Elle a réussi, mais son bonheur s’en est mêlé ; car sans lui toute sa vertu et sa beauté l’auraient laissée en chemin. […] Je n’ai pour tout bien que ma vertu, je ne la vendrai point. […] Je ne vous demande aucune faveur qui puisse faire tort à votre vertu. […] Ma vertu n’y serait-elle point intéressée ? […] C’est premièrement à la recommandation de Madame la princesse de Cologny, à votre vertu, et à votre sagesse, dont elle m’a assurée.
Presque tous les romans ne tendent qu’à faire voir par des fictions, que la vertu est toujours persécutée, mais qu’enfin elle triomphe de ses ennemis, en supposant néanmoins, comme eux, que la résistance que leurs héros ou leurs héroïnes apportent à la volonté de leurs parents, en faveur de leurs maîtresses ou de leurs amants, soit en effet une action de vertu. […] Celle de Des Frans fait connaître, que quelque fonds qu’une femme puisse faire sur sa propre vertu, elle doit être toujours en garde, et cela avec d’autant plus de soin, qu’elle a de beauté et de mérite, parce que c’est ce qui est cause qu’on l’attaque plus opiniâtrement ; et que tôt ou tard, elle peut être la dupe de sa propre confiance : elle fait voir aussi à quelle extrémité un amour outragé peut se porter. Celle de Dupuis fait voir qu’un libertin se retire de son libertinage, lorsqu’il s’attache à une femme de vertu : on y voit tout l’excès d’un amour au désespoir, tant par ce qu’il dit de Gallouin en justifiant Silvie ; et ce qu’il dit de Gallouin montre, que si un homme est capable de tout pour ses plaisirs, lorsqu’il se livre à des réflexions chrétiennes, il n’en fait que de bonnes et de profitables. [Enfin celle de Vallebois fait voir que la vertu défendue jusqu’aux extrémités, triomphe toujours. […] Les unes et les autres sont ce qu’on appelle des femmes de vertu ; d’où vient donc leur contrariété ?
Je savais bien que vous aviez trop de vertu et trop de sagesse pour lui rien accorder qui pût faire tort à votre vertu. […] interrompis-je, vous me donnez des soupçons qui font tort à la vertu de Madame de Cranves. […] La vertu ne m’a jamais abandonnée, et pourtant je suis criminelle ! […] ma vertu ne sera-t-elle due qu’à l’impossibilité de vous offenser ? […] Je comptais sur ma fermeté et sur ma vertu, dont je n’avais jamais été trahie.
Il avait tort cependant, la plus déchaînée médisance s’est bornée à dire, qu’elle aimait à être parée, et à être vue ; mais n’a jamais attaqué sa vertu. […] La sagesse d’une fille n’est rien à moins qu’elle ne vienne de sa propre vertu, sans aucun secours étranger. […] J’ai mille fois admiré la complaisance que vous aviez pour lui, et la vertu avec laquelle vous supportiez ses mauvaises humeurs. […] Oui, interrompit la belle Dupuis, Madame est la même personne que vous avez connue sous le nom d’Angélique, et qui ne doit à présent sa fortune qu’à sa beauté et à sa vertu. […] Il est encore vrai qu’elle ne l’a retenu par aucune faveur ; au contraire ç’a été sa vertu qui l’a charmé et qui l’a obligé de l’épouser.
Cette morale et ce préambule, que je n’attendais pas d’une femme qui ne passait ni pour pédagogue, ni pour un exemple de vertu, m’obligèrent à lui donner toute l’attention dont j’étais capable dans la surprise où j’étais. […] Quoique ce soit le plus grand des malheurs qui puisse arriver à une femme qui a de la vertu que de se voir entre les bras d’un homme, le cœur tout rempli d’un autre, mon infortune ne s’y est pas bornée. […] Je ne vous dirai rien, ajouta-t-elle, pour me justifier de vous avoir trahie ; je suis certaine que vous êtes trop bien née pour dégénérer jamais de la vertu de vos ancêtres. […] Du reste elle me dit de faire tout ce que je jugerais à propos ; qu’elle n’avait rien à me prescrire, et que pourvu que je ne m’éloignasse pas de la vertu, toutes les autres démarches m’étaient permises dans l’état violent où j’étais. […] Cet homme de vertu n’envisagea là-dedans que la charité de secourir une dame innocente, et me promit d’aller la voir pour savoir d’elle-même ce qu’il pouvait faire pour son service.
