Il la destina à un des plus honnêtes hommes du monde, parfaitement bien fait et d’un vrai mérite, en un mot à un homme capable de se faire aimer de tout autre que d’un cœur prévenu. […] Les fréquentes conversations qu’elle eut avec lui, lui découvrirent tout son mérite ; mais son cœur était trop rempli pour lui accorder autre chose que de l’estime. […] Elle fit ses efforts pour lui livrer son cœur, mais elle n’en eut pas le pouvoir, parce que Verville en était trop le maître. […] A quoi s’expose une femme lorsqu’elle écoute ses sentiments, ou qu’elle n’est pas en garde contre les premiers mouvements de son cœur ? […] Pour son amant, je lui pardonne de tout mon cœur, et ne lui demande pour toute reconnaissance de la vie que je lui laisse, qu’un secret inviolable sur ce qui s’est passé.
Après cela il m’ouvrit son cœur, et je ne vis personne en état de le servir que Rouvière. […] Gardez-la donc, lui répondis-je, j’y consens de tout mon cœur. […] J’étais ravi de lui voir prendre à cœur un parti qui m’était si cher. […] J’avais une joie incroyable de vous voir prendre à cœur les intérêts de ma Silvie. […] Ce n’était pourtant qu’un consentement où mon cœur n’avait point de part.
Cependant ce qui n’est pour lui qu’une galanterie, à ce qu’il croit, passe dans son esprit pour un crime irrémissible dans sa femme, et la vengeance qu’il en tire est tout à fait indigne d’un cœur généreux. […] Si cela est, par quelle raison prétendent-ils que l’aspect d’un homme ne fasse pas la même impression sur le cœur d’une femme ? Je dirai bien plus, si eux qui s’attribuent la fermeté sont si facilement vaincus, comment des femmes qui n’ont que de la faiblesse s’empêcheraient-elles de succomber, puisqu’avec cela cette impression est bien plus vive et bien plus forte dans leur cœur que dans celui des hommes, parce que la douceur d’esprit d’une femme la porte naturellement à la tendresse ? […] L’amour dans le cœur d’une femme est toujours plus impétueux et plus violent que celui d’un homme ; et pour preuve de cela, c’est qu’on voit peu d’hommes, mais plusieurs femmes mourir d’amour, témoin Didon pour Enée, Isabelle pour Zerbin, et mille autres que je passe sous silence. […] Pour l’Ecriture, il est vrai qu’elle ordonne à la femme d’obéir à son mari ; mais elle ordonne aussi au mari de tout quitter pour s’attacher à sa femme, et ne lui permet pas d’en rechercher d’autres ; elle dit que le mari est le chef de la femme, cela est encore vrai ; mais le chef ou la tête n’est pas la plus noble partie du corps, c’est le cœur.
Nous le fîmes boire pour lui faire reprendre cœur. […] Elle me pardonna de tout son cœur, et me pria même de ses noces. […] Elle croit que votre cœur est un vol que je lui fais. […] Parlez sincèrement, Alaix est-il un choix de votre cœur, ou de votre mère ? […] La veuve eut tous les vœux de mon cœur, et elle quelque mouvement de pitié.
Mon cœur n’écoute que ses raisons, il vous justifie de sa propre autorité, et s’en tient à son jugement. […] Quoiqu’elle me haïsse de tout son petit cœur, elle m’a pourtant l’obligation d’être décloîtrée. […] Je n’ai point reconnu dans vous des traits si vivement gravés dans mon cœur. […] Mais non, je ne pourrai jamais calmer les troubles que votre seule idée conservera dans mon cœur. […] Il n’y a cependant que ma bouche et ma main qui sont criminelles, mon cœur ne vous a point trahi.
Elle se jeta à ses pieds les larmes aux yeux et le cœur saisi. […] Souvenez-vous, lui dit-il, que je ne veux pas que ce soit cela qui nous attache l’un à l’autre, et que je vous prie que ce soit le cœur. […] Je lui sacrifie ma satisfaction, mais mon cœur est à Angélique. […] Elle y alla avec une certaine pudeur sur le visage qui acheva de gagner le cœur de Madame de Contamine. […] He oui, Madame, poursuivit-il, s’adressant à Madame de Contamine, je demande pardon de tout mon cœur.
