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1. (1672) Entretiens II

Pour ce qui est de Michel-Ange, bien que je ne sois pas de ceux qui ont une aversion si forte contre lui, qu’ils ne le croient pas mériter le nom de peintre, mais qu'au contraire je l'estime un des grands hommes qui aient été, il faut avouer néanmoins que quelque grandeur et quelque sévérité qu’il y ait dans son dessin, il n’est point si excellent que celui de Raphael, qui exprimait toutes choses avec une douceur et une grâce merveilleuse. […] Il savait faire choix de ce qu’il y a de plus parfait dans les corps pour en former ses figures ; et quoiqu'il ne recherchât pas tant à y faire paraître de la fierté et de la force, que de la grâce et de la douceur, il observait néanmoins certaines choses, qui les rendaient grandes et nobles. […] Car on rapporte de lui qu’il semblait qu’à sa naissance les Grâces fussent descendues du ciel pour le suivre partout et lui servir de fidèles compagnes pendant sa vie, ayant toujours paru gracieux dans ses actions et dans ses mœurs, aussi bien que dans ses tableaux ; de sorte que la douceur, la politesse et la civilité, ne rendaient pas sa personne moins chère à tout le monde, que ses peintures rendaient son nom célèbre par toute la terre. […] Dans ceux où il ne faut que de la grâce et de la douceur, il surpasse tous les autres peintres ; et quand il traite des compositions d'histoires qui demandent des actions plus fortes et plus fières, personne ne l'égale.

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