Les Français en convinrent, et prétendirent que c’était un amour effectif qui leur inspirait cette pleine confiance, qu’ils se mettaient sur le pied de croire toute sorte de vertus dans leurs femmes et dans leurs maîtresses, et que d’ailleurs ils se flattaient d’avoir assez de mérite pour retenir un cœur qui s’était une fois donné à eux ; que dans cette persuasion, et surtout dans celle d’être parfaitement aimés comme ils aimaient, ils ne concevaient pas ces soupçons injurieux auxquels les Espagnols étaient sujets. Que ces derniers étaient si peu prévenus d’estime pour leurs maîtresses et leurs épouses, qu’ils ne se reposaient de leur fidélité que sur des grilles et des serrures, et que cette manière d’aimer avait quelque chose d’outrageant pour la personne aimée, au lieu que la confiance des Français avait quelque chose de plus noble et de plus généreux, en ce qu’ils s’assuraient entièrement de la fidélité de leurs maîtresses et de leurs épouses sur leur propre vertu et leur sagesse seule, dénuée de tout secours étranger. […] Les Français convinrent encore de cela ; mais ils ajoutèrent que ce n’était pas par un motif d’indifférence, que les amants et les hommes mariés abandonnaient en France leurs maîtresses et leurs épouses à la garde de leur seule bonne foi, puisque toutes leurs actions les touchaient autant qu’elles pouvaient toucher les Espagnols ; mais que cela provenait encore du fond inépuisable d’estime qu’ils avaient pour elles, et de leur confiance en leur vertu, qui les empêchait de croire qu’elles pussent faire aucune démarche contre la fidélité qu’elles leur avaient jurée, ni même avoir la moindre pensée dont ils pussent tirer aucun sujet légitime de se plaindre.
Elle avait dû le prévoir, mais son peu d’expérience, et la droiture de ses intentions ne lui avaient pas permis de rien craindre sur sa démarche, ni de faire réflexion qu’une femme présume trop de sa vertu, lorsqu’elle compte de se retirer entière d’un rendez-vous qu’un amant lui a donné dans un lieu où rien ne s’oppose à ses vœux, et où au contraire le silence et la solitude le favorisent et donnent tout lieu à ses entreprises. […] Sur la foi d’un mari le monde s’abandonne A taxer la pudeur de celle qu’il soupçonne, Et ne peut présumer s’il a trop éclaté, Qu’elle ait de la vertu puisqu’il en a douté. […] Je suis au désespoir, Monsieur, dit-il à Cléon, de vous faire voir un objet aussi désagréable et pour vous et pour moi que celui que je vous présente ; mais ayez la bonté de vous souvenir que vous m’avez dit que vous ne croiriez jamais rien au désavantage de la vertu de votre fille que vous ne le vissiez de vos propres yeux ; il a fallu vous convaincre, et je n’ai pu me dispenser de le faire. […] On en peut inférer encore que les pères et les mères devraient consulter l’inclination de leurs enfants avant que de les engager pour toute leur vie dans un état tel que celui du mariage ; mais la meilleure instruction qu’on en peut retirer, c’est qu’une femme ne doit jamais mettre sa vertu à l’épreuve.
Elle lui fit connaître ces soupçons fort spirituellement et comme par plaisanterie ; mais il lui répondit fort sérieusement et fort galamment, qu’il ne connaissait et n’avait regardé Silvie que sur le pied d’une femme séparée d’avec son mari, et d’une femme qui avait un amant favorisé ; que sur ce fondement il avouait que les vues qu’il avait eues pour elle n’étaient pas fort à l’avantage de sa vertu, et qu’il n’avait commencé de la regarder sur le pied qu’elle méritait de l’être, que depuis qu’il savait son histoire ; qu’ainsi son amour n’était pas extrêmement violent, mais qu’il n’en était pas de même de celui qu’il avait pour elle, puisqu’il était accompagné de vénération, d’estime et de respect. […] Il le lui promit ; et afin qu’elle n’eût plus aucun soupçon sur Silvie, il la lui sacrifia en présence de tout le monde ; mais il le fit d’une manière que cette belle veuve aurait eu tort de s’en scandaliser, puisqu’en même temps qu’il la sacrifiait, et lui disait qu’il ne l’aimait plus, il lui faisait réparation des sentiments injurieux qu’il avait eu de sa vertu. […] La marquise qui vit bien que sa parente ne demandait pas mieux, y consentit de la meilleure grâce du monde, bien persuadée que la vertu et la sagesse de cette aimable Provençale était un garant certain de sa conduite et du respect de du Chirou.
