L’aînée rougit de dépit, de voir que cela ne la regardait pas. […] Elle rebuta ma proposition, et me dit qu’elle me regardait comme un monstre. […] Elle était seule et se promenait fort doucement, et regardait de temps en temps derrière elle. […] Je la regardai en souriant. […] Nous ne pûmes nous regarder qu’avec des yeux humides.
On vous regarde comme un démon que l’enfer a déchaîné pour me venir tenter. […] c’est à présent que je regarde mon couvent comme mon asile ! […] Je ne le regarde plus que comme mon bourreau et mon tyran. […] Nous nous regardâmes d’un air à faire peur. […] Ni elle ni moi ne regardâmes qui que ce soit en sortant.
Vous n’êtes qu’une insolente, continua-t-il, que je regarde à présent comme une folle indigne d’être ma fille. […] Elle laissa son père outré contre elle, et bien résolu de ne la regarder de sa vie. […] Celui-ci crut que c’était un Argus que sa femme voulait éloigner d’elle, et cette pensée qui le frappa vivement, lui fit regarder cette femme comme une personne plus nécessaire à son repos qu’elle ne lui avait jamais paru. […] Les conversations et la sagesse de cette femme la lui faisaient regarder avec admiration et vénération ; mais l’amour qu’il avait pour elle était trop violent pour en pouvoir modérer les transports ; et il y retombait tous les jours. […] Il n’avait fait aucune plainte en justice, et tout le monde le regardait comme un fou, ainsi on voulut bien en faveur de Célénie croire que tout ce qu’il avait dit n’était arrivé que dans son imagination.
Que je ne regarderais de ma vie une si infâme créature. […] Il faut à présent venir à l’essentiel qui regarde ma conduite. […] Le plus fort article est celui qui regarde Silvie que voilà. […] S’il était à Paris, je vous aurais fait payer de vos avis, croyez-moi, ne vous mêlez plus de ce qui me regarde, ni de ce qui pourra regarder Monsieur Des Frans. […] Je regarde sa vie avec admiration ; ses douleurs et ses peines me font regarder Monsieur Des Frans comme un barbare, je dirais même quelque chose de plus.
Cela nous donnait à tous deux des pensées tellement confuses, que nous n’osions nous regarder. […] Il me regardait comme la devant épouser un jour, quoiqu’il ne voulût pas que ce fût pendant sa vie. […] Je vous regarde comme une perdue plus digne de compassion que de haine. […] Vous ne reconnaissez pas Madame, lui dit la belle Dupuis, vous ne la regardez qu’avec indifférence. Il la regarda pour lors avec attention.
Je regarde la grâce du même point de vue que je regarde le soleil (qu’on ne croie pas que je prétende me donner pour docteur). […] Il a été le regarder dans la chambre du Conseil. […] Il nous regardait tous comme ses enfants ; qui de nous ne le regardait pas avec la vénération qu’un bon fils doit à son père ? […] Je leur ai lu à chacun l’article qui le regardait. […] Ceci vous regarde, monsieur, lui ai-je dit.
Nous jouions fort tranquillement, en effet, nous ne regardions notre jeu que comme notre rendez-vous, n’y ayant d’autre application que celle de nous parler des yeux, et d’y remarquer toute la tendresse que nous avions l’un pour l’autre. […] J’y retournai pour savoir ce qu’elle en aurait pu apprendre ; elle me dit que Silvie n’avait jamais voulu s’expliquer sur ce qui me regardait, et qu’elle lui avait fait promettre de ne lui jamais parler de moi. […] Je m’aperçus qu’elle me regardait avec attention, et même avec des yeux humides ; elle me parut fort changée et son teint extrêmement terni. […] Lorsqu’elle sera ici, je l’obligerai à me parler de vous à fond, et je ne crois pas qu’elle me refuse de s’expliquer, surtout après m’avoir dit qu’elle avait mille choses à m’apprendre, qui ne peuvent, ou je serais trompée, regarder que vous, et je vous promets de vous redire tout ce qu’elle m’aura dit. […] Je ne le regarde que comme le plus dissimulé et le plus indigne de tous les hommes.
