ŒUVRES COMPLÈTES
DE
J. M. CHARCOT
LEÇONS
sur les
MALADIES DU FOIE ET DES REINS
RECUEILLIES ET PUBLIÉES
par
BOURNEVILLE, SEVESTRE ET BRISSAUD
TOME VI
avec 38 figures dans le texte et 7 planches
PARIS
AUX BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL
14, rue des Carmes.
WE B A B É ET C'E
libraires-éditeurs,
Place de l'École-dc-Médecine.
1891
Tous droits réservés.
AVIS DE L'ÉDITEUR
Nous avons réuni dans ce volume les leçons de M. Charcot sur les Maladies du foie, recueillies par nous et ses leçons sur les Maladies des reins, résumées par Sevestre. Les unes et les autres ont été faites à la Faculté de médecine lorsque noire maître était profes-seur d'anatomie pathologique. La première édition date de 1877 ; la seconde, complétée par les leçons sur les Conditions patlìogéniques de Valbuminurie, publiées par Brissaud, a paru en 1882. Nous avons incorporé la lin de cette deuxième édition dans la série des Œuvres complètes en 1888. La réimpression que nous publions aujourd'hui ne diffère de la seconde édition que sous le rapport matériel, c'est-à-dire qu'elle est conforme, quant aux caractères et à la disposition typographiques, à tous les autres volumes. Deux traductions de ces le-çons ont été faites, l'une en anglais par M. le Dr Henry H. Millard, (New-York, 1878), l'autre en russe par M. le D1' Deblezinski (Pétersbourg, 1879),
1 01 R.NEVIU.E.
Décembre 1891.
PREMIÈRE PARTIE
Lie foie. — Maladies des voies biliaires.
PREMIÈRE LEÇON
Notions d'anatomie normale concernant le foie.
Sommaire. — Préambule. — Objet du cours. — Anatomie pathologique, macroscopique et histologique.
Anatomie normale du foie. — Structure lobulaire. — Notions historiques. Veines intra-lobulaires, — sub-lobulaires, —• interlobulaires. — Espaces. — Localisation des lésions hépatiques. — Des deux substances du foie.
Messieurs,
Au moment où je viens, pour la quatrième fois, occuper cette chaire consacrée à l'enseignement de l'anatomie patho-logique, il ne me paraît pas nécessaire d'entrer dans de longs développements pour exposer la méthode que je m'atta-cherai à suivre dans le cours de mes leçons.
Cette méthode ou, si vous l'aimez mieux, cette manière de aire, je l'ai exposée maintes fois déjà soit par écrit, soit ora-lement et elle est très certainement connue de la plupart d'entre vous. Aujourd'hui, je ne vois rien d'essentiel à y changer, et une expérience de trois années n'a fait que con-firmer mes opinions à cet égard. Quelques mots, en manière de préambule, suffiront donc pour faire entrevoir aux nou-veaux venus ce qu'ils doivent s'attendre à trouver dans mon enseignement.
Charcot. Œuvres complètes, t. vi. Maladie du foie. 1
I.
•
Conformément à ce que je pourrais appeler désormais mes habitudes, je ne m'abstiendrai pas à suivre pas à pas le déve-loppement régulier, et en quelque sorte géométrique, des programmes tracés dans les livres classiques. Avec le temps qui nous est donné, je ne pourrais guère, en suivant cette voie, relativement facile, que vous présenter des esquisses rapides, des ébauches faites à grand traits, des tableaux sans relief, aux couleurs peu accentuées. Je crois me rendre plus utile et me conformer mieux à l'esprit d'un enseignement donné dans l'enceinte de cette Faculté, en m'attachant à étu-dier un certain nombre de grands épisodes de l'anatomo-pa-thologie, à les fouiller profondément jusque dans les moindres détails, montrant, chemin faisant, les relations qui les ratta-chent à l'ensemble.
L'enseignement ainsi fait, en présence des documents ori-ginaux, les pièces en main, si l'on peut ainsi dire, ne peut manquer, si je ne me trompe, d'éveiller chez l'auditeur le sentiment et l'amour de la réalité concrète, l'esprit critique, le goût de la recherche et de tle mettre à même, par consé-quent, soit à l'aide d'observations directes, de compléter l'ins-truetion qu'il n'aura pas pu recevoir toute entière de la bouche du professeur.
Il est d'ailleurs, Messieurs, personne de vous ne l'ignore, au moins deux grands côtés par lesquels l'anatomie patholo-gique peut être envisagée. La lésion doit être, en effet, consi-dérée d'abord en elle-même, anatomiquement, ou si vous voulez encore à l'état statique. Ce sont alors les procé-dés ordinaires de l'anatomie que le médecin met en œuvre,
car il s'agit seulement de reconnaître quelles modifications ont été imprimées aux conditions normales par le fait de la maladie dans les organes, dans les tissus. Il y a lieu de dis-tinguer à cet égard, vous le savez : 1° Vanatomie pathologique macroscopique, répondant à l'anatomie descriptive et qui s'occupe des altérations dans la forme, la consistance, la couleur, en tant qu'elles peuvent être constatées à l'œil nu ; et ^Vanatomie pathologique histologique,pendant de l'his-tologie normale et qui s'efforce, à l'aide des instruments gros-sissants, de pénétrer jusqu'à l'élément anatomique.
Je n'aurais pas rappelé cette distinction élémentaire et pré-sente à l'esprit de tous, si je n'avais voulu saisir l'occasion de relever un fait que mes relations très fréquentes avec les élèves m'ont permis de remarquer, c'est que la brillante car-rière fournie, dans ces dernières années, par l'anatomie patho-logique histologique, a eu pour effet de reléguer dans l'ombre l'autre anatomie, la plus ancienne, celle qui se fait à l'œil nu. C'est là une injustice et aussi un dommage, car — j'aurai maintes fois l'occasion de le faire ressortir — il est des don-nées de premier ordre qu'elle seule peut fournir. Elle mérite donc, à tous égards, d'être réhabilitée, remise en honneur, et je ferai tous mes efforts pour contribuer à amener ce ré-sultat. C'est pourquoi je m'attacherai plus que jamais, dans les leçons du mercredi, à mettre sous vos yeux des pièces anatomiques où vous pourrez étudier les altérations que ré-vèle l'œil nu. A leur défaut, je vous présenterai des planches tantôt empruntées aux meilleurs auteurs, tantôt faites d'après nature et où ces lésions seront représentées aussi fidèlement que possible. Sans doute une bonne planche, quelque fidèle qu'elle soit, ne peut jamais remplacer complètement la con-templation directe de l'organe malade ; mais mettant en re-lief, lorsqu'elle est intelligemment conçue, les caractères im-
portants, fondamentaux, elle apprenda voir et à mieux voir. D'ailleurs, comme on peut la remettre toujours sous les yeux, elle offre l'avantage de fixer des souvenirs bien vite effacés lorsqu'on n'a pas l'occasion de les raviver fréquemment.
L'autre grand côté de l'anatomie pathologique n'est, certes, pas le moins important. Cette fois, il ne s'agit plus, comme tout à l'heure, de considérer la lésion en elle-même et pour elle-même : il faut chercher à rétablir, par une sorte d'exé-gèse, les diverses phases de l'évolution qu'elle a dû subir avant de parvenir à l'état sous lequel l'autopsie nous la pré-sente, il faut s'efforcer de remonter jusqu'aux causes qui l'ont provoquée ; enfin tournant les yeux du côté de la clinique, il faut encore déterminer, autant que possible, les troubles fonctionnels qui se rattachent à la modification organique. Il n'est pas nécessaire, je pense, de justifier les développements que je ne manque jamais d'accorder aux questions qui rentrent dans cette partie du domaine anatomo-pathologique.
Cette manière d'envisager l'anatomie pathologique, qui con-siste à animer les lésions, à les faire revivre, en quelque sorte, et qui s'efforce d'entretenir entre cette partie de la pa-thologie et les autres branches de la même science, d'étroites et incessantes relations, n'est pas neuve, tant s'en faut; il ne sera pas inutile, peut-être, de se le rappeler. Elle est, en somme, un des attributs les plus saillants de la grande Ecole, fondée par Bayle et Laennec, et qui compte parmi ses cory-phées tant de noms illustres, et dont les principes n'ont ja-mais été méconnus dans cette enceinte. L'illustre professeur de Strasbourg, Lobstein, avait parfaitement caractérisé ce point de vue particulier, dans une phrase que j'ai bien des fois reproduite, et qui se trouve dans la préface du Traité d'a-natomie pathologique, publié par cet auteur en 1829 : « Ce n'est pas, dit-il, l'organe altéré, mort, que le médecin veut
connaître, c'est l'organe vivant, agissant, exerçant les fonc-tions qui lui sont propres ». Cela est court et cela peint, cerne semble, admirablement la situation.
Puisque cette phrase, tant de fois citée, me revient à l'es-prit, permettez-moi de vous faire part de l'étonnement que j'ai éprouvé en la retrouvant, l'autre jour, dans un Traité d'a-natomie pathologique récent, mais présentée cette fois par l'auteur de ce traité, daté d'hier, comme lui appartenant en propre, — en même temps bien entendu que l'idée qu'elle consacre. J'ai lu et relu vingt fois le passage, n'en pouvant croire mes yeux. Mais il a bien fallu me rendre à l'évidence : car après avoir dit, ou mieux, répété textuellement : « Ce n'est pas l'organe altéré, mort que ïon doit connaître, c'est l'or gagne vivant, agissant, etc., etc., » l'auteur en question ajoute : « Tel me paraît ètrele véritable esprit de l'anatomie pathologique; toutefois ce n'est pas ainsi quelle a été con-sidérée jusqu'à ce jour » Il n'y a pas à s'y méprendre, c'est bien d'une prise de possession qu'il s'agit; mais je veux me borner à relever cette prétention singulière, dans un livre d'ailleurs estimable, et j'en viens à l'objet spécial de nos études de cette année.
Ainsi que je l'ai annoncé, il s'agira en premier lieu de Xanatomie pathologique du foie ; c'est dire qu'il nous faut, au préalable, nous assurer des connaissances solides relatives à l'anatomie de l'organe dont nous voulons entreprendre d'étu-dier les altérations. Je suppose l'anatomie descriptive bien con-nue de vous tous et j'ai la conviction que l'anatomie histolo-gique vous est également familière. Cependant, en ce qui con-cerne cette dernière, il est un certain nombre de points sur lesquels nous devons nous entendre, car, sans cela, à chaque pas, nous pourrions nous trouver en présenced'écueils diffi-ciles à éviter. Je vous demande donc la permission d'entrer
dans quelques développements à propos de l'anatomie délicate du foie. Vous n'aurez pas à regretter, je crois pouvoir vous le promettre, le temps que nous consacrerons à cet examen pré-paratoire. Chemin faisant d'aileurs, pour soutenir votre atten-tion, je saisirai toutes les occasions de relever les applications qui peuvent être faites à nos études spéciales, des notions que je vais vous remettre en mémoire.
II.
La structure lobulaire du foie est la première question à laquelle nous devons nous attacher ; vous allez reconnaître immédiatement que, pour l'anatomiste qui ne veut pas s'ar-rêter à la surface et qui prétend pénétrer jusqu'aux modifi-cations de structure, la connaissance de la constitution lobu-laire du foie est vraiment la clef delà situation.
11 y a longtemps qu'on sait que le foie est composé de par-ties similaires, toutes faites sur le même modèle, et qu'on désigne sous le nom de lobules, à'acini, à'insulœ hepatis. C'est à Wepfer et à Malpighi qu'il convient de faire remonter les premières notions sur ce sujet. Avant eux, on n'était pas fort difficile sur les détails de structure et l'on se contentait de croire, avec Galien, que la chair ou substance du foie — pre-mier organe de la sanguification et foyer delà chaleur animale, — n'est à peu près que du sang desséché et épaissi, mais c'est à un médecin anglais, Kiernan, auteur d'un travail fondamental inséré dans les Philosophical Transactions en 1833, que sont dues les premières connaissances régulières et vraiment anatomiques, relativement à la structure lobulaire du foie.
On représente généralement, depuis Kiernan, les lobules hépatiques comme des feuilles reposant sur leur pétiole, les feuilles du chêne par exemple, l'arbre qui porte ces feuilles
n'étant autre que la veine hépatique ramifiée. Lepétiole corres-ponda une petite veinule émanée de cette veine hépatique et qu'on désigne sous le nom de veine intra-lobulaire.
En réalité, cet aspect foliacé n'est vrai qu'autant que l'on examine des coupes pratiquées suivant le grand axe du lobule, car le lobule tout entier, considéré chez les animaux où il est bien distinct, bien délimité, comme il l'est chez le porc, par exemple, consiste en de petites masses prismatiques, à cinq ou six faces, ayant un diamètre de 1 à 2 p., et possédant une base qui repose sur des rameaux de la veine hépatique, appe-lés veines sub-lobulaires, des faces latérales, enfin un som-met plus ou moins arrondi ou aplati.
Si l'on ouvre la veine hépatique en procédant des grosses branches vers les petites, on arrive, à un moment donné, à constater sur certains rameaux une disposition spéciale et assez originale de la membrane interne. Jusque-là, cette membrane paraissait percée de pertuis plus ou moins volumineux, origi-ne débranches de division relativement volumineuses. Sur la paroi des vaisseaux auquels je faisais allusion tout à l'heure on note l'existence d'un très grand nombre de petits trous régulièrement placés à des intervalles à peu près égaux et séparés les uns des autres par de légers sillons, formant par leur réunion un système réticulé, qu'on aperçoit au travers de la paroi veineuse qui est transparente.
Les branches des veinules hépatiques, qui offrent cette dis-position, ne sont autres que les veines sub-lobulaires de Kiernan. Les petits orifices répondent au point d'insertion des dernières ramifications des veines hépatiques ou, en d'au-tres termes, les veines intra-lobulaires qui occupent, leur nom l'indique, la partie centrale de chaque lobule ; les sillons qui entourent ces pertuis correspondent à la base de chacun des lobules.
Quant aux lobules, chez le cochon qui, dans cette matière,
est l'animal propre aux études préalables, chacun d'eux est circonscrit et enveloppé, excepté au niveau de la surface ba-silaire, par une sorte de gaine conjonctive, dépendance de ce qu'on appelle la capsule de Glisson. Cette gaîne sert, à pro-prement parler, de support aux ramifications de la veine porte. Celles-ci, venues par une voie différente de celle qui conduit les veines hépatiques, s'insinuent dans les espaces interlobulaires, à la manière d'un arbre qui plonge ses racines dans les interstices d'un sol pierreux : j'emprunte cette com-paraison assez juste à Hering. De fait, on désigne sous le nom de veines inter-lobulaires les ramifications ultimes de la veine porte qui s'enfoncent ainsi dans les interstices des lobules.
La veine porte n'est pas la seule à fournir des vaisseaux méritant l'appellation à'inter-lobulaires ; il y a aussi des rami-fications artérielles qui s'enfoncent dans l'intervalle des lobu-les. Enfin, les canaux biliaires, les lymphatiques envoient également des ramifications inter-lobulaires.
Les coupes pratiquées dans la substance du foie, perpen-diculairement au grand axe des lobules, et examinées au microscope à un faible grossissement, permettent d'acquérir déjà des données exactes sur l'arrangement général de toutes ces parties.
Les lobules, coupés en travers, — il s'agit toujours du foie du porc, — se montrent sous forme d'espaces polygonaux, à cinq ou six côtés juxtaposés, mais dont les angles sont arron-dis. Au centre de figure de chacun de ces espaces, on voit un orifice arrondi : c'est la section de la veine centrale ou intra-lobulaire. — On désigne sous le nom espaces (Spaces-Kier-nan), les espaces laissés entre les lobules, par le fait de l'émoussement des angles. Dans ces espaces se voient des ra-muscules de la veine porte entourés par la gaîne conjonctive ou capsule de Glisson. De ces veinules partent des ramifica-
tions qui s'insinuent dans les fentes étroites ou fissures (jpïsswres-Kiernan), qui réunissent les espaces.
Outre les branches de la veine porte, les espaces triangu-laires contiennent : 1° une ou deux artérioles provenant de l'artère hépatique : 2° un ou plusieurs canalicules biliai-res émanant du canal hépati-que ; 3° enfin, dès lympha-tiques et tous ces éléments sont englobés par la cap-sule de Glisson. — Des ramifications, nées de ces divers vaisseaux, pénètrent dans les interstices qui, chez le cochon, sont comblés com-me les espaces, par la gaîne conjonctive (Fig. 1).
Fig. 1. — Espace inter-lobulaire (Dessin d'après nature; foie du cochon). — e, espace. — i, interstice. — a, artère. — v, veine porte. — c, branche du canal hépatique.
L'orientation dans l'examen miscroscopique préliminaire des lobules repose sur ces dispositions très faciles à constater chez le cochon, bien moins faciles, bien moins reconnais-sablés, mais encore suffisamment accentuées chez l'homme, dont les lobules du foie sont beaucoup moins distincts. Chez l'homme, en effet, les interstices ou fissures ne sont pas tou-jours nettement délimités. Souvent, ils sont purement ima-ginaires, effacés qu'ils sont par suite de la fusion de la substance des lobules voisins. Il n'en est pas de même des espaces qui persistent avec tous leurs caractères. La capsule de Glisson y est très apparente et l'on reconnaît sans peine, à des caractères sur lesquels j'insisterai, la surface de section de la veine porte, celle des rameaux satellites de l'artère hépati-que et des canalicules biliaires. En réunissant ces espaces par des lignes fictives, on circonscrit le lobule au centre duquel on ne tarde pas à découvrir la veine intra-lobulaire sous l'as-
pect d'un orifice solitaire, privé de capsule conjonctive, et par conséquent adhért nt, de toutes parts, à la substance même du lobule. Ce sont là, messieurs, les premiers points de re-père, qu'il faut apprendre à utiliser pour l'orientation, précau-tion indispensable lorsqu'on veut fixer la topographie des lésions hépatiques.
Quelques exemples vous feront mieux comprendre l'im-portance de cette orientation. Les lésions hépatiques ne sont pas constamment disséminées comme au hasard dans les di-verses parties du lobule. Il en est qui occupent presque ex-clusivement la partie centrale, dans le voisinage immédiat de la veine intra-lobulaire. Telles sont : 1° les lésions conges-tives de cause cardiaque ; 2° l'infiltration pigmentaire résul-tant de l'oblitération de gros canaux biliaires ; 3° l'infiltration graisseuse physiologique, temporaire, qui se rencontre cons-tamment, d'après les travaux de M. de Sinéty, chez les fe-melles en lactation; 4° d'autres lésions occupent la région périphérique du lobule ; telles sont : a) l'infiltration graisseuse physiologique et transitoire de la digestion ; — b) la dégéné-ration graisseuse qui constitue un des caractères de l'altéra-tion dite foie muscade, altération qu'on observe si communé-ment dans le cas de gêne de la circulation abdominale consé-cutive aux lésions cardiaques et pulmonaires.
Enfin, il est des altérations qui se localisent dans la région intermédiaire du lobule, celle qui s'étend entre la zone cen-trale confinant à la veine intra-lobulaire et la zone périphéri-que confinant aux ramifications inter-lobulaires de la veine porte : la dégénération amyloïde appartient à cet ordre d'alté-rations.
Nous aurons à rechercher, en temps et lieu, la raison de ces diverses localisations, mais j'ai tenu à faire ressortir dès à présent l'intérêt qu'offrent, à notre point de vue, les études
d'anatomie normale que nous avons entreprises et qui seront complétées dans la première séance.
Toutefois, avant de nous séparer, je voudrais vous montrer comment les notions déjà acquises nous serviront à interpré-ter les apparences que fournit, à l'œil nu ou armé seulement de la loupe, l'examen du foie.
Le foie d'un animal vivant et sain est d'une couleur rouge-brun uniforme. Sur le foie de l'animal mort, et surtout sur celui de l'homme, on observe une disposition régulière, con-sistant en un semis de petites plaques rouge-brun, entourées d'un cercle formé par une substance claire-jaunâtre. Au centre des petits îlots rouges, on distingue un tout petit point plus rouge, répondant à la veine intra-lobulaire.
La coloration rouge du centre tient à l'engorgement, pour ainsi dire normal, dans les conditions cadavériques, des ca-pillaires qui appartiennent à la veine hépatique. La substance de la périphérie du lobule, avons-nous dit, est claire et jau-nâtre ; cet aspect est dû : l°àce que cette partie est, dans les conditions susdites, relativement exsangue ; 2° à la pré-sence habituelle, principalement chez l'homme, de granula-tions graisseuses dans les cellules hépatiques de la région.
Voici quelles sont, Messieurs, je le répète, les conditions pour ainsi dire normales, mais ces apparences peuvent être modifiées plus ou moins profondément par l'état pathologique et même par certaines circonstances physiologiques. Je vous rappellerai d'abord la stéatose delà lactation, dans laquelle le centre du lobule est accusé par un point clair, jaunâtre, dû à la présence de granulations graisseuses dans les régions cen-trales. Cette fois, la substance rouge occupe la périphérie du lobule (de Sinéty). La congestion des vaisseaux portes pro-duit une apparence analogue, en ce sens que, sous celte in-
fluence, la périphérie du lobule paraîtra plus foncée que la partie centrale.
Vous voyez ainsi, Messieurs, à quoi tiennent les apparences qui avaient fait admettre l'existence dans le foie de deux substances, l'une rouge et l'autre jaune, et vous voyez que le siège de ces deux prétendues substances est variable. C'est encore à Kiernan surtout, que nous devons la critique de cette théorie des deux substances du foie, théorie qui est com-plètement tombée en désuétude depuis l'application usuelle du microscope aux études d'anatomie normale et pathologique.
DEUXIÈME LEÇON
De la Structure lobulaire du foie.
Sommaire. — Constitution du lobule du foie : cellules hépatiques ; — vaisseaux sanguins et capillaires; — réseau des canalicules biliaires; — lacunes lym-phatiques ; — fibrilles conjonctives. — Etude du lobule sur des coupes. — Sché-mas de Hering.
Messieurs,
Nous connaissons actuellement ce qu'il y a de plus essentiel à savoir, pour le but spécial de nos études, relativement à l'ar-rangement lobulaire du foie. Quant au lobule lui-même, nous ne l'avons examiné jusqu'ici qu'à la surface. Il nous faut aller plus loin, pénétrer plus avant, et rechercher quelles sont les parties diverses qui, par leur réunion, composent la masse de chaque lobule, anisi que le mode d'agencement de ces parties. Il ne suffit pas, en effet, pour l'anatomiste, de localiser les lé-sions, comme nous en avons cité quelques exemples, dans telle ou telle région du lobule, — l'interne, la moyenne ou l'ex-terne, — il est nécessaire autant que possible de pénétrer jusqu'à l'élément anatomique qui est le siège de l'altération.
La masse du lobule est constituée essentiellement par quel-ques parties que nous allons examiner rapidement.
(a) Enpremier lieu viennent les cellules hépatiques,formant, par excellence, le parenchyme du foie. Ce sont là les éléments
spécifiques de l'organe, ceux auxquels doivent être rapportées les fonctions spéciales de la glande hépatique.
b) Les cellules sont en quelque sorte rapportées et soute-nues par une trame de vaisseaux sanguins et capillaires qui établissent une relation entre la veine porte et les veines hé-patiques.
c) 11 y a encore, dans les interstices des cellules hépatiques, imréseaudecanaliculesbiliaires, des lacunes lymphatiques, et enfin, un réseau de fibrilles conjonctives, trame rudimen-taire dans les conditions normales, mais qui, dans les condi-tions pathologiques, peut acquérir une grande importance.
11 résulte de ces considérations que notre étude devra com-prendre: Io une description en règle de chacune des parties élémentaires qui entrent dans la composition du lobule ; 2e une description du mode d'agencement de ces différentes par-ties. Les détails qui vont suivre sont empruntés à des études faites sur le foie du lapin, il sera ensuite facile d'appliquer ces données à l'examen du foie de l'homme. C'est le travail de Hering qui nous fournira le procédé de démonstration que nous allons employer (1).
A. Considérons le lobule sous l'aspect qu'il nous offre lors-que, avec Kiernan, nous l'avons comparé à une feuille de chêne portée par son pétiole. Il s'agit d'une coupe parallèle áu grand axe du lobule. La veine intra-lobulaire appa-raît ici, comme la nervure principale de la feuille. Cette veine, comparable à un tronc court, relativement d'un fort calibre,
(1) Le mémoire de Hering a été présenté à l'Académie des sciences de Vienne, en 18G6, et publié dans les Archives de Schultze (1867, t. m). Ce mémoire fait époque pour ce chapitre spécial d'anatomie ; voyez aussi l'article du même au-teur dans le manuel de Stricker. On trouve enfin une bonne planche figurant les veines intra-lobulaires, dans Beale's Archives of medicine, t. i.
27 à 70 [x donne naissance de toutes parts à des branches qui fournissent immédiatement des capillaires; à l'extrémité supé-rieure, du côté du sommet du lobule, les branches divergent comme les rayons d'un cercle ; —dans tout le reste de l'éten-due du tronc, les branches naissent perpendiculairement à sa direction et se distribuent parallèlement les Lines aux autres vers les faces latérales.
B. Sur les coupes transversales, on observe une disposition qui ressemble beaucoup à la précédente. Les capillaires parais-sent rayonner autour d'un point central représenté par le cali-bre de la veine intra-lobulaire. Ils figurent les rayons d'une roue et on les appelle vaisseaux radiés. Il convient de remar-quer, toutefois que, dans leur trajet de dedans en dehors, ils fournissent dichotomiquement des branches qui se détachent à angle aigu. Par suite de cette disposition, les intervalles qui existent entre les rayons ne sont guère plus larges à la périphérie qu'au centre. Ces capillaires s'anastomosant soit à angle aigu, soit par de courtes branches transversales, il en résulte un réseau dont les mailles sont allongées suivant la direction des radiations capillaires.
Il importe de remarquer que le diamètre transversal de ces mailles ne dépasse pas notablement le diamètre des vaisseaux capillaires qui les circonscrivent (1). Vous comprenez, d'après cela, quelle est l'importance des vaisseaux capillaires, puis-que, par leur réunion, ils composent environ la moitié de la masse totale. L'opinion de Buysch, que la substance du foie est à peu près exclusivement constituée par des vaisseaux capillaires, se trouve ainsi, en quelque sorte justifiée.
C. Telle est, en définitive, la charpente du lobule. Les in-tervalles des travées capillaires sont comblés par les cellules hépatiques. Mais les cellules ne sont pas disposées pôle-môle,
(1) Diamètre des vaisseaux capillaires, 0,001 [x, largeur des mailles, 0,015 [x.
au hasard ; il y a, au contraire, un certain arrangement, un certain ordre, assez régulier, sinon absolument géométrique. Pour bien faire comprendre cet arrangement, M. Hering, (Mé-moire cité) a imaginé un schéma qu'il me paraît utile de vous mettre sous les yeux, avant d'arriver à la réalité.
On suppose quatre colonnes cylindriques (Fig. 2), plantées perpendiculairement aux quatre coins d'une planchette quadri-latère, de façon à ce que l'espace laissé entre chaque colonne ne dépasse pas sensiblement le diamètre de chacun des cylindres. Si, maintenant, on suppose qu'une balle creuse de caoutchouc soit poussée entre ces quatre colonnettes, contre lesquelles elle exerce un certain degré de frottement, le premier effet d'une pareille disposition sera que la balle, au point de contact des colonnettes, se déprimera et présentera une gouttière Fig. 2. — Schéma"d'à- pour les recevoir. — Si, dans ce système,
près Hering. .
plusieurs balles de caoutchouc sont superpo-sées et tassées, il se produira une surface plane au niveau du point où les deux balles se touchent. Chaque ballon présentera donc deux surfaces planes, l'une supérieure et l'autre inférieure, et quatre faces latérales pourvues de gouttières. Il faut supposer encore que plusieurs systèmes semblablesà celui qui vient d'être décrit sont juxtaposés, et que les ballons des deux séries voi-sines sont arrangées d'une façon alternante, l'angle formé, entre deux ballons d'une même série, recevant un ballon de la seconde. Si, dans ces circonstances, une pression vient à être exercée sur les différents ballons, il en résultera que cha-cune des faces latérales qui, auparavant, était arrondie, sera divisée en deux surfaces planes, regardant l'une en haut, la seconde en bas, et séparées par une arrête. Cette description,
un peu aride, vous montre que la forme revêtue par chaque ballon sera celle d'un octaèdre, dont les sommets sont tron-qués et remplacés par une surface plane. C'est, en effet, ce que vous voyez sur le schéma de Ileringque je vous présente.
Voilà donc dix facettes, qui répondent-à autant de faces ap-partenant chacune à une cellule particulière, par conséquent, chaque cellule est de rapport avec dix autres cellules. 11 y a de plus, quatre gouttières creusées sur les arêtes verticales de l'octaèdre et destinées à recevoir les capillaires. Inutile de dire que, dans le schéma, les colonnettes répondent aux capillaires et les balles aux cellules. Cette comparai-son est d'autant plus plau-sible que, chez le lapin, et il en est de même à peu près chez l'homme, une seule cellule, en général, sépare les capillaires. Fig. 3. — Schéma d'après Hering.
En possession de ce schéma (Fig. 3), il nous sera facile de comprendre la disposition réciproque des capillaires et des cellules, dans la réalité, et d'interpréter les images qu'on a sous les yeux lorsqu'on examine au microscope des coupes de pièces durcies, pra-tiquées dans des directions variables.
Io Sur une coupe transver-sale du schéma, passant par les colonnettes — et qui équi-vaudrait à une coupe longi-tudinale du lobule Section- Fig. 4. — Schéma d'après le Mémoire
nant perpendiculairement les
Charcot. Œuvres complètes, t. fï. Maladies du fuie. 2
capillaires, les cellules se dessinent sous la forme de quadrila-tères, dont les angles sont excavés de manière à recevoir un vaisseau (Fig. 4). Le calibre du vaisseau doit être circonscrit par quatre gouttières appartenant à autant de cellules diffé-rentes: il y a donc quatre cellules pour un orifice. Ces disposi-tions schématiques sont réalisées dans la nature (1),
2° Supposons maintenant une coupe verticale sur le schéma, transversale sur le lobule, et passant par le calibre des colon-nettes suivant le grand axe. Les cellules se présenteront alors
sous la forme de rangée de rectan-gles allongés, séparés de chaque côté par le calibre du vaisseau ; ces cellules sont isolées les unes des autres par une fente ou fissure. Les coupes transversales du lobule ont souvent un aspect qui se rapproche de cette disposition schématique (2).
3° Si une coupe passe à travers le
lobule,verticalement, sans intéresser
le vaisseau, chaque cellule apparaît comme un hexagone, et l'ensemble des contours comme un réseau dont
chaque maille a six côtés (Fig. 5). Quand la coupe est un peu épaisse, on voit par transparence, en même temps que les vaisseaux, la disposition hexagonale qui vient d'être signalée.
On comprendra, sans qu'il soit besoin de plus amples ex-plications, le résultat que produiraient des sections faites dans des directions intermédiaires à celles qui ont été prises pour types.
(1) Voyez les fig. 307 et 318 du Traité d'histologie de Kolliker, édition fran-çaise (Ces figures sont relatives au foie du lapin), et les figures 4 et 5 du Mé-moire de Hering. (Schultze's Archiv).
(2) Voy. la fig. 3 du Mémoire de Hering.
Fig. 5. — (D'après Kolliker), A, A, Cellules hépatiques.—B, B, sections transversales des ca-pillaires sanguins. — C,G, sec-tions de capillaires biliaires.
Dans le schéma que je viens d'expliquer, les cellules sont représentées se touchant exactement et en contact immédiat avec le squelette capillaire, de telle sorte qu'on croirait diffi-cilement qu'il puisse rester dans ce système un espace libre pour recevoir d'autres éléments. Cependant nous en avons de nombreux à placer encore et, en particulier, le système des capillaires biliaires, découvert il y a quinze ans à peine, bien que son existence eût été longtemps soupçonnée. Nous de-vons nous arrêter à la description de ce système capillaire, qui dans
ces dernières années, a pris une véritable importance au point de vue de l'anatomie pathologique (Fig. 6) Ajoutons enfin que les gaînes lymphatiques et un réseau conjonctif doivent encore trouver place dans le lobule.
Mais avant d'arriver à la descri-ption de chacune de ces parties et de démontrer le lieu qu'elles occupent dans l'arrangement du
lobule, il est nécessaire d'avoir une connaissance précise de la cellule hépatique que, jusqu'ici, nous connaissons seulement sous la forme schématique. Il importe, au point de vue anatomo-pathologique, de bien connaître cet élément spécifique de la région, siège et foyer primitif d'un bon nombre de lésions hépatiques.
Pour bien apprécier les lésions, il est indispensable, en effet, d'être parfaitement familiarisé avec les caractères normaux, et, en particulier, avec de nombreuses variations qui ne sor-tent pas du domaine physiologique et qu'on pourrait considé-rer à tort comme se rapportant à une lésion.
Fia. 6. — Coupe longitudinale. — Â, A, A, lacunes occupées par les vaisseaux sanguins. — B, B, capillaires biliaires. (Figure demi-schématique.)
TROISIÈME LEÇON
De la cellule hépatique.
Sommaire. — Découverte de la cellule hépatique. — Contenu des cellules ; — granulations. — Réactions de la cellule hépatique relativement à la matière gyécogène. — Altérations de la cellule hépatique : compression ; — atrophie ; — hypertrophie : — infiltration et dégénération graisseuses (atrophie jaune aiguë du foie, atrophie jaune consécutive, ictère grave;; — altérations amyloïde et pigmentaire.
I.
Messieurs,
Nous vous avons fait connaître, dans les premières leçons, quelques-unes des parties constituantes du lobule du foie ; le moment est venu de vous entretenir de l'élément en quelque sorte spécifique de la région, la cellule hépatique. Nous en devons la découverte à Purkinje et Henle. Chez l'homme, nous ne la connaissons que frappée de mort, à l'état de cadavre, pour ainsi dire. Aussi est-ce surLout chez l'animal qu'elle peut être convenablement étudiée.
Lorsqu'on examine les cellules hépatiques, prises par dis-sociation dans le foie de l'animal vivant, elles se présentent sous la forme de sphéroïdes à facettes, laissant voir, quand ils sont réunis en groupes, des interstices qui dessinent des sur-
faces polygonales. La configuration géométrique se montre mieux accusée sur les préparations faites après durcissement. Ces cellules dont le diamètre est en moyenne de 0, 16 (x (Hen-le) àO, 18 p- (Koïlliker), possèdent un noyau arrondi ayant un diamètre de 9 h- et pourvu d'un nucléole. 11 y a souvent deux noyaux. Certains foies même se distinguent par la prédomi-nance des cellules à deux noyaux (Henle). Chez les jeunes su-jets, on rencontre fréquemment de 3 à 5 noyaux (Henle) sans qu'on observe, dans ces cas, la moindre trace de scission. Voi-là, Messieurs, des dispositions naturelles et qu'il ne faut pas prendre pour des conditions pathologiques.
Le contenu des cellules est formé par une substance demi-liquide, grenue, offrant dans les conditions normales un état granuleux plus ou moins prononcé qu'il convient aussi de ne pas considérer comme le fait d'une altération morbide,, et une coloration jaune ou même verdâtre.
Un examen attentif permet de constater que cet état granu-leux est dû à trois sortes de granulations : Ie des granulations pigmentaires biliaires et possédant la réaction caractéristique; 2° des granulations à bords pâles; qui n'ont pas la réaction de la graisse et qui remplissent pour ainsi dire la cellule ; 3° des granulations à bords sombres, brillants, offrant avec l'éther et l'acide osmique la réaction de la graisse. Ces granulations graisseuses se trouvent à un certain degré chez l'animal et chez l'homme dans une foule de conditions physiologiques, par exemple la lactation et la digestion.
Tout récemment, M. Kuffer (Centralbatt, 1876) aurait re-connu, au moins chez la grenouille, que les granulations à bords clairs correspondent à de petits bâtonnets ou fila-ments dont ils représentent la coupe optique. Ils seraient analogues aux éléments que Heidenhain a décrits dans les cel-lules de l'épithélium des canalicules contournés du rein. En-globés dans le protoplasma, ces bâtonnets, doués de mouve-
ments, seraient la cause des mouvements d'ensemble, obscurs, amiboïdes, déjà signalés par Leuckhart (1).
C'est ici le lieu d'appeler votre attention sur les réactions des cellules hépatiques, relativement à la matière glycogône, bien que les notions qu'elles fournissent n'aient pu recevoir encore, pour des raisons faciles à comprendre, des applications sérieuses à l'anatomie pathologique de l'homme.
On sait que les cellules hépatiques, chez l'animal récem-ment tué, ont une coloration rouge acajou quand on les trai-te par la teinture d'iode. Or, sous l'influence de ce réactif, la matière glycogène se colore en rouge-brun. Schiff a émis l'o-pinion que cette réaction s'attachait aux granulations pâles, qui auraient représenté par conséquent la matière glycogène elle-même. Il y a quelques années (2), Bœck et Hoffmann ont ré-futé cette interprétation. Ils ont prouvé d'abord que, dans les foies privés de glycose^les granulations existent cependant en nombre considérable, et qu'elles n'augmentent pas dans les foies qui contiennent beaucoup de glycose. Ils disent avoir remarqué, en outre, que la coloration, surtout prononcée au-tour du noyau, s'étend à tout le protoplasma, s'accentuant toutefois à la périphérie du noyau. La coloration affecte une disposition réticulée, due principalement à ce que les granu-lations, que Schiff prétendait être constituées par de la matière glycogône, ne se colorent justement pas. C'est donc la subs-tance amorphe qui se colore. Et il importe de remarquer que cette description est beaucoup plus en rapport avec ce que l'on sait de la répartition de la matière glycogène dans d'autres éléments anatomiques. Ainsi, d'après M. Ranvier(3), dans les cellules lymphatiques qui présentent la réaction brun acajou, la matière glycogène se répand partout d'une manière diifuse
(1) Frey. — Traité d'histologie.
(2) Virchow's Archiv, 1872.
(3) Traité d'histologie, p. 263.
et elle peut s'étendre au dehors sous forme de goutelettes. Elle semble, par suite, consister en une substance molle, d'une consistance qui rappelle celle de la gomme.
11.
Je viens de m'appliquer à vous exposer les caractères ana-tomiques les plus importants qui distinguent, dans les con-ditions normales, les cellules hépatiques. Cette étude prélimi-minaire était indispensable, car elle nous aidera à mieux mettre en relief les modifications qui sont imprimées à ces élé-ments par les altérations pathologiques.
Nous allons maintenant étudier ensemble les principales de ces modifications. Je me bornerai, aujourd'hui, à un exposé sommaire. Mainte et mainte fois, en effet, j'aurai l'occasion, dans le cours de ces leçous, de compléter les descriptions que je vous présenterai actuellement sous forme de simples es-quisses. Cela me sera d'autant plus facile qu'il n'est guère d'al-tération hépatique à laquelle la cellule glandulaire ne prenne une part plus ou moins directe.
Voyons, en premier lieu, quelles sont les modifications qui peuvent survenir dans la forme des éléments. Supposons une distension permanente, congestive, des vaisseaux du foie, s'exerçantprincipalement dans le système de la veine hépatique et ses ramifications, phénomène qui se produit fréquemment dans l'insuffisance mitraleet dans certaines lésions extensives et invétérées des poumons. En pareil cas, ladilatation d'abord transitoire, puis permanente de la veine centrale et de la zone capillaire qui y atteint immédiatement, a pour effet de déter-miner une compression toute mécanique des éléments cellu-laires.
Dans celle circonstance, sur des coupes transversales du lo-bule, on observe, ainsi que nous le dirons plus amplement en faisant l'histoire du foie cardiaque, une dilatation plus ou moins considérable de la veine centrale, le plus souvent avec épaississement de la gaine conjonctive environnante, laquelle à l'état normal, esta peine visible. On remarque en même temps que les vaisseaux de la veine centrale sont, eux aussi, considérablement dilatés. Celle distension des capillaires a pour effet que les rangées de cellules hépatiques, intermédiai-res aux vaisseaux radiés, sont aplaties à un haut degré et que, sur certains points môme, elles ont complètement disparu.
Ce phénomène se retrouverait encore dans le cas où une tumeur, un abcès auraient refoulé excenlriquement les cel-lules hépatiques, qui prennent souvent, en pareille circons-tance, l'apparence de cellules conjonctives fusiformes. C'est là une apparence à laquelle il ne faut pas se laisser prendre : l'état granuleux de la cellule, sa teinte jaunâtre et d'autres caractères encore suffiraient pour prévenir celte erreur ana-tomique. Il est si vrai qu'il s'agit là d'un phénomène pure-ment mécanique q\ie,posimortum, il est possible de produire sur le foie d'un animal cet aplatissement des cellules, en in-troduisant un corps étranger dans la substance du foie. C'est ce que démontrent les recherches de M. L. Mayer (1).
Quoiqu'il en soit, une atrophie complète, allant parfois jusqu'à la disparition totale de l'élément, peut être une con-séquence de celte compression. Mais il est d'autres modes d'atrophie cellulaire, ceux, par exemple, qui succèdent à une insuffisance nutritive, développée lentement. Ainsi, dans l'altération du foie, connue sous le nom (Yatrophie sentie, à'atrophie pigmentccire,\as cellules hépatiques se montrent très petites, ratatinées, sans présenter, toutefois, les alléra-
'T Ueber die Wunden der Leber Munchen, 1872.
Lions de la dégénération granulo-graisseuse. De plus, elles contiennent habituellement des granulations qui paraissent constituées par la matière colorante de la bile. Le foie est alors petit, finement grenu, en raison de la diminution de volume des lobules, et il sécrète une bile noire et épaisse.
En matière de contraste, nous devons relever l'hypertro-phie, souvent très marquée, que nous offrent les cellules hépatiques dans certains cas de diabète. Dans une première période, le foie des diabétiques est volumineux, à peu près de consistance et de coloration normales. 11 est facile de reconnaître que cette hépatomacrosie n'est pas uniquement le résultat d'une congestion active et de s'assurer que les cel-lules spécifiques ont réellement augmenté de volume, sans altération de texture, en même temps que les bords angu-leux qui les circonscrivent se sont arrondis. Les noyaux pa-raissent aussi très volumineux. Klebs (1) et Rindfleisch assu-rent que la réaction glycogène, même avec une solution faiblement iodée, en pareil cas, est très accentuée. Ceci, je le répète, ne concerne que la première période de l'altération diabétique du foie, car, plus Lard, l'atrophie succède souvent à l'hypertrophie, et, simultanément, les cellules hépatiques subissent, à un certain degré, l'altération granulo-grais-seuse.
L'hypertrophie des éléments cellulaires hépatiques se voit encore dans la leucémie et dans la pseudo-leucémie ou adénie. On l'observe, enfin, non plus d'une façon générale et diffuse, mais particulièrement, cette fois, dans divers cas de cirrhose; alors, quelques éléments cellulaires semblent s'hypertrophier dans plusieurs lobules, comme pour suppléer à la destruction d'un certain nombre de ces éléments (2).
(i; Klebs. — Pat/,. Anal. (2) Klebs, loc. cit., p. 379.
III.
Parmi les altérations les plus vulgaires que la cellule hé-patique peut subir, il faut citer au premier rang l'infiltration et la dégénération graisseuses.
A. Vous savez que. dans les conditions normales,il existe à peu près d'une manière constante, quelques granulations ou gout-telettes graisseuses, à la vérité très discrètes, dans le proto-plasma de la cellule hépatique, surtout dans l'espèce humaine. Sans sortir de l'état physiologique, par exemple chez la femme
en lactation, dans les heures qui suivent la digestion, laquaulité de graisse infiltrée est telle qu'il se forme de grosses gouttelettes dont la présence a pour effet de refouler sur un des côtés de la cellule le protoplasma en même temps que le noyau, rappelant ainsi une dispositionbienconnue pour les cellules adipeuses sous-cutanées (Fig. 7). Cette même
Fin. 7.— Granulations graisseuses ? »„ ,. . -,
vers le centre de la cellule hcpati- înilltratratlOïl Se rencontre quel-que chez la chienne en lactation. o • - j - i „ ,„
-a; a, cellules normales à la péri- quefolS, a UI1 degré analogue
tente t^L\t'^£ en mais d'une façon permanente,
noir par l'acide osmique --h, veine dans \e f0je oTas des phthisiques, centrale ,d après de Sinety.) ° r ^ 1
des individus cachectiques, etc. La cellule, en semblable circonstance, n'est pas détruite, elle est simplement distendue et il n"y a. aucun doute que la graisse disparaissant — comme on le voit par l'exemple de la lipomatose physiologique — le protoplasma et le noyau pourraient reprendre leur place, en même temps que la cellule
tout entière recouvrait à la fois les dimensions et l'aspect de l'état normal.
B .L'infiltration ne doitpas être confondue avec la dégénération granulo-graisseuse ; c'est là une distinction que je m'effor-cerai d'établir nettement lorsque le moment sera venu. Qu'il me suffise de relever, quant à présent, que le caractère fon-damental de la dégénération est fondé sur ce que le proto-plasma s'altère et se détruit progressivement. La graisse en quantité variable, que renferment alors les cellules, peut résul-ter: 1° d'une transformation chimique qui s'est opérée aux dépens de la substance même du protoplasma; 2° oubien d'une sorte de substitution, d'infiltration consécutives.
Une simple tuméfaction de la cellule, avec augmentation de son opacité relative, accroissement du nombre des granu-lations protéiques et graisseuses qui existent toujours à l'état normal (tuméfaction trouble) constitue fréquemment le pre-mier terme de cette dégénération. Au dernier terme, il s'agit d'une destruction totale de l'élément, qui n'est plus représenté que pa'r un petit amas de granulations graisseuses plus ou moins cohérentes, le contour cellulaire et la masse du proto-plasma ayant disparu.