Je tâchai même de le désabuser de la fausse vertu de sa maîtresse. […] Si vous connaissiez ma manière de vie, vous n’y verriez rien qui pût choquer votre vertu. […] Je ne dis point à Silvie, ni ce que j’avais fait pour triompher de sa vertu, ni la mort de Madame Morin. […] Ces ménagements s’accorderaient-ils avec toute ma vertu ? […] Elle ne craignit plus que j’en voulusse à sa vie ou à sa vertu.
Un diable de si bonne mine attira l’attention de nos deux chevaliers, et Pluton lui ayant permis de parler, il commença par remontrer toutes les peines qu’il se donnait pour rendre les femmes belles et attirantes, qu’il inventait tous les jours quelque pommade et quelque essence pour conserver leur teint, ou bien pour en cacher les rides, qu’il avait depuis peu de temps travaillé à cela avec beaucoup de succès, puisqu’il y avait des femmes âgées de plus de soixante ans qui ne laissaient pas par son moyen de paraître avec des cheveux bruns, une peau unie et délicate, et enfin si jeunes qu’il faudrait avoir en main leur extrait baptistaire pour les croire plus vieilles que leurs enfants ; que cela faisait augmenter le nombre de leurs amants, et augmentait en même temps celui des sujets de l’enfer ; mais que malgré tous ses soins il courait risque de perdre son temps s’il y avait encore dans le monde deux hommes de l’humeur du chevalier Sancho, qui à tout moment disait pis que rage des femmes, et tâchait d’en dégoûter tout le monde ; que si cela était souffert, il n’avait qu’à laisser en enfer son panier plein de cornes, parce qu’il ne trouverait plus de femmes qui en pussent faire porter à leurs maris, n’y ayant plus aucun homme qui leur voulût aider à les attacher, qu’il avait employé un temps infini pour en faire qui fussent propres à tout le monde, qu’il y en avait de dorées pour les maris pauvres, et qui se changeaient sur leur tête en cornes d’abondance ; qu’il y en avait d’unies et simples pour ceux dont les femmes faisaient l’amour but à but ; qu’il y en avait de jaunes pour ceux qui épousaient des filles qui avaient déjà eu quelque intrigue ; de blanches pour ceux qui épousaient des veuves ; de noires pour ceux qui épousaient des fausses dévotes ; de diaphanes et transparentes pour ceux dont les femmes savaient cacher leur infidélité ; de vertes pour ceux qui épousaient des filles élevées dans un couvent ou dans une grande retenue ; et de rouges pour ceux dont les femmes payaient leurs amants, à qui d’ordinaire elles ne se contentaient pas de sacrifier la bourse et l’honneur, mais le sang même de leur époux ; que chaque couleur convenait parfaitement à la qualité d’un chacun ; qu’il y avait dans le monde assez de femmes de vertu qui rebutaient les hommes, sans que Sancho voulût mettre les hommes sur le pied de rebuter les femmes ; que c’était de quoi il demandait justice, et protestait en cas de déni de laisser toutes les femmes et les filles en garde à leur propre vertu, sans les tenter dorénavant par lui-même, et sans les faire tenter par d’autres, ni leur fournir les occasions d’être tentées. […] perfide, lui dit-il, tu prêches la vertu aux autres et tu ne l’exerces pas, ne sais-tu pas que le meilleur sermon se tire de l’exemple qu’on donne ?
Nous sommes ici, mon fils, dans la forêt des Ardennes, et la fontaine que tu vois est l’ouvrage du sage Merlin ; cet enchanteur l’a faite exprès pour guérir un chevalier de ses amis de la passion qu’il avait pour une princesse ; car il faut que tu saches que cette eau a la vertu de changer en haine le plus violent amour. — Quoi, Monsieur ! […] Comme l’eau était extrêmement froide, et qu’ils en burent tous deux beaucoup, Don Quichotte dont la tête s’échauffait à mesure que ses entrailles se rafraîchissaient, demeura plus persuadé qu’auparavant que c’était là la fontaine de Merlin ; il crut même éprouver sur-le-champ la vertu de l’eau, la princesse Dulcinée ne lui paraissant plus qu’une laide paysanne, et s’étonnant de l’avoir choisie pour l’objet de ses amours.