Tu n’es qu’un lâche qui n’a jamais osé le regarder en face depuis qu’il est armé ; tu le vis lorsque tu volas la bourse de son fidèle écuyer, tu l’as rencontré encore il n’y a que deux heures, et tu as eu la lâcheté de te dérober à ses yeux ; tu es indigne de ses coups et des miens ; va reprendre pour toujours tes chaînes dans les enfers, je te l’ordonne par tout le pouvoir que j’ai sur toi. […] Don Quichotte qui n’avait jamais rien lu de pareil dans ses romans, ne savait où il en était ; mais enfin la vue de la table, qui parut tout d’un coup dressée, et leur avidité à se jeter sur ce qui était dessus leur ayant imposé silence, il les regarda avec plus de tranquillité. […] Elles se levèrent sitôt que la compagnie parut, et sans regarder qui que ce fût, elles se mirent à faire trois sauts, se gonflèrent les joues, et avec leur main droite en cul de poule, elles jouèrent du tambour dessus. […] Elle regarda pour lors Sancho ; mais par une action de modestie elle lui tourna le dos, et dit qu’un homme dans l’état où il était choquait sa pudeur. […] Il ne jeta pourtant pas un cri, par la raison qu’outre la bourse qui était à terre et qu’il regardait comme la fin de ses travaux, il voyait de ses yeux l’enchantement de Dulcinée se dissiper peu à peu.
Avant que de la conduire au château du duc de Médoc, et de la mettre en chemin pour y aller, il est à propos de dire ce qui s’était passé à la Ribeyra, dont nos aventuriers n’avaient aucune connaissance, quoique cela ne regardât qu’eux. […] Le duc et les autres voyant bien que la morale ne regardait qu’eux, avouèrent qu’au commencement ils l’avaient regardé comme un fou sans espérance de retour, mais qu’ensuite ayant eu de l’estime pour son esprit, et de l’admiration pour sa bravoure, cela avait attiré leur pitié, et que c’était pour lui faire prendre tout un autre train de vie qu’ils avaient imaginé ce qu’ils allaient exécuter, et que ce n’était qu’à ce dessein qu’ils l’avaient envoyé quérir lui, sa nièce, sa gouvernante et les autres ; et leur donnèrent parole à tous de ne se plus divertir de lui sitôt que ce qu’ils avaient concerté aurait été exécuté ; mais qu’il n’en était pas ainsi de Sancho, à qui bien loin de faire aucun quartier, on était au contraire fortement résolu de faire payer tant l’argent qu’il avait, que celui qu’on lui destinait encore. […] Altisidore, qui parut revenir dans ce moment, regarda Don Quichotte avec fureur, et Sancho d’un air tout attendri ; elle lui tendit la main, et il la prit sans façon de la sienne et la baisa. Elle lui serra celle qu’elle tenait, et le regarda languissamment, comme voulant lui dire quelque chose. Cela donna au brutal écuyer l’effronterie de lui dire tout bas des paroles qui la firent rougir, et ensuite elle le regarda en souriant.
Louis le regarda, et changea de discours. […] Je vous prie de ne vous point mêler de ce qui ne vous regarde pas. […] Il me semble qu’Horace avait notre nation en vue ; et en effet on nous regarde partout et on nous a toujours regardés comme des fous à cause de notre volubilité. […] Je ne les regarde point comme cela, puisqu’ils peuvent gagner et vivre sans être à charge à personne, et je crois que tout ce qu’il y a de gens de bon sens les regardent du même point de vue que moi. […] Ils regardent le S[aint] -Esprit sur les habits du même œil que le regardait défunt M.
