J’eus pitié de l’état où elle était. […] Il me pria d’y avoir l’œil aussi ; mais je ne fus pas en état de lui obéir. […] Je n’étais point en état de reposer ; je retournai sur mes pas à ma terre. […] Dans quel état étais-je, grand Dieu ! […] Je ne puis vous exprimer l’état où elle était : il passe l’imagination.
Picon fut bientôt dans l’état que le ministre le souhaitait. […] Un homme dans l’état où était M. […] Voilà des gens, poursuivit-il, qui sont en état de vous dire que oui. […] Si nous avions été en état d’aller les attaquer, nous l’aurions fait. […] Je lui dis dans quel état était notre vaisseau.
Jusqu’à ce temps-là ne vous chagrinez point, songez que j’ai besoin de vous, et que votre tranquillité d’esprit m’est absolument nécessaire dans l’état où je suis. […] Les larmes vinrent aux yeux de Silvie, et quoiqu’elle ne fût venue que dans le dessein de décharger son cœur, elle parut tout à coup dans un état digne de pitié. […] Le contrat en fut signé sitôt que je fus en état de recevoir des visites avec bienséance. […] Il suffit que vous lui fassiez savoir l’état où vous êtes pour qu’il vous en tire ; du moins sur ce que vous m’en avez dit je suis certaine qu’il fera tout pour vous sauver. […] Silvie en pensa mourir de frayeur ; mais on la remit, en lui faisant connaître que nous étions dans un pays à couvert de ses violences, et outre cela en état de nous défendre contre lui.
Enfin c’était une chose épouvantable que l’état où il était. […] Il les remit tous entre les mains de son lieutenant et de son greffier, qui firent mettre dans une charrette ceux qui étaient blessés, et hors d’état d’aller à pied, et qui firent marcher de bonne grâce à coups de bâtons ceux qui pouvaient mettre un pied l’un devant l’autre. […] La belle Dorothée son épouse n’avait pu souffrir qu’il s’éloignât, et Eugénie avec les Françaises qui s’étaient jointes à elle, l’avaient prié avec tant d’instance de rester dans le château pour mettre ordre à tout en la place de Valerio, qui n’était point en état d’agir, qu’il n’avait pu se dispenser de demeurer, outre que d’ailleurs il n’était point véritablement homme de guerre, joint à cela que le duc de Médoc lui-même l’en ayant prié, il avait été obligé de céder à tant d’importunités. […] Valerio et Sainville de leur côté l’avaient supplié presque à mains jointes de remettre la partie à une autre fois, et d’attendre quelque temps qu’ils fussent en état de le seconder et de l’accompagner. […] Il fut en même temps surpris et réjoui de voir la duchesse sa parente ; il frémit du péril qu’elle avait couru, et eut beaucoup de douleur de voir Sancho dans l’état affreux où il était.
Je lui fis compliment sur l’état où je le voyais, je pris part à sa tristesse, et tâchai de le consoler. […] Je ne l’entretins d’abord que de propos proportionnés à son état. […] C’est, dit-elle, de l’envoyer quérir pendant que vous serez ici, et de lui déclarer vous et moi, l’état où nous sommes. […] Elle alla donc dans cet hôpital, elle y trouva sa fille, dans quel état, grand Dieu ! […] A peine ouvrit-elle ses yeux mourants, on la porta dans cet état dans la chambre dont je vous ai parlé en présence de sa mère.
Dans l’état où je suis, lui répondis-je, en me jetant à ses pieds, il ne m’est plus permis de feindre. […] Une fortune meilleure vous attend, et je ne dois pas non seulement vous laisser borner vos espérances, mais même déchoir de l’état où vous êtes née. […] Elle n’avait aucun prétexte pour le refuser, et elle n’était point en état de l’accepter. […] Demain, poursuivit-elle, vous me verrez dans le même état que je viens de mettre ma petite chienne. […] J’en fus au désespoir, mais je n’étais point en état de la venger que par ma douleur.
Le pauvre homme n’a rien de mâle, et je suis encore au même état que j’étais lorsque j’ai été épousée ! […] Elle me promit donc de cacher avec soin l’état où elle était. […] Je lui dis que non, et qu’il savait bien lui-même que je n’étais pas en état de me marier. […] Un homme moins aguerri que moi, aurait été surpris de la trouver dans l’état qu’elle était. […] Pour Madame Morin, elle n’était plus en état de les entendre, je m’aperçus qu’elle était morte.
