La Française parlait français, et Sancho ne le savait pas : il douta quelque temps s’il était effectivement chevalier, parce qu’il n’entendait pas ce que disait la Française, et qu’il avait ouï dire à son maître que les chevaliers errants entendaient toutes sortes de langues. […] Le Français mit aussitôt pied à terre dans le dessein d’égorger son ennemi ; mais l’Espagnol se releva, et ils continuèrent à pied leur combat, qui fut fort opiniâtre. Cependant comme le Français était plus adroit que Don Pedre, celui-ci vit bientôt son sang couler, ce qui ayant achevé de le mettre en fureur il se lança à corps perdu sur le Français, mais si malheureusement pour lui, qu’il s’enferra de lui-même, et tomba roide mort ; le Français le démasqua, et voyant que ce n’était pas Sainville, il crut pour lors que ce n’était qu’un voleur, et le laissa là. […] Le duc lui dit que c’était des Français et des Françaises qui paraissaient gens de qualité, et que s’il avait été proche de chez lui, il lui eût évité toute l’incommodité qu’il en pouvait recevoir, en les conduisant dans quelque endroit qui lui appartient. […] Elle s’en fit d’autant moins prier, qu’elle vit bien que c’était une nécessité d’instruire ses auditeurs pour attirer leur protection ; et qu’outre cela la situation où les Français et les Françaises se trouvaient, ne permettait pas qu’on cachât rien.
Un des Français qui avait suivi ce prince, se trouva dans un festin avec des Espagnols ; on y parla des héros des deux nations. Le Français nomma Don Quichotte, et demanda avec une simplicité de badaud, s’il avait véritablement vécu, et si les aventures qu’on en lisait lui étaient effectivement arrivées. Quelques Espagnols lui jurèrent l’affirmative, et le maître de celui qui avait la suite de l’histoire, dit au Français, que tout ce qu’on en avait écrit, et qui était devenu public, n’était que des bagatelles en comparaison du reste. Cela piqua la curiosité du Français, qui demanda avec empressement à voir la suite. Pour la lui faire trouver meilleure, on lui en fit mille difficultés ; et enfin le Français ardent comme un Français, offrit un si beau présent, que le valet espagnol le prit au mot, et crut assez gagner au change, en lui donnant en même temps les mémoires de Ruy Gomez et ceux d’Henriquez.
Cette Parisienne espagnolisée conservait toujours beaucoup d’amitié pour les Français, et surtout pour le sang de son maître. […] La belle La Bastide commençant, sans savoir pourquoi, à s’intéresser pour ce Français, eut envie de le voir, et le plaignit dans son cœur de s’être adressé à une femme préoccupée pour un autre ; elle en parla à Silvie, qui tout d’un coup devina que c’était le comte du Chirou, et ne se trompa pas. […] Le comte Valerio fut prié de dire par quelle aventure il connaissait ces deux Français, et il le fit en disant qu’en passant une fois de Barcelone à Naples sur une galère d’Espagne, il avait été attaqué et pris par une galère française commandée par Sainville, de qui il avait reçu un traitement si honnête et si généreux, qu’il s’en ressentirait toute sa vie. […] Les dames espagnoles avaient contracté cependant une étroite amitié avec les Françaises, et s’étaient mutuellement fait confidence de leurs affaires. […] Les Espagnols et les Français avaient tenu conseil, où chacun avait inventé quelque tour.
Voici ce que deux Français ont vu à Pondichéry. […] La résolution était française, pour ne la pas baptiser autrement. […] Les cartes françaises, qui ne la mettent qu’à quinze, sont plus justes. […] Six Français & des pions ou valets y sont, & c’est tout. […] Martin, général des Français aux Indes, touche à quelqu’un d’eux.
A peine y furent-ils retournés qu’on vint les prier de monter promptement dans la chambre d’un des Français, qui se mourait. […] Il demanda au maître d’hôtel de Valerio, qui parlait bon français, s’il écrivait, et ayant appris que oui, il le pria d’écrire ce qu’il allait lui dicter. La maîtresse de l’hôtellerie, qui avait été charmée du récit que Mademoiselle de la Bastide avait commencé à faire devant elle, était venue pour s’informer de sa santé, et lui offrir ses services ; et comme elle apprit qu’elle était dans la chambre d’un Français qui se mourait, elle y monta, et fut présente au récit que fit Deshayes devant plus de vingt personnes. […] Mademoiselle de la Bastide avait dit au duc de Médoc ce que c’était que ce Français et lui en avait succinctement raconté l’histoire. […] Il fallut l’arracher d’auprès de lui, et la duchesse Dorothée l’emmena avec les deux autres Françaises dans son appartement.
