Le Servant des Dakar [Le Servant de Dakar]


C’est dans la cagnat en rondins voilés d’▶osier
Auprès des canons gris voilés tournés vers le nord
Que je songe au village africain
Où l’on dansait où l’on chantait
Où l’on faisait l’amour
Nobles et joyeux
Je revois mon père qui se battit
Contre les Achantis au service des
Anglais
Caresser les seins durs comme des obus
Et je revois
Ma mère la sorcière qui seule du village
Méprisait le sel
Piler le millet dans un mortier
En regardant mon frère bercer
Sa superbe virilité
Qui semblait un petit enfant
Je me souviens du si délicat si inquiétant
Fétiche dans l’arbre
Plus tard une tête coupée
Au bord d’un marécage
Et dans le marais
C’était la lune qui luisait
Là-haut c’était la lune qui dansait
Et moi dans l’ombre j’étais invisible
Similitudes pâleurs
Et ma sœur plus tard
Suivit un tirailleur
Mort à Arras
Si je voulais savoir mon âge
Il faudrait le demander à l’évêque
Si doux si doux avec ma mère
C’était dans une petite cabane
Moins sauvage que notre Cagnat de Canonniers servants
J’ai connu l’affût au bord des marécages
Où la girafe boit les jambes écartées
Le Village
Viole les femmes
Emmène les filles
Et les garçons dont la croupe dure sursaute
J’ai porté l’administrateur des semaines
En chantonnant
Et je fus domestique à Paris
Je ne sais pas mon âge
Mais au recrutement
On m’a donné vingt ans
Je suis soldat français on m’a blanchi du coup
Secteur 59 je ne peux pas dire où
Pourquoi donc être blanc est-ce mieux qu’être noir
Pourquoi ne pas danser et discourir
Manger et puis dormir