Elle poussa la porte, et la première chose qu’elle vit fut le chevalier Sancho dans l’état où l’enchanteur l’avait mis ; malgré toute sa modestie elle ne put s’empêcher d’en rire ; le duc qui lui donnait la main, Dorothée et Gabrielle qui les suivaient, et qui eurent la même vision, en rirent aussi à gorge déployée ; l’officier était sur les épines dans la crainte que le scandale ne lui fît des affaires, mais voyant que tout le monde en riait, il en rit aussi et courut détacher le patient qui suait à grosses gouttes. […] Il ajouta que s’il était en état de sortir de sa chambre il irait les voir et les assurer qu’ils étaient absolument les maîtres chez lui, et en même temps pria la comtesse d’aller donner ses ordres pour que rien ne leur manquât. […] Il fut visité le premier comme le plus malade, et le chirurgien ayant eu ordre de venir rapporter au comte et à la comtesse l’état de la santé de leurs hôtes, il vint leur dire que Sainville était, comme Valerio, sans aucun danger pour la vie, et uniquement épuisé par la perte du sang ; mais que pour Deshayes il avait plus besoin d’un confesseur que de tout autre secours, et que c’était sûrement un homme mort dans vingt-quatre heures au plus tard ; ce fut aussi le sentiment du vieillard qui avait le premier pansé Valerio chez les chevriers. […] Comme les différents sentiments ne permettaient pas que les esprits fussent portés à la joie, on ne fit point prier Sancho de venir souper, et il resta avec l’officier dont les civilités bachiques lui plaisaient plus que la meilleure compagnie, outre que n’ayant pas tout à fait tenu parole à la comtesse, et se souvenant bien de l’état où elle l’avait vu dans l’hôtellerie, il ne cherchait pas à se présenter à ses yeux.
Chacun se mit donc en état de manger, et mangea en effet, et même de bon appétit. […] En même temps il voulut monter à cheval, et obliger Sancho à se désarmer ; mais le spectre lui dit qu’il était indigne à un chevalier de se servir des armes d’autrui, et de n’avoir pas toujours les siennes sur le dos ; et laissant là Don Quichotte, il demanda à Sancho s’il voulait en attendant que le chevalier des Lions fût en état de lui donner satisfaction, s’éprouver seul à seul contre lui. […] Sitôt que notre héros fut rentré dans le château, son premier soin fut d’aller visiter ses armes, qu’il trouva blanches et bien polies, avec une autre lance en bon état, et deux lions peints au naturel sur son écu ; aussi n’était-ce pas le même écu qu’il avait porté dans la forêt, la peinture n’en aurait pas été sèche ; c’en était un autre que le duc avait fait peindre depuis quelque temps, et qu’il fit mettre à la place du premier, pour toujours faire trouver à notre héros du merveilleux dans tout ce qui lui arrivait. […] Il s’arma de pied en cap, bien résolu de ne mettre point les armes bas qu’il n’eût trouvé l’insolent enchanteur Freston, et de ne plus s’exposer à ses impertinentes railleries, sans être en état de l’en faire repentir. […] Elle poursuivit, en disant qu’elle avait appris de lui que c’était le lâche Freston lui-même qui avait enchanté l’épée du chevalier Sancho, parce qu’il n’était qu’un poltron qui n’aurait jamais osé se moquer de lui ni le braver s’il avait été en état de défense ; que Parafaragaramus lui avait promis de le combattre lui-même en sa présence, et se faisait fort de le renvoyer en enfer aussi vite qu’il en était venu ; cependant qu’il n’avait pas pu se dispenser de lui dire qu’en sortant d’avec lui, ce maudit enchanteur avait été dans la caverne de Montésinos, où il avait eu en effet la barbarie de donner vingt coups d’étrivières bien appliqués à la pauvre princesse Dulcinée, et que sans doute il aurait encore porté sa cruauté plus loin si Parafaragaramus lui-même ne l’en avait empêché, et ne l’avait obligé de prendre la fuite, et d’abandonner cette pauvre dame, après l’avoir traînée longtemps toute nue sur les ronces et les épines ; que cette pauvre désolée avait appelé plus de cent fois son fidèle et bien aimé chevalier Don Quichotte à son secours, et que c’était cela qui avait redoublé la fureur de son bourreau ; mais que Parafaragaramus l’avait un peu remise, en lui promettant qu’avant qu’il fût huit jours il la vengerait, et que l’invincible chevalier des Lions romprait son enchantement ; que c’était ce que Parafaragaramus lui avait donné ordre de lui dire, et qu’il dormît en repos sur cette assurance. — Ah !