D'une façon générale, on peut dire que la destruction cellu-laire par le procédé que je viens de décrire peux revêtir deux formes principales : la forme aiguë ou même suraiguë, et la forme lente.
a) Un exemple de la première forme nous est donné par l'altération hépatique connue sous le nom d'atrophie jaune aiguë du foie. Sur certains points de l'organe ainsi altéré, ceux qui cnt une coloration brun acajou contrastant avec la couleur jaune d'or des autres parties, les cellules hépatiques peuvent être complètement détruites et n'être plus représen-
tées que par un détritus granulo-graisseux. La disparition d'un grand nombre d'éléments cellulaires, en pareil cas, s'ac-compagne de modifications profondes clans la composition chimique du foie. C'est ainsi que, sous forme cristalline, on trouve, soit immédiatement, lors de l'autopsie, soit un peu plus tard, des amas de loucine et de tyrosine. Ces cristaux sont souvent en quantité telle qu'ils paraissent oblitérer la lumière de vaisseaux volumineux. La leucine et la tyrosine, dont je vous entretiendrai bientôt, sont des corps azotés ana-logues par leur constitution élémentaire à l'acide urique et à l'urée, moins oxydés que ces derniers. Je dois vous signaler à ce propos le fait suivant: la production de l'urée et de l'acide urique semble devoir être comptée, si l'on en croit des re-cherches récentes, parmi les fonctions les plus importantes du foie. Cette production delà leucine et de la tyrosine, au lieu et place de l'urée et de l'acide urique, paraît être un phé-nomène vital. En effet, pendant la vie, les cas d'atrophie jaune aiguë du foie, il est de règle que la leucine et la tyro-sine se montrent dans l'urine en même temps que l'urée y fait défaut ou n'y est plus que dans une proportion très mi-nime.
b ) Le même processus de destruction des éléments cellu-laires du foie, sur une grande échelle, se montre encore, mais cette fois d'une façon lente, dans différents cas d'altérations chroniques du foie consécutives à l'oblitération permanente des voies biliaires. Le foie qui d'abord, en général, devient plus gros et prend une couleur vert-olive, subit à un instant donné une atropine plus oirmoins rapide. On y reconnaît, à l'autop-sie, quelques-uns des caractères microscopiques de l'atrophie jaune sur lesquels nous insisterons prochainement. De plus, le microscope y décèle l'existence d'une destruction plus ou moins généralisée et plus ou moins accentuée des cellules hépa-
tiques C'est même dans ces circonstances que la destruction to-tale des cellules hépatiques a été notée pour la première fois par deux auteurs anglais, Williams et Budd. Il n'est pas inutile de faire remarquer que la présence de la leucine et de la tyrosine (Harley) au sein du tissu hépatique a été plusieurs fois recon-nue dans ces cas atrophie j aune consécutive et que là aussi, comme dans l'atrophie aiguë, on observe des phénomènes cliniques se rapportant au syndrome ictère grave. Yaurai soin, plus tard, de démontrer que, contrairement à l'opinion de Rokilansky et Dusch, cette destruction des cellules hépatiques n'estpasle résultat de l'action de la bile et en particulier des acides biliaires sur les tissus.
Les cellules hépatiques peuvent encore devenir le siège de l'altération amyloïde. Dans le foie, de même que dans les autres viscères, cette altération débute par les capillaires artériels et ne se répandrait que secondairement sur les éléments glan-dulaires. C'est là un point que nous aurons à traiter en détail. Toujours est-il que l'altération se prononce primitivement dans la zone moyenne du lobule. Les cellules hépatiques, altérées de la sorte, paraissent plus volumineuses, leurs contours sont arrondis, obtus. Elles ont un aspect vitreux, un certain degré d'opalescence. On en rencontre quelquefois des séries tout en-tières, confondues les unes avec les autres, leurs limites n'é-tant plus marquées que par un léger étranglement (Rind-fleisch). Elles offrent d'ailleurs, par l'action de la teinture d'iode, la coloration rouge-brun passant au bleu pâle lorsqu'on ajoute de l'acide sulfurique.
Je mentionnerai, en dernier lieu, l'altération pigmentaire des cellules hépatiques, qui est à proprement parler une exagé-ration des conditions normales. Dans certains cas de rétention biliaire ancienne, elle peut aller jusqu'à la formation de petits
grains ou graviers verts de biliverdine qui occupent quelque-fois presque la moitié du corps de la cellule.
Telles sont, Messieurs, les principales formes des lésions élémentaires des cellules hépatiques. Nous aurons maintes fois l'occasion d'y revenir et d'indiquer en même temps la part qu'elles prennent dans la constitution des diverses espèces anatomo-pathologiques que nous étudierons dans la suite de ces leçons.
QUATRIÈME LEÇON
Des capillaires biliaires.
Sommaire. — Description des canalicules biliaires. —Division en quatre grou-pes. — Des capillaires biliaires : historique, description, distribution générale — ont-ils une paroi propre ? recherches de Legros. — Inflammation catar-rhal des capillaires biliaires.
I.
Messieurs,
Faisant un nouveau retour vers les études d'anatomie nor-male, je me propose de reprendre et de compléter aujourd'hui la description des capillaires biliaires hépatiques, que je n'ai pu qu'ébaucher jusqu'à présent. Ces capillaires doivent nous intéresser à un haut degré car ils sont, on le sait aujour-d'hui, le siège d'un certain nombre d'altérations importantes.
Si nous jetons un coup-d'œil sur l'ensemble des canaux biliai-res, depuis leur origine au hile du foie jusque dans leurs der-nières ramifications, nous reconnaissons immédiatement la nécessité d'établir, dans ce système cependant partout continu, des divisions répondant à des modifications de topographie et aussi de structure. Lorsqu'on procède des parties extérieures aux parties profondes, on voit que les canaux biliaires doivent être divisés en quatre groupes :
l°Tout d'abord, les gros canaux biliaires qui, jusqu'à un dia-mètre de 220 [jl, ont une tunique fîbroïde externe contenant parfois desglanclules spéciales que nous aurons à décrire et qui sont revêtus à l'intérieur d'un bel épithélium cylindrique.
2° A ces canaux succèdent les conduits moyens dans les-quels l'épithélium tend à s'aplatir progressivement et à pren-dre la forme cubique ; en même temps que le diamètre relatif de la lumière du vaisseau s'amoindrit, la tunique externe devient de moins en moins épaisse et de plus en plus homogène; les glandules disparaissent.
3° En troisième lieu, se présentent les canaux biliaires inter-lobulaires qu'on voit dans les espaces et les fissures qui séparent les lobules. Ici encore, l'épithélium offre la forme cubique. Ces canaux composent, dans l'intervalle des lobules un réseau d'où partent les canicules intra-lobulaires.
4° Ceux-ci, qu'on peut appeler capillaires biliaires, cons-tituent un système réticulé de petits canaux cylindriques dont le diamètre ne dépasse pas 1 à 2 [x : c'est ce système que je me propose d'étudier actuellement.
A. La connaissance du réseau capillaire biliaire est une ac-quisition qui ne remonte pas au-delà d'une quinzaine d'an-nées. Kiernan, Beale, Natalis Guillot en avaient soupçonné l'existence. Mais la démonstration régulière, faite à l'aide d'in-jections, est due à Gerlach et à Brücke (1859). Cette démons-tration a été rendue plus complète par Andrejevie (1861), Mac Gillavry (1864), Eberth et Chrzonszce^wsky (1866). Il restait pourtant quelques incertitudes qui ont été complètement dis-sipées par le remarquable travail de Hering fl866). Depuis lors, l'existence du réseau des capillaires est un fait de con-naissance vulgaire et vous en trouvez une description plus ou moins minutieuse dans tous les livres classiques. Il est indis-pensable, néanmoins, de déclarer que la démonstration par
Fig. 8. — Réseau des canalicules biliaires inter-lobulaires d'après une prépara-tion de M. Terrier.
Les caractères généraux de ce réseau sont la grande té-nuité (1 jx à 2 |x) des conduits formant des mailles polygona-les et l'uniformité de leur calibre et la disposition particulière du réseau, telle que les conduits n'entrent jamais en con-tact avec les vaisseaux sanguins dont ils sont toujours sépa-rés par une certaine épaisseur de protoplasma cellulaire.
Pour bien saisir la disposition dé ce réseau, il importe de se reporter au schéma que je vous ai présenté dans l'avant-
Charcot. Œuvres complètes, t vi, Foie. 3
injection, n'a pu, jusqu'ici, être rendue évidente que chez les animaux. Cependant, même chez l'homme, l'existence du ré-seau est indubitable, ainsi que j'aurai, dans un instant, l'oc-casion de vous le démontrer.
B. Décrivons maintenant le réseau capillaire biliaire, tel qu'il se révèle dans les injections pratiquées sur le lapin, car c'est encore cet animal qui a été utilisé surtout pour ce genre d'étude.
dernière séance et qui, d'après Hering, compare la cellule hépatique à un octaèdre tronqué à ses deux sommets et creusé le long des arêtes de gouttières destinées à recevoir les vaisseaux capillaires sanguins.
Sur chacune des faces latérales de l'octaèdre, à égale distance des gouttières qui reçoivent les capillaires sanguins et parallèlement à ces gouttières sont creusés des demi-canaux qui partagent les faces latérales en deux moitiés égales. Ces demi-canaux ou sillons se prolongent sur les faces répondant aux sommets tronqués où elles se croisent à angle droit. Il suit de là que, autour de chaque cellule, les demi-canaux figurent deux mailles hexagonales dont les plans se croisent sous un angle droit. Si nous supposons que dix octaèdres (ou cellules), construits sur le modèle de celui que nous venons de décrire, et creusés aussi de demi-canaux de même calibre et semblablement disposés, soient en rapport les uns avec les autres, vous comprendrez qu'il se produira des canaux cylindriques complets constituant autour de la cel-lule une double maille hexagonale. Admettons enfin que, par l'apposition successive d'un nombre suffisant d'octaèdres ou de cellules, cette disposition s'étende à toutes les parties du lobule, nous aurons alors une idée assez nette, quoique schématique à quelques égards, de la disposition du réseau capillaire biliaire et de ses relations : 1° avec les cellules hépatiques, 2° avec les vaisseaux capillaires sanguins qui, comme vous avez pu le remarquer, n'entrent nulle part en contact avec le réseau capillaire biliaire.
Cette vue schématique — et c'est là, en somme, son utilité — va nous servir à mieux comprendre les apparences sous lesquelles se présentent dans la réalité, sur des coupes faites dans diverses directions, le réseau des canalicules biliaires injectés chez les divers animaux, et en particulier sur le lapin, objet actuel de nos investigations.
1° Commençons par considérer une coupe pratiquée paral-lèlement à la direction des vaisseaux capillaires radiés. Vous savez, par nos études antérieures, que, sur une pareille coupe, les cellules apparaissent sous la forme d'un rectangle à grand axe dirigé parallèlement aux vaisseaux sanguins. Les capillaires biliaires se montrent là sous l'aspect d'une ligne parallèle au grand axe de la cellule, à peu près à égale dis-tance des vaisseaux auxquels ils sont également parallèles, offrant un léger coude çà et là, vers le milieu du corps de chaque cellule. Ces sinuosités répondent à l'arrête transver-sale de l'octaèdre sur le schéma et, dans la nature, au point où se renflent les surfaces de la cellule, on voit dans l'épais-seur du canalicule un pertuis foncé qui n'est autre, comme il est facile de s'en assurer en faisant varier le foyer de l'objec-tif, que l'orifice d'un conduit, situé sur l'une des faces tron-quées et parfois on peut suivre à une certaine distance le corps de ce canal. (Voir Hering, loc cit., Taf. IV, fig. 5), et Kôlliker, loc. cit., fig. 308.)
2° Si la coupe , plus épaisse, comprend une ou deux cou-ches de cellules, on pourra voir par transparence le double réseau polygonal qui entoure chaque cellule. L'un de ces réseaux sera vu suivant un plan antéro-postérieur, l'au-tre suivant un plan transversal. Sur de pareilles coupes, le réseau biliaire sem-ble sur plusieurs points en contact avec le réseau sanguin ; mais ce n'est là qu'une apparence qu'il est aisé de rec-tifier avec un peu d'attention. (Voir „. Q Tv , „ . . ,
r \ Fig. y. — D après Hering. A. A,
Hering, Schultze's Archiv. T. IV, Coupe transversale des capil-
laires sanguins. B, Canalieu-fig. 11.) les biliaires vus par transpa-
rence. G, C, Coupes trans ver-
C'est sous cet aspect que se présen- * }e* des capillaires biliaires r ^ r pénétrant entre deux cellules
tent la plupart des coupes et c'est ainsi que je vous ferai reconnaître ce réseau sur une belle préparation qui m'a été confiée par M. Ranvier.
3° Examinons maintenant une coupe faite perpendiculaire-ment à la direction des vaisseaux radiés. Vous connaissez la disposition générale d'une telle coupe (K'ôlliker, fig. 310); si elle est très mince, autour de chacun des petits carrés que figure la cellule hépatique, dans l'intervalle et à égale dis-tance des orifices ménagés pour le passage des vaisseaux san-guins, vous apercevrez sur la ligne de séparation de deux cel-lules voisines, de petits perfuis remplis par la matière colorante. Ce sont les sections transversales des canaux creusés sur cha-cune des faces latérales de la cellule. Si la coupe est épaisse, de manière à contenir une ou deux couches cellulaires, vous voyez, comme sur la figure 5 du mémoire de Hering, chaque orifice vasculaire entouré à distance par un système de mailles quadrilatères. Cela résulte de l'agencement des canalicules sur les sommets tronqués de l'octaèdre. Ces développements un peu arides vous montrent que le schéma rend assez exactement compte des dispositions naturelles : on ne peut guère lui de-mander plus.
11
La distribution générale des canalicules billiaires capillaires nous étant suffisamment connue, nous devons examiner de plus près leur structure. Ont-ils une paroi propre, indépen-dante de la cellule, à la surface de laquelle ils ne feraient que ramper en y laissant toutefois une empreinte, — ou bien sont-
ce de simples sillons, produits par dépression à la périphérie des cellules, une sorte d'empreinte effectuée aux dépens de la couche la plus superficielle du protoplasma, rappelant les sillons que tracent les racines de certains arbres à la surface des pierres dans les interstices desquelles elles pénétrent?Cette dernière opinion est celle de beaucoup d'auteurs, de Eberth et de Hering entres autres. Seulement, sur le passage du ca-nal, suivant Eberth, le protoplasma subirait une espèce d'épais-sissement, d'induration formant cuticule. Henle, non plus, ne pense pas qu'il y ait de paroi propre. Il invoque, à l'appui, un argument de Schweigger-Seidel: Quand les canaux capillaires sont injectés à la gélatine, ils peuvent se détacher des cellules, cela est vrai, mais si l'on fait réchauffer la géla-tine, elle se dissout et il n'y a pas de résidu, il ne reste pas de paroi (1).
Toutefois, les arguments en faveur de l'existence d'une pa-roi distincte sont assez nombreux. Chrzonszczewsky avait déjà remarqué qu'après l'injection dite physiologique (2), les pré-parations par dissociation ont souvent pour effet d'isoler dans une certaine étendue les canalicules renfermant la matière à injection. Tout récemment, Fleischl(3), dans des préparations traitées à l'aide du pinceau, serait parvenu à isoler le réseau des canalicules dans Line certaine étendue.
Il y a six ans, un anatomiste français, dont la carrière a été malheureusement trop courte, serait arrivé à mettre en
;i) Virchow's Archiv, 1863, Bd. 27, p. 565.
(2) L'injection dite physiologique se fait sur l'animal vivant. On introduit à plusieurs reprises dans la veine jugulaire une solution froide de carmin d'in-digo. On tue l'animal deux heures après et l'on aperçoit alors le liquide bleu dans les reins et dans le foie (vésicule du fiel, gros canaux biliaires]. On fixe l'injection par l'alcool. Chaque lobule est entouré par l'injection que l'on re-trouve aussi dans l'intervalle des cellules sous forme d'un fin réseau 'Réseau d'Andrejevie et Mac Gillavry . —Chrzonszczewskv, Virchow's Archiv, 55 Bd, 1866.
(3) Ludwufs Arbeiten, 1875.
(1) Journal de l'anatomie et de la physiologie, etc. 1874.
(2) Archives de physiologie, 1871 et Manuel danatomie pathologique.
(3) Etude sur une forme de cirrhose hypertrophique du foie. Thèse de Paris, 1876.
évidence une disposition qui donnerait à la paroi du canicule une indépendance plus grande encore.
Son travail a été présenté à l'Académie des sciences en 1870, et une note assez longue, accompagnée de planches relatives à ces recherches, a été insérée dans le journal de M. Robin (1874). Legros faisait pénétrer chez des animaux dans les voies biliaires, suivant une méthode dont il serait trop long de reproduire le détail, une injection composée d'une solution de gélatine et de 1 /600 de nitrate d'argent. Au con-tact avec la paroi des capillaires biliaires, l'argent dessinerait un réseau polygonal, de telle sorte que cette paroi devrait être considérée comme formée de cellules plates, séparées par un ciment que colore l'argent. La paroi propre des cana-licules serait donc composée par la juxtaposition intime de ces cellules.
Ces observations très remarquables n'ont pas, que je sache, été encore vérifiées par d'autres anatomistes. Ce sont des études qui méritent à tous égards d'être reprises (1). Si la disposition en question était bien et dûment constatée, elle donnerait sans doute la clef de certaines altérations patho-logiques qui sans cela, sont d'une interprétation difficile.
M. Cornil (2) et après lui M. Hanot (S) ont fait voir que, dans quelques cas de cirrhose, appartenant principalement à la forme hypertrophique, les canaux biliaires interlobulaires paraissent plus volumineux (et peut-être plus nombreux) que dans l'état normal. Leur calibre est souvent rempli et comblé de cellules épithéliales cubiques. Par conséquent, il y a lieu
Fig. 10. — Vaisseaux biliaires dans Vatrophie jaune aiguë du foie. —a, sec-tion de la veine centrale d'un lobule ; — b, tissu des cellules hépatiques atro-phiées ; — a, canaux biliaires interlobulaires. Cette figure est empruntée au Manuel Wanatomie pathologique de Cornil et Ranvier, p. 890.
ru plus ou moins totalement (1), un réseau de canalicules de 0,010 à 0,005 y- de diamètre, contenant des cellules épithé-liales nonplus cubiques, mais plus ou moins allongées dans le sens du grand axe du canal. Comment interpréter cette disposi-tion? M. Cornil pense que des cellules épithéliales, dévelop-pées dansles canaux interlobulaires, se sont introduites, comme par refoulement, dans les canalicules intra-lobulaires qui, dans les conditions physiologiques, s'il faut en croire la plu-part des auteurs, ne contiennent pas de cellules. Cette obli-tération des canalicules intra-lobulaires serait la cause de l'ictère qui s'observe d'habitude et dès la première période
(1) Cette disparition des cellules s'opère surtout à la périphérie.
d'admettre qu'il existe là une véritable inflammation catar-rhal de ces canalicules.
En rapport avec ces canaux et communiquant avec eux, on voit dans le lobule, dont les cellules hépatiques ont dispa-
dans la forme de cirrhose à laquelle je fais allusion (1). (Fig. 10, 11 et 12).
J'avoue,Messieurs, que ce refoulement par trop plein, pour ainsi dire, de cellules épithéliales dans les canaux intra-lobu-laires, me paraît assez difficile à comprendre et si la disposi-tion décrite par Legros était bien établie, il serait beaucoup
Fig. il. — Canaux biliaires dessinés en a dans la figure précédente. — Les canaux a, remplis de cellules d'épithélium, sont situés au milieu d'un tissu granuleux, contenant quelques cellules de tissu conjonctif embryonnaire et des vaisseaux, v. En b, on voit une section transversale de l'un des canaux biliaires. Grossissement de 350 diam. Cette figure est empruntée au Manuel d'anatomie pathologique de Cornil et Ranvier, p. 891.
plus simple d'admettre que les cellules plates qui, suivant cet auteur, constituent la paroi des canalicules se sont gonflées et multipliées ; mais il faut reconnaître que la description de Legros n'a pas été confirmée encore par d'autres anatomis-tes et partant il est sage de suspendre, jusqu'à plus ample informé, notre jugement à cet égard.
(1) On trouvera tous les détails qui concernent ce point dans le Manuel d'anatomie pathologique de MM. Cornil et Ranvier (p. 914), et aussi dans la thèse de M. Hanot.
C'est là, d'ailleurs, un point sur lequel nous devrons nous arrêter à propos de l'histoire de la cirrhose et que, pour cette raison, je ne fais que mentionner aujourd'hui en manière d'application. J'aurai aussi l'occasion, dans l'histoire de l'a-trophie jaune aiguë du foie, de vous faire remarquer qu'une disposition des canalicules capillaires, analogue à celle qui vient d'être relevée au sujet de la cirrhose, a été mise en
Fig. 12 — Réseau des canalicules biliaires situés dans le tissu conjonctif nou-veau de la cirrhose. — f, canal biliaire inter-lobulaire ; — c, canalicule très petit continu avec d'autres canalicules également minces et possédant des cellules disposées bout à bout. Ces canalicules se rendent dans des confluents plus volumineux a ; — «, d, cellules de tissu conjonctif, grossissement de 300 diam. —Fig. empruntée au Manuel d'anatomie pathologique de Cornil et Ranvier, p. 923.
évidence par MxM.Waldeyer, Zenker (1) et par M. Cornil lui-même (2).
Mais, je le répète, je ne veux à l'heure qu'il est, qu'effleurer la question et j'en reviens à l'anatomie normale, car il s'agit
(1) Deutsches Archiv, t. x.
(2) Loc. cit., p. 891.
de vous montrer maintenant, que l'existence de ces canalicu-les biliaires capillaires, mise en évidence chez les animaux par l'injection, peut être régulièrement démontrée chez l'homme, à la vérité par d'autres procédés.
CINQUIÈME LEÇON
Des capillaires biliaires (suite). — Tissu conjonctif et vaisseaux lymphatiques du lobule. — Espaces inter-lobulaires. — Localisatioa anatomo-pathologi-que dans les espaces.
Sommaire. — Démonstration de l'existence des capillaires biliaires chez l'homme. — Tissu conjonctif des lobules hépatiques ; ses caractères à l'état normal. — Voies lymphatiques ; lacunes. — Filets nerveux.
Espaces inter-lobulaires, localisation des lésions dans les espaces: Cirrhose vul-gaire, — abcès consécutifs à la phlébite de la veine porte, — tubercule, — syphilome miliaire, — mélanémie, — lymphome.
Messieurs,
Pour achever l'histoire anatomique des canalicules biliaires intra-lobulaires, il me reste encore à vous entretenir de quel-ques points. Je dois, en particulier, vous montrer que l'exis-tence de ces canalicules, mise en évidence diez les animaux par l'injection, peut être régulièrement démontrée chez l'homme lui-même, mais à l'aide de procédés différents.
I.
A. Voici en quoi consiste cette démonstration :
1° Chez l'homme, dans l'état normal, surtout chez de très
jeunes enfants (1), lorsqu'on examine des coupes minces, durcies, faites parallèlement à la direction des vaisseaux ra-diés, on voit, sur la ligne de séparation des cellules hépatiques, de petits pertuis arrondis, situés au milieu de cette ligne, à égale distance des vaisseaux : ces petits pertuis répondent évidemment à la lumière des canalicules capillaires biliaires coupés en travers. Il est possible de mettre en évidence le trajet des canalicules biliaires à la surface des cellules dans certains cas où, en dehors même d'un état pathololgique, le pigment biliaire, sous forme grenue, s'est déposé dans leur cavité.
2° Mais, dans certains états pathologiques bien accentués, la démonstration est encore plus frappante. Il s'agit là d'une sorte d'injection, pour ainsi dire naturelle. Dans des cas de rétention biliaire prolongée, ainsi que l'a remarqué pour la première fois, je pense, M. 0. Wyss (2), on trouve, en effet, et c'est une observation que nous avons faite maintes fois, sur les préparations portant sur la substance des lobules, de petits calculs rameux constituant parfois une Wyss. MouieTnternè expèce de réticulum. Ces petits calculs, de
des canalicules capil- n ,• 1A, 1 -i
laires biliaires. Bili- coloration verdatre, translucides, présentent verdine- tous les caractères optiques et chimiques
de la biliverdine. On peut même voir, comme vous vous en êtes assurés sur des préparations ad hoc et comme je vous le prou-verai encore, ces petits calculs en place, ayant avec les cel-lules et les vaisseaux sanguins des rapports qui établissent péremptoirement qu'ils ne sont autres que les moules in-ternes des canalicules biliaires capillaires. [Fig. 14.)
(1) Hering, dans Stricker's Handbuch, p. 441, fig. relative au foie d'un enfant de 3 ans. f2) Vircho's Archiv, 1866, p. 135.
Les faits, signalés à la fin de la dernière séance, relatifs à la dilatation des capillaires biliaires dans divers cas de cir-rhose et à la présence de cellules ôpithéliales dans leurs ca-vités pouvaient être comptés déjà comme des arguments puissants en faveur de l'existence de ces capillaires chez l'homme, dans les conditions physiologiques.
La réalité des capillaires biliai-res chez l'homme n'est donc plus douteuse et les considéra-tions qui précèdent rendent évi-dent, du même coup, que la structure et la disposition des canalicules ne diffèrent pas chez l'homme, dans les traits essen-tiels au moins, de ce qu'ils sont chez les animaux.
Fig. 14. — D'après Thierfekler. Pré-paration microscopique du foie dans un cas d'empoisonnement par le phosphore. C, Capillaires biliaires remplis par des sels biliaires. B, B, Globules graisseux. C, Noyaux en-core apparents des cellules hépati-ques. Û, vaisseaux sanguins remplis de globules.
B. Une autre question se pré-sente maintenant; nous devons nous contenter de la poser, car, dans l'état actuel de nos con-naissances, elle ne peut encore être résolue d'une façon défi-nitive. La continuité directe entre les canaux interlobulaires et les capillaires biliaires est parfaitement démontrée ; mais suivant quel mode cette continuité s'établit-elle ?
Dans la description de M. Legros, rien de plus simple : l'épithélium, cubique dans les canaux interlobulaires, subi-rait une sorte d'aplatissement en pénétrant entre les cellules hépatiques pour former les capillaires biliaires. Je dois décla-rer immédiatement que ce n'est pas ainsi que les choses sont présentées dans les descriptions des anatomistes les plus au-torisés dans la matière. Chez les animaux inférieurs, d'après
Eberth (1), on voit l'épithélium cubique des canalicules inter-lobulaires se développer au moment où ce dernier devient intra-lobulaires et prendre peu à peu le caractère des cellules hépatiques. Entre ces cellules, les capillaires ainsi formés vont constituer des réseaux de canaux désormais sans paroi propre.
Telle est aussi, à quelques nuances près, l'opinion de Hering (2). Je dois vous déclarer, Messieurs, que c'est là, à mon sens, un point d'anatomie qu'il faut réserver et qui ré-clame certainement de nouvelles recherches.
II.
J'en ai fini avec l'anatomie normale des capillaires biliaires et vous voilà complètement en mesure, Messieurs, d'interpré-ter à l'occasion, en temps et lieu, les dispositions anatomo-pathologiques qui les concernent. Permettez-moi, cependant, de vous dire encore quelques mots à leur sujet, en manière de conclusion.
S'il s'agissait, dans ces leçons, d'anatomie normale, faite pour elle-même, connaissant actuellement les principaux élé-ments de la structure du lobule du foie, ce serait le moment de rechercher les analogies et les différences qui rapprochent ou éloignent la glande hépatique du type commun aux autres appareils glandulaires. Je ne crois pas opportun d'entrer à ce propos, la tâche étant celle surtout de l'anatomiste pur, dans de grands détails. Nous ne saurions toutefois nous désinté-resser absolument dans une question dont la discussion peut nous servir à mieux mettre en relief, que nous ne l'avons fait jusqu'ici, une disposition anatomique qu'il nous importe à un haut degré de bien connaître.
(1) Virchow's Arclriv, 1869, Bd. 39, figure relative à la grenouille.
(2) Voyez la figure du Manuel de Slricker, p. 445.
Il esl incontestable que le foie de l'homme et celui même des autres mammifères, s'éloigne beaucoup, anatomiquement parlant, du type des autres appareils glandulaires ; mais, vous allez reconnaître aisément qu'il ne s'agit pas là d'une oppo-sition radicale. Le foie des animaux vertébrés inférieurs éta-blit, en effet, entre les extrêmes, une sorte de transition.
Une glande se compose dans la règle : 1° d'une membrane propre sur laquelle sont appliqués les vaisseaux capillaires ; 2° en dedans de celte membrane existe un revêtement de cel-lules épithéliales glandulaires ; 3° celles-ci laissent dans leur intervalle une cavité où se déverse le produit de l'activité se-crétaire des cellules. Or, dans le foie des vertébrés inférieurs, dans celui de la couleuvre, par exemple, la membrane pro-pre, et cela résulte des descriptions de Eberth et de Hering, la membrane propre, dis-je, fait défaut. Mais, en dehors de ce point, on observe une disposition qui rappelle assez bien la structure des glandes en tubes. Ainsi, sur certaines coupes, cinq ou six cellules épithéliales de forme pyramidale reposent par leur base sur le contour d'une maille capillaire et laissent entre elles, au niveau de leur sommet, un petit pertuis qui figure la coupe transversale d'un canal sans paroi propre. Cette disposition rappelle assez bien la section similaire d'une glande en tubes (Kôlliker, fig. 306). La membrane propre, je le répète, n'existe pas ici ; elle est remplacée par la paroi même du vaisseau capillaire et, à part cela, nous retrouvons tous les caractères essentiels du type vulgaire des appareils glandulaires.
Il est facile de reconnaître maintenant, Messieurs, que la structure du foie de l'homme et des mammifères, du moins au point de vue qui nous occupe ne diffère pas foncièrement de celle du foie des serpents. 1° Nous avons, en effet, les ca-naux sans paroi propre, creusés dans l'intervalle des cellules hépatiques, à la vérité, les cellules qui composent ces parois
sont, chez l'homme seulement, au nombre de deux ou trois tout au plus; mais c'est là, pour ainsi dire, toute la différence. 2° La cellule glandulaire est, d'un côté, par suite de l'absence de membrane propre, en contact immédiat avec la paroi des vaisseaux capillaires, mais ceux-ci sont séparés de la cavité d'excrétion, ou autrement dit du capillaire biliaire, par une partie de l'épaisseur du protoplasma cellulaire, de telle sorte que ce grand caractère du type commun des glandes en tubes se retrouve, comme vous le voyez, dans le foie de l'homme.
111.
L'analyse anatomique des lobules hépatiques resterait in-complète, si je ne vous disais pas quelques mots sur le tissu conjonctif et les vaisseaux ou mieux les espaces lymphatiques qui entrent dans leur composition.
a) A l'état normal, le tissu conjonctif est tout à fait rudi-mentaire dans le lobule. Des procédés spéciaux et délicats sont
Fig. 15. — D'après Henle. A, Stroma conjonctif. B, Cellules hépatiques qui n'ont pas été chassées par le pinceau. C Canalicules biliaires.
alors nécessaires pour mettre son existence en évidence. Pour l'objet spécial de nos études, la connaissance de cette gangue
conjonctive rudimentaire n'est pas, tant s'en faut, à dédaigner. A l'état pathologique, en effet, ce tissu peut prendre une ex-tension considérable et étouffer tous les autres éléments du lobule : c'est ce que l'on observe dans plusieurs formes de la cirrhose que, pour cette raison, on appelle intra-lobulaire.
On démontre l'existence du tissu conjonctif normal du lo-bule en traitant par le pinceau des préparations durcies. Les cellules étant chassées, on a sous les yeux les mailles du ré-seau des vaisseaux capillaires. Par un examen attentif, on re-connaît alors, à la surface des parois de ces vaisseaux, de minces fibrilles entrecroisées qui se prolongent en s'enchevê-trant dans les mailles qui encadrent les cellules. Le tissu conjonctif ne parait représenté là que par les fibrilles ; les cellules plates ne s'y rencontrent pas ou tout au moins, elles y sont en petit nombre et rudimentaires.
Le tissu conjonctif est surtout dense en deux points du lo-bule : à la périphérie et au voisinage de la veine centrale. A propos de ce dernier point, je ferai remarquer qu'il y a une variété de cirrhose intra-lobulaire qui a pour siège la péri-phérie de la veine centrale et la zone immédiatement située en dehors de celle-ci. Cette variété d'hépatite tabulaire se voit dans les cas d'altération du foie consécutive à une gêne de la circulation cardiaque ou pulmonaire (Foie cardiaque).
b) Nous voici naturellement conduit à vous parler des voies, lymphatiques qui ont partout des relations si étroites avec le tissu conjonctif. On décrit d'ordinaire les parois des capil-laires dans le lobule, comme étant en contact direct avec celles des cellules hépatiques. En se fondant sur les résultats d'injections, nombre d'auteurs cependant, parmi lesquels Mac Gillavry, Kisselew (1) et K'ôlliker, admettent l'existence d'une fente ou chambre qui sépare la paroi de la travée de cellules
(1) Centralblatt, 1869.
Charcot. Œuvres complètes, t. vi. Maladies du foie. 4
de celle des capillaires. Les vaisseaux capillaires du foie nage-raient donc, pour ainsi dire, dans une sorte de gaine lympha-tique, comparable dans une certaine mesure à celle qui en-toure les capillaires de l'encéphale. Seulement, on ignore, quant à présent, si les cavités ont des parois propres ou si ce sont seulement des interstices qui traversent des tractusqui, de la paroi des vaisseaux, pénètrent dans l'intervalle des cel-lules.
Tout récemment, M. Von Wittich (1) aurait de nouveau mis en relief l'existence de ces lacunes dans une expérience qui consiste, chez un animal récemment tué par hémorrhagie, à introduire dans la trachée, par des mouvements artificiels du thorax, une solution de carmin d'indigo. Si Ton examine le foie d'un animal ainsi injecté, on constate que les gros vais-seaux sont environnés d'un fin réseau bleu et que, en même temps, les espaces qui séparent les vaisseaux capillaires des cellules, sont remplis par le liquide de l'injection.
Quelques conditions pathologiques donnent de l'importance à cette disposition. M. Thierfelder (2) a vu, dans plusieurs cas de maladies du cœur, les espaces lymphatiques en ques-tion distendus par une substance riche en fibrine et se dissol-vant dans l'acide acétique.
Il est habituel dans les abcès lobulaires de voir, sur les points où la dissociation complète des éléments du lobule n'est pas encore effectuée, des leucocytes en plus ou moins grand nombre occuper l'intervalle qui existe entre la paroi capillaire et la travée de cellules hépatiques (3). Cette dispo-sition s'est montrée très accentuée chez quelques animaux dont le foie avait été, dans mon laboratoire, soumis à certai-
(1) Centralblatt, 1875.
(2) Atlas, taf. xiv.
(3; Gornil et Ranvier. —Manuel d'histologie palh., p. 307 et 308.
nés lésions traumatiques (cochon d'Inde ; introduction d'un séton dans le foie).
c) En terminant l'anatomie du lobule, je ne ferai que signa-ler en passant la présence de filets nerveux qui y auraient été découverts par M. Nesterwsky, à l'aide du chlorure d'or et du sulfure d'ammoniaque. Contrairement à une assertion de M. Pfliiger, ces nerfs ne se répandraient pas dans les inters-tices des cellules hépatiques et surtout ne pénétreraient pas dans la substance de ces éléments (1).
IV.
Jusqu'ici, Messieurs, nos études d'anatomie normale et pathologique concernant le foie se sont principalement appli-quées au lobule lui-même et nous n'avons traité des régions extra-lobulaires que d'une façon tout à fait incidente. Cepen-dant, s'il est vrai que bon nombre d'altérations hépatiques importantes ont, comme nous l'avons vu, leur origine dans le lobule, il en est d'autres non moins importantes, certes, qui, tout au contraire, occupent dans leurs premières périodes les espaces interlobulaires.
Vous n'avez pas oublié ces petites régions triangulaires (sur des coupes transversales du lobule) que nous avons dési-gnées, d'après Kiernan, sous le nom d'espaces interlobulaires et où l'on voit, enveloppées par la capsule de Glisson, une branche de la veine porte, une ou plusieurs branches de l'artère hépatique, un canalicule biliaire, des ramifications qui pro-viennent de cesdivers vaisseauxets'insinuent dans les fissures, enfin des vaisseaux lymphatiques. Ces petites régions, dis-je, sont le siège primitif d'un bon nombre de lésions hépatiques. Je veux citer quelques exemples à l'appui de ce que j'avance.
(1) Cenlralblatt, 1876.
1° C'est dans les espaces intcrlobulaires que débutent les altérations de la cirrhose vulgaire. Limitée d'abord aux es-paces, l'hyperplasie conjonctive s'étend progressivement aux fissures, de manière à envahir finalement toute la circonférence du lobule.
2° Les petits abcès consécutifs à la phlébite de la veine porte, ceux qui se forment en conséquence de la dilatation et du ca-tarrhe des voies biliaires prennent également naissance dans les espaces.
3° Le tubercule, que Louis croyait très rare dans le foie, s'y observe au contraire très fréquemment, au moins sous la forme miliaire. Le microscope est souvent nécessaire pour découvrir cette tuberculose miliaire hépatique. Or, les gra-nulations miliaires se voient principalement dans les espaces.
Fig. 16. — Granulations tuberculeuses du foie: H.H, Veines centrales des îlots hépatiques, dont les cellules s'éloignent en rayonnant; M,M, Tissu conjonctif inter-lobulaire épaissi, devenu embryonnaire. Une granulation tuberculeuse, T, s'est développée dans un espace formé par ce tissu. V, Coupe d'une bran-che de la veine porte. (Figure empruntée à MM. Corail et Ranvier).
Il est rare qu'on ne rencontre pas dans leur partie centrale un orifice vasculaire et communément aussi un canalicule bi-liaire. Autour de la granulation, le tissu de la capsule de Glisson est plus ou moins hyperplasié, de telle sorte que,
quand les tubercules sont nombreux, il existe consécutive-ment une espèce d'hépatite interstitielle diffuse péri-lobulaire. (Cornil, Rindfleisch).
4° Ce que je viens de dire du tubercule peut être répété du syphilome miliaire. Je veux parler de ces petites gommes rudimentaires, moins grosses souvent qu'un grain de mil, qui constituent une des lésions caractéristiques de l'affection syphilitique du foie, décrite, pour la première fois, chez le nouveau-né par M. Gubler. Ces petites nodosités se dévelop-pent dans les espaces et elles produisent à leur périphérie un certain degré d'induration dans la capsule de Glisson.
5° Je citerai encore pami les lésions hépatiques qui naissent dans les espaces, celles de la mélanémie, cette altération du sang, liée aux maladies palustres, dont le point de départ paraît être dans la rate et qui consiste dans la présence de granulations pigmentaires. Ces granulations, incorporées dans les globules blancs ou dans les cellules épithéliales vascu-laires, circulent avec le sang, spécialement dans le système de la veine porte. Les veines interlobulaires ont leurs parois infiltrées de granulations pigmentaires qui pénètrent même dans le tissu conjonctif des espaces. Ce tissu offre secondai-rement un certain degré d'hyperplasie, de cirrhose interlobu-laire. L'altération pigmentaire se propage ensuite aux capil-laires du lobule, surtout dans les parties périphériques du lobule. A ces lésions macroscopiques répond une altération microscopique du foie, désignée par Frerichs sous le nom de foie pigmenté mélanémique.
6° Je mentionnerai enfin le développement des tumeurs lymphatiques ou lymphomes qui surviennent dans la leucé-mie et dans Yadénie ou autrement dit pseudo-leucémie. Vous savez que ces tumeurs sont constituées par un tissu réticulé
dans les mailles duquel sont comprises des cellules lympha-tiques. Or, dans le foie, ces lymphomes occupent en premier lieu les espaces où la capsule de Glisson paraît tout entière transformée en un tissu réticulé au milieu duquel en aperçoit encore dans les premières phases de l'évolution la lumière des vaisseaux et des canalicules biliaires.
Revenons à la composition anatomique de ces régions que nous avons appelées espaces inter lobulair es, et nous y trou-verons en quelque sorte la raison d'un bon nombre de ces localisations sur lesquelles nous venons d'appeler votre atten-tion. Ce sont, en somme, les vaisseaux veineux (émanant de la veine porte), les vaisseaux artériels ou les canaux biliaires qui semblent être à peu près toujours l'origine des altéra-tions pathologiques. La capsule de Glisson peut être sans doute affectée primitivement, mais il est vraisemblable que, la plupart du temps, elle n'est altérée que d'une façon con-sécutive.
Le tubercule miliaire, entre autres, dans le foie de même que dans bien d'autres parties de l'organisme, paraît se déve-lopper soit dans le calibre même (Schuppel), soit dans l'épais-seur des parois des arterioles (Rindfleiscli), branches termi-nales de l'artère hépatique. Les syphilomes miliaires seraient primitivement, d'après quelques auteurs, une altération des vaisseaux lymphatiques interlobulaires (Klebs). — On conçoit que le pigment charrié par les corpuscules blancs du sang, dans le système porte, en cas de mélanémie, vienne s'accu-muler surtout dans les ramifications ultimes de cette veine au moment où elles vont se capillariser. — Il est facile de com-prendre enfin que les diverses inflammations soit de la veine porte, soit des canalicules biliaires retentissent aisément sur le tissu conjonctif de la capsule de Glisson et y déterminent, suivant le cas, une inflammation suppurative ou, au con-
traire, une simple hyperplasie, ainsi que cela se produit dans le cas de la cirrhose vulgaire.
Cet aperçu sommaire nous conduit, dès à présent, à suppo-ser que l'hépatite interstitielle hyperplasique en particulier, ou autrement dit la cirrhose, est loin d'être d'habitude, comme on le croit généralement, le résultat d'une inflammation pri-mitive delà capsule deGlisson, mais que, dans bien des cas, dans la plupart peut-être, elle ne survient au contraire que consécutivement à une altération des vaisseaux sanguins ou des canalicules biliaires interlobulaires. C'est là une hypo-thèse que je ne fais qu'indiquer pour le moment, et sur la-quelle je reviendrai plus amplement lorsque je vous entre-tiendrai de la cirrhose du foie. Toutefois je puis annoncer dès aujourd'hui, que quelques faits de pathologie expérimen-tale rendent cette hypothèse au moins fort vraisemblable. Ainsi, M. Solowieff (1) à la suite de la ligature de la veine porte a vu se développer une hyperplasie de la capsule de Glisson dans les espaces. Wickham Legg (2) a consigné les mêmes résultats après la ligature des conduits biliaires. J'ai répété ces expériences dans mon laboratoire de la Faculté et j'ai pu noter, en quelque sorte jour par jour, le développe-ment des espaces et des interstices jusqu'à production d'une cirrhose interlobulaire à peu près complète. Voilà, Messieurs, des faits qui pourront être utilisés pour la pathogénie encore si obscure de la cirrhose.
(1) Virchow's Archiv,ï. xn, fasc. 2, et Gazette médicale, 1875, p. 166.
(2) Bartholomew's Hospital Reports, t. ix, 1873.
SIXIÈME LEÇON
Espaces interlobulaires. — Localisations anatomo-pathologiques dans ces espaces (suite). — Physiologie pathologiques du foie. — De la bile.
Sommaire. — Localisations des lésions hépatiques dans les espaces interlobu-laires. — Caractère commun : hyperplasie conjonctive interlobulaire. — Cir-rhoses consécutives : ligature de la veine porte ; résultats expérimentaux. — Nécessité d'une connaissance exacte du mode de distribution des vaisseaux sanguins ou biliaires dans les espaces interlobulaires. — Veine porte, ses bran-ches principales, branches vaginales, canaux portes. — Artère hépatique; ra-meaux artériels. — Canaux biliaires.
Physiologie pathologique du foie. — Opinion des anciens. — De la bile: ca-ractères physiques, chimiques ; — sels, matières colorantes. — Analyse de la bile.
De la cholestérine ; ses caractères ; son origine ; sa nature. — Action sur l'or-ganisme de la cholestérine retenue dans le sang. — Travaux de M. Flint fils.
Messieurs,
Je me propose de consacrer la leçon d'aujourd'hui, pour la majeure partie du moins, et aussi quelques-unes de celles qui suivront, aune étude, faite à notre point de vue spécial, de la physiologie du foie et de la constitution de son produit de sécrétion — la bile. Mais auparavant, je voudrais ajouter quelques détails complémentaires à l'exposé anatomique que je vous ai présenté dans les séances précédentes.
I.
En terminant lundi dernier, je m'efforçais de vous mon-trer par des exemples l'intérêt qui s'attache aux localisations d'un certain nombre de lésions hépatiques, dans les espaces interlobulaires. Je vous faisais voir en même temps que pour la plupart ces lésions,, ainsi localisées et qui presque toutes ont pour trait commun de déterminer une hyperplasie con-jonctive interlobulaire aux dépens de la capsule de Glisson, ont leur origine dans les vaisseaux sanguins, artériels ou veineux, dans les lymphatiques ou encore les canalicules biliaires.
C'est de la sorte que se produisent diverses hépatites interstitielles ou cirrhoses évidemment consécutives et l'on peut se demander si, contrairement à l'opinion dominante, la majorité des altérations du foie, désignées sous le nom de cirrhoses et considérées comme affectant primitivement la capsule de Glisson n'aurait pas ce même caractère de dériver d'une lésion des vaisseaux. C'est là une hypothèse que je vous signale; j'aurai amplement l'occasion de la dis-cuter à propos de la description spéciale des cirrhoses hépa-tiques. Toutefois je désire, dès maintenant, vous montrer que l'existence de ces cirrhoses consécutives est fondée sur quelques preuves expérimentales.
A. M. Solowieff, ainsi que je le disais l'autre jour(l), a constaté, à la suite de ligatures de la veine porte faites chez les animaux, une hyperplasie de la capsule de Glisson dans les espaces interlobulaires. — M. Wickam Legg (2), opé-
(1) Loc. cit.
(2) Bartholomew's Hospitai Reports, t. ix. 1873.
rant, je crois, sur des chiens, a noté des résultats analogues après la ligature des conduits biliaires. — De notre côté, dans le laboratoire de la Faculté, nous avons observé le même phénomène chez le cochon d'Inde, qui paraît très propre à ce genre d'expérience et supporte admirablement cette grande lésion.
