le front de parler d’elles comme elle en avait parlé si elle avait cru en être entendue. […] Le dépit et le désespoir m’ont jetée entre les bras de Deshayes ; je crus me venger de Sainville, et je n’ai fait que le venger sur moi-même de ma facilité à croire ce qu’on me disait de lui, malgré mon cœur qui le justifiait.

10. (1691) Journal du voyage des Indes orientales (à monsieur Raymond)

Je crois qu’ils mangeraient le diable s’il tombait entre leurs mains. […] Je ne l’ai pas cru d’abord, mais je l’ai vu, et voici ce qui en est. […] Je ne croyais pas que cet abandon allât jusques à cet excès, mais je l’ai vu et je le crois, et si je n’appréhendais de vous offenser, je vous dirais des choses que vous ne croiriez pas. […] Cela me paraît si vraisemblable que je le crois. […] Tout cela en consomme plus qu’on ne peut croire.

11. (1721) Mémoires

Il ne voulut pas les en croire, et les fit assigner à sa requête. […] Au contraire, il se crut plus habile que jamais. […] Plusieurs personnes ont cru que c’était M.  […] Le Roi le crut ou fit semblant de le croire. […] Je crus que c’était un officier que la cour récompensait.

12. (1713) Les illustres Françaises « Les Illustres Françaises. Histoires Véritables. »

Il le regarda, et crut le reconnaître. […] Il a été assez simple pour la croire, et pour l’imiter ! […] Mais vous, interrompit Des Frans, en s’adressant à lui-même, comment l’avez-vous approfondi ce mystère que je croyais ignoré de toute la terre ? […] Vous n’avez pas tant de sujet de vous plaindre de sa mauvaise foi que vous voulez le faire croire, lui répondit Dupuis. […] Je sais mon devoir, et vous me faites tort de croire qu’il faille m’en avertir, j’irai dès demain.

13. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre LI. Le jaloux trompé »

Comme il ne voulut pas le croire, on fut obligé de le porter auprès d’elle, il l’accabla d’embrassements, et se laissa panser sans peine. […] Cet homme qui ne savait point le dessein de sa femme, et qui ne croyait pas qu’elle en eût d’autre que de faire solliciter leurs intérêts avec plus de vigueur, lui en parla, et il consentit de l’y accompagner. […] Il crut qu’elle regrettait la liberté que cette ceinture lui avait fait perdre, et croyant être vulcanisé en idée, s’il ne l’était en chair et en os, il s’emporta d’une manière terrible. […] Celui-ci crut que c’était un Argus que sa femme voulait éloigner d’elle, et cette pensée qui le frappa vivement, lui fit regarder cette femme comme une personne plus nécessaire à son repos qu’elle ne lui avait jamais paru. […] Votre mari a cru avoir pris, et a pris en effet toutes les précautions qu’il pouvait prendre.

14. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Jussy, et de Mademoiselle Fenouil. »

M’aimez-vous autant que vous voulez me le faire croire, me demanda-t-elle en me regardant fixement. […] Je ne lui dis point mon nom, je me crus seulement obligé, à cause de la patrie, de lui donner quelque avis sur sa conduite, qui était extrêmement libertine, surtout dans un pays où la jalousie règne, et où les maris se croient tout permis pour venger l’honneur qu’ils croient qu’on leur ôte, par le commerce qu’on peut avoir avec leurs femmes, ou avec une autre de leur famille. […] Ils le firent, de sorte que mes parents me croient encore présentement en l’autre monde. Mais j’ai cru devoir les tromper les premiers, afin qu’ils aidassent de bonne foi à tromper les autres. […] Ils ne pouvaient savoir avec qui, tant la mort de Jussy qu’on croyait certaine les mettait hors d’œuvre.

15. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXIV. De l’arrivée de plusieurs personnes dans l’hôtellerie. Qui étaient ces personnes. Nouvel exploit de Don Quichotte. Sanglants combats. »

Le cavalier, qui était bien mis, leur parut français, et avoir la bourse bien garnie ; outre cela, ils le crurent de la compagnie de celui qui venait de se défendre si bien contre eux, et qui avait blessé deux des leurs. […] Don Pedre se tourna en effet, et voyant encore un homme qu’il croyait avoir assommé, fit face à notre chevalier, après avoir dit à ses gens d’emmener Eugénie. Le valet de Deshayes qui croyait son maître mort, avait résolu de le venger et de rendre à Don Quichotte le secours qu’il leur avait si généreusement prêté. […] Don Quichotte qui la crut morte résolut de la venger : Ah maudits Sarrasins ! […] Celle-ci qui croyait la comtesse morte, pleurait, criait et s’arrachait les cheveux sans répondre une parole.

16. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLIX. Repas magique. Apparition d’un nouvel enchanteur. Défi fait à Don Quichotte, et ce qui s’ensuivit. »

Crois-tu qu’il suffise à un homme d’avoir de l’esprit et de la science, et que ce soit la seule force jointe à la valeur qui doive régler toutes les actions de la vie ? Désabuse-toi si tu l’as cru, puisqu’il faut avec cela du bon sens, de la prudence et du discernement. […] Il m’a dit son nom ; c’est je crois Freslon, Friton, Foulon. —  Non, non, reprit Don Quichotte, c’est un magicien qu’on nomme Freston. —  Oui, oui, oui, Monsieur, dit Sancho en interrompant son maître, c’est lui-même ; il souvient toujours à Robin de ses flûtes. […] C’est ce maudit magicien-là, poursuivit-il avec fureur, qui avait enchanté l’épée du chevalier Sancho ; mais je jure de ne me pas faire couper poil de barbe que je ne l’aie trouvé ; et afin qu’il ne puisse plus m’en donner à garder, je porterai aussi bien que lui mon épée nue. —  Désabusez-vous, Seigneur chevalier, lui dit le duc, je ne crois pas que ce soit lui qui ait fait cet enchantement, je crois plutôt que ç’a été Parafaragaramus, qui n’a pu souffrir que vous vous exposassiez avec des armes inégales contre un démon. […] Des gens moins prévenus que nos aventuriers auraient bien pu s’apercevoir que le gazon avait été coupé ; mais quand cela serait arrivé, ils étaient sur le pied de croire à un besoin que ce trou était un des soupiraux de l’enfer, plutôt que de n’y trouver pas quelque chose d’extraordinaire et digne de leurs visions.

17. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « ChapitreLII. Le mari prudent »

Cléon trouva pour sa fille un parti qu’il crut mieux son fait. […] Verville prévit tout d’un coup ce qu’il en pouvait espérer, et ne se crut pas malheureux. […] Justin le crut, ou fit semblant de le croire, et sans se hausser ni se baisser, il n’en fit pas plus mauvais visage à sa femme, et se contenta de la prier de n’entretenir plus de commerce avec Verville, et de cesser de le voir. […] Cléon connaissait son gendre pour homme incapable d’ajouter une syllabe à la vérité ; cependant tout certain par là du désordre de sa fille, il ne laissa pas de lui dire qu’il voulait tout voir de ses yeux, et qu’il n’en croirait point d’autres témoins. […] Vous avez raison de croire que le vôtre y était intéressé ; mais que ce soit à lui que je doive le mien, je vous promets de n’être point ingrat de votre discrétion.

18. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIV. Départ de la compagnie. Comment Sancho fit taire le curé. Aventures diverses arrivées à cet infortuné chevalier. »

On lui fit croire qu’un nécromancien avait enchanté son cheval, et on lui conseilla d’en changer. […] Celui-ci, qui avait ses ordres, et qui n’avait été retenu que pour cela, fouilla Sancho, et lui prit son trésor avec tant de subtilité, que personne ne s’en aperçut, et qu’on crut qu’il avait manqué son coup. […] Comme on entendit un cor en arrivant au château, nos aventuriers crurent que c’était un nain qui en sonnait. […] Sancho crut tout de bon que cette fille ne pouvant rien avancer auprès de son maître, se rabattait sur lui. […] Notre chevalier passa outre après ce discours avec son triste écuyer, qui crut tout de bon qu’Altisidore avait eu le même sort que lui, dans la pensée qu’elle avait eu la même mauvaise intention.

19. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIII. Belle morale du seigneur Don Quichotte. »

J’avais résolu de ne point traduire aucun de ses sermons et de les sauter tous ; mais celui qu’il fit dans cette rencontre m’a paru si beau et si plein de bon sens, que je n’ai pas cru devoir en priver le lecteur. […] Cependant ce qui n’est pour lui qu’une galanterie, à ce qu’il croit, passe dans son esprit pour un crime irrémissible dans sa femme, et la vengeance qu’il en tire est tout à fait indigne d’un cœur généreux. […] reprit la duchesse, croyez-vous qu’elles soient toutes méchantes ? […] Je ne m’étonne pas si vous croyez qu’elles sont douces, vous autres gens d’Eglise, vous ne les voyez que dans leur bonne humeur. […] Cid Ruy Gomez croit que c’est celle d’Angélique, qui fut tout d’un coup aimée de Roland, comme elle aima depuis tout d’un coup le beau Médor.

20. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLVIII. Du combat de Don Quichotte contre Sancho, et quelle en fut la fin. »

Sancho qui se croyait invulnérable, et par conséquent invincible sous les armes que l’enchanteur lui avait données, et qu’il avait gagnées aux dépens des meurtrissures de son dos et des lieux circonvoisins, se leva promptement et s’arma avec beaucoup d’allégresse. Il ne craignait que la soif et la faim ; mais il se flatta que Parafaragaramus y pourvoirait, et sur cette croyance il sortit avec un air si délibéré qu’il fit croire à Don Quichotte qu’il y aurait de la peine à le vaincre ; il s’en réjouit néanmoins, parce qu’il se figura que la gloire en serait plus grande. […] Don Quichotte qui avait cru prévenir Sancho, fut fâché de ce qu’il en était arrivé autrement, et choqué de cette avance de son écuyer, qui pourtant était selon le cérémonial de l’Ordre. —  Eh ! […] Lorsqu’il crut être assez éloigné il tourna visage, se recommanda à son imaginaire Dulcinée, qu’il invoqua entre cuir et chair, et voulut mettre sa lance en arrêt, mais il la rompit. […] Il te hait peut-être encore à cause de ton maître, qu’il veut perdre, et qu’il hait comme le diable, parce qu’il est écrit dans les destinées, que le grand Don Quichotte doit combattre et vaincre un jeune chevalier, qu’il protège, et que tous les démons croient son bâtard ; avertis-l’en, afin qu’il s’en donne de garde, et que vous vous prépariez tous deux à soutenir de rudes combats en peu de temps, et à soutenir les plus glorieuses aventures de votre vie, pour tirer la pauvre princesse Dulcinée du Toboso de l’enchantement où Merlin la retient comme une gredine dans la caverne de Montésinos.

21. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre L. Dissertation sur la différente manière d’aimer des Espagnols et des Français. »

Don Quichotte avec plaisir, parce que la vie qu’il avait menée chez Valerio lui semblait trop molle et trop délicate pour un homme aussi nécessaire au public qu’il croyait être, et qu’il espérait que la campagne lui étant ouverte, il trouverait des aventures à tout moment. […] Les Français en convinrent, et prétendirent que c’était un amour effectif qui leur inspirait cette pleine confiance, qu’ils se mettaient sur le pied de croire toute sorte de vertus dans leurs femmes et dans leurs maîtresses, et que d’ailleurs ils se flattaient d’avoir assez de mérite pour retenir un cœur qui s’était une fois donné à eux ; que dans cette persuasion, et surtout dans celle d’être parfaitement aimés comme ils aimaient, ils ne concevaient pas ces soupçons injurieux auxquels les Espagnols étaient sujets. […] Les Français convinrent encore de cela ; mais ils ajoutèrent que ce n’était pas par un motif d’indifférence, que les amants et les hommes mariés abandonnaient en France leurs maîtresses et leurs épouses à la garde de leur seule bonne foi, puisque toutes leurs actions les touchaient autant qu’elles pouvaient toucher les Espagnols ; mais que cela provenait encore du fond inépuisable d’estime qu’ils avaient pour elles, et de leur confiance en leur vertu, qui les empêchait de croire qu’elles pussent faire aucune démarche contre la fidélité qu’elles leur avaient jurée, ni même avoir la moindre pensée dont ils pussent tirer aucun sujet légitime de se plaindre. […] Les Français ne purent s’empêcher de rire d’un si faible argument que les Espagnols croyaient persuasif et convaincant ; ils le réfutèrent en Français honnêtes, et qui entendaient raillerie. […] Pour montrer la différence qu’il y a entre ces divers procédés de gens qui ont des épouses infidèles, dit Sainville, et qu’il y en a qui sont plaints par le public, ou dont on ne parle seulement pas, et d’autres moqués et raillés avec juste raison, pour faire voir en même temps que ce point d’honneur qu’on y attache dépend beaucoup plus de la conduite du mari que de celle de la femme, quoique ce soit elle qui fasse le crime, pour montrer que ce ne sont pas ceux qui examinent la conduite de leurs épouses avec le plus de vigilance qui sont le plus à couvert de leur infidélité, et que c’est cette conduite qui les y pousse, je crois qu’il est à propos que chacun de nous raconte quelque aventure qu’il sache certainement être arrivée de notre temps en France même, afin de ne point mêler d’histoires étrangères dans nos entretiens ; et pour cet effet, je vais, poursuivit-il, en conter une qui montrera que les précautions d’un jaloux donnent déjà de lui un sujet de risée, qui est encore augmenté lorsqu’il a affaire à des gens qui ont l’esprit de les rendre inutiles, et de les tourner contre lui-même, et qui prouvera en même temps, que la jalousie est en effet un poison mortel pour ceux qui s’y abandonnent.

22. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVI. De ce qui suivit le désenchantement de Dulcinée. »

Un diable de si bonne mine attira l’attention de nos deux chevaliers, et Pluton lui ayant permis de parler, il commença par remontrer toutes les peines qu’il se donnait pour rendre les femmes belles et attirantes, qu’il inventait tous les jours quelque pommade et quelque essence pour conserver leur teint, ou bien pour en cacher les rides, qu’il avait depuis peu de temps travaillé à cela avec beaucoup de succès, puisqu’il y avait des femmes âgées de plus de soixante ans qui ne laissaient pas par son moyen de paraître avec des cheveux bruns, une peau unie et délicate, et enfin si jeunes qu’il faudrait avoir en main leur extrait baptistaire pour les croire plus vieilles que leurs enfants ; que cela faisait augmenter le nombre de leurs amants, et augmentait en même temps celui des sujets de l’enfer ; mais que malgré tous ses soins il courait risque de perdre son temps s’il y avait encore dans le monde deux hommes de l’humeur du chevalier Sancho, qui à tout moment disait pis que rage des femmes, et tâchait d’en dégoûter tout le monde ; que si cela était souffert, il n’avait qu’à laisser en enfer son panier plein de cornes, parce qu’il ne trouverait plus de femmes qui en pussent faire porter à leurs maris, n’y ayant plus aucun homme qui leur voulût aider à les attacher, qu’il avait employé un temps infini pour en faire qui fussent propres à tout le monde, qu’il y en avait de dorées pour les maris pauvres, et qui se changeaient sur leur tête en cornes d’abondance ; qu’il y en avait d’unies et simples pour ceux dont les femmes faisaient l’amour but à but ; qu’il y en avait de jaunes pour ceux qui épousaient des filles qui avaient déjà eu quelque intrigue ; de blanches pour ceux qui épousaient des veuves ; de noires pour ceux qui épousaient des fausses dévotes ; de diaphanes et transparentes pour ceux dont les femmes savaient cacher leur infidélité ; de vertes pour ceux qui épousaient des filles élevées dans un couvent ou dans une grande retenue ; et de rouges pour ceux dont les femmes payaient leurs amants, à qui d’ordinaire elles ne se contentaient pas de sacrifier la bourse et l’honneur, mais le sang même de leur époux ; que chaque couleur convenait parfaitement à la qualité d’un chacun ; qu’il y avait dans le monde assez de femmes de vertu qui rebutaient les hommes, sans que Sancho voulût mettre les hommes sur le pied de rebuter les femmes ; que c’était de quoi il demandait justice, et protestait en cas de déni de laisser toutes les femmes et les filles en garde à leur propre vertu, sans les tenter dorénavant par lui-même, et sans les faire tenter par d’autres, ni leur fournir les occasions d’être tentées. Sancho qui n’avait jamais cru qu’on eût dû lui faire un crime de cinquante bagatelles qu’il avait dites sans dessein, tomba de son haut à ce plaidoyer. […] Après cela il arrêta un moment, et Sancho qui croyait en être quitte prit ce temps-là pour dire à son maître, que les juges d’enfer ne sont pas si diables qu’on le dit, puisqu’ils entendent raison. […] Le pauvre diable croyait bien encore cette fois-là être quitte de toutes ces persécutions, mais un autre démon l’entreprit en lui disant : N’as-tu pas entendu lire par ton maître ce qui est écrit au-dessus de la porte du palais de Merlin, et qui conduit à celui de Pluton où tu es ? […] Ce n’était que miroirs de tous côtés, lustres éclatants d’or et d’argent, et une musique charmante s’y faisait entendre ; enfin ils croyaient être effectivement dans un palais enchanté, et Sancho n’aurait pas cru sortir de l’enfer si son corps, sa barbe et ses joues n’en avaient porté des marques.

23. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLI. Don Quichotte et Sancho s’arment pour aller combattre les brigands. Ces deux chevaliers font des actions de valeur inouïes. »

Chevalier Sancho, lui dit le duc, c’est vous que je croyais de mes bons amis, et vous empêchez le seigneur Don Quichotte de me découvrir vos secrets. —  Oui, Monseigneur, répondit Sancho, il y a temps de parler et temps de se taire ; trop parler nuit, et trop gratter cuit. —  Si cela est ainsi, leur dit le duc, je ne m’en informerai pas davantage, mais du moins avant que de sortir venez avec moi pour décider des moyens de l’attaque et des marques que nous prendrons pour nous reconnaître. […] Lorsque le duc crut avoir assez donné de temps à Parafaragaramus pour exécuter ce qu’il lui avait ordonné, il laissa aller nos chevaliers, qui se rendirent en diligence à l’endroit qui leur avait été marqué, où ils trouvèrent chacun leur affaire attaché en trophée avec des écriteaux chargés des noms de celui à qui chaque armure était destinée. […] Ils se relevèrent, et ne se sentant point blessés, et voyant encore leurs chevaux qui n’avaient pas branlé, ils crurent effectivement que leurs armes étaient enchantées, et n’hésitèrent pas de se jeter dans cette caverne avec beaucoup de résolution. […] Ils avaient reconnu les couleurs et les bandolières du duc de Médoc, sur le corps de ceux qui étaient venus au secours de notre héros qui les avait attaqués le premier dans leur caverne ; et ils ne doutaient pas que ce ne fût lui qui leur avait dressé cette partie ; et comme ils ne croyaient pas qu’il eût osé entrer dans la forêt, ni se commettre avec des gens comme eux, ils avaient résolu de venger leur mort par la sienne ; ainsi au lieu de se cacher dans leurs retraites ordinaires, ils avaient quitté le bois, et s’étaient jetés du côté du chemin du château de Valerio, et en tournant le dos à ceux qui les cherchaient, ils croyaient trouver le duc seul, ou du moins peu accompagné et hors d’état de leur résister ; mais au lieu de lui, ils trouvèrent la duchesse son épouse.

24. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLVI. Pourquoi Sancho perdit ses armes enchantées, et du terrible combat qu’il eut à soutenir pour les recouvrer. »

Sitôt que l’officier les crut endormis, il monta au grenier, et sans faire le moindre bruit, enleva les armes du chevalier Sancho. […] Les gens qui les suivaient firent la même chose environ quinze pas des armes, et le firent si naturellement, que Don Quichotte crut qu’ils étaient enchantés, ou du moins retenus par la force de quelque enchantement : on le pria de tenter l’aventure, puisque ses armes le délivraient des enchantements. […] Il avait sur les yeux des lunettes ou des bésicles, telles qu’on en met aux enfants qui louchent pour leur redresser la vue, et Sancho croyait que c’était ses yeux qui lui sortaient de la tête ; au lieu de cheveux tressés, il s’était mis des peaux d’anguilles pleines de son, que Don Quichotte prit aussi bien que son écuyer pour des couleuvres. […] Ruy Gomez croit, mais il ne l’assure pas, que la peur lui avait ouvert les conduits par où la nature se décharge, du moins il est bien certain, qu’au lieu de son air furibond, il devint tout pâle et tremblant. […] Ce fut là qu’il crut effectivement que tous les diables d’enfer étaient à ses trousses.

25. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLVII. Suites agréables de la victoire remportée par le chevalier Sancho, et du projet que forma Don Quichotte pour le faire repentir de son indiscrétion. »

Pardi bon, dit Sancho, ce satyre-là m’a déjà porté bonheur, et je crois qu’on l’appelle Rebarbaran. —  Cela est vrai, reprit Eugénie ; d’où le connaissez-vous, reprit-elle, Seigneur chevalier Sancho ? […] Il n’osa pourtant pas assurer que ce fût Parafaragaramus lui-même avec qui il avait été dans l’hôtellerie, parce que ce sage enchanteur lui paraissait trop discret et trop honnête pour l’y avoir laissé dans une posture si indécente, et concluait par croire que c’était quelque autre qui avait usurpé son nom. A propos, Seigneur chevalier, lui dit la belle La Bastide, il me reste un scrupule et un doute qui me paraissent fort bien fondés, et qui me font croire qu’il ne vous est rien arrivé que par votre faute. […] Il voulait par là le taxer sur ce qu’il avait dit de la beauté de la comtesse, sans en excepter Dulcinée ; mais Sancho n’avait pas l’esprit assez fin pour s’imaginer une chose à quoi il ne croyait pas que son maître songeât, c’est pourquoi il lui répondit selon son sens : Ma foi, Monsieur, j’avoue que ma main et ma langue vont trop vite, mais il faut que le renard meure dans sa peau, à moins qu’on ne l’écorche en vie, et puis il ne peut sortir d’un sac que ce qu’on y a mis. […] Je ne croyais pas offenser votre bon ami Parafaragaramus, lorsque j’ai porté la main à l’arme infernale qui m’a attiré tant d’affaires ; et pour ma langue, qui diable pourrait s’en choquer, puisque je ressemble à notre curé, qui ne sait pas lui-même ce qu’il veut dire quand il ouvre la bouche, et que je ne le sais pas non plus ?

26. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVIII. Des tristes et agréables choses que Parafaragaramus apprit au chevalier de la Manche. »

Et crois-tu que Pluton s’intéresse autant à un malheureux pécheur comme toi, qu’à un aussi honnête homme que lui ? […] Ils croyaient être dans le palais enchanté de Circé ou d’Alcine, ne leur semblant pas vraisemblable qu’un enchanteur dût être si curieux dans ses meubles. […] Le désolé Sancho malgré les douleurs qu’il ressentait dans tout son corps, crut que tout ce qui lui était arrivé n’était qu’un rêve. […] Il continua pendant une demi-heure toutes les imprécations qu’il avait lues dans ses romans ; et Cid Ruy Gomez dit qu’il les faisait de bon cœur, parce qu’il croyait avoir senti pour Alonza Lorenço une douceur de cœur et des émotions qui jusque-là lui avaient été inconnues. […] On feignit de ne pas croire que Dulcinée fût effectivement désenchantée : car, disait-on, elle serait déjà venue vous voir pour vous remercier.

27. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLIV. Ce qui se passa dans le château après cette expédition. »

Le duc de Médoc, qui avait un très grand fond de probité et d’honneur, écouta tout ce qu’on lui dit avec une patience admirable, et sans répondre un seul mot ; mais après qu’on eut achevé de lui dire tout ce qui se pouvait dire sur cette matière, il prit la parole, et après avoir remercié toute la compagnie en général du soin que chacun en particulier avait témoigné pour sa personne, il ajouta que s’agissant de rendre service au comte de Valerio, et de sauver l’honneur d’une des meilleures maisons d’Espagne, il n’aurait pas eu l’esprit en repos si lui-même n’y avait été ; que de plus, chacun se faisait dans le monde un point d’honneur et de probité selon son humeur ; qu’il avouait que la recherche qu’on faisait de gens qu’on destinait au gibet, offrait à l’esprit quelque chose de bas et de rebutant, qu’ainsi il ne blâmait point les Français de ne s’y pas commettre, parce qu’ils croyaient que cela était indigne d’un grand cœur ; mais que pour lui il était d’un autre sentiment et qu’il ne croyait pas qu’il fût plus indigne d’un prince de faire la guerre à des voleurs et à des bandits qui désolaient toute une province et ses propres compatriotes, que de la faire à des étrangers ; qu’il croyait même que c’était plus utilement servir sa conscience et le public dans une guerre de cette nature, que dans une guerre réglée, parce que les ennemis qu’on combat dans celle-ci, ne sont pas des ennemis particuliers ni domestiques, puisqu’on peut s’en défaire par un traité de paix ; mais que les autres sont des ennemis d’autant plus cruels, qu’ils ne sont retenus par aucune digue ; de plus que la guerre avait ses lois inconnues aux scélérats, et que les ennemis qu’on combattait dans une guerre de prince à prince, étaient presque toujours des ennemis contraints par la volonté et par l’ambition de leur souverain, avec qui la vie était sauve, ou du moins ne courait pas tant de risque, qu’avec les autres, qui non seulement n’épargnaient personne, mais de qui même leurs propres amis et les gens de leur connaissance avaient plus à craindre que des étrangers ; qu’enfin dans une guerre ouverte on était en état d’attaquer et de se défendre, et que l’on n’était jamais surpris qu’on ne dût s’attendre à l’être ; mais que les voleurs de grands chemins étaient des gens qui mettaient leur sûreté dans les surprises qu’ils faisaient aux gens qui ne se défiaient nullement d’eux ; et qu’en un mot c’était des ennemis d’autant plus dangereux qu’ils empêchaient le commerce et la sûreté, et qu’il n’y avait avec eux ni paix ni trêve à espérer que par leur mort ; enfin des gens universellement regardés avec exécration ; ce qui était si vrai, qu’en France même, où les gens de distinction tenaient cette chasse si indigne d’eux, les bandits et les voleurs de grand chemin étaient punis du plus long et du plus rude des supplices, et privés même de la sépulture.

28. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXV. Du tour ridicule et malin que fit Parafaragaramus au chevalier Sancho, et des événements tristes qui le suivirent. »

Et ayant appris que ces dames et le gentillhomme dont il était question, avaient été attaqués le matin dans la forêt par des voleurs, Eugénie qui ne douta point que ce ne fût encore un coup de son beau-frère, comme en effet c’en était un, se crut obligée de lui offrir un asile dans son château, tant pour elle que pour sa compagnie ; ce que la Française ayant accepté, alla prendre ses dames, qui étaient la marquise, Silvie, et sa tante, et le blessé qui était Sainville ; et tous quatre s’étant mis dans le carrosse qui les avait amenés, et la damoiselle qui avait parlé, et deux filles de chambre étant montées en croupe derrière des cavaliers, ils suivirent le duc d’Albuquerque qui prenait le chemin du château de Valerio. […] Cette pensée lui était tout à fait entrée dans l’esprit, et elle était d’autant mieux fondée que ces assassins n’avaient point demandé la bourse, et avaient tout d’un coup attaqué la vie ; il crut même que Don Pedre était Sainville qui s’était déguisé, et cela avait été cause que sans s’amuser à courir après les ravisseurs d’Eugénie, il s’était opiniâtrement attaché à lui. […] Cependant comme le Français était plus adroit que Don Pedre, celui-ci vit bientôt son sang couler, ce qui ayant achevé de le mettre en fureur il se lança à corps perdu sur le Français, mais si malheureusement pour lui, qu’il s’enferra de lui-même, et tomba roide mort ; le Français le démasqua, et voyant que ce n’était pas Sainville, il crut pour lors que ce n’était qu’un voleur, et le laissa là.

29. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LV. Don Quichotte et Sancho vont à la caverne de Montésinos. Ce qu’ils y virent, et comment se fit le désenchantement de Dulcinée. »

Don Quichotte qui croyait n’être pas éloigné de l’endroit d’où cette voix sortait, y courut et entendit distinctement une femme qui se plaignait et qui criait au secours. […] La clarté reparut peu de temps après plus belle et plus vive qu’auparavant, et fit voir à notre héros son ennemi terrassé et rendant le sang de tous côtés, ou plutôt il crut le voir, car Passamont était disparu, et c’était une figure d’homme armé qu’on avait jetée à sa place. On avait mis dans la représentation de ce corps des vessies pleines d’une liqueur rouge comme du sang, et on les avait percées de sorte que le héros de la Manche crut avoir tué le neveu de Freston, et avoir déjà commencé à se venger de son ennemi. […] Cid Ruy Gomez croit que Sancho en eut une telle épouvante que l’harmonie de son corps en fut déconcertée, et que les conduits de la nature s’ouvrirent, mais c’est dont il n’a jamais eu de connaissance certaine.

30. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLV. Pourquoi la maîtresse d’une hôtellerie voisine du château venait souvent demander des nouvelles de Sainville et de Silvie. »

Celle-ci s’était offerte à rendre tous les services qu’il pouvait prétendre d’elle, et cela avec tant de zèle, qu’il avait cru s’y devoir confier. […] Sainville accepta avec plaisir la conjoncture, d’autant plus que ne pouvant pas se passer de valet de chambre, et que celui-là lui paraissait lui être propre, il crut que c’était une affaire faite. […] Le comte du Chirou qui ne crut pas que les intérêts de Sainville fussent plus chers à Valerio que les siens, ne lui en fit aucun mystère.

31. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIX. De ce qui se passa chez le duc de Médoc après le départ de Dulcinée, et comment Sancho reçut sa femme que la duchesse fit venir au château. »

Mais Cid Ruy Gomez aime mieux croire charitablement que ce fut en bon père, et en bon mari plutôt que par vaine gloire. […] Il dit en particulier qu’il croyait qu’elles étaient devenues folles de joie, si elles ne l’étaient auparavant. […] Elle est éveillée comme une potée de souris, et croit qu’il n’y a qu’à se baisser et en prendre. […] Il était entré chez nous sans que nous le sussions, et dans le fond, bonne conscience se moque de la médisance, s’il n’y a de la rime il y a de la raison. — Je le crois, dit la duchesse, vous me paraissez trop sage pour faire entrer votre amant dans votre chambre, mais vous ne sauriez empêcher le monde de parler. — Tenez, Madame, lui dit Sanchia, Nicolas est un animal qui y va tout à la bonne foi comme un âne qui pète ; il est maigre comme un pic et court comme un daiM. 

32. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXIII. Comment on a découvert ces nouvelles aventures qu’on donne au public. »

Pour la lui faire trouver meilleure, on lui en fit mille difficultés ; et enfin le Français ardent comme un Français, offrit un si beau présent, que le valet espagnol le prit au mot, et crut assez gagner au change, en lui donnant en même temps les mémoires de Ruy Gomez et ceux d’Henriquez. Quoique l’Espagnol crût avoir pris le Français pour dupe, celui- ci ne se crut point trompé ; et en effet, s’il l’a été, ce n’est pas de beaucoup ; du moins, supposé qu’il ait fait une folie, le public lui en aura obligation, étant très certain que sans lui les mémorables aventures de l’incomparable Don Quichotte, et celles du chevalier Sancho Pança, ci-devant son écuyer, seraient restées dans l’oubli, quoiqu’elles soient dignes de la curiosité des gens qui n’ont rien de meilleur à faire que d’employer leur temps à une lecture fort inutile, sans en excepter la morale du savant Don Quichotte, dont personne ne profite, ou du moins très peu de gens.

33. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XL. Des armes enchantées que les deux chevaliers reçurent de Parafaragaramus, avec des chevaux infatigables. »

Sancho ne savait que penser de cet article, c’est pourquoi il ne voulait pas tout à fait s’expliquer, et commençait même à croire qu’elle était effectivement enchantée. […] Il connaissait assez la bravoure et l’intrépidité de notre héros, pour savoir jusques où son courage le porterait dans la forêt ; il prévoyait bien aussi que Sancho ne le quitterait pas d’un pas ; il aurait bien voulu ne les point exposer contre des bandits ; mais dans le fond, outre que Don Quichotte n’aurait pas trouvé bon que l’affaire se fût passée sans lui, le duc voyait bien qu’il lui serait d’un grand secours, et qu’après tout c’était la mort la plus glorieuse qui pût arriver à deux fous, que de perdre la vie en servant le public ; d’un autre côté il voyait bien que l’occasion serait chaude et de fatigue, et que les chevaux de nos aventuriers n’étaient point assez forts pour la supporter, ni leurs armes assez bonnes pour résister au mousquet et au pistolet ; ainsi il avait jugé à propos de les armer par cette voie étant bien persuadé que l’estime qu’ils feraient de leurs armes et de leurs chevaux, qu’ils croiraient tenir de la main d’un enchanteur, leur ami, les animerait davantage, et relèverait le courage, surtout de Sancho, qui lui paraissait abattu par la conversation qu’il avait eue avec Don Quichotte, et que lui et Parafaragaramus avaient écoutée.

34. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LX. De l’aventure qui arriva au malheureux Sancho peu de temps après qu’il fut hors de chez le duc de Médoc, et de plusieurs autres choses qui ne sont pas de grande importance. »

Sancho trop pitoyable crut devoir le consoler. […] Ces deux paysannes n’avaient jamais été si aises qu’elles l’étaient de se voir bien nourries et bien entretenues ; elles commençaient à se croire des gens de conséquence, et la duchesse ne trouvait pas un plus grand plaisir que celui de les faire jaser.

35. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVII. Des offres obligeantes que fit le duc d’Albuquerque aux dames françaises ; de la reconnaissance de Valerio et de Sainville, et de la conversation particulière que Don Quichotte eut avec Sancho. »

. —  Je le crois, répondit Sancho, on dit que vous valez vous seul plus de cent Amadis, que vous avez mis en fuite l’armée des ennemis, et que vous avez sauvé Madame la comtesse. —  Cela est vrai, répondit Don Quichotte, et s’ils n’avaient pas fui, je n’en aurais pas laissé un en vie. […] —  Ma foi, Monsieur, répondit-il, j’étais à boire et à dormir. —  Comment, interrompit Don Quichotte, je croyais que tu soutenais l’honneur de la comtesse. —  C’était mon dessein, reprit Sancho, mais il est venu un diable d’enchanteur qui m’en a détourné.

36. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLII. Comment Don Quichotte sauva la vie à la duchesse de Médoc. Nouveaux exploits des deux chevaliers. »

On a dit ci-dessus que comme le duc de Médoc était parti de chez lui sans dire à la duchesse ni où il allait ni pourquoi il sortait, ne le voyant point revenir le soir, elle s’en enquit ; et quelqu’un de ses domestiques lui ayant dit qu’il était allé chez le comte Valerio, où étaient Don Quichotte et Sancho, elle ne s’en mit pas plus en peine ; mais la journée du lendemain étant passée sans le voir revenir, et sachant d’ailleurs qu’il avait encore envoyé chercher du monde, elle crut que c’était quelque nouveau divertissement qu’il se donnait aux dépens de nos aventuriers, et voulut en avoir sa part. […] Notre héros reprit sa fureur, en même temps qu’il reprit connaissance, et joignit les bandits l’épée à la main, qui surpris de se voir sur les bras un homme qu’ils croyaient mort, se défendirent avec tout le désespoir de gens qui n’attendent que la roue, et Don Quichotte les attaquait avec toute la témérité d’un chevalier errant.

37. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LXI. Comment Don Quichotte et Sancho sortirent du château pour s’en retourner chez eux ; de ce qui leur arriva sur la route. Mort de Don Quichotte ; et ce qui s’ensuivit. »

Comme l’eau était extrêmement froide, et qu’ils en burent tous deux beaucoup, Don Quichotte dont la tête s’échauffait à mesure que ses entrailles se rafraîchissaient, demeura plus persuadé qu’auparavant que c’était là la fontaine de Merlin ; il crut même éprouver sur-le-champ la vertu de l’eau, la princesse Dulcinée ne lui paraissant plus qu’une laide paysanne, et s’étonnant de l’avoir choisie pour l’objet de ses amours. […] S’ils se persuadèrent follement que l’eau avait changé leurs cœurs, elle ne laissa pas de produire réellement un fort mauvais effet, en leur causant une pleurésie dont ils ne tardèrent guère à sentir les atteintes ; car à peine se furent-ils remis en chemin, que Sancho se plaignit d’un grand mal de côté. — Tu n’en dois pas être surpris, ami Sancho, lui dit Don Quichotte, il est impossible que cette eau merveilleuse change la disposition du cœur sans que le corps s’en ressente ; j’ai comme toi des douleurs au côté, et de plus un très grand mal de tête, qui ne fait qu’augmenter de moment en moment. — Pour moi, répondit Sancho, je crois que l’eau ne me vaut rien, et que si j’avais bu autant de vin, je serais à présent plus gai qu’un pinson.

38. (1713) Les illustres Françaises « Préface. »

À l’égard des noms que je leur ai donnés, j’ai cru les leur devoir donner français, parce qu’en effet ce sont des Français que je produis, et non pas des étrangers. […] 1 Voilà, je crois, une bonne partie de rencontres qui se trouvent ordinairement dans le monde, et la morale qu’on peut en tirer est d’autant plus sensible, qu’elle est fondée sur des faits certains.

39. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVII. Du repas magnifique où se trouva Don Quichotte, et du beau et long discours qu’il y tint. »

Ils y trouvèrent avec abondance tout ce qui pouvait rassasier la faim et la soif, et crurent être encore servis par enchantement.

/ 39