Quand on est dans cet état-là, les choses paraissent dans un autre point de vue qu’en santé. […] J’avais une douleur très véritable de l’état où je le voyais. […] Sa femme de chambre qui savait l’état où nous en étions, me les laissa prendre. […] Vous êtes son ami, ayez pitié de l’état où nous sommes lui et moi. […] Je n’ose pas vous la nommer par la grande disproportion de l’état où je vous vois, à celui où était cette fille.
M.de Porrières lui a dit que notre gouvernail étant en pitoyable état, c’était son sentiment d’aller à Négrades pour le raccommoder ; qu’en deux jours de travail il serait en état d’aller à Mergui joindre M. du Quesne, qui pourtant pouvait être à Négrades aussi bien qu’à Mergui. […] M.du Quesne, qu’ils assurent avoir été tué, & qui pourtant est en état de leur faire connaître qu’il est en vie. […] Ils restèrent dans cet état lugubre, qui m’inspirait une espèce d horreur, environ un gros quart d’heure. […] Nous avons chacun sur son état noté les ballots, lui ceux qu’il a envoyés, moi ceux que j’ai reçus, tous suivant leur numéro. […] & j’envoyais dans chaque chelingue l’état par numéro des ballots dont elle était chargée.
Monsieur de Porrières lui a dit que son gouvernail étant en pitoyable état, c’était son sentiment d’aller à Négrades. […] En vérité l’état où nous sommes nous fait pitié à nous-mêmes. […] Je ne sais dans quel état sont le Florissant et le Dragon, car nous ne leur avons pas parlé. […] Que son gouvernail n’était pas en meilleur état que le nôtre. […] On dit que les courants sont pour nous : tant mieux si cela est car autrement nous serions toujours au même état.
Cependant un des bandits, qui restait en état de défense, voyant bien que sa résistance ne servirait de rien, s’était servi de l’occasion, et étant promptement monté sur le cheval qui s’était déchargé de Sancho, il le piquait, ou plutôt le pressait de tout son possible, car il n’avait point d’éperons, et se serait peut-être sauvé, si Sancho ne s’en fût point aperçu. […] Don Quichotte qui venait de terrasser celui qui avait voulu tuer la duchesse. ne voyant plus qu’un homme en état de défense, et qu’il lui venait encore du secours d’un autre côté, se contenta de recommander de ne le pas tuer, et de le prendre vif, après quoi il se mit aux trousses du fuyard, qu’il eut bientôt atteint, et dont il eut aussi bientôt purgé le monde. […] Pendant qu’il était occupé à cette belle action, Don Quichotte l’avait été à faire lier ceux qui étaient encore en état de défense, et tous deux n’ayant plus rien à faire, Sancho se ressouvint qu’il avait soif, et fit ressouvenir son maître de la même chose.
Verville, qui aurait voulu être bien loin, gagna la porte ; mais il ne sortit pas sitôt qu’il l’aurait voulu, parce qu’il fut arrêté par Cléon qui était resté immobile sur un siège les larmes aux yeux, tant l’état où il avait vu sa fille lui avait été sensible. […] Pendant tout ce temps-là Silvie resta aux pieds tantôt de son époux, tantôt de son père, dans un état digne de compassion. […] Pendant le chemin, le beau-père félicita son gendre d’avoir eu la prudence de ne point faire éclater ses chagrins domestiques, et blâma ceux qui le faisaient, parce qu’outre qu’ils se rendaient la risée du public, ils se mettaient hors d’état eux-mêmes de suivre des sentiments plus doux lorsque leur cœur était changé. […] On en peut inférer encore que les pères et les mères devraient consulter l’inclination de leurs enfants avant que de les engager pour toute leur vie dans un état tel que celui du mariage ; mais la meilleure instruction qu’on en peut retirer, c’est qu’une femme ne doit jamais mettre sa vertu à l’épreuve.
