Son pere se nommoit Jean de Santi Peintre, et n’eust de sa femme (mere de Raphaël) que luy qu’elle voulut nourrir ; apres l’avoir élevé son pere luy enseigna les principes du dessein, jusques à luy ayder dans son art ; mais quand il eut recognu la portée de son génie, il resolut de le donner à quelque Maistre capable de luy enseigner ce qu’il ne pouvoit luy apprendre : En ce temps-là Pierre Perugin estoit en haute estime ; Jean pere de Raphaël alla à Peruze le visiter, luy parla de son fils, en traitta avec luy, et s’en estans accordés il retourna à Urbin, d’où peu apres il conduisit Raphael à Peruge chez le Perugin. […] Car incontinant apres avoir étudié la maniere de Pierre Perugin, il l’imitoit si justement qu’on eust pris les coppies qu’il peignoit pour les originaux de son Maistre : La premiere piéce à quoy il travailla chez le Perugin, ce fut au grand Autel de S. […] Voila ce qu’il a peint de plus remarquable sous la conduitte de son Maistre, en suitte dequoy il se retira de chez luy, parce que le Perugin fit alors un voyage à Florence pour affaires, et Raphaël s’en alla à la Ville de Castello. […] François de la mesme ville, il peignit un petit Tableau des épousailles de la Vierge et Saint Joseph, dans un Temple merveilleusement achevé : là il monstra qu’il passoit desja son Maistre. […] Il avoit dans sa jeunesse estudié la maniere de Pierre Perugin, laquelle il fortifia de coloris, de dessein, et d’invention, mais quand il eust atteint plus d’age et de cognoissance, il s’aperceut bien qu’il n’avoit encore rien fait et qu’il estoit bien esloigné du vray, particulierement quand il vit les œuvres de Leonnard da Vinci, qui donnoit la grace et le mouvement aux airs des Testes, et aux Figures, qui n’eust en cette partie là jamais de semblable, il en demeura tout surpris, et d’autant qu’il y prenoit un grand goust: il se mit à l’estudier, s’efforcant d'oublier cette maniere du Perugin son Maistre, ce fut lors qu’il fit des efforts d’esprit extraordinaires pour suivre Leonnard de prés, mais quoy qu’il fit, il ne l'a jamais surpassé, bien que plusieurs ont dit qu’il l’avoit passé en douceur, et une facilité qui luy estoit naturelle, toutefois il ne le surmonta jamais de conceptions terribles ny dans cette force d’art dans lequel Leonnard a eu peu d’egaux ; Raphaël ayant esté l’unique qui en est aproché de plus pres.