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2. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Ronais, et de Mademoiselle Dupuis. »

Elle n’avait environ que quinze à seize ans ; vous l’avez vue dans cet âge-là, puisque vous aviez tenu un enfant ensemble fort peu de temps auparavant. […] Quoi qu’il en soit, elle mit au monde la belle Manon Dupuis, dont je vous parle, qui est votre commère, et n’a point eu d’autres enfants depuis. […] Il y va de la vie de votre enfant, parce que tous ceux que je tiens, meurent, et que de plus de vingt que j’ai tenus, il n’y en a pas un vivant. […] Je nommai cet enfant avec Madame de Mongey, qu’elle-même me donna pour commère, et elle assista à la collation. […] Car comme il disait, les enfants trouvent toujours bien leurs pères et leurs mères ; mais les pères et les mères ne trouvent pas toujours leurs enfants : outre que c’est une honte de dépendre de ceux qui nous doivent la vie ; et qu’au contraire il est naturel et de droit divin, que nous dépendions de ceux qui nous ont mis au monde.

3. (1713) Les illustres Françaises « Préface. »

L’histoire de Des Ronais fait voir que si tous les pères et mères en agissaient à l’égard de leurs enfants, comme Dupuis en agit à l’égard de sa fille, ils en seraient toujours honorés et respectés, et qu’on ne verrait point dans la misère, des vieillards qui s’y sont mis en faveur d’enfants assez dénaturés pour se moquer d’eux, dans la jouissance des biens, dont ils se sont dépouillés en leur faveur. […] Celle de Terny fait connaître le tort qu’ont les pères et mères en violentant leurs enfants ; et leur fait voir, qu’ils peuvent bien les empêcher de se choisir un parti à leur fantaisie, mais qu’ils ne doivent point les contraindre à en embrasser un malgré eux, surtout lorsqu’ils connaissent leurs enfants d’un génie hardi et entreprenant. […] Ce mauvais usage est venu des provinces, où un simple bourgeois qui n’aura qu’une chaumière, en fera, à l’exemple de la pauvre noblesse, autant de noms différents qu’il aura d’enfants : et ces noms, qui dans leur enfance, ne sont que des sobriquets, par la suite des temps deviennent des noms usités, qui font oublier celui du père. Cet abus a infecté Paris, où nous voyons, à la honte de notre siècle, autant de différents noms qu’il y a d’enfants dans une famille, tant garçons que filles. Cela est commode pour les mères qui s’aiment, et qui voudraient que leurs enfants restassent toujours au berceau ; parce qu’elles voudraient bien se cacher à elles-mêmes leur âge, comme elles tâchent de le cacher au public.

4. (1721) Mémoires

Elle prenait du lait pour faire de la bouillie à un enfant qu’elle avait à la mamelle. […] Il poussait lui-même le Roi à la répudier, pour en épouser une autre qui lui fît des enfants. […] Et de fait, ajoutait-il, il ne faut qu’avoir de l’humanité pour adjuger un enfant à une femme qui veut le nourrir, et pour ne pas souffrir qu’un innocent vivant soit coupé en deux comme l’autre enfant mort. […] Ses enfants eurent un précepteur. […] — Retire-toi, mon enfant, lui dit cet homme. — Quel b.....es-tu donc, reprit l’ivrogne ?

5. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Dupuis, et de Madame de Londé. »

Il était l’enfant gâté de la mère qui se laissait duper par l’apparence. […] Il fut reçu de ma mère en enfant gâté. […] Cela fait, répondit-il, qu’il faut que vous teniez cet enfant ensemble, et qu’elle soit votre commère. […] C’est un enfant à moi, poursuivit-elle ; c’est un enfant d’amour qui n’est pas garant du sacrement que je lui refuse ; mais je lui en tiendrai compte d’un autre côté, puisque ce sera pour moi l’enfant du cœur. […] Arrêtez ma belle enfant, lui dit-elle, je ne veux vous faire aucun mal, n’ayez point de peur.

6. (1690) Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales (tome 1)

Courage, enfants, s’écria-t-il, Ruyter est tué, donnons dessus. […] Il a quatre enfants, deux garçons et deux filles, de six à dix ans. […] Un cabri est l’enfant d’un bouc et d’une chèvre. […] Il est généralement regretté : il était serviable, ardent et bon enfant, et ne faisait la campagne qu’à cause de M. […] Mes enfants, a-t-il dit, vous avez perdu un bon capitaine et un bon père.

