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2. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre L. Dissertation sur la différente manière d’aimer des Espagnols et des Français. »

Leurs entretiens ordinaires étaient de galanterie, et roulaient presque toujours sur l’amour et ses effets. […] Les Français convinrent, que l’amour semblait être né en Espagne, où généralement tout le monde y était porté, qu’il semblait même que les Espagnols aimaient d’une manière plus sérieuse que les Français, puisqu’il paraissait qu’ils faisaient de leur amour une des principales occupations de leur vie ; mais que cependant les Français aimaient d’une manière plus engageante, et que si on ne trouvait pas parmi quelques-uns d’eux autant de constance qu’aux Espagnols, on y trouvait du moins plus de feu et de vivacité. Les Espagnols répliquaient, que par le consentement général de tout le monde, l’amour qui n’était point accompagné de la constance n’était point un véritable amour, et qu’ainsi les Français n’aimant pas avec constance, on pouvait dire que leur amour n’était point un amour, mais seulement un feu de paille. […] Les Espagnols prétendirent que ce peu de confiance, ou plutôt cette jalousie, était nécessairement fille de l’amour, et qu’il n’y avait qu’elle seule qui la fît naître ; qu’une preuve de cela est, que nous laissons faire avec indifférence tout ce que veulent faire des gens auxquels nous ne prenons nul intérêt, et qu’au contraire les gens que nous aimons ne font aucune action qui ne nous intéresse, et à laquelle nous ne prenions part en effet. […] Les Espagnols ne s’inscrivirent point en faux contre un si bon auteur, mais ils prétendirent encore que l’amour des Français n’était point si violent que celui des Espagnols, parce que, disaient-ils, on ne voyait point de Français se jeter, pour l’infidélité de leurs épouses, dans le dernier désespoir, comme on le voyait souvent en Espagne, surtout en Portugal, où un mari trompé se venge sur lui-même, et attente à sa vie de rage et de dépit.

3. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Dupuis, et de Madame de Londé. »

Sophie se flatta qu’elle m’avait inspiré un amour tendre et violent. […] Mon mari avant que de m’épouser m’a fait l’amour avec toute l’assiduité et la tendresse possible. […] se peut-il, que ni l’un ni l’autre n’ait le secret de faire l’amour sans conséquence ? […] Je suis fort aise pour l’amour de vous, dit-elle, que vous ayez changé de sentiment. […] J’étais chagrin franchement, de faire l’amour comme les anges.

4. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Frans et de Silvie. »

Ah, Mademoiselle, reprit-il, que ne fait point faire un amour jaloux ? […] Votre retour vers moi m’est garant de la durée de votre amour. […] Je lui sais bon gré de l’amour qu’elle a pour mon fils. […] Enfin je revins chez moi où je restai quelque temps déchiré par mes remords et par mon amour. […] Cette vue rappela tout l’amour que j’avais eu pour elle, je tombai en faiblesse.

5. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Ronais, et de Mademoiselle Dupuis. »

Je juge de lui par moi-même ; j’aurais juré lorsque je faisais l’amour à sa mère, que je l’aurais aimée éternellement. […] Je ne l’aimais plus, la jouissance avait tué l’amour. […] Je la pris, non pas pour l’amour d’elle, mais pour légitimer son fruit et me mettre en paradis. […] Il me parut qu’elle avait aussi plus de vivacité dans son amour qu’à mon départ. […] Si vous m’aimez autant que vous voulez me le faire croire, ne préféreriez-vous pas l’amour à toutes choses ?

6. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Jussy, et de Mademoiselle Fenouil. »

Nous concertions quelquefois ; et enfin pendant plus de quatre mois, je me fis une nécessité d’y aller tous les jours, et insensiblement l’amour s’en mêla sans que je m’en aperçusse. […] Les airs que je chantais n’inspiraient que l’amour, je m’y plaignais d’un silence forcé ; mais tout cela n’avançait rien, elle les chantait aussi bien que moi. […] L’amour que j’ai pour elle est parvenu à l’excès, et ma raison me fait voir que n’ayant aucun bonheur à espérer de ce côté-là, je dois tâcher de l’oublier par toutes sortes de moyens. […] L’amour qu’elle avait pour moi acheva de la persuader. […] Je m’y opposai de tout mon pouvoir, et tellement qu’elle me reprocha le peu d’amour que j’avais pour elle.

7. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Contamine, et d’Angélique. »

Ne doutez plus de la sincérité de mon amour, et répondez-moi comme en étant bien persuadée. […] Espérez-vous voir augmenter mon amour ? […] Je vous aime, Monsieur, l’amour que j’ai pour vous vous est trop bien dû pour le cacher ; c’est un amour de reconnaissance et d’inclination. […] Il ne lui cacha rien de son amour ; il lui en fit voir toute la force. […] Elle était pénétrée de l’amour que son fils lui avait découvert, et très satisfaite de son respect.

8. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Prez, et de Mademoiselle de l’Épine. »

Je lui fis de mon amour le portrait le plus vif qu’il me fut possible. […] Mais non, je mourrais de douleur à vos yeux, si je n’y remarquais point d’amour et de tendresse ! […] Tel que soit l’amour que vous avez pour moi, il n’égale point celui que j’ai pour vous. […] On n’en a guère quand l’amour s’en mêle, reprit-elle, en tournant la tête. […] L’amour que vous aviez pour moi dans ce temps-là, n’était point si respectueux, mais il l’est devenu.

9. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Terny, et de Mademoiselle de Bernay. »

L’honneur vous l’ordonne, l’amour ne vous le défend-il pas ? […] Je vous instruirai de tout ce qui m’arrivera, l’amour m’en donnera les moyens ; ce sera à vous d’y chercher du remède. […] Vous verrez bientôt la conclusion de nos amours, si elle le veut bien ; car pour celle des vôtres, je crois les voir à votre retour. […] Il n’importe, mon amour est à l’épreuve de tout. […] Voici ce qu’elle fit de cet argent par une résolution déterminée, digne de notre amour réciproque.

10. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVI. Suite de l’histoire de Silvie et de Sainville. »

Nous nous dîmes cependant tout ce qu’on se peut dire pour s’assurer l’un et l’autre d’un amour réciproque et éternel, et nous nous fîmes toutes les caresses innocentes qui peuvent accompagner ces sortes d’assurances. […] J’accusai son inconstance ; je me persuadai qu’elle ne m’avait jamais aimé, et que l’amour que j’avais cru qu’elle avait pour moi, n’était qu’un de ces feux passagers si communs aux jeunes gens. […] Pardonnez à ma jeunesse et à mon amour pour Sainville, la force des expressions ; mais plus elles sont vives, plus vous pénétrerez au fond de mon cœur. […] Mais, Madame, comme il vous est sans doute impossible de concevoir que le cœur d’une jeune fille puisse être rempli de tant d’amour, il vous est aussi impossible de concevoir le désespoir dont je fus saisie le lendemain, lorsque cette même lettre me fut rendue par une femme qui m’assura que Monsieur de Sainville la lui avait sacrifiée. […] Sitôt que nous fûmes seules, à ce que je croyais, elle commença par me plaindre du mauvais choix que je faisais des gens que j’honorais de ma confiance et de mon amour.

11. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LXI. Comment Don Quichotte et Sancho sortirent du château pour s’en retourner chez eux ; de ce qui leur arriva sur la route. Mort de Don Quichotte ; et ce qui s’ensuivit. »

Nous sommes ici, mon fils, dans la forêt des Ardennes, et la fontaine que tu vois est l’ouvrage du sage Merlin ; cet enchanteur l’a faite exprès pour guérir un chevalier de ses amis de la passion qu’il avait pour une princesse ; car il faut que tu saches que cette eau a la vertu de changer en haine le plus violent amour. — Quoi, Monsieur ! […] — Rien n’est plus certain, reprit Don Quichotte, et je suis tenté d’en boire pour perdre entièrement l’amour malheureux dont je ne puis me défaire ; après cela rien ne troublera plus le repos de ma vie, et mes jours ne seront composés que de moments heureux. […] Comme l’eau était extrêmement froide, et qu’ils en burent tous deux beaucoup, Don Quichotte dont la tête s’échauffait à mesure que ses entrailles se rafraîchissaient, demeura plus persuadé qu’auparavant que c’était là la fontaine de Merlin ; il crut même éprouver sur-le-champ la vertu de l’eau, la princesse Dulcinée ne lui paraissant plus qu’une laide paysanne, et s’étonnant de l’avoir choisie pour l’objet de ses amours.

12. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « ChapitreLII. Le mari prudent »

Verville, c’était le nom du cavalier, soupira donc inutilement pour Silvie, et Silvie soupira inutilement pour lui, n’étant pas nés pour être joints par les nœuds de l’hyménée, quoique l’amour les unît. […] L’amour dont Silvie était prévenue pour Verville ne l’empêcha pas de rendre justice à Justin, c’était le nom de son mari, parce qu’elle vit en lui un homme tout aimable. […] L’amour se nourrit et s’augmente par l’espérance, mais il ne meurt pas par le désespoir. […] Il se contenta de l’écouter, et de lui dire qu’il ne s’y fiait plus après avoir été une fois trompé ; que désormais elle pouvait agir à sa manière, et qu’il ne la considérait plus assez pour prendre part par la suite à ses actions ; que tout ce qu’il lui demandait était de faire l’amour sans conséquence, et de sauver sa conduite par les apparences ; qu’en son particulier pour éviter l’éclat et le scandale, il ne prendrait point d’autre vengeance d’elle que de la mépriser comme une malheureuse.

13. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLV. Pourquoi la maîtresse d’une hôtellerie voisine du château venait souvent demander des nouvelles de Sainville et de Silvie. »

Valerio lui donna une chambre à côté de celle de Sainville, à qui on donna des défaites en paiement ; et comme Silvie venait le voir fort souvent, et que tous les Espagnols et Français mangeaient ensemble, du Chirou eut tout le loisir de voir cette belle veuve ; mais il ne lui parla pas plus de son amour qu’il lui en avait parlé à Paris. […] L’agréable La Bastide ne leur cacha pas l’amour que du Chirou lui avait témoigné, et tous l’en félicitèrent, parce que le parti lui était très avantageux. […] Elle lui fit connaître ces soupçons fort spirituellement et comme par plaisanterie ; mais il lui répondit fort sérieusement et fort galamment, qu’il ne connaissait et n’avait regardé Silvie que sur le pied d’une femme séparée d’avec son mari, et d’une femme qui avait un amant favorisé ; que sur ce fondement il avouait que les vues qu’il avait eues pour elle n’étaient pas fort à l’avantage de sa vertu, et qu’il n’avait commencé de la regarder sur le pied qu’elle méritait de l’être, que depuis qu’il savait son histoire ; qu’ainsi son amour n’était pas extrêmement violent, mais qu’il n’en était pas de même de celui qu’il avait pour elle, puisqu’il était accompagné de vénération, d’estime et de respect.

14. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIII. Belle morale du seigneur Don Quichotte. »

L’amour dans le cœur d’une femme est toujours plus impétueux et plus violent que celui d’un homme ; et pour preuve de cela, c’est qu’on voit peu d’hommes, mais plusieurs femmes mourir d’amour, témoin Didon pour Enée, Isabelle pour Zerbin, et mille autres que je passe sous silence. […] Sancho qui l’écoutait attentivement, fut ennuyé d’une description si pompeuse, qui n’était point de son goût, parce qu’il n’y comprenait rien ; mais il acheva de se fâcher tout de bon lorsque son maître vint à peindre les cheveux qui tombaient négligemment sur les épaules de celle dont il faisait l’éloge, et qui pendaient à grosses ondes tout le long de son corps ; c’était à son dire autant de liens où les amours enchaînaient les cœurs, et les petits zéphirs s’y jouaient avec eux, et les faisaient nonchalamment voltiger.

15. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LV. Don Quichotte et Sancho vont à la caverne de Montésinos. Ce qu’ils y virent, et comment se fit le désenchantement de Dulcinée. »