Oh pardi, dit Sancho après que son maître eut lu à haute voix, un cœur pur, une conscience nette, rien à autrui et n’avoir jamais menti, il demande l’impossible ; cela était bon pour les gens de l’autre monde. […] Elle tenait son cœur à sa main, et avec un canif elle ouvrit le côté de son amant et lui remit le cœur dans le ventre en présence de notre héros. […] Il remercia Montésinos de ses soins, et ayant appris qu’il voyait devant lui l’invincible chevalier qui avait rompu leur enchantement, il vint se jeter à ses genoux, le cœur si saisi en apparence qu’il ne put pas ouvrir la bouche. […] Ils n’y virent plus aucune marque d’enchantement, mais seulement trois laides paysannes bien dégoûtantes et bien malpropres, en un mot trois salopes à faire mal au cœur. […] Pour lui donner cœur Merlin lui fit paraître la bourse.
Les pressentiments de votre cœur me sont bien funestes ; mais ne sentez-vous rien dans ce cœur qui les combatte ? […] Non assurément, me répondit-elle, d’un certain air qui me faisait connaître qu’elle parlait de cœur. […] Bien loin de la persuader, je m’en ferais une ennemie : une fille amoureuse ne consulte que son cœur et son amant. […] De tout mon cœur, dit-elle, quoique je voie bien à quels périls je m’expose. […] Madame de Contamine fit mettre Des Frans entre elle et Madame de Mongey, et chacun fut placé selon son cœur.
On ne dispose pas de son cœur comme on veut ! […] Que vous êtes heureux d’avoir un esprit et un cœur à l’épreuve de l’absence et de la jalousie ! […] Qu’elle est heureuse si son cœur est libre ! […] Que cependant il avouait n’avoir jamais pu vaincre dans son cœur la crainte du futur. […] Je vais lui faire voir que vous n’êtes pas sincère en lui mandant que je manque de cœur.
Elle, dont la maladie n’était causée que par la peur d’avoir perdu le cœur de son mari, étant pour lors certaine du contraire, revint la première en santé, et eut de lui tous les soins qu’une honnête femme, et prévenue d’amour, peut avoir d’un mari qu’elle idolâtre. […] Il lui dit que son cœur et sa possession faisait tout son bonheur, et qu’elle lui était tellement chère qu’il ne connaissait point d’homme plus heureux que lui, et que l’état où elle le voyait ne provenait que de la peur de la perdre, ou de la partager avec un autre aussi heureux et peut-être plus heureux que lui. […] Celle-ci qui savait pour lors ce qu’il avait sur le cœur, voulut savoir ce qu’il pourrait dire à sa femme, et remonta après lui pour l’apprendre. […] Elle lui ouvrit là son cœur, et le supplia de s’éloigner d’elle et d’en trouver lui-même le prétexte pour ne la point brouiller avec son mari. […] Célénie qui voyait la perte qu’elle allait faire s’abandonnait à sa douleur, et son amant qui n’était pas moins affligé qu’elle la secondait de tout son cœur.
