(1909) Élégie « Élégie »
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(1909) Élégie « Élégie »

Élégie

Le ciel et les oiseaux venaient se reposer
Sur deux cyprès que le vent tiède enlaçait presque
Comme un couple d’amants à leur dernier baiser.
La maison, près du Rhin, était si romanesque.
Avec ses grandes fenêtres, son toit pointu
Sur lequel criait, par instants, la girouette
Au vent qui demandait si doucement : « Qu’as-tu ? »
Et sur la porte était clouée une chouette.
Nous parlions dans le vent auprès d’un petit mur
Ou lisions l’inscription d’une pierre mise
A cette place en souvenir d’un meurtre et sur
Laquelle bien souvent tu t’es longtemps assise :
« Gottfried apprenti de Brühl, l’an seize cent trente
                     « Ici fut assassiné,
« Sa fiancée en eut une douleur touchante
« Requiem aeternam dona ei, Domine. »
Le soleil au déclin empourprait la montagne
Et notre amour saignait comme les groseillers
Puis étoilant ce pâle automne d’Allemagne,
La nuit, pleurant des lueurs, mourait à nos pieds
Et notre amour ainsi se mêlait à la mort.
Au loin, près d’un feu, chantaient des bohémiennes.
Un train passait, les yeux ouverts sur l’autre bord…
Nous regardions longtemps les villes riveraines.