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2. (1908) La Tortue « La Tortue »

Mes doigts sûrs font sonner la lyre.

3. (1902) Les Cloches « [1] »

Mon beau tsigane, mon amant, Ecoute les cloches qui sonnent Nous nous aimions éperdument Croyant n’être vus de personne.

4. (1909) Crépuscule « II. Crépuscule »

Ayant décroché une étoile, Il la manie à bras tendu, Tandis que des pieds un pendu Sonne en mesure les cymbales.

5. (1911) Crépuscule (incipit : « Frôlée par les ombres des morts ») « Crépuscule (incipit : « Frôlée par les ombres des morts ») »

Ayant décroché une étoile Il la manie, à bras tendu, Tandis que des pieds un pendu Sonne en mesure les cymbales L’aveugle berce un bel enfant La biche passe avec ses faons Le nain regarde, d’un air triste, Grandir l’Arlequin trismégiste

6. (1917) Orphée « Orphée »

Orphée A Pierre VARENNE                Des cloches sonnent dans Paris                Il me semble que c’était avant la guerre                        Le vieux monde pleure encore             Il était si doux si joli             Que de choses bonnes pour les antiquaires                         Depuis                                     depuis la guerre             Maintenant tout est énorme                  Et il me semble que la paix                  Sera aussi monstrueuse que la guerre                              O temps de la tyrannie                                     Démocratique Beau temps où il faudra s’aimer les uns les autres                            Et n’être aimé de personne                            Ne rien laisser derrière soi                  Et préparer le plaisir de tout le monde                          Ni trop sublime ni trop infime [à gauche, horizontalement] Voici venir les bannières Démocratiques ô Cortèges ô fanfares ô tumultes [à gauche, verticalement de droite à gauche] J’entends encore le son des cloches [à droite, verticalement de droite à gauche] Le tic tac de mon réveille-matin Guillaume APOLLINAIRE.

7. (1911) Marie « Marie »

Marie                    Vous y dansiez petite fille                    Y danserez-vous mère grand                    C’est la Marlotte qui sautille                    Toutes les cloches sonneront                    Quand donc reviendrez-vous Marie                    Les masques sont silencieux                    Et la musique est si lointaine                    Qu’elle semble venir des cieux Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine                    Et mon mal est délicieux                    Les brebis s’en vont dans la neige                    Flocons de laine et ceux d’argent                    Des soldats passent et que n’ai-je                    Un cœur à moi ce cœur changeant                    Changeant et puis encor que sais-je                    Sais-je où s’en iront tes cheveux                    Crêpus comme mer qui moutonne                    Sais-je où s’en iront tes cheveux                    Et tes mains feuilles de l’automne                    Que jonchent aussi nos aveux                    Je passais au bord de la Seine                    Un livre ancien sous le bras                    Le fleuve est pareil à ma peine                    Il s’écoule et ne tarit pas                    Quand donc finira la semaine

8. (1912) Marie « Marie »

              C’est la màclotte qui sautille,               Toutes les cloches sonneront.

9. (1917) Le Dépôt « Le Dépôt »

Le Dépôt Je me suis engagé sous le plus beau des cieux Dans Nice la Marine au nom victorieux Perdu parmi 900 conducteurs anonymes Je suis un charretier du neuf charroi de Nîmes L’Amour dit Reste ici mais là-bas les obus Epousent ardemment et sans cesse les buts J’attends que le printemps commande que s’en aille Vers le nord glorieux l’intrépide bleusaille Les 3 servants assis dodelinent leurs fronts Où brillent leurs yeux clairs comme mes éperons Un bel après-midi de garde à l’écurie J’entends sonner les trompettes d’artillerie J’admire la gaîté de ce détachement Qui va rejoindre au front notre beau régiment Le territorial se mange une salade A l’anchois en parlant de sa femme malade 4 pointeurs fixaient les bulles des niveaux Qui remuaient ainsi que les yeux des chevaux Le bon chanteur Girault nous chante après 9 heures Un grand air d’opéra toi l’écoutant tu pleures Je flatte de la main le petit canon gris Gris comme l’eau de Seine et je songe à Paris Mais ce pâle blessé m’a dit à la cantine Des obus dans la nuit la splendeur argentine Je mâche lentement ma portion de bœuf Je me promène seul le soir de 5 à 9 Je selle mon cheval nous battons la campagne Je te salue au loin belle rose ô tour Magne Décembre 1914

10. (1915) 2e canonnier conducteur « 2e canonnier conducteur »

