La Farce du Miroir
J’étais indigne un jour dans la chambre au lit blanc
Où Linda dans la glace admirait sa figure
Et j’emportai grâce au miroir en m’en allant
La première raison de devenir parjure
Linda fut nonpareille avant mais aujourd’hui
Je sais bien qu’elle est double au moins grâce à la glace
Mon cœur par la raison où son amour l’induit
Est parjure à présent pour la seconde face
Or depuis ce jour-là j’ai souvent comparé
Dans la chambre où la glace accepte un pur mirage
La grâce de Linda le visage miré
Mais mon cœur pour élire a manqué de courage
Si parjure toujours pour choisir j’ai douté
Ce n’est pas qu’au miroir la dame soit plus belle
Mais parce qu’elle est rare et j’aime ô rareté
Cette fille qui meurt quand veut sa sœur formelle
J’adore de Linda ce mobile reflet
Qui la simule toute et presque fabuleuse
Mais vivante vraiment moderne comme elle est
La dame du miroir est si miraculeuse
Je meurs pour ce fantôme au magique visage
Et la glace où se fige un réel mouvement
Achève froidement son détestable ouvrage
La farce du miroir trompa plus d’un amant
Qui crut aimer sa belle et n’aima qu’un mirage.
Guillaume Apollinaire.