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2. (1916) On les aura! « On les aura ! »

que c’est bien rire aux éclats Des 210, des 150 ; Que c’est bien de n’être pas las, De sourire dans la tourmente Dans la terre, (et n’oubliez pas Que les Boches l’appellent Erde) Entre deux combats, deux repas Plus d’un brave poilu s’emm… On ne peut s’amuser toujours Du parfum qui subtil émane ; (Quelle friture aux p’tits amours !)

3. (1915) La Nuit d'Avril 1915 « La Nuit d’Avril 1915 »

La Nuit d’Avril 1915 A L de C C Le ciel est étoilé par les obus des Boches La forêt merveilleuse où je vis donne un bal La mitrailleuse joue un air à triples-croches Mais avez-vous le mot ?

4. (1915) La Nuit d'Avril 1915 « La Nuit d’Avril 1915 »

La Nuit d’Avril 1915 A L de C C Le ciel est étoilé par les obus des Boches La forêt merveilleuse où je vis donne un bal La mitrailleuse joue un air à triples-croches Mais avez-vous le mot ?

5. (1916) La Nuit d'Avril 1915 « La Nuit d’Avril 1915 »

La Nuit d’Avril 1915 A L de S S Le ciel est étoilé par les obus des Boches La forêt merveilleuse où je vis donne un bal La mitrailleuse joue un air à triples croches Mais avez-vous le mot eh oui le mot fatal Aux créneaux aux créneaux laissez-là les pioches * *   * Comme un astre éperdu qui cherche ses saisons Cœur obus éclaté tu sifflais ta romance Et tes mille soleils ont vidé les caissons Que les dieux de mes yeux remplissent en silence Nous nous aimons ô Vie et nous nous agaçons * *   * Les obus miaulaient un amour à mourir Un amour qui se meurt est plus doux que les autres Mon souffle nage au fleuve où le sang va tarir Les obus miaulaient entends chanter les nôtres Pourpre Amour salué par ceux qui vont périr * *   * Le printemps tout mouillé la veilleuse l’attaque Il pleut mon âme il pleut mais il pleut des yeux morts —   Ulysse que de jours pour rentrer dans Ithaque   — Couche-toi sur la paille et songe un beau remords Qui par effet de l’art soit aphrodisiaque * *   * Mais O rgues aux fétus de la paille où tu dors L’hymne de l’avenir est paradisiaque

6. (1915) A l’Italie (incipit : « L’amour a remué ma vie ») « A l’Italie (incipit : « L’amour a remué ma vie ») »

