II. Crépuscule
Frôlée par les ombres des morts,
Sur l’herbe où le jour s’exténue
L’Arlequine s’est mise nue
Et dans l’étang mire son corps.
Un charlatan crépusculaire
Vante les tours que l’on va faire.
Le ciel sans teinte est constellé
D’astres pâles comme du lait.
Sur les tréteaux l’Arlequin blême
Salue d’abord les spectateurs :
Des sorciers venus de Bohême,
Quelques fées et les enchanteurs.
Ayant décroché une étoile,
Il la manie à bras tendu,
Tandis que des pieds un pendu
Sonne en mesure les cymbales.
L’aveugle berce un bel enfant ;
La biche passe avec ses faons ;
Le nain regarde d’un air triste
Grandir l’Arlequin trismégiste.
Guillaume Apollinaire.