Il n’y a pas deux heures qu’elle était belle comme les amours, et leste comme une reine, et à présent elle est toute maussade ; c’est sans doute la honte qu’elle en a qui fait qu’elle se cache. — Non sans doute elle n’est pas désenchantée, dit un démon qui parut sortir de terre, et elle ne le sera pas que l’écuyer Sancho n’ait accompli la pénitence qui lui avait été imposée, et pour en voir la fin je suis député de Pluton, qui vous envoie dire de vous rendre auprès de lui dans les enfers, où il vous attend sur son trône. […] Il est comme lui venu dans ton empire ; mais c’est la vertu qui l’y a conduit, et non pas un amour criminel. […] — Ecoutez, hardi Chevalier, poursuivit Minos seul, l’incomparable Dulcinée n’est point dans les enfers, et par conséquent elle n’est point sous la puissance du dieu Pluton ; elle est trop sage pour avoir mérité nos supplices, et étant encore vivante, elle n’est point descendue dans ce sombre empire des morts ; elle est encore au nombre des vivants, quoiqu’elle n’y paraisse pas ; mais comme tu sais, Merlin l’a enchantée, et il a fait sagement, parce que si elle avait paru telle qu’elle était, elle aurait armé tous les chevaliers errants les uns contre les autres, et n’étant occupés que de leur amour, ils n’auraient pas mis fin, ni toi non plus, aux grandes aventures qui rendent leur vie si illustre là-haut.

16. (1713) Les illustres Françaises « Préface. »

Celle de Des Frans fait connaître, que quelque fonds qu’une femme puisse faire sur sa propre vertu, elle doit être toujours en garde, et cela avec d’autant plus de soin, qu’elle a de beauté et de mérite, parce que c’est ce qui est cause qu’on l’attaque plus opiniâtrement ; et que tôt ou tard, elle peut être la dupe de sa propre confiance : elle fait voir aussi à quelle extrémité un amour outragé peut se porter. Celle de Dupuis fait voir qu’un libertin se retire de son libertinage, lorsqu’il s’attache à une femme de vertu : on y voit tout l’excès d’un amour au désespoir, tant par ce qu’il dit de Gallouin en justifiant Silvie ; et ce qu’il dit de Gallouin montre, que si un homme est capable de tout pour ses plaisirs, lorsqu’il se livre à des réflexions chrétiennes, il n’en fait que de bonnes et de profitables.

17. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIV. Départ de la compagnie. Comment Sancho fit taire le curé. Aventures diverses arrivées à cet infortuné chevalier. »

Tout le domestique vint au-devant de la compagnie avec des flambeaux, et entre autres Altisidore, qui fit semblant de se pâmer à la vue de Don Quichotte, lequel poursuivant son chemin sans faire semblant de la voir, fut arrêté par les deux duchesses ; et comme la comtesse et les Françaises leur demandèrent ce que c’était que cet accident, la duchesse de Médoc leur dit que cette demoiselle mourait d’amour pour l’incomparable chevalier des Lions, dont elle n’avait pu ébranler la fidélité qu’il avait promise à la princesse Dulcinée. […] Notre héros qui était la continence même, ne le plaignit que fort peu, et lui dit au contraire qu’il n’avait que ce qu’il méritait, qu’il devait se souvenir de ce que leur avait attiré l’envie qui avait pris à Rossinante de faire l’amour, et de quelle manière les Yangois avaient châtié sur leurs personnes l’incontinence d’un cheval, et conjecturer par là que ce serait bien pis quand ils voudraient eux-mêmes se laisser aller aux tentations de la chair. Tu devais prendre exemple sur moi, ajouta-t-il, quand tu as vu avec quelle froideur j’ai rebuté les marques d’amour de cette fille.

18. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXV. Du tour ridicule et malin que fit Parafaragaramus au chevalier Sancho, et des événements tristes qui le suivirent. »

Ce valet était un officier déguisé qui aimait Silvie depuis longtemps, et qui croyant, comme beaucoup d’autres, que Sainville l’avait enlevée, s’était mis avec Deshayes pour courir après, dans la résolution de venger sur son rival son amour méprisé, et pourtant de sauver la vie de sa maîtresse en la dérobant à la rage de son mari qui était parti dans la résolution de la poignarder partout où il pourrait la trouver. […] Don Quichotte les avait laissés aux mains ensemble, et n’étant plus que seul à seul, ils avaient fait voir toute la valeur, ou plutôt toute la fureur dont sont capables des gens possédés par la jalousie, l’amour, le désespoir et la haine.

19. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVIII. Des tristes et agréables choses que Parafaragaramus apprit au chevalier de la Manche. »

Il est constant que cette femme était fort aimable, et l’art joint à la magnificence des habits ajoutant du lustre à la nature, il ne faut pas s’étonner si notre chevalier, qui n’avait jamais rien aimé, s’était trouvé sensible, surtout ayant le cœur préparé à l’amour par les sottises qu’il avait lues dans ses romans, et dont il avait encore la mémoire et la tête remplies. […] Les chemins sont sûrs, et mon équipage est assez grand pour me garantir de toute mauvaise aventure ; gardez cette bague pour l’amour de moi, je vous la donne.

20. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVI. De ce qui suivit le désenchantement de Dulcinée. »

Un diable de si bonne mine attira l’attention de nos deux chevaliers, et Pluton lui ayant permis de parler, il commença par remontrer toutes les peines qu’il se donnait pour rendre les femmes belles et attirantes, qu’il inventait tous les jours quelque pommade et quelque essence pour conserver leur teint, ou bien pour en cacher les rides, qu’il avait depuis peu de temps travaillé à cela avec beaucoup de succès, puisqu’il y avait des femmes âgées de plus de soixante ans qui ne laissaient pas par son moyen de paraître avec des cheveux bruns, une peau unie et délicate, et enfin si jeunes qu’il faudrait avoir en main leur extrait baptistaire pour les croire plus vieilles que leurs enfants ; que cela faisait augmenter le nombre de leurs amants, et augmentait en même temps celui des sujets de l’enfer ; mais que malgré tous ses soins il courait risque de perdre son temps s’il y avait encore dans le monde deux hommes de l’humeur du chevalier Sancho, qui à tout moment disait pis que rage des femmes, et tâchait d’en dégoûter tout le monde ; que si cela était souffert, il n’avait qu’à laisser en enfer son panier plein de cornes, parce qu’il ne trouverait plus de femmes qui en pussent faire porter à leurs maris, n’y ayant plus aucun homme qui leur voulût aider à les attacher, qu’il avait employé un temps infini pour en faire qui fussent propres à tout le monde, qu’il y en avait de dorées pour les maris pauvres, et qui se changeaient sur leur tête en cornes d’abondance ; qu’il y en avait d’unies et simples pour ceux dont les femmes faisaient l’amour but à but ; qu’il y en avait de jaunes pour ceux qui épousaient des filles qui avaient déjà eu quelque intrigue ; de blanches pour ceux qui épousaient des veuves ; de noires pour ceux qui épousaient des fausses dévotes ; de diaphanes et transparentes pour ceux dont les femmes savaient cacher leur infidélité ; de vertes pour ceux qui épousaient des filles élevées dans un couvent ou dans une grande retenue ; et de rouges pour ceux dont les femmes payaient leurs amants, à qui d’ordinaire elles ne se contentaient pas de sacrifier la bourse et l’honneur, mais le sang même de leur époux ; que chaque couleur convenait parfaitement à la qualité d’un chacun ; qu’il y avait dans le monde assez de femmes de vertu qui rebutaient les hommes, sans que Sancho voulût mettre les hommes sur le pied de rebuter les femmes ; que c’était de quoi il demandait justice, et protestait en cas de déni de laisser toutes les femmes et les filles en garde à leur propre vertu, sans les tenter dorénavant par lui-même, et sans les faire tenter par d’autres, ni leur fournir les occasions d’être tentées. […] Supposé même qu’il fût vrai qu’il eût voulu détourner les hommes de l’amour des femmes, il n’aurait fait que ce que font tous les jours les confesseurs, les directeurs et les prédicateurs sur qui la puissance de l’enfer ne s’étend pas, ainsi il y a lieu d’appel comme de juge incompétent ; d’ailleurs il ne suffit pas au démon Molieros d’accuser le chevalier Sancho, il faut qu’il le convainque, qu’il montre quelque preuve d’homme ou de femme que ses discours aient convertis ; c’est de quoi je le défie, et c’est ce qu’il ne peut pas faire, parce qu’en effet Sancho n’a fait que perdre sa morale ; et comment ne la perdrait-il pas, puisqu’il n’en a jamais débité qu’en plaisantant, et que les gens d’Eglise la perdent bien, eux qui la prêchent avec le plus grand sérieux qu’ils peuvent, et qui même l’appuient des préceptes et des commandements qui leur viennent d’en haut et d’un pouvoir supérieur à tout ?

21. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXIV. De l’arrivée de plusieurs personnes dans l’hôtellerie. Qui étaient ces personnes. Nouvel exploit de Don Quichotte. Sanglants combats. »

Il aurait eu tort d’avoir cette pensée, car sa femme était un véritable remède d’amour, dont la laideur et l’âge pouvaient cautionner la sagesse ; mais comme il s’y était accoutumé, il pouvait croire que d’autres s’y accoutumeraient aussi.

22. (1713) Les illustres Françaises « Les Illustres Françaises. Histoires Véritables. »

Je voudrais bien en savoir la cause ; et si c’était un mariage d’amour, ou mariage d’intérêt, que vous avez manqué ?

23. (1691) Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales (tome 2)

Si elle mettait un intervalle d’un quart d’heure entre la mort de son mari & sa déclaration, elle n’y serait plus reçue ; parce que cette déclaration serait regardée comme un fruit de ses réflexions & non pas comme un effet d’un amour tendre & désintéressé, qui n’a pour objet que ce qu’il aime. […] Il avait honte de découvrir sa naissance & son mariage ; mais enfin, l’amour qu’il conservait & qu’il conserve encore pour son épouse, & la tendresse d’un bon père pour ses enfants, l’ont forcé d’en venir à cet éclaircissement. […] L’amour de Dieu & leur zèle pour la foi, à ce qu’ils disent, font brouiller ensemble messieurs des Missions étrangères & les jésuites. […] Ceci est du génie universel des Orientaux : les plaisirs de l’amour priment sur tout ; c’est leur passion dominante & favorite. […] À l’égard de ceux qui viennent d’Europe ici pour aller en mission, à ce qu’ils disent, ils imposent à ceux qui ne les connaissent pas ; car si l’amour de Jésus-Christ était véritablement gravé dans leur cœur, ils ne feraient pas damner les chrétiens pendant le voyage, en se mêlant de tout, en suscitant des querelles, pour se donner le mérite de la réconciliation, & en jetant le divorce & la confusion partout ; étant très vrai que la paix & un jésuite sont aussi peu compatibles ensemble que le diable & l’eau bénite.

24. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIX. De ce qui se passa chez le duc de Médoc après le départ de Dulcinée, et comment Sancho reçut sa femme que la duchesse fit venir au château. »

. — Je n’aurai pas grande peine, lui répliqua Sancho, filles et femmes qui s’offrent perdent tout leur prix ; mais, Monsieur, c’est une diable d’affaire que l’amour dans le cœur d’une fille, il n’est qu’en dira-t-on qui tienne.

25. (1691) Journal du voyage des Indes orientales (à monsieur Raymond)

Il y en a comme j’ai dit qui sont assez bien faites et d’autres aussi qui sont de véritables remèdes d’amour, surtout les vieilles, dont le sein ou tétasses n’étant point soutenu et noir et ridé ressemble assez à une vieille besace de capucin renversée. […] Il a dit sans façon qu’il ne croyait pas trouver dans l’Ecueil des gens aussi honnêtes qui sussent aussi bien vivre et avec tant de concorde que nous ; que nous ne demandions tous qu’amour, joie et simplesse, et dit enfin à Monsieur Du Quesne qu’il était très content de ses officiers ; j’en suis très aise et j’espère qu’il le sera toujours. […] En effet si son zèle le portait à tout braver pour l’amour de Dieu, l’intérêt de la Mission le rappelle en France, et c’est à quoi il obéit. […] Il fut reçu par les noirs et autres comme le Messie le serait des Juifs s’il revenait dans toute sa gloire une seconde fois au monde pour l’amour d’eux. […] En effet l’amour de Dieu est assez fort pour brouiller ensemble Messieurs des Missions Etrangères et les R.

