Chapitre XLVI.
Pourquoi Sancho perdit ses armes enchantées, et du terrible combat qu’il eut à soutenir pour les▶ recouvrer.
◀La▶ duchesse de Médoc qui ◀l’▶avait souvent été voir, était très fâchée ◀de▶ son indisposition, parce qu’elle n’en pouvait pas tirer tout ◀le▶ plaisir qu’elle en aurait voulu ; mais elle comptait bien ◀de▶ s’en dédommager sitôt qu’il serait en état ◀d’▶agir et ◀de▶ sortir ; ce qui arriva dès qu’il put ouvrir ◀les▶ yeux ; c’est-à-dire environ huit jours après que son accident lui fut arrivé. J’ai dit qu’il avait ◀le▶ visage grillé et brûlé, en sorte que lorsqu’il se releva il était affreux, sa peau ressemblant à du vieil parchemin ridé et enfumé ; mais comme il ne sentait pas grand mal, bien loin de faire compassion, il ne faisait qu’exciter ◀l’▶envie ◀de▶ rire.
Valerio et Sainville qui commençaient à se mieux porter, et qui étaient en état ◀de▶ prendre l’air, étaient montés dans sa chambre avec ◀le▶ reste ◀de▶ ◀la▶ compagnie, et firent partie en sa présence pour aller ◀le▶ lendemain tous ensemble à ◀l’▶entrée ◀de▶ ◀la▶ forêt, et se promener au même endroit où Eugénie avait été délivrée. ◀Le▶ duc d’Albuquerque avait paru en inspirer ◀le▶ dessein, afin de faire voir à ◀la▶ comtesse par ◀l’▶inspection des lieux mêmes, ◀les▶ obligations qu’elle avait à Don Quichotte, et ◀la▶ confirmer dans ◀la▶ reconnaissance qu’elle lui devait. Cela avait attiré à notre héros des louanges excessives, dont sa modestie s’accommodait assez bien, quoiqu’il parût s’en défendre. Cette partie avait été faite et liée exprès devant Sancho, afin qu’il ne crût pas que ce fût un rendez-vous pris à dessein, pour être témoin ◀de▶ ◀l’▶aventure qu’on lui préparait. Comme il se portait bien, il sortit ◀de▶ sa chambre et descendit pour aller se promener dans ◀le▶ parc, ou plutôt pour aller boire à ◀l’▶office, comme il faisait avant son accident.
◀L’▶officier ◀le▶ laissa avec des gens capables ◀de▶ lui tenir tête à boire, et lui par un trou qui répondait du grenier à ◀la▶ chambre ◀de▶ nos aventuriers, ou plutôt par une planche du grenier qu’il enleva, il y descendit ; il attacha toutes ◀les▶ armes ◀de▶ Sancho pièce par pièce avec ◀de▶ ◀la▶ ficelle qui répondait au haut du plancher, qu’on pouvait ôter et remettre sans bruit, et afin que ◀les▶ armes n’en fissent point en ◀les▶ enlevant, il mit du coton où il en fallait pour ◀les▶ soutenir. Sancho s’étant retiré ◀le▶ soir, et voyant ses armes dans ◀le▶ même coin où il ◀les▶ avait mises, et n’y remarquant aucun changement, ne ◀les▶ visita pas plus qu’il avait accoutumé ◀de▶ ◀les▶ visiter, ◀les▶ laissa telles qu’elles étaient. Nos chevaliers fermaient toujours ◀la▶ porte ◀de▶ ◀la▶ chambre sur eux, en ôtaient ◀la▶ clef, et après cela se couchaient et dormaient, si ◀les▶ visions ◀de▶ Don Quichotte ◀le▶ leur permettaient. Sitôt que ◀l’▶officier ◀les▶ crut endormis, il monta au grenier, et sans faire ◀le▶ moindre bruit, enleva ◀les▶ armes du chevalier Sancho. Ce coup étant fait, il alla avec ◀les▶ Espagnols et ◀les▶ Français, qui ◀le▶ suivirent au même endroit où il avait déjà fait ◀le▶ personnage ◀de▶ Parafaragaramus, et où il ◀le▶ contrefit encore ◀de▶ ◀la▶ même manière.
