voici le boute-selle Il disparut dans un tournant Et mourut là-bas tandis qu’elle Riait au Destin surprenant
La Chaste Lise La journée a été longue Elle est passée enfin Demain sera ce que fut aujourd’hui Et là-bas sur le château enchanté Nous sommes las ce soir Mais la maison nous attend Avec la bonne soupe qui fume Et dès l’aube demain Le dur labeur Nous reprendra Hélas Bonnes gens
En s’en allant là-bas le paysan chantonne Une chanson d’amour et d’infidélité Qui parle d’une bague et d’un cœur que l’on brise.
Du Rhin, là-bas, sortent le cou, Des niebelungs et des ondines.
Echelon Au marl logis chef Piot Grenouilles et rainettes Crapauds & Crapoussins Ascèse sous les peupliers et les frênes La reine des prés va fleurir Une petite hutte dans la forêt Là-bas plus blanche est la blessure [à gauche, verticalement] On tire contre avions Verdun [au centre] Le Ciel Coquelicots Flacon au col d’or On a pendu la mort à la lisière du bois On a pendu la mort Et ses beaux seins dorés Se montrent tour à tour O rose toujours vive O France [à droite, verticalement] L’orvet Le sac à malice La trousse à boutons Embaume les espoirs d’une armée qui halète Le Loriot chante N’est-ce pas rigolo Enfin une plume d’épervier
Echelon Au marl logis chef Piot Grenouilles et rainettes Crapauds & Crapoussins Ascèse sous les peupliers et les frênes La reine des prés va fleurir Une petite hutte dans la forêt Là-bas plus blanche est la blessure [à gauche, verticalement] On tire contre avions Verdun [au centre] Le Ciel Coquelicots Flacon au col d’or On a pendu la mort à la lisière du bois On a pendu la mort Et ses beaux seins dorés Se montrent tour à tour O rose toujours vive O France [à droite, verticalement] L’orvet Le sac à malice La trousse à boutons Embaume les espoirs d’une armée qui halète Le Loriot chante N’est-ce pas rigolo Enfin une plume d’épervier
Allons plus vite Et le soir vient et les lys meurent Regarde ma douleur beau ciel qui me l’envoyes une nuit de mélancolie Enfant souris ô sœur écoute Pauvres marchez sur la grand route O menteuse forêt qui surgis à ma voix Les flammes qui brûlent les âmes Sur le Boulevard de Grenelle Les ouvriers et les patrons Arbres de mai cette dentelle ne fais donc pas le fanfaron Allons plus vite nom de Dieu Allons plus vite Tous les poteaux télégraphiques Viennent là-bas le long du quai Sur son sein notre République A mis ce bouquet de muguet qui poussait drû le long du quai Allons plus vite nom de Dieu Allons plus vite La bouche en cœur Pauline honteuse Les ouvriers et les patrons Oui-dà oui-dà belle endormeuse Ton frère Allons plus vite nom de Dieu Allons plus vite GUILLAUME APOLLINAIRE
Les Femmes Dans la maison du vigneron les femmes cousent… « Lenchen, remplis le poêle et mets l’eau du café Dessus… » — « Le chat s’étire après s’être chauffé — « Gertrude et son voisin Martin enfin s’épousent. » Le rossignol aveugle essaya de chanter Mais l’effraie ululant il trembla dans sa cage : « Ce cyprès là-bas a l’air du pape en voyage Sous la neige. » — « Le facteur vient de s’arrêter Pour causer avec le nouveau maître d’école. » — « Cet hiver est très froid, le vin sera très bon. » — « Le sacristain sourd et boiteux est moribond. » — « La fille du vieux bourgmestre brode une étole Pour la fête du curé. » La forêt là-bas Grâce au vent chantait à voix grave de grand orgue.
La Synagogue Ottomar Scholem et Abraham Loeweren Coiffés de feutres verts, le matin du sabbat Vont à la synagogue en longeant le Rhin Et les coteaux où les vignes rougissent là-bas.