Je m’aperçus que la fille m’avait toujours regardé en rougissant, et qu’elle avait détourné la tête lorsque j’avais jeté les yeux sur elle. […] Elle le prit pourtant, en rougissant, sans me regarder. […] Je ne sais, me dit-elle, ce que vous deviendrez ; mais pour ce qui me regarde, le cœur ne me prédit rien de bon de tout ce qui peut réussir de vos poursuites ; et si j’en croyais mes pressentiments, je vous ôterais toute espérance ; je vous prierais même de ne plus venir au logis ; et enfin je ne vous regarderais de ma vie. […] Fort peu de gens passent à une heure si indue, et outre cela, je regarderai si vous y serez ou non : c’est ainsi que vous aurez de mes nouvelles. […] Dans le temps qu’il regardait travailler les paveurs et les plombiers, il vint une manière d’ermite lui demander l’aumône.
La bonne mine de ce cavalier le fit regarder par tous les gens des carrosses, dont il était environné. […] Il le regarda, et crut le reconnaître. […] Il se fit prendre la mesure, et lui laissa de l’argent pour lui faire un habit à la mode et riche pour le lendemain, et un autre à son valet, après quoi il sortit en disant au conseiller qu’il était au désespoir de le quitter si tôt ; car, ajouta-t-il, outre le plaisir que j’ai d’être avec vous, ce que vous m’avez dit de Gallouin me donne une envie de m’instruire de tout ce qui le regarde, que vous ne pouvez pas comprendre, parce que vous en ignorez le sujet, que je vous apprendrai moi-même. […] Ce sont eux pourtant, reprit Des Frans en soupirant, qui ont donné le mouvement à toutes les actions de ma vie, et qui m’ont fait regarder ma patrie comme mon enfer ?
m’a-t-il dit en ouvrant mes propres Heures : tiens, regarde. […] Je la regarde à présent comme je regarde le cabri & le marsouin : il n’en entrera jamais dans mon corps, ou du moins rarement. […] Je commencerai par ce qui nous regarde, & qui regarde aussi tous les navigateurs : c’est le scorbut, maladie très dangereuse. […] C’est un plaisir de les voir se regarder l’un l’autre, les yeux fixes sans se rien dire. […] Ce seul coup de force me fait regarder comme l’homme du monde le plus robuste.
Les moines ne sortaient point de leur couvent pour courir parmi le monde, et s’y mêler de mille choses qui ne les regardent pas, surtout de mariages et de procès. Une seule abbaye suffisait à un abbé, et on aurait regardé celui qui en aurait eu plusieurs comme un homme qui aurait eu plusieurs femmes. […] Il n’en est pas de même aujourd’hui, où l’on saute de l’un à l’autre uniquement parce que celui que l’on prend est plus riche que celui que l’on quitte ; cela aurait été regardé comme un homme qui aurait répudié une femme légitime à cause de sa pauvreté, pour s’attacher à une riche concubine, et vivre avec elle dans un adultère perpétuel.
Comme ils sortaient de l’hôtellerie, on y apportait un homme mourant que Silvie n’eut pas plutôt regardé qu’elle fit un grand cri qui obligea le duc d’Albuquerque à faire arrêter. […] Comme, excepté ses visions sur la Chevalerie errante, il n’y avait guère d’homme au monde de meilleur sens, ni plus discret que lui, Eugénie lui fit confidence de tout ce qui regardait Don Pedre et elle, et le pria de n’en pas plus parler à son époux qu’il avait parlé d’Octavio, parce que cela augmenterait sa maladie par le chagrin qu’il en aurait ; Don Quichotte le promit, et l’heure de souper étant venue, Eugénie fit mettre la table auprès du lit de son époux, et alla quérir les belles Françaises ses hôtesses ; mais Silvie qui fondait en larmes la pria de l’excuser, lui disant que ses malheurs ne lui laissaient que la mort à souhaiter ; la marquise pria Eugénie de souffrir qu’elle tînt compagnie à Sainville, et la tante de Silvie lui fit trouver bon qu’elle tînt compagnie à sa nièce ; de sorte qu’il ne vint avec la comtesse, que la même demoiselle française qui avait demandé au duc d’Albuquerque sa protection. […] Don Quichotte, dont l’excès de fureur était tout à fait passé, y fit la figure d’un honnête homme ; et la Française s’y fit regarder non seulement comme une belle personne, mais comme une fille de qualité fort spirituelle et bien élevée.
