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2. (1915) Carte postale (incipit : « Nous sommes bien ») « Carte postale (incipit : « Nous sommes bien ») »

Carte postale (incipit : « Nous sommes bien ») A Jean Royère Nous sommes bien   mais l’auto-bazar qu’on dit merveilleux ne vient pas jusqu’ici   LUL   on les aura   faire suivre route transparente France   (Ulysse que de jours pour rentrer dans Ithaque)

3. (1915) Carte postale (incipit : « Nous sommes bien ») « Carte postale (incipit : « Nous sommes bien ») »

Carte postale (incipit : « Nous sommes bien ») à Jean Royère Nous sommes bien   mais l’auto-bazar qu’on dit merveilleux ne vient pas jusqu’ici   LUL   on les aura   faire suivre route transparente France   (Ulysse que de jours pour rentrer dans Ithaque)

4. (1916) Tristesse d'une étoile « Il pleut »

Il pleut Il pleut des voix de femmes comme si elles étaient mortes même dans le souvenir c’est vous aussi qu’il pleur merveilleuses rencontres de ma vie ô gouttelettes et ces nuages cabrés se prennent à hennir tout comme un univers de villes auriculaires écoute s’il pleut tandis que le regret et le dédain pleurent une ancienne musique écoute tomber les liens qui te retiennent en haut et en bas GUILLAUME APOLLINAIRE

5. (1902) La Fuite « La Fuite »

La Fuite C’est la barque ou s’enfuit une amoureuse reine Le vieux roi magnifique est venu près des flots ; Son manteau merveilleux à chaque pas égrène Quelque bijou tintant au rythme des sanglots.

6. (1915) La Nuit d'Avril 1915 « La Nuit d’Avril 1915 »

La Nuit d’Avril 1915 A L de C C Le ciel est étoilé par les obus des Boches La forêt merveilleuse où je vis donne un bal La mitrailleuse joue un air à triples-croches Mais avez-vous le mot ?

7. (1915) La Nuit d'Avril 1915 « La Nuit d’Avril 1915 »

La Nuit d’Avril 1915 A L de C C Le ciel est étoilé par les obus des Boches La forêt merveilleuse où je vis donne un bal La mitrailleuse joue un air à triples-croches Mais avez-vous le mot ?

8. (1916) La Nuit d'Avril 1915 « La Nuit d’Avril 1915 »

La Nuit d’Avril 1915 A L de S S Le ciel est étoilé par les obus des Boches La forêt merveilleuse où je vis donne un bal La mitrailleuse joue un air à triples croches Mais avez-vous le mot eh oui le mot fatal Aux créneaux aux créneaux laissez-là les pioches * *   * Comme un astre éperdu qui cherche ses saisons Cœur obus éclaté tu sifflais ta romance Et tes mille soleils ont vidé les caissons Que les dieux de mes yeux remplissent en silence Nous nous aimons ô Vie et nous nous agaçons * *   * Les obus miaulaient un amour à mourir Un amour qui se meurt est plus doux que les autres Mon souffle nage au fleuve où le sang va tarir Les obus miaulaient entends chanter les nôtres Pourpre Amour salué par ceux qui vont périr * *   * Le printemps tout mouillé la veilleuse l’attaque Il pleut mon âme il pleut mais il pleut des yeux morts —   Ulysse que de jours pour rentrer dans Ithaque   — Couche-toi sur la paille et songe un beau remords Qui par effet de l’art soit aphrodisiaque * *   * Mais O rgues aux fétus de la paille où tu dors L’hymne de l’avenir est paradisiaque

9. (1916) La Nuit d'Avril 1915 « Nuit d’avril : 1915 »

Nuit d’avril : 1915 Le ciel est étoilé par les obus des boches, La forêt merveilleuse où je vis donne un bal, La mitrailleuse joue un air à triples croches Mais avez-vous le mot ?

