A Luigi Amaro Poème liminaire de son « Ode à Gallieni » C’est Deux drapeaux tricolores le lundi Amaro vous savez que je vous aime bien de Pâques Comment réussissent-ils à avoir du crin gris perle Je me souviens de l’émotion sublime qui nous gagna tous A la lecture de la proclamation du général Galliéni Aux Parisiens Vous chantez Galliéni Avec cette simplicité Qu’il faut mettre en toutes choses L’Italie est venue avec nous Agitant auprès du ciel de notre drapeau AMARO LE VERT QUI EST LA VÉGÉTATION L ’ ESP É RANCE ECOUTEZ QUI EST LA HAINE AUSSI ET L’ENNEMI LUI-MÊME Amaro écoutez Le fracas éternel de nos artilleries Erige un tombeau de rumeurs Tresse les couronnes faites en fleurs d’éclatements Amaro écoutez La Russie chante la Marseillaise L’Amérique au nom de toutes démocraties Proclame que tous les Français sont illustres Et vous Amaro honorez Tous les soldats français en chantant ce grand pacificateur France ô Pacifique ô douce ô belle France Amaro vous savez que je vous aime bien Et nous aimons tous deux la France et l’Italie GUILLAUME APOLLINAIRE
à Juliette Norville Voici le temps Madame où parlent les gens d’armes J’en suis et c’est pourquoi suscitant les alarmes J’ai parlé Vous étiez sur votre beau cheval Vous représentiez l’ordre et par mont et par val Nous faisions que revînt dans la race française Le goût d’être nombreuse afin de vivre à l’aise Ainsi que les enfants du mari de Thérèse
A l’Italie (incipit : « Italie des temps passés de tous les temps ») Italie des temps passés de tous les temps Je t’aime Autant que tu aimas la beauté des tous les temps Mais je t’aime davantage encore Italie qui fais la guerre Moderne Italie O Electrique O Montagnarde Toi qui glisses en ski sur les pontes blanches Italie Dont les jeunes gens grandissent dans l’ascèse Italie Dont les vieillards s’en vont majestueusement Tu t’envoles Tu étincelles Tu te sublime Italie o divine o française GUILLAUME APOLLINAIRE
Kiosque remuant qui portiez les nouvelles Vous étiez un cerveau pour toutes les cervelles Des pauvres spectateurs qui ne le savaient pas Qu’il leur faut des enfants ou passer au trépas Vous fûtes par deux fois la presse qui féconde Le sens et la mémoire en l’un et l’autre monde Déjà l’écho répète à l’envi vos échos Merci chère Daesslé les petits moricauds Qui pullulaient au 2e acte de mon drame Grâce à vous deviendront de bons petits français Blancs et roses ainsi que vous êtes Madame Ce sera là notre succès
Prague ne peut valoir notre Paris qui même A sa bohème, Et Tchèque vous mentez avec excès En comparant les deux villes. » — « Tout beau, répond la dame aux phrases inciviles Du Français, Tout beau, monsieur Chauvin.
Prague ne peut valoir notre Paris qui même A sa bohème, Et Tchèque vous mentez avec excès En comparant les deux villes. » — « Tout beau, répond la dame aux phrases inciviles Du Français, Tout beau, monsieur Chauvin.
Mais, Orgues, aux fétus de la paille où tu dors, — L’hymne de l’avenir est paradisiaque [étoiles] GUILLAUME APOLLINAIRE lieutenant français d’infanterie en campagne
Dans le jardin d’Anna Certes si nous avions vécu en l’an dix-sept cent soixante Est-ce bien la date que vous déchiffrez Anna sur ce banc de pierre Et que par malheur j’eusse été allemand Mais que par bonheur j’eusse été près de vous Nous aurions parlé d’amour de façon imprécise Presque toujours en français Et pendue éperdument à mon bras Vous m’auriez écouté vous parler de Pythagoras En pensant aussi au café qu’on prendrait Dans une demi-heure Et l’automne eût été pareil à cet automne Que l’épine-vinette et les pampres couronnent Et brusquement parfois j’eusse salué très bas De nobles dames grasses et langoureuses J’aurais dégusté lentement et tout seul Pendant de longues soirées Le tokay épais ou la malvoisie J’aurais mis mon habit espagnol Pour aller sur la route par laquelle Arrive dans son vieux carrosse Ma grand’mère qui se refuse à comprendre l’allemand J’aurais écrit des vers pleins de mythologie Sur vos seins la vie champêtre et sur les dames Des alentours J’aurais souvent cassé ma canne Sur le dos d’un paysan J’aurais aimé entendre de la musique en mangeant Du jambon J’aurais juré en allemand je vous le jure Lorsque vous m’auriez surpris embrassant à pleine bouche Cette servante rousse Vous m’auriez pardonné dans le bois aux myrtilles J’aurais fredonné un moment Puis nous aurions écouté longtemps les bruits du crépuscule
que l’on se lève et qu’on choque les verres Et que renaisse ici la française gaieté ; Arrière noirs soucis, fuyez ô fronts sévères, Je bois à mon Rousseau, je bois à sa santé !