26. (1721) Mémoires

Mais le Parlement de Paris, le plus ancien du royaume, ne doit son installation qu’aux Etats Généraux assemblés, et rien du tout à nos rois que le choix qu’il pouvait [sic] faire, un de trois, pour remplir les places vacantes, et comme on présentait toujours au Prince trois sujets de mérite et savants dont il nommait un à l’exclusion des deux autres, ceux qui étaient nommés ne lui avaient que la seule obligation du choix et non de l’élection, puisqu’ils avaient été mis au niveau des deux autres ; et aussi ne vendaient-ils pas lâchement leurs voix à sa volonté, ni à l’amour de l’argent ou d’une belle femme. […] Cette économie si louable, si belle, si chrétienne et si digne d’un ministre qui veut s’attirer l’amour des peuples et faire leur félicité, a été interrompue depuis sa mort, en faveur de malhureux qui n’ont retenu de lui que le moyen de faire des amas de grains, et s’en sont servis uniquement pour faire mourir les pauvres de faim, et s’enrichir en ruinant les riches. […] Mais sans interrompre le fil de mon discours sur M. de Pontchartrain, il faut que je décharge ma bile et que je dise un mot d’eux tous par rapport à lui à qui rien n’a jamais été plus odieux que les gens de probité, et de maison ou de famille, quoique lui-même fût de cette dernière espèce ; je veux dire d’assez bonne maison, car pour de probité, on ne peut pas sans injustice lui en attribuer aucune, et naturellement je ne suis pas né menteur ; ainsi, je ne torderai [sic] pas mon caractère de sincérité pour l’amour de lui, et je vais leur rendre justice à tous suivant la vérité la plus exacte. […] Thévenin ne l’interrompit point, et lorsque le vicaire eut fini, il répondit qu’il y avait si longtemps qu’il était accoutumé à voir ces tableaux qu’ils ne faisaient plus d’impression sur lui, et qu’ils lui avaient coûté trop d’argent pour les faire brûler ; qu’il voulait les conserver pendant sa vie ; que lui mort celui qui les aurait en ferait tout ce qu’il lui plairait, dont il ne se mettait pas en peine ; qu’à l’égard de son fils, il était assez âgé et assez instruit pour savoir ses devoirs ; que la manière dont il reviendrait chez lui lui prescrirait à lui de quelle manière il le recevrait ; que pour sa femme il ne voulait jamais la voir puisqu’ils avaient été séparés par arrêt. — Mais Monsieur, lui dit ce confesseur, cet arrêt a été donné en votre faveur, et n’est dû qu’à votre crédit, et non à la justice de votre cause, contre une femme qui ne pouvait pas se défendre, étant dénuée de tout. — Tels que soient les motifs qui ont fait rendre cet arrêt, reprit le pénitent, je m’y tiens ; si ceux qui l’ont rendu ont voulu se damner pour l’amour de moi, tant pis pour eux ; je ne m’en embarrasse point. […] Chamillart eût feint de se troubler pour s’attirer un reproche qui lui donnât lieu de flatter Louis, ou soit qu’il se fût en effet troublé et qu’il se fût remis, il est certain qu’il lui répondit que le désordre de son jeu provenait de Sa Majesté elle-même, dont l’auguste présence inspirait tant de respect, de crainte et d’amour que l’esprit le plus ferme en serait facilement et immanquablement démonté, n’y ayant qu’une longue habitude qui pû faire soutenir ses regards sans trembler.

27. (1690) Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales (tome 1)

Mais l’amour du prochain m’oblige à les plaindre, parce que je serais à plaindre en leur place : ils ne pourront plus dire, Capaciores affer huc puer scyphos. […] Pour des bas et des souliers, elles n’en connaissent point l’usage ; et malgré ce bizarre attirail, elles ne laissent pas d’être agréables : j’entends les jeunes et non les autres ; car, quoique, généralement parlant, elles soient toutes bien faites et appétissantes, il s’en trouve quantité qui sont de véritables remèdes d’amour, et avec lesquelles qui que ce soit ne voudrait entrer en commerce, à moins que le diable ne fût le maquereau de l’aventure. […] Que dans son esclavage il avait trouvé un prêtre, saint homme, qui souffrait encore plus que lui, et qui supportait ses peines avec une constance que le seul amour de Dieu peut inspirer ; qu’il avait avoué que cette fermeté dans ce pieux ecclésiastique l’avait tellement touché, qu’il s’était résolu à la mort la plus cruelle plutôt que de renier sa religion ; que ce saint prêtre avait poussé son zèle jusqu’à lui faire connaître les erreurs de Calvin et de ses sectateurs ; qu’il avait goûté ses exhortations, mais n’en avait pas été parfaitement convaincu, et qu’il avait fallu que Dieu eût fait en sa faveur une espèce de miracle pour déraciner de son cœur des préjugés qu’il avait sucés avec le lait.

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