10. (1915) 2e canonnier conducteur « 2e canonnier conducteur »

2e canonnier conducteur Me voici libre et fier parmi mes compagnons Le Réveil a sonné et dans le petit jour je salue La fameuse Nancéenne que je n’ai pas connue   [trompette] As-tu connu la putain de Nancy qui a foutu la vxxxxx à toute l’artillerie l’artillerie ne s’est pas aperçu qu’elle avait mal au [cul] Les 3 serveants bras dessus bras dessous se sont endormis sur l’avant-train Et conducteur par mont par val sur le porteur Au pas au trot et parfois au galop je conduis le canon                                           Le bras de l’officier est mon étoile polaire Il pleut mon manteau est trempé et je m’essuie parfois, la figure Avec la serviette-torchon qui est dans la sacoche du sous-verge Voici des fantassnis aux pas pesants aux pieds boueux La pluie les pique de ses aiguilles le sac les suit Fantassins marchantes mottes de terre Vous êtes la puissance Du sol qui vous a faits Et c’est le sol qui va Lors que vous avancer   [botte] sacré nom de Dieu quelle allure nom de Dieu quelle allure cependant que la nuit descend [Notre-Dame] souvenirs de Paris avant la guerre ils seront bien plus doux après la victoire [Tour Eiffel] salut monde dont je suis la langue éloquente que sa bouche ô Paris tire et tirera toujours aux Allemands Un officier passe au galop Comme un ange bleu dans la plue grise Un blessé chemine en fumant une pipe Le lièvre détale et voici un russieau que j’aime Et cette jeune femme nous salue charretiers                                            La Victoire se tient après nos jugulaires                Et calcule pour nos canons les mesures angulaires                                     Nos salves nos rafales sont ses cris de joie                                     Ses fleurs sont nos obus aux gerbes merveilleuses                                     Sa pensée se recueille aux trauchées glorieuses   [obus] j’entends chanter l’oiseau le bel oiseau rapace Guillaume Apollinaire.

11. (1914) Souvenir du Douanier « Souvenir du Douanier »

Souvenir du Douanier                     Un tout petit oiseau                     Sur l’épaule d’un ange                     Ils chantent la louange                     Du gentil Rousseau                     Les mouvements du monde                     Les souvenirs s’en vont                     Comme un bateau sur l’onde                     Et les regrets au fond                           Gentil Rousseau                           Tu es cet ange                           Et cet oiseau                           De ta louange Ils se donnaient la main et s’attristaient ensemble Sur leurs tombeaux ce sont les mêmes fleurs qui tremblent Tu as raison elle est belle Mais je n’ai pas le droit de l’aimer Il faut que je reste ici Où l’on fait de si jolies couronnes mortuaires en perles Il faudra que je te montra ça                    La belle Américaine                    Qui rend les hommes fous                    Dans deux ou trois semaines                    Partira pour Corfou                          Je tourne vire                          Phare affolé                          Mon beau navire                          S’est en allé Des plaies sur les jambes Tu m’as montré ces trous sanglants Quand nous prenions un quinquina Au bar des Iles Marquises rue de la Gaîté Un matin doux de verduresse                    Les matelots l’attendent                    Et fixent l’horizon                    Où mi-corps hors de l’onde                    Bayent tous les poissons                          Je tourne vire                          Phare affolé                          Mon beau navire                          S’est en allé Les tessons de ta voix que l’amour a brisée Nègres mélodieux Et je t’avais grisée                    La belle Américaine                    Qui rend les hommes fous                    Dans deux ou trois semaines                    Partira pour Corfou Tu traverses Paris à pied très lentement La brise au voile mauve Etes-vous la maman                          Je tourne vire                          Phare affolé                          Mon beau navire                          S’est en allé                    On dit qu’elle était belle                    Près du Mississipi                    Mais que la rend plus belle                    La mode de Paris                          Je tourne vire                          Phare affolé                          Mon beau navire                          S’est en allé Il grava sur un banc près la porte Dauphine Les deux noms adorés Clémence et Joséphine Et deux rosiers grimpaient le long de son âme Un merveilleux trio Il sourit sur le Pavé des Gardes à la jument pisseuse Il dirige un orchestre d’enfants Mademoiselle Madeleine Ah !