De ces expériences, il ressort que, immédiatement au-des-sus de l'endroit où la ligature a été pratiquée, tout le long du cours des canaux biliaires, jusque dans les dernières rami-fications interlobulaires, on voit : 1° une dilatation remar-quable de ces conduits qui, cependant, conservent leur revêtement épithélial, indice d'une végétation considérable des cellules épithéliales ; — 2° une hyperplasie de la capsule de Glisson. Cette hyperplasie qui s'effectue en conséquence d'une prolifération exubérante de tous les éléments conjonctifs (1), très accusée au-dessus de la ligature du canal cholédoque, peut être suivie en remontant dans le foie jusque dans les espaces interlobulaires.
Dans un cas où le cochon d'Inde avait survécu douze jours, ces espaces, dans le foie tout entier, étaient considérable-ment agrandis et réunis par des fissures élargies, de telle sorte que le lobule hépatique était absolument enveloppé par une zone conjonctive, en même temps que la substance même du lobule tendait à se rétrécir de plus en plus. Il semble donc que, en pareille circonstance, l'irritation s'était propagée le long de la paroi propre du revêtement des ca-naux et de la capsule de Glisson, du point lésé parla ligature jusque dans les espaces interlobulaires. Voilà, Messieurs, un fait susceptible d'être utilisé en temps opportun pour éclairer la pathogénie, si obscure encore de la cirrhose du foie. (Voyez Planche I, flg. 1, 2, 3, 4, et Pl. II, fig. 3.)
(1) Les cellules plates et les faisceaux fibriilaires composent la capsule de Glisson dans les conditions normales.
B. L'exposé de ces faits me conduit encore à relever l'in-térêt particulier qui s'attache à une connaissance exacte du mode de distribution des vaisseaux sanguins ou biliaires dans les espaces interlobulaires. Mais, pour réaliser ce but, il faut prendre les choses de loin et montrer comment les vaisseaux, après avoir pénétré dans le hile,, se répandent dans la substance du foie. Je serai très bref sur ces détails qui, presque tous, vous sont présents à l'esprit.
Io Considérons d'abord la veine porte. Dans son trajet intra-hépatique, elle se ramifie suivant le mode dichotomique et arrive, en fin de compte, à fournir, suivant ce mode, des petits vaisseaux qui s'enfoncent dans les espaces interlobu-laires.
Les ramifications qui se produisent ainsi portent le nom de branches principales. Mais il est d'autres branches, et c'est là une particularité digne d'être relevée, qui, chemin faisant, même sur les gros troncs, se détachent perpendiculairement, se répandent dans la capsule de Glisson et fournissent des rameaux qui s'insinuent entre les lobules, formant de la sorte, selon un deuxième mode, des veines interlobulaires. On ap-pelle branches vaginales (Kiernan), les veinules qui partent ainsi à angle droit des ramifications principales de la veine porte.
Pour bien vous faire comprendre cette distribution des branches vaginales, je dois vous dire un mot de la conforma-tion des grands espaces intra-hépatiques qui logent les vais-seaux portes principaux et leurs satellites (artères hépatiques, canaux biliaires). On désigne ces grands espaces sous le nom de Portal-Canals, canaux portes (Kiernan), les distinguant de cette maniere des espaces interlobulaires qui n'en sont d'ailleurs que l'aboutissant.
Les canaux portes sont nécessairement limités de toutes
parts par les lobules hépatiques qui en forment la paroi. Mais les lobules se présentent là toujours par la base. Celle-ci compose seule, au contraire, la paroi des canaux veineux sub-lobulaires. Le vaisseau est constamment séparé du lobule par une épaisseur plus ou moins grande de tissu conjonclif (capsule de Glisson) qui pénètre entre les lobules, portant avec lui des ramifications vaginales qui, une fois dissémi-nées dans les espaces, prennent la dénomination de veines interlobulaires. Afin de bien saisir ces dispositions, il con-vient de considérer : Io des coupes longitudinales ; 2° des coupes transversales (1).
Que leur origine soit la division dichotomique ou le sys-tème des veines vaginales, les vaisseaux portes interlobulai-res se comportent tous dans les espaces absolument de la même façon. 11 y a quatre ou cinq rameaux autour de cha-que lobule. Ces rameaux envoient des branches qui se distri-buent aux lobules voisins. Ces divers rameaux ne s'anasto-mosent pas entre eux, de telle sorte que les branches de la veine porte doivent être considérées, par rapport aux lobules hépatiques, comme des artères terminales en ce sens que, si la circulation était interceptée dans l'une de ces bran-ches, elle ne pourrait se rétablir que par la voie des capil-laires, puisqu'il n'y a pas de voies collatérales. Cette dispo-sition est remarquable quand on se souvient que dans les autres organes à artères terminales, — je compare ici la veine porte à une artère dont elle remplit pour ainsi dire les fonctions, — les infarctus par oblitération artérielle sont chose vulgaire (cerveau, rate, reins), tandis qu'ils sont rares dans le foie. Quoi qu'il en soit, les rameaux qui viennent d'être décrits donnent naissance aux capillaires que nous avons appris à connaître sous le nom de vaisseaux radiés.
(1) Voir les planches du mémoire de Kiernan, Pl. xxi, fig. 5 et Pl. xxn, fig. 2.
2° Ces notions, relativement à la veine porte, me paraissent suffisantes, je vais donc maintenant vous dire un mot de la distribution de l'artèie hépatique. C'est le plus petit des trois vaisseaux principaux qu'on voit dans les canaux portes et dans les espaces. Il y a souvent deux troncs artériels pour un seul tronc veineux. On distingue trois ordres de rameaux ar-tériels : a) Les capsulaires que j'omettrai pour le moment; — b) Les vasculaires destinés aux parois de la veine porte et surtout des canaux biliaires ; la distribution artérielle sur ces dernières est tellement riche que, quand une injection des artères,, faite, avec une substance rouge, a bien réussi, les pa-rois des canalicules biliaires hépatiques se montrent aussi rouges que celles des vaisseaux artériels; — c) Le troisième ordre est constitué par des artères interlobulaires très petites qui arrivent dans les espaces en manière de satellites des veines portes interlobulaires et qui se distribuent en se capil-larisant dans la substance du lobule. Ce fait, contesté pen-dant longtemps, est aujourd'hui indubitable ainsi que j'aurai l'occasion de le prouver dans une autre circonstance.
3° Pour finir, je n'ai plus qu'à vous parler un instant des canaux biliaires, Vous connaissez suffisamment, par nos entretiens antérieurs, les particularités de structure qui les concernent et les modifications que celles-ci présentent à mesure que le canal devient plus étroit. Actuellement, je ne veux appeler votre attentiou que sur le mode de distribution générale de ces canaux. De même que pour la veine porte, il convient de distinguer: a) les branches principales qui se forment suivant le mode dichotomique ; b) les branches vaginales qui se séparent à angle droit des branches prin-cipales, même les plus volumineuses ; mais, contrairement à ce quia lieu pour la veine porte, les rameaux secondaires comme les principaux, fournissent un réseau anastomotique
que l'on retrouve jusque dans les espaces et dans les fissures interlobulaires. Ainsi, les dernières branches interlobulaires envoient à la surface du lobule un réseau d'où partent les capillaires biliaires (Kôlliker). Il importe de ne pas oublier cette disposition, afin de bien apprécier certaines apparences de l'état pathologique.
Je m'arrête ici en ce qui a trait aux notions anatomiques. Ce serait pourtant l'occasion de vous parler des vaisseaux lymphatiques et des nerfs du foie, mais c'est là une étude que nous pourrons faire dans d'autres circonstances, et j'ai hâte d'en venir à la physiologie et à la bile.
II.
La plupart des auteurs qui, de nos jours, traitent de la physiologie pathologique du foie, ont l'habitude d'évoquer à ce propos, en manière de préambule, la physiologie de l'an-tiquité, et de montrer comment les anciens s'étaient fait, à cet égard, à l'aide de méthodes imparfaites, des opinions qui, cependant, ne s'éloignent pas radicalement de celles qui re-posent aujourd'hui même sur la science la plus avancée (1).
C'est ainsi que Galien, pour ne pas remonter plus haut, considérait le foie : 1° comme le foyer de la chaleur animale ; 2° comme le siège de la sanguification. Les veines mésa-raïques étaient chargées de conduire le liquide nutritif venant de l'intestin au foie par la veine porte, qu'on appelait tout simplement la porte. Et c'est dans le foie que l'on supposait que se passait la) la processus de sanguification ; b) le proces-sus de génération de la chaleur animale. Ceci accomplit le sang reconstitué, régénéré, se rendait au cœur droit par les veines hépatiques.
(1) Voir entre autres : Beau : L'appareil sple'no-hépatiq. (Arch. de méd., 1851, t. xxv.) — Murchison. Funclionnal derang. of the Liver. London, 1874
Pendant près de seize siècles, cette physiologie de Galien, que ne dément pas la physiologie moderne, au moins dans ses grands traits, a régné sans conteste et, au XVIIe siècle, Harvey l'admettait encore. Mais la découverte, vers le milieu du XVIIe siècle, des vaisseaux lactés, montrant que le chyle passe en dehors du foie, est venue tout bouleverser un ins-tant. On en conclut alors trop vite que le foie ne sert pas à la sanguification. 11 descendit de son rang ; on le crut frappé à mort et l'on fit même son épitaphe. C'est un célèbre méde-cin danois, Th. Bartholin, qui se chargea de ce soin, dans une lettre à Riolan, médecin français très érudit, mais.... par-tisan déclaré de la résistance. Le foie, dit-il, ou à peu près, vit encore pour sécréter la bile : mais, comme organe sanguificateur, il est mort. Allons à ses obsèques; il ne revien-dra jamais.
.....Facilis descensus A verni
Sed revocare gradum, etc.... (1).
Aujourd'hui, par un retour fréquent dans les choses hu-maines, le foie revit avec toutes les fonctions que les anciens lui avaient attribuées. 11 est bien, ainsi que le croyait Galien, un des principaux foyers de la chaleur animale, un des prin-cipaux organes de l'hémopoèse et la fonction de sécréter la bile n'est pas la plus importante de celles qui lui appartien-nent. C'est ce que vous allez reconnaître dans l'exposé qui va suivre.
III.
Nous commencerons cette seconde partie de nos leçons par l'examen de la bile et de la sécrétion biliaire. La bile de l'homme, recueillie durant la vie, dans le cas par exemple
(1) Riolan (J.). — Defensio Vasorum lacteorurn et Lymphaticorum adversus Hafnise, 1655, p. 8.
d'une fistule biliaire, se présente sous l'aspect d'un liquide clair, limpide, d'une couleur jaune d'or, d'une saveur sucrée d'abord, puis amère, d'une odeur musquée quand on la chauffe, d'une réaction neutre, d'un poids spécifique de i 020 à 1032 ; elle ne renferme alors aucun élément figuré appréciable au miscroscope.
Dans le cas où la bile a séjourné dans les réservoirs natu-rels après la mort ou dans certaines conditions pathologiques, c'est un liquide d'un brun sombre, verdâtre quelquefois, de consistance visqueuse (par suite de l'adjonction delà mucine), d'une réaction alcaline, acide même, si la putréfaction s'en est emparée, et au milieu duquel le microscope décèle la pré-sence d'éléments figurés, plus ou moins fortement colorés, des cellules d'épithélium cylindrique, des gouttelettes huileu-ses, souvent des vibrions. Les cellules hépatiques y feraient toujours défaut (Kólliker.)
Le procédé sommaire de l'évaporation fait reconnaître que la bile contient un résidu sec de 9 à 18 sur 100 d'eau. La composition chimique de ce résidu sec a été pendant long-temps l'objet de discussions et de contradictions, les princi-pales difficultés paraissent aplanies depuis les travaux de fetrecker (1848).
Les ingrédients qui composent ce résidu sont, pour la ma-jeure partie (55 à 70 pour 100), les suivants : Io Les sels à acides biliaires, glycocholate et taurocholate de soude, produits vraiment spéciaux de la sécrétion biliaire, doués très proba-blement dans la bile du rôle physiologique le plus important et, ce qui nous touche particulièrement dans nos études, exerçant, à dose élevée, sur l'organisme, une action toxique.
2° Après cela, viennent en proportion beaucoup moindre, des principes qui paraissent plus particulièrement destinés à être éliminés du système : ce sont : a) la matière colorante ou pigment biliaire; — b) la cholestérine ; — c) des sels
minéraux à savoir surtout : des phosphates de soude, de po-tasse, de fer, le chlorure de sodium. — 3° Enfin, la bile con-tient habituellement du cuivre.
Afin de vous faire mieux apprécier la proportion relative de ces divers éléments, je mettrai sous vos yeux l'analyse classique que Frerichs a donnée de la bile d'un homme âgé de 22 ans, mort par accident:
Eau....................................... 859, 2.
Résidu solide.............................. 140, 8.
Glycocholate| desoude _ 91 4. Taurocholate )
Pigment et mucus....... 29,8.
Graisse....................
Gholestérine.............. ^,6.
Sels...................... 7 7-
140,8
IV.
Examinons en particulier chacun de ces éléments, en com-mençant par la cholestérine. Cette substance nous intéresse spécialement, car c'est elle qui forme la presque totalité de la plupart des calculs biliaires, concrétions qui jouent un rôle si prédominant dant la pathologie hépatique. En déterminant, par leur présence, dans les voies biliaires, des lésions de canalisation (Tlruveilhier), plus oumoins graves, elles occa-sionnent, on peut le dire, toute une iliade de maux que nous aurons à vous raconter.
1° La cholestérine, telle qu'on l'obtient dans le laboratoire ou telle qu'on la rencontre quelquefois au sein des organes, ayant subi des altérations pathologiques, est une substance nacrée blanche, sans goût, insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool, fusible et, en masse, brûlant avec une flamme blanche. Elle s'offre à l'œil nu sous forme de paillettes bril-
Ghargot. Œuvres complètes, t. vi. Maladies du foie. 5
lantes, micacées, et, au microscope., sous formes de tablettes rhomboïdriques (système du prisme rhomboïdal oblique), dont les angles sont souvent dentelés. Si ces caractères ne suffisaient pas, Line réaction pourrait être invoquée (1). a) L'acide sulfurique produit sur ces paillettes une coloration rouge brun, pourpre, et la paillette se dissout; — b) si, après l'acide sulfurique, on ajoute de l'iode, les tablettes prennent une coloration rouge, carmin, jaune, bleue.
La cholestérine est un corps ternaire neutre. La chimie moderne (Berthelot) la rattache au groupe des alcools : ce serait un alcool monoatomique, analogue à l'esprit-de-vin.
2° Dans la bile, cette substance existe, comme on l'a vu, en faible quantité, à l'état normal ; mais elle y est un produit constant. Sa proportion, dans les conditions morbides, aug-mente d'une façon absolue ou relative et c'est ainsi que se forment un certain nombre de concrétions biliaires. La cho-lestérine est tenue en dissolution dans la bile par les acides biliaires et elle s'y concrète lorsque ceux-ci, par suite de la putréfaction, subissent un dédoublement.
A. D'où vient la cholestérine ? Un seul auteur, M. Beneke, soutient aujourd'hui qu'elle se fait dans le foie ; ce serait, d'après lui, un produit de la sécrétion hépatique qui jouerait un rôle dans la digestion, en contribuant à la résorption des graisses dans l'intestin.
Tous les autres auteurs pensent qu'elle se forme dans d'autres régions de l'organisme et qu'elle est seulement éli-minée par le foie. De la même manière que l'urée est éliminée etnon à proprement parler sécrétée parles reins, la choles-térine serait évacuée avec la bile dans l'intestin où elle subi-rait une transformation (stercorine). Ce serait un excrément
(1) Funkel — Atlas. Tabl. vi, fig. 2 et 3.
et non pas un agent actif dans la digestion. Ces notions sont dues surtout aux travaux de Austin Flint fils (1868) (1).
La Cholesterine se trouve dans le sang. Mais, sa présence dans le liquide sanguin, depuis longtemps constatée, ne suf-fit pas pour prouver que le foie n'est pas son foyer de forma-tion. Sa préexistence dans le sang est établie, dans le tra-vail de M. Flint, sur les données suivantes :
Le sang de la veine porte contient ce principe en telle quan-tité qu'on l'y trouve parfois sous forme de paillettes. Au con-traire,le sang de la veine sus-hépatique en renferme beaucoup moins. Une certaine quantité de Cholesterine a donc été sépa-rée par le foie. Des expériences de MM. Pages, de Feltz et Ritter, expériences, à la vérité un peu sommaires, plaident dans le même sens. Ces auteurs ont cherché à détruire le foie en injectant dans le canal cholédoque du sulfate ferreux. Dans un cas, l'animal a vécu trois jours. Le foie était ratatiné et présentait une coloration jaune dans toutes ses parties, sous l'action du sulfate de fer. Or, consécutivement, la Cho-lesterine s'était accumulée dans le sang. Ainsi, tandis que chez un chien, avant l'expérience, le sang contenait 0, 8 à 0, 9 de Cholesterine sur 1000, — après, il en renfermait 3, 96 sur 1000.
B. Mais, ce n'est pas dans le sang que prend naissance la Cholesterine que le foie élimine. Depuis les recherches de M. Flint, on considère assez généralement cette substance comme un produit de désassimilation normale de la matière nerveuse.
On sait de longue date que les centres nerveux contien-nent normalement une forte proportion de Cholesterine Déjà
(1) Recherches expérimentales sur une nouvelle fonction du foie. Paris, 1868. — Voir aussi une communication faite par le môme auteur au Congrès de Phi-ladelphie. [New-York Médical Record, 23 septembre 1876.)
Vauquelin l'avait extraite du cerveau, sous le nom de stéa-rine cérébrale. Bibra a montré qu'un tiers de la masse encé-phalique, soluble dans l'éther, est constituée par de la Choles-terine. La substance blanche en posséderait plus que la grise.
Pour mieux prouver que la Cholesterine provient des centres nerveux, M. Flint a fait une analyse comparative du sang de la carotide d'un chien et du sang de la veine jugulaire du même animal. Or, tandis que pour 1000 le sang de la carotide donnait 0, 967 de Cholesterine, celui de la jugulaire en fournis-sait 1, 5.
Il y a toute raison de croire qu'après ces chiffres qui parai-tront sans doute un peu trop forts, que la Cholesterine est au cerveau ce que l'urée est au sang (Gauthier), en supposant que ce soit la désassimilation du sang qui produise l'urée.
Quelle est l'action sur l'organisme de la Cholesterine si elle vient à s'accumuler dans le système en conséquence d'une lé-sion soit organique, soit fonctionnelle du foie? Dans un cas de cirrhose, où il y avait accumulation de Cholesterine dans le sang, M. Flint a été conduit à attribuer les accidents ner-veux mortels qui s'ensuivirent à l'action même de la Choleste-rine et, généralisant cette vue, il met encore sur le compte de cette substance les accidents nerveux qui résultent de l'a-trophie jaune aiguë du foie.
C'est ici que la majorité des auteurs abandonnent M. Flint, après l'avoir suivi dans la première partie de sa thèse. A défaut d'observations cliniques suffisamment nombreuses, on a pro-cédé par la méthode des injections chez les animaux. Entre les mains de MM. Pages, Chomjakow, les résultats ont été absolument négatifs. Cependant, M. Koloman Muller (1) a avancé qu'une injection de Cholesterine dans le sang provoque des accidents nerveux mortels. Mais, de nouvelles expériences
(1) Archives de Naunyn, t. i.
ont contredit celles de M. Muller. Kruseintein (1), Feltz et Rit-ter assurent n'avoir pas noté de phénomènes nerveux après les injections de Cholesterine. Seulement, suivant ces derniers auteurs, si la quantité de Cholesterine injectée est excessive, elle devient insoluble, joue le rôle de corps étranger et déter-mine par le mécanisme de la trombose ou de l'embolie des accidents dont la gravité et la forme dépendent du siège de la lésion.
En résumé, il semble établi; 1° que la Cholesterine est un produit de désassimilation qui est éliminé par le foie et passe dans l'intestin avec la bile ; 2° que l'accumulation de la Cho-lesterine dans le sang, à la suite de certaines lésions fonction-nelles et organiques du foie, n'est pas la cause des accidents graves qui se manifestent quelquefois dans le cours de ces affections. Voilà, Messieurs, des résultats intéressants par eux-mêmes et que, plus tard, nous aurons besoin de mettre à con-tribution.
(1) Virchow's Archiv, 1875, 65, Bd.
SEPTIÈME LEGÓN
Delà bile (suite). — Du pigment biliaire.
Sommaire. — Du pigment biliaire. — De la bilirubine ; ses caractères physiques et chimiques. —Réactions qui permettent de la reconnaître : réaction de Gme-lin.—La bilirubine provient de la matière colorante du sang; preuves à l'appui de cette opinion. — Rôle et propriétés de la bilirubine.
Messieurs,
J'ai exposé dans la dernière leçon quelques documents re-latifs à l'un des éléments de la bile, la Cholesterine. Poursui-vant ma tâche, je vais aujourd'hui vous entretenir du pigment biliaire. Un coup d'œil jeté sur l'analyse de Frerichs que je place de nouveau sous vos yeux (1), vous montre que ce pig-ment existe dans la bile en bien plus forte proportion que la Cholesterine. Son rôle physiologique, d'ailleurs, ne paraît pas être, dans le produit de la sécrétion, beaucoup plus important
(l)Eau..............-..................... 859,2.
Résidu solide.............................. 140, 8.
Glycocholate Taurocholate de soude.... 91,4.
Pigment et mucus......... 29,8.
Graisse.............. ... 9,3.
Cholestérine............... 2,6.
Sels.................... 7,7.
140,8
que ne l'est celui de la cholestérine. Mais, de même que cette dernière substance, le pigment entre dans la composition d'un très grand nombre de calculs biliaires et, à ce point de vue déjà, il nous intéresse d'une façon spéciale. J'ajouterai que le pigment biliaire se rencontre fréquemment sous forme de masses amorphes ou cristallines, au sein des liquides ou des tissus, dans un grand nombre de lésions organiques du foie. A chaque pas, du reste, nous aurons à apprécier le rôle du pigment biliaire dans l'ictère qui accompagne si communément une foule de lésions hépatiques.
A. On parle souvent des pigments biliaires. En réalité, à l'état normal, on ne trouve qu'une seule substance méritant ce nom: c'est la bilirubine. Les autres pigments connus sous les noms de biliverdine, biliprasine, bilifuscine, etc., pa-raissent être des dérivés de la bilirubine.
a) La bilirubine est un principe azoté, non albuminoïde. Qu'elle soit préparée par le chimiste, déposée dans la bile stagnante ou extraite de certains kystes hydatiques du foie, elle se présente sous l'aspect : tantôt d'une poudre rouge amor-phe, analogue au kermès (soufre doré) ; tantôt de concrétions, d'aiguilles, n'ayant pas une disposition cristalline nettement définie ou bien encore sous la forme de cristaux. On obtient ces derniers par l'action du chloroforme, du sulfate de car-bone, delà benzine, des liquides alcalins, qui sont les prin-cipaux dissolvants de la bilirubine ({). Ce sont des cristaux rhomboïdriques, d'un rouge rubis ou orangé et fort analogues par conséquent aux cristaux d'hématoïdine. L'hématoïdine, vous le savez, est un produit qui prend naissance dans les cas d'épanchement de sang au sein des tissus ; c'est à elle, par exemple, qu'est due la coloration jaune des foyers ocreux
(1) Frerichs. — Atlas, 2 hei'l, t. xiv, 1, 2 et 3. Funke, t. ix, fig. 3.
cérébraux. Quelques auteurs admettent que les deux subs-tances sont identiques, morphologiquement et chimiquement. M.Frey(l) fait remarquer qne les faces convexes des prismes de bilirubine sont fortement courbées, ce qui n'aurait pas lieu pour l'hématome.
b) Dans la bile, la bilirubine paraît être tenue en dissolu-tion par les acides biliaires. Il est, Messieurs, une réaction qui permet de reconnaître la biliburine, même dans les solu-tions très étendues, c'est la réaction dite de Gmelin. Si on fait tomber goutte à goutte l'acide nitrique nitreux dans une capsule contenant une solution de bilirubine, on voit la solu-tion présenter successivement les colorations vert, bleu, violet, rouge, jaune et brun. Si on fait, au contraire, tomber quel-ques gouttes de la solution dans l'acide, il se produit plusieurs couches successives offrant les colorations susdites dans l'ordre indiqué. La réaction de Gmelin est fort belle quand la bilirubine est dissoute dans le chloroforme.
Il est encore d'autres réactions plus ou moins intéressantes et plus ou moins fidèles de la bilirubine ; malgré cela, on en revient toujours à celle de Gmelin. Je dirai seulement un mot de celle de Schwanda qui est propre à la bilirubine, c'est-à-dire n'appartient pas aux autres pigments biliaires. L'acide acétique chauffé avec la bilirubine donne une coloration verte. La réaction de Gmelin est commune, ainsi que l'a fait voir M. Gubler, à la bilirubine et à l'hématoïdine, et ce serait là encore un argument en faveur de l'identité des deux subs-tances (2). Toutefois, il y a une petite différence, signalée par M. Gubler lui-même : la coloration verte prédomine et per-siste davantage dans le cas de la bilirubine, tandis que c'est
(1) Traité d'histologie, p. 59.
(2) Robin et Verdeil.— Traité de chimie anatomique. Atlas, Pl. xvm, fig. 5.
la coloration violette qui l'emporte dans le cas de l'héma-toïdine.
B. D'où vient la bilirubine? Nous savons qu'elle existe à l'état normal dans les cellules hépatiques où le microscope et l'analyse chimique (Kühne) en décèlent la présence. Mais y est-elle formée par un acte sécrétoire, ou, préexistant dans le sang, est-elle simplement éliminée comme l'est la Choleste-rine ?
Le fait est qu'on ne la rencontre pas dans le sang normal, ou tout au moins que la chimie, jusqu'ici, a été impuissante à la découvrir ; de plus, dans les expériences, déjà anciennes, d'extirpation du foie, pratiquées chez les animaux inférieurs par Moleschott et Kunde, le pigment biliaire ne s'accumule pas dans le sang.
Néanmoins, il y a tout lieu de croire que la bilirubine prend naissance aux dépens de la matière colorante du sang, des globules rouges, et, par conséquent, en vertu d'une action spéciale du foie. Bien que les arguments sur lesquels s'appuie cette thèse soient tous indirects, ils ont pourtant leur poids, ainsi que vous allez le reconnaître.
1° On fait ressortir d'abord les relations chimiques qui exis-tent entre Vhématine, produit de décomposition de la matière colorante du sang ou hémoglobine et la bilirubine. L'héma-tine ne diffère de la bilirubine que parce que, dans celle-ci. un atome d'hydrogène remplace un demi-atome de fer qui entre dans la composition de la première.
2° On insiste ensuite sur l'identité, admise par quelques au-teurs, de la bilirubine et de Vhématoïdine, autre produit dé-rivé de l'hémoglobine. Mais j'ignore si cette identité peut être, aujourd'hui, acceptée sans réserve; je ne pense pas que l'on soit fixé, quant à présent, sur la composition de Yhématoï-
dine de provenance hématique. Les trois grammes de la sub-stance, recueillis dans un kyste du foie et dont l'analyse est présentée comme donnant la composition de l'hématoïdine, étaient très vraisembablement de provenance biliaire. En effet, trois grammes d'une pareille substance, s'il s'était agi réelle-ment d'un épanchement sanguin, supposeraient une grande quantité de sang épanché. Or, on sait que les épanchements sanguins de quelque abondance sontlrès-rares dans les kystes hydatiques en général et dans ceux du foie en particulier et l'on sait, d'un autre côté, que dans les kystes hydatiques du foie, dans ceux-là seulement, ainsi que M. Davaine, moi-même et M. Potain l'avons fait remarquer, on observe, en dehors de toute trace d'hémorrhagie, des amas cristallins ou amorphes rouges, semblables à l'hématoïdine, mais évidemment d'ori-gine biliaire Cl).
3° On invoque, en troisième lieu, des preuves d'ordre ex-périmental. Toutes les substances, qui ont la propriété de dé-truire les globules rouges et de mettre en liberté l'hémoglobine, lorsqu'elles sont injectées dans le sang, ont pour effet de faire passer la matière colorante de la bile dans l'urine, où les ré-actifs la mettent en évidence; tels sont les acides biliaires, le chloroforme, l'eau elle-même. C'est sur cet ordre de faits, comme nous le verrons plus tard, qu'est fondée en grande partie la théorie de Victère hématogène. Dans ces derniers temps, la valeur de ces expériences a été contestée, il est vrai, par M. Naunyn. Toutefois, suivant cet auteur, si l'hémo-globine dissoute, injectée dans le sang, ne détermine pas — il l'affirme du moins — le passage de la matière colorante biliaire dans les urines, il n'en est plus de même quand l'hé-
(1) Voir à ce propos la thèse de M. Habran : De la bile et de l'hématoïdine dans les kystes hydatiques. Paris, 1869.;— Charcot, OEuvres compl., t. vin, p. 258, etc.
moglobine dissoute est injectée dans l'intestin : l'urine, en pareille circonstance, offre toujours la réaction de Gmelin. Ces faits tendent à montrer, vous le voyez, Messieurs, que le foie aurait le pouvoir de produire la bilirubine aux dépens de l'hémoglobine dissoute.
C. Il faut ajouter en dernier lieu, et cet argument n'est pas le moins intéressant, que, d'après les documents les plus ré-cents, en opposition avec ce qu'avait avancé Lehmann, il s'opère dans le foie, non pas une production, mais au contraire une destruction des globules rouges. Le fait peut être constaté en comparant à ce point de vue le sang de la veine porte à celui de la veine hépatique. La diminution de l'hémoglobine a été démontrée cliniquement par Gréhantet la diminution du nom-bre des globules rouges a été mise hors de doute par M. Ma-lassez dans sa thèse inaugurale, à l'aide de la méthode de numération qu'il a imaginée.
Quel est le rôle de la bilirubine? Il est très effacé sans doute; c'est fort probablement un excrément. 11 y a des raisons de croire que, dans l'intestin, elle se transforme en partie en me substance qu'on retrouve dans l'urine et qu'on a dénom-mée urochrome. Cette relation entre la bilirubine et l'uro-chrome permet de comprendre pourquoi les affections du foie se traduisent si fréquemment par une modification plus ou moins prononcée dans la quantité et la qualité des pigments urinaires.
Suivant les expériences de Rohrig, reprises par MM. Feltz et Ritter (1), les solutions de bilirubine, injectées dans le sang, n'occasionneraient chez les animaux aucun phénomène appréciable sur l'organisme.
(1) Journal de Vanatomie et de la physiologie, 1874.
HUITIÈME LEÇON
Sels biliaires. — Altérations de la bile: La bile
incolore.
Sommaire. — Des sels biliaires; leur proportion dans la bile. — Glycocholate et taurocholate de soude ; caractère de ces sels. — Acides glycocholique et taurocholique. — Réaction de Pettenkofer. — Lieu de formation des acides biliaires. — Action dissolvante de ces sels. — Effets toxiques dus à la sura-bondance des acides biliaires dans le sang. — Ictère grave.
Rôle physiologique de la bile.
Altérations de la bile: Augmentation et diminution absolues ou relatives des principes constitutifs de la bile. —De la bile incolore. — Hydropisie de la vé-sicule biliaire. — Hydropisie des voies biliaires.
Messieurs,
Je vais, aujourd'hui, reprendre les choses où nous les avons laissées, lorsque nous nous sommes quittés il y a une dou-zaine de jours. Vous n'avez pas oublié que, passant en revue lés divers principes qui entrent dans la composition de la bile, j'ai commencé à vous exposer, en tant qu'elle vous con-cerne, l'histoire particulière des principaux d'entre eux.
Ce qui a été fait déjà pour la cholestérine et le pigment biliaire, je dois le faire à présent pour les sels biliaires qui constituent en somme les principes « prédominants, essen-tiels physiologiquement et caractéristiques de la bile » (Ch. Robin.)
I.
Les sels biliaires, ainsi que je vous l'ai fait remarquer en vous communiquant l'analyse de Frerichs, entrent pour une forte part dans le résidu solide, obtenu par l'évaporation de la bile. Quand, sur 140 du résidu solide, par exemple, la cho-ïestérine n'est représentée que par 2, 6, les sels biliaires at-teignent le chiffre de 91,4.
a) Les sels biliaires ne forment pas, à l'instar de la biliru-bine et de la cholestérine, des concrétions susceptibles d'être rencontrées par l'anatomo-pathologiste et capables de déter-miner des lésions de canalisation plus ou moins graves, mais pénétrant dans le sang, à dose quelque peu concentrée, sous l'influence de certaines lésions du foie ou de ses annexes, elles peuvent, comme nous allons le voir, exercer sur les glo-bules du sang une action dissolvante ; elles peuvent aussi, selon toute vraisemblance, produire des accidents d'intoxica-tion se traduisant par des phénomènes nerveux variés. Les sels biliaires, d'après cela, semblent jouer un rôle important dans la physiologie pathologique hépatique et, à cet égard, leur histoire nous intéresse particulièrement.
b) Ces sels sont au nombre de deux : le glycocholate de soude et le taurocholate de soude. Tous les deux existent, en proportion variable, dans la bile de l'homme. On ne trouve au contraire que le taurocholate de soude chez le chien et que le glycocholate de soude chez le bœuf.
c) Les deux sels sont obtenus, comme produit de labora-toire, sous forme cristalline. Les acides de chacun d'eux peuvent être à leur tour isolés par des procédés appropriés. L'acide glycocholique cristallise ; il offre une saveur sucrée,
puis amère. Vacide taurocholique ne cristallise pas ; c'est un liquide sirupeux, d'une saveur amère très prononcée. Les sels biliaires constituent, en définitive, Yamer biliaire ou principe amer du fiel.
c) Les acides glycocholique et taurocholique sont, comme on dit, des acides associés. Ils peuvent se dédoubler par hydratation et donner alors naissance: 1° à un radical com-mun, Vacide cholique ou cholatique, corps non azoté ; et 2° à deux amides qui sont: a. pour l'acide taurocholique, la taurine, corps cristallisable qu'on rencontre à l'état normal dans les fèces et qui contient du soufre ; — ¡3. pour l'acide glycocholique, la glycocolle ou sucre de gélatine on glycine de quelques auteurs.
Ce dédoublement ne s'opère pas seulement dans le labo-ratoire, il s'opère aussi naturellement, physiologiquement, dans l'intestin ou il retrouve la taurine et la glycocolle. L'acide cholique ou cholatique se change en acide choloïdique et en une substance qu'on appelle dyslysine.
d) Les acides, les sels biliaires et l'acide cholique ont une réaction qui permet dé reconnaître leur présence dans les divers liquides de l'organisme : c'est la réaction de Petten-kofer. Ni la taurine, ni la glycocolle n'offrent cette réaction. Voici en quoi elle consiste: On traite la solution concentrée des acides biliaires, par l'acide sulfurique dilué de quatre fois son poids d'eau et une solution concentrée de sucre ordi-naire. On ne doit pas chauffer, ou tout au moins au-dessous de 60° ; il se produit, au bout de quelques instants, une belle coloration d'un violet pourpre.
11 est possible, mais non, à la vérité, sans quelques difficul-tés pratiques, d'obtenir cette réaction avec l'urine des icté-rîques Dans l'ictère le plus vulgaire, on peut obtenir dans
les urines la réaction de Petlenkofer. M. Hoppe Seyler, en 1858, a en effet démontré, contrairement à l'opinion répandue jusqu'alors, que, dans l'ictère le plus simple, les acides bi-liaires passent dans l'urine en même temps que la matière colorante.
e) Où se forment les acides biliaires? Dans le foie, très certainement. Jamais on n'a constaté leur présence dans le sang normal et l'on sait, d'ailleurs, par les expériences d'extirpation du foie pratiquées chez les grenouilles (Moleschott, Kunde, MullerJ qu'ils ne s'accumulent pas dans le sang après cette ex-tirpation. Aux dépens de quels éléments du sang et suivant quel mécanisme ces acides prennent-ils naissance, c'est ce qu'on ignore quant à présent.
f) Ainsi crue je vous l'ai annoncé, les acides biliaires sont capables d'exercer sur divers éléments du sang une action dissolvante et, mêlés au sang, dans un certain degré de concentration, ils peuvent agir à la manière d'un poison vio-lent et occasionner des accidents nerveux graves.
a. Parlons d'abord de Vaction dissolvante des sels bi-liaires. V. Dusch, dans un travail publié en 1854, avait prétendu que la bile et les acides biliaires ont la propriété de dissoudre les cellules hépatiques, lorsqu'ils restaient en contact avec elles pendant un temps suffisamment prolongé. V. Dusch avait pensé fournir un appui expérimental à une hypothèse émise déjà par Rokitanski pour expliquer la destruc-tion des cellules hépatiques dans les cas d'atrophie jaune aiguë du foie. Il n'a pas été difficile de montrer que les observations de V. Dusch étaient fautives. M. Robin (i), puis M. Kuhne (2), enfin M. Wickham Legg (3) tout récem-
(1) Société de biologie, 1857, p. 14.
(2) VirchowS Archiv, 1858, Bd. xiv, p. 324.
(3) Barlholomew's Ilospital Reports, t. ix, p. 180, 1875.
ment ont repris l'expérience et prouvé que la prétendue dissolution n'a pas lieu.
Mais, il n'en est plus de même de Vaction dissolvante de la bile et des acides biliaires sur les globules du sang : elle ne fait pas l'ombre d'un doute ; c'est l'un des faits micro-chimiques les mieux établis. Mis en contact avec la bile ou avec les acides biliaires en solution à 12 pour 100 (1), les glo-bules rouges de l'homme disparaissent sans laisser de traces. Ceux de la grenouille sont détruits, à l'exception toutefois du noyau. A la place du globule rouge, on voit se former, sur la plaque de verre, un liquide jaunâtre, susceptible de cristal-liser et qui n'est autre, d'ailleurs, que l'hémoglobine. On s'est naturellement empressé de rattacher à cette action dissolvante de la bile et des acides biliaires certaines hémor-rhagies qui accompagnent quelquefois l'ictère. Nous aurons à rechercher jusqu'à quel point cette interprétation est légi-time.
Les leucocytes se dissolvent plus rapidement encore que les globules rouges par l'action de la bile ou des acides biliai-res. Dans le premier cas, la dissolution peut être effectuée au bout d'un quart d'heure. C'est pourquoi, ainsi que M. Robin l'a fait remarquer (2), une petite quantité de pus. mêlée à la bile, dans les voies biliaires, ne saurait y conserver ses ca-ractères, les leucocytes subissant bientôt une dissolution plus ou moins complète. Nous ne tarderons pas, du reste, à reve-nir sur ce point.
(3. Un mot maintenant, Messieurs, sur les effets toxiques, qui se produisent en conséquence de la présence dans le sang des acides biliaires, à un certain degré de concentration.
Vous n'ignorez pas que, dans l'ictère le plus simple, et c'est
(1) W. Legg, loc. cit.
(2) Traité des humeurs, p. 653.
là une remarque qui appartient à M. BoLiillaud (1), le pouls peut tomber très bas, jusqu'à 50 (Frerichs), 40 (Bouillaud), en même temps qu'on observe d'habitude un abaissement plus ou moins prononcé de la température centrale qui des-cend à 36°, 5.
M. Rohrig (2) et tout dernièrement MM. Feltz et Ritter (3) ont fait voir que les mêmes effets s'obtiennent expérimenta-lement chez les animaux par les injections de bile dans le sang.
M. Rohrig a montré de plus, par une sorte d'analyse expé-rimentale, que tous les principes de la bile ne sont pas aptes indifféremment à produire ce double effet. La cholestérine et la bilirubine, entre autres ne le produisent pas. La taurine et la glycocolle sont à cet égard absolument inertes. Cette action spéciale est dévolue aux acides et aux sels biliaires, au taurocholate surtout. L'acide cholique y donne également lieu.
Des expériences du même genre ont démontré en outre à MM. Felz et Ritter — conformément à ce qu'avaient déjà vu du reste MM. V. Dusch, Leyden et quelques autres — que, injectés dans le sang, à dose concentrée, les acides biliaires déterminent chez les animaux des accidents nerveux plus ou moins graves. Nous aurons à examiner en temps et lieu si cette propriété des acides biliaires est la cause de la produc-tion des phénomènes névropathiques qui s'observent dans une catégorie de cas d'ictère désignés depuis longtemps en raison de ces accidents, sous le nom d'ictère grave.
Je termine ici, Messieurs, cette étude analytique des princi-paux éléments de la bile. Je remets à une autre occasion, pro-
(1) Cliniqne médicale, 1837.
(2) Archiv der Heilkunde, 1863.
(3) Loc. cil.
Charcoï. Œuvres complètes, t. vi. Maladies du foie. 6
chaîne sans doute, l'exposé de quelques considérations relati-vement aux sels minéraux et aux matières grasses qui en-trent aussi dans la composition régulière de ce liquide.
Si nous étions astreints à nous conformer rigoureusement à l'ordre, en apparence du moins, le plus logique, le moment serait venu de vous entretenir du rôle physiologique du pro-duit de la sécrétion biliaire. Déjà je vous ai prouvé, à propos de la cholestérine et des matières pigmentaires que, pour une part importante, la bile est un liquide excrémentitiel.
On peut assurer à ce sujet que, en sécrétant la bile, le foie exerce une action épuratoire sur le sang qu'il débarrasse de certains produits. Ce dernier rôle, d'après quelques auteurs, serait même le plus important (1).
Il n'est guère douteux, toutefois que la bile ne joue un rôle efficace dans la digestion, soit en favorisant l'absorption des graisses et des matières albuminoïdes, soit en raison de son action antiputride. La connaissance de ces faits n'est nulle-ment à négliger dans la physiologie d'un bon nombre de lé-sions hépatiques et, à ce titre, elle nous concerne. Mais cette étude sera mieux placée, je pense, à l'époque ou nous traite-rons de la rétention biliaire telle qu'elle se produit, par exemple, à la suite de l'oblitération du canal cholédoque.
Actuellement, Messieurs, je crois opportun de vous donner quelques renseignements sur les altérations que la bile peut présenter dans sa constitution physique ou chimique.
Si l'on en juge par l'importance justement accordée aux altérations de l'urine dans la pathologie rénale, l'étude cor-respondante de la bile semble devoir offrir un grand intérêt. A priori, il ne paraît guère douteux que, de même que les
(1; Vulpian. — Revue des cours scientifiques, 1867, p. 74.
II.
altérations physiques ou chimiques de l'urine traduisent fré-quemment l'état anatomique des reins, de même aussi les altérations du foie doivent entraîner des modifications corres-pondantes dans la constitution physico-chimique du produit de sécrétion biliaire. Mais il ne faut pas oublier que l'examen de ce dernier liquide est entouré de difficultés que le clinicien ne rencontre pas lorsqu'il s'agit de l'urine. On peut se pro-curer l'urine presque à volonté, pendant la vie des malades ; la bile, au contraire, n'est obtenue pendant la vie que dans des conditions tout à fait exceptionnelles et, après la mort, il est possible qu'elle ait subi des altérations cadavériques qui en rendent l'étude bien moins intéressante. Le fait est que l'histoire des altérations de la bile est fort peu avancée, en quelque sorte à l'état rudimentaire. Voici sur ce sujet, cepen-dant, quelques données qui, je l'espère, ne vous paraîtront pas dénuées de valeur et suffiront probablement à vous faire reconnaître que ce domaine mériterait d'être exploré avec soin.
A. La bile peut être altérée en premier lieu par suite de l'accroissement absolu ou relatif des divers principes qui en-trent dans sa constitution normale. Ces principes peuvent alors cesser d'être tenus en solution et se déposent au sein du liquide sous forme solide.
a) C'est en particulier ce qui arrive pour la cholestérine quand il y a rétention ou stagnation biliaire, dans la vésicule, par exemple. Par suite de la concentration du liquide biliaire et aussi de certaines modifications chimiques qu'il subit, la cholestérine apparaît dans ce cas, ainsi que M. Chevreul l'a fait remarquer dès 1824, sous forme de paillettes brillantes, ce qui n'a jamais lieu dans l'état normal.
b) Dans ces mêmes circonstances, la bilirubine peut se
concréter, elle aussi, sous forme soit d'aiguilles cristallines, soit de masses amorphes, pulvérulentes, s'agrégeant de façon à composer une pâte noirâtre, qu'on trouve quelquefois for-mant le moule interne des canaux biliaires.
Ces dépôts de cholestérine et de matière colorante de la bile sont, pour ainsi dire, un acheminement vers la forma-tion de calculs biliaires proprement dits. Ceux-ci sont com-posés, pour la majeure partie, d'un noyau central formé prin-cipalement de matière colorante et d'une zone radiée, constituée par de la cholestérine. Je ne m'arrêterai pas da-vantage sur la pathogénie des calculs biliaires, réservant pour plus tard cette étude.
L'augmentation de la matière colorante a encore été signa-lée dans l'ictère par Scherer (Gautier) ; — celle des graisses a été mentionnée chez les tuberculeux où Gorup Besanez aurait découvert des cristaux microscopiques de palmitine (Gautier). Je ne crois pas que, jusqu'ici, on ait noté l'accrois-sement pathologique du chiffre des sels biliaires.
B. a) En opposition à l'accroissement des sels biliaires, leur diminution, en même temps que celle des autres prin-cipes fondamentaux, a été reconnue dans la fièvre typhoïde. La bile, en pareille circonstance, est très ténue, pâle, presque décolorée, et contient très peu d'acides biliaires ; par contre, la graisse s'y montre en abondance et on y observe quelque-fois de la leucine et de la tyrosine.
Une composition plus ou moins analogue de la bile a été observée: 1° dans quelques autres maladies aiguës entre autres la pneumonie et l'hépatite des pays chauds ({) ; 2° dans des maladies chroniques, comme la tuberculose, l'al-tération amyloïde, le cancer du foie (Buddj.
(1) Haspel. — Maladies de l'Algérie, t. i, p. 262,
b) Ceci me conduit à vous parler de la bile tout à fait in-colore, que contiennent parfois les voies biliaires dans cer-tains cas pathologiques. Ici, la matière colorante fait entière-ment défaut. Les autres principes, les sels biliaires, persistent au moins en quantité suffisante pour s'accuser par leur saveur amère et par leur réaction spéciale. (Réaction de Pettenkofer.)
