Sancho aurait plus longtemps continué ses extravagances, s’il n’eût été interrompu par une demoiselle qui était la même qui avait commencé l’histoire de Sainville, laquelle ayant appris la qualité du duc d’Albuquerque, son crédit et la figure qu’il faisait en Espagne, le vint aborder fort civilement, et lui demanda sa protection pour deux dames françaises, et pour un gentilhomme qui en avaient besoin. […] Et ayant appris que ces dames et le gentillhomme dont il était question, avaient été attaqués le matin dans la forêt par des voleurs, Eugénie qui ne douta point que ce ne fût encore un coup de son beau-frère, comme en effet c’en était un, se crut obligée de lui offrir un asile dans son château, tant pour elle que pour sa compagnie ; ce que la Française ayant accepté, alla prendre ses dames, qui étaient la marquise, Silvie, et sa tante, et le blessé qui était Sainville ; et tous quatre s’étant mis dans le carrosse qui les avait amenés, et la damoiselle qui avait parlé, et deux filles de chambre étant montées en croupe derrière des cavaliers, ils suivirent le duc d’Albuquerque qui prenait le chemin du château de Valerio. […] La comtesse Eugénie ayant appris que ce blessé était l’époux de cette dame française, lui fit aussi prendre le chemin du château, où nous les laisserons aller pour retourner à Don Pedre que nous avons laissé aux mains avec le valet de Deshayes. […] Cette dame y avait pourvu en entrant chez elle : elle avait ordonné à son officier de donner des chambres propres aux dames et aux hommes, et avait envoyé chercher le chirurgien qui avait soin de son époux pour visiter les blessures de Deshayes et de Sainville ; si bien que lorsqu’elle y retourna le chirurgien était à travailler.
Il n’y a qui que ce soit qui ne soit sujet à être tenté, cela est même assez ordinaire ; mais quoiqu’il soit difficile, il n’est pas impossible de résister à la tentation et aux appétits désordonnés que peuvent donner une belle fille ou une belle femme qui vient s’offrir ; il faut appeler à son secours toute sa raison et l’idée de la dame de son cœur, et sans doute on en sortira à son honneur. […] Les Espagnols ses auditeurs ne lui repartirent rien crainte de dispute ; et les Français et les dames qui avaient fort goûté et approuvé ce qu’il avait dit, se regardaient l’un l’autre, et ne savaient que penser d’un homme, qui ne passant dans leur esprit que pour un fou, parlait néanmoins si à propos, et mêlait dans ses discours une morale si pure et si chrétienne parmi tant d’impertinences. […] Monsieur, lui repartit le curé, sauf le respect que je dois aux dames qui m’écoutent, vous me permettrez de vous dire que votre sentiment choque celui de tous les théologiens et de tous les physiciens ou naturalistes, qui tous unanimement donnent la préférence à l’homme, conviennent que la femme n’est qu’un informe composé de la nature. […] lui demanda le duc. — Ma foi, Monseigneur, lui répondit Sancho, il en parlerait comme moi. — Dites-nous donc ce que vous en pensez, lui dit le comte Valerio. — J’en pense, répliqua Sancho, que… Je ne veux rien dire à cause de ces dames qui m’écoutent. — Au contraire, ami Sancho, lui dit la belle Dorothée, dites tout ce que vous pensez, nous ^ vous en prions toutes, et cela servira à nous faire connaître nos défauts pour nous en corriger. — Vous ne ressemblez donc pas à ma femme qui ne se corrige de rien, leur dit-il. — Mais enfin que pensez-vous de toutes les femmes ? […] Tout le monde se mit à rire de la réponse de Sancho ; mais Don Quichotte outré de son effronterie, lui dit qu’il ne devait pas parler des femmes comme il en parlait, surtout devant les dames qui l’écoutaient. — Pardi, Monsieur, répondit Sancho avec une pointe de colère, elles m’ont forcé de parler, et puis au fond je ne me plains pas de ces dames, et ne prétends point les offenser ; mais j’entends dire par tant de gens que leurs femmes ont des têtes de fer, et d’ailleurs la mienne en a une si forte, que je m’imagine qu’elles se ressemblent toutes, et que c’est queussi queusmi ; et de plus avec tout cela je ne me plains que de ma femme, parce que je n’en ai qu’une, et je crois que tous les autres aussi bien que moi ne se plaignent que de la leur, parce qu’ils n’en ont pas deux.
