Ah, Seigneur chevalier, lui dit-elle, si vous cherchez les grandes aventures, comme je n’en doute pas, entrez là-dedans, suivez ce perfide et allez délivrer d’esclavage des princesses que l’enchanteur Merlin retient dans la caverne de Montésinos, où elles sont battues et outragées par le cruel Freston dont la fureur me poursuit. […] Si vous n’êtes pas touché de son malheur, soyez-le de celui d’une princesse nommée Dulcinée, qui y est arrivée depuis peu, faite et bâtie comme une gueuse dans de certains temps, et quelquefois tirée à quatre épingles comme une poupée et dorée comme un calice. […] Et vous esprits infernaux, continua-t-il, noirs habitants du séjour ténébreux, sortez du fond de vos abîmes, et venez y précipiter ce perfide, qui n’est hardi qu’à maltraiter une jeune princesse sans défense, redoublez ses chaînes dont il ne sorte jamais, et qu’il languisse éternellement sous leur poids. […] dit Balerme, cette infortunée princesse change de figure à tout moment. […] Dis-moi à qui il tient que je ne délivre cette pauvre princesse ?
Pardonnez-moi ce vœu, que le désespoir m’a fait faire ; je suis mille fois plus à plaindre que vous ; vous ne perdez dans moi qu’une princesse malheureuse et infortunée, et je perds en vous la fleur de la Chevalerie, le miroir de la vraie valeur, le prototype de la fidélité, et un parfait modèle de toutes les vertus. […] Il le prit donc, et y lut qu’il était arrêté que cette princesse serait religieuse. Après quoi on lui montra le résultat du destin en cas qu’il n’y voulût pas consentir, et qui était conçu en ces termes : Et si le chevalier des Lions n’y consent pas, elle ne sera pourtant jamais à lui, parce qu’elle tombera morte à ses pieds devant le prêtre qui voudra les marier ; ainsi la vie et la mort de cette princesse seront entre ses mains. C’en est trop, dit-il en rendant le livre ; oui, belle Princesse, continua-t-il, c’en est trop, vous êtes libre de vos actions, et je vous encourage moi-même à soutenir votre vœu ; je n’ai rien fait pour vous que ce que tout autre que moi aurait pu faire, et sans doute plus heureusement et plus promptement ; je ne prétends avoir acquis aucun droit sur vous, ou j’y renonce pour vous rendre toute à vous-même.
Pour Don Quichotte, quelques égards que tout le monde eût pour lui dans le château, il ne pouvait sortir de la profonde mélancolie que lui causait la perte de sa princesse. […] Nous sommes ici, mon fils, dans la forêt des Ardennes, et la fontaine que tu vois est l’ouvrage du sage Merlin ; cet enchanteur l’a faite exprès pour guérir un chevalier de ses amis de la passion qu’il avait pour une princesse ; car il faut que tu saches que cette eau a la vertu de changer en haine le plus violent amour. — Quoi, Monsieur !
Il s’attacha à cette princesse ; Richelieu voulut le détruire et n’en put venir à bout. […] Il n’y avait aucun saint en paradis qu’elle et tous les Français n’invoquassent ; cette princesse faisait des aumônes excessives et même des fondations pour obtenir de la bonté de Dieu la grâce de devenir grosse. […] Cette princesse, comme j’ai déjà dit, avait confié sa crainte et ses chagrins au cardinal Mazarin qui n’y pouvait pas remédier par lui-même, parce que certainement cette princesse était sage et vertueuse, quoiqu’elle fût maîtresse d’elle-même, et en état d’être infidèle si elle avait voulu, puisqu’elle était belle, bien faite et très aimable. […] Le médecin en entendit parler, et s’ouvrit à mon père en le priant de lui faire avoir de l’urine de cette princesse. […] Boucherat M. de Pontchartrain fut revêtu de la dignité de chancelier, Madame la princesse de Monaco alla en féliciter Mad[am] e de Pontchartrain sa bonne amie.
Madame, lui dit le triste chevalier les larmes aux yeux, suppliez de ma part le sage enchanteur de me laisser combattre moi-même contre le maudit magicien Freston ; ma princesse l’incomparable du Toboso ne serait pas bien vengée si elle ne l’était par mon bras, et je mourrais de rage si un autre que moi le renvoyait en enfer.
Celui-ci lui rendit enfin sa joie en lui disant que la rivière où il avait perdu sa bourse, répondait aussi bien que le ruisseau où il était, à la caverne de Montésinos ; que c’était Freston qui la lui avait volée, et qu’il l’avait portée à Merlin, pour se payer de tout ce que la princesse Dulcinée lui devait ; que ce sage enchanteur n’avait point voulu se satisfaire de l’argent d’autrui, et qu’il avait promis de la rendre lorsque cette princesse serait désenchantée.
Sitôt qu’elle et toute sa bande furent hors de vue, on ramena le triste Don Quichotte dans l’appartement des dames, où chacune le consola le mieux qu’elle put de la perte qu’il faisait d’une princesse si belle et si vertueuse.
Figurez-vous une taille admirable et un port de princesse ; un air de jeunesse soutenu par une peau d’une blancheur à éblouir, et de la délicatesse de celle d’un enfant, telle qu’on peut l’apporter d’un convent, où ordinairement on ne se hâle point tant que dans le monde.
Elle avait les bras ronds, la main potelée et charnue, un air de princesse à marcher ; elle dansait en perfection, chantait de même, et jouait fort bien du clavecin et de la guitare.
Je m’en suis informé à ce M. de La Touche qui m’a dit qu’il ne savait pas positivement ce qu’elle était devenue, mais que le bruit était que Pitrachard avait voulu l’épouser et qu’elle l’avait refusé ; que cependant il faudra qu’elle prenne le parti de l’épouser lui, son fils, ou la mort, car ce n’est pas la coutume des Orientaux de garder des vestales, et Pitrachard est trop politique pour souffrir que cette princesse épouse un homme capable de faire valoir ses droits.
La mère & la fille partirent par les premiers vaisseaux, avec un train de princesses.