Ce sujet a été étudié avec beaucoup de soin par M. RiUer(l). Dans trois cas où, chez l'homme, il a recueilli à l'autopsie cette bile incolore, le foie était envahi par une dégénération graisseuse plus ou moins avancée. Il l'a trouvée encore chez un chien dont le foie était également stéatosé. Il n'est pas rare non plus d'observer cet état de la bile chez les oies gras-ses.
M. Ritter, au sujet d'un malade qu'il a observé attentive-ment, relève quelques symptômes qui permettraient de re-connaître pendant la vie cette altération singulière de la bile. Les malades rendraient des excréments blancs, décolorés comme dans l'ictère, mais sans avoir d'ictère. La quantité de graisse qu'ils rejettent par l'intestin serait en quelque sorte normale, contrairement à ce qui se produirait si l'on avait affaire à une rétention biliaire. En semblable occurrence, les matières fécales contiendraient de la taurine, ainsi que cela avait lieu chez le malade de M. Ritter et, de plus, les évacua-tions artificiellement provoquées fourniraient le moyen de re-cueillir un liquide dans lequel se trouveraient les acides bi-liaires et capable par conséquent de donner la réaction de Pettenkofer.
Fort de ces données, très intéressantes du reste, M. Ritter s'est cru en droit d'admettre que tous les faits relatés de liquide incolore observé dans les voies biliaires, à l'autopsie, sont des exemples de bile incolore. Cette opinion est très cer-tainement trop absolue.
(1) Journal de Vanatomie et de la physiologie, 1874.
Déjà Prus avait fait remarquer (1), dans un cas d'oblitéra-tion prolongée du canal cholédoque, l'existence, dans les voies biliaires, d'un liquide blanc, transparent, insipide, légèrement visqueux. Les faits de ce genre ne sont pas rares (2) ; mais il en est un, cité par Frerichs (3), qui est surtout digne d'atten-tion, à cause du soin avec lequel le liquide a été examiné. Il s'agit d'une oblitération ancienne du canal cholédoque déter-minée par un cancer de la tête du pancréas. Les voies biliai-res (vésicule, canaux cholédoque et hépatique) étaient dila-tées et renfermaient un liquide transparent, légèrement mu-queux, un peu alcalin. L'acide nitrique n'y amenait aucune réaction ; il n'y existait pas trace de pigment biliaire. La réac-tion de Pettenkofer ne peut être obtenue ; il n'y avait donc pas la plus minime quantité de sels biliaires. Au microscope, on découvrit, nageant dans le liquide, un grand nombre de corpuscules muqueux. L'acide acétique fit apparaître dans ce liquide incolore, un précipité gélatineux (réaction de la mu-cine). Ce liquide n'était donc pas de la bile incolore, il n'en possédait aucun des caractères chimiques, ainsi que Cruveil-hier l'avait déjà déclaré (4) en parlant d'un cas à'hydropisie de la vésicule. La bile, longtemps retenue, se résorbe et un liquide séro-muqueux, sécrété par les parois, prend sa place. Quand une semblable accumulation s'effectue dans la vési-cule, on a coutume delà désigner sous le nom à'hydropisie de la vésicule (hydropisis fellea). Sous le nom à'hydropisie des voies biliaires, on désignerait, d'une façon générale, les cas où ces voies renferment un liquide séro-muqueux pour les distinguer de ceux où, au contraire, elles renferment de la bile incolore.
(1) Fauconneau-Dufresne. — La bile et ses maladies. In Mém. de VAcad. de Méd., 1847.
(2) Voir entre autres : Moxon. — Pathological Society, 1870, t. xxiv 129.
(3) Frorichs, loc. cit.
(4) Atlas d'anal, pathologique, 29e livraison, pl. iv.
NEUVIÈME LEÇON
Des altérations de labile (suite). — Fonctions désassimi latrices du foie. — Relations entre les altérations du foie et les modifications du taux de l'urée.
Sommaire. — Altérations de la bile : sucre, urée, acide urique ; — cuivre, plomb, zinc, etc. — Des médicaments qui passent dans la bile ; — du calomel ; — albu-minocholie.—Altérations dues à la présence de corps figurés : vibrions, cylindres fibrineux et épithéliaux.
Influence des lésions hépatiques sur la production de l'urée. — Fonction désas-similatrice du foie. — Historique : recherches de Prévost et Dumas, Bouchar-dat, Parkes, Murchison, Meissner, Brouardel, Fouilhoux.
Cas dans lesquels il y a augmentation du chiffre de l'urée. —Cas dans lesquels il y a diminution du taux de l'urée.
1.
Messieurs,
En terminant la dernière leçon, je vous parlais d'un second groupe à'altérations de la bile, caractérisées par la présence dans ce liquide de substances qui sont étrangères à sa constitution normale. Les intoxications, les maladies dans lesquelles il y a une altération de la crase du sang fournissent de nombreux exemples appartenant à cette catégorie. Sur cet ordre de faits, on doit à M. Mosler (1) un travail intéres-sant, enee qui concerne surtout les données expérimentales.
(1) Ardi. /'. patii. Anatom. Bd. xiii, p. 19.
1° Le sucre, c'est là une particularité digne d'être signalée, qui n'existe pas à l'état normal dans la bile, s'y montre dans les cas où le sang en contient 3 sur 1000; pour que le sucre apparaisse dans l'urine, il faut qu'il y en ait dans le sang 4 sur 1000 (Cl. Bernard, Ch. Robin). Suivant Mosler, le sucre de canne passe plus rapidement et plus facilement dans la bile que ne le fait le sucre de raisin.
2° L'urée n'entre pas, non plus, dans la composition régu-lière de la bile. Eh bien, dans le choléra et l'albuminurie on l'y peut trouver, selon M. Picard, en quantité relativement considérable (0 gr., 30 pour 1000).
3° L'acide urique, chez les oiseaux (canardsj, dont on a lié les uretères, se rencontre en forte proportion dans la bile sous la forme d'urate de soude et se dépose même à l'état concret sur les parois de la vésicule du fiel. Ce fait de pathologie expé-rimentale comparée permet peut-être de comprendre pour-quoi l'acide urique figure dans la composition de certains calculs biliaires. Il y aurait lieu aussi de rechercher du même coup si la bile chez les goutteux ne renferme pas d'acide urique (1).
4° On sait qu'un grand nombre de métaux et de métalloïdes, principalement dans les cas d'intoxication chronique, se retrouvent dans le foie et dans la bile. En tête se placent le cuivre qui, à la vérité figure d'habitude, à l'état physiologique dans la bile, puis le plomb et le zinc. 11 est curieux de rappe-ler que ces métaux, par leur présence dans le foie, n'occa-sionnentpas ordinairement d'altérations parenchymateuses (2). M. Hirtz, cependant, m'a dit avoir observé à la clinique de Strasbourg un cas où un épileptique, soumis durant longtemps à l'emploi de l'oxyde de zinc, mourut à la suite de phéno-
(1) Gharcot. — OEuvres complètes t. vi. (Note de la trad. de Garrod,)
(2) Klebs. — Path. Anatom., p. 406.
mènes rappelant ceux de l'atrophie jaune aiguë du foie. A l'autopsie on retira du foie une forte proportion de zinc métallique.
L'arsenic et Vantimoine qui s'accumulent dans la bile et dans le foie produisent au contraire dans cet organe l'altéra-tion granulo-graisseuse d'une façon très accentuée.
5° C'est ici le moment de nous remémorer que, parmi les médicaments, Yioclure de potassium, la térébenthine passent dans la bile, tandis que le sulfate de quinine et le calomel (Mosler) n'y passent point. A propos du calomel, il convient de faire remarquer que M. Scott (1) avait déjà reconnu, en opposition à une opinion vulgaire, surtout en Angleterre, que le calomel, loin d'avoir pour effet d'accroître la sécrétion bi-liaire, la diminuerait au contraire. Et, quant à la couleur verte des fèces, qui avait fait croire à l'abondance de la bile dans l'excrétion, elle serait due tout simplement à la pré-sence, dans les matières fécales, de sulfure de mercure sous forme pulvérulente.
6° On sait de longue date que, dans certains cas patholo-giques, la bile contient une proportion plus ou moins élevée d'albumine (Thénard). Cette condition, désignée par Bouis-son sous le nom d'albuminocholie (2), par comparaison avec l'albuminurie, a été l'objet, dans ces derniers temps, de la part de M. J. C. Lehmann (3), d'une étude spéciale fondée sur l'examen de cent cas. Voici, d'après cet auteur, quelles sont les principales circonstances dans lesquelles la bile contient de l'albumine.
a) Dans les congestions hépatiques consécutives à une gêne de la circulation abdominale, par exemple le foie muscade
(1) Becilës Archives, t. i. p. 209.
(2) Fauconneau-Dufresne, loc. cit., p. 151.
(3) Centralblatt, 1867, p. 712.
(12 fois sur 18J ; — b) Lorsque le foie est gras ou anémique (6 fois sur 7), ainsi que l'avaient déjà reconnu Thénard, Bouisson et le chimiste Lehmann ; — c) Dans la maladie de Bright (16 fois sur 37).
En revanche, l'albuminocholie fait défaut, au dire de J. C. Lehmann, dans l'hépatite interstitielle, le foie amyloïde, le carcinome et le cancroïde du foie. 11 importe de relever, à ce propos, que, suivant Mosler, l'injection d'une notable quan-tité d'eau dans le sang a pour résultat de faire apparaître l'albumine dans la bile en même temps que dans Purine : alors, on observe à la fois une albuminocholie et une albu-minurie.
II.
Un dernier groupe à1 altérations biliaires comprendra cel-les qui résultent de la présence dans la bile de divers corps figurés. Je ne ferai que mentionner les vibrions, parce que je me propose d'en parler plus longuement dans la suite; même dans les conditions vitales, on les trouve dans la bile des ani-maux chez lesquels on a produit une rétention biliaire en liant le canal cholédoque. Dans les expériences de ce genre, dont je vous ai parlé précédemment, la bile, accumulée dans les voies biliaires, examinée au moment où l'animal venait d'être sacrifié, contenait des vibrions. Nous verrons un peu plus tard l'intérêt qui s'attache à cette particularité.
Je signalerai aussi l'existence des cylindres dits fibrineux et des cylindres épithéliaux, correspondant aux produits analogues si connus dans la pathologie urinaire et qui peuvent se rencontrer également dans la bile. Les premiers ont été vus par Rokitansky dans les voies biliaires de malades morts du choléra et du typhus. On a observé des masses muqueuses dans les petits conduits biliaires chez des individus qui avaient
succombé à l'empoisonnement par le phosphore (0. Wyss et Ebstein) (1) et on s'est appuyé sur leur existence pour expli-quer l'apparition de l'ictère dans les cas de ce genre.
Les cylindres épithéliaux peuvent se former dans les voies biliaires, s'en détacher et pénétrer jusque dans la vésicule biliaire où ils semblent pouvoir devenir le centre déformation de calculs biliaires. C'est ce que démontre une observation publiée par M. Thudicum dans son Treatise on Gall-stones (London, 1863, p. 62) : au centre de plusieurs calculs de la vésicule biliaire, on trouvait un noyau pulpeux qui, lavé, se présentait sous la forme de filaments cylindriques, offrant des branches latérales avec des ramifications dichotomiques et représentant par conséquent, d'une manière évidente, le moule interne de canaux biliaires de dimensions diverses. 11 y aurait à rechercher si une pareille altération n'est pas sou-vent l'origine du développement des altérations biliaires.
III.
J'en ai fini avec ce que je voulais vous dire concernant les altérations de la bile. Actuellement, ainsi que je vous l'ai annoncé, je vais traiter d'un chapitre nouvellement introduit dans la pathologie hépatique. Il n'a pas encore trouvé place, que je sache, dans les traités classiques et pourtant, Messieurs, si je ne me trompe, le fait capital qu'il met en relief est ap-pelé dans un avenir prochain à éclairer d'un jour nouveau plu-sieurs points de la physiologie pathologique du foie. Je veux par-ler de l'influence remarquable qu'exercent certaines lésions du foie sur la formation, et consécutivement, sur l'élimination des produits fondamentaux de la désassimilation et de l'ex-crétion azotée, à savoir l'urée et l'acide urique. En ce qui con-cerne, par exemple, la première substance, il paraît établi
(1) Klebs, loc. cit., p. 481.
que certaines lésions hépatiques ont pour effet d'accroître, dans des proportions plus ou moins considérables, le taux de la production d'urée dans les 24 heures, tandis que d'autres lésions entraînent au contraire un abaissement plus ou moins accentué de ce chiffre. Et pour répondre immédiatement à une objection qui se présentera nécessairement à votre esprit, c'est bien la lésion hépatique seule qu'il faut incriminer, car les observations invoquées sont de celles où l'on a tenu compte des influences vulgaires capables de modifier la quantité de l'urée : telles sont l'alimentation, les lésions rénales, la fiè-vre, etc., etc.
Ce fait, évidemment d'une importance majeure pour la théorie et la pratique des maladies du foie, nous a été révélé tout d'abord par l'observation clinique. Les observations dont il s'agit ont conduit naturellement à penser que, dans les conditions normales, le foie exerce par excellence une fonction dont autrefois on ne l'avait pas cru chargé. Cette fonction a pour rôle principal la formation de l'urée et de l'acide urique et, en conséquence, pour plus de commodité, on pourrait la désigner sous le nom de fonction désassimila-trice. Quelques physiologistes ont été amenés ensuite à chercher la vérification de cette vue dans les conditions expé-rimentales. Plusieurs renseignements intéressants ont été ob-tenus dans cette voie. Les documents sur lesquels je me propose d'appeler votre attention appartiennent donc, d'après cela, à deux catégories distinctes : Io faits d'ordres clinique et nécroscopique ; 2° faits observés chez les animaux et ap-partenant plutôt à Tordre expérimental.
Io Avant d'entrer dans l'exposé des faits cliniques, je crois devoir commencer par un mot d'historique. Ce n'est guère que depuis la publication d'un travail fort instructif ({) de
(1) Archives de líenle, 1868.
M. G. Meissner, qui a pu mettre à profit les importantes ob-servations de Frericbs sur les altérations de l'urine dans l'atrophie jaune aiguë du foie, qu'on s'est occupé avec un peu de suite de la relation qui existe entre les altérations du foie et les modifications que subit le taux de l'urée. Mais, bien antérieurement à ce travail, en France et en Angleterre, la relation dont il s'agit avait été entrevue. On la trouve déjà mentionnée, par exemple, dans le célèbre mémoire de MM. Prévost et Dumas (1). « Tous les chimistes savent, disent-ils, que l'urine des malades affligés d'hépatite chronique, contient peu ou point d'urée, ce qui semble prouver que les fonctions du foie sont nécessaires à sa formation. »
Encore en France, dès 1846, M. Bouchardat (2) a affirmé cette relation d'une façon plus nette. A propos d'une obser-vation très curieuse d'augmentation du chiffre de l'urée sur-venue dans le cours d'une affection hépatique, cet auteur émet l'opinion « qu'il existe certainement une relation qu'on trouvera un jour entre les fonctions du foie et la production de l'urée. » En 1867, une observation nouvelle (3) fournit à M. Bouchardat l'occasion de revenir sur cette idée et son tra-vail est plus complet sur un point que ne l'a été ultérieure-ment celui de M. Meissner. Il reconnaît, en effet, que certaines lésions du foie produisent une augmentation de la production de l'urée, tandis que d'autres lésions du même organe en déterminent la diminution. M. Meissner, lui, ne paraît con-naître que les faits du second groupe.
Quoi qu'il en soit, les auteurs qui, dans ces dernières an-nées, ont repris avec activité ce sujet intéressant sont, en An-gleterre^!. Parkes et M. Murchison (4) ; en France, M. Brouar-
(1) Annales de chimie et de physique, t. xxxin, p. 109.
(2) Annualise de thérapeutique, 1846.
(3) Ibid., 1867.
(4) Functional Dérangements of the hiver, 1874.
del (documents inédits) et M. Fouilhoux dans une disserta-tion inaugurale recommandable (1874).
Le taux de Purée, dans les affections hépatiques, peut, ainsi que je viens de le dire, être modifié de deux façons tout opposées. Tantôt, en effet, il y a une exagération plus ou moins considérable du chiffre moyen de l'urée rendue en 24 heures; tantôt, au contraire, il y a une diminution ou parfois même une suppression de l'excrétion d'urée. Ceci me conduit à vous rappeler que, d'après les documents français, le chiffre moyen de l'urée pour la France — cela dépend sans doute surtout du mode d'alimentation — oscille entre 23 et 30 (Ch. Robin). Le chiffre 30 et les chiffres supérieurs donnés par beaucoup d'auteurs étrangers seraient trop élevés pour ce qui nous concerne.
A. Les faits du premier groupe sont relatifs à des cas dans lesquels, autant qu'on en peut juger d'après les phéno-mèmes cliniques, le foie n'est pas le siège de lésions organi-ques graves. 11 y a lieu de croire qu'il s'agit là particulière-ment d'un simple trouble fonctionnel, d'une hypérémie ac-tuelle, analogue à ce qu'on observe dans un certain nombre de cas de diabète.
Dans deux cas ^ictère spasmodique, apparu à la suite d'une cause morale, sans réaction fébrile, M. Bouchardat (1) a observé les chiffres suivants : dans le premier cas, il a trouvé la proportion énorme de 133 gr. 6 d'urée, dans les 24 heures ; la quantité s'est maintenue à ce niveau pendant trois ou quatre jours. — Dans le second cas, de même que dans le premier, il y avait absence de fièvre (le pouls était à 56), de l'anorexie, etc. ; le chiffre de l'urée a été de 57 gr. 2 dans les 24 heures. — Fourcroy et Vauquelin avaient déjà annoncé (1806) que, dans l'ictère, l'urine peut contenir une forte pro-portion d'urée.
(1) Annuaire de thérapeutique, 1846.
M. Brouardel s'est attaché depuis longtemps à l'étude de ces questions (1). Dans un Mémoire qu'il a bien voulu me com-muniquer, il annonce que, dans cinq ou six cas d'ictère spas-modique qu'il a examinés au point de vue que nous envisa-geons, l'urée des 24 heures a été constamment augmentée durant les premiers jours.
M. Fouilhoux (loc. cit.) rapporte sous le nom de conges-tion hépatique une observation qu'il vaudrait peut-être mieux caractériser du nom d'hépatite et dans laquelle il y avait eu frisson suivi de fièvre, des douleurs vives à la région hypo-chondriaque, se réveillant par la palpation, et une augmen-tation de volume de l'organe. Dans ce cas, le chiffre de l'urée s'est élevé pendant plusieurs jours aux chiffres considérables de 42, 45, 47, et 54.
C'est le moment de vous faire remarquer, Messieurs, que suivant toute vraisemblance, certains cas d'azoturie liés au diabète relèvent peut-être d'une affection congestive et irri-tative du foie, coïncidant avec une suractivité fonctionnelle de l'organe et déterminant du même coup l'exagération de la fonction glycogénique et celle de la fonction désassimila-trice.
B. Les faits du second groupe, ceux dans lesquels il y a une diminution plus ou moins prononcée de la production d'urée sont peut-être plus frappants encore que les précé-dents. D'après la relation des faits cliniques et surtont d'après les autopsies, il y a lieu de conclure que ces faits se rappor-tent, en général, à des lésions destructives et plus ou moins profondes du parenchyme hépatique. Ainsi, les lésions qui entraînent le plus communément la diminution du chiffre de l'urée sont : 1° Les lésions diffuses attaquant dans toute
(1) Voir un travail récent de M. Brouardel sur la question qui s ûus occupe, dans les Archives de physiologie, 1876.
son étendue le parenchyme du foie, comme l'atrophie jaune aiguë, la cirrhose vulgaire ou 2° des altérations circons-crites, mais ayant détruit sur un ou plusieurs points, dans une grande étendue, le parenchyme hépatique. Tels sont le cancer du foie, les kystes hydatiques, l'abcès des pays chauds. 3° Nous verrons tout à l'heure qu'une simple lésion fonc-tionnelle, transitoire du foie, celle qu'il subit dans la colique de plomb, et qui se traduit par une diminution de toutes les dimensions de l'organe, peut amener momentanément une diminution prononcée du chiffre de l'urée.
a) Envisageons en premier lieu le cas où le parenchyme du foie est lésé à peu près uniformément, dans toute l'éten-due de l'organe, d'une façon lente et progressive, comme on l'observe, par exemple, dans la cirrhose vulgaire.
Il y a longtemps qu'on a écrit, mais sans preuves bien régulières, que l'urée diminue dans l'urine des malades atteints d'hépatite chronique [Rose, Henri (de Manchester) Berzélius, Prévost et Dumas]. En pareille circonstance, Andral et Frerichs avaient indiqué plutôt une exagération de la proportion d'urée. Mais leurs observations ne sont pas' significatives, parce qu'ils ont opéré sur de simples échantil-lons et non sur l'urine des 24 heures.
Aujourd'hui, nous possédons à cet égard des documents précis et suffisamment nombreux pour permettre d'établir comme une règle que le taux de l'urée des 24 heures est toujours diminué d'une façon très notable, dans les cas de cirrhose un peu avancée. En outre des observations de M. Murchison, nous pouvons signaler par exemple : 1° Un cas de M. Hirne, consigné dans sa thèse par M. Fouilhoux (1874): l'urée est descendue à 10 ou 12 gr. et môme à 5 ou 6 grammes ; 2° un groupe important de six observations recueillies par M. Brouardel et possédant, par conséquent,
Charcot. Œuvres complètes, t. vi. Maladies du foie 7
en ce qui a trait particulièrement à la détermination clinique et nécroscopique, toutes les garanties, désirables. Il s'agit, dans tous ces cas; de la cirrhose atrophique, observée dans la période del'ascite. L'urée des 24 heures, chez les malades, n'a jamais dépassé 9 grammes ; elle n'a atteint ce chiffre qu'une fois. Souvent, elle est descendue à 3 grammes et une fois à 1 gr. 88.
Ainsi que cela pouvait être aisément prévu, le taux de l'urée diminue également dans la cirrhose hypertrophique. C'est ce que démontre une observation relatée dans la thèse de M. Hanot. Dans cette observation qui a été prise dans le service de M. Bucquoy, l'analyse de l'urine a été faite par M. Byasson. Le chiffre de l'urée, dans les 24 heures, a os-cillé entre 4 et 9 grammes.
b) Dans une seconde catégorie, je placerai les cas de des-truction partielle lente d'une grande partie du parenchyme hépatique. Je citerai une observation de Vogel (1) qui, bien qu'elle soit ancienne, n'en est pas moins intéressante. Le ma-lade était affecté d'un cancer qui avait envahi la presque totalité du foie. Les chiffres de l'urée des 24 heures ont été de 6, 7 et 8 grammes.
Je signalerai encore un cas de kyste du foie ayant fait disparaître la majeure partie du lobe droit et l'ayant réduit à une sorte de coque mince. Cette observation, insérée dans la thèse de M. Fouilhoux, appartient à M. Hirne. Le taux de l'urée a toujours été au-dessous de la normale et quel-quefois très bas.
(1) Citée dans le mémoire de Meissner (Loc. cit.).
DIXIÈME LEÇON
Fonction désassimilatrice du foie. — Relations entre les altérations du foie et les modifications du taux de l'urée (suite).
Sommaire. — Destruction du parenchyme hépatique suivant un mode aigu ou
subaigu. — Hépatite ; variations du taux de l'urée. Lésions hépatiques diffuses à évolution rapide ou suraiguë : abaissement du taux
de l'urée ; — apparition de la leucine et de la tyrosine. — Atrophie jaune
aiguë du foie.
Fièvres intermittentes symptomatiques en général ; — fièvre intermittente hé-patique : ses causes, ses caractères ; — analogies avec la fièvre intermittente simple ; différences. — Observation de M. Regnard : marche de la tempéra-ture ; — oscillations de la courbe de l'urée. — Observation de M. Brouardel. — interprétation de ces faits. — Recherches de M. Meissncr.
Messieurs,
Avant d'aller plus loin, je dois terminer l'inventaire des faits pathologiques propres à mettre en relief l'influence remarqua-ble qu'exercent certaines lésions du foie sur la formation defu-rée. L'autre jour, au moment de nous séparer, je vous citais des exemples de destruction partielle, mais étendue du foie, dans lesquels on avait observé un abaissement remarquable du chiffre d'excrétion de l'urée des 24 heures. Il s'agissait de lé-sions à évolution essentiellement chronique (cancer, kystes hydatiques). Actuellement, je vais vous parler de faits constituant un groupe à part, une troisième catégorie, et dans lesquels la destruction du parenchyme est également partielle
et étendue, mais s'opère suivant un mode aigu ou subaigu. Dans ce cas, l'abaissement du chiffre de l'urée vous paraîtra d'autant plus intéressant que l'affection hépatique qui est en jeu est généralement accompagnée d'un appareil fébrile plus ou moins intense. Or, une des conséquences habituelles de la fièvre, dans les conditions ordinaires, est, vous le savez, d'en-traîner une augmentation du taux de l'urée. Un médecin an-glais très autorisé en pareille matière, M. Parkes, avait, il y a une trentaine d'années déjà, observé dans l'Inde que l'hé-patite propre à ces climats s'accompagne tantôt d'une exa-gération du chiffre de l'urée, tantôt au contraire, d'une dimi-nution considérable de ce chiffre (1).
La comparaison des faits avait amené M. Parkes à admettre que, dans les cas où l'urée était augmentée, l'hépatite était caratérisée seulement par une hypérémie inflammatoire, tan-dis que dans ceux ou le chiffre de l'urée était diminué le pa-renchyme du foie avait été envahi par un volumineux abcès. L'auteur avait même formulé son opinion d'une façon très accentuée, en disant que l'abaissement du taux de l'urée était alors « proportionné à l'étendue de la destruction de l'é-lément sécréteur parl'abcès. »
Tout récemment, M. Parkes a eu l'occasion d'étudier en An-gleterre, au même point de vue, un vaste abcès de foie, et il a reconnu que le chiffre de l'urée était très bas, bien que le ma-lade eût la fièvre et continuât à s'alimenter, deux causes qui, dans toute autre circonstance, eussent amené certainement un accroissement du chiffre de l'excrétion d'urée.
J'en viens, Messieurs, aune quatrième catégorie de cas. Je range sous ce chef les observations de lésions hépatiques dif-fuses, à évolution rapide ou même suraiguë.
a) Je parlerai en premier lieu de la colique de plomb, à la-
(1) The Lancet, t. i, avril 8, 1871.
quelle j'ai déjà fait allusion. Trois fois,, durant la période des coliques, — alors que le foie, ainsi que l'a montré M. le profes-seur Potain, est rétréci dans toutes ses dimensions, M. Brouar-del a vu l'urée descendre au chiffre de trois grammes, tandis que, dans les intervalles, ce chiffre s'élevait à 12 ou 13 gram-mes.
b) Encore d'après M. Brouardel, l'altération du foie (dégé-ratiou granulo-graisseuse diffuse), déterminée dans les con-ditions expérimentales chez l'animal par des injections répé-tées d'huile phosphorée entraînerait un abaissement du chiffre de l'urée. Je dois vous faire remarquer que ces résultats sont en opposition avec ceux qui ont été obtenus par M. Bauer dans des circonstances analogues (1). C'est donc une question à reprendre ; nous y reviendrons d'ailleurs en temps et lieu à propos de la stéatose phosphorée.
c) Mais un fait non douteux, c'est qu'il se produit un abais-sement notable du chiffre de l'urée, malgré la persistance de l'élévation du chiffre thermique, dans certaines maladies fébriles graves, telles que la variole, la fièvre typhoïde et le typhus, lorsque surviennent les lésions hépatiques de la dé-génération granulo-graisseuse diffuse, si souvent observées en pareil cas. 1° Ainsi, chez un malade atteint de variole hé-morrhagique, alors, que la température se maintenait à 40° ou 40° S, M. Brouardel a constaté que le chiffre de l'urée était de 4 gr. 3,, et de 2 gr., 8. — 2° M. Murchison, dans plusieurs en-droits de son important traité : Oncontinued Fevers ofGreat Britain (2) a fait la même remarque au sujet de la fièvre ty-phoïde et du typhus fever. Et il attribue l'abaissement du taux de l'urée dans ces maladies à l'altération dégénérative diffuse du parenchyme hépatique (3). M. Murchison fait re-
(1) Zeits, fur Biologie, vu, Bd. Mùnchen, 1871. — (2) London, 1868. (3) Fonclional Diseuses of the hiver, p. 68.
marquer en outre que, dans ce cas, l'urée est suppléée en quelque sorte parla présence de la leucine et de la tyrosine.
cl) Mais c'est surtout dans Y atrophie jaune aiguë du foie, comme j'ai eu l'occasion de le signaler précédemment, que la diminution de l'urée est frappante. On sait que la lésion pro-pre à cette maladie consiste en une rapide altération destruc-tive des cellules hépatiques dans toute l'étendue du foie. C'est à Frerichs qu'on doit la connaissance de cette modification re-marquable de la sécrétion urinaire, accompagnement néces-saire, suivant lui, de l'atrophie jaune aiguë du foie, Cette mo-dification, d'après Frerichs, se traduit par une diminution très accentuée de l'urée et de l'acide urique, par une diminution des sulfates et des phosphates, et par l'apparition, dans les urines concentrées, de la leucine et delà tyrosine en forte pro-portion.
Bien que l'affection dont il s'agit soit assez rare, les résultats an-noncés par Frerichs ont été plusieurs fois confir-més. Je citerai entre-autres, à ce propos, les observations de Sch-meisser(l), de Bouchard (2), de Habershon (3), enfin une observation intéressante relatée par
M. Murchison (4) : Elle montre que dans l'atrophie jaune aiguë du foie, la leucine et la tyrosine peuvent faire défaut dans
(1) Archiv, für pharmaceut. Bd. 100, p. 11.
(2) Gazette hebdomadaire, 1876, p. 85.
(3) Pathology and Treatment of Diseases of the Liver. London 1872, p. 20.
(4) Diseases of Liver, p. 231.
Fig, 17. — Tyrosine. Fig. 18. — Leucine.
l'urine recueillie durant la vie et se retrouver cependant après la mort sous forme cristalline, non-seulement dans le foie mais encore dans l'épaisseur du parenchyme du rein.
M. Frerichs, ainsi queje viens de le relever, semble consi-dérer l'état de l'urine qui vient d'être indiqué, comme parti-culièrement propre à l'atrophie jaune aiguë du foie. C'est évi-demment une erreur. Il me suffira pour le prouver de vous renvoyer aux observations de M. Murchison sur la fièvre ty-phoïde et le typhus. Je vous rappellerai aussi les observations de M. Harley((M Jaundice, London, 1853, p. 80), relatives à un cas de rétention biliaire chronique consécutive à un abcès de la tête du pancréas. Dans ce cas, le foie était de cou-leur olive et un peu atrophié. On avait remarqué pendant la vie que le chiffre de l'urée avait diminué en même temps que la leucine et la tyrosine apparaissaient dans les urines. On retrouva après la mort ces mêmes substances, dans le paren-chyme du foie, sous forme de cristaux.
Nous allons étudier maintenant un cinquième groupe de cas d'affections hépatiques dans lesquels l'urée diminue tem-porairement dans les urines en même temps que la leucine et la tyrosine y apparaissent; ces faits cependant n'appar-tiennent pas plus que les précédents à l'atrophie jaune aiguë du foie.
11 s'agit ici d'une forme particulière de fièvre intermittente symptomatique. Vous savez qu'on indique quelquefois sous ce nom les fièvres composées d'accès, à retour plus ou moins régulier, séparés par des intervalles apyrétiques, lorsqu'elles ne relèvent pas de l'intoxication palustre.
On appelle assez communément aujourd'hui la fièvre en question : fièvre intermittente hépatique. C'est qu'en effet elle se rattache aux lésions des voies biliaires,, avec altérations concomitantes du parenchyme hépatique. Senac et Sœmme-
ring (i) la connaissaient déjà, Monneret l'avait parfaitement reconnue. J'ai eu àlaSalpêtrière l'occasion fréquente de l'étu-dier et de recueillir à son sujet quelques observations nou-velles qui ont été consignées dans la thèse de M. Magnin (2). Je ne veux pas entrer actuellement dans le détail des faits qui doivent un jour nous arrêter longuement; je relèverai seulement, pour le moment, ce qui suit :
Io Dans la plupart de ces cas, il y a oblitération des voies biliaires, soit par un calcul, soit par toute autre cause (cancer de la tête du pancréas, etc.) et, entre autres, rétention de la bile. Les canaux hépatiques sont dilatés et en même temps présentent des signes d'irritation inflammatoire prononcée, (Angiocholite.) Le parenchyme hépatique est, d'une façon concomitante, plus ou moins profondément altéré.
2°. Les accès fébriles ne se reproduisent pas avec la régula-rité presque mathématique qui s'observe dans la fièvre inter-mittente vulgaire; mais, en outre que, comme dans la fièvre intermittente simple, les accès sont séparés par des intervalles apyrétiques, ils sont marqués encore par une élévation brusque et très prononcée de la température centrale : 40, 41 degrés, avec algidité extérieure, et accompagnement fréquent de di-vers symptômes qui rappellent les accès pernicieux.
3° J'ai été amené à penser, et j'essayerai bientôt de justifier cette hypothèse, que cette fièvre intermittente hépatique a son point de départ dans une intoxication spéciale déterminée par le développement dans les voies biliaires, remplies par la bile stagnante et profondément altérée, d'une substancepyré-togène particulière.
Vous avez pu remarquer tout à l'heure les analogies qui existent cliniquement entre la fièvre intermittente simple et
(1) S. Th. Sœmmering', — De concrementis biliariis corporis Humani tra-jecti ad mœnum, 1795.
(2) De quelques accidents de la lithiase biliaire. Paris, 1869.
l'intermittente hépatique ; je vais vous faire reconnaître main-tenant qu'une différence radicale les sépare sur un point.
Je vous rappellerai en premier lieu que la fièvre intermit-tente vulgaire est, de toutes les maladies fébriles, celle dans laquelle la concordance des courbes de la température avec celles de l'excrétion d'urée est la plus facile à mettre en relief, en raison de la succession régulière des périodes fébriles et des périodes apyrétiques. Vous n'ignorez pas (i) que pendant toute la durée du paroxysme fébrile, l'urée se montre consi-dérablement augmentée (de un tiers au plus), relativement à la période apyréfique, malgré que pendant celle-ci l'alimen-tation ait pu être reprise, tandis que la diète au contraire aura été observée pendant toute la durée de la fièvre.
Ce qui vient d'être dit de la fièvre intermittente simple, on peut le répéter de la fièvre intermittente des tuberculeux (d'a-près les observations de Jochmann, Traube et quelques au-tres). Je ne saurais vous dire s'il en est de même relativement à la fièvre intermittente qui accompagne quelques affections des voies urinaires (fièvre intermittente cysto-néphrétique) et qui forme en quelque sorte le pendant de la fièvre hépatique. Nous ne possédons pas malheureusement, quant à présent, que je sache du moins, d'observations ad hoc, je parle d'ob-servations régulières.
Quoi qu'il en soit, recherchons maintenant en quoi la fiè-vre intermittente hépatique se distingue de toutes les autres.
J'invoquerai ici les détails d'une observation remarquable publiée par un interne distingué des hôpitaux, M. P. Regnard, dans les Mémoires de la Société de Biologie (1873). Vous pourrez suivre les principales péripéties de l'observation sur le tableau placé sous vos yeux, et où sont consignées les cour-bes de la température et celles de l'urée (Pl. IV).
(1) Voy. article Chaleur de M. Hirtz : Dicl. de méd. et de chir.pra.tiq.
Il s'agit d'un homme de 68 ans, qui jamais n'avait éprouvé de coliques hépatiques, et qui souffrait depuis quelque temps d'ictère en même temps que le foie présentait une certaine augmentation de volume. Le trait clinique caractéristique consiste en une fièvre intermittente irrégulière, dont la durée a été de près de trois mois.
À l'autopsie, on a trouvé le foie volumineux, de couleur olive. Le canal cholédoque était obstrué par un gros calcul. La bile cependant avait continué de passer dans l'intestin.
Les accès, souvent très violents et accompagnés d'une élé-vation très marquée de la température 40% 41% apparaissaient, comme vous le voyez, à peu près tous les cinq ou six jours; on a compté une trentaine de ces accès. Ils étaient séparés par des intervalles où la température ne s'est jamais élevée beaucoup au-dessus de 37°.
Voici maintenant le point sur lequel je veux appeler spé-cialement votre attention. Examinez les oscillations de la courbe de l'urée, et comparez-les avec celles que dessine la courbe thermique. Vous remarquerez que la première s'a-baisse précisément les jours où la seconde s'élève; c'est-à-dire que les jours où la température s'élève, le taux de l'urée diminue d'une façon correspondante. Or, c'est absolument le contraire de ce qui aurait lieu, s'il s'agissait soit de la fièvre intermittente simple, soit des diverses formes hépatiques de la fièvre intermittente symptomatique, étudiée sous ce rap-port.
Ainsi, dans les périodes d'apyrexie, avec une température de 37% 4, vous voyez le chiffre de l'urée des 24 heures oscil-ler entre 14 et 20 gr. Les jours de fièvre, vous avez avec une température de 40% 8 sept grammes d'urée, avec une tem-pérature de 41° huitgr. ; avec 40% 8 quatre gr. 11 importe de remarquer que ces jours-là, on a constaté, toutes les fois.
qu'on l'a cherchée, la présence de la leucine et de latyrosine dans les urines.
Comment interpréter ce fait? En me fondant sur tout ce qui précède, je proposerai l'explication suivante, sous toutes réserves, bien entendu. Le foie, source et foyer principal de la production d'urée, dans les conditions normales, exagère momentanément sa fonction dans les conditions de la fièvre, mais sans dévier du type normal, et ainsi se produit une augmentation du chiffre d'urée excrétée. Il en est ainsi toutes les fois que le parenchyme hépatique est anatomiquement. sain. Mais s'il présente au contraire, des altérations plus ou moins profondes, alors la scène change. Sous l'influence de l'excitation déterminée par l'action du poison pyrétogène, le processus de désassimilation azotée s'exalte comme dans le cas précédent, et, en fait, la température s'élève ; mais les produits de cette désassimilation opérée par un organe altéré sont imparfaits ; l'urée ne se produit qu'en proportion minime et, à sa place, il se forme des substances moins élevées dans la série, à savoir la leucine et la tyrosine, lesquelles passent en dernière analyse dans les urines.
Cette intéressante observation n'est pas isolée. Je trouve, en effet, dans la note qui m'a été remise par M. Brouardel, et à laquelle j'ai fait déjà de si larges emprunts, l'histoire d'un cas qui peut être résumé ainsi qu'il suit : Coliques hépatiques datant de loin, et suivies, depuis cette époque, d'ictère per-manent. Il y a trois mois, les coliques qui revenaient de temps à autre ont été remplacées par une série d'accès fébri-les intermittents, inaugurés par un frisson. En même temps, le foie a commencé à subir un certain degré d'atrophie. Or, voici ce qu'apprend l'étude de l'excrétion de l'urée. Le chiffre "des 24 heures qui, habituellement, est de 11 à 12, décroît
régulièrement aux approches des accès, et le jour même il descend à 6 gr. 5, à 4 gr. 50. Vous voyez qu'en somme les choses, dans ce cas, se passent exactement comme elles se sont passées dans l'observation de M. Regnard, en ce qui concerne du moins l'excrétion d'urée. Il n'est pas question de leucine ni de tyrosine dans l'observation de M. Brouardel, mais il est devenu tout à fait vraisemblable, par tout ce qui précède, que ces produits eussent été rencontrés dans les uri-nes si on les y eût cherchés.
Je termine ici, Messieurs, l'exposé, malheureusement un peu long, des faits pathologiques propres à mettre en lumière le rôle remarquable que jouent les altérations du foie, dans la production et l'élimination de l'urée. A ces faits on peut, ainsi que je vous l'ai laissé pressentir, en ajouter d'autres, recueillis dans les conditions expérimentales, c'est-à-dire chez les animaux, et qui plaident dans le même sens que les ob-servations pathologiques. Ces faits sont peu nombreux en-core, mais tels qu'ils sont, ils ont bien, vous allez le recon-naître, leur signification.
C'est à M. G. Meissner que sont dues les principales de ces observations. Nous les trouvons consignées dans son travail publié en 1866 (1), travail que j'ai déjà cité.
M. Meissner a été conduit à rechercher si le foyer de for-mation de l'urée n'est pas dans les viscères et en particulier dans le foie; contrairement à l'opinion vulgaire, il a été con-duit à cette idée par des observations antérieures, laites sur des oiseaux et qui lui avaient montré que l'acide urique qui, chez ces animaux, est le plus grand produit de désassimilalion azotée, se trouve en forte proportion dans le foie.
On sait que chez les mammifères, l'urée existe à l'état nor-mal un peu partout, dans les liquides de l'organisme. On l'a
(1) Renies Zeitsch., Bd. 31, p. 144.
trouvée dans le sang, dans la lymphe et le chyle (Wurtz), dans la sueur, la salive, le liquide cérébro-spinal, etc. Mais se forme-t-elle au sein de ces liquides, ou au contraire se pro-duit-elle dans les organes solides, dans les tissus ? Le fait est que, suivant les observations de M. Meissner, cette substance ne se trouve ni dans les muscles, ni dans les poumons. Mais on la trouvé certainement dans le foie, ainsi que Heynsius et Stockvis l'avaient déjà annoncé, en se fondant, à la vérité, sur des preuves peu convaincantes. Les quantités d'urée trouvées dans le foie par M. Meissner peuvent être remar-quables, si l'on tient compte de la grande solubilité de cette substance. Ainsi elle s'élevait à plusieurs centigrammes dans le foie d'un chien, et l'urée recueillie dans ces recherches pro-venait bien du parenchyme hépatique lui-même et non pas du sang qui l'imbibe, car les animaux mis en expérience avaient été tués par hémorrhagie, et, de plus, on avait eu soin de la-ver l'organe plusieurs fois à l'aide d'un courant d'eau pas-sant dans les vaisseaux avant de le soumettre à l'analyse.
Le foie par cela même paraît donc être un foyer important, le principal peut-être, de la formation de l'urée chez les mam-mifères. Du foie, l'urée passe dans le sang; nous savons qu'on ne la rencontre pas dans la bile, du moins dans les conditions normales (1).
Les résultats obtenus par M. Meissner ont reçu l'appui d'ex-périences, instituées par Cyon (Centralblatt, 1870, p. 380). Le foie d'un animal récemment tué est détaché du corps et rapidement placé, suivant la méthode de Ludwig, dans un milieu dont la température rappelle les conditions vitales. On fait passer par la veine porte le sang de l'animal qui a servi
(1) M. Munk a avancé récemment que le sang contient plus d'urée que le foie et qu'il n'y a pas lieu, par conséquent, de considérer cet organe comme un foyer de formation de l'urée {Centralblatt, 1876, n° 5, p. 85).
à l'expérience, et l'on recherche par l'analyse si, en traver-sant le foie, il s'est chargé d'urée.
Voici le résultat de deux expériences :
lre Expérience. — Sang qui n'a pas traversé le foie sur
100 ce.................. 0,09 gr.
Sang qui a passé une fois.... 0,14
2e Expérience. — Avant de passer............ 0,08
Après avoir passé une fois... 0,14 Après avoir passé quatre fois. 0,176
L'auteur en conclut qu'il y a production réelle et rapide d'urée dans le passage du sang à travers le foie.
Tel est pour le moment, Messieurs, le contingent de l'expé-rimentation. Isolées, sans doute, ces données ne sauraient avoir une valeur absolue, définitive, mais elles acquièrent in-contestablement une réelle importance, lorsqu'on les met en présence des données, très significatives déjàpar elles-mêmes, fournies par l'observation clinique et l'anatomie pathologique combinées.
ONZIÈME LEÇON
Influence des altérations hépatiques sur là forma-tion et l'élimination de l'acide urique.
Sommaire. — De l'acide urique. — Excrétion normale. — Accumulation de l'acide urique dans le sang des goutteux : lithémie ou uricémie. — Démons-tration de la présence de l'acide urique dans le sang à l'état physiologique ; — sa production dans le foie. — Dépôts d'urate de soude dans la goutte. — Altérations du foie chez les goutteux — Influence du foie sur l'uricémie des goutteux. — Goutte consécutive aux lésions du foie. — De l'acide urique dans les urines. — Gravelle urique.
Du glycogène et de la fonction glycogénique du foie. — Caractères du glyco-gène. — Sa présence dans le foie. — Difficulté de sa constatation. — Rôle du foie à l'égard des substances amyloïdes et du sucre. — Du diabète alimen-taire.
I.
Messieurs,
Pour en finir avec les considérations de physiologie pa-thologique dans lesquelles je me suis engagé à propos du foie, je dois entrer dans quelques détails relativement à l'in-fluence que paraissent avoir certaines lésions hépatiques sur la formation et l'élimination de l'acide urique et aussi relative-ment à ce qu'on appelle la fonction glycogénique.
Je commencerai par ce qui concerne Y acide urique. Je vous montrais, Messieurs, dans la précédente leçon, com-ment, à en juger d'après l'ensemble des faits pathologiques et d'après quelques faits de l'ordre expérimental, le foie paraît
être le principal laboratoire où s'effectue le travail de désassi-milation des matières albuminoïdes. Le grand produit de ce processus complexe, chez les mammifères, c'est l'urée, subs-tance éminemment soluble qui, chez l'homme sain, est représentée chaque jour, dans l'excrétion urinaire, par le chiffre de 20 à 30 grammes.
Mais l'urée n'est pas, vous le savez, le seul produit formé dans ce processus de la désassimilation azotée. Il convient de tenir compte de Y acide urique, substance qui appartient chi-miquement et physiologiquement à la même série que l'urée, moins oxydée que celle-ci et moins soluble.
Vous n'ignorez pas non plus que l'excrétion de l'acide uri-que, pour les 24 heures, est représentée seulement, chez l'homme bien portant, par le chiffre comparativement mi-nime de 0 gr. 50 environ dans les 24 heures. Toutefois, l'acide urique est appelé dans de certaines circonstances pathologi-ques — c'est là le point de vue qui nous attache particulière-ment, — à jouer un rôle important. Il me suffira, pour fixer votre esprit à cet égard, de citer, à titre d'exemple, la goutte, j'entends la goutte véritable, dans laquelle l'acide urique, sous forme d'urate de soude, s'accumule dans le sang et figure, comme élément essentiel, dans toute les productions pathologiques qui relèvent de cette maladie.
