Chapitre XXXV.
Du tour ridicule et malin que fit Parafaragaramus au chevalier Sancho, et des événements tristes qui le▶ suivirent.
Nous retrouverons Don Quichotte dans peu de temps ; laissons-◀le▶ courir ◀la▶ forêt sans fruit, il n’y fera rien qui mérite notre attention. Il n’en est pas de même du chevalier Sancho Pança. Nous ◀l’▶avons laissé qui écoutait ◀l’▶histoire ◀de▶ Sainville, et il n’y a pas un lecteur qui ne s’imagine qu’il n’en avait pas perdu un mot. ◀Le▶ lecteur se trompe cependant. ◀La▶ Française parlait français, et Sancho ne ◀le▶ savait pas : il douta quelque temps s’il était effectivement chevalier, parce qu’il n’entendait pas ce que disait ◀la▶ Française, et qu’il avait ouï dire à son maître que ◀les▶ chevaliers errants entendaient toutes sortes ◀de▶ langues. Pour résoudre ce doute il consulta ◀la▶ bouteille dont ◀le▶ glouglou mit fin à son inquiétude ; il était assis sur une chaise fort haute ; il s’endormit ◀la▶ tête et ◀les▶ bras appuyés sur ◀la▶ table. Parafaragaramus qui n’avait point dormi et avait toujours écouté lorsque ◀la▶ Française fut interrompue, se tourna du côté de Sancho, et voyant sa belle posture, il lui prit envie ◀de▶ lui jouer une pièce. Il perça ◀la▶ table, et avec des cordes qu’il passa dans ◀les▶ trous il attacha ◀les▶ bras et ◀le▶ corps ◀de▶ Sancho ; en un mot il ◀le▶ mit comme dans un travail où il ne pouvait se donner ◀le▶ moindre mouvement ; il lui attacha aussi ◀les▶ pieds ; et ne croyant pas qu’il y eût personne dans ◀l’▶hôtellerie à qui il dût du respect, ni avec qui il fût obligé ◀de▶ garder des mesures, il retira ◀le▶ siège sur lequel Sancho était assis, et lui mit à ◀l’▶air ◀le▶ même endroit où il avait reçu ◀les▶ dragées ; et il faut observer que ◀le▶ chevalier tournait directement ◀le▶ dos à ◀la▶ porte ◀de▶ ◀la▶ chambre : il ne s’était point encore éveillé ; mais ◀la▶ posture contrainte où il était, ne portant que sur ses cordes, dissipa bientôt son sommeil.
◀Le▶ faux enchanteur trouva en sortant ◀de▶ cette chambre ce qu’il ne cherchait pas ; ce fut Gabrielle de Monsalve qui ◀le▶ reconnut, parce qu’elle savait ◀le▶ déguisement. Elle lui dit une partie ◀de▶ ce qui leur était arrivé, et qu’Eugénie était dans ◀l’▶hôtellerie. Il jeta au plus vite son masque, ses armes et sa mandille, et entra dans ◀la▶ chambre où était sa maîtresse, bien fâché ◀de▶ ◀la▶ voir dans un lieu si indigne ◀d’▶elle, et du sujet qui ◀l’▶y avait fait venir. ◀Le▶ duc et ◀la▶ duchesse d’Albuquerque, qui savaient pour lors qui elle était, ne ◀l’▶avaient point quittée, et ◀la▶ joie où elle était elle-même ◀d’▶être échappée à son beau-frère et ◀de▶ se voir en sûreté, ◀l’▶ayant tout à fait remise, elle allait monter dans ◀le▶ carrosse ◀de▶ Don Fernand avec Dorothée et Gabrielle pour retourner chez elle, lorsqu’en descendant ◀de▶ ◀la▶ chambre où on ◀l’▶avait portée, et passant devant celle où était Sancho, elle entendit sa voix. Elle poussa ◀la▶ porte, et la première chose qu’elle vit fut ◀le▶ chevalier Sancho dans ◀l’▶état où ◀l’▶enchanteur ◀l’▶avait mis ; malgré toute sa modestie elle ne put s’empêcher ◀d’▶en rire ; ◀le▶ duc qui lui donnait la main, Dorothée et Gabrielle qui ◀les▶ suivaient, et qui eurent ◀la▶ même vision, en rirent aussi à gorge déployée ; ◀l’▶officier était sur ◀les▶ épines dans ◀la▶ crainte que ◀le▶ scandale ne lui fît des affaires, mais voyant que tout le monde en riait, il en rit aussi et courut détacher ◀le▶ patient qui suait à grosses gouttes. Eh Monsieur ◀le▶ chevalier, qui vous a mis là ? lui dit-il. — Ma foi, répondit Sancho, je m’y suis mis moi-même ; mais c’est ce diable ◀de▶ Parafaragaramus qui m’y a attaché par enchantement, car je n’en ai rien senti. — Et où est-il ? demanda ◀l’▶officier. — Il faut, répliqua Sancho, qu’il soit retourné en enfer ; mais patience, rira bien qui rira le dernier : ◀le▶ faux glouton m’en a donné ◀d’▶une, ajouta-t-il, mais je lui en rendrai ◀d’▶une autre. — Ah ! Monsieur ◀le▶ chevalier, reprit ◀l’▶officier, Parafaragaramus est ◀de▶ nos amis ; vous ◀l’▶avez pris pour un autre, ou quelque autre a pris son nom.