Par le moyen du curé et de Samson Carasco, le duc avait découvert l’endroit où demeurait pour lors Alonza Lorenço, que Don Quichotte, sans lui avoir jamais parlé, avait fait dame de ses pensées, et maîtresse de son cœur, et qu’il avait rendue fameuse sous le nom de Dulcinée du Toboso, qu’il lui avait donné ; on l’avait envoyé quérir, et elle était venue avec son mari, qui, quoique assez fâcheux, n’était pas néanmoins fâché de trouver occasion de rire. […] Marchand qui perd ne peut rire, disait-il, toutes vos consolations sont de la moutarde après dîner ; les messes ne servent de rien aux damnés, quand le pape même y ferait l’office ; tout ce que vous dites est bon, mais mon argent valait mieux ; quand la bourse est lâche le cœur est serré ; de me venir dire des fariboles, c’est chercher magnificat à matines, et midi à quatorze heures. […] Reprends cœur, ajouta-t-il, elle te sera rendue en peu de temps, puisque le brave chevalier des Lions rompra dans quatre jours l’enchantement de son incomparable Dulcinée. […] Ne sais-tu pas qu’un chevalier errant doit être chaste du corps et du cœur ? […] — Madame, répondit Don Quichotte avec un air froid à glacer, et d’un ton tout magistral, si Altisidore avait été bien sage dans son cœur, les enchanteurs qui l’ont maltraitée auraient été ses défenseurs, et non pas ses bourreaux ; elle n’a que ce qu’elle mérite, et elle a tort de me demander vengeance d’eux, puisque j’aurais fait moi-même ce qu’ils ont fait ; Dieu bénit les bonnes intentions et punit toujours les mauvaises ; permettez-moi de ne vous en pas dire davantage ; elle peut s’expliquer elle-même.
Avant que de vous le déclarer, Monsieur, me dit-elle, il faut savoir si vous aimez avec sincérité la demoiselle que vous allez épouser, et si le cœur a part à votre union, ou l’intérêt ? Non, Mademoiselle, lui dis-je, il est certain que si je ne suivais que mon cœur, je n’épouserais pas Mademoiselle Grandet. Elle est toute aimable ; mais avant que de l’avoir vue, j’étais charmé par une autre que j’aime de toute ma tendresse ; mais ma raison s’oppose aux vœux de mon cœur, elle est d’un rang trop au-dessus de moi pour y prétendre. […] Non, Mademoiselle, repris-je en la retenant et en lui serrant les genoux (car elle voulait s’échapper) je vous aime avec toute l’ardeur dont un cœur vivement touché peut être atteint. […] Je fus saisi au cœur, je tombai pâmé ; et je me vis sur un lit lorsque je revins de ma pâmoison.
Vois si tu te sens assez de cœur pour entreprendre l’aventure. […] N’y va pas, si tu ne te sens assez de cœur pour soutenir un rude combat, ou bien prépare-toi à être assommé de coups et accablé de honte en présence de tous les gens qui sont dans le château de la comtesse, et qui seront témoins de ta valeur ou de ta lâcheté. […] Don Quichotte, qui avait honte que l’abattement de son écuyer parût à d’autres, se contenta de dire à cet écuyer, qu’ils savaient bien où il était, et qu’on le ramènerait en peu de temps ; et cet homme étant sorti, il revint à Sancho, et lui remit le cœur au ventre le mieux qu’il put, et le fit résoudre enfin à tenter l’aventure. […] Son maître ne cessait de l’animer de la voix, et la présence de tant de spectateurs lui remettant le cœur au ventre, et outre cela Parafaragaramus, qui avait ordre de se laisser vaincre, lui faisant beau jeu, Sancho se releva, et l’enchanteur lui donnant le temps de se jeter sur lui, il ne le perdit pas.
Je sais bien que Madame la duchesse n’épargne rien pour m’en rendre le séjour agréable ; mais dans la situation où se trouve mon cœur et mon esprit, il me semble que le Toboso me convient mieux que tous les autres lieux du monde. […] S’ils se persuadèrent follement que l’eau avait changé leurs cœurs, elle ne laissa pas de produire réellement un fort mauvais effet, en leur causant une pleurésie dont ils ne tardèrent guère à sentir les atteintes ; car à peine se furent-ils remis en chemin, que Sancho se plaignit d’un grand mal de côté. — Tu n’en dois pas être surpris, ami Sancho, lui dit Don Quichotte, il est impossible que cette eau merveilleuse change la disposition du cœur sans que le corps s’en ressente ; j’ai comme toi des douleurs au côté, et de plus un très grand mal de tête, qui ne fait qu’augmenter de moment en moment. — Pour moi, répondit Sancho, je crois que l’eau ne me vaut rien, et que si j’avais bu autant de vin, je serais à présent plus gai qu’un pinson.