La duchesse de Médoc qui l’avait souvent été voir, était très fâchée de son indisposition, parce qu’elle n’en pouvait pas tirer tout le plaisir qu’elle en aurait voulu ; mais elle comptait bien de s’en dédommager sitôt qu’il serait en état d’agir et de sortir ; ce qui arriva dès qu’il put ouvrir les yeux ; c’est-à-dire environ huit jours après que son accident lui fut arrivé. […] Valerio et Sainville qui commençaient à se mieux porter, et qui étaient en état de prendre l’air, étaient montés dans sa chambre avec le reste de la compagnie, et firent partie en sa présence pour aller le lendemain tous ensemble à l’entrée de la forêt, et se promener au même endroit où Eugénie avait été délivrée. […] Cid Ruy Gomez fait ici une grande digression sur l’état où se trouva Sancho après ces terribles menaces et sur l’inconstance des affaires du monde.
On a dit que le duc de Médoc était un fort honnête homme, aussi bien que le duc d’Albuquerque ; le comte Valerio et le comte du Chirou, et tous, comme on l’a vu, avaient obligation à Don Quichotte, tant par rapport à eux-mêmes, qu’à cause de leurs épouses, surtout le duc et la duchesse de Médoc, le comte de la Ribeyra, Eugénie son épouse et le comte du Chirou, qui tous lui devaient la vie, et les femmes leur honneur ; et comme la reconnaissance est le propre des bons cœurs, ils avaient résolu de faire paraître la leur dans toute son étendue, et de renvoyer notre héros chez lui dans un état à ne lui rien laisser à souhaiter pour la vie ; mais ils avaient résolu de lui faire recevoir leurs présents comme venant de la main d’un enchanteur, parce qu’ils étaient bien persuadés qu’il était trop généreux pour les accepter de main à main. […] Sitôt que tout fut résolu, le duc les fit partir pour son château, avec ordre de mettre tout en état de bien recevoir les aventuriers errants. […] Après cela tous ces nouveaux venus prirent congé et allèrent au château de Médoc faire tout mettre en état pour la réception qu’on avait préméditée. […] Don Quichotte répondit pour tous deux, que des gens de leur profession devaient toujours être en état de mettre à fin les aventures, et que peut-être l’enchanteur Freston était là autour, qui ne cherchait qu’à leur faire pièce.
Ces civilités respectives eurent leur effet ; et les chevaux, contre toute apparence, sortirent de cet embarras dans le même état qu’ils y étaient entrés. […] Vous être le maître, dit Des Ronais, mais tout au moins, en attendant votre tailleur, vous boirez bien un coup à ma santé ; quatre si vous voulez, reprit Des Frans en riant, mais laissez-moi m’habiller ; car dans l’état où je suis, crotté et vilain, je me fais peur à moi-même. […] Voilà, poursuivit Dupuis, l’état où nous en sommes, fort affligés de la mort funeste du pauvre religieux.
Je fis semblant d’ignorer comment on en dressait les états. […] Foulquier, apothicaire, l’état des médicaments donnés à nos trois vaisseaux. […] J’en reviens à Pythagore, qui met cette âme dans un état de mouvement perpétuel en la faisant passer d’un corps dans un autre. […] Et n’en peut-il pas arriver de même de tous les états de la vie ? […] Il m’a demandé mon régître, et mon état de consommation.
Le chirurgien qui l’avait pansé les pria de lui laisser quelque repos jusques au lendemain, n’étant point du tout en état de parler ni de voir qui que ce fût. […] Là-dessus il conta à son maître tout ce qui lui était arrivé, avec son ingénuité ordinaire, confessant qu’il avait éloigné le combat avec Parafaragaramus, parce qu’ils avaient fait la paix, mais que ce n’était assurément pas lui, mais que celui qui avait pris son nom lui avait joué ce vilain tour. — Je n’ai jamais lu, reprit Don Quichotte, que pareille aventure soit arrivée à chevalier errant ; mais mon enfant, il arrive tous les jours des choses nouvelles et surprenantes, aussi ne devais-tu pas entrer dans l’hôtellerie, ni quitter le champ de bataille, non plus que ton cheval, parce qu’un bon chevalier doit toujours être en état. — Ah pardi je vous tiens, interrompit Sancho, la pelle se moque du fourgon ; médecin guéris-toi toi-même ; t’y voilà, laisse-t’y choir ; à bon entendeur salut. — Que veux-tu dire, lui demanda Don Quichotte, avec tes proverbes entassés l’un sur l’autre ?
