Merveille de▶ la guerre
Que c’est beau ces fusées qui illuminent la nuit
Elles montent sur leur propre cime et se penchent pour regarder
Ce sont des dames qui dansent avec leurs regards pour yeux bras et
cœurs
J’ai reconnu ton sourire et ta vivacité
C’est aussi l’apothéose quotidienne ◀de▶ toutes mes Bérénices dont les
chevelures sont devenues des comètes
Ces danseuses surdorées appartiennent à tous les temps et à toutes les
races
Comme c’est beau toutes ces fusées
Mais ce serait bien plus beau s’il y en avait plus encore
Pourtant c’est aussi beau que si la vie même sortait des mourants
Mais ce serait plus beau encore s’il y en avait plus encore
Cependant je les regarde comme une beauté qui s’offre et s’évanouit
aussitôt
Il me semble assister à un grand festin éclairé à giorno
C’est un banquet que s’offre la terre
Qui aurait dit qu’on pût être à ce point anthropophage
Et qu’il fallût tant de feu pour rôtir le corps humain
C’est pourquoi l’air a un petit goût empyreumatique qui n’est ma foi pas
désagréable
Mais le festin serait plus beau encore si le ciel y mangeait avec la
terre
Il n’avale que des âmes
J’ai creusé le lit où je coule en me ramifiant en mille petits fleuves qui
vont partout
Je suis dans la tranchée ◀de▶ première ligne et cependant je suis partout je
commence à être partout
C’est moi qui commence cette chose des siècles à venir
Qui fut à la guerre et sut être partout
Dans ceux qui meurent en piétinant dans le barbelé
Dans les femmes dans les canons dans les chevaux
Au Zenith au Nadir aux 4 points cardinaux
Et ce serait sans doute bien plus beau
Si je pouvais supposer que toutes ces choses dans lesquelles je suis
partout
Pouvaient m’occuper aussi
Mais dans ce sens il n’y a rien ◀de fait
Car si je suis partout à cette heure il n’y a cependant que moi qui suis
en moi
Décembre 1915