Poème (incipit : « Deux lignes nègres ») III Une petite vieille au nez pointu J’admire une bouillotte d’émail bleu Mais le rat rentre dans le cadavre et y demeure
S-P- au maréchal des logis André Berthier Qu’est-ce qu’on y met dans la case d’armons espèce de poilu de mon Cœur Pan pan pan perruque perruque Pan pan pan Perruque à canon pour lutter contre les vapeurs les lunettes pour protéger les yeux au moyen d’un masque nocivité gaz un tissu trempé mouchoir des NEZ dans la solution de bicarbonate de sodium les masques seront simplement mouillés des larmes de rire de rire [signal optique d’artillerie] 6
S-P- au maréchal des logis André Berthier Qu’est-ce qu’on y met dans la case d’armons espèce de poilu de mon Cœur Pan pan pan perruque perruque Pan pan pan Perruque à canon pour lutter contre les vapeurs les lunettes pour protéger les yeux au moyen d’un masque nocivité gaz un tissu trempé mouchoir des NEZ asphy dans la solution de bicarbonate de sodium les masques seront simplement mouillés des larmes de rire de rire [signal optique d’artillerie] 6
Chant de l’horizon en Champagne à Monsieur le substitut Granié Voici le tétin rose de l’euphorbe verruquée Voici les nez des soldats invisibles Horizon invisible je chante Que les civils et les femmes écoutent les chansons Et voici d’abord la cantilène du brancardier blessé Le sol est blanc la nuit l’azure Saigne la crucifixion Tandis que saigne la blessure Du soldat de Promission Un chien jappait l’obus miaule La lueur muette a jailli A savoir si la guerre est drôle Les masques n’ont pas tressailli Mais quel fou rire sous le masque Blancheur éternelle d’ici Où la colombe porte un casque Et l’acier s’envole aussi Je suis seul sur le chant de bataille Tranchée blanche bois vert et roux L’obus miaule Je te tuerai Animez vos fantassins à passepoil jaune Les grands artilleurs roux comme des taupes Bleu de roi comme les golfes méditerranéens Veloutés de toutes les nuances du velours Ou mauves encore ou bleu comme les autres Ou déteints Venez le pot en tête Debout fusée éclairante Danse grenadier en agitant tes pommes de pin Alidades des triangles de visée pointez-vous sur les lueurs Creusez des trous enfants de 20 ans creusez des trous Sculptez les profondeurs Envolez-vous essaims des avions blonds ainsi que les avettes Moi l’horizon je fais la roue comme un grand paon Ecoutez renaître les oracles qui avaient cessé Le grand Pan est ressuscité Champagne viril qui émoustille la Champagne Hommes faits jeunes-gens Caméléons des autos-canons Et vous classe 15 Craquements des arrivées ou bien flottaison blanche dans les cieux J’étais content pourtant ça brûlait la paupière Les officiers captifs voulaient cacher leurs noms Œil du Breton blessé couché sur la civière Et qui criait aux morts aux sapins aux canons Priez pour moi Bon Dieu ! je suis le pauvre Pierre Boyaux et rumeur du canon Sur cette mer aux blanches vagues Fou stoïque comme Zénon Pilote du cœur tu zigzagues Petites forêts de sapins La nichée attend la becquée Pointe-t-il des nez de lapins Comme l’euphorbe verruquée Ainsi que l’euphorbe d’ici Le soleil à peine boutonne Je l’adore comme un Parsi Ce tout petit soleil d’automne Un fantassin presque un enfant Pur comme le jour qui s’écoule Pur comme mon cœur triomphant Disait en mettant sa cagoule Tandis que nous n’y sommes pas Que de filles deviennent belles Voici l’hiver et pas à pas Leur beauté s’éloignera d’elles O lueurs soudaines des tirs Cette beauté que j’imagine Faute d’avoir des souvenirs Tire de vous son origine Car elle n’est rien que l’ardeur De la bataille violente Et de la terrible lueur Il se fait une muse ardente Il regarde longtemps l’horizon Couteaux tonneaux d’eaux Des lanternes allumées se sont croisées Moi l’horizon je combattrai pour la victoire Je suis l’invisible qui ne peut disparaître Je suis comme l’onde Allons ouvrez les écluses que je me précipite et renverse tout Guillaume Apollinaire.
Lundi rue Christine La mère de la concierge et la concierge laisseront tout passer Si tu es un homme tu m’accompagneras ce soir Il suffirait qu’un type maintint la porte cochère Pendant que l’autre monterait Trois becs de gaz allumés La patronne est poitrinaire Quand tu auras fini nous jouerons une partie de jacquet Un chef d’orchestre qui a mal à la gorge Quand tu viendras à Tunis je te ferai fumer du Kief Ça a l’air de rimer Des piles de soucoupes des fleurs un calendrier Pim pam pim Je dois fiche près de 300 francs à ma probloque Je préférerais me couper le parfaitement que de les lui donner Je partirai à 20 h. 27 Six glaces s’y dévisagent toujours Je crois que nous allons nous embrouiller encore davantage Cher monsieur Vous êtes un mec à la mie de pain Cette dame a le nez comme un ver solitaire Louise a oublié sa fourrure Moi je n’ai pas de fourrure et je n’ai pas froid Le Danois fume sa cigarette en consultant l’horaire Le chat noir traverse la brasserie Ces crêpes étaient exquises La fontaine coule Robe noire comme ses ongles C’est complètement impossible Voici monsieur La bague en malachite Le sol est semé de sciure Alors c’est vrai La serveuse rousse a été enlevée par un libraire Un journaliste que je connais d’ailleurs très vaguement Ecoute Jacques c’est très sérieux ce que je vais te dire Compagnie de Navigation mixte Il me dit monsieur voulez-vous voir ce que je peux faire d’eaux fortes et de tableaux Je n’ai qu’une petite bonne Après déjeuner café du Luxembourg Une fois là il me présente un gros bonhomme Qui me dit écoutez c’est charmant A Smyrne à Naples en Tunisie Mais nom de Dieu où est-ce La dernière fois que j’ai été en Chine C’est il y a huit ou neuf ans L’Honneur tient souvent à l’heure que marque la pendule La quinte major Guillaume Apollinaire
Lettre-Océan [première image] Je traverse la ville nez en avant et je la coupe en 2 J’étais au bord du Rhin quand tu partis pour le Mexique Ta voix me parvient malgré l’énorme distance Gens de mauvaise mine sur le quai à la Vera Cruz [carte postale] Les voyageurs de l’Espagne devant faire le voyage de Coatzalcoalcos pour s’embarquer je t’envoie cette carte au lieu de profiter du courrier de Vera Cruz qui n’est pas sûr Tout est calme ici et nous sommes dans l’attente Des événements.
Le Musicien de Saint-Merry J’ai enfin le droit de saluer des êtres que je ne connais pas Ils passent devant moi et s’accumulent au loin Tandis que tout ce que j’en vois m’est inconnu Et leur espoir n’est pas moins fort que le mien Je ne chante pas ce monde ni les autres astres Je chante toutes les possibilités de moi-même hors de ce monde et des astres Je chante la joie d’errer et le plaisir d’en mourir Le 21 du mois de mai 1913 Passeur des morts et les mordonnantes mériennes Des millions de mouches éventaient une splendeur Quand un homme sans yeux sans nez et sans oreilles Quittant le Sébasto entra dans la rue Aubry-le-Boucher Jeune l’homme était brun et ce couleur de fraise sur les joues Homme Ah!
Puis enfin j’ai compris que je saignais du nez À cause des parfums violents de mes fleurs.