A l’Italie (incipit : « L’amour a remué ma vie ») L’amour a remué ma vie comme on remue la terre dans la zône des armées J’atteignais l’âge mûr quand la guerre arriva Et dans ce jour d’août 1915 le plus chaud de l’année Bien abrité dans l’hypogée que j’ai creusé moi-même C’est à toi que je songe ITALIE mère de mes pensées Et dejà quand von Kluck marchait sur Paris avant la Marne J’évoquais le sac de Rome par les Allemands Le sac de Rome qu’ont décrit Un Bonaparte le vicaire espagnol Delicado et l’Arétin Je me disais Est-il possible que la nation Qui est la mère de la civilisation Regarde sans la défendre les efforts qu’on fait pour la détruire Puis les temps sont venus les tombes se sont ouvertes Les fantômes des Esclaves toujours frémissants Se sont dressés en criant                                           SUS AUX TUDESQUES Nous l’armée invisible aux cris éblouissants Plus doux que n’est le miel et plus simples qu’un peu de terre Nous te tournons bénignement le dos ITALIE Mais ne t’en fais pas nous t’aimons bien ITALIE f mère qui es aussi notre fille Nous sommes là tranquillement et sans tristesse Et si malgré les masques les sacs de sable les rondins nous tombions Nous savons qu’un autre prendrait notre place Et que LES ARMEES ne périront jamais Les mois ne sont pas longs ni les jours ni les nuits C’est la guerre qui est longue ITALIE Toi notre mère et notre fille quelque chose comme une sœur J’ai comme toi pour me réconforter le quart de pinard Qui met tant de différence entre nous et les Boches J’ai aussi comme toi l’envol des compagnies de perdreaux des 75 Comme toi je n’ai pas cet orgueil sans joie des Boches et je sais rigoler Je ne suis pas sentimental à l’excès comme le sont ces gens sans mesure que leurs actions dépassent sans qu’il sachent s’amuser Notre civilisation a plus de finesse que les choses qu’ils emploient Elle est au delà de la vie confortable Et de ce qui est l’extérieur dans l’art et l’industrie Les fleurs sont nos enfants et non les leurs Même la fleur de lys qui meurt au Vatican La plaine est infinie et les tranchées sont blanches Les avions bourdonnent ainsi que des abeilles Sur les roses momentanées des éclatements Et les nuits sont parées de guirlandes d’éblouissements De bulles de globules aux couleurs insoupçonnées Nous jouissons de tout même de nos souffrances Notre humeur est charmante l’ardeur vient quand il faut Nous sommes narquois car nous savons faire la part des choses Et il n’y a pas plus de folie chez celui qui jette les grenades que chez celui qui plume les patates Tu aimes un peu plus que nous les gestes et les mots sonores Tu as à ta disposition les sortilèges étrusques le sens de la majesté héroïque et le courageux honneur individuel Nous avons le sourire nous devinons ce qu’on ne nous dit pas nous sommes démerdards et même ceux qui se dégonflent sauraient à l’occasion faire preuve de l’esprit de sacrifice qu’on appelle la bravoure Et nous fumons du gros avec volupté C’est la nuit je suis dans mon blockaus éclairé par l’électricité en bâton Je pense à toi pays des 2 volcans Je salue le souvenir des sirènes et des scylles mortes au moment de Messine Je salue le Colleoni équestre de Venise Je salue la chemise rouge Je t’envoie mes amitiés ITALIE et m’apprête à applaudir aux hauts faits de ta bleusaille Non parce que j’imagine qu’il y aura jamais plus de bonheur ou de malheur en ce monde Mais parce que comme toi j’aime à penser seul et que les Boches m’en empêcheraient Mais parce que le goût naturel de la perfection que nous avons l’un et l’autre si on les laissait faire serait vite remplacé par je ne sais quelles commodités dont je n’ai que faire Et surtout parce que comme toi je sais je veux choisir et qu’eux voudraient nous forcer à ne plus choisir Une même destinée nous lie en cette occase Ce n’est pas pour l’ensemble que je le dis Mais pour chacun de tei ITALIE Ne te borne point à prendre les terres irrédentes Mets ton destin dans la balance où est le nôtre Les réflecteurs dardent leurs lueurs comme des yeux d’escargots Et les obus en tombant sont des chiens qui jettent de la terre avec leurs pattes après avoir fait leurs besoins Notre armée invisible est une belle nuit constellée Et chacun de nos hommes est un astre merveilleux               O nuit, o nuit éblouissante Les morts sont avec nos soldats Les morts sont debout dans les tranchées Ou se glissent souterrainement vers les Bien-Aimees O Lille Saint-Quentin Laon Maubeuge Vouziers Nous jetons nos villes comme des grenades Nos fleuves sont brandis comme des sabres Nos montagnes chargent comme cavalerie Nous reprendrons les villes les fleuves et les collines De la frontière helvétique aux frontières bataves               Entre toi et nous ITALIE Il y a des patelins pleins de femmes Et près de toi m’attend celle que j’adore                                O FRERES D’ITALIE Ondes nuages délétères Metalliques débris qui vous rouillez partout O frères d’ITALIE vos plumes sur la tête                                          ITALIE Entends crier Louvain vois Reims tordre ses bras Et ce soldat blessé toujours debout Arras               Et maintenant chantons ceux qui sont morts               Ceux qui vivent les officiers et les soldats               Les flingots Rosalie le canon la fusée l’hélice la pelle les chevaux Chantons les bagues pâles les casques                 Chantons ceux qui sont morts                 Chantons la terre qui bâille d’ennui                 Chantons et rigolons                 Durant des années                                                   ITALIE Entends braire l’âne boche Faisons la guerre à coups de fouets Faits avec les rayons du soleil                                                   ITALIE Chantons et rigolons                 Durant des années Guillaume Apollinaire.

7. (1916) La Nuit d'Avril 1915 « Nuit d’avril : 1915 »

Nuit d’avril : 1915 Le ciel est étoilé par les obus des boches, La forêt merveilleuse où je vis donne un bal, La mitrailleuse joue un air à triples croches Mais avez-vous le mot ?

8. (1917) Désir « Désir »

Désir Mon désir est la région qui est devant moi Derrière les lignes boches Mon désir est aussi derrière moi Après la zone des armées Mon désir c’est la butte du Mesnil Mon désir est là sur quoi je tire De mon désir qui est au delà de la zone des armées Je n’en parle pas aujourd’hui mais j’y pense Butte du Mesnil je t’imagine en vain Des fils de fer des mitrailleuses des ennemis trop sûrs d’eux Trop enfoncés sous terre déjà enterrés Ca ta clac des coups qui meurent en s’éloignant En y veillant tard dans la nuit Le Décauville qui toussote La tôle ondulée sous la pluie Et sous la pluie ma bourguignote Entends la terre véhémente Vois les lueurs avant d’entendre les coups Et tel obus siffler de la démence Ou le tac tac tac monotone et bref plein de dégoût Je désire te serrer dans ma main Main de Massiges Si décharnée sur la carte Le boyau Gœthe où j’ai tiré J’ai tiré même sur le boyau Nietzsche Décidément je ne respecte aucune gloire Nuit violente et violette et sombre et pleine d’or par moments                   Nuit des hommes seulement                   Nuit du 24 septembre                   Demain l’assaut Nuit violente ô nuit dont l’épouvantable cri profond devenait plus intense de minute en minute Nuit qui criait comme une femme qui accouche                   Nuit des hommes seulement 24 Septembre 1915