12. (1914) Le los du Douanier « Le los du Douanier »

Le los du Douanier              Un tout petit oiseau              Sur l’épaule d’un ange              Ils chantent la louange              Du gentil Rousseau              Les mouvements du monde              Les souvenirs s’en vont              Comme un bateau sur l’onde              Et les regrets au fond                       Gentil Rousseau                       Tu es cet ange                       Et cet oiseau                       De ta louange Ils se donnaient la main et s’attristaient ensemble Sur leurs tombeaux ce sont les mêmes fleurs qui tremblent Tu as raison elle est belle Mais je n’ai pas le droit de l’aimer Il faut que je reste ici Où l’on fait de si jolies couronnes mortuaires en perles Il faudra que je te montra ça              La belle Américaine              Qui rend les hommes fous              Dans deux ou trois semaines              Partira pour Corfou                       Je tourne vire                       Phare affolé                       Mon beau navire                       S’est en allé Des plaies sur les jambes Tu m’as montré ces trous sanglants Quand nous prenions un quinquina Au bar des Iles Marquises rue de la Gaîté Un matin doux de verduresse              Les matelots l’attendent              Et fixent l’horizon              Où mi-corps hors de l’onde              Bayent tous les poissons                       Je tourne vire                       Phare affolé                       Mon beau navire                       S’est en allé Les tessons de ta voix que l’amour a brisée Nègres mélodieux Et je t’avais grisée              La belle Américaine              Qui rend les hommes fous              Dans deux ou trois semaines              Partira pour Corfou Tu traverses Paris à pied très lentement La brise au voile mauve Etes-vous la maman                       Je tourne vire                       Phare affolé                       Mon beau navire                       S’est en allé              On dit qu’elle était belle              Près du Mississipi              Mais que la rend plus belle              La mode de Paris                       Je tourne vire                       Phare affolé                       Mon beau navire                       S’est en allé Il grava sur un banc près la porte Dauphine Les deux noms adorés Clémence et Joséphine Et deux rosiers grimpaient le long de son âme Un merveilleux trio Il sourit sur le pavé des gardes à la jument pisseuse Il dirige un orchestre d’enfants Mademoiselle Madeleine Ah !

13. (1917) Pablo Picasso « Pablo Picasso »

  fais onduler les remords   Nouveau monde très matinal   montant de l’énorme mer   L’aventure de ce vieux cheval   en Amérique   Au soir de la pêche merveilleuse   l’œil du masque   Air de petits violons au fond des   anges rangés Dans le couchant puis au bout de     l’an des dieux Regarde la tête géante et immense   la main verte L’argent sera vite remplacé par   tout notre or Morte pendue à l’hameçon… c’est   la danse bleue L’humide voix des acrobates   des maisons Grimace parmi les assauts du vent   qui s’assoupit Ouis les vagues et le fracas d’une   femme bleue Enfin la grotte à l’atmosphère dorée   par la vertu Ce saphir veiné   il faut rire !

14. (1915) A l’Italie (incipit : « L’amour a remué ma vie ») « A l’Italie (incipit : « L’amour a remué ma vie ») »