Pendant ce beau dialogue Sancho fut délié, et se trouvant en liberté il descendit aussitôt et trouva Dorothée et Eugénie.Celle-ci lui fit ◀la▶ guerre ◀d’▶être dans un cabaret au lieu de signaler sa valeur, et lui reprocha qu’il n’était pas ◀de▶ parole. Ah pardi, Madame, lui répondit Sancho, nous voilà bien dedans. Ne voyez-vous pas bien que ce maudit Parafaragaramus jaloux ◀de▶ ◀l’▶honneur que j’aurais gagné, et vous aussi, m’a lâché un démon qui m’a fait déjeuner par enchantement ; et ◀de▶ peur que je ne ◀le▶ battisse bien, pour sa récompense, il m’a emmené dans ◀l’▶endroit où vous m’avez vu, où il m’a endormi et lié ; mais patience, tout vient à point à qui peut attendre.
Sancho aurait plus longtemps continué ses extravagances, s’il n’eût été interrompu par une demoiselle qui était ◀la▶ même qui avait commencé ◀l’▶histoire ◀de▶ Sainville, laquelle ayant appris ◀la▶ qualité du duc d’Albuquerque, son crédit et ◀la▶ figure qu’il faisait en Espagne, ◀le▶ vint aborder fort civilement, et lui demanda sa protection pour deux dames françaises, et pour un gentilhomme qui en avaient besoin. ◀Le▶ duc ◀la▶ reçut fort civilement. Et ayant appris que ces dames et ◀le▶ gentillhomme dont il était question, avaient été attaqués ◀le▶ matin dans ◀la▶ forêt par des voleurs, Eugénie qui ne douta point que ce ne fût encore un coup ◀de▶ son beau-frère, comme en effet c’en était un, se crut obligée ◀de▶ lui offrir un asile dans son château, tant pour elle que pour sa compagnie ; ce que ◀la▶ Française ayant accepté, alla prendre ses dames, qui étaient ◀la▶ marquise, Silvie, et sa tante, et ◀le▶ blessé qui était Sainville ; et tous quatre s’étant mis dans ◀le▶ carrosse qui ◀les▶ avait amenés, et ◀la▶ damoiselle qui avait parlé, et deux filles ◀de▶ chambre étant montées en croupe derrière des cavaliers, ils suivirent ◀le▶ duc d’Albuquerque qui prenait ◀le▶ chemin du château ◀de▶ Valerio.
Comme ils sortaient ◀de▶ ◀l’▶hôtellerie, on y apportait un homme mourant que Silvie n’eut pas plutôt regardé qu’elle fit un grand cri qui obligea ◀le▶ duc d’Albuquerque à faire arrêter. Cet homme qu’on apportait tendait faiblement ◀les▶ bras à Silvie : Je ne suis plus votre ennemi, Madame, lui dit-il ◀d’▶une voix mourante, et en même temps tomba en faiblesse. ◀La▶ comtesse Eugénie ayant appris que ce blessé était ◀l’▶époux ◀de▶ cette dame française, lui fit aussi prendre ◀le▶ chemin du château, où nous ◀les▶ laisserons aller pour retourner à Don Pedre que nous avons laissé aux mains avec ◀le▶ valet ◀de▶ Deshayes.