A toi, invincible Chevalier des Lions, cria-t-il, je viens te remercier ◀de▶ ce que tu as fait pour ◀la▶ duchesse de Médoc, et pour ◀la▶ vengeance ◀de▶ ◀la▶ comtesse Eugénie. Tu t’es rendu digne des armes que je t’ai données, et je te ◀les▶ laisse ; mais pour ◀le▶ chevalier Sancho, je suis animé contre lui, pour avoir touché des armes infernales, qui souillent ◀les▶ mains ◀d’▶un chevalier errant, et pour lesquelles tout ce qu’il y a ◀de▶ braves chevaliers, surtout ceux que je protège, doivent avoir ◀de▶ ◀l’▶horreur. J’aurais bien pu ◀le▶ garantir ◀de▶ ◀la▶ brûlure si j’avais voulu ; mais il ne mérite pas mes soins, n’étant pas digne du nom même ◀de▶ chevalier. A toi donc, Sancho Pança, qui déshonores ◀l’▶ordre ◀de▶ Chevalerie, je te déclare que j’emporte tes armes et ton cheval ; je ne te ferai point ◀d’▶autre mal en faveur de ton bon maître, et je me contenterai ◀de▶ te regarder avec indifférence. Je te déclare pourtant, qu’il ne tiendra qu’à toi ◀de▶ regagner mon amitié et tes armes, pourvu que tu travailles à t’en rendre digne, et en ce cas, tu ◀les▶ retrouveras au même endroit où tu ◀les▶ as déjà trouvées. Elles y seront gardées par un enchanteur ◀d’▶un ordre inférieur au mien, contre qui tu auras à combattre. Vois si tu te sens assez ◀de▶ cœur pour entreprendre ◀l’▶aventure. ◀Le▶ seigneur Don Quichotte peut t’assister ◀de▶ ses conseils ; il peut même te favoriser ◀de▶ sa présence, mais je lui défends ◀de▶ te secourir, et même ◀d’▶approcher ◀de▶ quinze pas ◀de▶ ses armes sous peine de perdre les siennes et ◀d’▶acquérir ma haine pour toujours : vois, indigne Sancho, quel malheur ton imprudence t’attire ; souviens-toi que ◀l’▶enchanteur qui garde ta dépouille, n’a point ◀de▶ temps à perdre, parce qu’il faut qu’il aille et revienne du Cathay avant ◀le▶ coucher du soleil ; il est levé, ainsi ton épée ne te servira ◀de▶ rien contre lui ; cours donc dès ◀la▶ pointe du jour à ◀la▶ conquête ◀de▶ tes armes, ou ne te présente jamais devant ◀les▶ braves gens, et renonce à ◀la▶ profession et aux espérances ◀de▶ devenir roi ou empereur ◀de▶ ◀la▶ Chine. N’y va pas, si tu ne te sens assez ◀de▶ cœur pour soutenir un rude combat, ou bien prépare-toi à être assommé ◀de▶ coups et accablé ◀de▶ honte en présence de tous ◀les▶ gens qui sont dans ◀le▶ château ◀de▶ ◀la▶ comtesse, et qui seront témoins ◀de▶ ta valeur ou ◀de▶ ta lâcheté.