Le Servant des Dakar [Le Servant de Dakar] C’est dans la cagnat en rondins voilés d’osier Auprès des canons gris voilés tournés vers le nord Que je songe au village africain Où l’on dansait où l’on chantait Où l’on faisait l’amour Et de longs discours Nobles et joyeux Je revois mon père qui se battit Contre les Achantis au service des Anglais Caresser les seins durs comme des obus De ma sœur au rire en folie Et je revois Ma mère la sorcière qui seule du village Méprisait le sel Piler le millet dans un mortier En regardant mon frère bercer Sa superbe virilité Qui semblait un petit enfant Je me souviens du si délicat si inquiétant Fétiche dans l’arbre Et du double fétiche de la fécondité Plus tard une tête coupée Au bord d’un marécage O pâleur de mon ennemi C’était une tête d’argent Et dans le marais C’était la lune qui luisait C’était donc une tête d’argent Là-haut c’était la lune qui dansait C’était donc une tête d’argent Et moi dans l’ombre j’étais invisible C’était donc une tête de nègre dans la nuit profonde Similitudes pâleurs Et ma sœur plus tard Suivit un tirailleur Mort à Arras Si je voulais savoir mon âge Il faudrait le demander à l’évêque Si doux si doux avec ma mère De beurre de beurre avec ma sœur C’était dans une petite cabane Moins sauvage que notre Cagnat de Canonniers servants J’ai connu l’affût au bord des marécages Où la girafe boit les jambes écartées J’ai connu l’horreur de l’ennemi qui dévaste Le Village Viole les femmes Emmène les filles Et les garçons dont la croupe dure sursaute J’ai porté l’administrateur des semaines De village en village En chantonnant Et je fus domestique à Paris Je ne sais pas mon âge Mais au recrutement On m’a donné vingt ans Je suis soldat français on m’a blanchi du coup Secteur 59 je ne peux pas dire où Pourquoi donc être blanc est-ce mieux qu’être noir Pourquoi ne pas danser et discourir Manger et puis dormir Et nous tirons sur les ravitaillements boches Ou sur les fils de fer devant les bobosses Sous la tempête de feux métalliques Je me souviens d’un lac affreux Une nuit folle Une nuit de sorcellerie Et de couples enchaînés par un atroce amour
Le Servant des Dakar [Le Servant de Dakar] C’est dans la cagnat en rondins voilés d’osier Auprès des canons gris voilés tournés vers le nord Que je songe au village africain Où l’on dansait où l’on chantait Où l’on faisait l’amour Et de longs discours Nobles et joyeux Je revois mon père qui se battit Contre les Achantis au service des Anglais Caresser les seins durs comme des obus De ma sœur au rire en folie Et je revois Ma mère la sorcière qui seule du village Méprisait le sel Piler le millet dans un mortier En regardant mon frère bercer Sa superbe virilité Qui semblait un petit enfant Je me souviens du si délicat si inquiétant Fétiche dans l’arbre Et du double fétiche de la fécondité Plus tard une tête coupée Au bord d’un marécage O pâleur de mon ennemi C’était une tête d’argent Et dans le marais C’était la lune qui luisait C’était donc une tête d’argent Là-haut c’était la lune qui dansait C’était donc une tête d’argent Et moi dans l’ombre j’étais invisible C’était donc une tête de nègre dans la nuit profonde Similitudes pâleurs Et ma sœur plus tard Suivit un tirailleur Mort à Arras Si je voulais savoir mon âge Il faudrait le demander à l’évêque Si doux si doux avec ma mère De beurre de beurre avec ma sœur C’était dans une petite cabane Moins sauvage que notre Cagnat de Canonniers servants J’ai connu l’affût au bord des marécages Où la girafe boit les jambes écartées J’ai connu l’horreur de l’ennemi qui dévaste Le Village Viole les femmes Emmène les filles Et les garçons dont la croupe dure sursaute J’ai porté l’administrateur des semaines De village en village En chantonnant Et je fus domestique à Paris Je ne sais pas mon âge Mais au recrutement On m’a donné vingt ans Je suis soldat français on m’a blanchi du coup Secteur 59 je ne peux pas dire où Pourquoi donc être blanc est-ce mieux qu’être noir Pourquoi ne pas danser et discourir Manger et puis dormir Et nous tirons sur les ravitaillements boches Ou sur les fils de fer devant les bobosses Sous la tempête de feux métalliques Je me souviens d’un lac affreux Une nuit folle Une nuit de sorcellerie Et de couples enchaînés par un atroce amour