L’Émigrant de▶ Landor Road
Le chapeau à la main, il entra, du pied droit
Chez un tailleur très chic et fournisseur du roi.
Ce commerçant venait de couper quelques têtes
La foule, en tous les sens, remuait en mêlant
Des ombres sans amour qui se traînaient par terre
S’envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs :
« Mon bateau partira demain pour l’Amérique
Et je ne reviendrai jamais,
Avec l’argent gagné dans les prairies lyriques,
Guider mon ombre aveugle en ces rues que j’aimais ;
Car revenir, c’est bon pour un soldat des Indes !
Les mannequins, pour lui, s’étant déshabillés,
Battirent leurs habits, puis les lui essayèrent.
Au rabais, l’habilla comme un millionnaire.
Au-dehors, les années
Regardaient la vitrine,
Les mannequins victimes,
Et passaient enchaînées.
Intercalées dans l’an, c’étaient les journées veuves,
Quand la femme du diable a battu son amant.
Sur le pont du vaisseau, il posa sa valise,
Et s’assit.
Des émigrants tendaient, vers le port, leurs mains lasses
Et d’autres, en pleurant, s’étaient agenouillés.
Il regarda longtemps les rives qui moururent.
Un tout petit bouquet, flottant à l’aventure,
Il aurait voulu ce bouquet, comme la gloire,
Jouer dans d’autres mers parmi tous les dauphins,
Et l’on tissait, en sa mémoire,
Une tapisserie sans fin
Qui figurait son histoire.
Mais pour noyer, comme des poux,
Ces tisseuses têtues qui, sans cesse, interrogent,
Il se maria comme un doge,