Je vous regarde toujours comme mon fils, et n’ayant pour tous enfants que cette misérable indigne d’être ma fille, et que je destine à une prison éternelle, vous pouvez compter sur tout mon bien, dont je vous fais présent dès maintenant, et dès demain je vous en passerai la donation. […] Pardonnez, Monsieur, à sa jeunesse les injures qu’elle vous a faites ; oubliez tout ce qui s’est passé, et la regardez comme une autre femme, puisqu’en effet vous la retrouverez toute autre. […] Comme elle était véritablement changée, elle fut ravie de demeurer dans un endroit qui pût lui servir auprès son époux de caution de sa conduite ; elle n’avait pas plus de dix-neuf ans lorsque cette réconciliation se fit ; ainsi on ne peut pas dire que ce fût l’âge qui l’eût retirée ; on ne peut pas dire non plus que ce fût le regret de la mort de son amant, puisqu’il ne fut tué à l’armée que dix ans après, et depuis ce temps-là, c’est-à-dire depuis plus de vingt-cinq ans, elle a vécu et vit encore d’une manière toute sainte ; en sorte qu’on la regarde comme un modèle de perfection ; tous les gens qui la connaissent la regardent avec admiration.
Cid Ruy Gomez, l’ami à qui Zulema, ou Henriquez de la Torre, avait confié ce qu’il avait pu ramasser de l’histoire admirable de Don Quichotte, et qu’il avait prié de la continuer, était un de ces hommes particuliers, qui ne sont bons que pour eux- mêmes, ou tout au plus pour quelques-uns de leurs amis, et qui ne comptent pour rien le reste du monde, surtout le public, qu’ils regardent, sinon avec mépris, du moins avec beaucoup d’indifférence. […] Ses héritiers, gens plus attachés au commerce qu’à toute autre chose, songèrent à recueillir sa succession, et traitèrent les papiers qui regardaient les héritiers de la Manche, avec le plus grand mépris du monde.
Regarde la vie et les actions du chevalier Roland, tu y verras partout une égale bravoure et une pareille force ; mais vois la différence entre Roland le furieux et Roland le sage, avant que l’infidélité d’Angélique lui eût tourné la cervelle, ou après qu’Astolphe lui eut fait reprendre son bon sens renfermé dans une fiole, qu’il avait été quérir sur l’hippogriffe jusque dans le paradis terrestre. […] Notre chevalier regarda du côté de tous les spectateurs s’il ne verrait pas une épée qu’il pût ravir ; mais tous étaient désarmés, et lui dans la plus grande colère où il eût jamais été, voulait suivre le spectre, mais il en fut empêché par Eugénie, qui lui promit de savoir de Parafaragaramus où il pourrait trouver cet insolent enchanteur. […] Il lui restait cependant un scrupule au sujet de cet enchanteur, dont il s’en ouvrit à la comtesse, qui lui en donna la solution ; mais il ne regardait point Dulcinée.
