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Lorsque j’ai connu Léopold Survage il vivait dans un atelier si misérable qu’on y cuisait quand il faisait du soleil, tandis qu’on y gelait l’hiver, et quand il pleuvait on y était aussi trempé que si on s’était mis sous une gouttière. Léopold Survage avait inventé l’art nouveau de la peinture en mouvement : le Rythme coloré. Il y avait travaillé pendant des années, vivant modestement du produit d’un métier manuel qui est celui d’accordeur de piano. Il avait été amené à exercer ce métier par l’entêtement d’un père, grand fabricant de pianos. Ne voulant pas qu’il fût peintre, il exigeait que son fils devint un industriel. Ce Rythme coloré auquel il consacrait ses veilles fut mis au point. Et au moment de la déclaration de guerre allait se manifester au public grâce au Ciné, ce formidable moyen de propagande. La guerre interrompit ces projets qui seront repris et nul doute que les « Concerts lumineux » ne séduisent un jour les dilettantes autant que la musique des sons.

Le Rythme coloré avait développé les qualités plastiques que l’on trouve déjà dans les plus anciens essais picturaux de Léopold Survage. Les efforts qu’il a faits pour donner une vie à la nuance pure l’ont mis à même d’aborder la peinture avec des moyens tous nouveaux.

J’ai senti, pour ma part, un tel accord entre les détails proches et lointains, les précisions anciennes ou futures que l’avenir trouvera dans mes poèmes et la lyrique transfiguration urbaine que l’on trouve dans les tableaux de Survage que j’ai regardé ces ouvrages avec une tendresse fraternelle. J’aime aussi le côté poétique et touchant de ses ouvrages, la fraîcheur de ses bouquets, la simplicité des fruits, des fleurs et des feuilles.

Nul avant Survage n’a su mettre dans une seule toile, une ville entière avec l’intérieur de ses maisons

Et cette ombre humaine qui surgit aux carrefours