9. (1915) Le Servant des Dakar [Le Servant de Dakar] « Le Servant des Dakar [Le Servant de Dakar] »

Le Servant des Dakar [Le Servant de Dakar]       C’est dans la cagnat en rondins voilés d’osier Auprès des canons gris voilés tournés vers le nord Que je songe au village africain   Où l’on dansait où l’on chantait       Où l’on faisait l’amour           Et de longs discours              Nobles et joyeux Je revois mon père qui se battit  Contre les Achantis au service des Anglais    Caresser les seins durs comme des obus        De ma sœur au rire en folie             Et je revois    Ma mère la sorcière qui seule du village         Méprisait le sel    Piler le millet dans un mortier    En regardant mon frère bercer         Sa superbe virilité    Qui semblait un petit enfant Je me souviens du si délicat si inquiétant    Fétiche dans l’arbre Et du double fétiche de la fécondité    Plus tard une tête coupée    Au bord d’un marécage    O pâleur de mon ennemi    C’était une tête d’argent      Et dans le marais    C’était la lune qui luisait    C’était donc une tête d’argent    Là-haut c’était la lune qui dansait      C’était donc une tête d’argent    Et moi dans l’ombre j’étais invisible      C’était donc une tête de nègre dans la nuit profonde    Similitudes pâleurs Et ma sœur plus tard    Suivit un tirailleur         Mort à Arras    Si je voulais savoir mon âge Il faudrait le demander à l’évêque    Si doux si doux avec ma mère    De beurre de beurre avec ma sœur      C’était dans une petite cabane          Moins sauvage que notre Cagnat de Canonniers servants          J’ai connu l’affût au bord des marécages          Où la girafe boit les jambes écartées             J’ai connu l’horreur de l’ennemi qui dévaste             Le Village                     Viole les femmes                              Emmène les filles Et les garçons dont la croupe dure sursaute        J’ai porté l’administrateur des semaines      De village en village                      En chantonnant Et je fus domestique à Paris    Je ne sais pas mon âge       Mais au recrutement       On m’a donné vingt ans    Je suis soldat français on m’a blanchi du coup Secteur 59 je ne peux pas dire où   Pourquoi donc être blanc est-ce mieux qu’être noir     Pourquoi ne pas danser et discourir         Manger et puis dormir Et nous tirons sur les ravitaillements boches Ou sur les fils de fer devant les bobosses     Sous la tempête de feux métalliques           Je me souviens d’un lac affreux               Une nuit folle           Une nuit de sorcellerie Et de couples enchaînés par un atroce amour

10. (1915) Le Servant des Dakar [Le Servant de Dakar] « Le Servant des Dakar [Le Servant de Dakar] »

Le Servant des Dakar [Le Servant de Dakar]       C’est dans la cagnat en rondins voilés d’osier Auprès des canons gris voilés tournés vers le nord Que je songe au village africain   Où l’on dansait où l’on chantait       Où l’on faisait l’amour           Et de longs discours              Nobles et joyeux Je revois mon père qui se battit  Contre les Achantis au service des Anglais    Caresser les seins durs comme des obus        De ma sœur au rire en folie             Et je revois    Ma mère la sorcière qui seule du village         Méprisait le sel    Piler le millet dans un mortier    En regardant mon frère bercer         Sa superbe virilité    Qui semblait un petit enfant Je me souviens du si délicat si inquiétant    Fétiche dans l’arbre Et du double fétiche de la fécondité    Plus tard une tête coupée    Au bord d’un marécage    O pâleur de mon ennemi    C’était une tête d’argent      Et dans le marais    C’était la lune qui luisait    C’était donc une tête d’argent    Là-haut c’était la lune qui dansait      C’était donc une tête d’argent    Et moi dans l’ombre j’étais invisible      C’était donc une tête de nègre dans la nuit profonde    Similitudes pâleurs Et ma sœur plus tard    Suivit un tirailleur         Mort à Arras    Si je voulais savoir mon âge Il faudrait le demander à l’évêque    Si doux si doux avec ma mère    De beurre de beurre avec ma sœur      C’était dans une petite cabane          Moins sauvage que notre Cagnat de Canonniers servants          J’ai connu l’affût au bord des marécages          Où la girafe boit les jambes écartées             J’ai connu l’horreur de l’ennemi qui dévaste             Le Village                     Viole les femmes                              Emmène les filles Et les garçons dont la croupe dure sursaute        J’ai porté l’administrateur des semaines      De village en village                      En chantonnant Et je fus domestique à Paris    Je ne sais pas mon âge       Mais au recrutement       On m’a donné vingt ans    Je suis soldat français on m’a blanchi du coup Secteur 59 je ne peux pas dire où   Pourquoi donc être blanc est-ce mieux qu’être noir     Pourquoi ne pas danser et discourir         Manger et puis dormir Et nous tirons sur les ravitaillements boches Ou sur les fils de fer devant les bobosses     Sous la tempête de feux métalliques           Je me souviens d’un lac affreux               Une nuit folle           Une nuit de sorcellerie Et de couples enchaînés par un atroce amour

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