Cid Ruy Gomez fait ici une grande digression sur ◀l’▶état où se trouva Sancho après ces terribles menaces et sur ◀l’▶inconstance des affaires du monde. Il dit que ◀l’▶infortuné chevalier ne savait s’il était mort ou vif, tant il était épouvanté du combat qu’il avait à soutenir, ou désespéré ◀de▶ perdre des armes, qui ◀le▶ garantissaient ◀de▶ tout mal, et sous lesquelles, quoiqu’il n’en eût rien dit à son maître, il avait résolu ◀de▶ détrôner pour ◀le▶ moins ◀l’▶hérétique reine d’Angleterre. Don Quichotte qui vit sa perplexité, tâcha ◀de▶ ◀le▶ consoler ; mais sa douleur était trop vive pour être soulagée. Il se leva, alla à ◀l’▶endroit où il ◀les▶ avait mises, et ne ◀les▶ trouvant pas, sa douleur monta à son comble. Chères armes, dit-il, unique fondement ◀de▶ ma bravoure, vous, par qui j’espérais me faire roi, vous m’êtes enlevées, je vas donc devenir ◀d’▶évêque meunier, et toutes mes espérances s’évanouiront en fumée comme du tabac ! — Prends courage, mon enfant, lui dit Don Quichotte, tous ceux ◀de▶ notre profession ont toujours eu des traverses, et tu dois être bien aise que Parafaragaramus ne t’impose point ◀d’▶autre peine que celle ◀d’▶un combat. — Mardi, Monsieur, lui répondit Sancho, vous parlez toujours ◀le▶ mieux du monde, vous n’avez rien à craindre, et vous ne voulez pas me laisser démanger où il me cuit ; que diable ferai-je contre un enchanteur, sur qui une épée ne fera rien, et qui me va percer ◀de▶ la sienne comme un crible ? Ah mes pauvres armes ! continua-t-il en pleurant. Pourquoi diable allais-je toucher à cette arme ◀d’▶enfer ? Tenez, Monsieur, ajouta-t-il, c’est madame ◀la▶ duchesse qui m’attire tout ceci, car si je n’avais pas voulu tirer aussi bien que ◀les▶ autres pour lui faire plaisir, je n’aurais pas mis ◀la▶ main où je n’avais que faire ; oui mardi, c’est elle qui me cause tout ce beau ménage ; au diable ◀les▶ femmes, elles m’ont toujours porté guignon.
Là-dessus il s’emporta contre ◀les▶ femmes ◀d’▶une manière terrible, et fit rire toute ◀la▶ compagnie qui ◀l’▶écoutait, et surtout ◀la▶ duchesse qui n’en perdit pas un mot ; il fit contre elle mille invectives, et ◀les▶ aurait continuées avec ◀la▶ doléance ◀de▶ ses armes perdues, si on ne fût pas venu frapper à sa porte.
Il ouvrit, et vit ◀l’▶écuyer ◀de▶ ◀la▶ comtesse, qui lui demanda fort froidement, s’il avait déjà pris son cheval à ◀l’▶écurie, et par où il ◀l’▶avait fait sortir, puisque ◀la▶ porte avait toujours été fermée, et qu’on ne ◀l’▶y trouvait point, ni dans aucun endroit du château, quoiqu’on ◀l’▶eût cherché partout, et qu’il n’en avait pas pu sortir, ◀le▶ pont-levis n’étant pas encore baissé.
◀La▶ perte ◀de▶ son cheval renouvela toutes ses doléances et ses cris. Don Quichotte, qui avait honte que ◀l’▶abattement ◀de▶ son écuyer parût à d’autres, se contenta ◀de▶ dire à cet écuyer, qu’ils savaient bien où il était, et qu’on ◀le▶ ramènerait en peu de temps ; et cet homme étant sorti, il revint à Sancho, et lui remit ◀le▶ cœur au ventre ◀le▶ mieux qu’il put, et ◀le▶ fit résoudre enfin à tenter ◀l’▶aventure. Cid Ruy Gomez assure, que ce fut plutôt ◀le▶ désespoir ◀de▶ Sancho, qui ◀le▶ détermina à se faire assommer, que ◀les▶ exhortations ◀de▶ son maître, et qu’il voulait jouer à quitte ou à double ; et comme ◀le▶ temps s’avançait, il enfonça son chapeau dans sa tête, et sans dire une seule parole, sortit ◀de▶ ◀la▶ chambre dans une fureur que son maître ne lui avait point encore vue, et dont il tira un bon augure.
