Ils ajoutèrent, qu’ils convenaient qu’il y avait en France beaucoup de maîtresses et même d’épouses, qui trompaient cette confiance, et qui étaient véritablement infidèles ; mais qu’ils ne doutaient pas qu’il n’y en eût pour le moins autant en Espagne, étant le propre de tout le monde, et surtout des femmes, de se porter avec ardeur à tout ce qui est défendu, et de se dérober à un aussi dur esclavage, que celui où elles se voient réduites. […] Les Français convinrent encore de cela ; mais ils ajoutèrent que ce n’était pas par un motif d’indifférence, que les amants et les hommes mariés abandonnaient en France leurs maîtresses et leurs épouses à la garde de leur seule bonne foi, puisque toutes leurs actions les touchaient autant qu’elles pouvaient toucher les Espagnols ; mais que cela provenait encore du fond inépuisable d’estime qu’ils avaient pour elles, et de leur confiance en leur vertu, qui les empêchait de croire qu’elles pussent faire aucune démarche contre la fidélité qu’elles leur avaient jurée, ni même avoir la moindre pensée dont ils pussent tirer aucun sujet légitime de se plaindre. Ils convenaient encore qu’il y en avait plusieurs en France qui faisaient un mauvais usage de cette confiance, que même le nombre n’en était pas petit ; mais ils ajoutèrent que généralement parlant il n’était pas plus grand qu’en Espagne, parce que l’infidélité des femmes provenait plutôt du dépit et des chagrins, que des soupçons mal fondés de leurs époux leur donnaient, que d’aucun penchant à l’infidélité. Et qu’il y avait très assurément des femmes en Espagne, aussi bien qu’en France, qui seraient toute leur vie restées sages et fidèles, si leurs maris ne leur avaient pas eux-mêmes inspiré l’envie de justifier leurs ombrages et leurs jalousies, et que très assurément le meilleur parti qu’un homme marié pouvait prendre, était de ne témoigner à sa femme aucun soupçon ; et pour soutenir leur paradoxe, ils citèrent les vers de l’Arioste que je ne rapporterai pas, mais bien la traduction ou la paraphrase faite par Monsieur de La Fontaine. […] Et moi, ajouta la marquise, je raconterai celle d’un fort honnête homme, qui, par sa prudence ayant en même temps sauvé sa réputation et celle de sa femme, s’est fait plaindre et louer par tous ceux qui ont appris son aventure, laquelle s’est enfin terminée à faire de son épouse une des femmes de France des plus sages et des plus retirées.
M.de Lestrille, qui commande l’ Oriflamme, en a porté la relation en France. […] Je n’en dirai pas davantage ici : les principaux acteurs doivent être présentement en France. […] On a dit en France que ces idoles sont d’or. […] Ils mettent le corps dedans, assis comme sont leurs idoles, et nos tailleurs en France. […] La France y gagnera de l’honneur sans profit, & c’est tout.
Il a plu pour la première fois depuis notre départ de France. […] Il y a autant de chair qu’au plus gros poisson de France. […] Les grands jours sont en France à présent, et nous en avons de petits. […] L’idole qu’ils y adorent a le corps d’un homme, assis comme les tailleurs sont en France. […] Il fait aussi beau et pas plus chaud ni froid qu’il fait en France.
Que nous avions autant d’argent qu’il nous en fallait pour sortir de France, et n’y point rentrer qu’elle ne fût absolument maîtresse d’elle-même. […] Je viens encore, répondis-je, tâcher de vous faire changer la résolution où vous me parûtes hier de sortir de France ; je n’en prévois que des malheurs horribles pour vous et pour moi. […] Je ne me suis pas fort éloigné de France. […] J’ai pris sous mon véritable nom un certificat de ma sortie de France ; j’en ai pris un autre en rentrant, afin que mes ennemis ne puissent point me chagriner faute d’avoir accompli mon ban, qui a duré hors de France sept ans et huit jours, et plus d’un mois davantage hors de Paris, où je ne rentrerai que lorsque Mademoiselle Fenouil le voudra. […] Mademoiselle Fenouil m’en écrit comme d’une des plus vertueuses, et des plus aimables femmes de France ; et qu’elle a donné des preuves de sa vertu si convaincantes, qu’on ne la regarde qu’avec admiration.
