Nuit d’▶avril : 1915

Le ciel est étoilé par les obus des boches,
La forêt merveilleuse où je vis donne un bal,
La mitrailleuse joue un air à triples croches
Mais avez-vous le mot ? eh ! oui, le mot fatal :
« Aux créneaux, aux créneaux ! Laissez-là les pioches ! »
Comme un astre éperdu qui cherche ses saisons,
Cœur obus éclaté tu sifflais ta romance [étoiles]
Nous vous aimons,
ô vie et nous vous agaçons [trait]
Les obus miaulaient un amour à mourir
— Un amour qui se meurt est plus doux que les autres —
mon souffle nage au fleuve où le sang va tarir,
Les obus miaulaient… entends chanter les nôtres.
Pourpre amour salué par ceux qui vont périr !
Le printemps tout mouillé, la veilleuse l’attaque.
Il pleut, mon âme, il pleut, mais il pleut des yeux morts.
Couche-toi sur la paille & songe un beau remords
GUILLAUME APOLLINAIRE lieutenant français
◀d’infanterie en campagne