Je l’ai habillée à la française le mieux que j’ai pu. […] Français, à moi ! […] Il est venu à bord un Français, nommé Monsr. […] Les Anglais n’y ont pas mieux été traités que les Français. […] Un Français, dont je sais ceci, nommé Monsr.
Cela donna lieu à la duchesse de Médoc de dire à son époux en présence des autres Espagnols et des Français, qu’il avait eu tort de se tant exposer, et que ces informations, en lui faisant connaître le péril qu’il avait personnellement couru d’être assassiné, devaient lui faire faire une bonne résolution de ne plus se hasarder contre des gens déterminés, si le malheur du pays voulait qu’il fût encore infecté de cette canaille. Les Françaises lui dirent la même chose, et ajoutèrent que la quête de ces malheureux était indigne de gens d’honneur et de qualité, que les personnes considérables en France ne s’y commettaient pas, et laissaient ce soin à des gens destinés à cet emploi ; et qu’on regarderait en France avec horreur un officier de qualité distinguée, qui aurait seulement livré un malfaiteur, bien loin de l’avoir poursuivi et arrêté lui-même. Le duc de Médoc, qui avait un très grand fond de probité et d’honneur, écouta tout ce qu’on lui dit avec une patience admirable, et sans répondre un seul mot ; mais après qu’on eut achevé de lui dire tout ce qui se pouvait dire sur cette matière, il prit la parole, et après avoir remercié toute la compagnie en général du soin que chacun en particulier avait témoigné pour sa personne, il ajouta que s’agissant de rendre service au comte de Valerio, et de sauver l’honneur d’une des meilleures maisons d’Espagne, il n’aurait pas eu l’esprit en repos si lui-même n’y avait été ; que de plus, chacun se faisait dans le monde un point d’honneur et de probité selon son humeur ; qu’il avouait que la recherche qu’on faisait de gens qu’on destinait au gibet, offrait à l’esprit quelque chose de bas et de rebutant, qu’ainsi il ne blâmait point les Français de ne s’y pas commettre, parce qu’ils croyaient que cela était indigne d’un grand cœur ; mais que pour lui il était d’un autre sentiment et qu’il ne croyait pas qu’il fût plus indigne d’un prince de faire la guerre à des voleurs et à des bandits qui désolaient toute une province et ses propres compatriotes, que de la faire à des étrangers ; qu’il croyait même que c’était plus utilement servir sa conscience et le public dans une guerre de cette nature, que dans une guerre réglée, parce que les ennemis qu’on combat dans celle-ci, ne sont pas des ennemis particuliers ni domestiques, puisqu’on peut s’en défaire par un traité de paix ; mais que les autres sont des ennemis d’autant plus cruels, qu’ils ne sont retenus par aucune digue ; de plus que la guerre avait ses lois inconnues aux scélérats, et que les ennemis qu’on combattait dans une guerre de prince à prince, étaient presque toujours des ennemis contraints par la volonté et par l’ambition de leur souverain, avec qui la vie était sauve, ou du moins ne courait pas tant de risque, qu’avec les autres, qui non seulement n’épargnaient personne, mais de qui même leurs propres amis et les gens de leur connaissance avaient plus à craindre que des étrangers ; qu’enfin dans une guerre ouverte on était en état d’attaquer et de se défendre, et que l’on n’était jamais surpris qu’on ne dût s’attendre à l’être ; mais que les voleurs de grands chemins étaient des gens qui mettaient leur sûreté dans les surprises qu’ils faisaient aux gens qui ne se défiaient nullement d’eux ; et qu’en un mot c’était des ennemis d’autant plus dangereux qu’ils empêchaient le commerce et la sûreté, et qu’il n’y avait avec eux ni paix ni trêve à espérer que par leur mort ; enfin des gens universellement regardés avec exécration ; ce qui était si vrai, qu’en France même, où les gens de distinction tenaient cette chasse si indigne d’eux, les bandits et les voleurs de grand chemin étaient punis du plus long et du plus rude des supplices, et privés même de la sépulture. […] En effet cette bonne nouvelle pensa lui faire perdre le peu de raison qui lui restait ; mais la tranquillité et le repos dont il jouissait dans son lit, lui aidèrent à calmer ses transports ; et comme sa mâchoire se raccommoda, et qu’il buvait et mangeait tout son saoul, il se releva avec un embonpoint qui ne cédait en rien à celui où on l’avait vu auparavant ; il ne faut cependant pas le lui envier, car il en aura besoin pour soutenir les rudes assauts que les ducs, le comte, leurs épouses, les Français et les Françaises lui préparent.