7. (1691) Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales (tome 2)

Que Cita-Maria accoucha d’un enfant, qu’on disait devoir être Roi des Rois. […] Ne puis-je pas dire, au sujet de cette idole qui tient un enfant, que ces peuples ne seraient pas difficiles à convertir, si l’objet de leur culte était bien expliqué ? […] On dit ordinairement que les crocodiles du Nil contrefont le cri d’un enfant : ceux d’ici sont aussi muets qu’une carpe. […] Il n’aurait pas manqué de me dire qu’outre que nos poules sont accoutumées à la cage, il n’avait prétendu jeûner que pour nous & pour ses enfants. […] Ils la prièrent d’envoyer chercher ses enfants.

8. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Frans et de Silvie. »

Je lui dis qu’étant à jeun l’odeur qu’on y respirait, quoique d’enfants, me rendait le cœur faible ; effectivement je ne l’ai jamais eu ferme. […] Silvie lui dit que j’étais la personne qui avait tenu un enfant deux jours auparavant avec elle. […] Je n’ai aucun parent, disait-elle, je n’aurai aucun héritier, et si j’en laisse, ce seront des enfants. […] Madame Des Frans et moi sommes enfants des deux frères. […] qu’il est bien vrai que les enfants sont souvent punis des iniquités de leurs parents !)

9. (1691) Journal du voyage des Indes orientales (à monsieur Raymond)

Ils ont fait assembler tout l’équipage à qui Monsieur Du Quesne a parlé ainsi : Je suis fâché, mes enfants, de la mort de Monsieur Hurtain. […] Nous voyons en France et partout ailleurs en Europe des mères exposer et quelques-unes tuer même leurs enfants pour cacher leur déshonneur, parce que c’en est un à une fille d’avoir eu des enfants avant son mariage. […] Ces malheureux vendent leurs enfants à qui les veut acheter. […] Notez s’il vous plaît que le mot de Cita dans leur langue signifie vierge ou pucelle ; voici ce qu’ils en disent : Que cette Cita Maria devint grosse ; qu’elle accoucha d’un enfant qui fut nommé Christon ; qu’on disait que cet enfant devait être le Roi des Rois ; que les rois voisins en prirent l’alarme ; qu’ils firent mourir beaucoup d’enfants, et que Cita Maria pour sauver le sien fut obligée de sortir de son pays et de l’emporter. […] Un quart d’heure après que j’y fus arrivé la femme se leva la première, les parents ensuite et les enfants après.

10. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVII. Des offres obligeantes que fit le duc d’Albuquerque aux dames françaises ; de la reconnaissance de Valerio et de Sainville, et de la conversation particulière que Don Quichotte eut avec Sancho. »

Sitôt que nos aventuriers furent retirés : Ami Sancho, dit Don Quichotte, tu me parais triste, mon enfant, dis-moi ce que tu as ; n’es-tu pas content de la journée ? […] Là-dessus il conta à son maître tout ce qui lui était arrivé, avec son ingénuité ordinaire, confessant qu’il avait éloigné le combat avec Parafaragaramus, parce qu’ils avaient fait la paix, mais que ce n’était assurément pas lui, mais que celui qui avait pris son nom lui avait joué ce vilain tour. —  Je n’ai jamais lu, reprit Don Quichotte, que pareille aventure soit arrivée à chevalier errant ; mais mon enfant, il arrive tous les jours des choses nouvelles et surprenantes, aussi ne devais-tu pas entrer dans l’hôtellerie, ni quitter le champ de bataille, non plus que ton cheval, parce qu’un bon chevalier doit toujours être en état. —  Ah pardi je vous tiens, interrompit Sancho, la pelle se moque du fourgon ; médecin guéris-toi toi-même ; t’y voilà, laisse-t’y choir ; à bon entendeur salut. —  Que veux-tu dire, lui demanda Don Quichotte, avec tes proverbes entassés l’un sur l’autre ? […] Tu vois par là, Sancho, que les hommes ne s’arrêtent qu’à l’apparence qui les frappe ; ainsi il faut, mon pauvre enfant, te résoudre à bien faire, et tu seras bien traité ; mais avoue tout, il y a quelqu’autre chose qui te chagrine, tu n’es pas ordinairement si sensible aux honneurs de la table, et pourvu que ton ventre soit bien garni, je ne me suis pas encore aperçu que tu te misses en peine du reste. —  Mardi, Monsieur, vous l’avez deviné, répondit Sancho, aussi n’ai-je pas sujet de me plaindre du traitement, puisqu’il n’a tenu qu’à moi de manger autant et plus que vous ; mais ce dont je me plains, est de ce qu’on m’a dit en soupant.

11. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Prez, et de Mademoiselle de l’Épine. »

Il me prêcha sur l’obéissance que les enfants doivent à leurs parents ; il me fit voir les malheurs arrivés à ceux qui en avaient manqué. […] Nous y montâmes ; un enfant m’en donna la clef, et j’y portai deux chaises. […] Avez-vous encore quelque chose dans l’esprit qui vous chagrine, ma chère enfant, lui demandai-je ? […] Nous étions sur un sujet tel que je n’aurais pas pu choisir mieux, c’était celui de l’enfant prodigue. […] Je sens votre enfant, il est mort.

12. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Terny, et de Mademoiselle de Bernay. »

Pour mon ami il ne me parut pas y prendre beaucoup de part ; au contraire, il me dit en particulier qu’il n’approuvait point la tyrannie de son père, qui voulait cloîtrer une partie de ses enfants pour avantager les autres. […] Je l’ai toujours fort aimée, et je suis sûr qu’elle m’aime bien ; mais que faire pour elle, puisque nous dépendons tous d’un père qui ne suit que son caprice, sans s’embarrasser de l’inclination de ses enfants ? […] Effectivement, poursuivit-il, les pères et les mères exposent terriblement la vertu de leurs enfants, lorsqu’ils les obligent d’embrasser une vie renfermée sans aucune vocation ! […] Bernay lui parla de moi comme d’un enfant à donner le fouet ; celui-ci le crut. […] Il me parla devant quantité de monde sans dire son dessein ; mais d’un air à faire peur aux petits enfants.

13. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « ChapitreLII. Le mari prudent »

Pénétré du regret de la mort d’une épouse qu’il avait parfaitement aimée, il ne voulut plus se marier et borna son plaisir à élever l’enfant qu’il avait eu d’elle. […] Je vous regarde toujours comme mon fils, et n’ayant pour tous enfants que cette misérable indigne d’être ma fille, et que je destine à une prison éternelle, vous pouvez compter sur tout mon bien, dont je vous fais présent dès maintenant, et dès demain je vous en passerai la donation. […] On en peut inférer encore que les pères et les mères devraient consulter l’inclination de leurs enfants avant que de les engager pour toute leur vie dans un état tel que celui du mariage ; mais la meilleure instruction qu’on en peut retirer, c’est qu’une femme ne doit jamais mettre sa vertu à l’épreuve.

14. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLVI. Pourquoi Sancho perdit ses armes enchantées, et du terrible combat qu’il eut à soutenir pour les recouvrer. »

—  Prends courage, mon enfant, lui dit Don Quichotte, tous ceux de notre profession ont toujours eu des traverses, et tu dois être bien aise que Parafaragaramus ne t’impose point d’autre peine que celle d’un combat. —  Mardi, Monsieur, lui répondit Sancho, vous parlez toujours le mieux du monde, vous n’avez rien à craindre, et vous ne voulez pas me laisser démanger où il me cuit ; que diable ferai-je contre un enchanteur, sur qui une épée ne fera rien, et qui me va percer de la sienne comme un crible ? […] Il avait sur les yeux des lunettes ou des bésicles, telles qu’on en met aux enfants qui louchent pour leur redresser la vue, et Sancho croyait que c’était ses yeux qui lui sortaient de la tête ; au lieu de cheveux tressés, il s’était mis des peaux d’anguilles pleines de son, que Don Quichotte prit aussi bien que son écuyer pour des couleuvres.

15. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLVII. Suites agréables de la victoire remportée par le chevalier Sancho, et du projet que forma Don Quichotte pour le faire repentir de son indiscrétion. »

ne le vois-tu pas bien, mon enfant, lui répondit notre héros en se radoucissant, ne sais-tu pas bien que la valeur et la bravoure dans le combat, sont les seuls moyens qu’on doit employer pour remporter la victoire ? […] Mort non de diable, dit Sancho en colère, ces moines se mêlent toujours de ce qui ne les regarde point ; s’ils disaient bien leur bréviaire le diable ne leur soufflerait pas tant aux oreilles, et j’ai toujours ouï dire, que pour faire une maison nette, il n’y faut souffrir ni moine ni pigeon, parce qu’ils fourrent leur nez partout, de sorte que rien n’est bien fait s’ils ne s’en mêlent ; et puis quand ils sont une fois ancrés quelque part, ce n’est plus que des ouï-dire, il a fait par-ci, il a dit par-là, et boute, et haïe, et tous les diables en un mot s’en mêlent. —  Cela ne te doit pas étonner, ami Sancho, lui dit Don Quichotte, ils sont seuls dans leur couvent nourris, comme dit le proverbe, comme des moines, sans affaires qui les embarrassent, et sans souci pour le lendemain. —  Ajoutez donc, Monsieur, interrompit Sancho, sans femmes qui les fassent enrager et sans enfants à nourrir. —  Comme tu voudras, reprit Don Quichotte, mais leur esprit voulant être occupé, ils sont presque forcés de l’employer au premier objet qui se présente à leur imagination. —  Et voilà justement ce qu’on ne devrait pas souffrir, dit Sancho, car ils ne doivent se mêler que de prier Dieu, et ne point tant s’embarrasser des affaires du monde, puisqu’ils y ont renoncé et qu’ils n’y sont nullement nécessaires, à ce que j’ai ouï dire par des docteurs de l’université d’Alcantara.

16. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Contamine, et d’Angélique. »

Quoiqu’elle ait vécu assez longtemps avec le père de Contamine dans une union parfaite, ils n’ont pourtant jamais eu qu’un seul enfant, qui est celui dont nous parlons. Elle était encore en âge de se remarier lorsqu’elle est restée veuve, n’ayant au plus que vingt-neuf ou trente ans, dont elle avait passé près de quinze avec son mari ; mais elle a préféré le veuvage et le plaisir d’élever un enfant de six ans, qui lui restait d’un homme qu’elle avait tendrement aimé à tous les partis qui lui ont été offerts, quoiqu’il s’en soit présenté, qui à juste titre, portaient la couronne sur leurs armoiries. […] Monsieur Dupuis obligea sa femme de prendre cet enfant, plutôt par charité que pour autre chose ; car dans l’âge de sept ou huit ans où elle était, elle ne pouvait pas rendre de grands services. […] Il n’avait pour tous enfants qu’un grand garçon son fils aîné, qui avocassait et travaillait à son étude, et deux filles à peu près de l’âge d’Angélique, assez belles, bien faites et fort sages. […] Elle a déjà eu deux enfants, et est encore grosse, et suivant toutes les apparences, sa famille sera très nombreuse ; car elle n’attend pas l’année juste pour accoucher.

17. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIV. Départ de la compagnie. Comment Sancho fit taire le curé. Aventures diverses arrivées à cet infortuné chevalier. »

Il réclamait à haute voix le bon et le sage Parafaragaramus, et il criait avec plus de désolation qu’une mère qui aurait vu poignarder son enfant entre ses bras. […] Mais, mon enfant, il faut prendre ton mal en patience, et ne faire semblant de rien, parce qu’on se moquerait de toi, et que Monsieur le duc et Madame la duchesse seraient choqués, s’ils savaient que tu eusses voulu souiller leur château par tes impuretés.

18. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVII. Du repas magnifique où se trouva Don Quichotte, et du beau et long discours qu’il y tint. »

O l’heureux temps, continua Don Quichotte, où les veuves et les enfants n’étaient point pillés, et où chacun leur prêtait du secours !

19. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVI. Suite de l’histoire de Silvie et de Sainville. »

J’ai été fort longtemps à lui faire des avances inutiles ; il ne les interprétait que comme des marques d’une amitié d’enfant. […] Elle me fit comprendre que ce serait encore redoubler la vanité de Sainville, et lui faire croire que ce serait le seul dépit qui me ferait prendre ce parti, qu’outre cela étant fille unique, ma mère ne consentirait pas à me voir religieuse ; qu’il fallait oublier Sainville et le mépriser encore plus qu’il ne me méprisait ; que ne pouvant rien prouver contre moi, puisque je ne lui avais jamais écrit que cette seule lettre, qui était brûlée, tout ce qu’il pourrait dire de notre intelligence passerait pour des impostures ; que le seul parti qu’il y avait à prendre était de me marier promptement, qu’elle avait un parti en main qui me convenait mieux que lui, puisqu’il était plus riche et mieux établi, que cet homme savait que j’avais quelques égards pour Sainville, mais qu’il les avait toujours regardés comme des amusements d’enfant, que la vertu et le devoir dissiperaient en un moment, qu’elle ne lui avait rien dit, et ne lui dirait jamais rien de la lettre que j’avais écrite à Sainville, et qu’elle m’avait rendue, ni de ces engagements où j’étais entrée ; que je pouvais compter sur un secret inviolable de sa part, et que de la sienne elle était certaine que Deshayes s’expliquerait dès qu’il saurait que j’aurais rompu avec Sainville.

20. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre LI. Le jaloux trompé »

Pour peu que l’ambition de sa femme eût été modérée, il était en état de la rendre heureuse ; ainsi il ne chercha pas tant le bien que la vertu, et pour me servir de ses propres termes, il chercha une femme qui pût lui faire des enfants dont il fût lui-même le père. […] Les deux premières années de leur mariage passèrent comme un songe tant elles leur durèrent peu, et deux enfants aussi beaux que la mère qui leur vinrent en si peu de temps, furent les témoins convaincants de leurs ardeurs réciproques.

21. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLV. Pourquoi la maîtresse d’une hôtellerie voisine du château venait souvent demander des nouvelles de Sainville et de Silvie. »

Elle avait en effet écrit au vice-roi, dont elle était sœur ; et comme ils s’étaient toujours parfaitement aimés, elle ne doutait pas qu’il ne fît en sa faveur tout ce qu’il pourrait faire pour le marquis, puisque outre la tendresse de frère, il était de son intérêt de ménager une sœur qui était extrêmement riche, et qui n’avait point d’enfants ; aussi fit-il tout ce qui dépendait de lui, et à la réception de cette lettre le marquis eut tout lieu de se louer de sa générosité, et n’eut plus besoin du crédit du prince de Melphe.

22. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLI. Don Quichotte et Sancho s’arment pour aller combattre les brigands. Ces deux chevaliers font des actions de valeur inouïes. »

mon enfant, lui dit Don Quichotte, ne sais-tu pas bien qu’on ne combat jamais mieux les méchants qu’avec leurs propres armes ?

23. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVI. De ce qui suivit le désenchantement de Dulcinée. »

Un diable de si bonne mine attira l’attention de nos deux chevaliers, et Pluton lui ayant permis de parler, il commença par remontrer toutes les peines qu’il se donnait pour rendre les femmes belles et attirantes, qu’il inventait tous les jours quelque pommade et quelque essence pour conserver leur teint, ou bien pour en cacher les rides, qu’il avait depuis peu de temps travaillé à cela avec beaucoup de succès, puisqu’il y avait des femmes âgées de plus de soixante ans qui ne laissaient pas par son moyen de paraître avec des cheveux bruns, une peau unie et délicate, et enfin si jeunes qu’il faudrait avoir en main leur extrait baptistaire pour les croire plus vieilles que leurs enfants ; que cela faisait augmenter le nombre de leurs amants, et augmentait en même temps celui des sujets de l’enfer ; mais que malgré tous ses soins il courait risque de perdre son temps s’il y avait encore dans le monde deux hommes de l’humeur du chevalier Sancho, qui à tout moment disait pis que rage des femmes, et tâchait d’en dégoûter tout le monde ; que si cela était souffert, il n’avait qu’à laisser en enfer son panier plein de cornes, parce qu’il ne trouverait plus de femmes qui en pussent faire porter à leurs maris, n’y ayant plus aucun homme qui leur voulût aider à les attacher, qu’il avait employé un temps infini pour en faire qui fussent propres à tout le monde, qu’il y en avait de dorées pour les maris pauvres, et qui se changeaient sur leur tête en cornes d’abondance ; qu’il y en avait d’unies et simples pour ceux dont les femmes faisaient l’amour but à but ; qu’il y en avait de jaunes pour ceux qui épousaient des filles qui avaient déjà eu quelque intrigue ; de blanches pour ceux qui épousaient des veuves ; de noires pour ceux qui épousaient des fausses dévotes ; de diaphanes et transparentes pour ceux dont les femmes savaient cacher leur infidélité ; de vertes pour ceux qui épousaient des filles élevées dans un couvent ou dans une grande retenue ; et de rouges pour ceux dont les femmes payaient leurs amants, à qui d’ordinaire elles ne se contentaient pas de sacrifier la bourse et l’honneur, mais le sang même de leur époux ; que chaque couleur convenait parfaitement à la qualité d’un chacun ; qu’il y avait dans le monde assez de femmes de vertu qui rebutaient les hommes, sans que Sancho voulût mettre les hommes sur le pied de rebuter les femmes ; que c’était de quoi il demandait justice, et protestait en cas de déni de laisser toutes les femmes et les filles en garde à leur propre vertu, sans les tenter dorénavant par lui-même, et sans les faire tenter par d’autres, ni leur fournir les occasions d’être tentées.

24. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIII. Belle morale du seigneur Don Quichotte. »

Celui-ci lui ôta ses maisons, ses troupeaux, ses enfants ; en un mot tout ce qu’il aimait et lui donnait de la satisfaction ; mais il avait trop d’esprit pour lui ôter sa femme ; il savait bien qu’elle seule ferait plus enrager le bonhomme Job par son babil et ses reproches, que toutes les pertes qu’il avait faites.

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