2e canonnier conducteur Me voici libre et fier parmi mes compagnons Le Réveil a sonné et dans le petit jour je salue La fameuse Nancéenne que je n’ai pas connue   [trompette] As-tu connu la putain de Nancy qui a foutu la vxxxxx à toute l’artillerie l’artillerie ne s’est pas aperçu qu’elle avait mal au [cul] Les 3 serveants bras dessus bras dessous se sont endormis sur l’avant-train Et conducteur par mont par val sur le porteur Au pas au trot et parfois au galop je conduis le canon                                           Le bras de l’officier est mon étoile polaire Il pleut mon manteau est trempé et je m’essuie parfois, la figure Avec la serviette-torchon qui est dans la sacoche du sous-verge Voici des fantassnis aux pas pesants aux pieds boueux La pluie les pique de ses aiguilles le sac les suit Fantassins marchantes mottes de terre Vous êtes la puissance Du sol qui vous a faits Et c’est le sol qui va Lors que vous avancer   [botte] sacré nom de Dieu quelle allure nom de Dieu quelle allure cependant que la nuit descend [Notre-Dame] souvenirs de Paris avant la guerre ils seront bien plus doux après la victoire [Tour Eiffel] salut monde dont je suis la langue éloquente que sa bouche ô Paris tire et tirera toujours aux Allemands Un officier passe au galop Comme un ange bleu dans la plue grise Un blessé chemine en fumant une pipe Le lièvre détale et voici un russieau que j’aime Et cette jeune femme nous salue charretiers                                            La Victoire se tient après nos jugulaires                Et calcule pour nos canons les mesures angulaires                                     Nos salves nos rafales sont ses cris de joie                                     Ses fleurs sont nos obus aux gerbes merveilleuses                                     Sa pensée se recueille aux trauchées glorieuses   [obus] j’entends chanter l’oiseau le bel oiseau rapace Guillaume Apollinaire.

11. (1914) Le Musicien de Saint-Merry « Le Musicien de Saint-Merry »

Ariane Il jouait de la flûte et la musique dirigeait ses pas Il s’arrêta au coin de la rue Saint-Martin Jouant l’air que je chante et que j’ai inventé Les femmes qui passaient s’arrêtaient près de lui Il en venait de toutes parts Lorsque tout à coup les cloches de Saint-Merry se mirent à sonner Le musicien cessa de jouer et but à la fontaine Qui se trouve au coin de la rue Simon-le-Franc Puis saint-Merry se tut et l’inconnu reprenant son air de flûte Revint sur ses pas marcha jusqu’à la rue de la Verrerie Où il entra suivi par la troupe des femmes Qui sortaient des maisons Qui venaient par les rues traversières les yeux fous Les mains tendues vers le mélodieux ravisseur Il s’en allait indifférent jouant son air Il s’en allait terriblement Puis ailleurs A quelle heure un train partira-t-il pour Paris A ce moment Ces pigeons des Moluques fientaient des noix muscades En même temps Mission catholique de Bôma qu’as-tu fait du sculpteur Ailleurs Elle traverse le pont qui relie Bonn à Beuel et disparait à travers Pützchen Au même instant Une jeune fille amoureuse du maire Dans un autre quartier Rivalise donc poète avec les étiquettes des parfumeurs En somme rieurs vous n’avez pas tiré grand chose des hommes Et à peine avez-vous extrait un peu de graisse de leur misère Mais nous qui mourons de vivre loin l’un de l’autre Tendons nos bras et sur ces rails roule un long train de marchandises Tu pleurais assise près de moi au fond d’un fiacre Et maintenant Tu me ressembles tu me ressembles malheureusement Nous nous ressemblons comme dans l’architecture du siècle dernier Ces hautes cheminées pareilles à des tours Nous allons plus haut maintenant et ne touchons plus le sol Et tandis que le monde vivait et variait Le cortège des femmes long comme un jour sans pain Suivait dans la rue de la Verrerie l’heureux musicien Cortèges ô cortèges C’est quand jadis le roi s’en allait à Vincennes Quand les ambassadeurs arrivaient à Paris Quand le maigre Suger se hâtait vers la Seine Quand l’émeute mourait autour de Saint-Merry Cortèges ô cortèges Les femmes débordaient tant leur nombre était grand Dans toutes les rues avoisinantes Et se hâtaient raides comme balle Afin de suivre le musicien Ah! Ariane et toi Pâquette et toi Amine Et toi Mia et toi Simone et toi Mavise Et toi Colette et toi la belle Geneviève Elles ont passé tremblantes et vaines Et leurs pas légers et prestes se mouvaient selon la cadence De la musique pastorale qui guidait leurs oreilles avides L’inconnu s’arrêta un moment devant une maison à vendre Maison abandonnée aux vitres brisées C’est un logis du seizième siècle La cour sert de remise à des voitures de livraison C’est là qu’entra le musicien Et sa musique qui s’éloignait devint langoureuse Et les femmes le suivirent dans la maison abandonnée Et toutes y entrèrent confondues en bande Toutes toutes y entrèrent sans regarder derrière elles Sans regretter ce qu’elles ont laissé abandonné Sans regretter le jour la vie et la mémoire Il ne resta bientôt plus personne dans la rue de la Verrerie Sinon moi-même et un prêtre de saint-Merry Nous entrâmes dans la vieille maison Mais nous n’y trouvâmes personne Voici le soir A Saint-Merry c’est l’Angélus qui sonne Cortèges ô cortèges C’est quand jadis le roi revenait de Vincennes Il vint une troupe de casquettiers Il vint des marchands de bananes Il vint des soldats de la garde républicaine O nuit troupeau de regards langoureux des femmes O nuit toi ma douleur et mon attente vaine J’entends mourir le son d’une flûte lointaine Guillaume Apollinaire

12. (1901) Les Femmes « Les Femmes »

« La cloche de l’église » Sonnait tout doucement la mort du sacristain, « Lise, il faut attiser le poêle qui s’éteint. » Les femmes se signaient dans la nuit indécise.

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