Venez tous avec moi, là-bas, sous les quinconces.
Venez tous avec moi, là-bas, sous les quinconces.
Venez tous avec moi, là-bas, sous les quinconces.
Le Dépôt Je me suis engagé sous le plus beau des cieux Dans Nice la Marine au nom victorieux Perdu parmi 900 conducteurs anonymes Je suis un charretier du neuf charroi de Nîmes L’Amour dit Reste ici mais là-bas les obus Epousent ardemment et sans cesse les buts J’attends que le printemps commande que s’en aille Vers le nord glorieux l’intrépide bleusaille Les 3 servants assis dodelinent leurs fronts Où brillent leurs yeux clairs comme mes éperons Un bel après-midi de garde à l’écurie J’entends sonner les trompettes d’artillerie J’admire la gaîté de ce détachement Qui va rejoindre au front notre beau régiment Le territorial se mange une salade A l’anchois en parlant de sa femme malade 4 pointeurs fixaient les bulles des niveaux Qui remuaient ainsi que les yeux des chevaux Le bon chanteur Girault nous chante après 9 heures Un grand air d’opéra toi l’écoutant tu pleures Je flatte de la main le petit canon gris Gris comme l’eau de Seine et je songe à Paris Mais ce pâle blessé m’a dit à la cantine Des obus dans la nuit la splendeur argentine Je mâche lentement ma portion de bœuf Je me promène seul le soir de 5 à 9 Je selle mon cheval nous battons la campagne Je te salue au loin belle rose ô tour Magne Décembre 1914
* Il y a là-bas la merveille.
Il y a là-bas la merveille.
Poème sans titre (incipit : « Tu te souviens, Rousseau, du paysage astèque ») Tu te souviens, Rousseau, du paysage astèque, Des forêts où poussaient la mangue et l’ananas, Des singes répandant tout le sang des pastèques Et du blond empereur qu’on fusilla là-bas.
Prophéties J’ai connu quelques prophétesses Madame Salmajour avait appris en Océanie à tirer les cartes C’est là-bas qu’elle avait eu encore l’occasion de participer A une scène savoureuse d’anthropophagie Elle n’en parlait pas à tout le monde En ce qui concerne l’avenir elle ne se trompait jamais Une cartomancienne céretane Marguerite je ne sais plus quoi Est également habile Mais Madame Deroy est la mieux inspirée La plus précise Tout ce qu’elle m’a dit du passé était vrai et tout ce qu’elle M’a annoncé s’est vérifié dans le temps qu’elle indiquait J’ai connu un sciomancien mais je n’ai pas voulu qu’il Interrogeât mon ombre Je connais un sourcier c’est le peintre norvégien Diriks Miroir brisé sel renversé ou pain qui tombe Puissent ces dieux sans figure m’épargner toujours Au demeurant je ne crois pas mais je regarde et j’écoute et notez Que je lis assez bien dans la main Car je ne crois pas mais je regarde et quand c’est possible j’écoute Tout le monde est prophète mon cher André Billy Mais il y a si longtemps qu’on fait croire aux gens Qu’ils n’ont aucun avenir qu’ils sont ignorants à jamais Et idiots de naissance Qu’on en a pris son parti et que nul n’a même l’idée De se demander s’il connaît l’avenir ou non Il n’y a pas d’esprit religieux dans tout cela Ni dans les superstitions ni dans les prophéties Ni dans tout ce que l’on nomme occultisme Il y a avant tout une façon d’observer la nature Et d’interpréter la nature Qui est très légitime
» — Tout là-bas sur le Rhin s’en vient une nacelle.
Ils rirent à cette nouvelle, Puis répondirent à l’instant A la lueur d’une chandelle : « Plus criminel que Barrabas, « Cornu comme les mauvais anges, « Quel Belzébuth es-tu là-bas, « Nourri d’immondice et de fange ?