. — Chevalier, lui dit Sancho, puisque je suis ici, ce n’est que pour y combattre à outrance, préparez-vous-y, ou avouez que Madame la comtesse Eugénie est plus belle que toutes les dames des chevaliers errants qui sont dans le monde, de quelque pays et de quelque qualité qu’ils soient. — Nous ne sommes pas prêts à nous accorder, répondit le chevalier aux armes noires, puisque je prétends te faire avouer qu’une dame, que je ne veux pas te nommer, est non seulement plus belle que toutes les dames que tu viens de dire, mais aussi plus belle que la plus belle de toutes les belles dames du monde. — Chevalier, reprit Sancho, j’ai eu la courtoisie de vous nommer la dame pour qui je suis en champ, nommez-moi aussi la vôtre, s’il vous plaît. — Tu verras son portrait sur mon cœur, lui répondit le chevalier aux armes noires ; mais pour son nom tu ne mérites pas de le savoir de ma bouche, quoiqu’il ne te soit pas inconnu. — Discourtois chevalier, lui dit Sancho, vous n’êtes qu’un incivil, et ne savez pas les règles de la Chevalerie. — Je les sais mieux que toi, veillaque, lui repartit le furieux Don Quichotte. — C’est ce que nous allons voir, lui répliqua Sancho ; faisons les conditions de notre combat. — Je n’en veux point avec toi que celle de la mort, répondit-il.
Je ne sais, continua Sainville interrompant le fil de son discours, si les dames espagnoles pourraient s’accommoder d’une jalousie pareille ; mais je sais bien qu’il y a très peu de Françaises qui la trouvassent de leur goût. […] Il redoubla ses emportements et dit de cette dame tout ce que sa fureur lui mit à la bouche. […] Ces sortes de caresses sont, à ce qu’on dit, du goût des dames espagnoles, mais elles ne le sont nullement de celui des dames françaises, qui n’aiment pas qu’on leur fasse l’amour à coups de poing. […] Il entendit parler comme les autres de cette dame, et il en fut si vivement touché, que sans déclarer son secret à personne, il résolut de tenter l’aventure. […] Il lui demanda si effectivement cette dame était aussi belle qu’on disait.
Cette dame avait tous les sujets imaginables d’être satisfaite de lui. […] Cette dame avait fait et faisait encore tout ce qu’elle pouvait pour la faire lever. […] Il est beau d’être recherché des dames, reprit Dupuis sur le même ton ; et plus encore de s’en vanter ! […] Il est en bonne main, reprit cette dame sur le même ton, j’en rendrai bon compte ; mais je veux qu’il obéisse. […] Il s’aperçut que cette dame avait voulu sortir, et que sans Madame de Contamine, elle serait sortie en effet.
Sitôt qu’elle et toute sa bande furent hors de vue, on ramena le triste Don Quichotte dans l’appartement des dames, où chacune le consola le mieux qu’elle put de la perte qu’il faisait d’une princesse si belle et si vertueuse. […] Il chargeait son épouse d’en bien remercier cette dame et de rester auprès d’elle jusqu’à ce qu’il lui fît savoir son arrivée à Barcelone. […] Des gens du logis arrivèrent dans le moment qui empêchèrent Sancho de la rosser ; les dames parurent aussi et demandèrent d’où venait un si grand bruit. […] Les Espagnols, la duchesse et les autres dames se mirent avec les Français aux fenêtres, pour se donner le plaisir de l’entrevue. […] Les ducs, les comtes et les dames arrivèrent en ce moment, et la duchesse d’Albuquerque remontrant à Sancho qu’il était indigne d’un chevalier de battre sa femme, que cela était infâme à un honnête homme, et qu’à peine le pardonnait-on à un crocheteur, et que Monsieur le duc était en droit de s’en offenser, cela s’étant passé dans son château et à ses yeux, celui-ci lui répondit qu’il n’avait fait que ce qui lui avait été commandé par les juges d’enfer, et par le sage Parafaragaramus, et de plus, qu’entre le bois et l’écorce il n’y faut pas mettre le doigt.
lui dit le duc de Médoc en l’abordant, il vient d’arriver au château une dame qui paraît d’une qualité éminente, tant par sa personne que par son train ; et qui est la plus belle créature que j’aie jamais vue. […] Je l’ai conduite dans l’appartement de la duchesse mon épouse, où Madame d’Albuquerque et les autres dames lui tiennent compagnie et l’admirent. Don Quichotte qui avait l’idée remplie de sa Dulcinée ne douta pas un moment que ce ne fût elle, et suivit le duc et les autres qui l’emmenaient comme en triomphe, en publiant la beauté de cette dame inconnue. […] Après cela Dulcinée embrassa toutes les dames et se couvrit le visage en passant devant Don Quichotte comme pour lui cacher ses pleurs.