Ce bon prêtre s’était seulement contenté de lui représenter que la médiocrité de sa fortune ne lui permettait pas de suivre tout à fait les mouvements de son cœur ; mais voyant l’augmentation qui était arrivée au bien de Don Quichotte, il avait été le premier à lui dire qu’il ne pouvait mieux faire ; de sorte que pour conclure, il ne manquait plus que le consentement de l’oncle qu’il n’était pas difficile d’obtenir, et qu’on remit à lui demander lorsque sa santé serait un peu rétablie. […] Je n’ai jamais couru que pour toi, et en vérité je suis entière et nette comme un beau petit denier ; viens, mon cœur, continua-t-elle en faisant semblant de s’apaiser et de pleurer, je te donnerai un habit tout neuf. — Eh non, non, j’ai été trop bien étrillé en enfer, j’aime mieux porter ma peau sur mon col en paradis comme saint Barthélémy, que d’aller en enfer bien chauffé et bien vêtu. […] Don Quichotte le loua de sa continence et l’exhorta à persévérer. — Je n’aurai pas grande peine, lui répliqua Sancho, filles et femmes qui s’offrent perdent tout leur prix ; mais, Monsieur, c’est une diable d’affaire que l’amour dans le cœur d’une fille, il n’est qu’en dira-t-on qui tienne. […] Le point d’hôte est un point de misère ; la bouche donne et le cœur refuse.
Mais le cardinal, s’attachant à tout ce qu’il pouvait comme un homme qui se noie, l’approuva de tout son cœur, et pria M. […] M.Colbert fit donc le traité, mais il a toujours dit qu’il n’en avait jamais signé plus à contre cœur. […] Nous savions mieux qu’eux tous quelle est la clé des coeurs. […] Notre cœur est sans charité. […] Ils ont le cœur plus dur que fer.
La dame de cœur est tombée à Mlle Foulquier, et à moi le roi de même couleur. […] J’y étais, et j’en peux répondre, maudissant de tout mon cœur l’ordre de M. […] J’en ai bu de bon coeur et en ai acheté deux petits quartauts, à condition de me les rendre à la Vinate. […] Quoi qu’il en soit, il nous a quittés les larmes aux yeux, en nous faisant voir le meilleur cœur du monde. […] Landais a de bons ordres, et j’ai ressenti des maux de cœur auxquels je ne veux plus m’exposer.
. — Tu verras son portrait sur mon cœur, lui répondit le chevalier aux armes noires ; mais pour son nom tu ne mérites pas de le savoir de ma bouche, quoiqu’il ne te soit pas inconnu. — Discourtois chevalier, lui dit Sancho, vous n’êtes qu’un incivil, et ne savez pas les règles de la Chevalerie. — Je les sais mieux que toi, veillaque, lui repartit le furieux Don Quichotte. — C’est ce que nous allons voir, lui répliqua Sancho ; faisons les conditions de notre combat. — Je n’en veux point avec toi que celle de la mort, répondit-il. […] Mais pour te faire prendre cœur par avance, suis Rebarbaran, ce satyre que tu connais déjà, il va te mener dans un endroit où tu ne t’ennuieras pas.
Il ne se souvenait plus des mauvais traitements qu’il venait de recevoir ; il mangeait et buvait mieux que jamais. et le trésor qu’il possédait lui mettant le cœur en joie, il en dit des meilleures ; mais Don Quichotte ne lui permit pas de s’étendre. […] Le service de Dieu se faisait avec plus de dévotion et plus de recueillement, parce qu’on le servait d’un cœur pur et véritablement contrit.