Ma sœur est trop raisonnable, reprit Madame d’Ornex fort scandalisée de mes paroles, pour embrasser un état où elle ne serait point appelée. […] Tout cela m’avait fait trouver mon état supportable. […] Cet homme est de qualité ; mais assez malhonnête homme, pour vouloir m’épouser, après l’aveu sincère que je lui ai fait de l’état de mon cœur, je vous aime trop pour être infidèle. […] Le maître d’hôtel de mon père a eu pitié de l’état où j’étais réduite, il m’a donné les moyens d’en sortir. […] Je vous ai écrit plus de vingt lettres, on m’a assuré que vous les avez reçues, et que vous n’en avez fait aucun état.
La pauvre Dulcinée en a reçu à plusieurs et diverses fois la somme de trois mille six cent trente-six ; en sorte qu’il en reste encore vingt-quatre à donner pour lever la souffrance de l’état final du compte, et je requiers que Sancho les reçoive en ta présence, après quoi Dulcinée sera désenchantée, et tu la verras toi-même dans un état de beauté dont tu seras ébloui, et pour lors le brave et le fidèle chevalier des Lions pourra l’emmener comme sa conquête, à la remise que je lui fais des frais de capture, gîte et geôlage. […] Elle regarda pour lors Sancho ; mais par une action de modestie elle lui tourna le dos, et dit qu’un homme dans l’état où il était choquait sa pudeur.
Chacun mesurait son ambition à son état, et non pas son état à son ambition ; on ne voyait pas comme on voit aujourd’hui de malheureux publicains, dont l’opulence n’a tiré sa source que de l’usure et de la mauvaise foi, dans la levée des deniers du prince, faire réformer, et rendre plus vastes et plus magnifiques pour leur usage particulier, les mêmes palais dont peu de temps auparavant les princes s’étaient contentés.
Pour peu que l’ambition de sa femme eût été modérée, il était en état de la rendre heureuse ; ainsi il ne chercha pas tant le bien que la vertu, et pour me servir de ses propres termes, il chercha une femme qui pût lui faire des enfants dont il fût lui-même le père. […] Il lui dit que son cœur et sa possession faisait tout son bonheur, et qu’elle lui était tellement chère qu’il ne connaissait point d’homme plus heureux que lui, et que l’état où elle le voyait ne provenait que de la peur de la perdre, ou de la partager avec un autre aussi heureux et peut-être plus heureux que lui. […] Elle lui dit en riant qu’elle savait bien que sa vertu était en sûreté, non seulement par l’innocence et la pureté de ses intentions, mais aussi par la précaution de son époux ; mais que cependant il n’était ni de son honneur ni de son devoir de rester dans un état de tentation continuelle, à laquelle quand bien même elle ne succomberait pas, elle se reprocherait toujours la présence d’un homme déguisé auprès d’elle, qui pouvait être reconnu par mille contretemps que toute la prudence humaine ne pouvait prévoir et laisser une tache à sa réputation. […] Pour ce que j’ai à craindre de lui, Dieu en est le maître, j’espère qu’il ne m’abandonnera pas ; il faut attendre un de ces revers qu’il sait faire naître lorsqu’on les espère le moins. — Je ne vous promets rien, Madame, répliqua-t-il, l’état où je suis est trop douloureux pour ne pas m’engager à chercher les moyens d’en sortir.