Ce malheureux se préparait à porter un coup d’épée à cette dame, et l’aurait assurément percée, si notre héros n’eût fait gauchir le coup, en lui poussant son cheval sur le corps, en sorte que la duchesse en fut quitte pour la peur, et pour une égratignure à la main qu’elle avait portée au-devant du coup. […] Ce fut là que cette dame les ayant reconnus, en fut en même temps surprise et réjouie. […] Il entretint cette dame pendant qu’on raccommodait son train, avec tant de courtoisie et de sagesse, qu’elle ne savait que juger d’un homme qui était effectivement fou, et qui pourtant parlait de si bon sens et se battait avec tant de conduite et de valeur.
Le chevalier Sancho parfaitement rétabli, continuait à divertir les dames par ses saillies et ses proverbes. […] Le chevalier de la Manche à ces paroles sortit de la profonde rêverie où il était, pour demander ce que c’était que cette aventure. — Pardi, Monsieur, lui répondit Sancho, c’est un lapin que je viens de déchirer à belles dents dans les offices ; le maître d’hôtel qui est un bon vivant m’a fait manger tout mon saoul, et je n’ai pas fait un repas de chèvre, non ; car il m’a fait boire des rasades à la santé de toutes les dames qui sont ici et du seigneur Parafaragaramus, que le ciel veuille confondre plutôt que de souffrir qu’il m’arrive aucun des malheurs dont il m’a menacé. […] Le héros de la Manche et son écuyer après avoir pris congé des dames, et avoir remercié la duchesse, prirent le chemin du Toboso, et couchèrent le premier jour dans une hôtellerie que Don Quichotte prit alors pour ce qu’elle était, et il ne leur arriva rien de particulier ; mais le lendemain s’étant remis en marche, et se trouvant sur le midi fatigués de la chaleur et du chemin qu’ils avaient fait, ils gagnèrent un bois fort épais qui pouvait être à trois cents pas du grand chemin.
Je donnais à mes gens leur argent à dépenser, et je mangeais avec cette dame. […] Je n’ai montré cette lettre qu’à deux dames de mes amies. […] Comme ils discouraient ainsi, il arriva une dame d’une magnificence achevée, qui venait voir Mademoiselle Dupuis. […] Je suis tellement changée depuis ce temps-là, reprit cette dame, que je ne m’étonne pas, Monsieur, que vous ne me remettiez point. […] Vous ne vous trompez pourtant pas, reprit cette dame.
Il faut remarquer là-dessus, que Des Frans raconte son histoire en présence de Madame de Londé, et que Dupuis aurait eu mauvaise grâce de dire en la présence de cette dame, que le frère se serait servi des secrets de la magie la plus noire, pour triompher de Silvie. […] J’en tombe d’accord ; mais pourquoi bannir cette dame de la société puisqu’elle y était en effet ? Et qu’outre cela le récit qu’elle entend faire à Des Frans, lui donne sujet d’en faire un autre, qui sera compris dans la suite de cet ouvrage, si je le continue ; car quoique dans les deux premiers tomes, je donne à cette dame toute l’austérité et tout le sérieux qu’une femme puisse avoir ; il faut observer que ce n’est qu’un caractère contraint, que son second mariage avec Dupuis remit dans son naturel ; qu’il n’était point ennemi de la joie.
J’allai le lendemain chez Silvie pour prendre la lettre qu’elle avait promis de m’écrire ; sa mère ni elle n’étaient point au logis ; elles étaient allées dîner et passer l’après-midi chez cette dame dont je vous ai parlé, où elles allaient très souvent. […] J’allai le trouver, et sans lui dire que Deshayes eût rien de commun avec la baronne, je la lui recommandai comme la meilleure de mes amies, et comme une dame de qualité digne de pitié et accusée à tort, et le suppliai d’employer en sa faveur tout ce qu’il avait d’amis. Cet homme de vertu n’envisagea là-dedans que la charité de secourir une dame innocente, et me promit d’aller la voir pour savoir d’elle-même ce qu’il pouvait faire pour son service. […] Il avoua ingénument à la marquise qu’il s’était intéressé dans le procès de la baronne uniquement pour faire plaisir à cette dame qu’il savait y prendre intérêt. […] La marquise qui est avec elle est une dame d’un vrai mérite, de très grande qualité, et en un mot digne de vos soins.