Je ne sais, continua Sainville interrompant le fil de son discours, si les dames espagnoles pourraient s’accommoder d’une jalousie pareille ; mais je sais bien qu’il y a très peu de Françaises qui la trouvassent de leur goût. […] Ces sortes de caresses sont, à ce qu’on dit, du goût des dames espagnoles, mais elles ne le sont nullement de celui des dames françaises, qui n’aiment pas qu’on leur fasse l’amour à coups de poing. […] Il sut que Sotain, qui avait fort longtemps servi en Italie, entendait parfaitement l’italien, et il ne douta point que sa jalousie ne fût une maladie contractée dans le pays, et comme il avait dupé quelques Italiens, il se flatta de duper aussi un Français attaqué du même mal. […] Sotain, qui n’ignorait pas les précautions que les Italiens prennent, se douta de ce que c’était, et crut que le Français en avait voulu prendre de pareilles ; dans ce sentiment il demanda à cette fausse veuve avec un ris forcé, si son mari lui avait fait présent d’une ceinture de chasteté. […] Il ne disait jamais un mot de français devant lui, et n’avait pour elle que des airs assez froids et assez indifférents ; mais lorsqu’il était seul avec elle il en avait d’empressés, et faisant semblant d’apprendre peu à peu le français, il lui disait des choses qui la divertissaient, et par de petits soins prévenants il la disposait à lui vouloir du bien.
Nous avons vu de quelle manière fut interrompue la demoiselle française qui racontait l’histoire de Sainville et de Silvie. L’hôte faisait un bruit de diable ; et très peu persuadé de la vertu des Françaises, et outre cela extrêmement jaloux, il s’égosillait en appelant sa femme, croyant peut-être qu’il y allait de son honneur. […] La bravoure de ce Français avait sauvé de leurs mains six femmes, qui étaient dans un carrosse qu’il accompagnait, et les bandits n’avaient osé les poursuivre plus loin, de peur qu’on ne vînt à leur secours, ou de l’hôtellerie, qui n’était pas éloignée, ou du château de Valerio, qui en était tout proche. […] Le cavalier, qui était bien mis, leur parut français, et avoir la bourse bien garnie ; outre cela, ils le crurent de la compagnie de celui qui venait de se défendre si bien contre eux, et qui avait blessé deux des leurs. […] Il fit prendre Eugénie et l’y fit mettre la première, Gabrielle la suivit, et le mouvement du carrosse agitant la comtesse qui était couchée en travers, la fit revenir à elle ; les signes de vie qu’elle donna calmèrent la douleur de Gabrielle, et ce fut dans ce moment qu’ils arrivèrent à l’hôtellerie où ils criaient tous à pleine tête pour avoir une chambre, et par leur bruit interrompirent la narration de la Française.
Les Français idolâtrent leur roi, et à proprement parler ils consentent d’en être les exclaves plutôt que les enfants. […] Dunkerque est seul regretté des Français parce qu’ils ne connaissent pas l’utilité du reste. […] Les Français étaient autrefois renommés pour leur bonne foi, ils sont à présent regardés d’un autre œil. […] Les Français plaignirent la France et c’est tout. […] Telle était le dessein de M. de La Salle, qui a le premier des Français eu cette découverte en vue.
