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2. (1699) Abrégé vie de Raphaël

Aussi-tost que ce nouveau Maistre de Raphael eust veu sa gentille maniére de desseigner, ses belles qualitez et cette douceur qui luy estoit naturelle, il en fit ce jugement avantageux et conforme à la perfection de Raphaël Sansio, qu’il a possedée depuis à la gloire de la peinture. […] Il avoit dans sa jeunesse estudié la maniere de Pierre Perugin, laquelle il fortifia de coloris, de dessein, et d’invention, mais quand il eust atteint plus d’age et de cognoissance, il s’aperceut bien qu’il n’avoit encore rien fait et qu’il estoit bien esloigné du vray, particulierement quand il vit les œuvres de Leonnard da Vinci, qui donnoit la grace et le mouvement aux airs des Testes, et aux Figures, qui n’eust en cette partie là jamais de semblable, il en demeura tout surpris, et d’autant qu’il y prenoit un grand goust: il se mit à l’estudier, s’efforcant d'oublier cette maniere du Perugin son Maistre, ce fut lors qu’il fit des efforts d’esprit extraordinaires pour suivre Leonnard de prés, mais quoy qu’il fit, il ne l'a jamais surpassé, bien que plusieurs ont dit qu’il l’avoit passé en douceur, et une facilité qui luy estoit naturelle, toutefois il ne le surmonta jamais de conceptions terribles ny dans cette force d’art dans lequel Leonnard a eu peu d’egaux ; Raphaël ayant esté l’unique qui en est aproché de plus pres. […] S’il se fust tenu à ce juste millieu il auroit entierement possedé la vertu du sage sçavant ; mais voulant passer plus outre, et monstrer qu’il entendoit aussi bien les nuds que Michel l'Ange, il s’escarta un peu ; comme on le voit à l’incendie de la Chambre de la Tour Borgia, et aux voûtes du Palais d’Augustin Chigi, où ses ouvrages ne se trouverent pas avoir ceste grace, ny ceste douceur.

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