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2. (1902) La Tzigane « La Tzigane »

On sait très bien que l’on se damne, Mais l’espoir d’aimer en chemin Nous fait penser main dans la main A ce qu’a prédit la tzigane.

3. (1912) La Tsigane « La Tsigane »

On sait très bien que l’on se damne, Mais l’espoir d’aimer en chemin Nous fait penser, main dans la main, A ce qu’a prédit la Tsigane.

4. (1902) Mai « Mai »

Sur le chemin du bord du fleuve, lentement, Un ours, un singe, un chien menés par des tsiganes Suivaient une roulotte traînée par un âne, Tandis que s’éloignait, dans les vignes rhénanes, Sur un fifre lointain, un air de régiment.

5. (1909) Les Sept Épées « Les Sept Épées »

La sixième, métal de gloire, C’est l’ami aux si douces mains Dont chaque matin nous sépare : « Adieu, voilà votre chemin. » Les coqs s’épuisaient en fanfares.

6. (1903) Avenir « Avenir »

Avenir Quand trembleront d’effroi les puissants. les ricombres, Quand en signe de peur ils dresseront leurs mains, Calmes devant le feu, les maisons qui s’effondrent, Les cadavres tout nus couchés par les chemins, Nous irons contempler le sourire des morts.

7. (1912) Merlin et la vieille femme « Merlin et la vieille femme »

« Qu’il monte de la fange ou soit une ombre d’homme « Il sera bien mon fils, mon ouvrage immortel « Le front nimbé de feu, sur le chemin de Rome « Il marchera tout seul en regardant le ciel.

8. (1917) La Victoire « La Victoire »

La Victoire Un coq chante je rêve et les feuillards agitent Leurs feuilles qui ressemblent à de pauvres marins Ailés et tournoyants comme Icare le faux Des aveugles gesticulant comme des fourmis Se miraient sous la pluie aux reflets du trottoir Leurs rires amassés en grappes de raisin Ne sors plus de chez moi diamant qui parlais Dors doucement tu es chez toi tout t’appartient Mon lit ma lampe et mon casque troué Regards précieux saphirs taillés aux environs de Saint-Claude               Tes joues étaient une pure émeraude Je me souviens de toi ville des météores Ils fleurissaient en l’air pendant ces nuits où rien ne dort Jardins de la lumière où j’ai cueilli des bouquets Tu dois en avoir assez de faire peur à ce ciel                                                                      Qu’il garde son hoquet On imagine difficilement A quel point le succès rend les gens stupides et tranquilles          A l’Institut des jeunes aveugles on a demandé N’avez-vous point ici de jeune aveugle ailé O Bouches l’homme est à la recherche d’un nouveau langage Auquel le grammairien d’aucune langue n’aura rien à dire Et ces vieilles langues sont tellement près de mourir Que c’est vraiment par habitude et manque d’audace Qu’on les fait encore servir à la poésie                     Mais entêtons-nous à parler                              Remuons la langue                              Lançons des postillons On veut de nouveaux sons                        de nouveaux sons                              de nouveaux sons On veut des consonnes sans voyelles Des consonnes qui pètent sourdement                   Imitez le son de la toupie         Laissez petiller un son nasal et continu       Faites claquer votre langue Servez-vous du bruit sourd de celui qui mange sans civilité Le raclement aspiré du crachement ferait aussi une belle consonne Les divers pets labiaux rendraient aussi vos discours claironnants Habituez-vous à roter à volonté Et quelle lettre grave comme un son de cloche                      A travers nos mémoires Nous n’aimons pas assez la joie De voir de belles choses neuves           O mon amie hâte-toi,           Crains qu’un jour un train ne t’émeuve                          Plus Regarde-le vite pour toi Ces chemins de fer qui circulent Sortiront bientôt de la vie Ils seront beaux et ridicules Deux lampes brûlent devant moi Comme deux femmes qui rient Je courbe tristement la tête Devant l’ardente moquerie            Ce rire se répand                     Partout Parlez avec les mains faites claquer vos doigts Tapez-vous sur la joue comme sur un tambour                            O paroles           Elles suivent dans la myrtaie           L’Eros et l’Antéros en larmes Je suis le ciel de la cité                       Ecoutez la mer La mer peiner au loin et crier toute seule              Ma voix fidèle comme l’ombre              Veut être enfin l’ombre de la vie Veut être ô mer vivante infidèle comme toi La mer qui a trahi des matelots sans nombre Engloutit mes grands cris comme des dieux noyés Et la mer au soleil ne supporte que l’ombre Que jettent des oiseaux les ailes éployées La parole est soudaine et c’est un dieu qui tremble Avance et soutiens-moi je regrette les mains De ceux qui les tendaient et m’adoraient ensemble Quelle oasis de bras m’accueillera demain Connais-tu cette joie de voir des choses neuves                O Voix, je parle le langage de la mer Et dans le port la nuit les dernières tavernes Moi qui suis plus têtu que non l’hydre de Lerne                La rue où nagent mes deux mains                Aux doigts subtils fouillant la ville                S’en va                             Mais qui sait si demain                La rue devenait immobile                Qui sait où serait mon chemin                Songe que les chemins de fer              Seront démodés et abandonnés dans peu de temps                 Regarde                La victoire avant tout sera               De bien voir au loin                Et de tout voir                De près               Et que tout               Ait un nom nouveau Guillaume APOLLINAIRE.

9. (1911) Cortège « Cortège »

Puis, sur terre il venait mille peuplades blanches Dont chaque homme tenait une rose à la main Et le langage qu’ils inventaient en chemin Je l’appris de leur bouche et je le parle encore.

10. (1902) L'Ermite « L’Ermite »

Enfin, ô soir pâmé, au bout de mes chemins La ville m’apparut, très grave, au son des cloches, Et ma luxure meurt à présent que j’approche.

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