En quoi ce grand facteur de la goutte, l'accumulation de l'acide urique dans le sang, ou, ainsi qu'on l'appelle encore, la lithémie ou Y uricémie (1) a-t-il rapport au fonctionne-ment du foie ? C'est ce que nous devons rechercher main-tenant.
A. La théorie que nous avons soutenue au sujet de la for-mation de l'urée, nous pouvons la reproduire à propos de la
(1) L'appellation très appropriée à!uricémie a été proposée pour la première fois, je crois, par M. le professeur Vulpian.
formation de l'acide urique et l'étayer sur des arguments de même ordre.
En premier lieu, il convient de faire ressortir que l'acide urique, de même que l'urée, existe dans le sang des mammi-fères à l'état normal, bien qu'en quantité fort minime. L'ana-lyse chimique décèle sa présence dans le foie non plus en proportion minime, mais en proportion notable. C'est là un fait mis en lumière par MM. Cloetta, Scherer, Stokvis depuis longtemps et, plus récemment, par M. Meissner dans le travail que je vous ai déjà indiqué. Sans doute, le foie n'est pas le seul viscère où l'acide urique ait été rencontré. Maintes fois, par exemple, on a signalé sa présence dans la rate ; mais, c'est dans le foie seul qu'il paraît se trouver en assez forte proportion et d'une façon constante.
C'est principalement chez les animaux comme les oiseaux où l'excrétion d'acide urique remplace en quelque sorte celle de l'urée, que l'existence normale de cette substance, dans le foie, est le plus facile à démontrer. On doit à M. Meissner, sur cette question, une série de recherches intéressantes. Dans un cas, le chiffre de l'acide urique trouvé chez le poulet a été de 0 gr. 31 pour 500 gr. de foie et, dans un autre, de 0 gr. 14 sur 298 gr. C'est là, vous le voyez, Messieurs, un chiffre élevé, si l'on considère surtout que les autres organes, les muscles en particulier et les poumons, n'ont pas présenté de traces d'acide urique.
a. Dès maintenant, vous constatez que le foie paraît dési-gné comme l'un des principaux foyers de la production de l'acide urique. Cet acide se trouve là en même temps que T'irée et, j'ajoute ceci en passant, que plusieurs autres pro-duits delàdésassimilationazotée, entre autres l'hypoxanthine, la xanthine, la leucine, sans compter l'urée elle-même. Il est remarquable que la créatinine qu'on rencontre dans les
muscles (suc musculaire) fasse défaut dans le foie. La tyrosine, contrairement à ce qui a lieu pour la leucine, n'existe pas dans le foie normal. Elle paraît être décidément un produit de désassimilation pathologique ou encore un produit cada-vérique (Radjewesky) (1).
¡3. Mais nous devons, quant à présent, ne nous occuper que de l'acide urique. Recherchons donc ce que nous enseigne la pathologie, hépatique en ce qui concerne la formation de cette substance.
J'invoquerai tout d'abord le cas accentué de la goutte que je signalais tout à l'heure. L'acide urique, accumulé dans le sang, ainsi que je le rappelais et comme l'ont établi les inves-tigations de M. Garrod, exerce là une action prédominante. C'est pour ainsi dire la matière de la maladie (materies morbï). De plus, on le retrouve dans toutes les altérations locales goutteuses, à titre d'élément essentiel. Permettez-moi d'entrer à cette occasion dans quelques développements bien propres à frapper votre esprit.
1° Dans la goutte articulaire, la lésion locale est caractérisée par la présence, sous forme cristalline, de dépôts d'urate de soude dans l'épaisseur des cartilages diarthrodiaux. Cette infiltration urique des cartilages ne se voit pas seulement dans la goutte chronique ; elle existe dans la goutte aiguë, dès le premier accès, suivant la remarque de Garrod. Après le cartilage, les ligaments, le tissu cellulaire sous-cutané, les gaînes tendineuses, la peau elle-même, subissent les infiltra-tions d'urate de soude qui se dessinent sous l'aspect de tophus et produisent alors les déformations caractéristiques tout à fait différentes de celles qui prennent naissance en consé-quence de l'arthrite sèche. Le cartilage et la peau de l'oreille
(1) Centralblatt, 1866, p. 405. Charcot. Œuvres complètes, t. vi. Maladies du foie. 8
externe sont des points où se dépose souvent l'urate de soude qui se présente, en pareille circonstance, sous l'apparence de petites concrétions blanches, particularité qu'on utilise fré-quemment pour le diagnostic.
2° L'urate de soude se rencontre encore chez les goutteux sous forme concrète dans les viscères, sur la face interne de l'aorte, dans l'épaisseur des valvules du cœur, dans l'intérieur du rein, et même dans les feuillets de la dure-mère spinale, ainsi que l'a vu il y a peu de temps M. Olivier (1 ).
Je n'insiste pas., c'en est assez pour mettre en évidence le rôle remarquable de l'urate de soude dans la pathologie de la goutte et des accidents goutteux.
Y. Il s'agit maintenant de s'assurer si le foie participe à ce drame morbide et en quoi il y participe. Je ne sache pas qu'on ait, jusqu'ici, décrit des altérations anatomiques du foie particulières aux goutteux. Mais nous possédons un certain nombre de documents, peu remarqués il est vrai, quant à à présent, et mentionnant dans la goutte l'existence de lésions hépatiques fonctionnelles assez accusées.
Ainsi, la plupart des bons auteurs qui ont écrit sur la goutte n'ont pas manqué de citer la présence, à titre d'accident pré-monitoire des accès de goutte, d'une tuméfaction passagère du foie, marquée par le développement de l'hypochondre droit et les signes ordinaires révélés par la percussion et la palpation. M.W. Gairdner, dans son Traité de la goutte (p. 171), est, sous ce rapport, très explicite. Scudamore (2), d'ailleurs, avait déjà fait cette observation et il relate un cas dans lequel pendant trois mois, l'accès de goutte avait été précédé par une tuméfaction du foie, accompagnée de troubles dyspeptiques très prononcés. Dans une bonne dissertation sur
(1) Communication orale.
(2) Traité de la goutte et du rhumatisme. Paris, 1823, t. i, p. 120.
la goutte (1), M. Galtier Boissière rapporte comment il a maintes fois observé sur lui-même cet accroissement tempo-raire du volume du foie qui prélude aux accès.
La répétition fréquente de ces hypérémies périodiques semble pouvoir, à la longue, occasionner une tuméfaction permanente qu'il n'est pas très rare d'observer chez des sujets atteints de goutte chronique, ainsi que l'ont fait remarquer Scudamore et M. Galtier Boissière.
Or, Messieurs, cette tuméfaction, cette lésion fonctionnelle hépatique, prodrome des accès, coïncide avec un autre phéno-mène qui lui donne une signification particulière. Je veux parler de Faccroissement de la proportion de l'acide urique dans le sang qui, suivant les recherches de M. Garrod, com-mence à se produire dans la période qui précède l'apparition des accès de goutte. C'est, remarquez-le bien, seulement dans les cas de goutte invétérée que l'uricémie existe d'une façon permanente. Dans les cas ordinaires, l'accumulation pathologique d'acide urique, cliniquement révélée par le pro-cédé du fil, s'observe pendant la durée de l'accès et s'efface dans les intervalles. Il est vraiment digne d'attention de voir que cette accumulation s'accentue déjà quelques jours ou plusieurs semaines avant l'accès, c'est-à-dire dans le temps même où se produit l'hypérémie hépatique prémonitoire sur laquelle j'insistais il y a un instant. Il n'est pas possible de ne point reconnaître, après tout ce que je viens de dire, l'exis-tence d'une relation entre les deux phénomènes. Selon toute probabilité, c'est en conséquence de la lésion fonctionnelle du foie que l'acide urique, formé là en excès, s'accumule dans le sang et la saturation qui se produit ainsi, à un mo-ment donné, paraît contribuer à provoquer le développement de l'accès.
Cette production exagérée d'acide urique se fait-elle dans
(1) Paris, 1859, p. 111.
la goutte aux dépens de celle de l'urée, c'est ce qu'on ne saurait décider actuellement, faute de recherches positives à cet égard.
Sans méconnaître le rôle du foie dans la production de l'uricémie des goutteux, rôle qui a été très ingénieusement mis en relief « gout, likes diabètes, is the resuit of a fonc-tionnai dérangement of the liver » (toc. cit., p. lï), par M. Murchison dans ses intéressantes leçons sur les lésions fonctionnelles du foie, il faudrait se garder de l'exagérer. Une condition spéciale favorise dans la goutte l'accumulation de l'acide urique dans le sang, c'est l'existence ordinaire, en pareil cas, d'un vice fonctionnel du rein qui, ainsi que l'a établi M. Garrod, a pour effet de maintenir au-dessus de la normale, d'une manière habituelle, le taux de l'acide urique excrété, non seulement dans le cours des accès de goutte, mais encore dans leurs intervalles. Il importe de tenir compte de ces deux facteurs qui, agissant en quelque sorte en sens inverse, concourent cependant vers le même but.
ô\ 11 est un chapitre appartenant aussi à l'histoire de la goutte où le rôle du foie dans la production de l'uricémie peut encore, ce me semble, être bien mis en relief. Je veux parler de la goutte saturnine. Vous n'ignorez pas que la goutte tophacée la plus accentuée, en dehors de toutes les conditions classiques qui l'engendrent chez les gens aisés, peut survenir chez les saturnins par le fait même de l'intoxication dont ils souffrent. Or, on sait, d'un côté, par les travaux de M. Garrod, que l'acide urique s'accumule facilement dans le sang chez les saturnins alors même qu'ils ne sont pas, à proprement parler, atteints de goutte et l'on sait, d'autre part, que chez eux le foie, dont le parenchyme est imprégné de plomb, fonctionné d'une façon anormale. Ajoutons que, d'après les recherches de M. Garrod, les préparations saturnines auraient
pour effet de partager en partie la fonction éliminatrice du rein à l'égard de l'acide urique, et nous aurons énuméré un concours de circonstances bien propres à expliquer le dévelop-pement relativement fréquent de la goutte chez les satur-nins (1).
s. S'il est vrai, comme cela paraît démontré par les considé-rations qui précèdent, que certaines lésions fonctionnelles du foie aient pour résultat de produire la lithémie et consécutive-ment, quelques circonstances aidant, la goutte proprement dite, celle-ci devra survenir, à titre d'affection symptomatique, consécutive à divers lésions matérielles du parenchyme hépatique qui, sans supprimer le fonctionnement régulier de l'organe, sont capables pourtant de le modifier profondément. La réalité des faits de ce genre ne me paraît guère douteuse , toutefois, elle n'a pas été jusqu'ici relevée comme elle le mérite. Je puis citer cependant deux cas observés dans le service de M. Bucquoy et consignés dans la thèse de M. Hanot (2). L'un de ces cas est relatif à la cirrhose hypertro-phique; dans le second, il s'agit d'un ictère chronique dont la nature n'a pas été déterminée. Dans les deux cas, il y avait des dépôts tophacés aux doigts de la main et des concré-tions d'urate de soude occupaient les oreilles externes, signes univoques de l'affection goutteuse.
Sans aller jusqu'à la goutte, il est possible que l'uricémie ou, si vous aimez mieux, la lithémie avec ses conséquences variées se montre dans différentes affections où l'existence d'une lésion soit fonctionnelle et superficielle, soit organique et plus ou moins profonde, soit aisément démontrable. La présence fréquente dans les urines de sédiments d'acide uri-que cristallisé ou d'urates amorphes fortement colorés par le
(1) Plusieurs observations nouvelles de goutte saturnine ont été insérées par Wilks dans GmfsHosp. Reports, 1875.
(2) Loc. cit., p. 55.
pigment urinaire, ou d'urates amorphes formés peu après l'émission est généralement considérée à juste titre comme une des révélations cliniques de cette espèce d'uricémie. Dans quelques cas, les malades rendent par la miction une gra-velle microscopique ou de petits calculs d'acide urique, déjà constitués dans les voies urinaires. Parmi les lésions organi-ques du foie où elle se rencontre, je me bornerai à mention-ner la cirrhose et parmi les lésions fonctionnelles, cet état particulier du foie que les Anglais désignent assez commu-nément sous le nom de torpeur (Torpor of the Liver) et qu'ils considèrent avec raison comme un des phénomènes avant-coureurs de la goutte.
A ce sujet, il n'est pas hors de propos d'insister sur ce fait, que la formation d'un sédiment plus ou moins abondant d'urates amorphes, ou d'un dépôt d'acide urique cristallin, dans les urines, peu de temps après l'émission, ne saurait prouver que l'excrétion de cet acide est augmentée d'une ma-nière absolue. Des urines chargées de semblables dépôts peu-vent, en réalité, ne contenir que des proportions d'acide uri-que relativement faibles ou même très notablement au-des-sous du taux normal. L'oligurie fébrile, un haut degré d'aci-dité des urines, tel qu'on le rencontre, par exemple, dans cer-tains états dyspeptiques (Prout, Brodie, Budd), sont, entre autres, des conditions qui suffisent fréquemment à détermi-ner la prompte formation des sédiments dont il s'agit, sans qu'il y ait élévation du chiffre de l'acide urique. D'un autre côté, il est aussi parfaitement établi, parles travaux de Bence Jones et ceux plus récents de Bartels, que des urines qui ont conservé leur transparence, même longtemps après l'émis-sion, renferment quelquefois une forte proportion d'acide uri-que.
Par conséquent, une analyse méthodique portant sur la otalité des urines, rendues dans les vingt-quatre heures,
permettrait seule de décider d'une manière positive si le chiffre de l'acide urique s'est élevé, abaissé, ou enfin s'il s'est maintenu dans les limites de l'état normal. Il importerait même, suivant en cela le prétexte de Parkes et de Ranke, de répéter cet examen pendant une série de cinq ou six jours, car il est démontré que l'excrétion de l'acide urique s'opère, très souvent, d'une manière irrégulièrement intermittente, et diffère beaucoup, dans les circonstances les plus variées, non seulement aux diverses époques de la journée, mais encore d'un jour à l'autre.
Lorsque les dépôts d'acide urique cristallisé ou dmrates amorphes se forment non plus après l'émission, mais bien dans l'acide contenue dans un point quelconque des voies urinaires, et à plus forte raison, lorsque les malades rendent du gravier, on est très souvent porté à admettre que l'acide urique existe en excès dans l'organisme et est excrété en pro-portion anormale. Mais ici encore la conclusion n'est certai-nement pas toujours légitime. Ce résultat peut, en effet, être déterminé par des causes toutes locales et entièrement indé-pendantes de la diathèse urique, telles, par exemple, qu'une inflammation catarrhale de la vessie, des reins ou des bassi-nets (Brodie, Rayer). J'ai eu l'occasion d'examiner à plusieurs reprises, sans pouvoir y constater la moindre trace d'acide urique, le sérum du sang et la sérosité de vésicatoires prove-nant de sujets non goutteux, qui rendaient habituellement, en même temps que l'urine, des petits cristaux ou des concré-tions plus ou moins volumineuses d'acide urique. Plusieurs auteurs admettent qu'en pareille circonstance, il se développe au sein même des voies urinaires, une fermentation acide de l'urine analogue à celle que subit ce liquide, dans les condi-tions normales, un certain temps après l'émission (J. Scherer, Vogel). L'acide libre, ainsi produit, déterminerait, dans les
deux cas, la précipitation de la presque totalité de l'acide uri-que contenue dans les urines.
Quoi qu'il en soit, on ne saurait nier que la gravelle urique puisse se montrer liée quelquefois à l'existence d'un excès d'acide urique dans le sang (Rayer). M. le docteur Bail m'a communiqué l'observation d'un homme âgé d'une cinquantaine d'années, et qui rendait fréquemment, à la suite de coliques néphrétiques violentes, de petits calculs d'acide urique. Un vésicatoire ayant été appliqué sur la région épi-gastrique, la sérosité fut recueillie dans un verre de montre et additionnée de quelques gouttes d'acide chlorhydrique. 11 s'y forma rapidement de très nombreux cristaux rhomboé-driques d'acide urique. Cet homme n'avait jamais éprouvé aucun des symptômes de la goutte articulaire ; les urines ne renfermaient pas trace d'albumine. Il faut sans doute rappor-ter à cette seconde catégorie la plupart des cas où la gra-velle urique précède l'apparition de la goutte, et lorsque celle-ci est établie, alterne visiblement — bien que, le plus souvent, à de longs intervalles — avec les manifestations articulaires (1).
II.
Je m'aperçois un peu tard que je me suis laissé entraîner fort loin à propos de l'acide urique et de la goutte, de telle sorte qu'il me reste fort peu de temps pour vous p-irler du
(1) Consultez: Scudamore, loc. cit. —Rayer, Traité des maladies des reins. Paris, 1839, t. i, p. 93, 197, 198. — Prout, On stomach and renal diseases. London, 1848, p. 194. —J. Scherer, Untersuch, zur pathologie. Heidelberg, 1843, § 1, p. 17. — Rrodie, Leçons sur les maladies des organes urinaires, traduites par J. Patron. Paris, 1845, p. 251, 278. —Parkes, On urine. London 1860, p. 218. —Ranke, Ausscheidung der Harnsaure. München, 1858.— J. Vogel,in Virchow's Handbuch der pathologie und Therapie, ivBd., 2 Abth., 3 Heft. p. 561. — Bartels, Harnsaure Ausscheidung in Krankheiten,m Deutsch Archiv für Klinische Medicin, 1 Bd., 1 Heft., p. 13, Lei-pzig, 1865. —Beale De Purine, etc. Paris, 1865, p. 121, 171, 197, 406.
glycogène et de la fonction glycogénique du foie. A tout pren-dre, il n'y a pas lieu de le regretter. C'est un sujet, en effet, que renseignement de M. Cl. Bernard, le grand initiateur dans ce domaine, a depuis longtemps rendu classique parmi nous. D'ailleurs, nous aurons l'occasion de le rencontrer de nouveau dans le cours de nos études lorsqu'il s'agira des al-térations du foie chez les diabétiques.
Vous savez que la glycogène, qu'on appelle encore zooa-myline ou hépatine, est une substance chimiquement analo-gue à l'amidon et. dont l'existence dans le foie a été démon-trée en 1856 par M. Cl. Bernard. Elle se présente dans le laboratoire sous forme d'une poudre blanche, légère, amor-phe, qui, sous l'influence de la teinture d'iode, se colore en brun acajou ; mise en contact avec la salive, la diastase, le tissu du pancréas, elle se transforme : Io en dextrine, 2° en glycose tout à fait semblable au sucre de raisin. Vous n'avez pas oublié que le glycogène occupe dans le foie la cellule hépatique et vous savez aussi sous quelle apparence il s'y révèle à l'examen microscopique.
A ne considérer que l'adulte, c'est surtout dans le foie qu'on trouve le glycogène. 11 ne faut pas ignorer toutefois que quel-ques auteurs en ont signalé dans les muscles. (Observations de Mac Donnell chez les oiseaux, de Nasse et Weiss chez les lapins) (1). On rencontre le glycogène dans les leucocytes vi-vants (Hoppe Seyler); dans les cellules en voie de développe-ment [chondromes, épithéliomes (Ranvier)]. Enfin M. Abeles prétendait tout récemment (2) en avoir trouvé Jans la rate, les poumons et les reins chez le chien. Mais toujours est-il que c'est dans le foie que le glycogène existe en abondance et en permanence et c'est à propos du foie seulement qu'il peut être question d'une fonction glycogénique.
(1) Voir à ce sujet: Segen. — Der Diabetes Mellitus, p. 12. Berlin, 1875.
(2) Centralblatt, 1876, p. 84.
La proportion de glycogène dans le foie varie suivant des conditions physiologiques bien connues et sur lesquelles il n'est pas nécessaire d'insister, et aussi suivant diverses con-ditions pathologiques. Il importerait de connaître et de déter-miner exactement les variations du dernier genre chezl'homme. Malheureusement, le glycogène est une substance qui, en ce qui concerne l'homme, n'arrive pas jusqu'à l'anatomo-patho-logiste. Spontanément, soit au moment de la mort, soit peu après, il disparaît en se transformant en sucre. En fait de glycogène chez l'homme, on n'a guère de notions que sur celui qu'on a pu recueillir quelquefois chez les suppliciés. Je vous ai montré l'autre jour un échantillon de cette provenance que M. Cl. Bernard, avec la plus grande obligeance, avait bien voulu me confier.
Si les variations du glycogène, dans les maladies, ne peu-vent pas être constatées post mortem, les modifications que subit la fonction glycogénique, sous l'action de diverses lé-sions du parenchyme hépatique sont cependant susceptibles de se révéler durant la vie, d'une façon indirecte, en produi-sant, comme nous le dirons tout à l'heure, une forme parti-culière de glycosurie.
Je ne m'arrêterai pas à envisager la fonction glycogénique dans son ensemble; je me bornerai à y relever un épisode qui nous intéresse particulièrement.
11 est prouvé par les expériences les plus variées que le gly-cogène prend naissance aux dépens des substances albumi-noïdes fournies par la digestion ; mais il est aussi parfaite-ment établi que les matières amylacées, transformées en gly-cose dans la digestion, augmentent remarquablement la pro-portion de glycogène contenue dans le foie. Le rôle du foie, d'après M. Cl. Bernard, en ce qui regarde les substances amy-loïdes et le sucre, est donc le suivant : « Il retient, fixe et
modifie le sucre digéré dans l'intestin (1) en l'amenant à l'état de glycogène. » Et encore « le foie empêche ou modère l'en-trée du sucre alimentaire dans le sang. »
Ce rôle particulier du foie, à l'égard du sucre apporté par le sang de la veine porte, a été depuis longtemps mis en évi-dence par M. Cl. Bernard dans une expérience très saisissante. Si l'on injecte une solution de glycose dans la veine jugulaire d'un animal, le sucre passe dans les urines. Si, au contraire, le sucre est injecté par la veine porte, il est arrêté par le foie et n'apparaît pas dans les urines. Ces expériences ont été ré-cemment répétées et confirmées par M. Schoppfer (2).
Dans ces expériences, le foie est supposé normal. Il était à prévoir qu'une altération profonde du parenchyme, en modi-fiant les conditions anatomo-physiologiques de la cellule aurait pour effet d'annihiler la fonction glycogénique. D'où il résulte que le sucre, provenant de l'alimentation amylacée, n'étant plus fixé dans le foie sous forme de glycogène, devra passer sous forme de sucre à travers la glande hépatique et arrivera dans le torrent circulatoire pour en être éliminé, toujours sous forme de sucre, par les reins.
Les prévisions de la physiologie expérimentale ont eu leur réalisation dans le domaine de la clinique. Un médecin dis-tingué des hôpitaux de Lyon, M. Colrat, a eu l'idée que les sujets, qui sont atteints de lésions diffuses graves du paren-chyme hépatique, doivent être, sous le rapport de la diges-tion des matières sucrées, dans les conditions où se trouve un animal auquel du sucre est injecté dans la veine jugulaire. Il cite, en effet, trois cas de cirrhose, dont deux avec autop-sie, et un cas d'oblitération des voies biliaires dans lesquels le sucre en proportion notable apparaissait régulièrement dans les urines pendant la période de digestion des féculents, re-
(1) Revue des cours scientifiques, 1872-1873.
(2) Archiv fur exp. Pathologie, 1873.
produisant ainsi les conditions de ce que M. Cl. Bernard appelle la glycosurie alimentaire, par opposition à la gly-cosurie résultant de la transformation exagérée du glycose en sucre (1).
A son tour, M. Lépine s'est récemment attaché à provoquer en quelque sorte expérimentalement ce diabète alimentaire, chez des sujets qu'on soupçonnait être affectés d'une lésion grave de parenchyme hépatique. L'expérience — il s'agit d'une expérience clinique — a consisté à faire prendre aux malades de 300 à 500 grammes de sucre. Dans trois cas de cirrhose confirmée, le résultat a été de produire, en effet, une glycosurie qui, dans Un cas même, s'est prolongée six jours après l'injection du sucre (2). On conçoit qu'il y ait là une donnée à utiliser pour le diagnostic. Les maladies abdomi-nales qui n'intéressent pas le foie, ou les altérations du foie qui n'affectent pas gravement le parenchyme, d'une façon diffuse, ne produiront pas le diabète alimentaire.
Dans la prochaine séance, j'entrerai, Messieurs, dans le do-maine de l'anatomie et de la physiologie pathologique spé-ciales en commençant par l'histoire de la lithiase biliaire.
(1) Couturier, thèse de Paris, 1875.
(2) Gazette médicale, n° 11, mars 1876.
DOUZIÈME LEÇON
De la lithiase biliaire.
Sommaire. — Fréquence de la lithiase biliaire. — Opinions des auteurs sur les accidents qu'elle détermine. — Recherches de Volff. — Considérations géné-rales .
Des calculs biliaires : définition. — Calculs proprement dits et gravelle biliaire. — Nombre et volume des calculs : Ils sont solitaires ou multiples. — Cou-leur, densité, structure rayonnée ou striée des calculs.
Messieurs,
Ainsi que je vous l'ai annoncé, nous allons entreprendre aujourd'hui l'histoire de la lithiase biliaire. Cette dénomi-nation embrasse non seulement la description des concré-tions formées aux dépens du produit de la sécrétion biliaire, mais encore celle de divers accidents morbides dus à la pré-sence de cette concrétion (1). A notre point de vue, c'est sur-tout le côté anatomique que nous devons envisager ; toutefois, nous aurons soin de ne pas négliger l'étude du mécanisme, ou autrement dit, de la physiologie pathologique des accidents morbides très variés que provoquent les cholélithes.
Pour vous faire pressentir, dès l'origine, l'intérêt qui, pour vous, s'attache à l'histoire des concrétions biliaires, je ferai ressortir, en premier lieu, que c'est là une des Usions les plus vulgaires qui se puissent rencontrer. « La production des calculs biliaires, dit Cruveilhier, est une des lésions les plus communes de l'espèce humaine. » (2). Et il invoque à ce
(1) Requin. — Pathologie interne, t. m, p. 142.
(2) Traité d'anatomie pathologique, t. n, p. 167.
propos le témoignage de tous les médecins qui ont observé à la Salpêtrière, asile consacré, pour une bonne partie, vous le savez, aux femmes âgées. Le fait est que, d'après mes ob-servations conformes sur ce sujet à Cruveilhier, les calculs biliaires se voient très vulgairement, dans le quart des autop-sies qui se font dans cet hospice.
Cruveilhier ajoute, à la vérité, un peu plus bas la phrase suivante : « Il est rare qu'un calcul urinaire ne se relève pas pendant la vie par quelques accidents plus ou moins graves, tandis que dans l'immense majorité des cas, les calculs bi~ liaires ne sont reconnus qu'à l'ouverture du cadavre. » D'après cette assertion, les concrétions biliaires sont donc pré-sentées surtout comme un objet de curiosité anatomique et cette circonstance serait bien propre à atténuer l'intérêt que leur étude pourrait inspirer au praticien. Rostan et Beau qui, eux aussi, avaient observé à la Salpêtrière, ont déposé à peu près dans le même sens que Cruveilhier. Beau, plus parti-culièrement, s'est efforcé de dépouiller, si l'on peut ainsi par-ler, la lithiase biliaire de tous ses attributs cliniques, en cher-chant à établir entre autres que, dans la plupart des cas, les accidents qu'on rapporte vulgairement, sous le nom de coli-ques hépatiques, à la migration d'un calcul, ne sont autre chose qu'une espèce de névralgie qu'il appelle hépatalgie et qui se produirait indépendamment de la lithiase biliaire.
Je me vois obligé, Messieurs, de déclarer que l'opinion de mes éminents prédécesseurs à la Salpêtrière est beaucoup trop absolue et qu'elle ne saurait être, tant s'en faut, acceptée sans réserve. Certes, chez les vieillards, la lithiase biliaire demeure fort souvent latente , la colique hépatique, en particulier, se montre très rarement chez eux dans son type de parfait développement, mais une observation attentive le fait reconnaître fréquemment chez eux à l'état fruste, embryon-naireen quelque sorte,et, ainsi que j'ai essayé de le prouver dans
le temps, ce n'est pas là un des épisodes les moins intéres-sants de la pathologie sénile. En ce qui concerce l'adulte, qui oserait soutenir que la colique hépatique, occasionnée par les calculs, est vraiment une affection rare? Pour démon-trer qu'une telle assertion serait erronée, il me suffira de relever en deux mots les résultats de la pratique, assez lon-gue d'ailleurs, d'un médecin qui a exercé dans une petite ville d'Allemagne, le docteur Wolff. En 40 ans, ce médecin a observé 44 cas de lithiase biliaire, avec évacuation d'un ou de plusieurs calculs et la colique hépatique avait existé dans la grande majorité de ces cas.
Du reste, la colique hépatique est loin d'être la seule révé-lation clinique de la lithiase biliaire. Celle-ci possède un do-maine pathologique beaucoup plus étendu, beaucoup plus va-rié. Elle est capable, vous disais-je, il y a quelques jours, d'engendrer toute une iliade de maux : c'est là une assertion que je voudrais, dès à présent, justifier sommairement. Dans ce but, je puis me borner à énumérer, en dehors de la coli-que hépatique, quelques-uns des accidents si multipliés que peut déterminer la lithiase biliaire.
Arrêtons-nous au cas très vulgaire de la migration des cal-culs développés dans la vésicLile du fiel. Cette migration, vous le savez, peut s'opérer par les voies naturelles, c'est-à-dire que le calcul s'insinue dans le canal cystique, puis clans le ca-nal cholédoque. C'est pendant ce temps que se produisent d'or-dinaire les désordres nerveux qui constituent la colique hépa-tique. Lorsque le calcul, ayant franchi l'orifice duodénal, est parvenu dans l'intestin, les douleurs cessent, en général, tout à coup et, tôt ou tard, sans nouveaux accidents, il est évacué par l'anus. Mais il arrive quelquefois que diverses anomalies surviennent dans cette série, pour ainsi dire natu-relle, des événements. Il est possible, en effet, que le calcul
s'arrête dans un point quelconque du trajet des voies biliai-res et y reste enclavé. Si, par exemple, il s'agit d'une oblité-ration plus ou moins complète du canal cholédoque, les con-séquences les plus graves pourront en résulter. Sans parler de la déchirure avec perforation des parois du canal qui a été plusieurs fois observée, il me suffira de citer Yictère chroni-que permanent par rétention biliaire, lequel conduit très certainement au marasme au bout de quelques mois, tout au plus d'un ou deux ans ; différentes altérations du foie ou des voies biliaires, telles que certaine forme de la cirrhose, l'an-giocholite catarrhale ou suppurée, les abcès multiples biliai-res, etc.
Dans le cas où le calcul, ayant franchi l'orifice du canal cholédoque, est parvenu dans l'intestin, il peut être encore l'occasion d'accidents redoutables. Les calculs biliaires, en effet, s'enclavent quelquefois dans l'intestin grêle et y occa-sionnent ainsi des symptômes d'iléus. D'autres fois, ils pénè-trent dans l'appendice vermiforme et deviennent là le point de départ d'une typhlite ulcéreuse ou d'une péritonite par perforation à peu près nécessairement mortelle.
Les cholélithes cysliques n'émigrent pas toujours par les voies naturelles. La paroi de la vésicule, enflammée par le contact du calcul, peut contracter des adhérences avec les organes creux qui sont naturellement en rapport avec elle. Ainsi se forment les fistules bi-muqueuses calculeuses cystico-duodénales, cystico-coliques,, cystico-gastriques, lesquelles donnent parfois issue aux calculs.
L'émigration s'effectue encore par les voies urinaires, par l'intermédiaire d'une fistule cutanée abdominale ou enfin, dans les cas les plus malheureux, l'ulcère de la vésicule peut s'ou-vrir dans le péritoine.
Ces considérations rapides suffiront amplement, je pense, pour mettre hors de doute que le praticien ne saurait se dé-
sintéresser de l'étude des concrétions biliaires et, parla même, se trouvent motivés des détails dans lesquels nous allons en-trer.
Nous procéderons de la façon suivante : l°nous traiterons des caractères physiques et chimiques des cholélithes, de leur mode de formation dans les voies biliaires ; — 2° après cela, nous étudierons anatomiquement et physiologiquement les accidents variés dus à leur présence dans l'organisme.
Il convient tout d'abord de bien déterminer ce qu'on doit appeler un calcul biliaire. Partout où la bile naît ou séjourne, les cholélithes peuvent se produire. Cependant, toutes les ccncrétions que l'on rencontre dans les voies biliaires ne sont pas nécessairement des calculs biliaires. Il faut réserver ce nom aux seules concrétions dont la constitution physico-chi-mique indique qu'ils ont pris naissance aux dépens des divers éléments qui entrent normalement dans la composition de la bile.
Comme nous venons de le dire, les calculs biliaires peuvent se former dans les voies biliaires partout où séjournera la bile ; ainsi dans les ramifications biliaires intra-hépatiquôs, dans le canal cystique, l'hépatique ou le cholédoque. Mais, ceux que l'on observe dans ces derniers canaux sont généralement des calculs émigrés, provenant de la vésicule du fiel. Celle-ci est, en réalité, le véritable foyer de formation des choléli-thes.
Les descriptions qui vont suivre auront donc spécialement pour objet les calculs nés dans la vésicule. Quelques détails complémentaires suffiront ensuite pour faire connaître ce qu'offrent de particulier les cholélithes d'une autre prove-nance.
Il va sans dire que dans la vésicule, comme dans les autres points des voies biliaires, on distingue les calculs proprement
Charot. Œuvres complètes, t. vi. Maladies du foie. 9
dits, ceux dont le volume égale environ celui d'une lentille, de la gravelle ou sable biliaire qui se présente parfois sous l'aspect d'une poussière fine et sur laquelle nous donnerons plus tard quelques renseignements.
Je passerai rapidement, Messieurs, sur toutes les notions relatives aux dimensions, au nombre, à la configuration, à la couleur, à la densité des calculs biliaires. Vous trouverez, à cet égard, tous les détails les plus circonstanciés dans les au-teurs classiques.
Le nombre des calculs que l'on trouve dans une vésicule est communément de 5 à 20 ou 30 : il y a des calculs solitaires; on peut en compter jusqu'à 2,000 (Gruveilliier), jusqu'à 7,000 (Otto, collection de Breslau). Peu importe, d'ailleurs, le chiffre exact. Mais un fait intéressant qu'il est bon de signaler, c'est que, dans la règle, tous les calculs qu'on rencontre dans une même vésicule ont la même composition chimique, la même structure, le même volume, la même couleur, etc. Il y a fort peu d'exceptions à cette règle.
Le volume des calculs est nécessairement très variable. Les cholélithes, gros comme une noisette, sont les plus vul-gaires. On cite, à titre de rareté, le calcul de Meckel qui avait quinze centimètres de long sur six centimètres de diamètre, et qui pesait seulement 30 gr., 30.
Les calculs solitaires sont arrondis ou ovoïdes. Quand ils atteignent des dimensions exagérées, ils sont piriformes par-ce qu'ils se moulent en quelque sorte sur la cavité de la vési-cule dont ils prennent la forme. — Les calculs multiples — et c'est là un point qui ne manque pas d'intérêt pratique — offrent d'ordinaire des facettes planes ou arrondies.
Quelquefois, la forme générale est ovoïde et les facettes évidemment produites par le frottement réciproque ne se voient
que lorsqu'on les cherche avec quelque attention. D'autres fois, chaque calcul aune forme pyramidale, tétraédiique, etc. Dans ce dernier cas, on rapporte communément l'existence des facettes au frottement réciproque des calculs. M. Klebs fait remarquer avec raison que si ce mécanisme était exact, les couches intérieures qui composent l'écorce devraient être interrompues par places. Or, ceci n'a pas lieu. Les couches lamelleuses sont généralement complètes. Il semble plutôt que les facettes sont produites par une sorte de pression que les calculs, entassés dans la vésicule, exercent les uns sur les autres.
La couleur des calculs est très variable. Ceux qui sont com-posés de cholestérine presque pure sont blancs dans toute leur étendue et quelquefois transparents. D'autres, également constitués par de la cholestérine, ont une écorce plus ou moins colorée et opaque, tantôt brun jaune, tantôt verdâlre. La coloration dépend surtout de la présence de telle ou telle variété de la matière colorante biliaire.
La densité est très faible, mais plus grande que celle de l'eau et de\la bile. C'est donc à tort que Sœmmering et plu-sieurs autres auteurs avaient avancé que quelques calculs biliaires, plongés dans l'eau et la bile, surnageaient. Toujours, ils vont au fond du liquide quand ils sont frais. Quelquefois les calculs desséchés, conservés depuis longtemps dans une collection, surnagent ; mais si on les maintient plongés dans le liquide, on voit se dégager des bulles d'air et bientôt le calcul reprenant sa densité ancienne, gagne le fond du vase.
Diverses particularités de structure des calculs méritent de nous arrêter un instant. C'est dans les cholélithes que s'offre dans son type le plus parfait la disposition dite rctyonnée ou striée des calculs. Les calculs de cholestérine
pure, en effet, paraissent composés d'aiguilles pyramidales, rayonnant autour d'un centre, la base des pyramides étant dirigée vers la périphérie du calcul.
Mais la structure des calculs biliaires n'est pas constamment aussi simple. En outre de la couche formée par les aiguilles rayonnantes, il convient de distinguer dans les calculs com-posés et qui sont, en somme, les plus communs, une partie centrale ou noyau et une écorce. Ainsi, on trouve dans la, grande majorité des calculs biliaires: 1° un noyau central; 2° une zone moyenne, en général constituée par plusieurs la-melles concentriques produites par les pyramidales rayon-nantes; 3o une écorce lamelleuse.
a) Le noyau présente le plus souvent une coloration d'un brun noir ou verdâtre. Il résulte habituellement d'une combi-naison particulière du pigment biliaire (biliverdine ou biliru-bine) avec la chaux dont il sera question ultérieurement. Le noyau est tantôt plein, tantôt fendillé par dessication et il existe alors au centre du calcul une cavité plus ou moins an-fractueuse rappelant, suivant une remarque de Gruveilhier, la disposition des géodes. Quelquefois onrencontre encore, dansle noyau, du mucus concret (Ch. Robin, Frerichs), des cellules épithéliales ratatinées (Frerichs). Enfin, on y a vu, il est vrai très rarement, des corps étrangers, dont Cruveilhier, à tort, a nié la réalité (1). On cite dans tous les livres le fameux cas que Lobstein a fait représenter dans l'Atlas annexé à son Traité d'analomie pathologique. 11 s'agissait d'un ascaride lombricoïde desséché, formant le noyau d'un calcul. On trouva, chez le même sujet, trente autres ascarides dans les voies biliaires. L'Atlas de Lobstein est devenu fort rare; heureuse-ment la planche relative à ce cas singulier a été reproduite par M. Bouisson dans son mémoire intitulé : De la bile, etc.
(1) Traité d'anatomie pathologique, t. ri, p. 86.
(Montpellier, 1843, PL III, fig. 7. A, B, C). On peut mention-ner encore comme exemple de corps étrangers constituant le noyau d'un calcul biliaire:
1° Le cas de Nauche : une aiguille de deux centimètres de long formait le centre d'un calcul biliaire de la grosseur d'une noix ; 2° le cas de M. Bouisson : le centre du noyau était com-posé d'une petite concrétion sanguine ; 3° un autre cas du même auteur, observé chez le bœuf : le noyau était formé par un distome hépatique ; 4° En dernier lieu, je vous rappellerai que M. Thudicum a trouvé, en soumettant au lavage, le noyau d'un certain nombre de calculs biliaires provenant d'une seule vésicule, un certain nombre de filaments rameux figu-rant évidemment le moule interne des petits conduits biliaires intra-hépatiques et qui paraissent avoir joué le rôle de centre de formation de ces concrétions.
b. Il me reste peu de chose à exposer touchant la structure de la couche moyenne après ce qui en a été dit plus haut. Cette zone est d'ordinaire, je le répète, composée de cristaux de cholestérine et offre l'aspect radié. Quelquefois, les ra-diations sont interrompues par des stries ou couches concen-triques qui coupent les pyramides cristallines perpendiculai-rement à leur grand axe. La couche moyenne est tout à fait blanche, transparente, ou, au contraire, plus ou moins colorée. Dans ce dernier cas, le pigment biliaire s'est mélangé en pro-portions diverses à la cholestérine qui en est exempte dans le premier. Il est rare que la couche moyenne, cependant com-posée aussi de cholestérine, offre un aspect savonneux, uni-forme, sans stries, sans stratification, sans apparence cris-talline.
c. L'écorce existe le plus fréquemment. Elle manque pour-tant, comme on l'a avancé, dans quelques calculs. En pareille
circonstance, les bases des pyramides cristallines se prolon-gent jusqu'à la surface sous forme de saillies mamelonnées.
Quand il y a une écorce, elle se distingue presque toujours très nettement de la zone moyenne par sa couleur, son appa-rence stratifiée et sa consistance. Elle est composée tantôt de cholestérine, disposée en couches minces paraissant séparées, sur une coupe du calcul, par des stries de pigment biliaire. Tantôt l'écorce est due à une combinaison de pigment biliaire et de chaux formant une ou plusieurs couches plus ou moins épaisses, de couleur brune ou verte. Enfin, il est possible que, dans l'écorce, on voie des couches de carbonate de chaux séparées par des dépôts de pigment.
La plupart des variétés de calculs biliaires sont susceptibles d'être ramenées, quant à leur structure, au type fondamental dont nous venons de tracer la description. L'absence simul-tanée du noyau et de l'écorce, celle de l'écorce seule, celle du noyau seul, tels sont les principaux motifs des distinctions à établir, sous ce rapport, entre les calculs biliaires.
Toutefois, on rencontre, assez rarement d'ailleurs, de petits calculs homogènes, à texture uniforme, constitués par un mélange intime de cholestérine, et de la combinaison déjà signalée du pigment biliaire avec la chaux. Les petits calculs plats dessinés par Frerichs (Atlas, Pl. XIV, fig. 14) sont des exemples de ce genre.
TREIZIÈME LEÇON
De la lithiase biliaire (suite).
Sommaire. — Constitution chimique des calculs biliaires. — Prédominance de la Cholesterine.—Proportion du pigment biliaire ; — des acides biliaires; — des sels minéraux; — de la chaux; — des substances inorganiques (fer, cuivre, mercure). — Mucus et epithelium: ils peuvent constituer le noyau d'un calcul.
Des modifications chimiques subies par les calculs dans leur migration. — Théo-ries sur le mode de formation des calculs de la vésicule biliaire.
Messieurs,
Je me propose d'indiquer dans la première partie de cette leçon les faits qu'il nous est indispensable de connaître relati-vement à la constitution chimique des calculs biliaires. Seule, la connaissance de ces faits nous fournira les caractères pro-pres à établir péremptoirement l'identité des calculs biliaires etnouspermettra d'aborder le problème, fort difficile d'ailleurs, et insoluble encore sur la plupart des points, du mode de for-mation de ces concrétions.
A. Les concrétions biliaires, ainsi que je vous l'ai fait re-marquer déjà, sont formées, d'une façon très générale, aux dépens des éléments de la bile. En réalité, la plupart des élé-ments qui composent normalement la bile se retrouvent dans un cholélithe du groupe composé, dont, en somme, les spé-cimens sont les plus nombreux, les plus vulgaires. Toutefois, les proportions dans lesquelles se rencontrent ces éléments
dans la bile se montrent en quelque sorte renversées dans le cas du calcul biliaire.
Ainsi, dans les calculs biliaires, c'est de beaucoup la cho-lestérine qui domine : elle y est souvent représentée par le chiffre de 70 à 90 pour 100, tandis que, dans la bile, au con-traire, vous vous en souvenez, le taux de la cholestérine est comparativement très minime. Dans cette circonstance, selon la remarque de Frerichs et de M. Ch. Robin, nous avons l'ana-logue de ce qui se passe dans les calculs urinaires en ce qui concerne l'acide urique. Cette dernière substance, qui existe en très faible proportion dans l'urine, concourt cependant pour la plus grande part, à la formation des calculs qui se conerè-tentau sein du liquide urinaire.
Après la cholestérine, le pigment biliaire occupe la place la plus importante dans la composition des calculs biliaires. Par un contraste frappant, les acides biliaires, dont le chiffre est relativement si élevé dans les analyses de la bile, ne figure dans les cholélithes de l'homme que pour une quotité très minime. Il n'en est plus tout à fait de même pour les calculs biliaires des ruminants.
Si l'on compare enfin, en ce qui regarde les sels minéraux, la composition des calculs biliaires et celle de la bile, on voit qu'il y a encore, sous ce rapport, une sorte d'interversion des rôles. Ainsi, dans la bile, ce sont les sels de potasse et de soude quiprédominentetcelaàun degré considérable ; les sels de chaux ne s'y trouvent qu'en une quantité très minime. Il faut consulter, à ce propos, l'analyse détaillée insérée dans le Traité des humeurs de M. Ch. Robin (2e édition, p. 655). On lit dans cette analyse que les sels de soude et de potasse s'élèvent de 5 gr. 12 à 7 gr. 50 et que celui des sels de chaux varie seulement entre 0 gr. 50 et 1 gr. 50.
Par opposition, dans les calculs biliaires, la chaux, ainsi que vous allez le constater, prédomine d'une manière notable. Lés
sels alcalins, eux, ne s'y rencontrent que dans des propor-tions vraiment insignifiantes. Ce dernier fait est fort intéres-sant au point de vue de la théorie du mode de formation des calculs biliaires.
Il n'est guère douteux, en effet, que la combinaison de la chaux, soit avec les acides biliaires, soit surtout avec le pigment biliaire, — les produits qui en résultent étant peu solubles — ne joue un rôle important dans les premiers phénomènes de la solidification des éléments de la bile. Il serait donc utile de rechercher d'où vient l'excès de cette base signalé dans les calculs. S'agit-il d'un vice dans la com-position de la bile par excès absolu ou relatif des sels de chaux, ou, au contraire, ces sels sont-ils un produit de sécrétion de la muqueuse de la vésicule ? Nous verrons que l'une des théo-ries, émises sur la formation des calculs, s'appuie sur la première hypothèse, lorsque d'autres théories invoquent la seconde.