A l’Italie (incipit : « L’amour a remué ma vie ») L’amour a remué ma vie comme on remue la terre dans la zône des armées J’atteignais l’âge mûr quand la guerre arriva Et dans ce jour d’août 1915 le plus chaud de l’année Bien abrité dans l’hypogée que j’ai creusé moi-même C’est à toi que je songe ITALIE mère de mes pensées Et dejà quand von Kluck marchait sur Paris avant la Marne J’évoquais le sac de Rome par les Allemands Le sac de Rome qu’ont décrit Un Bonaparte le vicaire espagnol Delicado et l’Arétin Je me disais Est-il possible que la nation Qui est la mère de la civilisation Regarde sans la défendre les efforts qu’on fait pour la détruire Puis les temps sont venus les tombes se sont ouvertes Les fantômes des Esclaves toujours frémissants Se sont dressés en criant                                           SUS AUX TUDESQUES Nous l’armée invisible aux cris éblouissants Plus doux que n’est le miel et plus simples qu’un peu de terre Nous te tournons bénignement le dos ITALIE Mais ne t’en fais pas nous t’aimons bien ITALIE f mère qui es aussi notre fille Nous sommes là tranquillement et sans tristesse Et si malgré les masques les sacs de sable les rondins nous tombions Nous savons qu’un autre prendrait notre place Et que LES ARMEES ne périront jamais Les mois ne sont pas longs ni les jours ni les nuits C’est la guerre qui est longue ITALIE Toi notre mère et notre fille quelque chose comme une sœur J’ai comme toi pour me réconforter le quart de pinard Qui met tant de différence entre nous et les Boches J’ai aussi comme toi l’envol des compagnies de perdreaux des 75 Comme toi je n’ai pas cet orgueil sans joie des Boches et je sais rigoler Je ne suis pas sentimental à l’excès comme le sont ces gens sans mesure que leurs actions dépassent sans qu’il sachent s’amuser Notre civilisation a plus de finesse que les choses qu’ils emploient Elle est au delà de la vie confortable Et de ce qui est l’extérieur dans l’art et l’industrie Les fleurs sont nos enfants et non les leurs Même la fleur de lys qui meurt au Vatican La plaine est infinie et les tranchées sont blanches Les avions bourdonnent ainsi que des abeilles Sur les roses momentanées des éclatements Et les nuits sont parées de guirlandes d’éblouissements De bulles de globules aux couleurs insoupçonnées Nous jouissons de tout même de nos souffrances Notre humeur est charmante l’ardeur vient quand il faut Nous sommes narquois car nous savons faire la part des choses Et il n’y a pas plus de folie chez celui qui jette les grenades que chez celui qui plume les patates Tu aimes un peu plus que nous les gestes et les mots sonores Tu as à ta disposition les sortilèges étrusques le sens de la majesté héroïque et le courageux honneur individuel Nous avons le sourire nous devinons ce qu’on ne nous dit pas nous sommes démerdards et même ceux qui se dégonflent sauraient à l’occasion faire preuve de l’esprit de sacrifice qu’on appelle la bravoure Et nous fumons du gros avec volupté C’est la nuit je suis dans mon blockaus éclairé par l’électricité en bâton Je pense à toi pays des 2 volcans Je salue le souvenir des sirènes et des scylles mortes au moment de Messine Je salue le Colleoni équestre de Venise Je salue la chemise rouge Je t’envoie mes amitiés ITALIE et m’apprête à applaudir aux hauts faits de ta bleusaille Non parce que j’imagine qu’il y aura jamais plus de bonheur ou de malheur en ce monde Mais parce que comme toi j’aime à penser seul et que les Boches m’en empêcheraient Mais parce que le goût naturel de la perfection que nous avons l’un et l’autre si on les laissait faire serait vite remplacé par je ne sais quelles commodités dont je n’ai que faire Et surtout parce que comme toi je sais je veux choisir et qu’eux voudraient nous forcer à ne plus choisir Une même destinée nous lie en cette occase Ce n’est pas pour l’ensemble que je le dis Mais pour chacun de tei ITALIE Ne te borne point à prendre les terres irrédentes Mets ton destin dans la balance où est le nôtre Les réflecteurs dardent leurs lueurs comme des yeux d’escargots Et les obus en tombant sont des chiens qui jettent de la terre avec leurs pattes après avoir fait leurs besoins Notre armée invisible est une belle nuit constellée Et chacun de nos hommes est un astre merveilleux               O nuit, o nuit éblouissante Les morts sont avec nos soldats Les morts sont debout dans les tranchées Ou se glissent souterrainement vers les Bien-Aimees O Lille Saint-Quentin Laon Maubeuge Vouziers Nous jetons nos villes comme des grenades Nos fleuves sont brandis comme des sabres Nos montagnes chargent comme cavalerie Nous reprendrons les villes les fleuves et les collines De la frontière helvétique aux frontières bataves               Entre toi et nous ITALIE Il y a des patelins pleins de femmes Et près de toi m’attend celle que j’adore                                O FRERES D’ITALIE Ondes nuages délétères Metalliques débris qui vous rouillez partout O frères d’ITALIE vos plumes sur la tête                                          ITALIE Entends crier Louvain vois Reims tordre ses bras Et ce soldat blessé toujours debout Arras               Et maintenant chantons ceux qui sont morts               Ceux qui vivent les officiers et les soldats               Les flingots Rosalie le canon la fusée l’hélice la pelle les chevaux Chantons les bagues pâles les casques                 Chantons ceux qui sont morts                 Chantons la terre qui bâille d’ennui                 Chantons et rigolons                 Durant des années                                                   ITALIE Entends braire l’âne boche Faisons la guerre à coups de fouets Faits avec les rayons du soleil                                                   ITALIE Chantons et rigolons                 Durant des années Guillaume Apollinaire.

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