Heureusement Don Quichotte ◀le▶ rappela et ◀le▶ pria ◀de▶ ne point sortir sans lui et ◀d’▶attendre qu’il fût armé ; sans cela il aurait trouvé toute ◀la▶ compagnie qui écoutait à ◀la▶ porte. Elle se retira quand elle vit qu’il était résolu, et ◀le▶ devança ; de sorte que Don Quichotte et lui ◀la▶ trouvèrent qui allait à pied en se promenant. Notre héros était armé, et Sancho désarmé voulait passer sans rien dire ; mais ◀la▶ duchesse ◀l’▶arrêta et lui demanda où il allait si vite. Il lui répondit en grondant, qu’elle était cause ◀de▶ ◀l’▶aventure dangereuse qu’il était obligé ◀d’▶entreprendre, et lui aurait peut-être dit des injures, si chacun ne ◀l’▶avait questionné. On marchait toujours cependant, et enfin ◀les▶ ducs qui marchaient les premiers, s’arrêtèrent tout ◀d’▶un coup en feignant une grande surprise ◀d’▶être arrêtés sans voir par qui ni comment. Sainville et du Chirou qui ◀les▶ suivaient dirent qu’ils ne voyaient rien, et voulant avancer, ils s’arrêtèrent aussi tout court en s’écriant qu’on ◀les▶ retenait.
◀Les▶ dames firent semblant ◀de▶ vouloir passer, et feignirent ◀de▶ trouver ◀le▶ même empêchement. ◀Les▶ gens qui ◀les▶ suivaient firent ◀la▶ même chose environ quinze pas des armes, et ◀le▶ firent si naturellement, que Don Quichotte crut qu’ils étaient enchantés, ou du moins retenus par ◀la▶ force ◀de▶ quelque enchantement : on ◀le▶ pria ◀de▶ tenter ◀l’▶aventure, puisque ses armes ◀le▶ délivraient des enchantements. Il répondit qu’il lui était défendu ◀d’▶approcher ◀de▶ quinze pas des armes qu’on voyait. Je ne vois rien, lui dit ◀le▶ duc. — Ni nous non plus, dirent tous ◀les▶ autres presque en même temps. — Quoi ! leur dit Don Quichotte, vous ne voyez pas ◀les▶ armes et ◀le▶ cheval du chevalier Sancho pendus à un arbre, et un enchanteur au pied qui ◀les▶ garde ? — Nous ne voyons rien, répondirent-ils tous presque en même temps. — Je ◀les▶ vois bien moi, dit Sancho, mort-non-diable, et il faut que je ◀les▶ aie. Il entra en même temps dans ◀la▶ lice, que tout le monde, maîtres et domestiques, entouraient environ à quinze pas en rond. Il était armé ◀d’▶un gros bâton en forme de massue. Pardi, dit-il à son maître, si mon épée ne peut rien contre ce diable, ceci ◀l’▶assommera, s’il me laisse faire. Il alla donc seul ◀d’▶un pas précipité, sans s’apercevoir ni ◀d’▶une ficelle qu’on avait mis en travers sur son chemin, ni ◀d’▶un paquet qu’on lui avait attaché au derrière, pendant que ◀la▶ duchesse et ◀les▶ autres ◀le▶ questionnaient.
