Pour ce qui est de Michel-Ange, bien que je ne sois pas de ceux qui ont une aversion si forte contre lui, qu’ils ne le croient pas mériter le nom de peintre, mais qu'au contraire je l'estime un des grands hommes qui aient été, il faut avouer néanmoins que quelque grandeur et quelque sévérité qu’il y ait dans son dessin, il n’est point si excellent que celui de Raphael, qui exprimait toutes choses avec une douceur et une grâce merveilleuse. […] Je vous avoue, dit Pymandre, que la pensée m'en est encore tout à fait douce, et à présent que vous m'en parlez, il me semble que je vois devant moi ces beaux ouvrages, où tout ignorant que je suis, je trouvais tant de charmes que bien souvent je vous y arrêtais, peut-être plus longtemps que vous n'eussiez voulu. […] J'avoue, dit Pymandre, que j'admirais cette menuiserie, non seulement parce qu’elle est de marqueterie et faite de pièces de rapport, mais à cause que dans tous les panneaux, il y a des perspectives et une infinité de choses que vous-même estimiez assez. […] Michel- Ange avait peut-être travaillé cinquante ans après l’antique et le naturel, et s’était rendu un excellent homme : cela est digne d’une grande louange, je l'avoue. […] Vasari et ceux de l'école de Florence ne veulent pas avouer qu’elle soit dessinée avec autant de force que celles de Michel-Ange ; mais je ne ferai pas difficulté de dire qu’il y a bien un autre art dans les figures de Raphaël, que dans celles qu'ils vantent si fort ; et cet art est d'autant plus merveilleux, qu’il est plus caché que celui d tous les autres peintres.