L’hôtesse qui était charmée de cet officier, lui en fit un portrait tout à fait avantageux, qui pourtant n’était point flatté, parce que véritablement c’était un des hommes de France le mieux fait, le plus beau et le plus spirituel ; en un mot, un jeune homme tout aimable. […] Du Chirou, après quelque temps d’incertitude, se mit à la raison, et se résolut à partir pour la France sitôt que ses forces seraient revenues. […] Il ne faisait aucun mystère de sa naissance ni de sa qualité, quoique sa maison fût trop considérable en France pour n’être pas connue de Sainville, de la marquise et de Silvie. […] Que pour le comte du Chirou, ils n’avaient pas toujours été si bons amis qu’ils étaient parce qu’ils avaient aimé la même maîtresse à Gironne, que pourtant malgré sa concurrence, du Chirou n’avait jamais voulu le faire arrêter comme il le pouvait lorsqu’il allait dans cette place dont les Français étaient maîtres, pour voir incognito leur commune maîtresse ; mais qu’enfin tous deux ayant reconnu que non contente de les sacrifier l’un à l’autre, elle les sacrifiait encore tous les deux à un troisième, ils s’étaient joints d’intérêt pour avérer sa perfidie, et la prendre sur le fait ; qu’ils y avaient réussi, et que cette conformité d’aventures les ayant rendus fort bons amis, qu’ils s’étaient promis amitié et secours partout où ils se trouveraient, sauf le service de leur souverain et l’intérêt de leur honneur ; que même sitôt que la paix avait été faite entre la France et l’Espagne, du Chirou l’était venu voir à Barcelone, où il s’était fait porter blessé, et lui avait offert sa bourse, et tout ce qui pouvait dépendre de lui, pour lui rendre tous les services qui auraient pu lui être nécessaires dans l’état où il se trouvait.
Les Françaises lui dirent la même chose, et ajoutèrent que la quête de ces malheureux était indigne de gens d’honneur et de qualité, que les personnes considérables en France ne s’y commettaient pas, et laissaient ce soin à des gens destinés à cet emploi ; et qu’on regarderait en France avec horreur un officier de qualité distinguée, qui aurait seulement livré un malfaiteur, bien loin de l’avoir poursuivi et arrêté lui-même. Le duc de Médoc, qui avait un très grand fond de probité et d’honneur, écouta tout ce qu’on lui dit avec une patience admirable, et sans répondre un seul mot ; mais après qu’on eut achevé de lui dire tout ce qui se pouvait dire sur cette matière, il prit la parole, et après avoir remercié toute la compagnie en général du soin que chacun en particulier avait témoigné pour sa personne, il ajouta que s’agissant de rendre service au comte de Valerio, et de sauver l’honneur d’une des meilleures maisons d’Espagne, il n’aurait pas eu l’esprit en repos si lui-même n’y avait été ; que de plus, chacun se faisait dans le monde un point d’honneur et de probité selon son humeur ; qu’il avouait que la recherche qu’on faisait de gens qu’on destinait au gibet, offrait à l’esprit quelque chose de bas et de rebutant, qu’ainsi il ne blâmait point les Français de ne s’y pas commettre, parce qu’ils croyaient que cela était indigne d’un grand cœur ; mais que pour lui il était d’un autre sentiment et qu’il ne croyait pas qu’il fût plus indigne d’un prince de faire la guerre à des voleurs et à des bandits qui désolaient toute une province et ses propres compatriotes, que de la faire à des étrangers ; qu’il croyait même que c’était plus utilement servir sa conscience et le public dans une guerre de cette nature, que dans une guerre réglée, parce que les ennemis qu’on combat dans celle-ci, ne sont pas des ennemis particuliers ni domestiques, puisqu’on peut s’en défaire par un traité de paix ; mais que les autres sont des ennemis d’autant plus cruels, qu’ils ne sont retenus par aucune digue ; de plus que la guerre avait ses lois inconnues aux scélérats, et que les ennemis qu’on combattait dans une guerre de prince à prince, étaient presque toujours des ennemis contraints par la volonté et par l’ambition de leur souverain, avec qui la vie était sauve, ou du moins ne courait pas tant de risque, qu’avec les autres, qui non seulement n’épargnaient personne, mais de qui même leurs propres amis et les gens de leur connaissance avaient plus à craindre que des étrangers ; qu’enfin dans une guerre ouverte on était en état d’attaquer et de se défendre, et que l’on n’était jamais surpris qu’on ne dût s’attendre à l’être ; mais que les voleurs de grands chemins étaient des gens qui mettaient leur sûreté dans les surprises qu’ils faisaient aux gens qui ne se défiaient nullement d’eux ; et qu’en un mot c’était des ennemis d’autant plus dangereux qu’ils empêchaient le commerce et la sûreté, et qu’il n’y avait avec eux ni paix ni trêve à espérer que par leur mort ; enfin des gens universellement regardés avec exécration ; ce qui était si vrai, qu’en France même, où les gens de distinction tenaient cette chasse si indigne d’eux, les bandits et les voleurs de grand chemin étaient punis du plus long et du plus rude des supplices, et privés même de la sépulture.