Les dignités étaient les récompenses des services et de la vertu, et ne s’acquéraient point à prix d’argent. […] Les femmes n’étaient servies que par des femmes ; le grand monde leur était inconnu ; leur domestique faisait toute leur occupation, et leur propre jardin bornait leur promenade ; assez parées de la seule nature, elles faisaient consister leur beauté dans leur vertu, et leur mérite dans leur attachement pour leurs époux, sans témoigner aucun empressement pour ces sortes de parures que la mode invente tous les jours ; leur honneur ne courait aucun risque ; armées de leur seule modestie et de leur pudeur, elles retenaient tout le monde dans le respect, et ôtaient la hardiesse de leur rien dire de malhonnête.
Elle me dit que je ne devais pas juger moins favorablement de sa vertu. […] Je ne crois pas que vous ni vos filles preniez, en sortant de chez vous cet air de vertu que je vous ai toujours vu ; ni que vous le laissiez à votre porte en entrant dans votre maison. […] Quel est-il ce moyen, dit-elle, pourvu que ma vertu puisse être à couvert, et que je puisse me croire innocente moi-même, je hasarde tout le reste. […] Que cette fille m’aimait aussi ; mais qu’elle avait trop de vertu pour me rien accorder contre son devoir. […] Oui, répondit Des Frans, et sa femme est une héroïne de vertu, comme Madame en est une de constance.
Comme ils savent punir les crimes, ils savent aussi récompenser la vertu. […] Pardonnez-moi ce vœu, que le désespoir m’a fait faire ; je suis mille fois plus à plaindre que vous ; vous ne perdez dans moi qu’une princesse malheureuse et infortunée, et je perds en vous la fleur de la Chevalerie, le miroir de la vraie valeur, le prototype de la fidélité, et un parfait modèle de toutes les vertus.
C’est la beauté et la vertu même, et le parangon de toutes sortes de bonnes qualités. […] Il est comme lui venu dans ton empire ; mais c’est la vertu qui l’y a conduit, et non pas un amour criminel.
Elle a souffert avec lui pendant plus de quatre ans, tout ce qu’une femme de vertu peut souffrir d’un brutal, d’un jaloux, et d’un homme âgé : et c’est toute l’obligation qu’elle m’a, dont je suis très fâché. […] Mademoiselle Fenouil m’en écrit comme d’une des plus vertueuses, et des plus aimables femmes de France ; et qu’elle a donné des preuves de sa vertu si convaincantes, qu’on ne la regarde qu’avec admiration. […] N’est-ce pas là triompher de la fortune, et ne devoir son bonheur qu’à sa propre vertu ?
Cependant, l’adultère & la fornication sont très rares chez les gentils & les Mores : non par la vertu ni par la chasteté de leurs femmes & de leurs filles, mais par l’étroite clôture où ils ont très grand soin de les retenir. […] La vertu est récompensée ici, & les criminels y sont punis, excepté les adultères, & même les incestes. […] Il le dit après l’audience à Monicault, qui prévoyant de quelle vertu serait le diamant, y reconduisit Rupli, avec ordre de bien l’examiner & de bien prendre garde à ne se pas méprendre, parce que la perte ou le gain de son procès en dépendait. […] Il y vit une fille de très vile extraction, mais véritablement parfaite, si elle avait eu autant de sagesse & de vertu que de beauté & d’esprit. […] Ils la font passer pour une nation sanguinaire, & tellement attachée à ses intérêts, & si portée à la violence qu’elle est toujours prête à sacrifier, à une légère apparence de gain, l’honneur, la vertu, le sang, la bonne foi, en un mot tous les devoirs les plus sacrés, & que les peuples les plus féroces & les plus barbares respectent.
. — Il est vrai, répondit Don Quichotte, que j’ai été surpris que tu n’aies point soupé avec nous ; mais, Sancho, tu dois en avoir de la joie, puisque c’est signe qu’on respecte ici la vertu, et qu’on regarde les gens par leurs actions, et non pas par leur qualité.
Effectivement, poursuivit-il, les pères et les mères exposent terriblement la vertu de leurs enfants, lorsqu’ils les obligent d’embrasser une vie renfermée sans aucune vocation ! […] Elle avait si peu aimé cette vertu, que la mort de son quatrième mari, dont elle était restée veuve à plus de cinquante-deux ans, lui en avait fait chercher un cinquième. […] Elle triomphe toujours des obstacles qu’on lui oppose, quand elle a la vertu et la raison de son côté.
