Mai
Le mai, le joli mai, en barque sur le Rhin,
Des dames regardaient du haut de la montagne.
Vous êtes si jolies ! Mais la barque s’éloigne.
Qui donc a fait pleurer les saules riverains ?
Or, des vergers fleuris se figeaient en arrière :
Les pétales tombés des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j’ai tant aimée ;
Les pétales flétris sont comme ses paupières.
Sur le chemin du bord du fleuve, lentement,
Un ours, un singe, un chien menés par des tsiganes
Suivaient une roulotte traînée par un âne,
Tandis que s’éloignait, dans les vignes rhénanes,
Sur un fifre lointain, un air de régiment.
Le mai, le joli mai a paré les ruines
De lierre, de vigne vierge et de rosiers.
Le vent du Rhin secoue, sur le bord, les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes.
Leutesdorf, mai 1902.
GUILLAUME APOLLINAIRE