Son pere se nommoit Jean de Santi Peintre, et n’eust de sa femme (mere de Raphaël) que luy qu’elle voulut nourrir ; apres l’avoir élevé son pere luy enseigna les principes du dessein, jusques à luy ayder dans son art ; mais quand il eut recognu la portée de son génie, il resolut de le donner à quelque Maistre capable de luy enseigner ce qu’il ne pouvoit luy apprendre : En ce temps-là Pierre Perugin estoit en haute estime ; Jean pere de Raphaël alla à Peruze le visiter, luy parla de son fils, en traitta avec luy, et s’en estans accordés il retourna à Urbin, d’où peu apres il conduisit Raphael à Peruge chez le Perugin. […] Il luy donna encore sa Chappelle à peindre à sainte Marie de la paix : Ce fut là où il desgorgea tout de bon le suc qu’il avoit tiré des œuvres de Michel l’Ange, où entre autres choses certaines Sybilles et Prophetes, quel ques femmes et enfans qu’il y peignit ravissent les yeux, et estonnent l’esprit des plus sçavans en ce bel art ; et ce qui luy acquit plus d’esclat fut qu’ayant veu, comme nous avons dit, la Chappelle de Michel l’Ange secrettement, ce dernier ouvrage de Raphael vit le jour avant mesme que la Chappelle de Michel l’Ange fut descouverte, outre que cet œuvre est estimé le plus beau que fit jamais Raphael. […] Il peignit encore vis à vis cette histoire, saint Pierre prisonnier d’Herodes gardé par ses soldats, où toutes les parties de l’art sont admirablement bien exprimées ; puis continuant de decorer ces sales, il peignit l’Arche d’Alliance avec le Chandelier sur un des parrois ; puis le Pape Jules, qui bannit l’avarice de l’Eglise, qui se fait porter par ses palfreniers, et de plus l’histoire d’Heliodore, qui par le commandement d’Antioche veut piller le Temple où les veuves et les orphelins ont deposé tous leurs biens, qui sont belles à son ordinaire. […] Raphael entretenoit des designateurs par toutes l’Italie, à Pozzuollo, et jusques en Grece : grand témoignage de l’amour qu’il portoit à l’art et du desir qu’il avoit de veoir ce qui s’estoit faict de beau avant luy. […] Il fut enterré honorablement suivy d’un grand nombre de peuple et de tous ceux de l’Art, le Bembo luy erigea l’Epitaphe Latine qui suit.