◀L’▶enchanteur qui gardait ces armes, était encore ◀le▶ maître d’hôtel même qui avait toujours joué ◀le▶ personnage ◀de▶ Parafaragaramus ; c’était un homme extrêmement grand, fort et robuste ; il était vêtu ◀d’▶une grande simarre rouge, qui ◀le▶ prenait depuis ◀le▶ sommet ◀de▶ ◀la▶ tête jusques à ◀la▶ plante des pieds, ce qui ◀le▶ faisait paraître encore plus grand qu’il n’était. Il n’avait point ◀de▶ masque sur ◀le▶ visage, mais il se ◀l’▶était rougi avec du vermillon, et sur ce rouge on lui avait peint une barbe noire en forme de poignard. Il avait sur ◀les▶ yeux des lunettes ou des bésicles, telles qu’on en met aux enfants qui louchent pour leur redresser ◀la▶ vue, et Sancho croyait que c’était ses yeux qui lui sortaient ◀de▶ ◀la▶ tête ; au lieu de cheveux tressés, il s’était mis des peaux ◀d’▶anguilles pleines ◀de▶ son, que Don Quichotte prit aussi bien que son écuyer pour des couleuvres. Il s’était appuyé contre ◀l’▶arbre où ◀les▶ armes étaient pendues, et n’avait point du tout branlé, que lorsqu’il vit Sancho venir à lui. Pour lors il fit une démarche ◀de▶ son côté, et parut s’appuyer sur une massue effective armée ◀de▶ pointes ◀de▶ fer, telle qu’on peint celle ◀d’▶Hercule.
Cet objet terrible avait arrêté Sancho tout court. Ruy Gomez croit, mais il ne ◀l’▶assure pas, que ◀la▶ peur lui avait ouvert ◀les▶ conduits par où ◀la▶ nature se décharge, du moins il est bien certain, qu’au lieu de son air furibond, il devint tout pâle et tremblant. Don Quichotte se ressouvint qu’il lui était permis ◀de▶ ◀l’▶aider ◀de▶ ses conseils, c’est pourquoi il lui cria : Courage, ami Sancho, avance toujours, évite le premier coup, et ◀la▶ victoire est à toi. — Hé ! contre qui ◀l’▶animez-vous, Seigneur chevalier ? lui dit ◀le▶ duc. Nous ne voyons rien. — Je ◀l’▶anime, Monseigneur, répondit notre héros, contre un enchanteur qui est au pied ◀de▶ cet arbre, et qui est un géant monstrueux. Pour lors ◀l’▶enchanteur vint à Sancho comme pour ◀l’▶assommer avec sa massue qu’il releva : — Ah, nous ◀le▶ voyons, crièrent en même temps tous ◀les▶ spectateurs ! Quelle horrible figure ! Seigneur chevalier Don Quichotte, au nom de ◀l’▶illustre Dulcinée, ne nous abandonnez pas, dirent-ils, en feignant une terreur fort grande, et en s’approchant ◀de▶ lui comme pour se mettre à couvert sous son bras invincible ; mais en effet pour ◀l’▶empêcher ◀d’▶aller au secours ◀de▶ Sancho, s’il ◀l’▶eût entrepris, et qu’il eût oublié ◀les▶ ordres ◀de▶ Parafara-garamus.
Cependant Sancho plus mort que vif, était presque prêt ◀de▶ fuir, et ◀l’▶aurait peut-être fait, sans ◀la▶ ficelle qu’on avait mise à terre, et que des laquais cachés derrière des arbres tirèrent en même temps ; elle ◀le▶ prit par ◀les▶ jambes qui lui tremblaient déjà, et ◀le▶ fit tomber sur ◀le▶ cul et ◀le▶ dos, ◀les▶ pieds en ◀l’▶air du côté de ◀l’▶enchanteur. Relevez-vous, Chevalier, lui dit ◀l’▶épouvantable figure ; je ne veux point avoir ◀d’▶avantage sur vous. En disant cela, il vint à lui, et en faisant semblant ◀de▶ lui donner la main pour se relever, il mit ◀le▶ feu à ◀la▶ corde ◀d’▶amorce des fusées qu’on avait attachées sous sa mandille, et se retira deux pas en arrière.