Heure fort propre pour voir les dames. […] Plût à Dieu, reprit en pleurant cette bonne dame, qu’une pareille envie le prît, je l’estimerais bien heureux. […] Cette dame avait pour moi beaucoup d’estime, et plus sans doute que je n’en méritais. […] Si c’était mon époux, reprit cette dame ? […] J’ai le don de pleurer auprès des dames quand je veux.
Cette dame avait envie de m’établir et de me marier. […] Il savait que cette dame avait reçu beaucoup d’argent environ dix jours avant sa mort. […] Elle s’est donnée à moi par l’ordre de cette dame, et respecte dans ma personne un sang qui lui a été toujours précieux. […] Il y alla le soir et demanda une dame nommée Madame de Buringe. […] Si, poursuivit cette dame parlant à Monsieur de Contamine, Silvie eût regretté Gallouin, pourquoi aurait-elle tout sacrifié à son persécuteur ?
De là j’irai voir une dame qui est de mes bonnes amies, et de celles de ma mère. […] Cette dame me rendra ce service-là, j’en suis sûre. […] Cette dame rougit, et témoigna avoir envie d’apprendre cette histoire. […] Les dames arrivèrent presque toutes en même temps. […] Dame [ !]
Des offres obligeantes que fit le duc d’Albuquerque aux dames françaises ; de la reconnaissance de Valerio et de Sainville, et de la conversation particulière que Don Quichotte eut avec Sancho. […] Don Quichotte en fit autant, après avoir fait quelques réflexions sur son malheur, qui ne lui permettait pas de désenchanter Dulcinée, lui qui délivrait d’autres dames qui ne le touchaient pas de si près.
Cette conversation fut poussée fort loin, et de telle sorte que je crus n’avoir pas fait ma cour à cette dame, et que j’avais dérangé une bonne partie des résolutions de Clémence. […] Je regrettai cette dame, parce qu’elle m’avait toujours paru fort vertueuse. […] Il avait offert pour elle une dot si forte, que ces bonnes dames pour ne pas laisser échapper un si grand fonds, l’avaient persécutée et enfin l’avaient obligée de prendre l’habit. […] Très volontiers, reprit cette dame. […] Eh bien, reprit cette dame, parce que vous êtes en colère, on vous dira qu’on n’y veut point prendre de part, et qu’en un autre temps, on en aurait toute la joie possible : mais pour vous dire ce qu’on en pense, il faut attendre que vous soyez défâché.
Sancho, qui fourrait toujours son nez partout, pria Parafaragaramus de leur tenir compagnie, et l’enchanteur lui répondit qu’il était jeûne pour lui ce jour-là, et qu’il ne mangeait jamais avec les dames. […] Elle poursuivit, en disant qu’elle avait appris de lui que c’était le lâche Freston lui-même qui avait enchanté l’épée du chevalier Sancho, parce qu’il n’était qu’un poltron qui n’aurait jamais osé se moquer de lui ni le braver s’il avait été en état de défense ; que Parafaragaramus lui avait promis de le combattre lui-même en sa présence, et se faisait fort de le renvoyer en enfer aussi vite qu’il en était venu ; cependant qu’il n’avait pas pu se dispenser de lui dire qu’en sortant d’avec lui, ce maudit enchanteur avait été dans la caverne de Montésinos, où il avait eu en effet la barbarie de donner vingt coups d’étrivières bien appliqués à la pauvre princesse Dulcinée, et que sans doute il aurait encore porté sa cruauté plus loin si Parafaragaramus lui-même ne l’en avait empêché, et ne l’avait obligé de prendre la fuite, et d’abandonner cette pauvre dame, après l’avoir traînée longtemps toute nue sur les ronces et les épines ; que cette pauvre désolée avait appelé plus de cent fois son fidèle et bien aimé chevalier Don Quichotte à son secours, et que c’était cela qui avait redoublé la fureur de son bourreau ; mais que Parafaragaramus l’avait un peu remise, en lui promettant qu’avant qu’il fût huit jours il la vengerait, et que l’invincible chevalier des Lions romprait son enchantement ; que c’était ce que Parafaragaramus lui avait donné ordre de lui dire, et qu’il dormît en repos sur cette assurance. — Ah !
Il ne profita pas de mes avis : il soutenait sa dépense par le moyen de quelque dame qui lui faisait des présents, ce qui n’est pas là fort rare ; enfin, au retour d’un voyage, je sus qu’il avait été assassiné. […] Je ne vous interromps point, Monsieur, reprit cette dame en riant, nous aurons du temps pour parler de tout ; achevez l’histoire de Monsieur de Jussy, toute la compagnie vous en prie. […] Pour une dame aussi sage que vous, la médisance est bien mordicante !
