Apres ces choses Raphael s’en alla à Sienne avec un Peintre nommé le Pinturrichio qui avoit entrepris la Bibliotecque du Dome, pour travailler à cet ouvrage, mais apres y avoir fait quelques desseins, il l’abandonna pour s’en aller à Florence, y voir les merveilles que le bruit du Carton de Leonnard da Vinci causoit, qui estoit une trouppe de Chevaux qu’il avoit desseignée pour peindre dans la Salle du vieil Palais ; comme aussi quelques nuditez des plus belles, que Michel l’Ange avoit desseignées à concurence de Leonnard : Ce que Raphael ayant veu les trouva si admirables, qu’il resolut d’y demeurer pour les étudier. […] Il avoit dans sa jeunesse estudié la maniere de Pierre Perugin, laquelle il fortifia de coloris, de dessein, et d’invention, mais quand il eust atteint plus d’age et de cognoissance, il s’aperceut bien qu’il n’avoit encore rien fait et qu’il estoit bien esloigné du vray, particulierement quand il vit les œuvres de Leonnard da Vinci, qui donnoit la grace et le mouvement aux airs des Testes, et aux Figures, qui n’eust en cette partie là jamais de semblable, il en demeura tout surpris, et d’autant qu’il y prenoit un grand goust: il se mit à l’estudier, s’efforcant d'oublier cette maniere du Perugin son Maistre, ce fut lors qu’il fit des efforts d’esprit extraordinaires pour suivre Leonnard de prés, mais quoy qu’il fit, il ne l'a jamais surpassé, bien que plusieurs ont dit qu’il l’avoit passé en douceur, et une facilité qui luy estoit naturelle, toutefois il ne le surmonta jamais de conceptions terribles ny dans cette force d’art dans lequel Leonnard a eu peu d’egaux ; Raphaël ayant esté l’unique qui en est aproché de plus pres. […] Raphael s’appliqua a imiter cette partie qui luy sembloit la plus agreable : si bien que de tout ce meslange d’estude il en composa une belle et gracieuse maniere qui luy demeura.