Pendant que le héros de la Manche, qui avait coutume de prêcher les autres, fut si bien prêché lui-même, les Espagnols et les Français étaient sortis de leurs niches ; et en faisant semblant de se promener par le bois, ils étaient venus où était Sancho qu’ils trouvèrent seul, comme j’ai dit, auprès d’une table. […] Les ducs, le comte et leurs épouses lui firent de loin de très grandes révérences ; ce que firent aussi les Français et les Françaises, qui tous firent semblant d’être étonnés de le voir. […] Il ordonna aux satyres de servir et de rester ; et sans que Sancho occupé à déjeuner, songeât davantage à lui, il se perdit entre les arbres, où les Français crièrent qu’ils venaient de le voir tout d’un coup fondre en terre. […] Les Français et les Espagnols en firent autant, après avoir bien ri de la folie extraordinaire de ces deux hommes.
Ce qui ferait près de trois lieues françaises. […] A ce mot, les Français redoublèrent leur feu, et voulaient en venir aux mains à l’abordage. […] Lorsque je le vis, il était vêtu à la française. […] Nous avons côtoyé les terres du Cap, pavillon français à poupe. […] (Le gouverneur du Cap est français, parisien, et se nomme M.
Des offres obligeantes que fit le duc d’Albuquerque aux dames françaises ; de la reconnaissance de Valerio et de Sainville, et de la conversation particulière que Don Quichotte eut avec Sancho. Le duc d’Albuquerque à qui l’agréable Française avait adressé la parole, la remercia au nom de toute la compagnie de la peine qu’elle s’était donnée ; il l’assura de faire ses efforts et d’employer toutes choses pour ne point tromper la bonne opinion qu’elle, la marquise, et Silvie avaient de lui. […] Valerio qui n’avait d’autre mal que sa faiblesse, les ayant suivis, reconnut Sainville pour ce même officier français dont il avait été autrefois prisonnier, et de qui il avait été si bien traité.
À l’égard des noms que je leur ai donnés, j’ai cru les leur devoir donner français, parce qu’en effet ce sont des Français que je produis, et non pas des étrangers. […] Ce paragraphe annonce une histoire apocryphe que nous ne reproduisons pas ici mais qui est présente dans le tome III de l’édition de 1725 (voir Jacques Cormier éd., Les Illustres Françaises apocryphes, Louvain-Paris-Walpole, MA, Peeters, 2012.
Les Français, les Espagnols et ces nouveaux venus, qui n’avaient point paru aux yeux de nos aventuriers, tinrent conseil sur ce qu’ils avaient à faire pour parvenir aux fins qu’ils s’étaient proposées. […] Tout le domestique vint au-devant de la compagnie avec des flambeaux, et entre autres Altisidore, qui fit semblant de se pâmer à la vue de Don Quichotte, lequel poursuivant son chemin sans faire semblant de la voir, fut arrêté par les deux duchesses ; et comme la comtesse et les Françaises leur demandèrent ce que c’était que cet accident, la duchesse de Médoc leur dit que cette demoiselle mourait d’amour pour l’incomparable chevalier des Lions, dont elle n’avait pu ébranler la fidélité qu’il avait promise à la princesse Dulcinée. […] Les Français et les autres passèrent cette première journée à visiter le château du duc de Médoc, et à se promener dans son jardin. […] On ne leur en demanda pas davantage, et toute la compagnie, c’est-à-dire les ducs et le comte espagnols, et les deux Français prirent le chemin de la plaine ; on chassa tout le matin avec assez de bonheur, et le soleil commençant à être ardent, on prit le chemin d’un petit bois pour se mettre à l’ombre.
Son écuyer l’obligea ensuite de faire la revue du présent qu’on lui avait fait, qu’il trouva d’une magnificence qui le surprit, aussi était-il effectivement très riche et digne des Espagnols et des Français qui le faisaient en commun, et qui s’étaient cotisés pour cela les uns et les autres. Les Français cependant qui n’avaient pas été fâchés de trouver une occasion de témoigner leur générosité, et de reconnaître en quelque façon les honnêtetés des Espagnols, y avaient contribué plus abondamment, sous prétexte de reconnaître les services que le héros de la Manche leur avait rendus, surtout le comte du Chirou qui était puissamment riche, et qui avouait qu’il lui devait la vie aussi bien que Valerio, Eugénie et la duchesse de Médoc. […] Ils allèrent après le dîner faire un tour dans les jardins du château, où après avoir continué longtemps la même conversation, tout le monde s’éloigna insensiblement de Don Quichotte, qui de sa part ne fut pas fâché d’aller seul entretenir ses rêveries environ une heure, après quoi les deux ducs, le comte Valerio et les deux Français allèrent le trouver avec beaucoup d’empressement en apparence.