Ce valet était un officier déguisé qui aimait Silvie depuis longtemps, et qui croyant, comme beaucoup d’autres, que Sainville ◀l’▶avait enlevée, s’était mis avec Deshayes pour courir après, dans ◀la▶ résolution ◀de▶ venger sur son rival son amour méprisé, et pourtant ◀de▶ sauver ◀la▶ vie ◀de▶ sa maîtresse en ◀la▶ dérobant à ◀la▶ rage ◀de▶ son mari qui était parti dans ◀la▶ résolution ◀de▶ ◀la▶ poignarder partout où il pourrait ◀la▶ trouver. Dans ce dessein il avait suivi Deshayes, à qui il s’était fait présenter comme un valet fidèle, brave et bon postillon : il avait défendu sa vie non pas par amitié pour lui, mais parce qu’il s’était figuré que c’était Sainville qui lui avait fait dresser cette partie, et qui avait voulu ◀le▶ faire assassiner pour posséder ensuite sa veuve sans crainte et sans traverse. Cette pensée lui était tout à fait entrée dans ◀l’▶esprit, et elle était ◀d’▶autant mieux fondée que ces assassins n’avaient point demandé ◀la▶ bourse, et avaient tout ◀d’▶un coup attaqué ◀la▶ vie ; il crut même que Don Pedre était Sainville qui s’était déguisé, et cela avait été cause que sans s’amuser à courir après ◀les▶ ravisseurs ◀d’▶Eugénie, il s’était opiniâtrement attaché à lui.
Don Quichotte ◀les▶ avait laissés aux mains ensemble, et n’étant plus que seul à seul, ils avaient fait voir toute ◀la▶ valeur, ou plutôt toute ◀la▶ fureur dont sont capables des gens possédés par ◀la▶ jalousie, ◀l’▶amour, ◀le▶ désespoir et ◀la▶ haine. Cet officier n’était pas bien monté, et voyant que son cheval ne pouvait pas tenir tête à celui ◀de▶ son ennemi qui était un fort andalour, il avait commencé avant que de s’attacher au maître par porter au cheval deux grands coups d’épée dans ◀les▶ flancs. Tant que cet animal avait eu ◀de▶ ◀la▶ force, il avait fort bien secondé Don Pedre ; mais son sang étant épuisé, ◀les▶ forces lui manquèrent tout ◀d’▶un coup, et il tomba sur ◀le▶ nez. ◀Le▶ Français mit aussitôt pied à terre dans ◀le▶ dessein ◀d’▶égorger son ennemi ; mais ◀l’▶Espagnol se releva, et ils continuèrent à pied leur combat, qui fut fort opiniâtre. Cependant comme ◀le▶ Français était plus adroit que Don Pedre, celui-ci vit bientôt son sang couler, ce qui ayant achevé ◀de▶ ◀le▶ mettre en fureur il se lança à corps perdu sur ◀le▶ Français, mais si malheureusement pour lui, qu’il s’enferra ◀de▶ lui-même, et tomba roide mort ; ◀le▶ Français ◀le▶ démasqua, et voyant que ce n’était pas Sainville, il crut pour lors que ce n’était qu’un voleur, et ◀le▶ laissa là.
Il revint au même endroit où il avait laissé Deshayes qu’il trouva nageant dans son sang ; il ◀l’▶étancha ◀le▶ mieux qu’il put, et à force ◀d’▶appeler au secours, il fut entendu ◀de▶ ◀l’▶hôtellerie, et ceux qui y allèrent ◀l’▶y portèrent, lorsqu’il fut reconnu par Silvie qui en sortait et qui suivait ◀le▶ duc d’Albuquerque pour aller au château du comte Valerio.