C’est donc une tyrannie aux hommes de vouloir obliger des esprits plus faibles que les leurs à avoir plus de fermeté qu’ils n’en ont eux-mêmes ; et c’est une cruauté et une barbarie de punir dans autrui des fautes qu’on commet soi-même, pendant qu’on ne les regarde dans soi que comme une galanterie dont on se fait honneur. […] Les Espagnols ses auditeurs ne lui repartirent rien crainte de dispute ; et les Français et les dames qui avaient fort goûté et approuvé ce qu’il avait dit, se regardaient l’un l’autre, et ne savaient que penser d’un homme, qui ne passant dans leur esprit que pour un fou, parlait néanmoins si à propos, et mêlait dans ses discours une morale si pure et si chrétienne parmi tant d’impertinences. […] Ne regardons que les espèces animées ; il créa les animaux devant que de créer Adam, qui était plus parfait qu’aucun autre animal ; il créa Adam devant Eve, et si j’ose me servir de ce terme, Adam fut le modèle d’Eve.
Le marchand qui ne regardait que l’apparence l’appelait Madame. […] Elle craignait encore quelque insulte de la part des domestiques, qui pouvaient ne la regarder que comme la princesse l’avait regardée elle-même. […] Votre commère le crut comme moi ; ainsi nous regardâmes cette visite comme la décision de la fortune de cette fille, et j’eus impatience qu’elle en fût de retour pour en savoir la réussite, et ce qu’il en pourrait arriver. […] Ils regardèrent cette espérance comme une chimère qui les avait abusés, Angélique ne pouvait se flatter que Madame de Contamine, ambitieuse comme elle était, consentît jamais qu’elle épousât son fils. […] Il remarqua qu’elle ne tournait point la tête de son côté ; il la regarda et la reconnut pour une de ses anciennes connaissances, à laquelle même il avait autrefois fait semblant d’en vouloir.
Les Françaises lui dirent la même chose, et ajoutèrent que la quête de ces malheureux était indigne de gens d’honneur et de qualité, que les personnes considérables en France ne s’y commettaient pas, et laissaient ce soin à des gens destinés à cet emploi ; et qu’on regarderait en France avec horreur un officier de qualité distinguée, qui aurait seulement livré un malfaiteur, bien loin de l’avoir poursuivi et arrêté lui-même. Le duc de Médoc, qui avait un très grand fond de probité et d’honneur, écouta tout ce qu’on lui dit avec une patience admirable, et sans répondre un seul mot ; mais après qu’on eut achevé de lui dire tout ce qui se pouvait dire sur cette matière, il prit la parole, et après avoir remercié toute la compagnie en général du soin que chacun en particulier avait témoigné pour sa personne, il ajouta que s’agissant de rendre service au comte de Valerio, et de sauver l’honneur d’une des meilleures maisons d’Espagne, il n’aurait pas eu l’esprit en repos si lui-même n’y avait été ; que de plus, chacun se faisait dans le monde un point d’honneur et de probité selon son humeur ; qu’il avouait que la recherche qu’on faisait de gens qu’on destinait au gibet, offrait à l’esprit quelque chose de bas et de rebutant, qu’ainsi il ne blâmait point les Français de ne s’y pas commettre, parce qu’ils croyaient que cela était indigne d’un grand cœur ; mais que pour lui il était d’un autre sentiment et qu’il ne croyait pas qu’il fût plus indigne d’un prince de faire la guerre à des voleurs et à des bandits qui désolaient toute une province et ses propres compatriotes, que de la faire à des étrangers ; qu’il croyait même que c’était plus utilement servir sa conscience et le public dans une guerre de cette nature, que dans une guerre réglée, parce que les ennemis qu’on combat dans celle-ci, ne sont pas des ennemis particuliers ni domestiques, puisqu’on peut s’en défaire par un traité de paix ; mais que les autres sont des ennemis d’autant plus cruels, qu’ils ne sont retenus par aucune digue ; de plus que la guerre avait ses lois inconnues aux scélérats, et que les ennemis qu’on combattait dans une guerre de prince à prince, étaient presque toujours des ennemis contraints par la volonté et par l’ambition de leur souverain, avec qui la vie était sauve, ou du moins ne courait pas tant de risque, qu’avec les autres, qui non seulement n’épargnaient personne, mais de qui même leurs propres amis et les gens de leur connaissance avaient plus à craindre que des étrangers ; qu’enfin dans une guerre ouverte on était en état d’attaquer et de se défendre, et que l’on n’était jamais surpris qu’on ne dût s’attendre à l’être ; mais que les voleurs de grands chemins étaient des gens qui mettaient leur sûreté dans les surprises qu’ils faisaient aux gens qui ne se défiaient nullement d’eux ; et qu’en un mot c’était des ennemis d’autant plus dangereux qu’ils empêchaient le commerce et la sûreté, et qu’il n’y avait avec eux ni paix ni trêve à espérer que par leur mort ; enfin des gens universellement regardés avec exécration ; ce qui était si vrai, qu’en France même, où les gens de distinction tenaient cette chasse si indigne d’eux, les bandits et les voleurs de grand chemin étaient punis du plus long et du plus rude des supplices, et privés même de la sépulture.