Elle ne savait quel parti prendre pour se défaire de lui, et ne point donner sujet de jalousie à Sainville, et elle était encore incertaine de ce qu’elle devait faire lorsqu’elle apprit que ce prétendu valet de chambre était aussi bien qu’elle dans le château de Valerio, où il venait d’être apporté de l’hôtellerie ; elle apprit aussi que sa santé se rétablissait d’heure en heure, et qu’avant deux ou trois jours il serait en état de se rendre à ses devoirs auprès de Sainville. […] Que pour le comte du Chirou, ils n’avaient pas toujours été si bons amis qu’ils étaient parce qu’ils avaient aimé la même maîtresse à Gironne, que pourtant malgré sa concurrence, du Chirou n’avait jamais voulu le faire arrêter comme il le pouvait lorsqu’il allait dans cette place dont les Français étaient maîtres, pour voir incognito leur commune maîtresse ; mais qu’enfin tous deux ayant reconnu que non contente de les sacrifier l’un à l’autre, elle les sacrifiait encore tous les deux à un troisième, ils s’étaient joints d’intérêt pour avérer sa perfidie, et la prendre sur le fait ; qu’ils y avaient réussi, et que cette conformité d’aventures les ayant rendus fort bons amis, qu’ils s’étaient promis amitié et secours partout où ils se trouveraient, sauf le service de leur souverain et l’intérêt de leur honneur ; que même sitôt que la paix avait été faite entre la France et l’Espagne, du Chirou l’était venu voir à Barcelone, où il s’était fait porter blessé, et lui avait offert sa bourse, et tout ce qui pouvait dépendre de lui, pour lui rendre tous les services qui auraient pu lui être nécessaires dans l’état où il se trouvait.
Pardi, Monseigneur, lui dit Sancho tout gaillard, tant de l’état où il se voyait, que d’une bouteille qu’il avait presque vidée seul, il fait bon avoir des amis partout, et en enfer comme ailleurs. […] Ils avaient reconnu les couleurs et les bandolières du duc de Médoc, sur le corps de ceux qui étaient venus au secours de notre héros qui les avait attaqués le premier dans leur caverne ; et ils ne doutaient pas que ce ne fût lui qui leur avait dressé cette partie ; et comme ils ne croyaient pas qu’il eût osé entrer dans la forêt, ni se commettre avec des gens comme eux, ils avaient résolu de venger leur mort par la sienne ; ainsi au lieu de se cacher dans leurs retraites ordinaires, ils avaient quitté le bois, et s’étaient jetés du côté du chemin du château de Valerio, et en tournant le dos à ceux qui les cherchaient, ils croyaient trouver le duc seul, ou du moins peu accompagné et hors d’état de leur résister ; mais au lieu de lui, ils trouvèrent la duchesse son épouse.
Parafaragaramus a de bon vin et ne l’épargne pas, et dans l’état où je suis après un rude combat, j’ai besoin de repaître ; trois verres de vin avisent un homme, et quand j’en aurai bu dix j’en raisonnerai bien mieux, car le bon vin aiguise l’esprit. […] Vous ne vous êtes pas même mis en état de les vaincre, puisque vous êtes toujours resté dans le château à vous délicater et à vous faire nourrir comme un poulet de grain.
Ils avaient résolu de te faire roi ; mais tes mœurs sont trop simples pour gouverner des hommes aussi corrompus qu’ils le sont à présent ; reste dans le premier endroit où tu te trouveras sur terre, et n’y pense qu’à te divertir, à te promener, et à te bien nourrir ; en un mot, vis dans un état tranquille, et abandonne pour toujours la Chevalerie errante, parce qu’elle te serait désormais infructueuse et déshonorable, et que tu verrais ternir l’éclat de tes grandes actions en périssant mal. […] Il se leva tout en jurant ; mais il aurait bien voulu retenir ses paroles à la surprise agréable qu’il eut de voir aux pieds de son lit ses armes en bon état, ses habits ordinaires, deux autres habits fort propres, sa robe blanche, et par-dessus le tout, un petit coffre d’ébène garni de lames d’argent, et la clef à la serrure.