La belle La Bastide commençant, sans savoir pourquoi, à s’intéresser pour ce Français, eut envie de le voir, et le plaignit dans son cœur de s’être adressé à une femme préoccupée pour un autre ; elle en parla à Silvie, qui tout d’un coup devina que c’était le comte du Chirou, et ne se trompa pas. […] Elle leur avoua qu’il ne lui était point indifférent ; mais elle ne lui fit pas connaître sitôt le progrès qu’il avait fait sur son cœur, parce que sa facilité de changer Silvie à elle, lui ayant fait appréhender un pareil changement d’elle à une autre, elle voulut s’assurer de sa constance avant que de se résoudre à l’aimer tout de bon.
Us burent donc seulement un coup à cheval, et Sancho qui avait le cœur gai, ne put s’empêcher de parler selon son naturel glouton. […] La longue traite qu’ils avaient faite pour se sauver, et le sang qu’ils avaient perdu ayant tout à fait épuisé leurs forces, ils furent pris vifs et remis entre les mains des gens du lieutenant, qui, avec du vin leur raffermirent le cœur, et après cela les firent porter dans une charrette, qu’on envoya quérir à la même prison où était Pedraria.
Tu n’es qu’un serpent que j’ai réchauffé dans mon sein ; mais ta honte me vengera et t’apprendra à distinguer du commun la maîtresse de mon cœur et de mes pensées. […] Tout bien de toi, ami Sancho, lui répondit Don Quichotte, tu as le cœur aussi bon que la main ; mais ta langue va trop vite et bat trop de pays.
Il continua pendant une demi-heure toutes les imprécations qu’il avait lues dans ses romans ; et Cid Ruy Gomez dit qu’il les faisait de bon cœur, parce qu’il croyait avoir senti pour Alonza Lorenço une douceur de cœur et des émotions qui jusque-là lui avaient été inconnues. Il est constant que cette femme était fort aimable, et l’art joint à la magnificence des habits ajoutant du lustre à la nature, il ne faut pas s’étonner si notre chevalier, qui n’avait jamais rien aimé, s’était trouvé sensible, surtout ayant le cœur préparé à l’amour par les sottises qu’il avait lues dans ses romans, et dont il avait encore la mémoire et la tête remplies.
Le pape ne les met-il pas dans le ciel, sur les procès-verbaux de leurs vies, dont bien souvent on ne voit que le dehors, Dieu s’étant réservé le secret des cœurs ? […] Il ne faut qu’un lâche en autorité pour faire perdre cœur à mille braves gens. […] On ajoute, pourtant, que ce M. de La Ragoterie ne manque ni de cœur ni d’esprit ; & que, sans ses travers, son commerce serait assez agréable. […] J’assure pourtant qu’ils ne connaissent pas les Français, & que, dans une action, la vigueur du corps serait bientôt rappelée par celle du cœur. […] Il n’est pas à croire qu’il y ait personne au monde qui volontairement & de gaîté de cœur veuille se damner.
Ce qui me choque, c’est qu’il me rompt en visière témoin une fille de son village qui allait se laisser aller à son amant lorsqu’il vint mal à propos leur rompre les chiens par sa présence, et qu’il leur dit quelque chose que cette fille a toujours contre lui sur le cœur, ce qui fait que depuis ce temps-là elle lui a toujours fait la mine. […] N’as-tu pas entendu qu’il n’y doit entrer que des gens d’un cœur pur, qui ne possèdent rien du bien d’autrui, et qui n’ont jamais fait aucun mensonge ?
Cependant la présence d’un bon ami dans le sein duquel on décharge son cœur est beaucoup. […] Le dedans du corps est composé de même que celui d’un cochon, mais plus long trois fois ; il a des veines qui portent le sang par tout le corps et qui répondent au cœur. […] C’est un jeune homme de beaucoup de cœur, et quelque chose qu’on ait pu lui dire, se faisant une conscience d’exposer un enfant de cet âge-là, on n’a jamais pu gagner sur son esprit d’aller se mettre en sûreté dans la fosse du chirurgien. […] Je vous jure pourtant qu’ils ne connaissent pas les Français et que dans un combat le cœur surmonte bientôt l’abattement du corps. […] Nous avons chanté le Te Deum à gorge déployée ; Dieu nous conserve jusqu’en France nous l’y chanterons encore de meilleur cœur.
