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2. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre LI. Le jaloux trompé »

Leur mariage était regardé et cité comme le modèle d’une union parfaite sur laquelle le Ciel s’épuisait en bénédictions ; tout y prospérait, et si le mari, par son indiscrétion, n’en eût point troublé la tranquillité, cela aurait toujours continué par la tendresse, la complaisance et le respect de sa femme pour lui ; mais il était écrit que cet homme deviendrait malheureux par sa faute. […] Pour le coup elle le supplia de la dispenser de lui obéir, lui disant qu’elle avait trop d’obligation à son père, et qu’elle avait été élevée dans un trop grand respect pour lui faire un pareil compliment. —  Ah ! lui dit-il avec la dernière fureur, ce n’est pas par respect que vous le ménagez, j’en sais une cause plus forte et qui devrait vous faire mourir de honte ; et là-dessus il s’emporta à mille extravagances et à mille paroles outrageantes, en ne les menaçant pas moins l’un et l’autre que du poignard et du poison. […] Elle sortit de table après ce bel exploit, autant pour cacher les larmes qu’elle répandait du regret d’avoir manqué pour la première fois de respect à son père, que pour s’épargner la honte d’avoir eu une obéissance si aveugle pour son indigne mari. […] Elle l’avait nourrie et élevée dans une douceur achevée et dans un trop grand respect pour son père pour la croire capable d’en avoir agi de cette sorte par son propre mouvement ; ainsi sur ce sage fondement elle remarqua les acteurs, et aperçut de la contrainte et quelque chose de forcé dans sa fille, et une maligne joie dans les yeux de son gendre, avec un sens froid hors d’œuvre dans une pareille occasion.

3. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Ronais, et de Mademoiselle Dupuis. »

Le respect que je dois à mon père m’empêche de rien dire contre lui : cependant le mieux que j’en puisse juger, c’est qu’il nous joue ; car il sait bien que je ne consentirai jamais à aucun mariage qu’avec vous, et sur ce pied-là il ne veut point me marier de sa vie. […] Quoi qu’il en soit, Monsieur, et quel que soit le motif qui vous fasse agir, je suivrai l’exemple de Mademoiselle votre fille, et ne vous dirai rien, de crainte que la passion dont je suis animé, ne me fît sortir du respect que je dois au père d’une fille que j’aime jusqu’à la fureur et à l’idolâtrie. […] J’en étais aimé ; et quoique je fusse effronté avec les autres, celle-là ne m’inspirait que du respect, ou du moins l’amour que j’avais pour elle, quoique violent, ne m’a jamais laissé la hardiesse d’entreprendre avec elle, ce que j’entreprenais toujours avec les autres. […] Je ne sais ce qui en eût été, répondis-je, mais je crois que j’aurais toujours eu le même respect, et que Mademoiselle eût toujours été également sage. […] Il est encore vrai que quoiqu’elle le désespérât par ses froideurs, il lui savait bon gré dans le fond de l’âme, d’en agir avec lui comme elle en agissait ; et la considération de sa vertu à elle, et de son respect à lui pour sa mère, ont été cause du consentement de Madame de Contamine à leur mariage.

4. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Frans et de Silvie. »

Enfin mon emportement alla si loin, que je lui manquai de respect, et m’en séparai d’une manière à lui mettre la mort au cœur. […] Sortez de chez moi Valeran, lui dit-elle, et n’y remettez jamais le pied, ou vous résolvez de ne parler jamais de Silvie qu’avec tous les respects qu’un maraud comme vous me doit à moi-même. […] Nous sommes seuls, dit-elle en l’interrompant, quoique je me souvienne fort bien du hasard que je cours en m’exposant avec vous, je ne crains pas que vous me manquiez de respect ici. […] Je suis toujours le même, tout le changement qu’il y a, c’est que votre vertu qui m’est à présent connue m’inspire du respect. […] Je triomphais de vous voir prendre feu ; et sans le respect sincère que j’ai pour votre personne, afin de mieux convaincre ma mère, je vous aurais assurément mené plus loin.

5. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLV. Pourquoi la maîtresse d’une hôtellerie voisine du château venait souvent demander des nouvelles de Sainville et de Silvie. »

Elle lui fit connaître ces soupçons fort spirituellement et comme par plaisanterie ; mais il lui répondit fort sérieusement et fort galamment, qu’il ne connaissait et n’avait regardé Silvie que sur le pied d’une femme séparée d’avec son mari, et d’une femme qui avait un amant favorisé ; que sur ce fondement il avouait que les vues qu’il avait eues pour elle n’étaient pas fort à l’avantage de sa vertu, et qu’il n’avait commencé de la regarder sur le pied qu’elle méritait de l’être, que depuis qu’il savait son histoire ; qu’ainsi son amour n’était pas extrêmement violent, mais qu’il n’en était pas de même de celui qu’il avait pour elle, puisqu’il était accompagné de vénération, d’estime et de respect. […] La marquise qui vit bien que sa parente ne demandait pas mieux, y consentit de la meilleure grâce du monde, bien persuadée que la vertu et la sagesse de cette aimable Provençale était un garant certain de sa conduite et du respect de du Chirou.

6. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIII. Belle morale du seigneur Don Quichotte. »

Monsieur, lui repartit le curé, sauf le respect que je dois aux dames qui m’écoutent, vous me permettrez de vous dire que votre sentiment choque celui de tous les théologiens et de tous les physiciens ou naturalistes, qui tous unanimement donnent la préférence à l’homme, conviennent que la femme n’est qu’un informe composé de la nature. […] Sancho, qui vit que sa malice n’avait nullement plu à notre héros, se retira auprès de la duchesse de Médoc, qui pour adoucir Don Quichotte, fit à son écuyer une sévère réprimande de son peu de respect d’avoir mal à propos interrompu un discours que toute la compagnie écoutait avec plaisir.

7. (1690) Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales (tome 1)

Hurtain, je suis certain qu’il n’écrira point de sottises, et qu’il gardera le respect à qui il est dû. […] Cela acheva d’animer Bouchetière : il leva la canne, et vint à Landais ; mais celui-ci qui mesurait le respect qu’il lui devait sur celui que MM. […] Au reste, si le respect que j’ai pour ma religion ne m’en avait empêché, je me serais éclaté de rire deux ou trois fois. […] Il le porta à la procession avec un respect dont je fus fort édifié, mais pourtant surpris, après son action indécente, malgré l’édification qu’il devait à un étranger. […] Nous avons tous bu d’avance à sa santé, et avons prié le commissaire de l’assurer de nos respects.

8. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVII. Des offres obligeantes que fit le duc d’Albuquerque aux dames françaises ; de la reconnaissance de Valerio et de Sainville, et de la conversation particulière que Don Quichotte eut avec Sancho. »

On m’a traité moi avec respect et comme un homme de conséquence, parce que j’en fais les actions, et on t’a traité toi comme un pilier de taverne, parce qu’on t’y a trouvé dans une posture indécente, qui ne mérite que du mépris.

9. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre L. Dissertation sur la différente manière d’aimer des Espagnols et des Français. »

Ils dirent qu’il était vrai qu’on ne voyait point de Français s’empoisonner, se poignarder, ou se pendre, pour avoir eu le malheur de n’avoir pas épousé une vestale, et que sauf le respect de tous les Espagnols en général, et des Portugais en particulier, ils regardaient comme des fous ceux qui étaient assez sots et assez malheureux pour en venir à ces extrémités ; que la manière de France sur un pareil sujet était sans doute plus raisonnable, puisque c’est être en effet extravagant, que de se punir des péchés d’autrui, et qu’à le bien prendre la mauvaise conduite d’une femme ne devait être imputée au mari qu’autant qu’il la souffrait sans y mettre ordre lorsqu’il le devait et autant qu’il le pouvait ; que du reste un homme n’en devait pas être regardé comme moins honnête, quoiqu’il eût une femme libertine, pourvu qu’il eût fait en homme d’honneur ce qu’il devait pour la ranger à la raison, pour sauver les apparences, et pour éviter l’éclat et le scandale, dont tout ce contrecoup et la honte retombait sur lui, lorsqu’il faisait le moindre faux pas.

10. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LVII. Du repas magnifique où se trouva Don Quichotte, et du beau et long discours qu’il y tint. »

Les femmes n’étaient servies que par des femmes ; le grand monde leur était inconnu ; leur domestique faisait toute leur occupation, et leur propre jardin bornait leur promenade ; assez parées de la seule nature, elles faisaient consister leur beauté dans leur vertu, et leur mérite dans leur attachement pour leurs époux, sans témoigner aucun empressement pour ces sortes de parures que la mode invente tous les jours ; leur honneur ne courait aucun risque ; armées de leur seule modestie et de leur pudeur, elles retenaient tout le monde dans le respect, et ôtaient la hardiesse de leur rien dire de malhonnête.

11. (1721) Mémoires

Qui peut douter qu’au lieu de respect et de crainte, cette conduite ne témoigne un injurieux mépris ? […] Il est pourtant vrai que ni les uns ni les autres n’ont jamais eu en vue ni même songé à lui manquer de respect, ni à l’obéissance qu’ils lui devaient. […] Quelqu’un a-t-il été assez téméraire pour vous offenser, ou manquer au respect qui vous est dû ? […] Il n’y eut que le corps d’armée qui se battit ; et M. d’Anfreville avec dix-huit vaisseaux qui composaient l’arrière-garde fit plus que s’il s’était jeté dans le feu, parce qu’il tint en respect trente vaisseaux hollandais qui composaient l’avant-garde de l’armée ennemie. […] Mais pour moi, j’ai toute ma vie eu trop de respect pour Messieurs du Parlement pour les dédire à ma mort.

12. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXVI. Suite de l’histoire de Silvie et de Sainville. »

Je l’aimais trop pour lui manquer de respect ; en effet, on en conserve beaucoup plus pour une personne qu’on veut épouser, que pour une autre ; outre que je craignais de lui déplaire par un emportement que je me figurais qu’elle interpréterait mal. […] J’avoue, Madame, que les termes sont forts, et qu’ils ne s’accordent pas avec le respect qu’une honnête femme doit à son époux tel qu’il soit ; mais, Madame, suspendez votre jugement, et ne me condamnez pas d’outrer les choses que vous n’ayez entendu ce qui me reste à vous dire.

13. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XXXV. Du tour ridicule et malin que fit Parafaragaramus au chevalier Sancho, et des événements tristes qui le suivirent. »

Il perça la table, et avec des cordes qu’il passa dans les trous il attacha les bras et le corps de Sancho ; en un mot il le mit comme dans un travail où il ne pouvait se donner le moindre mouvement ; il lui attacha aussi les pieds ; et ne croyant pas qu’il y eût personne dans l’hôtellerie à qui il dût du respect, ni avec qui il fût obligé de garder des mesures, il retira le siège sur lequel Sancho était assis, et lui mit à l’air le même endroit où il avait reçu les dragées ; et il faut observer que le chevalier tournait directement le dos à la porte de la chambre : il ne s’était point encore éveillé ; mais la posture contrainte où il était, ne portant que sur ses cordes, dissipa bientôt son sommeil.

14. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Des Prez, et de Mademoiselle de l’Épine. »

Si elle veut être effectivement mariée avec moi, je veux l’être effectivement avec elle ; non seulement pour ma propre satisfaction et la tranquillité de ma conscience, mais aussi afin d’être retenu par le respect d’un véritable sacrement. […] Nous restâmes seuls avec lui plus d’une grosse heure ; et comme il vit une demoiselle qui était non seulement parfaitement belle, comme je lui avais dit, mais qui, contre son espérance était parfaitement bien mise, et dont la présence imposait du respect, il ne dit rien que de bon sens et de fort honnête. […] Oui, Mademoiselle, répondis-je, je le sais bien : c’est une chose qu’elle a faite sans vous en avoir parlé ; mais elle n’a choqué que le respect qu’elle vous doit, et elle a cru que vous me considériez assez pour lui accorder son pardon à ma prière. […] Il est mort dans un habit de pénitence en odeur de sainteté, ne réveillons point ses cendres : cependant, malgré le respect que j’ai pour la présence de Madame de Londé sa sœur que voilà, et pour sa mémoire à lui, je ne puis m’empêcher de vous dire pour la justification de Silvie, qu’il y a dans votre histoire des endroits que vous n’entendez pas vous-même.

15. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre troisième) « Chapitre XLVII. Suites agréables de la victoire remportée par le chevalier Sancho, et du projet que forma Don Quichotte pour le faire repentir de son indiscrétion. »

Don Quichotte avait été frappé de cette réflexion, et avait aperçu tout d’un coup mille choses dont il n’avait pas voulu s’offenser ; il écouta toute la conversation sans rien dire, parce que le respect qu’il avait pour Eugénie l’empêcha de prendre le parti de la beauté de son imaginaire Dulcinée, que son écuyer mettait indifféremment avec les autres dans le mortier, pour faire du fard à cette comtesse.

16. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur Dupuis, et de Madame de Londé. »

Je changeai d’habillement, et ma figure imprimant du respect à cette populace, j’en sortis avec honneur. […] Il est vrai que la manière dont elle en usait avec moi, et le peu de part qu’elle paraissait prendre à mes actions semblait m’autoriser à ne me pas arrêter à tout ce que le respect pouvait exiger de moi. […] Madame Gallouin avait eu, à cause de cela, des redoublements de tendresse pour lui, et des respects pour moi, qui nous donnaient la comédie. […] Prenez-vous à vous-même de la violence de mon ardeur, et n’accusez que votre cruauté de mon manque de respect. […] Qu’elle y était venue en effet, et que je lui avais dit mille extravagances, sans pourtant lui manquer de respect.

17. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Terny, et de Mademoiselle de Bernay. »

Enfin elle porta son emportement et son manque de respect si loin, que mon père et ma mère sortirent dans une si grande colère contre elle, qu’ils l’ont presque déshéritée. […] Il faut que je lui rende la justice qui lui est due, quelque plainte qu’elle m’en fît, elle ne sortit jamais du respect qu’une fille doit à son père, tel soit-il.

18. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LV. Don Quichotte et Sancho vont à la caverne de Montésinos. Ce qu’ils y virent, et comment se fit le désenchantement de Dulcinée. »

. — Non, non, lui dit Minos, c’est Merlin lui-même ; mais c’est que ce qui vous paraît si grand sur terre est dépouillé de sa grandeur et de son éclat lorsqu’il entre dans le royaume des morts, où il est rendu égal à tous ceux qui dans le monde étaient ses inférieurs, parce qu’ici on n’a aucune exception de la grandeur mondaine, et qu’on ne regarde dans l’homme que l’homme seul et ses actions, et non pas ses titres fastueux, et cet éclat qui lui attirait sur terre le respect, l’admiration et la flatterie du reste des mortels ses semblables.

19. (1715) Continuation de l’histoire de l’admirable Don Quichotte de La Manche (livre quatrième) « Chapitre LIV. Départ de la compagnie. Comment Sancho fit taire le curé. Aventures diverses arrivées à cet infortuné chevalier. »

Quoique Sancho fût fort attentif à ce qu’on lui disait, la morale ne lui en plaisait nullement, et il ne l’écoutait même qu’avec chagrin, et n’en aurait pas tant laissé dire à l’enchanteur sans lui répondre, s’il ne l’eût accoutumé à un grand respect.