Lorsqu’ils y arrivèrent ils ◀le▶ trouvèrent éveillé, fort en peine ◀de▶ son épouse qu’il avait envoyé chercher ◀de▶ tous côtés : comme elle s’en était doutée, elle avait concerté sur ◀le▶ chemin avec ◀le▶ duc d’Albuquerque et Dorothée ce qu’ils lui diraient pour ne point ◀le▶ chagriner en lui racontant ◀la▶ mauvaise action ◀de▶ son frère, ce qui aurait encore nui à sa santé, et c’était pour tenir ce petit conseil qu’elle avait empêché ◀le▶ duc ◀d’▶offrir une place dans son carrosse à ◀la▶ demoiselle française qui lui avait demandé sa protection, comme ◀la▶ civilité semblait ◀le▶ demander ; ainsi étant prêts à répondre, ils lui dirent qu’ils s’étaient amusés à voir ◀le▶ chevalier Sancho en sentinelle, et prêt ◀d’▶en venir aux coups avec ◀le▶ faux Parafaragaramus. Valerio ne ◀les▶ écouta presque pas, tant il eut ◀de▶ joie ◀de▶ voir chez lui ◀le▶ duc d’Albuquerque et son épouse ; il ◀les▶ combla ◀de▶ civilités, et ils y répondirent en gens ◀de▶ qualité espagnols, c’est-à-dire ◀le▶ mieux du monde. On ◀l’▶informa ensuite des désordres que des voleurs faisaient autour de chez lui ; à quoi Eugénie ajouta qu’elle avait donné retraite dans son château à des gens qui avaient été fort maltraités. ◀Le▶ duc lui dit que c’était des Français et des Françaises qui paraissaient gens ◀de▶ qualité, et que s’il avait été proche de chez lui, il lui eût évité toute ◀l’▶incommodité qu’il en pouvait recevoir, en ◀les▶ conduisant dans quelque endroit qui lui appartient. Valerio lui répondit qu’il lui avait fait plaisir, et qu’étant une fois prisonnier des Français il en avait reçu un traitement si généreux et si honnête, qu’il ne souhaitait rien plus ardemment que ◀de▶ pouvoir s’en ressentir avec honneur. Il ajouta que s’il était en état ◀de▶ sortir ◀de▶ sa chambre il irait ◀les▶ voir et ◀les▶ assurer qu’ils étaient absolument ◀les▶ maîtres chez lui, et en même temps pria ◀la▶ comtesse ◀d’▶aller donner ses ordres pour que rien ne leur manquât.
Cette dame y avait pourvu en entrant chez elle : elle avait ordonné à son officier ◀de▶ donner des chambres propres aux dames et aux hommes, et avait envoyé chercher ◀le▶ chirurgien qui avait soin ◀de▶ son époux pour visiter ◀les▶ blessures ◀de▶ Deshayes et ◀de▶ Sainville ; si bien que lorsqu’elle y retourna ◀le▶ chirurgien était à travailler. On ◀les▶ avait mis dans des chambres différentes, et Deshayes ne sut point que Sainville fut dans ◀le▶ même château que lui. Il fut visité le premier comme ◀le▶ plus malade, et ◀le▶ chirurgien ayant eu ordre ◀de▶ venir rapporter au comte et à ◀la▶ comtesse ◀l’▶état ◀de▶ ◀la▶ santé ◀de▶ leurs hôtes, il vint leur dire que Sainville était, comme Valerio, sans aucun danger pour ◀la▶ vie, et uniquement épuisé par ◀la▶ perte du sang ; mais que pour Deshayes il avait plus besoin ◀d’▶un confesseur que ◀de▶ tout autre secours, et que c’était sûrement un homme mort dans vingt-quatre heures au plus tard ; ce fut aussi ◀le▶ sentiment du vieillard qui avait le premier pansé Valerio chez ◀les▶ chevriers. Ce rapport donna occasion ◀de▶ parler des bandits, et Valerio qui ignorait ◀la▶ vie que ses frères avaient menée, regrettait sa santé qui ne lui permettait pas ◀de▶ nettoyer son voisinage ◀de▶ tant de brigands qui y faisaient ◀de▶ si grands désordres.