Le duc de Médoc, qui avait un très grand fond de probité et d’honneur, écouta tout ce qu’on lui dit avec une patience admirable, et sans répondre un seul mot ; mais après qu’on eut achevé de lui dire tout ce qui se pouvait dire sur cette matière, il prit la parole, et après avoir remercié toute la compagnie en général du soin que chacun en particulier avait témoigné pour sa personne, il ajouta que s’agissant de rendre service au comte de Valerio, et de sauver l’honneur d’une des meilleures maisons d’Espagne, il n’aurait pas eu l’esprit en repos si lui-même n’y avait été ; que de plus, chacun se faisait dans le monde un point d’honneur et de probité selon son humeur ; qu’il avouait que la recherche qu’on faisait de gens qu’on destinait au gibet, offrait à l’esprit quelque chose de bas et de rebutant, qu’ainsi il ne blâmait point les Français de ne s’y pas commettre, parce qu’ils croyaient que cela était indigne d’un grand cœur ; mais que pour lui il était d’un autre sentiment et qu’il ne croyait pas qu’il fût plus indigne d’un prince de faire la guerre à des voleurs et à des bandits qui désolaient toute une province et ses propres compatriotes, que de la faire à des étrangers ; qu’il croyait même que c’était plus utilement servir sa conscience et le public dans une guerre de cette nature, que dans une guerre réglée, parce que les ennemis qu’on combat dans celle-ci, ne sont pas des ennemis particuliers ni domestiques, puisqu’on peut s’en défaire par un traité de paix ; mais que les autres sont des ennemis d’autant plus cruels, qu’ils ne sont retenus par aucune digue ; de plus que la guerre avait ses lois inconnues aux scélérats, et que les ennemis qu’on combattait dans une guerre de prince à prince, étaient presque toujours des ennemis contraints par la volonté et par l’ambition de leur souverain, avec qui la vie était sauve, ou du moins ne courait pas tant de risque, qu’avec les autres, qui non seulement n’épargnaient personne, mais de qui même leurs propres amis et les gens de leur connaissance avaient plus à craindre que des étrangers ; qu’enfin dans une guerre ouverte on était en état d’attaquer et de se défendre, et que l’on n’était jamais surpris qu’on ne dût s’attendre à l’être ; mais que les voleurs de grands chemins étaient des gens qui mettaient leur sûreté dans les surprises qu’ils faisaient aux gens qui ne se défiaient nullement d’eux ; et qu’en un mot c’était des ennemis d’autant plus dangereux qu’ils empêchaient le commerce et la sûreté, et qu’il n’y avait avec eux ni paix ni trêve à espérer que par leur mort ; enfin des gens universellement regardés avec exécration ; ce qui était si vrai, qu’en France même, où les gens de distinction tenaient cette chasse si indigne d’eux, les bandits et les voleurs de grand chemin étaient punis du plus long et du plus rude des supplices, et privés même de la sépulture.
A peine eut-il lâché la parole, que le mari qui paraissait fort affligé, redoubla ses larmes et poussa des soupirs à toucher les cœurs les plus insensibles.
Les sentiments qu’il marqua dans ses derniers moments le firent regretter surtout de Sainville et de Silvie, dont le cœur était bon et bien placé.
Les Français en convinrent, et prétendirent que c’était un amour effectif qui leur inspirait cette pleine confiance, qu’ils se mettaient sur le pied de croire toute sorte de vertus dans leurs femmes et dans leurs maîtresses, et que d’ailleurs ils se flattaient d’avoir assez de mérite pour retenir un cœur qui s’était une fois donné à eux ; que dans cette persuasion, et surtout dans celle d’être parfaitement aimés comme ils aimaient, ils ne concevaient pas ces soupçons injurieux auxquels les Espagnols étaient sujets.
Ce n’était point de ces caresses feintes et étudiées que la corruption du siècle a introduites ; c’était un sincère et véritable épanchement de cœur.