Le jaloux trompé Histoire Pour ne point causer de scandale, vous me permettrez de vous cacher le nom des gens à qui l’aventure que je vas dire est arrivée, et même le lieu et la province où elle s’est passée, il suffit que ce soit en France et que le héros soit français. […] Cela parut extraordinaire dans un mari, surtout en France ; mais enfin c’était la vérité, et je doute que jamais Espagnol ait donné des marques plus sincères d’un amour effectif. […] La France est fertile en cavaliers qui cherchent à consoler les belles malheureuses. […] Ces sortes d’instruments ne sont pas tout à fait inconnus en France, mais ils y sont en exécration, et il n’y a aucun ouvrier qui veuille y prêter publiquement son ministère ; avec cela il faut un cadenas fait exprès, et malheureusement Sotain n’osait se fier à personne. […] Elle sortit de cette maison le jour même, et elle alla à la première ville, qui était celle de son quartier ; elle y reprit ses habits de cavalier, ne se découvrit à personne ; et comme à force d’argent on vient en France, comme ailleurs, à bout de tout, elle trouva un serrurier habile homme, qui lui donna toute satisfaction, en lui faisant un cadenas tout neuf et deux clefs.
Nous portons à Ouest-quart de Sud-Ouest, vent largue, qui nous fait faire en une heure plus de cinq lieues monnaie de France. […] Les hommes y sont assez bien faits, remplis d’une férocité fort éloignée de la politesse de notre France, pleins de présomption, et d’une vanité ridicule. […] Nous n’avons mis que dix-sept jours de France ici, et on compte près de deux mille lieues. […] Les éclats que vous en entendez en France ne sont que des coups de pistolets, et ceux-ci des coups de canon. […] Il repassa en France : il y fit mille contes, dont le rapport me déplut.
Le mari prudent Histoire Cléon fut un des premiers d’une des plus riches provinces de France ; son bien égalait sa naissance, et ses emplois étaient dignes de l’un et de l’autre. […] Il ajouta en parlant à Justin, que dans la figure qu’il faisait dans le monde, il devait se mettre au-dessus de ces faiblesses ; qu’il prît garde à ce qu’il allait faire, afin de ne se pas donner lui-même en spectacle à toute la France ; que sans doute la jeunesse de Silvie était cause qu’elle s’engageait dans des parties dont elle ne prévoyait pas les conséquences ; mais qu’il était très certain que ses actions étaient innocentes ; et il finit son discours en lui citant ces vers : Les éclats que l’on fait sur un semblable point, Sont toujours des éclats dont on ne revient point. […] Elle est une des plus honnêtes et des plus vertueuses femmes qu’il y ait en France ; du moins elle est la plus retirée dans son domestique.
Mon nom est fort connu dans le lieu de ma naissance, mais peu ailleurs, si ce n’est par le moyen de quelques parents que j’ai eus, qui l’ont porté chez les voisins de la France, chez qui ils ont eu des emplois, et même des établissements. […] La France était dans un calme et dans une tranquillité profonde, dont ses voisins ne la laissèrent pas jouir longtemps. […] Nous nous étions attendus à cette réponse qui ne nous surprit pas, et nous prîmes tout de bon le parti de l’enlèvement, et d’aller nous épouser hors de France, ce que nous ne pouvions pas faire à Paris incognito pour plusieurs raisons très considérables, dont la religion n’était pas la moindre ; car en ce temps-là j’étais encore du troupeau égaré, comme vous l’appelez, et que nous appelions nous le troupeau réformé. […] J’étais fort aise de le faire expliquer en bonne compagnie, ainsi je lui dis sans façon que j’avais des affaires qui demandaient ma présence en France, et que je ne voulais pas me mettre au hasard de quitter le royaume, ou de porter ma tête sur un échafaud. […] Cela m’inquiéta, et j’étais prêt de repasser en France pour savoir la cause d’un si long silence, lorsqu’un homme assez mal vêtu, mais en courrier, et que je reconnus pour avoir été de ma compagnie, m’en instruisit.
Comme l’idiome espagnol est devenu à la mode en France, et que tout le monde en veut savoir un peu, un de mes amis, qui l’apprend, m’a fait voir quelques endroits qu’il a traduits de la suite de Don Quichotte ; ce que j’en ai lu m’est resté dans la tête, et ne m’a pas déplu ; et, sans doute aussi fou que le Français qui l’a achetée, j’ai fait en sorte de l’avoir de ses mains, et comme je le lui ai promis, je l’ai traduite.