Oui, poursuivit notre héros en colère, les Français ont à mon sens un fond de générosité et de probité que les Espagnols n’ont, pas ; je l’avoue à la honte de la nation, mais la vérité me force à faire cet aveu. […] Les Espagnols ses auditeurs ne lui repartirent rien crainte de dispute ; et les Français et les dames qui avaient fort goûté et approuvé ce qu’il avait dit, se regardaient l’un l’autre, et ne savaient que penser d’un homme, qui ne passant dans leur esprit que pour un fou, parlait néanmoins si à propos, et mêlait dans ses discours une morale si pure et si chrétienne parmi tant d’impertinences. […] Voilà la morale que j’ai trouvée dans mon original espagnol, et que j’ai trouvé à propos de traduire en français, comme quantité d’autres, parce qu’elle m’a paru juste et naturelle et capable de faire impression sur l’esprit du lecteur, particulièrement s’il a la crainte de Dieu et son salut en recommandation, sans parler de son honneur, qui n’est jamais réel et véritable, s’il n’a pour fondement la probité.
La maîtresse de l’hôtellerie vint encore s’informer de la santé des Françaises, et surtout de celle de la nouvelle veuve. […] — Vraiment oui je m’en souviens, répondit Sancho, mais peut-être aussi que ces démons n’avaient pas de pouvoir sur votre vie ; mais ceux-ci sont des hommes de chair et d’os, qui vous accommoderont en chien renfermé, comme les Français, dont il y en a déjà un de mort.
La belle Dorothée son épouse n’avait pu souffrir qu’il s’éloignât, et Eugénie avec les Françaises qui s’étaient jointes à elle, l’avaient prié avec tant d’instance de rester dans le château pour mettre ordre à tout en la place de Valerio, qui n’était point en état d’agir, qu’il n’avait pu se dispenser de demeurer, outre que d’ailleurs il n’était point véritablement homme de guerre, joint à cela que le duc de Médoc lui-même l’en ayant prié, il avait été obligé de céder à tant d’importunités. Valerio, Eugénie, le duc d’Albuquerque, son épouse et les Françaises, avaient fait leur possible pour empêcher le duc de Médoc de se charger de l’exécution de l’entreprise, et l’avaient supplié de s’en reposer sur le lieutenant, ou un de ses officiers, et de ne se point commettre avec des gens désespérés, de sac et de corde, en un mot des bandits indignes de sa présence et du péril où il allait se précipiter.
Les auditeurs, et surtout les Français, en riaient comme des fous, particulièrement Sainville et Silvie, qui étaient les inventeurs du tour qu’on venait de lui jouer. […] Les Français et les Espagnols qui s’étaient levés de meilleure heure qu’à leur ordinaire, ou plutôt qui n’avaient point du tout dormi la nuit, tant hommes que femmes, allèrent se reposer.
Puisque Madame et ces Messieurs, reprit le duc de Médoc après que la marquise eut cessé de parler, nous ont avoué avec sincérité le génie de leur nation, il est juste de leur rendre le change, et d’avouer qu’il est bien plus chrétien de pardonner que de se venger, et qu’ainsi leurs maximes sont préférables aux nôtres ; cependant nous ne sommes pas les seuls qui nous servions du poignard lorsque nous surprenons nos femmes en flagrant délit, les Français aussi bien que nous s’en servent assez souvent, et quoique cela soit absolument condamnable, il semble qu’il soit permis de le faire, parce qu’on suppose qu’un homme n’a pas pu résister aux mouvements impétueux de la nature, ni à la rage qu’un pareil objet lui a inspiré. […] La maxime des Français me paraît bien plus sage que la nôtre ; elle pardonne le meurtre dans le moment en faveur des premiers mouvements de colère ; mais elle punit le poison et le poignard comme un assassinat, puisque c’en est un en effet.
Les Espagnols, la duchesse et les autres dames se mirent avec les Français aux fenêtres, pour se donner le plaisir de l’entrevue. […] Malheureusement la gouvernante de Don Quichotte s’y trouva, soit que le hasard l’y eût conduite, ou que par un coup de malice, les Espagnols et les Français, qui savaient qu’elle haïssait Sancho, ne l’y eussent introduite.