20. (1691) Journal d’un voyage fait aux Indes Orientales (tome 2)

On verra dans la suite le respect que tous ces peuples idolâtres ont pour tous les animaux vivants, & jusqu’où va leur zèle & leur superstition sur ce sujet, qui se répand sur les insectes les plus vils, les plus immondes & les plus méprisables, dont ils ne tuent aucun, & auxquels ils ont soin d’assurer la subsistance. […] Je ne veux pas dire que ce soit par la nonchalance ou la faiblesse du capitaine ; mais il est constant qu’un homme qui sait bien se faire obéir tient tous ses gens dans le respect & l’union. […] Il est très constant que, si j’occupais un poste comme le sien, je ne me contenterais pas d’en remplir les fonctions & les devoirs ; mais, je saurais bien aussi me faire porter l’honneur & le respect qui me seraient dus, & j’exécuterais à la lettre le précepte de Sénèque, Age quod agis. […] Je ne sais si cela est pardonnable à une nation dont le commerce est en effet l’unique divinité ; mais je crois que cela n’est pas supportable dans les jésuites, qui, ne pouvant se résoudre à lâcher prise, passent sur leurs vaisseaux, font la même cérémonie de jeter à terre un crucifix. de cracher dessus, & de lui donner un coup de pied, & prétendent ne faire insulte qu’au métal sans manquer ni s’écarter du respect dû à son prototype. […] Qu’ils parlent avec respect de Confucius ; qu’ils le traitent même de saint, dont la morale est conforme à celle de Jésus-Christ.

21. (1713) Les illustres Françaises « Histoire de Monsieur de Jussy, et de Mademoiselle Fenouil. »

Oui, Mademoiselle, poursuivis-je en lui serrant les genoux, c’est vous que j’adore : je n’ai jamais manqué au respect que je vous dois, je me suis toujours tu ; je me tairais encore, si vous ne m’aviez pas mis dans la nécessité de m’expliquer.

22. (1691) Journal du voyage des Indes orientales (à monsieur Raymond)

Vous saurez de plus que si le respect que j’ai pour ma religion ne m’en avait empêché, je me serais éclaté de rire deux ou trois fois, étant un assez plaisant spectacle de voir un prêtre et deux paysans qui lui servaient d’acolytes, tous trois noirs comme beaux diables aussi bien que le porte-croix, revêtus d’aubes blanches comme neige. […] Je ne vous ai point dit que nous voyions des oiseaux ni où ni quand, car sauf le respect que je dois à ceux qui ont fait des relations avant moi, ce n’est point une chose assez rare pour en parler, on en voit par toute la mer tant dans celle d’Afrique que celle de l’Amérique. […] Mais sans entrer dans un détail ennuyeux pour savoir d’où sont venues les femmes qui ont multiplié leur espèce, et si les Juifs en menaient avec eux dans des voyages de long cours - car à l’égard des bestiaux à corne qui y sont en très grande quantité, les Juifs en pouvaient avoir dans leurs vaisseaux puisque nous, qui venons de bien plus loin, en avons bien -, je trouve une raison qui, malgré le respect et la déférence que je dois avoir et que j’ai pour un homme si savant et de si grande qualité, me laisse une difficulté qui me paraît très forte pour prouver le contraire, et c’est qu’au rapport de tous les Européens qui ont été dans cette île et au rapport même de Monsieur de Flacourt, ces insulaires exposent à la fureur des bêtes fauves et laissent mourir misérablement leurs enfants d’abord qu’ils sont nés lorsque l’horoscope qu’ils en ont fait tirer dès le moment de leur naissance ne leur est pas favorable. […] Je ne veux pas dire que ce soit par la faiblesse de leur capitaine, mais il est constant qu’un homme qui sait bien se faire obéir tient tous ses gens dans le respect et l’union.

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