Il était venu avec le cardinal Mazarin qui lui avait donné de l’emploi en France jusqu’à sa mort qui laissa sa veuve chargée des affaires de sa famille, entre autres d’un procès maudit qui est la cause de mon malheur. […] Quoique je sois d’une bonne maison, elle n’approche point de la vôtre en France. […] Ces gens-là travaillent, dit-il, ils gagnent leur vie, et ne sont point à charge au public ; et si, poursuivit-il, la sotte dévotion des chrétiens n’entretenait point tant de bouches inutiles, on ne verrait point en France tant de fainéants ni de vagabonds. […] L’exempt s’en est ressenti, il a été obligé de quitter la France. […] Elle était choisie, en effet on n’aurait pas pu trouver dans toute la France, cinq plus belles femmes et filles que celles qui étaient là.
Valerio dit à la marquise qu’il avait trop d’obligation à Sainville pour l’abandonner ; qu’il avait beaucoup d’amis en France, et qu’il les ferait joindre aux siens, pour faire connaître qu’il était faux qu’il eût enlevé Silvie, et pour faire exécuter le testament de Deshayes.
Que n’ayant plus de chef, et se doutant bien qu’ils seraient bientôt attaqués, ils avaient résolu d’aller chez Valerio, tuer tout ce qu’ils y trouveraient, piller le château, et après cela se retirer en France, ou se joindre aux bandits et miquelets des Pyrénées.
Que quand je devrais être le plus pauvre et le plus malheureux gentilhomme de France, je ne m’abaisserais jamais à devenir le persécuteur du peuple et des paysans. […] Querville vint enfin, ils se parlèrent et convinrent ensemble de ce qu’ils avaient à faire qui fut exécuté le lendemain, mais comme cela ne regarde point mes aventures, je le remets à une autre fois que je vous dirai celles de Querville, comme il les a contées lui-même à Rome ; ayant été obligé de quitter la France un an après son mariage, pour éviter la suite d’un combat où il s’était trouvé. […] Cétait à lui que je devais mon retour de Rome : je lui avais juré de me rendre dans un jour certain auprès de lui ; et sans cette assurance, il n’aurait pas prêté la main à mon retour en France. […] Que les aînés de Monsieur de Buringe étant morts, et lui n’ayant point fait ses vœux, il était revenu en France pour épouser sa maîtresse, et retirer leur enfant auprès d’eux ; mais qu’il l’avait trouvé mariée avec M… qu’elle avait été forcée d’épouser malgré sa résistance. […] Je me résolus de quitter la France pour me délivrer des combats éternels où j’étais incessamment exposé.
C’est ce qui fait qu’il y a assurément plus de libertines en Italie et en Espagne, qu’en France où les femmes sont libres, et où tout au moins elles ne font que très rarement les premières avances. […] Il a surpris tous ceux qui l’ont su ; et ce qui étonne encore davantage, c’est qu’elle a épousé Monsieur de Contamine du consentement de Madame de Contamine la mère, qui est la femme de France la plus ambitieuse, et qui destinait son fils à un des plus riches partis du royaume.
Si mon maître, lui répondit Poitiers, n’était pas l’homme de France le mieux fait, le plus galant, et le plus honnête homme, je ne resterais pas un quart d’heure chez lui. […] J’ai été l’homme de France le plus fidèle et le plus retiré auprès de ma femme pendant plus de dix-huit mois ; et je le serais encore, si les grands feux de ma part étant assoupis, je n’avais pas cru m’apercevoir qu’elle ne me recevait dans ses bras, que parce que j’étais armé du sacrement ; et nullement par aucune autre attache à ma personne, que celle à quoi son devoir l’obligeait. […] Je revins dîner à Paris, où il fallut essuyer ses plaisanteries, qui me divertirent bien loin de me fâcher ; car telle que vous la voyez, avec son sérieux éternel, il faut que vous sachiez qu’il n’y a pas de femme en France qui ait l’esprit plus bouffon ni plus jovial qu’elle, ni les meilleures rencontres, lorsqu’elle est de bonne humeur et en train de rire. […] Tout ce que cet homme me disait de sa femme me faisait croire que l’amour qu’elle avait pour moi était ce qui l’empêchait de recevoir avec plaisir, et même de rechercher les caresses de Londé, qui pour lui rendre justice, était un des hommes de France des mieux faits, et des plus beaux et d’un vrai mérite.