Nous n'avons tenu compte, dans cette ônumération, que des substances qui font partie de la bile normale ou des dérivés de ces substances. Dans la constitution des calculs biliaires, il peut entrer des principes absolument étrangers à la composition de la bile. C'est là, d'ailleurs, une interven-tion assez rare, et, en somme, assez accessoire.
Quoiqu'il en soit, vous connaissez maintenant, Messieurs, les caractères les plus généraux de la constitution chimique des calculs biliaires. Mais, nous ne saurions nous arrêter à cet aperçu sommaire ; nous devons entrer, à ce sujet, dans quelques détails circonstanciés.
B. Nous commencerons par l'examen de la part qui re-vient aux acides biliaires. On les rencontre dans presque tous les calculs biliaires, mais toujours, je le répète, en assez faible proportion. Jamais ils n'y prennent une place considé-
rable. En revanche, chez le bœuf, ils se montrent souvent en assez forte proportion, tandis que, parfois, la cholestérine fait le plus souvent complètement défaut.
Dans les calculs biliaires, les acides biliaires se présen-tent tantôt combinés aux alcalins et solubles dans l'eau, tantôt sous forme de sels calcaires difficilement solubles dans l'eau, mais au contraire, solubles dans l'alcool. On les obtient par la solution alcoolique, sous l'aspect de conglomérats brillants, rappelant ceux de la leucine ; tel est le cas du glyco-cholate de chaux : ou bien sous l'aspect de cristaux. Le cholate de chaux, par exemple, qui se montre quelquefois en quantité relativement considérable (surtout chez les ruminants), forme des couches blanchâtres, paraissant, en dehors de toute préparation, composées de petites aiguilles à deux pointes, longues et fréquemment plus ou moins recourbées vers le milieu (1). Dans les solutions alcooliques, ce sel s'offre sous l'apparence de petits cristaux bacillaires.
Tout récemment, dans la bile d'un brun foncé que contenait la vésicule biliaire d'une femme de la Salpêtrière, nous avons observé, à l'aide du microscope, de très nombreuses aiguilles à deux pointes, longues et recourbées par le milieu, répondant à la description de Frerichs. Cette bile renfermait, en outre, une énorme quantité de tablettes de cholestérine. Un calcul, du volume d'une petite noix, logé dans cette vésicule, était composé ainsi qu'il suit : un noyau semblant constitué prin-cipalement par de la matière colorante , une zone moyenne composée de cholestérine disposée en pyramides radiées et légèrement colorées en jaune ; une écorce noirâtre, épaisse de plusieurs millimètres, qui a paru formée d'une agglomé-ration de masses pigmentaires, de cristaux rhomboédriques de cholestérine, et pour une assez forte part, de ces cristaux
Cl) Frerichs, loc. cit., p. 802, fig. 148, édition française de 1866.
en aiguilles de cholate de chaux que nous avions vus flot-tants dans la bile.
C. Dans les calculs biliaires de l'homme, la cholestérine est bien rarement absente, tandis qu'elle peut manquer dans les calculs du bœuf. Elle entre même et cette assertion est vraie dans la règle, pour la proportion la plus forte dans la composition des cholélithes humains. Ce fait est nettemeut mis en relief par les analyses de M. Ritter. Ce chimiste a analysé 958 calculs biliaires, provenant de l'homme. Dans trois d'entre eux seulement, on note qu'il n'y avait que des traces de cholestérine ou que celle-ci n'existait pas. Cette substance, dans les 954 autres calculs, s'élevait à 64, 98 pour cent.
La cholestérine, dans les calculs biliaires, se montre d'ordi-naire sous la forme cristalline. C'est à cette circonstance, en définitive, que les calculs biliaires doivent la structure radiée ou striée qui les caractérise physiquement. La cholestérine se reconnaît sans peine au microscope à la forme des petits fragments qu'on détache de la zone radiée du calcul. Elle se reconnaît aussi, quand cela devient nécessaire, par les réac-tions diverses qui lui sont propres et que je vous ai indiquées ailleurs. Si la cholestérine est pure, les pyramides cristalli-nes sont blanches, transparentes et miroitantes. Elles ont quelquefois une coloration jaune qui tient à l'interposition de granules de couleur orangée qui recouvrent ça et là la surface des tablettes cristallines ; l'examen mh : oscopique dé-cèle bien cette particularité (Ch. Robin).
Il y a des calculs sans noyau et sans écorce qui sont, pour ainsi dire, exclusivement composés de cholestérine cristalli-sée, par exemple certains calculs solitaires des vieillards. Mais le plus communément la cholestérine cristalline constitue la zone radiée moyenne. Il existe un noyau et une écorce, com-
posée par de la matière pigmentaire libre ou le plus souvent combinée à la chaux.
La cholestérine amorphe, plus ou moins mélangée avec la matière colorante pigmentaire, forme quelquefois des calculs entiers ou plus fréquemment certaines couches de l'écorce de quelques calculs.
D. La matière colorante de la bile entre dans la constitution de la majorité des calculs. Toutefois, il est rare qu'elle en forme la plus grande partie. En général, c'est dans le noyau et dans l'écorce qu'on la trouve en quantité assez notable. Là elle se présente : 1° sous la forme de bilirubine pure, soluble dans le chloroforme et pouvant se déposer en cristaux par l'évaporation ; 2° le plus souvent, la matière pigmentaire se combine avec la chaux. Le produit s'observe alors sous l'as-pect d'une poudre jaunâtre, rouge brun, insoluble dans le chloroforme, mais soluble dans les solutions alcalines faibles, portées à Tébullition. Il vaut mieux, suivant la remarque de Frerichs, employer comme dissolvant un mélange d'acide . chlorhydrique et le chloroforme. L'acide s'empare de la chaux et le chloroforme dissout la bilirubine (Frerichs). Dans cette combinaison calcaire, qui a été pour la première fois consta-tée par Bramsen, la bilirubine paraît se comporter comme un acide faible. Si on mélange une solution ammoniacale de bilirubine avec le chlorure de calcium, on observe un vé-ritable sel calcaire (1). C'est vraisemblablement ce sel qui existe dans les calculs biliaires. On a trouvé aussi, dans cer-tains calculs, une combinaison de biliverdine avec la chaux assimilable à celle que forme la bilirubine avec cette base.
Les calculs, assez rares du reste, où prédomine partout la bilirubine combinée à la chaux offrent à la coupe une colora-tion brun-rouge, plus ou moins uniformément répandue.
(1) Gautier, loc. cit., t. n, p. 109.
Ils ont une coloration verle s'il s'agit d'une combinaison cal-caire de biliverdine. Les calculs de ce genre sont petits, cas-sants, lamelleux; la couleur jaune ouverte y est souvent' in-terrompue par des zones blanchâtres de choleslérine. En gé-néral, la couleur brune ou verte, due à la présence du pig-ment biliaire, est particulière à l'écorce et au noyau des calculs.
E. Je ne dirai rien des acides gras libres et àumargarate de chaux qui, chez l'homme, n'entrent qu'en assez faible pro-portion dans la composition des calculs biliaires ; mais, je crois devoir donner quelques renseignements sur les subs-tances inorganiques que ceux-ci renferment.
a) Certains métaux, comme le fer et le cuivre, qui figurent dans la composition normale de la bile, se retrouvent aussi, en règle générale, dans les calculs biliaires. Il est remarqua-ble, par contre, que certains métaux ou métalloïdes qui, dans les conditions pathologiques, parviennent dans la bile, comme l'antimoine, Farsenic, le plomb n'aient jamais figuré dans les éléments d'une concrétion biliaire. Le mercure, à l'état métal-lique, a été rencontré par Frerichs dans un calcul biliaire. Beigel a fait, en 1858, une observation analogue. Dans ces cas, on n'aurait eu aucun renseignement sur les sujets d'où pro-venaient les calculs. Il n'en a pas été de même dans le cas de Lacarterie (1). Le malade avait été soumis à l'usage des frictions mercurielles. Parla fusion du noyau d'un calcul, on obtint un globule de mercure.
b) Ainsi que nous l'avons fait remarquer en commençant, les sels de potasse et de soude existent dans les calculs en proportion insignifiante, tandis que les sels de chaux s'y
(1) Gazette me'd. de Paris, 1827.
trouvent en assez forte proportion, d'une façon presque cons-tante. La chaux se rencontre dans les cholélithes à l'état de carbonate surtout ou combinée soit avec les acides biliaires, soit avec les acides gras, ou enfin avec le pigment. C'est une question de savoir, nous l'avons déjà dit, d'où vient cette chaux. Il paraît évident que, dans certains cas, au moins, elle est un produit de sécrétion de la muqueuse de la vésicule. Le mucus-principalement dans les cas d'irritation, semble contenir de fortes proportions de sels calcaires. Cruveilhier, depuis long-temps, a insisté sur ce fait que, dans certaines conditions, la cavité de la vésicule est remplie de sels de chaux (1). En pa-reille circonstance, la cavité de la vésicule, par suite de l'obli-tération du canal cystique, est séparée du reste des voies bi-liaires. Le calcul étudié par Bally et Henry doit être considéré, lui aussi, comme un produit de la sécrétion de la muqueuse et non, àproprementparler, comme une concrésion biliaire (2).
F. La chaux, qui, d'après ce qui précède, entre dans la com-position normale des calculs biliaires est en quelque sorte un élément étranger à la bile. Il en est de même du mucus et de l'épithélium qui, fréquemment, se trouvent aussi dans les calculs biliaires. Il n'est pas exceptionnel, par exemple, de trouver dans le noyau, après la séparation des matières so-lubles, des cellules épithéliales ratatinées.
Il est vraisemblable que les amas épithéliaux et les grumeaux de mucus concret jouent quelquefois le rôle de centre de for-mation de calculs biliaires. Et l'on comprend par là que le catarrhe des voies biliaires, et en particulier celui de la vési-cule, puisse contribuer d'une façon plus ou moins directe au développement de la lithiase biliaire.
(1) Traité oVanatomie pathologique, t. n, p. 180.
(2) Ch. Robin, loc. cit., p. 150. Voici l'analyse de ce calcul : carbonate de chaux, 70, 72, phosphate de chaux, 12,21 ; oxyde de fer, 2,98 mucus et traces de matières colorantes biliaires, 10,81.
G. Ces considérations sur la composition en quelque sorte normale des cholélithes suffiront, je pense, pour vous édifier. Je vais maintenant vous dire un mot des modications chimi-ques les plus intéressantes que ces concrétions subissent lors-que leur migration s'effectuant par des voies non naturelles, elles séjournent plus ou moins longtemps dans diverses cavi-tés de l'organisme étrangères à l'appareil biliaire.
a) L'acide urique a été trouvé par Frerichs et par Stockard dans des calculs biliaires de provenance douteuse. Il est dé-montré aujourd'hui qu'un calcul biliaire qui a séjourné dans les voies urinaires, ainsi qu'il en existe des exemples, peut contenir de l'acide urique. C'est ce que met hors de doute le fait publié récemment par M. Gutterbock (1). 11 s'agit, dans ce cas, de plusieurs calculs ou fragments de calculs, qu'une femme de 56 ans a rendus par l'urèthre. Ces calculs avaient la disposition radiée, cristalline, propre aux concrétions bi-liaires. D'ailleurs, l'analyse pratiquée successivement par Schultze et par Liebreich y avait fait reconnaître la présence de la cholestérine, de sels calcaires et de matière colorante de la bile ; mais, de plus, ces calculs étaient, à la surface, encroûtés d'acide urique. Je n'insiste pas, pour le moment, sur les diverses questions que soulève la présence des calculs de cholestérine dans les voies urinaires ; c'est là un sujet que nous devrons examiner plus tard.
b) Lorsqu'un calcul biliaire a séjourné dans l'intestin, il peut, ainsi que l'a montré, en 1808, Rubini (de Vérone) (2), se recouvrir de substances étrangères à sa composition pri-mitive, à savoir de phosphate de chaux et de magnésie et de carbonate de chaux. Il est probable qu'un séjour prolongé du
(1) Gallenstein concremente im der Harnblase, Tri Virchow's Archiv. 1876.
(2) Thudicum, loc. cit., p. 199.
calcul dans l'intestin est nécessaire pour qu'une couche de ces substances puisse se déposer à sa périphérie.
Voici une concrétion biliaire dont le volume, égal à celui d'une très grosse amande, est tel qu'elle a dû sortir de la vé-sicule par une communication fistuleuse, cystico-colique vrai-semblablement, et demeurer quelque temps dans l'intestin. L'écorce du calcul — qui m'a été confié par M. Lécorché — malgré quelques apparences contraires, est exclusivement composée de cholestérine pure, sans traces de substances cal-caires. J'aurai l'occasion de vous parler de nouveau de ce cal-cul et de l'intéressante observation qui le concerne, à propos de l'issue des concrétions biliaires par la voie des fistules bi-muqueuses.
c) Il me reste à vous entretenir des théories qui ont été proposées pour expliquer le mode de formation des concré-tions biliaires dans la vésicule. Après les détails que je vous ai donnés, chemin faisant, sur ce côté de l'histoire de la li-thiase biliaire, de longs développements sont, je crois, deve-nus inutiles. Vous trouverez, du reste, un exposé critique très réussi de ces théories dans l'article Voies biliaires du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, signé Barth et Besnier. Le court mais substantiel paragraphe que Frerichs consacre à l'étude de cette question mérite surtout d'être consulté. La théorie à laquelle cet auteur semble se rattacher me paraît plus que les autres s'appliquer sans trop de difficulté à l'interprétation des cas ordinaires. Voici, très sommairement, en quoi elle consiste.
Le ralentissement du cours de la bile dans la vésicule sem-ble être une condition indispensable à la formation de con-crétions cystiques. Elle a pour résultat une altération dans la constitution chimique de la bile. Celle-ci devient acide, en
même temps qu'elle prend une coloration verdâtre, suivant la remarque ancienne de M. Meckel.
Pourquoi cette acidité ? Frericlis ne se prononce pas à ce sujet. Il admet seulement, avec Meckel, que cette modification est favorisée singulièrement par l'existence d'une inflamma-tion catarrhale de la muqueuse cystique. Meckel croit même cette condition nécessaire. Il se produirait une espèce de fer-mentation acide en présence du mucus sécrété dans des con-ditions pathologiques. L'acidité de la bile, d'après Gerup Besanez et Thudicum, est un des premiers phénomènes qui s'observent dans la putréfaction de ce liquide.
L'acidité de la bile a pour conséquence le dédoublement des sels biliaires. Or, ces sels tiennent en dissolution la Choleste-rine et la bilirubine ; ces substances, après la destruction des sels biliaires, doivent donc se précipiter.
La Cholesterine se dépose sous forme cristalline ; la biliru-bine soit sous forme cristalline, soit combinée à la chaux. Cette dernière combinaison qui joue un rôle important dans la formation des concrétions, est favorisée par cette circons-tance que la chaux existe en grande abondance dans le pro-duit des sécrétions de la membrane muqueuse enflammée de la vésicule du fiel. On comprend facilement qu'un excès de chaux dans la bile puisse conduire au même résultat.
Quant aux produits de la décomposition des sels biliaires, ils se déposent en grande partie sous forme de sels de chaux (glycocholate et cholate de chaux).
Les combinaisons de chaux et de pigment sont peu solu-bles et elles pourront constituer le noyau d'une concrétion, surtout s'il y a des plaques epitheliales ou des grumeaux de mucus capables de jouer le rôle de centre d'attraction. La Cholesterine se déposera ensuite autour du noyau de matière pigmentaire. Les dépôts de Cholesterine seront d'autant plus abondants que cette substance existera en plus forte propor-
Charcot. Œuvres complètes, t. vi, Maladies du foie. 10
tion dans la bile — c'est ce qui peut survenir chez les vieil-lards, par exemple, qui, d'après quelques auteurs, auraient un excès de cholestérine dans le sang.
On trouve les concrétions, pour ainsi dire à l'état embryon-naire, en voie de formation, dans certains cas où la bile a été longtemps retenue dans la vésicule. En pareil cas, on dé-couvre dans la bile acide, épaisse et verdâtre, des grumeaux de mucus pigmenté, le pigment biliaire lui-même déposé sous forme cristalline ou en masses amorphes, des cristaux de cholestérine, quelquefois agglomérés déjà autour des concré-tions muqueuses, des gouttelettes transparentes de résine bi-liaire ou des aiguilles recourbées de cholate de chaux, enfin, du carbonate de chaux en cristaux bacillaires.
Ces produits se rencontrent ^surtout dans la bile que ren-ferme la vésicule, lorsqu'elle contient déjà des concrétions biliaires. On conçoit aisément que ces concrétions rudimen-taires ne pourront devenir de véritables calculs que si la bile n'étant pas trop souvent renouvelée, elles trouvent dans la vésicule des conditions de stabilité nécessaires. D'un côté, elles ne doivent pas être entraînées prématurément vers l'in-testin par un courant trop rapide, s'effectuant de la vésicule vers l'orifice cholédoque. Mais, d'un autre côté, la stase bi-liaire ne doit pas non plus être absolue, parce qu'il faut que la bile, se renouvelant de temps à autre, apporte de nouveaux matériaux nécessaires à la formation de couches successives. Des modifications, survenant à différents moments dans la composition du produit de sécrétion.biliaire, pourraient ex-pliquer les diversités de constitution que présentent les cou-ches successives d'un même calcul.
Je ne veux pas m'étendre plus longuement, Messieurs, sur un sujet dans lequel l'hypothèse se dresse à chaque pas et dont la portée pratique n'est pas encore bien manifeste. Dans
la prochaine séance, nous étudierons les diverses phases de la migration des concrétions biliaires cystiques par les voies naturelles, puis les accidents qui les signalent. J'insisterai plus spécialement sur la physiologie pathologique de la coli-que hépatique.
QUATORZIÈME LEÇON
De la lithiase biliaire (suite). — Anatomie et phy-siologie de l'appareil excréteur de la bile.
Sommaire. — Élimination des calculs biliaires par les voies naturelles. — Considérations relatives à l'anatomie et à la physiologie de l'appareil ex-créteur de la bile : composition de cet appareil; — dimensions des parties qui le constituent. — Gravelle biliaire; — Accidents qu'elle occasionne. — Dilatation des canaux cystique et cholédoque. — Structure des parois de la vésicule du fiel et des canaux biliaires excréteurs : différences indi-viduelles dans la constitution anatomique des parois biliaires. — Proprié-tés physiologiques : contractilité et sensibilité des conduits biliaires. — Migration latente des calculs. — Influence de l'âge sur les symptômes de la colique hépatique.
Messieurs,
Suivant le programme que nous nous sommes tracé, nous allons aujourd'hui commencer l'histoire de la migration, ou si vous l'aimez mieux, de l'élimination par les voies naturel-les des concrétions formées dans la vésicule du fiel.
Dans les conditions pour ainsi dire normales, au milieu de symptômes plus ou moins accentués, le calcul ou les calculs, après s'être engagés dans le canal cystique, parviennent dans la cavité du canal cholédoque qu'ils parcourent dans toute sa longueur; puis, franchissant l'orifice duodénal des voies bi-liaires, ils tombent dans l'intestin et sont expulsés enfin avec les garde-robes. Telle est, en quelque sorte, la marche or-dinaire des-choses. C'est elle que nous devrons étudier tout d'abord.
Mais dans cette migration des calculs biliaires, divers acci-dents, diverses anomalies peuvent survenir et en modifier le cours régulier ; ainsi, il est possible que le calcul biliaire en-gagé s'arrête en chemin, soit dans le canal cystique lui-même, soit plus bas dans le cholédoque et s'y enclave, s'y établisse d'une façon définitive. De là, des lésions de canalisation per-manentes, dont les conséquences peuvent être plus ou moins graves. Cemme exemple, je vous citerai la rétention biliaire absolue, suivie d'ictère chronique, s'il s'agissait de l'enclave-ment dans le canal cholédoque. En outre, des lésions inflam-matoires se produisent quelquefois dans les parois des con-duits biliaires au contact des corps étrangers. Et ces lésions déterminent soit des ulcérations, soit même des perforations, des ruptures qui, ayant pour effet de faire pénétrer la bile dans la cavité péritonéale, aboutissent rapidement à une issue funeste. Ces anomalies dans la migration des calculs par les voies naturelles, dont je me borne pour le moment à vous indiquer les traits les plus accentués, seront l'objet d'un se-cond chapitre.
L'histoire de la migration des calculs biliaires par les voies naturelles, forme un ensemble très étendu et très complexe. Le temps ne me permettrait pas, quel que soit l'intérêt du sujet, de vous la présenter dans tous ces détails. Je devrai me limiter à une esquisse dans laquelle je m'efforcerai de faire ressortir ce qu'il nous importe le plus de connaître. Cette histoire, d'ailleurs, a été faite soigneusement, avec tous les développements qu'elle comporte dans un grand nombre de mémoires et de traités. La lecture de ces écrits vous per-mettra de compléter les notions sommaires qui vont vous être présentées. En plus des mémoires fondamentaux de MM. Fau-conneau-Dufresne, Durand-Fardel, Willemin, Sénac, je vous recommande particulièrement sur cette question l'excellent
exposé que MM. Barth et Besnier ont rédigé pour le Diction-naire encyclopédique des sciences médicales (1).
I.
Avant d'entrer dans le cœur du sujet, je crois devoir vous rappeler quelques particularités concernant différents points de l'anatomie et de la physiologie de l'appareil excréteur de la bile. C'est là une précaution à peu près indispensable, vous allez vous en convaincre incessamment.
Vous savez comment un canal court et étroit, le canal cys-tique, fait communiquer la cavité de la vésicule du fiel avec celle du conduit cholédoque. Ce dernier qui, d'autre part, re-çoit le canal hépatique, déverse dans l'intestin, par l'orifice duodénal, la totalité du produit de la sécrétion biliaire.
Un mot d'abord sur les dimensions respectives, dans les conditions normales, de ces étroits canaux que les calculs bi-liaires doivent parcourir avant de pénétrer dans la cavité de l'intestin. Tandis que le canal hépatique — j'emprunte la plupart de ces détails à l'ouvrage de M. le professeur Sappey — est long de deux à trois centimètres et large de trois à qua-tre millimètres, le canal cystique offre trois centimètres de longueur et trois millimètres seulement de diamètre. Le canal cholédoque est de tous le plus long et le moins étroit. Il me-sure en longueur sept ou huit centimètres, et en largeur six millimètres environ (Henle). Au niveau de son abouchement avec le duodénum, ce dernier canal offre, il ne faut pas l'ou-blier, une disposition particulière. D'ordinaire, après avoir pénétré dans l'épaisseur de la paroi du duodénum, ce canal se réunit à angle aigu avec le conduit pancréatique. Il résulte de cette fusion un conduit unique, très court, dilaté sous forme d'ampoule et qu'on désigne communément sous le nom
(1) Art. Voies biliaires.
d'ampoule de Vater (Diverticulum Vateri). Un orifice, en gé-néral très étroit, placé au sommet d'une espèce de renflement papillaire, fait communiquer la cavité de l'ampoule de Vater avec celle de l'intestin.
à) C'est par le canal cystique, le plus étroit de tous, que les calculs cystiques doivent tout d'abord s'engager. Il semble, d'après ce que nous savons du diamètre de ce conduit, que la gravelle biliaire ou tout au plus de très petits calculs pourront seuls y pénétrer. L'observation journalière démontre qu'il n'en est pas ainsi : le canal cystique, comme tous les conduits de l'appareil biliaire excréteur, peut subir des dilatations^^lati-vement considérables et recevoir des concrétions volumi-neuses. Toutefois, à cet égard, il y a des limites. On admet assez généralement que les calculs atteignant le volume d'une olive sont incapables de jamais franchir les voies biliaires. Cela n'est pas tout à fait exact. Sans parler des concrétions biliaires du volume d'une olive ou plus, qu'on rencontre par-fois dans les selles à la suite des accidents d'une colique hé-patique régulière, il existe un grand nombre d'observations qui montrent des calculs de cette dimension, évidemment de provenance cystique, enclavés soit dans le canal cystique, soit dans divers points clu canal cholédoque. M. Barth, entre autres, rapporte le cas d'une femme de 80 ans, morte d'apo-plexie, chez laquelle il trouva engagé dans l'orifice duodénal et faisant dans l'intestin une saillie de 7 à 8 millimètres, un calcul de la grosseur d'une olive.
Voici, Messieurs, un calcul volumineux qui m'a été confié par M. Ollivier, agrégé de la Faculté. Il offre, vous le voyez, à peu près le volume d'une noix de moyennes dimensions. Ce calcul était enclavé dans la partie supérieure du canal cholé-doque, au point de réunion des conduits cystique et hépati-que.
Les faits de ce genre sont loin d'être rares. Mais, il faut reconnaître que, d'habitude, les calculs biliaires qui sortent par les voies naturelles ne dépassent guère le volume d'une noisette, d'un haricot, ainsi que le font remarquer Pujol (1) et M. Willemin. Les 45 observations de colique hépatique avec issue des calculs par les garde-robes, rassemblées par le Dr Wolff, sont intéressantes à ce point de vue. Le plus souvent, les concrétions que ce médecin a recueillies avaient environ le volume d'un pois , elles étaient en général nombreuses. Quand elles étaient en petit nombre, deux ou trois, elles attei-gnaient les dimensions d'une noisette.
Il n'est pas sans intérêt de faire remarquer, à ce propos, que la gravelle biliaire et les calculs de petite dimension pas-sent fréquemment dans l'intestin sans que leur migration ait été annoncée par quelques symptômes. C'est là un fait relevé depuis longtemps par Joseph Franck et sur lequel Cruveilhier, Trousseau et la plupart des médecins qui ont pratiqué soit à Vichy, soit à Carlsbad, n'ont pas manqué d'insister.
Ce n'est pas pourtant que la gravelle biliaire et les calculs de petit volume ne déterminent parfois, dans leur passage à travers les voies biliaires, des phénomènes plus ou moins douloureux. Il est certain, au contraire, suivant la remarque faite par M. Sénac, qu'il n'y a aucun rapport régulier entre les dimensions des concrétions et l'intensité des symptômes douloureux qui en révèlent la présence. Cela tient, en effet, ainsi que nous le dirons plus loin, à ce qu'il y a un élément autre que la dimension des calculs dont il faut tenir compte dans l'interprétation des phénomènes de la colique hépati-que.
Quoi qu'il en soit, il est bien évident que la dilatation des conduits biliaires est un phénomène nécessaire au passage des concrétions d'un certain calibre. Cette dilatation est souvent
(1) Mémoire sur la colique hépatique, etc., p. 565.
considérable. Le canal cholédoque peut acquérir 2 ou 3 centi-mètres de largeur. Cette dilatation est souvent durable, per-manente, bien que le calcul ait été éliminé ; il est facile de s'assurer de la vérité de ce fait à l'autopsie des sujets ayant souffert autrefois de coliques hépatiques. On a pu quelquefois la constater au moment même de sa formatien, ainsi qu'en fait foi un cas relaté par M. Habershon (1): le malade avait succombé peu de temps après un accès de coliques hépati-ques. A l'autopsie, on vit que le canal cystique admettait, dans son tiers supérieur, le petit doigt. Le calcul était re-tombé dans la vésicule.
b) Un autre point, qu'il nous faut considérer maintenant, est relatif à la structure des parois des conduits biliaires et aux propriétés physiologiques qui s'y rattachent. Ces parois sont-elles douées de contractilité ? sont-elles douées de sensi-bilité ? Voilà deux questions qu'il serait intéressant de résoudre. Interrogeons dans ce but, tour à tour, l'anatomie et l'expéri-mentation.
Toutefois, il me paraît utile de dire un mot de la structure des parois de la vésicule du fiel. On distingue dans ces pa-rois deux tuniques : l'une à la fois muqueuse et musculeuse, l'autre celluleuse. La surface interne de la tunique muqueuse est remarquable par l'existence de prolongements villeux (vil-losités lamelliformes de Sappey) qui donnent à la cavité de la vésicule son aspect à la fois tomenteux et réticulé. Elle est recouverte d'un épithélium cylindrique, en tout comparable à celui qui tapisse l'intestin. Mais, ce qu'il convientde relever surtout, c'est l'existence dans l'épaisseur de la membrane muqueuse, de très nombreux faisceaux de fibres musculaires de la vie organique, entrecroisées dans tous les sens et for-mant par leur réunion une véritable tunique musculeuse.
(1) Diseases of the Liuer. Lettson. Lect^p. 70.
L'épaisseur de cette couche varie selon les sujets ; néanmoins, elle est en général toujours très bien dessinée. C'est elle qui constitue, nous le verrons, l'agent principal de la propulsion des calculs biliaires. Dans certaines conditions pathologiques, cette tunique s'hypertrophie et acquiert des dimensions con-sidérables. Cette lésion a été signalée par MM. Barth, Deville et Broca, dans diverses communications faites à la Société anatomique, en 1850 (1).
La seconde couche, ou couche conjonctive, ne doit pas nous arrêter. Je noterai seulement la présence dans son épaisseur de quelques glandes en grappes, décrites par M. Luschka et d'un riche réseau veineux décrit par M. Beale. Les nerfs de la vie organique y sont très nombreux. D'après Gerlach (2), qui en a tracé récemment la description, fondée sur des études faites chez le cochon d'Inde, on rencontre des ganglions au milieu des plexus nerveux. La vésicule du fiel, au dire de cet auteur, serait douée d'ailleurs de mouvements péristaltiques comme l'intestin.
e) On peut avancer, d'une façon très générale, que, à part certaines modifications plus ou moins importantes, les canaux biliaires excréteurs, en ce qui concerne la structure de leurs parois, sont faits sur le même modèle que la vésicule du fiel. On y observe deux couches de tissu fibroïde, com-posées principalement de faisceaux de tissu conjonctif et de fibres élastiques. Dans l'épaisseur do ces parois, surtout dans celles du canal cystique, existent des glandes en beaucoup plus grand nombre que dans les parois de la vésicule. Les nerfs de la vie organique s'y voient en abondance (Henle). Mais voici le point qui nous touche particulièrement. Le plan musculaire si développé de la vésicule du fiel, est-il
(1) Bulletin de la Société anatomique, 1850, p. 87, etc.
(2) Centralblatt, 1875, p. 563.
représenté dans la paroi des conduits biliaires? Des anato-mistes consommés, parmi lesquels Henle, Eberth, Frey, nient absolument l'existence de fibres musculaires dans les parois des conduits biliaires. D'autres, au contraire, comme M. le professeur Sappey, admettent qu'elles existent en assez grand nombre. D'autres, enfin, comme Kolliker, accordent l'existence de quelques faisceaux de fibres-cellules musculaires; mais ces faisceaux seraient très clair-semés et partant on ne saurait trouverlà,àproprementparler,unetuniquemusculeuse. Il y aurait d'ailleurs, à cet égard, de très grandes variétés suivant les sujets. Les faisceaux musculaires peuvent faire complètement défaut : ce qui explique, dit M. Kolliker, com-ment Henle et Eberth ne les ont pas rencontrés. Dans ces derniers temps, MM. Legros, Grancher et Renaut ont étudié de nouveau cette question et l'opinion à laquelle leurs recher-ches les ont conduits est en quelque sorte intermédiaire à celle de M. Sappey et de M. Kolliker.
Chez le bœuf, les conduits biliaires sont doués d'une forte musculature ; chez le chien, la présence des faisceaux mus-culaires dans les parois de ces canaux est incontestable , mais en ce qui a trait à l'homme, ces faits ne nous apprennent rien.
Nous avons voulu, M. Pitres et moi, savoir à quoi nous en tenir à cet égard, et nous avons, à cet effet, examiné la struc-ture des parois des canaux biliaires excréteurs chez une di-zaine de sujets d'âges divers. Chez plusieurs vieillards, il nous a été impossible de mettre en évidence l'existence de faisceaux de fibres musculaires. En revanche, ces faisceaux étaient très apparents, et même assez multipliés et assez puissants parfois chez les sujets adultes : par exemple, chez une femme aliénée de 32 ans ét chez un homme de 30 ans. Il en était de même chez un enfant de 40 ans. Ces faisceaux qui occupent la partie la plus profonde de la tunique interne
ont leur grand axe dirigé suivant la grandeur du canal, et se présentent par conséquent, sur les coupes longitudinales, sous la forme de longues bandelettes. Sur les coupes transversales, la surface de section de ces faisceaux apparaît sous la forme d'espaces arrondis.
Il n'existe pas, ainsi que M. Renaut l'avait déjà signalé, de faisceaux dirigés en travers. La disposition que nous venons d'indiquer est commune aux trois canaux hépatique, cholé-doque et cystique.
En résumé, de tout ce qui précède, il semble résulter que les faisceaux de fibres musculaires existent normalement dans les parois des conduits biliaires, mais qu'il y a lieu de noter sous ce rapport de très grandes variations suivant les sujets. On est porté à croire que chez les vieillards surtout, ces faisceaux sont habituellement très peu prononcés ou même font parfois complètement défaut. Nous devons ajouter que, d'après MM. Bouisson, Barth, Deville et Broca, les fais-ceaux musculaires des conduits biliaires sont susceptibles d'acquérir, dans certaines conditions pathologiques, un très grand développement.
g) A ces différences individuelles dans la constitution ana-tomique des parois biliaires paraissent correspondre des diffé-rences dans les propriétés physiologiques.
Chez les animaux, tandis que Magendie assure n'être jamais parvenu à faire entrer en contraction les parois de la vésicule, Leuret et Lassaigne, au contraire, et M. Collin, affirment que, chez le cheval et le bœuf au moins, la propriété con-tractile des conduits biliaires est très manifeste sinon très énergique.
La question en litige a été étudiée avec soin dans ces der-niers temps par M. Laborde (1). Ses expériences, faites sur
(1) Bulletin de thérapeutique, 1874, 2» série, 8e livraison.
des chiens, l'ont conduit à reconnaître que, sous l'influence des excitations électriques (courants induits), la vésicule bi-liaire subit une contraction lente, soutenue, principalement dans le sens de la longueur. Sous l'action des mêmes exci-tations, et de l'introduction de corps étrangers dans sa cavité, le canal cholédoque se raccourcit et se rétrécit très manifes-tement. Le même phénomène se produit pour les canaux cystique et hépatique. Il suit de là que la vésicule et les canaux biliaires sont doués, chez le chien tout au moins, de contrac-tilité s'exerçant à la façon des muscles lisses de la vie orga-nique .
Quelques-unes des expériences de M. Laborde méritent d'être relevées, en raison de l'application qu'on peut faire des résultats obtenus à la théorie de la colique hépatique. De pe-tits corps étrangers, introduits par l'orifice duodénal, dans le canal cholédoque, se sont rapidement déplacés et ont pro-gressé les uns vers la vésicule, les autres vers l'intestin. Cette progression s'est opérée vraisemblablement sous l'influence surtout des contractions des parois des conduits biliaires.
Un dernier fait mis en relief par ces mêmes expériences est la sensibilité extrême que paraît posséder la membrane mu-queuse des conduits biliaires. L'introduction de quelques gouttes d'acide acétique dans la cavité de la vésicule, de corps' étrangers dans celle du canal cholédoque, fait pousser aux animaux des cris déchirants.
h) Tel est l'état des choses chez les animaux. L'occasion d'étudier expérimentalement l'influence des excitations sur les voies biliaires de l'homme a été plusieurs fois saisie dans des cas de moil violente. Les résultats obtenus tendent à établir que, ici encore, il y a lieu de tenir compte des différences in-dividuelles.
En irritant les parois de la vésicule et des conduits excré-
teurs, chez un supplicié, à l'aide de courants indirects, Henle n'a observé aucun résultat (1 ). Expérimentant dans les mêmes circonstances, Dittrich, Gerlach et Hertz (2) ont au contraire réussi à déterminer des contractions.
1) Si je neme trompe, Messieurs, ces notions anatomiques et physiologiques sont applicables à l'interprétation de l'un des phénomènes en apparence les plus singuliers dans l'histoire de la lithiase biliaire. C'est un fait bien établi que, chez certains sujets, l'expulsion définitive de calculs même relativement vo-lumineux, ou encore leur enclavement dans un des canaux, peuvent s'effectuer sans s'être révélés autrement que par des symptômes à peine appréciables. Quelquefois même, dans ces cas, la migration des calculs reste tout à fait latente. Par opposition, chez d'autres sujets, le passage de calculs très pe-tits est marqué par des douleurs extrêmement vives. Si l'on en croit M. Sénac, dont l'opinion est fondée sur l'analyse de plus de 100 observations, la colique hépatique ne révèle guère le passage des calculs que chez les sujets âgés de 25 à 35 ans ; après 60 ans, la lithiase biliaire est plus fréquente qu'à toute autre époque de la vie, mais l'émigration des calculs ainsi que, d'ancienne date, tous les auteurs l'ont noté, s'effectue sans réaction, sans douleur, de manière à passer le plus souvent inaperçue. Il semble naturel de rattacher ces différences à ces variétés même dans la constitution anatomique et dans les pro-priétés physiologiques des conduits biliaires que nous nous appliquions à faire ressortir tout à l'heure.
(1) Handbuch der Anatomie, 2e Bd., p. 226.
2) Prag. Viertelj., 1851, t. m, p. 650.
QUINZIÈME LEÇON
De l'éliminaion des calculs cystiques par les voies naturelles. — Colique hépatique.
Sommaire. — De la migration des calculs cystiques par les voies naturelles.
— Symptômes dus à l'irritation des nerfs (colique hépatique); — à l'irri-tation hyperémique ou inflammatoire des conduits biliaires. — Lésions de canalisation.
De la colique hépatique. — Causes : calculs, ascarides lombricoïdes, hy-datides. — Opinion de Beau et de Chomel. — Examen des garde-robes.
— Usure par frottement et fragmentation des calculs. — Distension de la vésicule biliaire. — Spasmes des parois des conduits biliaires. — Con-traction des parois abdominales. — Douleur; ses caractères; points cys-tique, épigastrique, scapulaire. — Pouls et température. — Lypothy-mies, et syncopes; mort rapide. — Introduction du calcul dans le canal cholédoque : ictère. — Passage du calcul dans l'intestin : diarrhée bi-lieuse.
Messieurs,
Les préléminaires dans lesquels nous sommes entrés précé-demment, nous mettent à même d'envisager aujourd'hui, par le côté anatomique et physiologique, quelques-uns des prin-cipaux phénomènes qui marquent habituellement l'émigration des cholélithes cystiques par les voies naturelles.
Les phénomènes en question peuvent toujours être ramenés aux trois catégories suivantes : 1° tantôtils se rattachent à l'ir-ritation des nerfs des conduits biliaires, déterminée par lecon-tactdu corpsétranger ; l'expression symptomatique qui traduit vulgairement cette irritation des nerfs est, vous le savez, l'en-semble connu sous le nom de colique hépatique ; — 2° tan-tôt il s'agit de l'irritation hyperémique ou décidément inflamma-
toire des conduits dans lesquels les concrétions calculeuscb séjournent ou cheminent; — 3° tantôt enfin, la présence du corps étranger détermine une lésion de canalisation par Obs-truction plus ou moins complète et plus ou moins durable de la cavité même de l'organe.
Commençons par l'étude des phénomènes d'ordre nerveux ou, en d'autres termes, par la colique hépatique calcúlense.
C'est, je le répète, la révélation clinique, pour ainsi dire vulgaire, du passage dans les voies naturelles des concrétions biliaires. Mais, il va de soi que des corps étrangers, autres que les cholélithes, peuvent occasionner la réunion des symptô-mes qui la constituent. Tels sont, par exemple, d'après Fre-richs, les ascarides lombricoïdes et, d'après mes observations, les hydatides. On admet encore, bien que cela ne soit pas ré-gulièrement démontré, que ces symptômes peuvent quelque-fois se montrer, à titre de phénomène purement nerveux, en dehors de toute intervention d'un corps étranger quelconque.
Vous n'ignorez pas, sans doute, que Beau avait même sou-tenu, avec la vivacité dialectique qui lui était propre, que, en règle générale, les.choses se passaient conformément à la dernière opinion que je viens de citer. La colique hépatique d'origine calculeuse devait être, suivant lui, reléguée au se-cond plan, comme un accident rare, exceptionnel.
Beau, pour soutenir cette thèse singulière, se fondait sur quelques observations personnelles, d'ailleurs fort peu pro-bantes ; il se fondait aussi sur les assertions de Chomel qui prétendait que, sur 30 ou 40 cas de colique hépatique, il est à peine possible d'en compter un dans lequel l'examen des selles permette de reconnaître la présence de concrétions bi-liaires.
Or, Messieurs, l'opinion de Chomel est en contradiction formelle avec celle de la plupart des auteurs qui ont étudié
d'un peu près la question. Ainsi, selon Frerichs, dans la colique hépatique, l'expulsion des calculs par les garde-robes ne fait défaut que par exception. Trousseau a émis à peu près le même avis. Vingt-cinq fois M. Willemin a recueilli les calculs expulsés sur un total de 150 cas de colique hépatique qu'il a observés et il avoue que la recherche des concrétions n'a pas été toujours suffisamment scrupuleuse. Wolff, dans les 45 faits de colique hépatique qu'il a rassemblés, a pu cons-tamment, dans tous les cas, retrouver les calculs dans les garde-robes. La plupart des auteurs qui ont récemment écrit sur les maladies du foie, M. Murchison entre autres, dépo-sent absolument dans le même sens. Enfin, et ce n'est pas là un des moindres arguments, peut-être, à opposer à la doctrine de Beau, je tiens de source certaine que dans deux cas où ce médecin avait, en 1862, dans son service de la Charité, établi le diagnostic hêpatalgie non calculeuse, un examen attentif des garde-robes, pratiqué pendant plusieurs jours, par un assistant peu convaincu, a permis dans les deux cas de découvrir le corps du délit. La thèse soutenue par Beau est d'ailleurs une thèse ancienne contre laquelle plu-sieurs médecins avaient déjà protesté avec énergie. Pujol s'est distingué particulièrement sous ce rapport et je vous en-gage à lire dans son Mémoire sur la colique hépatique — mémoire digne d'être consulté à tous égards — le passage où il se passionne contre les matadors de l'art qui, de son temps, soutenaient que la colique hépatique est une affection surtout spasmodique, et ne reconnaissant que très exception-nellement pour cause le passage des concrétions dans les voies biliaires.
A ce propos, Messieurs, je dois appeler votre attention sur la nécessité d'un examen attentif, et prolongé souvent du-
Chargot. Œuvres complètes, t. vi, Maladies du foie. 11
rant plusieurs jours ou même plusieurs semaines, des garde-robes, lorsqu'on veut y rechercher, après la cessation de la colique, les concrétions biliaires. Il faut éviter dans cette re-cherche de suivre l'avis de Prout, qui conseillait tout simple-ment de jeter les matières fécales dans l'eau, pensant que les calculs devraient surnager et se mettre ainsi facilement en évidence. Or, vous savez par nos études antérieures que les calculs, à l'état frais, ne sont jamais plus légers que l'eau. Il faut donc, de toute nécessité, que les garde-robes soient pas-sées à travers un linge ou mieux un tamis. C'est ici le lieu de rappeler enfin qu'un calcul qui, engagé dans le canal cys-tyque, a pu provoquer les symptômes de la colique hépatique la plus intense, peut rentrer dans la vésicule et, par consé-quent, ne pas apparaître dans les selles.
En se fondant sur ces considérations et sur bien d'autres arguments encore que nous ne pouvons développer, il est possible d'établir que, dans l'immense majorité des cas, le syndrome colique hépatique se rattache au passage des cal-culs biliaires par les voies naturelles.
A. Arrêtons-nous tout d'abord sur quelques phénomènes qui se produisent dans la vésicule antérieurement à l'appari-tion de la colique. Vous savez que les calculs d'un certain volume ne sauraient s'introduire dans l'étroit conduit qu'on désigne sous le nom de canal cystique ; mais ils peuvent su-bir certaines modifications qui rendent possible cette intro-mission. Ainsi, par suite du frottement réciproque auquel ils sont soumis, les calculs volumineux, multiples, sont suscep-tiples de s'amoindrir. C'est là le phénomène de l'usure par frottement réciproque.
Frerichs admet, en outre, l'existence d'une sorte de corro-sion, grâce à laquelle les couches externes des concrétions peuvent disparaître en conséquence d'une action chimique exercée, sur la cholestérine et le pigment biliaire, par la bile
devenue riche en alcalis et en sels biliaires. Enfin, les calculs peuvent encore éprouver dans la vésicule une véritable fragmentation. En effet, et je vous ai montré au cours pratique un bel exemple du genre, on trouve assez souvent, dans la vési-
cule, dans les voies biliaires et même dans les fig. 19. garde-robes, les fragments de structure radiée (Fig. 19), des segments, à l'aide desquels il est facile de reconstituer une pierre sphérique (1). Au dire de Meckel (2), il s'agirait là d'un phénomène de métamorphisme analogue à celui qui se produit dans certaines formations géologiques et en vertu duquel ces formations se délitent et se fragmentent. Il n'est guère douteux cependant que, quelquefois au moins, la contraction musculaire ne joue ici un rôle. Je puis citer à l'appui un cas observé par M. Gerhardt (3). Chez un sujet qui avait suc-combé, dans le cours d'une colique hépatique, à la suite de con-vulsions, ce médecin a découvert une grosse concrétion biliaire, fortement engagée dans le canal cystique; des fragments pro-venant de l'extrémité antérieure de ce calcul avaient pénétré dans l'épaisseur de la membrane muqueuse du conduit.
B. Ce n'est pas ici le lieu de relever les symptômes qui, dans certains cas, sont capables de révéler la présence des pierres biliaires dans la vésicule. C'est là un côté de la ques-tion que nous traiterons ailleurs. Pour le moment, je veux faire remarquer qu'une distension plus ou moins prononcée de la vésicule du fiel, reconnue par la palpation ou la per-cussion est, ainsi que l'a fait remarquer M. Willemin, un symptôme qui, parfois, précède de quelques jours ou de quel-ques semaines, le développement de la colique. Quelle est la
(1) Prerichs, loc. cit., Obs. cxlix :— Gubler, cité par Besnier, loc cil. p. 388.
(2) Mikrogeologie, p. 80.
