(1909) Le jour des morts « Le jour des morts »
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(1909) Le jour des morts « Le jour des morts »

Le jour des morts

Les enfants des morts vont jouer
Dans le cimetière
Martin Gertrude Hans et Henri
Nul coq n’a chanté aujourd’hui
Kikiriki.
Les vieilles femmes
Tout en pleurant cheminent
Et les bons ânes
Braillent hi han et se mettent à brouter les fleurs
Des couronnes mortuaires
C’est le jour des morts et de toutes leurs âmes.
Les enfants et les vieilles femme
Allument des bougies et des cierges
Sur chaque tombe catholique.
Les voiles des vieilles,
Les nuages du ciel
Sont comme les barbes de biques.
L’air tremble de flammes et de prières
Le cimetière est un beau jardin
Plein de saules gris et de romarins
Il vous vient souvent des amis qu’on enterre
Ah ! que vous êtes bien dans le beau cimetière
Vous, mendiants morts saouls de bière,
Vous, les aveugles comme le destin
Vous, les beaux gars morts à la guerre
Et vous, petits enfants, morts en prière.
Ah ! que vous êtes bien dans le beau cimetière
Vous, bourguemestres, vous, bateliers,
Et vous, conseillers de régence,
Vous aussi, tsiganes sans papiers,
La vie vous pourrit dans la panse,
La croix nous pousse entre les pieds.
Le vent du Rhin ulule avec tous les hiboux,
Il éteint les cierges que toujours les enfants rallument
Et les feuilles mortes
Viennent couvrir les morts.
Des enfants morts parlent parfois avec leur mère,
Et des mortes parfois voudraient bien revenir.
Oh ! je ne veux pas que tu sortes
L’automne est plein de mains coupées
Non, non, ce sont des feuilles mortes
Ce sont les mains des chères mortes
Ce sont tes mains coupées.
Nous avons tant pleuré aujourd’hui
Avec ces morts, leurs enfants et les vieilles femmes
Sous le ciel sans soleil
Au cimetière plein de flammes,
Puis, dans le vent, nous nous en retournâmes…
A nos pieds roulaient des châtaignes
Dont les bogues étaient
Comme le cœur blessé de la madone
Dont on doute si elle eut la peau
Couleur des châtaignes d’automne…