Le hasard voulut qu’étant en Espagne, je trouvai à Madrid, entre autres Français, un jeune homme qui s’appelait de Jussy, comme moi, qui était parisien, qui courait le pays comme moi, et qui n’était ni de la suite de Monsieur l’ambassadeur, ni marchand. […] Je confiai le tout à un marchand français qui revenait de Cadix à Paris, et qui passait à Madrid. […] Cet homme le prit, et le porta à mon frère, qui le questionna sur tout ce qui me regardait ; mais il n’eut rien à dire, sinon, que tous les Français qui étaient à Madrid, disaient qu’il était mort depuis peu un nommé Monsieur de Jussy, parisien.
Les ducs et les autres, Français et Espagnols, qui avaient voulu en avoir le plaisir, étaient déjà allés se cacher dans des endroits qu’ils avaient fait préparer, et qui tous avaient vue sur une pelouse que Sancho avait choisie pour le théâtre de sa gloire.
Elle ne prononçait pas tout à fait bien le français, quoiqu’elle le parlât fort juste. […] Puis-je vous parler meilleur français ? […] J’en eus de la joie, parce qu’elle parla plus français. […] C’est le vice commun des Français : mais quoique je sois français moi-même, j’approuve si peu ce lâche procédé, que je serais d’humeur à venger moi-même une femme, quoique je ne la connusse pas, et qu’elle me fût indifférente. […] Après ce petit compliment, je la saluai à la française.
Qu’il lui avait tout promis pour éviter la mort présente ; mais que quatre jours après, plusieurs de ces bandits, qui étaient allés chercher des vivres, étaient revenus bien blessés, et qu’il avait appris d’eux, qu’ayant voulu attaquer un carrosse plein de femmes et l’amener, pour avoir les chevaux dont ils manquaient, ils s’étaient battus à deux reprises contre des Français, et un démon sous la figure d’un homme qui leur avait repris le carrosse, ôté Eugénie qu’ils tenaient encore, et tué huit de leurs camarades, et entre autres Don Pedre.
Ce coup étant fait, il alla avec les Espagnols et les Français, qui le suivirent au même endroit où il avait déjà fait le personnage de Parafaragaramus, et où il le contrefit encore de la même manière.
Les Illustres Françaises.
Les Français et les Espagnols qui avaient joint Don Quichotte firent semblant de vouloir se jeter après lui dans cette caverne, et en furent empêchés par une grille de fer qui se leva tout d’un coup à leurs pieds et qui leur en boucha l’entrée.
La véritable vertu d’une fille consiste à être tentée et à ne pas succomber à la tentation ; et c’est ce qui fait que nos Françaises, qui conservent leur chasteté, sont mille fois plus louables que les femmes des autres nations que je viens de nommer, parce qu’elles sont toujours dans l’état de tentation par le commerce du monde, et qu’elles y résistent, au lieu que les autres ne doivent leur sagesse qu’aux murs qui les environnent. […] Et quoiqu’on dise que l’Espagne est le pays de l’amour, les gens de bon goût sur la galanterie, ont toujours plus de satisfaction d’une femme qui fait acheter ses faveurs, ou qui n’en accorde point du tout ; et c’est cette sagesse plus naturelle à nos Françaises qu’à aucune autre nation du monde, qui fait le sujet de l’admiration et de l’attache de leurs amants.
L’agréable Française interrompit elle-même sa narration dans cet endroit, pour faire connaître à ses auditeurs qui était la marquise, et le péril où était son époux à Naples, et la reprit pour dire que dans le temps même que Sainville était avec elle il lui mandait qu’on l’avait de nouveau resserré, et qu’il n’y avait point de temps à perdre pour le tirer du danger où il était.
Il avait une amourette qui a pensé le perdre, et deux rivaux qui le haïssaient à la française, quoiqu’ils fussent italiens. […] Je demandai promptement congé, et je l’obtins par le moyen de Monsieur le cardinal de Maldachini avec beaucoup de peine, parce que notre ambassadeur croyait avoir besoin auprès de lui de tous les Français qui se trouvaient à Rome, et surtout de ceux qui pouvaient y faire quelque figure.