(1917) Fagnes de Wallonie « Fagnes de Wallonie »
/ 26
(1917) Fagnes de Wallonie « Fagnes de Wallonie »

Fagnes de Wallonie

Tant de tristesses plénières
Prirent mon cœur aux fagnes désolées
Quand las j’ai reposé dans les sapinières
Le poids des kilomètres pendant que râlait
Le vent d’ouest
J’avais quitté le joli bois
Les écureuils y sont restés
Ma pipe essayait de faire des nuages
              Au ciel
Qui restait pur obstinément
Je n’ai confié aucun secret sinon une chanson énigmatique
Aux tourbières humides
Les bruyères fleurant le miel
Attiraient les abeilles
Et mes pieds endoloris
Foulaient les myrtilles et les airelles
Tendrement mariée
                   Nord
                  Nord
La vie s’y tord
En arbres forts
               Et tors
La vie y mord
             La mort
A belles dents
Quand bruit le vent
GUILLAUME APOLLINAIRE