La chèvre a regardé les hameaux qui défaillent A l’heure où, fatigués, les hommes qui travaillent Au verger pâle, au bois plaintif ou dans le champ, En rentrant tourneront leurs faces au couchant Embaumé par les foins d’occidental cinname, Au couchant où, sanglant et rond comme mon âme, Le grand soleil païen fait mourir, en mourant, Avec les bourgs lointains, le christ indifférent.
Les Sept Épées La première est toute d’argent Et son nom tremblant, c’est Paline ; Sa lame, un ciel d’hiver neigeant ; Son destin sanglant, gibeline ; Vulcain mourut en la forgeant.
Dans le palais de Rosemonde Vers le palais de Rosemonde au fond du Rêve Mes rêveuses pensées pieds nus vont en soirée Le palais don du roi comme un roi nu s’élève Des chairs fouettées des roses de la roseraie On voit venir au fond du jardin mes pensées Qui sourient du concert joué par les grenouilles Elles ont envie des cyprès grandes quenouilles Et le soleil miroir des roses s’est brisé Le stigmate sanglant des mains contre les vitres Quel archer mal blessé du couchant le troua La résine qui rend amer le vin de Chypre Ma bouche aux agapes d’agneau blanc l’éprouva Sur les genoux pointus du monarque adultère Sur le mai de son âge et sur son trente et un Madame Rosemonde roule avec mystère Ses petits yeux tout ronds pareils aux yeux des Huns Dame de mes pensées au cul de perle fine Dont ni perle ni cul n’égale l’Orient Qui donc attendez-vous Mes plus belles voisines De rêveuses pensées en marche à l’Orient Toc toc Entrez dans l’antichambre Le jour baisse La veilleuse dans l’ombre est un bijou d’or cuit Pendez vos têtes aux patères par les tresses Le ciel presque nocturne a des lueurs d’aiguilles On entra dans la salle à manger les narines Reniflaient une odeur de graisse et de graillon On eut vingt potages dont trois couleur d’urine Et le roi prit deux œufs pochés dans du bouillon Puis les marmitons apportèrent les viandes Des rôtis de pensées mortes dans mon cerveau Mes beaux rêves mort-nés en tranches bien saignantes Et mes souvenirs faisandés en godiveaux Or ces pensées mortes depuis des millénaires Avaient le fade goût des grands mammouths gelés Les os ou songe-creux venaient des ossuaires En danse macabre aux plis de mon cervelet Et tous ces mets criaient des choses non pareilles Mais nom de Dieu Ventre affamé n’a pas d’oreilles Et les convives mastiquaient à qui mieux mieux Ah nom de Dieu qu’ont donc crié ces entrecôtes Ces grands pâtés os à la moelle et mirotons Langues de feu où sont-elles mes pentecôtes Pour mes pensées de tous pays de tous les temps
Souvenir du Douanier Un tout petit oiseau Sur l’épaule d’un ange Ils chantent la louange Du gentil Rousseau Les mouvements du monde Les souvenirs s’en vont Comme un bateau sur l’onde Et les regrets au fond Gentil Rousseau Tu es cet ange Et cet oiseau De ta louange Ils se donnaient la main et s’attristaient ensemble Sur leurs tombeaux ce sont les mêmes fleurs qui tremblent Tu as raison elle est belle Mais je n’ai pas le droit de l’aimer Il faut que je reste ici Où l’on fait de si jolies couronnes mortuaires en perles Il faudra que je te montra ça La belle Américaine Qui rend les hommes fous Dans deux ou trois semaines Partira pour Corfou Je tourne vire Phare affolé Mon beau navire S’est en allé Des plaies sur les jambes Tu m’as montré ces trous sanglants Quand nous prenions un quinquina Au bar des Iles Marquises rue de la Gaîté Un matin doux de verduresse Les matelots l’attendent Et fixent l’horizon Où mi-corps hors de l’onde Bayent tous les poissons Je tourne vire Phare affolé Mon beau navire S’est en allé Les tessons de ta voix que l’amour a brisée Nègres mélodieux Et je t’avais grisée La belle Américaine Qui rend les hommes fous Dans deux ou trois semaines Partira pour Corfou Tu traverses Paris à pied très lentement La brise au voile mauve Etes-vous la maman Je tourne vire Phare affolé Mon beau navire S’est en allé On dit qu’elle était belle Près du Mississipi Mais que la rend plus belle La mode de Paris Je tourne vire Phare affolé Mon beau navire S’est en allé Il grava sur un banc près la porte Dauphine Les deux noms adorés Clémence et Joséphine Et deux rosiers grimpaient le long de son âme Un merveilleux trio Il sourit sur le Pavé des Gardes à la jument pisseuse Il dirige un orchestre d’enfants Mademoiselle Madeleine Ah !
Le los du Douanier Un tout petit oiseau Sur l’épaule d’un ange Ils chantent la louange Du gentil Rousseau Les mouvements du monde Les souvenirs s’en vont Comme un bateau sur l’onde Et les regrets au fond Gentil Rousseau Tu es cet ange Et cet oiseau De ta louange Ils se donnaient la main et s’attristaient ensemble Sur leurs tombeaux ce sont les mêmes fleurs qui tremblent Tu as raison elle est belle Mais je n’ai pas le droit de l’aimer Il faut que je reste ici Où l’on fait de si jolies couronnes mortuaires en perles Il faudra que je te montra ça La belle Américaine Qui rend les hommes fous Dans deux ou trois semaines Partira pour Corfou Je tourne vire Phare affolé Mon beau navire S’est en allé Des plaies sur les jambes Tu m’as montré ces trous sanglants Quand nous prenions un quinquina Au bar des Iles Marquises rue de la Gaîté Un matin doux de verduresse Les matelots l’attendent Et fixent l’horizon Où mi-corps hors de l’onde Bayent tous les poissons Je tourne vire Phare affolé Mon beau navire S’est en allé Les tessons de ta voix que l’amour a brisée Nègres mélodieux Et je t’avais grisée La belle Américaine Qui rend les hommes fous Dans deux ou trois semaines Partira pour Corfou Tu traverses Paris à pied très lentement La brise au voile mauve Etes-vous la maman Je tourne vire Phare affolé Mon beau navire S’est en allé On dit qu’elle était belle Près du Mississipi Mais que la rend plus belle La mode de Paris Je tourne vire Phare affolé Mon beau navire S’est en allé Il grava sur un banc près la porte Dauphine Les deux noms adorés Clémence et Joséphine Et deux rosiers grimpaient le long de son âme Un merveilleux trio Il sourit sur le pavé des gardes à la jument pisseuse Il dirige un orchestre d’enfants Mademoiselle Madeleine Ah !
Intercalées dans l’an, c’étaient les journées veuves, Les vendredis sanglants et lents d’enterrements, Des blancs et de tout noirs, vaincus des cieux qui pleuvent, Quand la femme du diable a battu son amant.
Intercalées dans l’an, c’étaient les journées veuves, Les vendredis sanglants et lents d’enterrements.
Merlin et la vieille femme Le soleil ce jour-là, s’étalait comme un ventre Maternel, qui saignait lentement sur le ciel ; La lumière est ma mère, ô lumière sanglante !
Ses regards laissaient une traîne D’étoiles dans les soirs tremblants ; Dans ses yeux nageaient les sirènes, Et nos baisers mordus, sanglants, Faisaient pleurer nos fées marraines.
Et je ne veux plus rien, sinon laisser se clore Mes yeux, couple lassé, au verger pantelant Plein du râle pompeux des groseillers sanglants Et de la sainte cruauté des passiflores. » Guillaume Apollinaire