L’hôte faisait un bruit de diable ; et très peu persuadé de la vertu des Françaises, et outre cela extrêmement jaloux, il s’égosillait en appelant sa femme, croyant peut-être qu’il y allait de son honneur.
Il n’y a que ces seules vertus-là qui fassent les héros.
On ne peut pas disconvenir que les anciens chevaliers errants n’aient été des hommes parfaits et des modèles de vertu ; qu’on m’en cite quelqu’un qui ait manqué de fidélité à sa maîtresse ou à son épouse.
Il en est de cela comme des autres vertus chrétiennes ; les gens d’Eglise les prêchent, et en laissent la pratique aux autres ; témoin la charité, au diable le liard qu’ils donnent aux pauvres ; témoin la paix et l’union, on ne voit qu’eux plaider ; et pour les jeûnes, ne trouvent-ils pas toujours des prétextes pour s’en dispenser ?
Il ne se cacha point d’eux dans les sentiments qu’il avait pour la nièce de Don Quichotte, et qu’il n’avait point déguisés à son oncle le curé, lequel connaissant la vertu et le mérite de cette fille ne s’y était point opposé.
Cette vertu qui est le premier et le plus puissant lien de la société civile s’est perdue par degrés, à mesure que leurs chefs leur en ont montré l’exemple. […] Il avait une sœur servante et cuisinière chez une demoiselle de moyenne vertu que M. de Pontchartrain entretenait. […] En effet nous épousons toutes les mauvaises coutumes des nations étrangères, mais nous ne savons point imiter ni leurs vertus, ni leurs exemples ; en un mot nous en rebutons le bon, et prenons le mauvais. […] Punissez sévèrement le vice et la mauvaise foi, récompensez la vertu, distinguez ceux qui sont naturellement portés à un art, et leur donnez les moyens de s’y perfectionner ; faites assembler la jeunesse à de certains jours, exercez-la aux armes ; en un mot faites tout ce qu’une politique sage, humaine et chrétienne vous inspirera, et certainement vous réussirez. […] En effet, Qu’aurait-on dit de lui si sa vertu sublime Eût puni si tôt notre crime ?
P.Aumônier et nos Missionnaires sont de fort honnêtes gens qui n’empêchent point de rire, et outre cela, nous ne disons rien qui puisse choquer la vertu même par une équivoque sale et basse, mais seulement de ces railleries innocentes qui sont le sel des conversations. […] Rendons-leur pourtant justice : il est très vrai qu’ils ne regardent point leurs idoles comme un Dieu premier être de tout, et que ce sont seulement des hommes d’une vertu éminente, qu’ils prétendent avoir été déifiés par leurs belles actions, et positivement ce que dit Virgile : Quos ardens evexit ad aethera virtus A peu près comme les anciens Romains déifiaient leurs Empereurs ; sur quoi la réflexion de Sévère dans le Polieucte de Monsr. […] Si je n’étais pas né catholique, apostolique et romain par la bonté de Dieu, si je n’étais pas connu pour aussi zélé pour ma religion que je le suis, vous pourriez croire que ceci sent un peu le libertinage et le calvinisme, mais ce n’est qu’une simple comparaison que je fais, sans y prétendre de conséquence et seulement pour faire connaître que, puisque nous, qui sommes éclairés sur la religion et la divinité plus que peuple du monde, reconnaissons dans le ciel des esprits bienheureux qui ont été hommes comme nous, nous ne devons pas nous étonner si des peuples abîmés dans les ténèbres de l’ignorance adorent des figures d’hommes qu’ils disent avoir été parmi leurs ancêtres d’une vertu toute héroïque. […] A l’impureté près ils vivent sous des lois, policés et civilisés comme les Européens, les criminels y sont punis et la vertu reconnue.
La prédestination serait un effet de l’autorité de Dieu qui nous forcerait, et nous empêcherait de mériter ni récompense ni châtiment : c’est ce que je rejette, et en la rejetant j’admets la prescience de Dieu, parce qu’elle est véritablement du ressort de sa divinité à qui rien n’est caché, ni passé, ni présent, ni futur ; mais en admettant cette prescience, je ne lui attribue aucune vertu ni force qui nous oblige d’agir, ni qui nous en empêche. […] Quand le temps de la moisson est venu, ce laboureur voit avec plaisir ce qu’il a pris sur lui multiplié au centuple ; confions-nous à la grâce, nos mauvaises habitudes diminueront, nos vertus augmenteront, et nous ferons comme ce laboureur une abondante moisson.