Toutes ces fusées éclatant tout ◀d’▶un coup, firent faire à Sancho un second saut épouvantable, avec des hurlements effroyables. Ce fut là qu’il crut effectivement que tous ◀les▶ diables ◀d’▶enfer étaient à ses trousses. Son maître ne cessait ◀de▶ ◀l’▶animer ◀de▶ ◀la▶ voix, et ◀la▶ présence ◀de▶ tant de spectateurs lui remettant ◀le▶ cœur au ventre, et outre cela Parafaragaramus, qui avait ordre ◀de▶ se laisser vaincre, lui faisant beau jeu, Sancho se releva, et ◀l’▶enchanteur lui donnant ◀le▶ temps ◀de▶ se jeter sur lui, il ne ◀le▶ perdit pas. Sancho ◀le▶ prit par ◀le▶ corps et ◀le▶ terrassa sans peine, parce qu’il ne se défendait pas. Ce devait être là ◀la▶ fin du combat, et ◀l’▶officier allait céder ◀la▶ victoire, n’ayant pas ordre ◀d’▶en faire davantage ; mais Sancho ne lui donna pas ◀le▶ temps ◀de▶ parler, et comme il avait ◀le▶ dessus, il commença à travailler sur lui à coups ◀de▶ poing ◀le▶ mieux qu’il put, faute d’autres armes, son bâton lui étant échappé dès sa première chute. ◀L’▶enchanteur qui ne s’était point attendu à une pareille gourmade, se mit à son tour sur ◀l’▶offensive, et comme il était bien plus robuste que Sancho, il ◀le▶ mit bientôt dessous, et lui rendit ◀le▶ change avec usure, et surtout avec une des peaux ◀d’▶anguille qui lui servait ◀de▶ tresse, au bout de laquelle il y avait une balle ◀de▶ plomb, dont il lui accommoda ◀le▶ corps ◀le▶ plus joliment du monde.
◀Les▶ ducs et tous ◀les▶ assistants prièrent notre héros ◀d’▶aller délivrer ◀le▶ chevalier Sancho des mains ◀de▶ ce démon, mais il ◀le▶ refusa, leur disant que c’était un combat égal ◀de▶ corps à corps, et qu’outre ◀les▶ ordres ◀de▶ ◀la▶ Chevalerie, qui lui défendaient ◀de▶ ◀le▶ secourir, il lui avait aussi été défendu par Parafaragaramus ◀de▶ ◀le▶ faire. Sancho ne cria point, et quoique ◀les▶ coups lui tombassent sur ◀le▶ corps dru comme grêle, il se releva, et courut se saisir ◀de▶ ◀la▶ massue que ◀l’▶enchanteur avait cachée, et il ◀la▶ levait pour ◀la▶ lui décharger sur ◀la▶ tête, s’il avait pu, mais il n’en eut pas ◀le▶ temps. ◀L’▶enchanteur revint à lui, et ◀le▶ jeu lui plaisant, il lui donna ◀de▶ sa peau ◀d’▶anguille un si grand coup au travers ◀les▶ reins, qu’il ◀le▶ rejeta encore une fois à terre, en frappant sur ◀les▶ fesses que Sancho découvrit pour se lever appuyé sur ses mains ; il lui fit plus ◀de▶ contusions sur cette partie, que ◀le▶ chevalier avait fort potelée et charnue, et en même temps plus ◀de▶ douleur que ◀la▶ dragée ne lui en avait jamais fait. Lorsqu’il fut las ◀de▶ frapper, et qu’il vit que ◀le▶ jeu avait été poussé assez avant, il se retira à grands pas. Sancho moulu ◀de▶ coups ne laissa pas ◀de▶ se lever et ◀de▶ ◀le▶ suivre ◀la▶ massue sur ◀l’▶épaule ; mais à son grand étonnement il ◀le▶ vit tout ◀d’▶un coup abîmé dans ◀la▶ terre et disparaître à ses yeux, ne laissant après lui qu’une grande flamme qui s’évanouit dans ◀le▶ moment, et qui fut suivie ◀d’▶une noire et épaisse fumée qui sentait bien fort ◀le soufre.