Ils dirent qu’il était vrai qu’on ne voyait point de Français s’empoisonner, se poignarder, ou se pendre, pour avoir eu le malheur de n’avoir pas épousé une vestale, et que sauf le respect de tous les Espagnols en général, et des Portugais en particulier, ils regardaient comme des fous ceux qui étaient assez sots et assez malheureux pour en venir à ces extrémités ; que la manière de France sur un pareil sujet était sans doute plus raisonnable, puisque c’est être en effet extravagant, que de se punir des péchés d’autrui, et qu’à le bien prendre la mauvaise conduite d’une femme ne devait être imputée au mari qu’autant qu’il la souffrait sans y mettre ordre lorsqu’il le devait et autant qu’il le pouvait ; que du reste un homme n’en devait pas être regardé comme moins honnête, quoiqu’il eût une femme libertine, pourvu qu’il eût fait en homme d’honneur ce qu’il devait pour la ranger à la raison, pour sauver les apparences, et pour éviter l’éclat et le scandale, dont tout ce contrecoup et la honte retombait sur lui, lorsqu’il faisait le moindre faux pas.
Elle lui fit connaître ces soupçons fort spirituellement et comme par plaisanterie ; mais il lui répondit fort sérieusement et fort galamment, qu’il ne connaissait et n’avait regardé Silvie que sur le pied d’une femme séparée d’avec son mari, et d’une femme qui avait un amant favorisé ; que sur ce fondement il avouait que les vues qu’il avait eues pour elle n’étaient pas fort à l’avantage de sa vertu, et qu’il n’avait commencé de la regarder sur le pied qu’elle méritait de l’être, que depuis qu’il savait son histoire ; qu’ainsi son amour n’était pas extrêmement violent, mais qu’il n’en était pas de même de celui qu’il avait pour elle, puisqu’il était accompagné de vénération, d’estime et de respect.
Elle a toute la peine, elle distribue tout pendant que le seignor, assis sur son cul, une pipe de tabac à la gueule, est à la regarder faire et à observer tout le monde. […] J’en ai parlé à un de nos missionnaires qui m’a dit qu’il regardait cet animal que Dieu faisait naître pour la nourriture des autres du même œil qu’il regardait les insectes des campagnes qui servent aussi à la nourriture des oiseaux. […] C’est leur faute, je ne les empêche pas de le regarder tous les jours. […] Nous faisons route pour aller trouver la pointe de l’île de Ceylon qui regarde le plus le Sud. […] C’est un plaisir de voir nos matelots se regarder l’un l’autre, la bouche ouverte sans rien dire.
Le chevalier le regarda de travers à cette insolence ; mais Sancho soutenant la gageure : Un bon aventurier en vaut deux, dit-il. […] Le duc de Médoc lui présenta la main et la conduisit jusqu’à son carrosse, d’où elle regarda encore le désolé chevalier et lui défendit de la suivre.