(3; Klinische Vortrœge, p. 109.
raison de cette distension qui paraît constituer un phénomène prodromique et préparatoire? MM. Barth et Besniersupposent que le calcul introduit déjà dans l'orifice cystique, peut jouer le rôle d'une soupape qui permet l'entrée de la bile et ne la laisse pas sortir. Par suite de la distension même des parois de la vésicule et peut-être sous l'influence d'une action réflexe, le plan musculaire entre en contraction et pousse la concrétion dans la cavité du canal cystique. Voilà donc le calcul engagé dans cet étroit conduit. Il y progresse surtout grâce à la pression exercée par la tunique musculeuse, sou-vent hypertrophiée de la vésicule. Comme agents accessoires, on est autorisé à compter la contraction de parois abdomina-les et probablement aussi la contraction spasmodique des. faisceaux musculaires des parois du conduit lui-même.
Mais, il convient de noter que ces deux agents, la contrac-tion des parois abdominales et le spasme des parois du canal, peuvent opérer en sens inverse de la progression du calcul qui, fréquemment, ainsi que l'a montré l'autopsie, abandonne le canal cystique déjà dilaté et retombe dans la vésicule.
Quoi qu'il en soit, à peu près tous les symptômes de la colique hépatique, moins l'ictère toutefois, peuvent se pro-duire par le seul fait du passage d'un calcul dans le conduit cystique.
Au premier rang, parmi ces symptômes, il importe de signaler la douleur qui se manifeste tout à coup, par l'in-tervention d'une cause occasionnelle, telle qu'un effort, une émotion morale, — ou encore sans cause extérieure, appré-ciable, en général trois ou quatre heures après le repas, au1 moment où, sous l'influence du passage du chyme dans le duodénum, la bile afflue dans l'intestin.
Je n'entrerai pas dans le détail descriptif de cette douleur. Je me bornerai à rappeler qu'elle est très intense et que ré-pandue d'une façon diffuse, un peu partout, dans la région
sus-ombilicale, les hypochondres, particulièrement le droit, elle se montre pourtant plus accentuée d'habitude sur cer-tains points. C'est ainsi qu'on distingue un point cystique, indiqué par Flemming, et qui occuperait la région de la vésicule. L'existence de ce point n'est pas habituelle , c'est plutôt peut-être une conception théorique. Il n'en est pas de même du point êpigastrique, reconnu par la plupart des auteurs anciens et modernes (Penberton, Sônac (de Vichy), etc.), et du point scapulaire. Ce point, sur lequel Budd a insisté avec beaucoup de raison, occupe l'extrémité inférieure de l'omoplate droite.
Ces points douloureux répondent à peu près au siège même des organes mis en cause, et tout porte à croire que la dou-leur traduit ici directement, en grande partie, l'irritation des voies biliaires, peut-être aussi leur contraction spasmodique, irritation et contraction qui sont déterminées par le contact du corps étranger ou encore par distension de ces canaux, résultant de l'accumulation de la bile.
Mais il faut prendre en sérieuse considération, dans l'es-pèce, ces phénomènes de sensibilité réflexe, car c'est par eux seulement qu'il est possible d'expliquer les irradiations douloureuses qui se font fréquemment dans l'épaule et le bras droits, dans la hanche et le membre inférieur du même côté, etc. De ces irradiations douloureuses, il convient de rapprocher celles qui s'opèrent dans la sphère motrice et qui se traduisent par des convulsions tantôt générales et tantôt par-tielles. Ces dernières ont été l'objet d'une étude approfondie de la part de M. Duparcque qui les a décrites dans un mé-moire spécial (1). Ce sont des convulsions épilepti formes qui affectent d'abord les muscles de la région abdominale antérieure du côté droit, puis se répandent successivement dans le membre inférieur, dans le membre supérieur et, enfin,
(1) Requin. — Pathologie interne, § 1336, p. 146.
quelquefois même dans la moitié de la face du même côté. Les contractions localisées des muscles de l'abdomen que nous avons mentionnées semblent être en quelque sorte le rudiment de ces convulsions plus ou moins généralisées.
Les vomissements, composés au début de matières alimen-taires, puis d'un liquide muqueux, rarement biliaire, qui accompagnent si souvent la colique hépatique, doivent aussi être rangés parmi les phénomènes réflexes.
Il n'est pas sans intérêt d'examiner maintenant quel est l'état du pouls dans la colique hépatique régulière. L'opinion commune, et elle est parfaitement fondée, c'est que la co-lique hépatique est une affection apyrétique. Sauf le cas par-ticulier dont il sera bientôt parlé, à la vérité, on ne possède pas à cet égard, que je sache, de renseignements thermométri-ques précis. Toujours est-il que le pouls n'est pas générale-ment accéléré dans la colique hépatique. Bien plus, s'il faut en croire M. Wolff qui se fonde, comme vous le savez, sur l'étude de 45 cas, le pouls, dans la colique régulière, serait constamment ralenti, observation faite autrefois déjà par Coe et plus récemment par Budd. Ainsi, dans les 45 cas qu'il a recueillis, même en l'absence de toute trace d'ictère, M. Wolff aurait compté, par minute, pendant la durée de la colique, 5 à 10 pulsations de moins que dans l'état sain.
En tenant l'asssertion de M. Wolff pour trop absolue, on est conduit pourtant à reconnaître que le ralentissement du pouls est un phénomène au moins fréquent dans la colique hé-patique.
J'ai voulu insister sur ce symptôme, parce que je crois y voir pour ainsi dire le germe de quelques phénomènes qui se produisent de temps à autre dans le cours de la colique hé-patique : je fais allusion aux lypothymies et aux syncopes.
Ces accidents sont attribués d'ordinaire à l'intensité des dou-leurs, bien à tort certainement, car ils surviennent dans des cas où la douleur n'offre rien d'exceptionnel ou même est relativement peu accentuée.
Physiologiquement, on peut, il me semble, expliquer leur développement en se rapportant aux résultats de certaines expériences instituées par M. Brown-Séquard et consistant à déterminer, à des degrés divers, l'irritation des ganglions semi-lunaires, lesquels, vous le savez, concourrent à l'inner-vation des voies biliaires. De cette irritation résulte une ac-tion réflexe qui, passant par la moelle épinière et le bulbe, retentit sur les nerfs pneumo-gastriques et occasionne finale-ment, si l'irritation est intense, un arrêt du cœur en diastole, c'est-à-dire une syncope. Portée moins loin, l'irritation pourra déterminer une diminution plus ou moins durable de la force du cœur et ainsi se produira l'état lypothymique.
Suivant toute vraisemblance, c'est surtout par ce méca-nisme que surviennent les morts rapides, observées dans un certain nombre de cas de colique hépatique calculeuse, par le seul fait de l'irritation nerveuse, causée par la présence du corps étranger, et sans l'intervention de quelque lésion orga-nique grave, telle, par exemple, que l'ulcération suivie de per-foration des conduits biliaires. Ces cas de mort subite ou rapide, au milieu de phénomènes lypothymiques, ne sont pas absolument rares. Plusieurs d'entre eux ont été observés par Portai. Ils se voient aussi bien dans les cas où le calcul est ar-rêté dans le canal cystique que dans ceux où il est parvenu dans le canal cholédoque. M. Durand-Fardel a publié un cas du dernier génie (I). Le fait déjà signalé, de M. Gehrardt, est un exemple de mort rapide, consécutivement à l'intromis-sion d'un calcul dans le canal cystique. Une autre observa-
0) Union médicale, mars 1870.
lion publiée dans The médical Times, and Gazette (1), ap-partient à la même catégorie. Elle concerne une femme, âgée de 33 ans, qui avait eu plusieurs coliques et des syncopes. La mort eut lieu seize jours après le début des accidents. A l'autopsie, on constata que la vésicule renfermait un gros cal-cul et que, dans l'étendue de quelques centimètres, le canal cystique était assez large pour admettre le bout du doigt ; au-dessous de cette dilatation, il avait son diamètre normal.
Tels sont, Messieurs, les principaux phénomènes de la co-lique hépatique quand elle se lie à la présence de calculs dans le canal cystique. Les agents de la progression des calculs, qui ont pénétré dans ce conduit, sont principalement ai-je dit, la contraction du plan musculaire de la vésicule, la con-traction des muscles abdominaux, et enfin le spasme des voies biliaires.
Quand le calcul est parvenu dans le canal cholédoque, il faut y ajouter la pression exercée par la bile constamment sécrétée par le foie. En général, lorsque le calcul a pénétré, sous cette nouvelle influence, dans le canal cholédoque, les accidents précipitent leur cours. De plus un soulagement mo-mentané se montre fort souvent, le calcul passant avec plus de facilité dans un canal plus large ; mais, de nouveau, une exaspération de la douleur survient au moment où le calcul va franchir l'orifice duodénal.
Une fois ce dernier obstacle vaincu, les douleurs cessent tout à coup, comme par enchantement; le calcul tombe dans l'intestin et il est tôt ou tard expulsé par les garde-robes, à la suite de quelques coliques, accompagnés dans certains cas d'une diarrhée bilieuse.
Il faut que j'arrête un instant votre attention sur Xictère que l'on considère généralement comme un symptôme annon-
(1) 1867, mars, p. 249.
çant de toute nécessité le passage d'un calcul dans le canal cholédoque. La réalité est que l'ictère est commun en pareille circonstance. Il se produit môme très rapidement dans ce cas particulier de l'occlusion des voies biliaires. Ainsi, de 6 à 12 heures après le début d'une colique, l'ictère peut être très prononcé, alors que, dans l'oblitération catarrhale de ce con-duit, il faut d'ordinaire trois jours pour que l'ictère soit cons-titué. La pression à laquelle est soumise la bile dans les con-duits biliaires, en cas de colique hépatique, est probablement la cause de cette différence.
Mais, je le répète, l'ictère n'est pas, dans l'espèce, un phé-nomène constant, lors même que le calcul est volumineux et qu'il séjourne longtemps dans le canal cholédoque. Ce fait est nettement établi par les 45 observations de M. Wolff. Dans tous les cas appartenant à cet auteur, vous vous en souvenez, le calcul a dû traverser le canal cholédoque, puisque, toujours il est parvenu dans les garde-robes. Or, 25 fois, on a noté l'absence d'ictère, c'est-à-dire dans plus de la moitié des cas. Souvent, les calculs dont le passage n'a pas amené d'ictère atteignaient le volume d'une noisette.
La forme anguleuse des calculs ne peut pas être invoquée non plus que leur petit volume pour expliquer l'absence d'ic-tère, car, parmi les calculs rendus par les selles sans qu'il y ait eu jaunisse, il en est un certain nombre qui offraient la forme tétraédrique.
Il est donc nécessaire de faire intervenir ici d'autres in-fluences que celles qui sont relatives à la dimension du canal cholédoque et à celle des concrétions. C'est ici le lieu de sup-poser, peut-être, que le spasme du canal cholédoque exerce une certaine action en occasionnant l'occlusion complète, ab-solue de ce canal. Nous savons que la réalité du spasme du canal cholédoque est rendue vraisemblable par la présence de faisceaux musculaires dans les parois de ce conduit au
moins chez certains sujets, et aussi par les résultats des expé-riences faites sur l'animal vivant par quelques physiologistes, et, entre autres, par M. Laborde.
Pour en finir avec les considérations que j'ai voulu vous présenter sur la colique hépatique, il me reste à vous entre-tenir du frisson violent et accompagné d'une élévation plus ou moins considérable de la température qui, parfois, se sura-joute aux phénomènes ordinaires de l'accès ou encore s'y subs-titue. C'est par là que je commencerai la prochaine leçon.
SEIZIÈME LEÇON
De la lithiase biliaire (suite). — De l'occlusion perma-nente du canal cholédoque.
Sommaire. — Des accès fébriles dans certains cas de colique hépatique. — Élévation de la température. — Complications de la migration des calculs. — Perforation des canaux biliaires (péritonite). — Ulcération du canal cho-lédoque et du duodénum : fistules duodéno-cholédoques. — Ouverture de l'ulcération dans la veine porte (thromboses, phlébite suppurative). — Dila-tation permanente, rétrécissements fibreux du canal cholédoque. — Enclave-ment définitif du calcul : Explication de l'absence d'ictère. — Hydropisic de la vésicule du fiel. — Distension du canal cholédoque, s'étendant ensuite aux conduits intra-hépatiques. — Congestion biliaire ou ictère du foie; ses carac-tères anatomiques ; apoplexies biliaires.—Les altérations consécutives à l'ob-struction calculeuse du canal cholédoque sont les mêmes que celles qui succèdent à la ligature de ce canal. —Atrophie consécutive du foie.
I.
Messieurs,
Je vous faisais remarquer en terminant la dernière leçon, que la colique hépatique peut être accompagnée, dans certains cas, contrairement à la règle, d'un état fébrile transitoire, caractérisé par une élévation plus ou moins prononcée de la température centrale et dont le début est marqué, en général, par un frisson bien accentué, de manière à repro-duire le tableau d'un accès de fièvre intermittente palustre. Avant de passer outre, je vais revenir en quelques mots
sur ce point, que je ne crois pas avoir suffisamment mis en relief.
L'existence de ces accès fébriles, liés au passage de concré-tions dans les voies biliaires, a été depuis longtemps recon-nue. Elle est indiquée par Pemberton (1), par Budd et enfin par Frerichs. Budd compare même ces accès fébriles à ceux qui se produisent parfois en conséquence de l'introduction d'un cathéter dans le canal de l'urèthre.
Il est des malades chez lesquels les accidents fébriles se développent toutes les fois que survient un accès de colique hépatique. Le plus souvent, le frisson commence à se dessiner seulement quand la douleur hépatalgique a déjà paru. L'in-tensité du mouvement fébrile n'est pas d'ailleurs, tant s'en faut, nécessairement en rapport avec l'intensité de la douleur. Dans quelques cas où celle-ci était à peine prononcée, l'accès fébrile était cependant très intense; dans d'autres, c'est une relation inverse qui a été observée. D'après mes recherches personnelles, on peut voir, chez un même malade, le passage des calculs êlre marqué par des coliques sans frissons, des coliques avec frisson, et enfin des accès fébriles sans accom-pagnement de douleur. Gela est arrivé dans l'observation dont vous pouvez suivre les principaux détails sur le tableau que je vous présente, observation qui n'embrasse pas moins de trois années.
Vous comprenez que, en clinique, si l'on n'était pas prévenu de ces aspects si divers que revêt parfois la symptomatologie
(1) C. R. Pemberton. - « The jaundice from gallstones, may be known by a subden acute pain at the pit of the stomach attended with nausea, and ret-chings. Somestimes there are shiverings, and somestimes not. When these shiverings occur, it may be observed that they come on after the pain, has continued some time, and do not precede the pain, as is the case with thoses shiverings which attend inflammation. » (A practical treatise on various di-seases of the abdominal viscera, p. 49,50. London, 1820).
de la lithiase biliaire, il serait à peu près impossible de rap-porter les accès fébriles dont il s'agit et qui, quelquefois, par leurs caractères extérieurs rappellent les accès pernicieux palustres, il serait difficile, dis-je, de les rapporter à leurs véritable origine.
L'observation CXLIX de Frerichs (/oc. cit., p. 839) offre un très bel exemple d'accès fébriles liés au passage d'un calcul dans les voies biliaires. La température centrale, notée dans deux de ces cas, s'est élevée à 40°, 5 dans l'un, à 39°, S dans l'autre ; tandis que durant les jours apyrétiques ou le matin même des accès qui avaient lieu le soir, elle ne dépassait pas 37°, 5. Quelques jours après le dernier accès, la malade rendit par les selles des fragments de calculs, à structure radiée, ap-partenant à une concrétion sphérique.
Ces accès fébriles, satellites en quelque sorte de la colique hépatique, et en rapport évidemment avec le passage dans les voies biliaires des cholélithes ne doivent pas être confon-dus avec les accès de fièvre, revenant à courte échéance, sui-vant un type plus ou moins régulier, de manière à simuler la fièvre intermittente palustre et qui se montrent en dehors de la colique hépatique, dans certaines maladies des voies bi-liaires, dans les cas, par exemple, d'occlusion du canal cho-lédoque quelle qu'en soit la cause : cancer de la tête du pan-, créas, enclavement d'un calcul, avec ou sans angïocholite concomitante. Je vous ai déjà entretenu de cette forme de fièvre intermittente symptomqtique, hépatique oubiliaire', je me propose d'y revenir encore dans une autre occasion.
Il est possible que cette fièvre à retours réguliers et les accès fébriles satellites de l'hépatalgïe calcúlense aient, au. point de vue pathogénique, un lien commun, ainsi que nous essaierons de le prouver par la suite. Toujours est-il qu'ils
doivent être l'objet d'une distinction, par ce fait même qu'ils n'ont pas exactement la même signification clinique.
II.
Les détails dans lesquels je suis entré, relativement à la migration des cholélithes par les voies biliaires, considérée dans sa forme régulière, me semblent suffisants; aussi, vais-je appeler maintenant votre attention sur quelques-uns des principaux incidents qui viennent parfois adultérer plus ou moins profondément la marche ordinaire des événements.
Vous avez vu, Messieurs, que la plupart des phénomènes de la migration régulière des concrétions sont d'ordre ner-veux. Nous allons rencontrer surtout dans la nouvelle caté-gorie que nous devons envisager des lésions inflammatoires ou ulcéreuses, des perforations, des ruptures, des lésions de canalisation plus ou moins durables et permanentes.
Les perforations, les ruptures, les déchirures des canaux biliaires par le fait de la présence d'un cholélithe ne sont pas des accidents très rares. Ils surviennent dans la majorité des cas consécutivement à un travail d'ulcération développé sur les points mêmes du canal qui sont en contact avec le corps étranger. Quelques faits tendent pourtant à établir que la lésion inflammatoire préalable n'est pas absolument néces-saire.
Ainsi la perforation survient quelquefois dans le cours d'une colique hépatique. A titre d'exemple de ce genre, je citerai un cas communiqué par M. Richardson à M. Thudicum (Loc. cit.,]). 195): l'autopsie fit découvrir un calcul tétraé-drique engagé dans le canal cholédoque au niveau du point où il joint le canal cystique. Un des angles du calcul avait déchiré la paroi postérieure du canal et fait issue à travers
une sorte de boutonnière longitudinale. Il semble qu'il se soit agi là d'une véritable déchirure traumatique, sans ulcération préparatoire. Il est digne de remarque que, dans ce cas, il n'avait pas existé de jaunisse.
Je mentionnerai encore un fait consigné dans la Clinique de Trousseau ({). Dans ce cas, les coliques hépatiques s'étaient prolongées pendant cinq ou six jours lorsque survinrent des symptômes de péritonite. La malade mourut au bout de 24 heures. On trouva dans la cavité péritonéale un calcul gros comme une noisette et, sur le trajet du canal cholédoque, une perforation à travers laquelle le calcul et une certaine quantité de bile avaient passé.
Une autre combinaison moins fâcheuse, quant au résultat, a lieu lorsque l'ulcération du canal cholédoque fait commu-niquer la cavité de ce conduit avec celle du duodénum. Fre-richs (Obs. CLII) rapporte quelques spécimens de ces fistules duodéno-cholédoqnes, ayant donné passage à des concrétions volumineuses, lesquelles n'auraient certainement pas pu tra-verser l'orifice très étroit par lequel les voies biliaires s'ouvrent dans la cavité de l'intestin.
Il est des cas où l'ulcération s'ouvre dans le tronc de la veine porte ou dans les branches qui lui donnent naissance. Cette combinaison naturellement moins heureuse que la pré-cédente, n'est pas très rare néanmoins, en raison des rap-ports qui existent entre ces vaisseaux et les voies biliaires. Plusieurs cas de ce genre ont été rapportés par Dance, Robert (2) etBristowe (3).
Les conséquences de cet accident ne sont pas toujours les mêmes : tantôt le résultat est la production d'une thrombose de la veine porte, qui, à son tour, produit l'ascite, l'hémor-
(1) Voyez: Besnier, loc. cit., p. 368.
(2) Cité par Besnier, loc. cit., p, 352.
(3) Gilé par Murchison, loc. cit., p. 519.
ragie intestinale, l'bypertrophie splénique, etc.; d'autres fois, il s'agit d'une phlébite suppurative, suivie à peu près néces-sairement d'infection purulente.
C'est ici le lieu de parler de certaines lésions que les cho-lélithes, qui ont accompli leur migration par les voies natu-relles et sont parvenus jusque dans l'intestin, laissent après eux dans les voies biliaires. En pareil cas, la dilatation per-manente des voies qui servent à l'excrétion de la bile (canaux cholédoque et cystique, vésicule du fiel) n'est pas un fait ex-ceptionnel. On peut en dire autant de certains rétrécissements fibreux dont les conséquences, bien entendu, sont graves; surtout quand ces rétrécissements occupent le canal cholédo-que (1). Il est indubitable qu'un bon nombre de ces rétrécis-sements fibreux, décrits par les auteurs, sont d'origine calcu-leuse et résultent de l'ulcération qui s'est effectuée au contact des concrétions. Mais il n'est pas certain que telle soit la cause unique des rétrécissements fibreux des voies biliaires. C'est ce que M. Hoffmann cherche à établir dans un travail récent (2).
De tous les accidents qui peuvent marquer la migration des concrétions par les voies biliaires Y enclavement définitif de ces concrétions est, sans conteste, le plus vulgaire, celui qu'il importe surtout d'étudier.
Les conséquences de cet accident varient du tout au tout suivant le lieu où se fait l'enclavement. C'est ainsi que,'dans le cas ou l'oblitération porte sur le canal cystique, le résultat est généralement Vhydropisie de la vésicule du fiel, lésion qui, pendant la vie, ne se révèle souvent par aucun symptôme
(1) Cas de Fritz (Centralblatt, 1868), de Lebert {Atlas, t. it, p. 721), de Moxon (Path. Society, p. 119, 1873, t, xxiv.) Voir aussi : Murchison, loc. cit., p. 334.
(2) Virchow's Archiv, t. xxxix, 1867, p. 195-196. — Dans les trois cas rap-portés par l'auteur, le rétrécissement fibreux serait résulté de la propagation aux voies biliaires d'un catarrhe gastro-intestinal.
appréciable, tandis que l'enclavement dans le canal cholédoque est à peu près fatalement l'origine de toute une série de lésions secondaires qui se traduisent par des désordres très accentués et d'ordinaire aboutissent tôt ou tard, soit direc-tement ou indirectement à une issue funeste.
Pour ne parler que du canal cholédoque, il n'est peut-être pas sans intérêt de vous faire remarquer tout d'abord, Mes-sieurs, que l'obstruction de ce conduit, alors même qu'elle est due à une concrétion volumineuse, n'est pas nécessaire-ment suivie de rétention biliaire, d'ictère. C'est là un fait dé-montré par un certain nombre d'observations et dont j'ai été moi-même témoin plusieurs fois. Ainsi, il est possible que l'enclavement d'une concrétion dans le canal cholédoque après s'être opéré, sans être précédé parles phénomènes cle 1 hepa-talgie, persiste sans s'accompagner de jaunisse (1). Le plus remarquable de tous ces faits est celui que Cruveilhier a con-signé dans son Atlas en y ajoutant une très belle planche. Dans ce cas, de nombreux calculs étaient venus s'accumuler sur toute la longueur du canal cholédoque dilaté. L'amas cal-culeux remontait d'un côté jusque dans le canal cystique et de l'autre côté dans le canal hépatique et ses principales branches. Malgré cela, la bile, suivant un trajet, à la vérité tortueux et étroit, pénétrait dans l'intestin, puisque, en défi-nitive, il n'y avait pas d'ictère.
Quoi qu'il en soit, ces cas sont certainement exceptionnels et, dans l'immense majorité, l'obstruction du canal cholédoque par un calcul entraîne, comme nous l'avons dit, des lésions fonctionnelles et organiques qu'il nous faut maintenant passer en revue.
Un des premiers effets de l'oblitération, pour peu que l'obs-tacle siège au-dessous de la bifurcation, est la distension du
(1) Voyez : Durand-Fardel. — Traité clinique et pratique des maladies des vieillards, p. 785 ; — Budd, loc. cit., p. 361 ; — Frerichs, loc. cit., p. 827.
Ciiaucot. Œuvres complètes, t. vi. Maladies du foie. 12
canal cholédoque et de la vésicule du fiel. Cette distension, en ce qui concerne ce dernier organe, peut être poussée fort loin. C'est alors que la vésicule peut devenir assez volumi-neuse pour descendre, fait très rare à la vérité, jusqu'à l'om-bilic et même jusque dans la fosse iliaque. Bientôt, la disten-sion gagne les conduits intra-hépatiques et il se produit alors une altération particulière du foie qu'on désigne quelquefois sous le nom ftictère du foie, de congestion biliaire du foie. Je vous rappellerai en quelques mots les caractères de cette lé-sion dont incidemment il a été déjà question à diverses reprises. Le foie, dans les premières phases, est volumineux; dans quelques cas, il descend jusqu'à l'ombilic (Bright). Les bords restent tranchants ; ils ne s'arrondissent pas (Budd) comme dans le foie amyloïde, par exemple. La distension de la vési-cule est constamment présente dans cette forme d'hépato-macrosie et c'est là, vous le comprenez, une circonstance qui peut être utilisée dans la clinique pour le diagnostic. La sur-face du foie est lisse, jamais granuleuse. Sa coloration est jaune, vert foncé, ou mieux olivâtre. Les lobules sont distincts et, en les examinant sur des coupes, on reconnaît que la co-loration foncée est principalement marquée dans leur partie centrale. (Voir la figure de l'Atlas de Frerichs). Quand on pratique des sections dans le foie, on reconnaît la dilatation des conduits biliaires d'un certain calibre et l'on voit en même temps s'écouler de la surface de section une grande quantité de bile. (Congestion biliaire, apoplexie biliaire). D'après Rokitansky, les conduits peuvent se rompre dans l'intimité du parenchyme hépatique et, par ce mécanisme, il se fait de véritables apoplexies biliaires. Ces ruptures se produisent quelquefois à la surface du foie, accident redou-table auquel succède à peu près nécessairement une péritonite mortelle.
Je n'aurai pas à m'arrêter longuement sur les modifications
de texture particulière à cette altération du l'oie. Les expé-riences, instituées chez les animaux, et dont je vous ai déjà parlé, pouvaient faire prévoir en quoi elles consistent. Vous n'avez pas oublié qu'une hyperplasie conjonctive, répandue dans toute la giande, le long des conduits biliaires, d'abord marquée dans les espaces, puis s'étendant plus ou moins aux fissures, de manière à circonscrire parfois le lobule dans toute son étendue, paraît être la conséquence nécessaire et rapidement produite de la ligature du canal cholédoque. Tel est, au moins, ce qui ressort des expériences de M. W. Legg et de celles qui nous sont propres. Or, nous nous sommes assuré, dans plusieurs cas d'oblitération du canal cholédoque par des calculs chez l'homme, que les choses, à cet égard, se passent comme chez les animaux auxquels on a pratiqué la ligature. Je relèverai seulement que cette forme de cirrhose, qui a pour effet de rétrécir progressivement le domaine du parenchyme hépatique, n'aboutit pourtant jamais, comme la cirrhose vulgaire, à la formation de granulations hépatiques. C'est là une différence dont la raison me paraît assez difficile à donner, mais qu'il importait de signaler.
L'infiltration pigmentaire des cellules hépatiques, les in-farctus pigmentaires qui remplissent les capillaires biliaires (0. Wyss. — Wirchow's Archiv, p. 553, 1866. Bd. 35) ou les dernières ramifications des conduits hépatiques sont des altérations qu'il suffira de mentionner pour compléter le tableau.
Notons en passant que dès cette première période, chez l'animal au moins, les altérations dont il s'agit suffisent pour entraîner des lésions fonctionnelles sérieuses, pour entraver, par exemple, la fonction glycogénique. Ainsi, d'après les recherches de M. W. Legg, le glycogène fait défaut dans le foie des animaux mis en expériences et tués peu de temps après la ligature. De plus, d'après le même auteur, il
serait impossible, en provoquant des lésions bulbaires chez les animaux ayant subi depuis quelque temps la ligature du cholédoque de déterminer l'apparition du sucre dans les urines (1).
Par suite de la persistance de l'obstacle au cours de la bile et sous l'influence combinée de la dilatation progressive des conduits biliaires intra-hépatiques et de l'extension égale-ment progressive des tractus conjonctifs péri-lobulaires, le champ du parenchyme hépatique se rétrécit de plus en plus. En conséquence de ces conditions, le foie reprend d'abord son volume normal, pour devenir ensuite petit.
Cette atrophie du foie, consécutive à l'enclavement des calculs biliaires, peut se montrer déjà quelques mois à peine après le moment où l'oblitération est survenue (Budd). 11 est possible qu'elle s'accomplisse sans que les cellules hépatiques, qui persistent, éprouvent des altérations nouvelles et différen-tes de celles que nous avons indiquées à propos de la pre-mière période.
Quelquefois néanmoins, à un moment donné, ces cellules subissent soit dans une partie du foie, c'est-à-dire sous forme de foyer, soit dans toute son étendue, une destruction com-plète, avec fonte granulo-graisseuse, comparable à celle qu'on observe dans l'atrophie jaune aiguë du foie. Le fait a été reconnu pour la première fois par T. Williams (2) ; puis, il a été constaté de nouveau par Budd (3) et Frerichs qui admet, lui aussi, dans certains cas, cette destruction totale des cellules hépatiques.
(1) Voir V. Wittich. — Glycogengehalt der Leber nach unterbinding des choledocus. In Centralblatt, n° 19, 1875.
(2) T. Williams. — On the palhology of cells. — Gui/s Hosp. Reports, oct. 1874.
(3) Budd, 2e édit., p. 213, 214. — Gluge. Liv. xu, Taf. n, — Aran. Gaz. des Hospit., 1860.
Un cas rapporté par Virchow (1) semble établir que la des-truction commence, en pareille circonstance, par le centre du lobule. Ce cas est relatif à une obstruction calculeuse du canal cholédoque datant de cinq semaines.
Le foie n'avait pas encore diminué de volume. A l'autopsie, on trouva des cristaux de leucine et de tyrosine sur les points où l'altération des cellules était la plus profonde. Vous n'avez pas oublié peut-être que dans un cas du même genre, Hardy avait, pendant la vie, rencontré ces mêmes substances dans les urines.
Une observation de M. Hayem, présentée récemment à la Société anatomique par M. Dreyfus (juin 1876), constate en outre, comme on devait s'y attendre, que, dans ce genre de lésions hépatiques, la formation d'urée est en défaut.
Il est impossible de ne pas rapprocher les altérations profondes du parenchyme hépatique qui viennent d'être relevées de celles qui se montrent d'une façon constante dans l'atrophie jaune aiguë du foie. Il y aura lieu de recher-cher s'il faut établir encore un nouveau rapprochement entre ces ordres d'affections hépatiques au point de vue clini-que.
(1) Virchow. — Ueber die Luecin und Tyrosin abscheidungen. — ( Virchow's Archiv, t. vin, p. 355.)
DIX-SEPTIÈME LEÇON
Oblitération du canal cholédoque. — Lésions et symptômes.
Sommaire. — Dilatation des voies biliaires intra-hépatiques : Modifications de la bile ; — Sable biliaire. — Angiocholite suppurative. — Péri-angiocholite: Abcès solitaires; — Abcès miliaires ; pathogénie de ces abcès. — Phlébite porte consécutive à la péiï-angùocholite, — Gravelle biliaire. — Calculs bi-liaires intra-hépa'iques ; caractères qui les distinguent des calculs de la vési-cule biliaire.
Symptômes dus à l'oblitération calculeuse des canaux biliaires : Ictère chroni-que. — Marasme. — Troubles digestifs. — Stéatorrhée.
I.
Messieurs,
Je me propose d'entrer aujourd'hui dans quelques détails destinés à compléter l'histoire des altérations qui se produisent soit dans le foie, soit dans les voies biliaires, sous l'influence de l'oblitération des canaux cholédoque ou hépatique et de vous présenter ensuite un aperçu des symptômes qui se ratta-chent à ces altérations et peuvent cliniquement en révéler l'existence.
En premier lieu, je m'arrêterai un instant sur la dilatation des voies biliaires intra-hépatiques que je n'ai fait qu'in-diquer très sommairement et qui s'accompagne d'ailleurs d'un certain nombre d'altérations des parois et du contenu de ces canaux qu'il nous faut connaître.
Il s'agit là d'une dilatation tantôt cylindrique, tantôt ampul-laire, qui se trouve bien représentée dans les figures 45 (p.
145) et 39 (p. 121) de l'ouvrage de Frerichs. A l'autopsie, il est facile, dans certains cas, de suivre, par l'incision, les con-duits dilatés jusqu'à la surface du foie, sous la capsule. On s'assure alors que le conduit, après avoir subi un degré varia-ble de renflement, se termine tout à coup en cul-de-sac. (Frerichs, loc. cit., fig. 45).
La dilatation paraît affecter surtout les canaux de calibre, ceux qui, logés dans les canaux portes, au milieu d'une gaîne conjonctive relativement lâche, sont susceptibles de s'étendre sans rencontrer tout d'abord la résistance offerte par le paren-chyme du foie. Les canaux inferlobulaires ne subissent, au contraire, qu'une dilatation comparativement peu considérable. Rien n'est plus aisé que la vérification de ce fait sur des cou-pes du foie durcies et examinées à un faible grossissement. A ce propos, je vous ferai remarquer que la figure 40, insérée par Frerichs à la page 120 de son livre, est fautive à quelques égards. Elle ne montre pas, en particulier, la différence qui vient d'être signalée entre les conduits des canaux portes et ceux des espaces interlobulaires ; elle ne montre pas non plus l'hyperplasie conjonctive qui envahit toujours la capsule de Glisson, soit dans les espaces, soit dans les canaux portes, en conséquence de l'oblitération du canal cholédoque; enfin, elle ne figure pas les vaisseaux artériels et veineux, satellites obli-gatoires des conduits biliaires.
La dilatation des conduits biliaires ne manque jamais d'être suivie tôt ou tard d'une altération plus ou moins profonde des parois de ces canaux et aussi de leur contenu. (Angiocho-lite).
Mous avons vu que, quand on pratique l'occlusion expéri-mentale du canal cholédoque chez les animaux, si l'on sacri-fie ceux-ci 12 ou 15 jours après l'opération, on trouve la paroi des conduits dilatés tapissée uniformément par un épithélium cylindrique très régulier. La bile, renfermée dans ces con-
duits n'offre, à cette époque, aucune altération bien manifeste, si ce n'est un certain degré de viscosité et, comme nous l'a-vons vu plusieurs fois, chez les cochons d'Inde, l'existence de vibrions.
Chez l'homme, les conditions ne sont pas absolument les. mêmes, la mort ne survenant en général qu'à la suite d'alté-rations datant de fort loin. Dans les voies biliaires principales, l'épithélium cylindrique a le plus souvent complètement dis-paru. On retrouve çà et là des lambeaux au sein de la matière, semi-liquide qui remplit la cavité. Suivant Frerichs, il serait quelquefois remplacé par un épithélium plat. Au contraire, dans les canalicules interlobulaires, l'épithélium cylindrique, est conservé. Seulement, au lieu d'un revêtement régulière-ment disposé, on voit parfois des cellules entassées de façon à oblitérer la lumière du conduit. D'autres fois, l'oblitération est occasionnée par un magma qui paraît composé de muco-pus et de pigment biliaire. D'ailleurs, la paroi fibreuse des. conduits biliaires, petits ou volumineux, est toujours notable-ment épaissie.
Quoi qu'il en soit, il n'est pas douteux que cette obstruc-tion des petits conduits biliaires a quelquefois pour effet, — et c'est là une remarque qui appartient à M. 0. Wyss — de séparer en quelque sorte la partie sécrétante du foie de la partie excrétante. Dans ces circonstances, tandis que les capil-laires biliaires dans le lobule sont distendus par de la bile, les grands canaux biliaires sont remplis, comme l'indique une-observation de Frerichs, par un liquide muqueux, incolore, dans lequel les réactifs ne décèlent pas la moindre trace des pigment ou d'acides biliaires. (Obs. VI).
Ce fait, d'ailleurs, est rare. Le plus communément, les con-duits dilatés contiennent une bile de consistance visqueuse, dans laquelle nagent des flocons muqueux, des plaques d'épi-thélium cylindrique et, enfin, souvent aussi du sable biliaire.
D'autres fois encore, quoique plus rarement il est vrai, les conduits renferment à proprement parler du muco-pus, aussi peut-on dire, en pareille occurrence, qu'on a affaire à une véritable angiocholite suppurative.
Voilà, Messieurs, quelles sont les principales altérations que subissent les voies biliaires en conséquence de l'oblitération calculeuse du canal cholédoque. Il n'est pas sans intérêt d'a-jouter que toutes ces altérations peuvent se produire, en dehors de la lithiase biliaire, dans tous les cas où les canaux cholé-doque ou hépatique sont obstrués, quelle qu'en soit la cause (rétrécissement fibreux, cancer de la tête du pancréas). Quel-quefois même, en dehors de ces conditions, on les rencontre, bien qu'il n'existe pas actuellement de calculs dans les voies biliaires. Mais, le plus ordinairement, il y a lieu de supposer que ces calculs y ont séjourné pendant quelque temps et ont laissé après eux des traces indélébiles de leur passage. Ainsi, deux fois, Frerichs a observé toutes les altérations qui vien-nent d'être décrites, dans un cas de fistule duodéno-cholédoque. M. Barth les a rencontrées chez un sujet qui, peu de temps avant la mort, avait présenté tous les symptômes d'une coli-que hépatique intense.
Les lésions inflammatoires, résultant de la distension des voies biliaires, ne se limitent pas aux parois même des conduits; elles s'étendent aux parties voisines, à la capsule de Glisson (péri-angiocholite) ; d'ordinaire, c'est une inflammation hyperplasique qui se développe. Mais souvent, en outre, il se produit çà et là, dans les mêmes régions, de véritables foyers de suppuration.
La suppuration qui succède à la péri-angiocholite se présente sous deux formes principales: 1° Tantôt, on voit survenir au voisinage d'un canal biliaire ulcéré, un abcès volumineux, solitairej dont le point de départ, par exemple, est un calcul enclavé dans un conduit intra-hépatique. Au dire de M. Nie-
meyer, la majorité des grands abcès du foie de notre pays auraient cette origine; — 2° Tantôt, il s'agit de petits abcès multiples disséminés dans toute la substance du foie et à sa surface. En raison de leurs dimensions, on les désigne d'habi-tude sous le nom d'] abcès mili air'es pisi'formes, lenticulaires. Ils sont quelquefois un peu plus considérables que ne l'indi-quent ces dénominations, mais ils dépassent rarement le volume d'un haricot. On les a encore appelés abcès biliaires, parce que leur contenu paraît souvent constitué par un mé-lange intime de pus et de bile. Outre ces petits abcès, visibles à l'œil nu et qui sont fréquemment au nombre de 30 à 40 ou plus, il existe d'autres petits foyers qui ne peuvent être vus qu'au microscope. 11 est facile de constater, même par un examen superficiel, que les petits abcès en question prennent toujours naissance auprès de la paroi d'un canalicule biliaire auquel ils paraissent comme accolés. Quelques auteurs, Cru-veilhier en particulier, ont cru d'après cela qu'il s'agissait réel-lement d'une dilatation remplie de muco-pus mélangé de bile. La réalité est que ces petits abcès se forment à la périphérie de ceux des conduits biliaires dont le diamètre varie de 200 ¡jl à 20 ou 40 ¡x. On pouvait suivre avec facilité toutes les phases de l'évolution de ces abcès sur des préparations qui nous ont été communiquées par M. Malassez et sur des pièces disposées par M. Gombault. Ces dernières provenaient d'un sujet qui avait succombé à l'oblitération calculeuse du canal cholédo-que.
Eh bien, sur ces préparations voici ce qu'on observe : L'épithélium cylindrique est le plus souvent conservé dans les conduits biliaires. Des cellules embryonnaires ou des leuco-cytes s'accumulent au voisinage immédiat du conduit. L'amas de petites cellules prédomine en général sur un des côtés du canal. A un degré plus avancé, il se produit de véritables globules de pus, fréquemment chargés de pigment biliaire,
au centre des amas de cellules. Les leucocytes en s'agglomé-rant constituent enfin de véritables abcès qui pénètrent dans la substance des lobules en refoulant les cellules hépatiques qu'ils aplatissent et dissocient. Il est aisé de reconnaître que les cellules hépatiques ne prennent aucune part à la formation des petits abcès. Elles subissent des déformations, des altéra-tions régressives, une sorte d'altération vésiculeuse; toutefois, jamais on n'y découvre aucune trace de prolifération.
Ces petits abcès multiples, qui ne doivent pas être confondus avec les abcès de l'infection purulente, ont un certain intérêt clinique. Quand ils sont superficiels, ils peuvent être le point de départ d'une péritonite adhésive et même, ils peuvent s'ouvrir dans la cavité péritonéale (1), et c'est suivant ce mode pathogénique que se produisent certains abcès enkystés du péritoine.
Les abcès biliaires se produisent quelquefois expérimenta-lement dans les cas où l'on a pratiqué la ligature du canal cholédoque chez les animaux. (Leyden, Charcot et Gom-bault.)
L'accollement des branches de la veine porte aux conduits biliaires dans les canaux portes fait comprendre la possibilité du développement de la phlébite porte comme conséquence de l'inflammation péri-angiocholique. C'est un phénomène analogue à celui que nous avons vu se présenter à propos de la phlébite du tronc porte, consécutive aux lésions du canal cholédoque.
11 existe plusieurs exemples d'abcès métastatiques dans les viscères, les poumons, la rate, chez des sujets atteints de dilatation sacciforme des voies biliaires, consécutive à l'oblité-ration du canal cholédoque. J'en ai vu plusieurs pour mon compte. M. Bamberger a signalé d'ailleurs des faits de cet or- dre ; M. Contesse en a consigné un clans les Bulletins de la
(1) Meckel. — Micrologie, p. 68.
Société anatomique (1858,). Dans quelques cas, la veine porte a été trouvée saine ; d'autres fois, l'existence de la phlébite porte a été bien constatée (1).
II.
C'est ici, Messieurs, le lieu de parler de la gravelle et des calculs biliaires intra-hépatiques. La présence de ces con-crétions relève de l'occlusion du canal cholédoque et la dilata-tion des voies biliaires qui en est le résultat se fait de deux façons : 1° Tantôt les calculs qui se sont formés dans la vési-cule ne trouvant pas d'issue par le canal cholédoque remon-tent par le canal hépatique jusque dans le foie où ils s'encla-vent dans les ramifications de ce dernier conduit. Ces calculs intra-hépatiques, que l'on pourrait qualifier à'exotiques, possèdent tous les caractères physiques et chimiques des concrétions de la vésicule ; — 2° Tantôt, les calculs intra-hépatiques sont au contraire autochtones, formés sur place, en conséquence de la dilatation et aussi de l'inflammation des voies biliaires. Déjà, nous avons parlé de la fine gravelle biliaire qui apparaît souvent quand il y a stase de la bile dans les conduits hépatiques, par suite de l'oblitération du canal cholédoque. D'autres fois, il se produit, dans ces mêmes circonstances, soit une véritable boue biliaire, soit enfin des concrétions véritables plus ou moins consistantes, parfois arborescentes, représentant en quelque sorte, le moule interne des conduits où ils ont pris naissance. Jamais ces concrétions n'ont la structure radiée, les couches concentriques, ni les facettes qui distinguent les calculs nés dans la vésicule.
L'existence de véritables concrétions un peu volumineuses dans les voies biliaires intra-hépatiques est rare. Frerichs ne l'a constatée que trois fois. On ne la rencontrerait, d'après
(1) Lebert. — Atlas, t. n, p. 271.
Thudicum, que cinq fois à peine sur cent cas de lithiase bi-liaire. La fine gravelle est, au contraire, dans ces circonstan-ces, une chose vulgaire.
Les calculs qui succèdent à l'altération des conduits s'en-kystent quelquefois ; ou bien encore ils déterminent une vé-ritable hépatite scléreuse «devoisinage w,laformation d'abcès volumineux, l'angïocholite suppurative, la phlébite.
Ces renseignements, Messieurs, me paraissent amplement suffire sur l'anatomie pathologique de l'occlusion du canal cholédoque. Actuellement, je vais tâcher de vous faire con-naître les principaux symptômes qui révèlent les altérations diverses que nous venons de jtasser en revue.
L'ictère chronique par résorption est la conséquence à peu près inévitable de l'oblitération calculeuse du canal cholédo-que ou des conduits hépatiques ; c'est là un accident dont le pronostic est fort grave pour peu qu'il persiste au-delà d'un certain temps. La mort en est l'issue à peu près nécessaire dans un délai qui, en général, ne dépasse pas quelques mois, un an, deux ans au plus. La limite extrême, selon Frerichs, serait de deux ans et demi. On cite cependant quelques faits exceptionnels qui témoignent que, même dans des conditions aussi graves, il ne faut désespérer de rien.
Ainsi, Frerichs cite le cas d'une dame chez laquelle, à la suite de coliques hépatiques réitérées, un ictère s'établit, dont la durée a été de sept mois. Au bout de ce temps, l'emploi des eaux de Carlsbad a eu pour effet d'amener l'expulsion d'un calcul et laguérisona été complète (loc. cit., p. 527).
Budd, Graves, Stokes, rapportent des exemples où l'ictère chronique, probablement d'origine calculeuse, s'est prolongé pendant 4 mois, 11 mois, 2 ans, tout en permettant un état de santé relativement satisfaisant.
Telle n'est pas la règle; l'amaigrissement et le marasme ne tardent pas à survenir par le fait de l'oblitération calculeuse
prolongée du canal cholédoque. Celle émacialion qui résulte de conditions complexes, mais en partie au moins des trou-bles apportés dans la digestion par suite de la rétention du produit de la sécrétion biliaire, rappelle ce qu'on voit se pro-duire dans l'expérimentation physiologique chez les animaux qui survivent à la ligature du canal cholédoque, dans le cas où l'on établit une fistule biliaire, 11 y a, à cet égard, dans l'expérimentation elle-même, des variations qui se reprodui-sent, comme nous venons de le dire, dans des conditions analogues chez l'homme. Ainsi certains animaux, ceux sur-tout qui continuent à s'alimenter largement, résistent beau-coup plus longtemps que d'autres à l'oblitération du canal cholédoque.