◀Le▶ duc et ◀la▶ comtesse pour ne rien dire qui donnât matière aux soupçons, parlèrent ◀de▶ Sancho Pança, et dirent enfin au comte ce qui lui était arrivé dans ◀l’▶hôtellerie : il en rit autant que ses blessures ◀le▶ lui purent permettre. ◀De▶ lui, on tomba sur Don Quichotte qu’on dit n’avoir point été vu ◀de▶ ◀la▶ journée. Valerio ◀l’▶envoya chercher, et on ◀le▶ ramena fort tard sans qu’il eût rien trouvé ◀de▶ ce qu’il avait cherché. Comme, excepté ses visions sur ◀la▶ Chevalerie errante, il n’y avait guère ◀d’▶homme au monde ◀de▶ meilleur sens, ni plus discret que lui, Eugénie lui fit confidence ◀de▶ tout ce qui regardait Don Pedre et elle, et ◀le▶ pria ◀de▶ n’en pas plus parler à son époux qu’il avait parlé ◀d’▶Octavio, parce que cela augmenterait sa maladie par ◀le▶ chagrin qu’il en aurait ; Don Quichotte ◀le▶ promit, et ◀l’▶heure ◀de▶ souper étant venue, Eugénie fit mettre la table auprès du lit ◀de▶ son époux, et alla quérir ◀les▶ belles Françaises ses hôtesses ; mais Silvie qui fondait en larmes ◀la▶ pria ◀de▶ ◀l’▶excuser, lui disant que ses malheurs ne lui laissaient que ◀la▶ mort à souhaiter ; ◀la▶ marquise pria Eugénie ◀de▶ souffrir qu’elle tînt compagnie à Sainville, et ◀la▶ tante de Silvie lui fit trouver bon qu’elle tînt compagnie à sa nièce ; de sorte qu’il ne vint avec ◀la▶ comtesse, que ◀la▶ même demoiselle française qui avait demandé au duc d’Albuquerque sa protection. Comme ◀les▶ différents sentiments ne permettaient pas que ◀les▶ esprits fussent portés à ◀la▶ joie, on ne fit point prier Sancho ◀de▶ venir souper, et il resta avec ◀l’▶officier dont ◀les▶ civilités bachiques lui plaisaient plus que ◀la▶ meilleure compagnie, outre que n’ayant pas tout à fait tenu parole à ◀la▶ comtesse, et se souvenant bien ◀de▶ ◀l’▶état où elle ◀l’▶avait vu dans ◀l’▶hôtellerie, il ne cherchait pas à se présenter à ses yeux.
◀Le▶ souper ne fut pourtant pas triste ; Eugénie se contraignit pour ne donner aucun soupçon à son époux ; ◀le▶ duc et ◀la▶ duchesse d’Albuquerque tâchèrent ◀d’▶y inspirer ◀la▶ joie, ou du moins ◀d’▶en bannir ◀la▶ mélancolie. Don Quichotte, dont ◀l’▶excès ◀de▶ fureur était tout à fait passé, y fit ◀la▶ figure ◀d’▶un honnête homme ; et ◀la▶ Française s’y fit regarder non seulement comme une belle personne, mais comme une fille ◀de▶ qualité fort spirituelle et bien élevée. Elle ignorait ◀la▶ part que ◀le▶ frère du comte avait dans ce qui était arrivé : c’est ce qui fit qu’elle s’emporta un peu contre ◀la▶ mauvaise police ◀d’▶Espagne pour ◀la▶ sûreté publique ; à cela près elle plut à tout le monde ; on parla des gens avec qui elle était ; on ◀la▶ pria ◀de▶ dire par quelle aventure tant de Français se trouvaient en Espagne en même temps. Elle s’en fit ◀d’▶autant moins prier, qu’elle vit bien que c’était une nécessité ◀d’▶instruire ses auditeurs pour attirer leur protection ; et qu’outre cela ◀la▶ situation où ◀les▶ Français et ◀les▶ Françaises se trouvaient, ne permettait pas qu’on cachât rien. Ainsi elle recommença ◀l’▶histoire ◀de▶ Silvie et ◀de▶ Sainville comme elle ◀l’▶avait déjà racontée dans ◀l’▶hôtellerie ; et lorsqu’elle fut dans ◀l’endroit où elle avait été interrompue, elle poursuivit en ces termes, en faisant parler Sainville en personne.