Regarde si tu ne fis pas là deux vols pour un ? […] Comme il aurait déjà voulu être bien loin avec son argent, il regardait s’il ne verrait pas une porte ouverte pour sortir au plus vite, mais le pauvre homme n’avait garde d’en voir ayant toutes été fermées avec une grande exactitude.
Sa nièce qui n’avait appris qu’avec confusion les présents qu’on lui avait faits, parce qu’ils ne regardaient qu’elle qui était son héritière, ne laissa pas d’en être bien aise, en ce qu’ils lui donnèrent lieu d’espérer que cela lui ferait trouver un bon parti, ou plutôt attacherait plus fortement à elle un homme qui l’aimait et qu’elle ne haïssait pas. […] Sitôt qu’il la vit, il se ressouvint des coups de fouet qu’il avait reçus, et du bain où il avait passé la nuit, et il ne la put regarder qu’avec horreur ; il ne lui dit pourtant rien de désobligeant ; mais quand il vit qu’elle recommençait ses poursuites, et qu’elle lui proposa un autre rendez-vous, il perdit toute patience et ne garda plus de mesure.
Des gens d’un esprit tranquille auraient regardé Sancho comme un fou ; mais ceux qui l’écoutaient étaient trop abîmés dans leur tristesse pour songer à plaisanter.
. — Il est vrai, répondit Don Quichotte, que j’ai été surpris que tu n’aies point soupé avec nous ; mais, Sancho, tu dois en avoir de la joie, puisque c’est signe qu’on respecte ici la vertu, et qu’on regarde les gens par leurs actions, et non pas par leur qualité.
Il l’obligea à regarder cet accident comme lui étant très favorable, et le fit même consentir qu’on allât enlever le corps de Don Pedre qui avait été tué par le valet de Deshayes, et qu’on le fît enterrer honorablement comme celui de son frère tué par des voleurs, ce qui fut fait le matin même, et Dorothée, Eugénie, le duc d’Albuquerque et Don Quichotte étant entrés dans la chambre en ce moment, n’eurent pas beaucoup de peine à le consoler, et ressortirent pour aller faire conduire les corps de Deshayes et de Don Pedre à leur dernière demeure.
A toi donc, Sancho Pança, qui déshonores l’ordre de Chevalerie, je te déclare que j’emporte tes armes et ton cheval ; je ne te ferai point d’autre mal en faveur de ton bon maître, et je me contenterai de te regarder avec indifférence.
Mort non de diable, dit Sancho en colère, ces moines se mêlent toujours de ce qui ne les regarde point ; s’ils disaient bien leur bréviaire le diable ne leur soufflerait pas tant aux oreilles, et j’ai toujours ouï dire, que pour faire une maison nette, il n’y faut souffrir ni moine ni pigeon, parce qu’ils fourrent leur nez partout, de sorte que rien n’est bien fait s’ils ne s’en mêlent ; et puis quand ils sont une fois ancrés quelque part, ce n’est plus que des ouï-dire, il a fait par-ci, il a dit par-là, et boute, et haïe, et tous les diables en un mot s’en mêlent. — Cela ne te doit pas étonner, ami Sancho, lui dit Don Quichotte, ils sont seuls dans leur couvent nourris, comme dit le proverbe, comme des moines, sans affaires qui les embarrassent, et sans souci pour le lendemain. — Ajoutez donc, Monsieur, interrompit Sancho, sans femmes qui les fassent enrager et sans enfants à nourrir. — Comme tu voudras, reprit Don Quichotte, mais leur esprit voulant être occupé, ils sont presque forcés de l’employer au premier objet qui se présente à leur imagination. — Et voilà justement ce qu’on ne devrait pas souffrir, dit Sancho, car ils ne doivent se mêler que de prier Dieu, et ne point tant s’embarrasser des affaires du monde, puisqu’ils y ont renoncé et qu’ils n’y sont nullement nécessaires, à ce que j’ai ouï dire par des docteurs de l’université d’Alcantara.