Le duc de Médoc, qui avait un très grand fond de probité et d’honneur, écouta tout ce qu’on lui dit avec une patience admirable, et sans répondre un seul mot ; mais après qu’on eut achevé de lui dire tout ce qui se pouvait dire sur cette matière, il prit la parole, et après avoir remercié toute la compagnie en général du soin que chacun en particulier avait témoigné pour sa personne, il ajouta que s’agissant de rendre service au comte de Valerio, et de sauver l’honneur d’une des meilleures maisons d’Espagne, il n’aurait pas eu l’esprit en repos si lui-même n’y avait été ; que de plus, chacun se faisait dans le monde un point d’honneur et de probité selon son humeur ; qu’il avouait que la recherche qu’on faisait de gens qu’on destinait au gibet, offrait à l’esprit quelque chose de bas et de rebutant, qu’ainsi il ne blâmait point les Français de ne s’y pas commettre, parce qu’ils croyaient que cela était indigne d’un grand cœur ; mais que pour lui il était d’un autre sentiment et qu’il ne croyait pas qu’il fût plus indigne d’un prince de faire la guerre à des voleurs et à des bandits qui désolaient toute une province et ses propres compatriotes, que de la faire à des étrangers ; qu’il croyait même que c’était plus utilement servir sa conscience et le public dans une guerre de cette nature, que dans une guerre réglée, parce que les ennemis qu’on combat dans celle-ci, ne sont pas des ennemis particuliers ni domestiques, puisqu’on peut s’en défaire par un traité de paix ; mais que les autres sont des ennemis d’autant plus cruels, qu’ils ne sont retenus par aucune digue ; de plus que la guerre avait ses lois inconnues aux scélérats, et que les ennemis qu’on combattait dans une guerre de prince à prince, étaient presque toujours des ennemis contraints par la volonté et par l’ambition de leur souverain, avec qui la vie était sauve, ou du moins ne courait pas tant de risque, qu’avec les autres, qui non seulement n’épargnaient personne, mais de qui même leurs propres amis et les gens de leur connaissance avaient plus à craindre que des étrangers ; qu’enfin dans une guerre ouverte on était en état d’attaquer et de se défendre, et que l’on n’était jamais surpris qu’on ne dût s’attendre à l’être ; mais que les voleurs de grands chemins étaient des gens qui mettaient leur sûreté dans les surprises qu’ils faisaient aux gens qui ne se défiaient nullement d’eux ; et qu’en un mot c’était des ennemis d’autant plus dangereux qu’ils empêchaient le commerce et la sûreté, et qu’il n’y avait avec eux ni paix ni trêve à espérer que par leur mort ; enfin des gens universellement regardés avec exécration ; ce qui était si vrai, qu’en France même, où les gens de distinction tenaient cette chasse si indigne d’eux, les bandits et les voleurs de grand chemin étaient punis du plus long et du plus rude des supplices, et privés même de la sépulture.
La fièvre chaude dont il fut bientôt attaqué lui faisait dire mille impertinences dont on ne pouvait s’empêcher de rire, quelque pitié qu’on eût d’ailleurs de l’état où il était.
Le duc d’Albuquerque lui dit qu’il y avait pourvu ; que l’histoire que la Française leur avait racontée le soir, lui avait donné l’idée de ce qu’il avait à faire ; c’est-à-dire de mander au duc de Médoc qui était son parent, l’état de toutes choses, et le prier de venir lui-même sur les lieux mettre ordre à tout par son autorité ; ce qu’il pouvait facilement, étant gouverneur de la province ; qu’il ne doutait pas qu’il ne lui accordât sa demande, et que quand il y serait, on prendrait avec lui des mesures pour faire en même temps tout savoir à Valerio, et ne rendre public que ce qu’on voudrait bien qui fût su pour mettre l’honneur d’Octavio et de Don Pedre à couvert, et que jusqu’à son arrivée, on ne devait faire autre chose que tâcher de divertir le comte Valerio, et avoir soin des Français qui étaient dans le château.
Le duc qui le vit dans le plus grand embarras où il eût été de sa vie, lui remontra qu’il n’était point en état de s’exposer.
Elle fait voir aussi, qu’une femme ne doit compter que sur son époux ; et que lorsqu’il n’est plus en état de la soutenir, elle est abandonnée de tout le monde : elle fait voir en même temps, qu’une femme intéressée sacrifie tout à ses intérêts.
Je demande présentement la restitution de cet argent, puisque tu es en état de me le rendre, ou bien compte que je te vais mettre tout le corps en lanières et en charpie avec mes griffes.
Cette conversation, qui plaisait infiniment à tous les auditeurs, fut assez longue pour donner le temps à Sancho de boire autant qu’il lui en fallait pour se mettre dans l’état où on le voulait.