Dame de mes pensées, s’écria-t-il, illustre Dulcinée du Toboso, votre chevalier aura donc le bonheur de rompre l’enchantement qui vous retient.
Thérèse et sa fille y demeurèrent aussi, parce que les dames les voulurent retenir pour s’en divertir.
La duchesse de Médoc était indisposée, et avait envoyé prier le duc d’Albuquerque de passer chez elle ; et celui-ci qui était son parent fort proche, y allait, et y menait son épouse, que cette dame n’avait point encore vue.
La manière différente dont les Français et les Espagnols traitaient cette passion, fut fort différente et fort spirituellement discutée, aussi bien que la fidélité des uns et des autres pour leurs maîtresses et leurs épouses, et des dames pour leurs amants et leurs maris.
Les dames espagnoles avaient contracté cependant une étroite amitié avec les Françaises, et s’étaient mutuellement fait confidence de leurs affaires.
Les dames firent semblant de vouloir passer, et feignirent de trouver le même empêchement.
Quelle est cette dame, demanda Des Frans ?
Messieurs qui m’écoutez, je suis certaine qu’il n’y en a pas un parmi vous qui n’eût joué ici des couteaux, et qui ne fût venu poignarder dans le moment la dame et le monsieur.
Par le moyen du curé et de Samson Carasco, le duc avait découvert l’endroit où demeurait pour lors Alonza Lorenço, que Don Quichotte, sans lui avoir jamais parlé, avait fait dame de ses pensées, et maîtresse de son cœur, et qu’il avait rendue fameuse sous le nom de Dulcinée du Toboso, qu’il lui avait donné ; on l’avait envoyé quérir, et elle était venue avec son mari, qui, quoique assez fâcheux, n’était pas néanmoins fâché de trouver occasion de rire.
Pour ne choquer personne et pour ne point ternir l’honneur de ceux qui pouvaient avoir contribué à sa stérilité, cette aventure fut tenue secrète, n’y ayant eu que le cardinal Mazarin, Monsieur le duc de La Ferté et deux dames de la Reine à qui il fallut se confier qui la sussent ; la duchesse de Chevreuse elle-même l’a toujours ignorée. […] Ce ne fut point à moi qu’il le disait, c’était à Monsieur le duc d’Arpajon dont nous avons vu la veuve première dame d’honneur de madame la dauphine Victoire de Bavière. […] C’était la tante et le cousin du président de Mesmes ; et comme la noblesse se ressent toujours de sa naissance, malgré l’abaissement où la fortune la précipite, cette dame lui dit qu’elle n’avait jamais si vivement ressenti sa pauvreté que parce qu’elle n’était pas en état de le recevoir comme elle eût souhaité. […] Il revint dès le lendemain au château où il avait passé la nuit, donna à la dame une bourse de deux cents louis d’or, avec des lettres à Monsieur de Congy, gouverneur du Louvre, son beau-frère, par lesquelles il l’instruisait de tout et lui recommandait la mère et le fils ; lesquels il fit à l’instant monter dans un carrosse à six chevaux pour se rendre à Rouen, où ils devaient prendre la voiture ordinaire du carrosse de Paris. […] Le curé eut la générosité de lui présenter une pièce de dix-huit sols, que cette dame lui rejeta à la tête, et en sortant lui reprocha sa dureté, ne prétendant pas lui rien demander par aumône.
Qu’il savait fort bien qu’elle était sa protectrice ; mais qu’il savait bien aussi que cette dame était ennemie du désordre et des violences. […] La dame de cœur est tombée à Mlle Foulquier, et à moi le roi de même couleur. […] Nous portons présentement au Sud, demi-quart au Sud-Ouest, pour aller reconnaître les îles Canaries, d’où vient le vin que tous les Européens aiment tant, et dont les dames françaises font de si bonnes rôties. […] Le navire ne branle point du tout : on joue aux cartes, aux dames et aux échecs ; on lit et on écrit avec autant de tranquillité que dans une chambre. […] Une dame un peu galante venait avec nous en Canada.
Dame, y croyïs qu’oul étoit vrai, parce qu’oul avis vu. […] Il y félicitait le roi de ses victoires & de sa grandeur dame & de la modération d’avoir mieux aimé accorder & prescrire la paix à ses ennemis que d’achever de les assujettir (la paix de Nimègue venait d’être faite). […] Elle y reçut tout ce qu’on la força de prendre, & qu’elle refusait, parce qu’elle ne se croyait pas si grande dame.