En outre de l'émaciation et du marasme, des troubles diges-tifs résultant de la non-intervention de la bile dans l'acte de la digestion se traduisent encore par un certain nombre de symptômes qui doivent être relevés maintenant et qui s'ob-servent aussi dans les cas où l'on a lié expérimentalement le canal cholédoque. Telle est la production de gaz fétides dans l'intestin; telle est encore l'évacuation par les selles de ma-tières grasses, résultant de la digestion incomplète ou nulle de ces substances. Il paraît certain que la rétention biliaire est capable, à elle seule, de produire ce phénomène mis en re-lief pour la première fois par Bright et Lloyd.
M. Bright relate un cas dans lequel la stéatorrhée exis-tait, bien que le canal pancréatique fût intact. Et sur 18 cas du même genre, Reeves en cite six dans lesquels le pancréas n'était pas en cause.
Mais, les rapports étroits quiunissent le canal cholédoque etle canal de Wirsung l'ont que, le plus souvent, ces deux conduits sont oblitérés du même coup et la stéatorrhée, en pareil cas, est en quelque sorte la résultante de cette double oblitération.
Lorsqu'on veut rechercher ces symptômes, il ne faut pas oublier que la graisse apparaît physiologïquement dans les sel-les chez les individus qui en consomment beaucoup dans leur alimentation, chez ceux qui prennent de l'huile de foie de mo-rue, de l'huile de ricin. Ce sont là, bien entendu, des circons-tances dont il faut savoir tenir compte.
DIX-HUITIÈME LEÇON
De la fièvre hépatique symptomatique. — Compa-raison avec la fièvre uro-septique.
Sommaire. — Symptômes de l'oblitération calculeuse du canal cholédoque {Suite). —Hémorragies gastro-intestinales, nasales, etc.; —affaiblissement du cœur.
Fièvre intermittente hépatique : Frisson; — élévation de la température ; —pé-riodes apyrétiques ; — diminution du taux de l'urée ; caractère vespéral ; — marche chronique ; — terminaison.
Analogies entre les diverses formes de fièvre hépatique et les accidents de la fièvre dite uréthrale. — Parallèle entre les lésions des voies urinaires qui se compliquent de fièvre uréthrale et les lésions du foie qui se compliquent de fièvre hépatique. — Rôle des altérations de l'urine et de celles de la bile.
Messieurs,
Je vais commencer la leçon de ce jour en vous donnant des renseignements complémentaires sur l'exposé symptomatique que je n'ai pas eu le temps d'achever dans la dernière séance. Il s'agit, vous ne l'avez pas oublié, des phénomènes variés qui se rattachent immédiatement ou médiatement à Y oblitéra-tion calculeuse du canal cholédoque. Une altération particu-lière du foie, que nous avons décrite en détail, est, vous le savez, une conséquence en quelque sorte obligatoire de cette altéra-tion. Dans les phases les plus avancées de l'altération hépati-que que nous étudions, en raison soit de l'extension de la lé-sion scléreuse, soit de la compression exercée par les canaux biliaires dilatés, la circulation intra-hépatique est entravée et
¡1 se produit consécutivement une stase sanguine dans le système de la veine porte.
Les résultats, d'ailleurs à prévoir, de cette obstruction sont: rl'ascite; 2° l'hypertrophie de la rate (1); 3° des hémorragies gastriques et intestinales.
Suivant Henoch (2), un certain nombre des hémorragies gastro-intestinales qui surviennent dans le cours de l'occlu-sion des voies biliaires seraient dues à l'existence d'ulcères gastriques qui, chez Thommc, se produiraient à la suite et par le fait de cette occlusion, de même qu'ils se produisent chez les animaux, d'après Kolliker et Mûller, à la suite de la liga-ture du canal cholédoque.
D'autres hémorragies paraissent relever de l'altération de la crase du sang ou tout au moins de l'altération des vaisseaux sanguins que celle-ci déterminerait à la longue. Telles sont les hémorragies nasales, celles qui succèdent à des piqûres de sangsues, ainsi qu'on en trouve un exemple dans une obser-vation de Mettenheimer (3). On ne saurait évidemment invo-quer ici un obstacle au cours de la circulation porte, au moins à titre d'influence directe. On serait, au contraire, tenté de faire intervenir, en pareille circonstance, l'action dissolvante des acides biliaires accumulés dans le sang. Malheureusement, une simple remarque montre qu'il est difficile d'accepter cette explication: c'est que, chez l'homme, même dans les condi-tions les plus défavorables, la quantité des acides biliaires mêlés au sang semble être insuffisante pour engendrer les accidents obtenus dans les expériences chez les animaux avec des doses très élevées , chez un chien auquel M. Yulpian avait injecté dans le sang jusqu'à 90 grammes de bile de
(1) Leyden. — Path. der Icterus, p. 124.
(2) Unlerleibskrankheilen, 2e édition, p. 65.
(3) Greisenkrankhehiten, Leipzig-, 1863, p. 121.
Charcot. Œuvres complètes, t. vi, Maladies du foie. 13
bœuf, il ne s'est produit ni hémorragies, ni altération quel-conque des globules rouges (1).
L'affaiblissement du cœur a été de longue date signalé parmi les accidents de l'ictère prolongé. Sous son influence, ainsi que l'a vu M. Leyden, des caillots peuvent se former dans l'oreillette droite du cœur et devenir la cause du développe-ment d'infarctus hémoptoïques dans les poumons.
Cette espèce d'asystolie a été rattachée, elle aussi, à l'action des acides biliaires. C'est encore à celle-ci qu'on a fait appel pour rendre compte des accidents nerveux, convulsifs ou coma-teux qui, quelquefois, terminent brusquement la vie des sujets placés depuis longtemps sous le coup des effets de l'occlu-sion du canal cholédoque. Mais, pour les deux derniers cas, l'explication est passible des objections formulées tout à l'heure à propos des hémorragies. C'est là, du reste, un point que je me contente d'indiquer.
Je terminerai cet exposé symptomatologique par une brève description de cette forme de fièvre intermittente sympto --matique à laquelle j'ai déjà fait allusion à diverses reprises et qui accompagne quelquefois, sans qu'il y ait trace de coli-que hépatique actuelle, soit l'oblitération calculeuse du canal cholédoque, soit la lithiase biliaire intra-hépatique.
Cette fièvre, qu'on appelle parfois fièvre intermittente hépatique, n'appartient pas, tant s'en faut, d'une manière exclusive à la lithiase biliaire. Elle peut se présenter avec l'en-semble des caractères qui lui sont propres, dans tous les cas où il y a une obstruction durable ou persistante du canal cholédoque, quelle qu'en soit la cause, rétrécissement fibreux, cancer de la tête du pancréas, etc.
La condition anatomique la plus favorable à l'éclosion de cette fièvre paraît être la présence, dans les voies biliaires
(1) L'École de médecine, 12 oct. 1874.
dilatées, de pus ou de muco-pus mêlé à la bile stagnante. Toutefois, il est certain que l'angiocholite suppurative peut exister sans qu'il y ait fièvre intermittente et que, d'un autre côté, celle-ci est susceptible de se produire alors qu'il n'y a pas, à proprement parler, suppuration des voies biliaires. Il est possible également que les abcès biliaires, décrits dans la dernière séance, fassent tout à fait défaut dans le cas où il y a fièvre intermittente. Il convient donc de chercher la raison du développement de cette fièvre en dehors de tous les élé-ments qui viennent d'être énumérés. Je propose l'hypothèse suivante : La fièvre dont nous nous occupons tiendrait à la présence dans les voies biliaires dilatées et enflammées d'un principe septique, d'un poison morbide pyrétogène, résul-tant d'une altération du liquide biliaire. Ce principe, bien entendu, est inconnu, quant à présent, de même que les conditions prochaines qui président à sa production.
Quoi qu'il en soit, voici quels sont, d'après l'analyse d'une vingtaine d'observations personnelles ou recueillies dans divers auteurs, les caractères fondamentaux de cette forme de fièvre intermittente. Victère peut, actuellement, exister ou non. Il manque, par exemple, dans tous les cas de gravelle ou de calculs intra-hépatiques qui très souvent — mais non pas exclusivement comme inclinent à le croire quel-ques auteurs (Thudicum, Leared, Henoch) — s'accompagnent de fièvre intermittente. Il manque encore dans certains cas où les conditions et les lésions de la stase biliaire se mani-festent, bien que l'occlusion du canal cholédoque soit incom-plète.
La colique hépatique peut ouvrir la scène ou s'être mon-trée quelque temps auparavant ou enfin ne s'être jamais pré-sentée. (Calculs intra-hépatiques).
1° Tout à coup Y accès éclate, débutant par un frisson, et ies trois stades se déroulent comme s'il s'agissait d'un accès
de fièvre intermittente légitime. Le frisson est quelquefois assez intense pour que le lit du malade en soit ébranlé. La température centrale s'élève à 39°, 40°, 41°. Les sueurs sont parfois profuses jusqu'à mouiller le lit. Dans un nombre va-riable de cas, l'un des stades, le stade de sueur surtout, peut être absent.
2° Très souvent, les périodes apyrétiques sont nettement marquées et les retours des accès sont, en général, assez régu-liers pour simuler les types quotidien, tierce ou quarte de la fièvre légitime. A la vérité, on rencontre sous ce rapport de nombreuses exceptions.
3° Un caractère particulier de la fièvre hépatique serait, si nous en jugions d'après l'observation jusqu'ici unique de M. P. Regnard, la diminution du taux de l'urée pendant l'accès, à l'opposé de ce qui a lieu dans l'accès de fièvre légitime — et la présence dans l'urine de la leucine et de la tyrosine. Je ferai remarquer toutefois que si la théorie que j'ai proposée pour expliquer l'abaissement de l'urée dans ce cas est juste, ce même abaissement devra survenir toutes les fois que l'état fébrile, qu'elle qu'en puisse être la cause, surviendra chez un sujet atteint d'une lésion diffuse quelque peu profonde du parenchyme hépatique, suffisante tout au moins pour entraver la fonction désassimilatrice. L'état sta-tionnante ou l'abaissement du chiffre de l'urée dans la fièvre ne serait donc l'apanage d'aucune fièvre en particulier, pas même de la fièvre intermittente hépatique. Ce phénomène traduirait simplement l'insuffisance des fonctions hépati-ques.
4° Ainsi que cela arrive dans les accidents fébriles symptô-matiques en général, les accès de fièvre hépatique offrent le caractère vespéral, opposé au caractère matutinal des accès de fièvre idiopathique.
S0 Le plus souvent, la fièvre hépatique est en quelque
sorte chronique ; elle peut durer par exemple deux ou trois mois, avec des intervalles de 8,10, 15 jours, pendant lesquels les accès font momentanément défaut. On a compté jusqu'à 31 accès dans le cas publié par M. Regnard. (Voir Planche IV).
6° Une issue favorable est une chose possible; un fait, rapporté par M. Henoch et que je vais résumer, en fournit la preuve. A la suite de coliques répétées, on vit survenir un ictère intense, avec selles décolorées; le foie, un peu augmenté de volume, était douloureux. Bientôt apparut une fièvre intermittente qui fit croire à l'existence d'abcès du foie et cessa sous Finfluence de l'administration du sulfate de quinine. La malade fut envoyée à Carlsbad. Là, les selles redevinrent bilieuses, consécutivement à des coliques hépatiques et quatorze calculs à facettes furent ex-pulsés.
Mais il faut reconnaître que la terminaison fatale est la plus commune. Elle survient tantôt au milieu de phéno-mènes graves, rappelant les accidents dits pernicieux des fièvres palustres, tantôt dans le cours d'une fièvre rémittente avec symptômes typhoïdes, à laquelle les accès ont cédé la place.
Je vous ai proposé, Messieurs, de séparer la fièvre hépati-que, dont je viens de vous entretenir, de lafièvre qui se pro-duit quelquefois dans le cours de la colique hépatique. Il est incontestable que ces deux espèces de fièvre n'ont pas abso-lument la même signification clinique; mais il n'est pas douteux qu'elles ne se rattachent l'une à l'autre par un lien commun. C'est ainsi que l'on voit, dans certains cas, un accès développé dans le cours d'une colique hépatique être suivi cette fois sans nouvelle colique, d'une série revenant pério-diquement. J'incline à croire, d'ailleurs, que la condition pa-
thogénique est la même dans les deux cas. Ainsi la fièvre hépatalgique, comme celle de Yangiocholite, résulterait de l'introduction dans le sang de l'agent pyrétogène hypothéti-que provenant de l'altération de la bile. Le passage du cal-cul dans la colique hépatique jouerait tout simplement le rôle d'une cause occasionnelle. Il aurait pour effet: a) de favori-ser l'absorption du poison morbide soit en déchirant, la mu-queuse des conduits biliaires, soit en augmentant la pression dans le système des voies biliaires; — b) de déterminer une inflammation suraiguë dont les produits confondus avec le liquide biliaire agiraient à l'instar d'un ferment et occasion-neraient de la sorte une très rapide altération de la bile. A l'appui de mon hypothèse, je ferai remarquer: 1° que les fris-sons hépatalgiques ne se montreraient guère, d'après les obser-vations, que chez les sujets placés depuis longtemps déjà sous le coup d'une lésion inflammatoire des voies biliaires, circons-tance propre à favoriser la formation du poison morbide (a) ; — 2° que, et j'ai signalé tout à l'heure ce point, le frison hê-patalgique inaugure quelquefois le développement d'une série d'accès à retours plus ou moins réguliers, sans nouvelle appa-rition des coliques, ce qui justifie la seconde partie de mon hypothèse (b). Quant à l'intermittence des accès de fièvre angiocholique, on en ignore totalement la cause.
Je ne saurais trop insister, Messieurs, sur l'intérêt prati-que qui s'attache au sujet qui vient d'être exposé. Pour mieux fixer encore votre attention à cet égard, j'estime qu'il est utile de faire ressortir dès maintenant, en quelques mots,les analogies qui existent entre les diverses formes de la fièvre hépatique et les accidents du même genre qui compliquent parfois certaines maladies des voies urinaires.
Vous n'ignorez pas que, chez les sujets irritables, l'intro-duction du cathéter dans l'urèthre est quelquefois suivie d'un
frisson plus ou moins intense: mais, il ne s'agit là le plus souvent, selon la remarque de Wunderlich (1), que d'un phé-nomène purement nerveux, sans élévation de la température centrale. D'autres fois, au contraire, dans des circonstances en apparence identiques, on observe un véritable accès fébrile, marqué par la succession des trois stades classiques. Il est à noter pourtant, que, d'après les écrivains les plus autorisés, cette fièvre urêthrale, comme on l'appelle quelquefois (2), ne se manifeste guère que chez les sujets qui, déjà, présen-tent d'une façon plus ou moins accentuée les signes d'une af-fection des voies urinaires capable d'apporter un obstacle à l'émission de l'urine : rétrécissement uréthral, hypertrophie de la prostate, paralysie delà vessie résultant d'une lésion de la moelle épinière, etc., et chez lesquels les urines sont sou-vent altérées.
L'accès fébrile, qui, en pareil cas, ne se montre que deux ou trois heures après l'introduction de la sonde est quelquefois unique: d'autres fois, il est suivi, sans nouvelle intervention chirurgicale, d'une série d'accès plus ou moins nombreux, re-venant périodiquement, et de manière à simuler la fièvre in-termittente palustre (3).
Les accès de fièvre uréthrale provoquée revêtent dans quel-ques circonstances le caractère pernicieux, forme algide (Per-drigeon), forme apoplectique (Grisolle) (4).
Ces accidents variés peuvent tous survenir spontané-ment, dans les conditions même où ils se produisent sous l'influence des manœuvres chirurgicales; c'est ce dont témoi-
(1) Eigenvarme, p. 166.
(2) Voir Perdrigeon, thèse de Paris, 1853.
(3) Perdrigeon, loc. cit.
(4) Bricheteau. — Archives de méd., 1847, t. n, p. 184 ; Grisolle. — Traité de Path. int. t. i, p. 174 ; Giannini. — De la naluve-des fièvres, 1801, p. 207.
gnent les observations de Rayer (1), Jacks (2) et de Rosen-tein(3).
Ces considérations suffisent, je crois, pour mettre en évi-dence, au point de vue symptomatologique, l'analogie sur laquelle je voulais fixer votre esprit. D'un autre côté, les alté-rations des voies urinaires qui accompagnent les différentes formes de la fièvre uro-septique méritent d'être mises en parallèles avec celles qui président au développement de la fièvre hépatique.
En raison du rétrécissement uréthral, de l'hypertrophie prostatique, de la paralysie vésicale, l'urine n'est évacuée que d'une façon incomplète; elle est stagnante dans les voies urinaires profondes, comme la bile est stagnante dans le cas d'oblitération du canal cholédoque, et, en con-séquence, les uretères et les bassinets sont habituellement dilatés.
La membrane muqueuse de ces conduits et celle de la vessie offrent les caractères plus ou moins accentués d'une in-flammation, variable en degrés, qui rappelle l'angiocholite et dont les produits sont incessamment mêlés à l'urine. Celle-ci est toujours alcaline, d'odeur ammoniacale, fétide et, en somme, cette altération de l'urine paraît être dans l'espèce, un élément constant.
Les reins eux-mêmes offrent d'ordinaire des lésions plus ou moins profondes et plus ou moins caractéristiques que les auteurs anglais désignent quelquefois, sous le nom de rein chirurgical « Surgical Kidney » et que Rayer considérait
(1) Rayer, — Maladies des reins, t. i, p. 325, 307, 308, 358.
(2) Jacks. — Prag. Vierlel. Bd. 2, 5, 47.
(3) Rosenstein. — Maladies des reins, p. 291. — Chez les vieilles femmes de la Salpêtricre, M. Gharcot a vu plusieurs fois survenir spontanément de vio-lents frissons, avec élévation de la température, suivis quelques fois de sueurs et simulant des accès pernicieux. L'introduction delà sonde dans la vessie don-nait issue à de l'urine fétide, ammoniacale.
comme un des éléments de l'affection qu'il a décrite sous la dénomination de pyélo-néphrite (1).
Un des caractères les plus saillants de cette lésion consiste dans la présence, à la surface du rein, de petits foyers d'infil-tration purulente disséminés. Si l'on pratique des coupes per-pendiculaires à la surface du rein, au niveau de ces petits abcès, on constate que ces petits foyers, dont la base répond à la périphérie de l'organe, pénètrent, sous forme de coin, dans la subtance corticale. Ces abcès, entourés d'une zone violacée, ne sont pas sans analogie, vous le voyez, avec les abcès miliaires hépatiques que je décrivais naguère. L'examen histologique vient à son tour légitimer ce rapprochement. En effet, le pus n'occupe pas la cavité même des tubes urinifères, mais bien le tissu interstitiel (Klebs, Dickinson). C'est plus particulière-ment au voisinage des tubes droits, en d'autres termes dans la partie centrale des lobules du rein que l'infiltration se développe tout d'abord; puis, de là, elle s'étend un peu par-tout. Les tubes en question sont dilatés, mais revêtus encore, dans les premières phases, de leur épithélium, alors que déjà les cellules purulentes infiltrent le tissu interstitiel. Des stries blanches se voient aussi dans les pyramides au niveau des cônes. Cette apparence est due à l'infiltration du tissu inters-titiel de ces régions pour une part, mais, de plus, à la pré-sence, dans l'origine dilatée des tubes collecteurs, de globules de pus.
Il n'est pas sans exemple que les petits abcès du « rein chirurgical » déterminent l'inflammation, puis Fulcération de la capsule du rein et soient ainsi l'occasion du développement de phlegmons périnéphrétiques. Ceci rappelle la péritonite qui, quelquefois, se produit au contract d'abcès miliaires hépa-tiques superficiels.
(1) Voir la belle Planche xii, fig. 1 et 2 et la Pl. i, fig. 3, 4 de Y Atlas de Bayer. — Voir aussi Y Atlas de Carswell, PI, i, fig. 4, Pus.
Suivant la plupart des auteurs qui ont étudié d'un peu près la question, les abcès de la substance corticale du rein ne prennent pas naissance par extension de proche en proche du processus inflammatoire. Ils apparaîtraient en conséquence d'une sorte d'infection locale, au contact de l'urine altérée qui stagne dans toute l'étendue des voies urinaires. La migration de bactéries jouerait, selon M. Klebs, un rôle important dans la formation de ces abcès (1). Toujours est-il, pour en revenir à la fièvre uréthrale, que l'altération de l'urine paraît ici, comme l'altération de la bile dans le cas de fièvre hépatique, devoir jouer le rôle fondamental. La fièvre uro-septique, en effet, peut exister sans lésions rénales graves, et d'un autre côté les lésions rénales se montrent à Fautopsie de sujets qui n'ont pas été atteints de fièvre uro-septique.
En quoi consiste l'altération de l'urine, cause des accidents fébriles? On ne le sait pas au juste, mais très certainement, la fétidité de l'urine n'est pas, tant s'en faut, toujours accom-pagnée de fièvre uro-septique. On peut donc, pour les cas où celle-ci se manifeste, admettre à titre d'hypothèse vraisembla-ble que, dans des circonstances qui restent à déterminer, il y a dans l'urine altérée formation d'un poison morbide particu-lier, d'où dépendraient les accidents très spéciaux de cette forme de fièvre intermittente.
(1) M. Charcot a vu récemment les bactéries faire défaut dans un cas de l'al-tération en question du rein, développée chez une femme atteinte de cancer du col de l'utérus avec dilatation des uretères.
DIX-NEUVIÈME LEÇON
Des fistules biliaires.
Sommaire. — Élimination irrégulière des calculs biliaires. — Inflammation suraïguë (cholécystite suppurative). —Inflammation chronique (cholécystite scléreuse ; atrophie de la vésicule). — Inflammation ulcéreuse (perforation de la vésicule). — Phlébite des parois de la vésicule.
Rapports de la vésicule. — Fistules biliaires. — Fréquence des diverses variétés des fistules.— Caractères communs.— Caractères particuliers; fistules cystico-duodénales ; — fistules cystico-coliques ; — fistules cystico-gastriques ; — fistules cystico-rénales ; — fistules cystico-vaginales ; — fistules pleurales et pulmonaires. — Lésions de l'instestin produites pas les calculs : iléus, ulcéra-tion et perforation du cœcum, etc. - Fistules biliaires cutanées.
Cholécystite ulcéreuse, phlegmoneuse ou purulente non calculeuse. — Ana-tomie pathologique des voies biliaires dans l'ictère catarrhal.
Messieurs,
Nous avons terminé la longue histoire des diverses lésions tant organiques que fonctionnelles, déterminées par la migration des concrétions biliaires cystiques par les voies naturelles. Ainsi que je vous l'ai annoncé, l'élimination de ces calculs s'opère quelquefois par un mécanisme tout dif-férent : c'est de ce mécanisme que je désire vous entretenir aujourd'hui.
Vous n'ignorez pas que fort souvent, le plus souvent peut-être, la présence des calculs dans la vésicule du fiel n'occa-sionne aucun trouble fonctionnel appréciable, aucune lésion organique. Les choses ne se passent pas toujours de cette façon et les accidents inflammatoires dont la vésicule devient
le siège au contact des concrétions biliaires constituent un chapitre de pathologie assez complexe.
1° Dans certains cas, — ce sont de beaucoup les plus rares — la réaction inflammatoire se produit suivant le mode sur-aigu (cholécystite suppurative) et, à l'autopsie, on trouve la vésicule remplie de pus dans lequel baignent les concrétions biliaires (Besnier, loc. cit., p. 315).
2° D'autres fois, au contraire, le processus inflammatoire est absolument chronique. Sous son influence, les parois de la vésicule se transforment en un tissu fibreux dans lequel dis-paraissent toutes les particularités de la structure normale (fibres musculaires et élastiques, etc.). En même temps, les parois subissant, dans l'ensemble, une sorte de rétraction, il en résulte que la cavité de la vésicule se rétrécissant dans tous les sens, ses parois s'appliquent sur les concrétions biliaires qui, alors, sont pour ainsi dire enkystées. [Cholécystite sclé-reuse, atrophie de la vésicule (l)"j. C'est là, en somme, un mode de guérison car les calculs, emprisonnés en quelque sorte dans une membrane inerte, sont mis hors d'état de nuire. La calcification, l'ossification de la vésicule sont des conséquences assez habituelles de l'induration fibreuse de ses parois.
3° Mais, dans la règle, l'irritation que subissent les parois de la vésicule au contact des calculs se traduit par un travail d'ulcération. La membrane muqueuse est d'abord affectée ; puis, l'ulcération gagne en profondeur, en même temps que des adhérences s'établissent entre la vésicule et les organes voisins. Le dernier terme de ce processus morbide est la formation d'un trajet fistuleux qui fait communiquer la cavité de la vésicule avec celle d'un organe creux avoisinant ou avec
(1) Oglc. — Saint-Georges Hosp. Rep., 1868, p. 197.
l'extérieur par l'intermédiaire de la paroi abdominale et peut ainsi donner issue aux calculs.
Voilà, Messieurs, quelle est la série, en quelque sorte normale des accidents. Mais, il est possible que telle circons-cance vienne en arrêter le développement régulier : avant l'établissement des adhérences, la paroi amincie de la vésicule peut se rompre sous l'influence d'une cause traumatique, d'une chute, d'un effort, comme dans la parturition, par exemple, et la perforation qui en résulte est en général suivie d'une péritonite rapidement mortelle. L'intervention d'une colique hépatique a été plusieurs fois l'occasion de l'apparition de ces accidents redoutables (1). Dans un cas de Leared (2), les parois de la vésicule étaient sphacélées ; un calcul était engagé dans le canal cholédoque.
La plupart des perforations de la vésicule sont ainsi pré-cédées et pour ainsi dire préparées par l'inflammation ulce-rative calculeuse de la vésicule. Cependant, sans que ses parois aient été préalablement modifiées par l'inflammation, la vésicule peut se rompre sous l'influence de grands trau-matismes. En pareille circonstance, la présence de calculs dans la vésicule paraît en favoriser la rupture. Cela est arrivé, entre autres, dans le cas relaté par le Dr Pepper (3). Un homme âgé de 60 ans, fut blessé dans un accident de chemin de fer ; la mort survint promptement. A l'autopsie, on décou-vrit une rupture linéaire de la vésicule, siégeant à un centi-mètre et demi du fond , les parois de cette cavité ne présen-taient pas traces d'altération. Trois calculs avaient passé par cette ouverture et étaient tombés dans le péritoine, un qua-trième était engagé dans le canal cystique.
Un autre accident de la cholécystique calculeuse, non moim
Ki) Cas de Murchison, loc. cil., p. 106.
(2) Path. Transact., t. x., p. 177.
(3) Centralblatt, 1870, p. 19.
grave que le précédent, c'est l'inflammation des veines qui existent en si grand nombre dans les parois de la vésicule (1).
Ce sont là, en somme, des complications rares. L'ulcération calculeuse est loin d'avoir toujours des conséquences aussi redoutables. Il est assez commun qu'elle se termine par la guérison ; les cas de Barth et de Frerichs (obs. GLU) nous en fournissent la preuve. Quelquefois, d'ailleurs, le travail ulcé-ratif ne va pas au-delà d'une simple abrasion par suite de laquelle les plis et les alvéoles disparaissent çà et là (2).
Quoi qu'il en soit, dans un grand nombre de cas, l'ulcéra-tion de la vésicule aboutit à la formation des fistules soit bi-muqueuses, soit cutanées, dont nous devons actuellement entreprendre l'étude parce qu'elle forme un des chapitres les plus intéressants de la pathologie des voies biliaires.
Pour bien comprendre le mécanisme suivant lequel se pro-duisent ces fistules, il importe de se remettre en mémoire les rapports de contiguïté qui, dans l'état normal, existent entre la vésicule et les parties voisines. Vous trouverez ce sujet traité avec un grand soin dans l'ouvrage de M. Sappey (3). Je profite de la circonstance pour signaler à votre attention un procédé fort simple et qui met bien en lumière les rap-ports : il s'agit de noter, à l'autopsie, les parties qui, par l'action de la transsudation cadavérique du liquide biliaire sont teintées en jaune.
Chez certains individus, le fond de la vésicule est caché sous les fausses côtes; très fréquemment, il les déborde et est alors en rapport avec la paroi abdominale antérieure, au niveau du bord externe du muscle droit. Sa face inférieure,
(1) Consulter sur ce point : Bright. — Guy's Hospital Reports, t. i, 1836, obs. vu, p. 639; Murchison, loc. cit., p, 151 et l'observation xxxv, relative à une ulcération gangreneuse du canal cystique.
(2) Ogle. — Saint-Georges Hosp. Reports, t. m, 1861, p. 178.
(3) Traité cVanatomie descriptive, t. iv, p. 342.
dans les conditions vulgaires, est en rapport : 1° avec l'extré-mité supérieure de la deuxième partie du duodédum et 2° avec la partie correspondante du côlon transverse.
Si la vésicule est portée en dedans de la ligne médiane, et c'est là une position qu'elle prend quelquefois, elle se met en rapport avec la première portion du duodénum et même avec l'extrémité pylorique de l'estomac.
Si, au contraire, elle se porte en dehors, se rapprochant par conséquent du flanc droit, elle entre en contact avec l'extrémité supérieure du côlon ascendant ou le commence-ment du côlon transverse et aussi avec le rein droit. — C'est seulement quand la vésicule descend très bas qu'elle entre en rapport avec l'extrémité supérieure du jéjunum.
Vous voyez, en somme que, pour la vésicule, nous avons à signaler des rapports communs, vulgaires, et des rapports exceptionnels. La considération de ces notions d'anatomie normale fait comprendre pourquoi certaines fistules cystiques calculeuses sont en quelque sorte vulgaires, tandis que d'autres figurent parmi les cas rares.
Vous prévoyez d'après cela, Messieurs, que de toutes ces fistules, les duodénales sont celles qui se rencontrent le plus fréquemment. Les fistules cystico-coliques viennent en deuxième ligne.
Cette différence tient sans doute à ce que le côlon est beau-coup plus mobile dans l'abdomen que ne l'est le duodénum et se soustrait beaucoup plus facilement aux adhérences. Les fistules gastriques ne viennent qu'au troisième rang. Les fistules externes sont celles qu'on trouve le plus souvent signalées dans les casuistiques. Cette prédominance des fis-tules externes sur les autres dans les statistiques peut être ex-pliquée, en partie, parce fait que les fistules de ce genre, con-
trairemerit à ce qui a lieu parfois pour celles qui se produi-sent à l'intérieur, ne sauraient passer inaperçues.
J'emprunte à M. Murchison une statistique — la plus ré-cente et la plus complète de toutes celles qui existent — qui est bien propre à mettre en relief la fréquence des diverses espèces de fistules. M. Murchison a recueilli dans les auteurs ou dans sa pratique personnelle 28 exemples de fistules duo-dénales : 7 de fistules coliques, 4 de fistules gastriques et 70 de fistules cutanées.
Je dois maintenant vous donner quelques renseignements sur chacune de ces variétés de fistules cystiques calculeuses. Je commencerai par les fistules intestinales, choisissant parmi celles-ci les plus fréquentes de toutes, à savoir les duodé-nales.
A. Je signalerai au préalable un caractère commun à toutes les fistules; tantôt elles sont directes, tantôt elles ne mettent en rapport les deux cavités voisines que par l'intermédiaire d'une espèce de cloaque. Un autre trait commun à mention-ner, c'est que, dans la majorité des cas, ces trajets fistuleux se produisent sourdement sans que rien durant la vie n'en annonce la formation ou tout au moins celle-ci ne se décèle-t-elle que par des symptômes très vagues. Rarement, il y a de la jaunisse, plus rarement encore des douleurs hépati-ques, très rarement enfin de l'hématémèse ou du mélsena ''Frerichs).
a) Examinons donc les fistules cystico-duodênaleSj C'est le fond de la vésicule ou une partie voisine qui, dans la règle, se met en communication avec l'organe voisin. Par cette voie, des calculs très volumineux peuvent être éliminés, et cette élimination s'effectue, en quelque sorte, sans bruit; aussi a-t-on pu dire que les calculs volumineux étaient plus facile-ment rejetés que les petits.
Presque tous les calculs très volumineux qui sont rendus par les garde-robes ont dû passer par des fistules cystico-intestinales. Nous savons pourtant que des calculs volumi-neux, après avoir traversé le canal cholédoque et avoir dé-terminé les symptômes de l'hépatalgie calculeuse peuvent parvenir dans l'intestin par la voie des fistules duodéno-cho-lédoques.
La formation d'une fistule duodénale étant achevée, la ques-tion n'est pas toujours, pour cela, définitivement résolue. Deux circonstances se présentent quelquefois : 1° le calcul, trop gros pour l'orifice ouïes orifices, est retenu dans la vé-sicule; cette particularité est indiquée dans une observation communiquée à la Société anatomique par M. Després (mai 1876) et dont je vous ai montré les pièces à l'un des cours pratiques ; 2° d'autres fois, le calcul après être tombé dans l'intestin s'y enclave et détermine les graves accidents de Yiléus. L'histoire de cet enclavement intestinal des calculs biliaires mérite d'être tracée à part.
La majorité des cas defistules cystico-duodénales, observés par M. Murchison, ont occasionné ces accidents ; la mort, tant s'en faut, ne s'en suit pas fatalement ; quelques-uns, en effet, se sont terminés par la guérison.
Dans les autopsies, j'ai pu souvent, comme bien d'autres, reconnaître les traces du travail de formation d'une fistule cystico-duodénale, aboutissant à la guérison : la vésicule était atrophiée, ou représentée seulement par une petite cavité contenant quelquefois des calculs enclavés et mise en rapport par une sorte de ligament avec la seconde portion du duo-dénum; au niveau de l'insertion de ce ligament, on voyait une dépression de la muqueuse duodénale, dernier vestige de l'orifice de communication.
b) Les fistules cystico-coliqucs sont beaucoup plus rares
Ciiarcot. Œuvres complètes, t. vi, Maladies du foie. 14
que les précédentes, les fistules calculeuses au moins, car celles d'origine cancéreuses sont relativement plus communes. L'émigration d'un calcul même volumineux, par cette voie, serait comparativement favorable en raison des dimensions du calibre du côlon. Des exemples de semblables fistules, gué-ries depuis longtemps, ont été rapportés dans leur article par MM. Barth et Besnier (Loc. cit., p. 374).
c) Les fistules calculeuses cystico-gastriques sont, nous l'avons dit, plus rares encore. Murchison cite onze cas de cette espèce. La plupart des auteurs tendent à admettre que, dans tous les cas de calculs biliaires vomis, le corps étranger a dû passer par cette voie. Il n'est pas impossible cependant que des calculs, rendus par les voies biliaires naturelles, remon-tent jusque dans l'estomac , mais la réalité est que, dans la majorité des cas, l'ictère et la colique hépatique ont fait dé-faut, ce qui semble indiquer que l'émigration n'a pas eu lieu par le canal cholédoque.
Toutes les fistules cystico-gastriques ne sont pas d'origine calculeuse. Ce fait est démontré, par exemple, par une obser-vation de M. Ogle (1), dans laquelle un grand ulcère simple de l'estomac avait entamé les parties les plus externes seule-ment de la vésicule du fiel.
Les communications accidentelles de cause calculeuse, que je vais brièvement énumérer, méritent d'être rapprochées des fistules cystico-intestinales.
a. Fistules cystico-rénales. — Leur existence n'a pas encore été régulièrement constatée par l'autopsie ; les rapports de la vésicule du fiel avec le bassinet permettent de l'expli-quer, et elle est rendue probable par les quelques faits, déjà mentionnés, d'émission de calculs biliaires par l'urèthre.
(1) Loc. cit., cas vin, p, 192.
Fistules cystico-vaginales. — D'après Fauconneau-Du-fresne, il se ferait des adhérences de la vésicule et de l'utérus pendant la grossesse, et les calculs seraient expulsés par le va-gin lors de l'accouchement.
S. Fistules pleurales et pulmonaires. — Il ne s'agit plus ici de fistules cystiques. Les conduits hépatiques dilatés s'ou-vrent dans le péritoine; un cloaque purulent et biliaire sert d'intermédiaire. Le diaphragme s'ulcère et le pus, mélangé de bile, pénètre dans la cavité pleurale. Dans le cas de Cayley, cité par Murchison, on ne découvrit pas le calcul. Dans un cas, recueilli par M. Laboulbène, le malade avait une expec-toration verte, composée d'un liquide purulent mêlé de bile, ainsi que les réactions chimiques permirent à M. Mélm de s'en assurer. On entendait des râles muqueux à la partie moyenne du poumon droit, qui disparaissaient après la toux et l'expectoration. Il y a, par conséquent, lieu de penser qu'une communication s'était établie entre les conduits biliaires et les bronches, par des voies plus ou moins indirectes. L'autop-sie n^a pas été pratiquée (1).
Je terminerai l'histoire des fistules cystico-intestinales, par l'indication des principaux accidents susceptibles de se pro-duire, quand les calculs sont parvenus dans l'intestin.
1° Iléus. — C'est dans le jéjunum ou l'iléon, que les cal-culs s'enclavent le plus souvent, pour y donner naissance aux phénomènes de l'iléus. Ces cas, nous l'avons annoncé, ne sont pas très rares (2). M. Murchison en a rassemblé vingt de ce genre. La terminaison n'est pas toujours mortelle. L'au-teur en mentionne plusieurs où la guérison a été observée, bien que des vomissement stercoraux se soient produits.
Il peut y avoir encore un arrêt des gros calculs au niveau du
(1) Bévue des sciences médicales, t. vu, p. 597.
(2) Voir un cas de Cohnheim, dans Virchow's Archiv, 1866, l. xxxvn, p. 417.
sphincter anal; mais on triomphe aisément des accidents de ce genre.
En outre de l'iléus, il est encore possible de citer parmi les accidents dus à la présence des concrétions biliaires dans le canal intestinal :
2° Les ulcérations et les perforations du cœcum ; — 3° celles de l'iléon ; — 4° de l'appendice vermiforme (Budd, Trousseau); j'indiquerai un cas, consigné dans le Médical Times (1859, t. II. p. 372), et dans lequel un abcès s'étant formé au voisinage de l'appendice, le calcul est sorti par la paroi abdominale.
B. Les fistules biliaires cutanées composent le dernier groupe qui nous reste à examiner. Aux soixante-dix exemples réunis par M. Murchison, il faut en ajouter six autres que j'ai recueillis dans les auteurs (1). Tantôt la fistule s'établit par un travail d'ulcération lente et qui passe à peu près tout à fait inaperçu ; tantôt, il survient une cystite suppurative, déter-minant des accidents d'une gravité variable ; puis, il se fait des adhérences directes entre la vésicule et les parois abdo-minales, ou bien, il se forme un cloaque. L'ouverture s'opère quelquefois au niveau du fond de la vésicule, fréquemment à la région ombilicale, parfois à la région inguinale. Les calculs rendus par cette voie, peuvent avoir le volume d'un œuf de poule. Le liquide qui s'écoule par la fistule est tantôt du pus mêlé de bile, de la bile presque pure, dont la quantité s'élève de 240 grammes à deux pintes ; — tantôt un liquide glaireux. Si le canal cystique est oblitéré, il ne s'écoule pas de bile par la fistule: c'est la condition la plus favorable.
(1) L'ouvrage de M. Murchison date de 1868. Voici les indications des six nouveaux cas, Nesfied. — Centralblatt, 1870, p. 543. — Philipson, ibidem, p. 831 : — Hirtz, ibid., 1873, p. 459: — Westphall, ibid., p. 778 : — Krumpt-mann. — London med. Record, 1873, avril ; — Slocum. — New-York med. Re-cord, 1873.
Après l'ouverture de la fistule, il est possible que le calcul reste encore longtemps enclavé ; dès qu'il est expulsé, la fis-tule guérit rapidement. En général, les fistules biliaires exter-nes se terminent tôt ou tard par la guérison. On les rencontre surtout chez les femmes, et plus particulièrement chez les femmes âgées (1).
J'en ai fini, Messieurs, avec l'exposé des accidents produits par la lithiase biliaire. Vous voyez qu'ils constituent un des chapitres les plus importants de l'histoire pathologique des voies biliaires. Quelques détails suffiront par conséquent pour com-pléter cette histoire.
Il n'est peut-être aucune des lésions inflammatoires calcu-leuses qui ne soit capable de se développer spontanément. Mais les lésions inflammatoires, dites spontanées, des voies biliaires, sont, bien entendu, beaucoup plus rares que celles qui reconnaissent une origine calculeuse. Je me bornerai à signaler les faits suivants :
Cholécystite ulcéreuse ou purulente non calculeuse. — Elle se montre comme complication de la fièvre typhoïde, affection dans laquelle il y a, selon la remarque de Louis, une sorte de diathèse ulcéreuse. En outre des ulcérations laryn-gées, trachéales, vésicales, décrites par Louis, on en trouve d'autres dans la vésicule du fiel, ainsi que nous l'avons vu, M. Dechambre et moi (2). D'ailleurs quelques cas avaient déjà été mentionnés par Andral (3), et Archambault (4). Lebert a représenté cette altération dans son Atlas (T. II, planche CXXIV). Ces ulcérations aboutissent quelquefois à une perfo-ration.
Au lieu d'une cholécystite ulcéreuse, on observe parfois,
(1) Voir Murchison, loc. cit.
(2) Gazette hebdom. de méd. et de chir., 1859.
(3) Clinique médicale.
(4) Soc. anal., 1852, p. 466.
dans la fièvre typhoïde encore, une cholécystite phlegmoneuse ou purulente (Leudet).
On a observé aussi des ulcères simples de la vésicule en dehors de la fièvre typhoïde (Budd, Cruveilhier) (1).
L'angiocholite des voies biliaires extra ou intra-hépatiques se rencontre parfois à titre d'affection primitive dans le cho-léra, dans la dysenterie où elle est occasionnée soit par une altération de la bile comme le veut Budd, soit par la propagation de l'inflammation intestinale comme le prétend Klebs.
Je ne reviendrai pas sur l'angiocholite des dernières rami-fications hépatiques, cause vraisemblable de l'ictère des intoxications phosphorées et de certaines cirrhoses. Mais, je crois utile d'insister sur une forme d'angiocholite primitive, la plus intéressante peut-être au point de vue clinique et qui a été décrite par M. Virchow (2). Elle constitue le sub-stratum anatomique d'une affection vulgaire, l'ictère catarrhal. Depuis longtemps, on a admis, pour en expliquer la forma-tion, sans démonstration anatomo-pathologique régulière, l'existence d'une cholédocite concomitante de la gastro-duo-dénite.
On a l'habitude dans les autopsies, pour constater la cause matérielle de cette espèce d'ictère, d'introduire des sondes dans le duodénum ou de presser sur la vésicule. Ces procédés grossiers ne conviennent pas pour faire reconnaître la cause qui met obstacle pendant la vie au cours de la bile. Il faut agir plus délicatement. Il convient d'ailleurs de ne pas oublier que la turgescence vitale, déterminée par l'inflammation des mu-queuses, disparaît après la mort, comme disparaît celle de l'érysipèle ou de l'érythème.
L'altération dont il s'agit ne siège pas dans la vésicule, non
(1) Barth et Besnier, loc. cit.
(2) Virch«w''s Archiv, 1865.
plus que dans le trajet du canal cholédoque, mais à l'extré-mité de celui-ci, dans la partie intestinale et aussi au niveau de l'orifice duodénal.
On constate là un gonflement des parois de cette partie du canal et de l'orifice en même temps que du gonflement et de la rougeur des régions avoisinantes du duodénum. Le canal est rempli en ce point par un bouchon blanc, formé sur-tout d'un amas de cellules épithéliales, ne dépassant point les dimensions d'un grain de millet et qui n'est pas teint par la bile. Pour le recueillir, il faut presser sur la portion intestinale du conduit, en ayant soin d'éviter de le faire fuir vers la vésicule.
En troisième lieu, on note que la partie intestinale du cholédoque a conservé les dimensions et qu'elle n'est pas colorée par la bile, tandis que, au-dessus de l'obstacle, les vuies biliaires sont dilatées et les parois imprégnées de bile.
Tels sont les vestiges cadavériques de la lésion qui suffit à retenir le cours de la bile et à produire l'ictère dit catar-rhal. Pendant la vie, le bouchon est souvent éliminé et l'obs-tacle franchi à l'aide de simples pressions exercées sur la vésicule (Gehrardt. — Volkmann's Vortraege). Un gar-gouillement spécial annonce le passage du liquide biliaire dans l'intestin et l'ictère cesse bientôt après. La description de M. Virchow a été confirmée deux fois par des recherches de M. Vulpian faites sur des phthisiques ayant succombé pen-dant le cours d'un ictère catarrhal (1).
(1) L'École de médecine, loc. cit.
VINGTIÈME LEÇON
Du cancer primitif des voies biliaires. — Considé-rations générales sur l'anatomie pathologique des cirrhoses.
Sommaire. — Cancer primitif des voies biliaires. — Historique. — Variétés. — Relation entre les calculs et le cancer des voies biliaires. — Cancer du pancréas.
Des inflammations du foie ou hépatites. — Caractères généraux. — Hépatites interstitielles partielles ; hépatites totales. — Cirrhose hypertrophique avec ictère : Lésions an atomiques ; — résultats de l'examen macroscopique et de l'examen histologique. — Péritonite péri-hépatique.
I.
Messieurs,
Je terminerai l'étude anatomo-pathologïque des voies biliai-res d'excrétion par un bref exposé des altérations cancéreuses qui, quelquefois, se développent primitivement, sur cette partie de l'appareil hépatique. Ce sujet a été négligé pendant longtemps et pourtant, il est loin d'être dénué d'intérêt au point de vue clinique.
A. Les premières études régulières, relativement au cancer primitif des voies biliaires sont dues, si je ne me trompe, à M. Durand-Fardel (1838). Elles ont été reprises dans ces dernières années et nous avons à citer, d'une façon spéciale, la thèse de M. Bertrand, faite sous la
direction de M. Cornil (1) et un mémoire intéressant de M. Villard(2).
C'est surtout la vésicule du fiel qui, dans les cas de ce genre, est le siège primitif du mal. La lésion y occupe originaire-ment le tissu sous-muqueux. Les parois de l'organe peuvent être affectées dans toute leur étendue ou peu s'en faut. Il est fréquent que, de la vésicule, le cancer s'étende de proche en proche jusqu'au canal cholédoque. Il existe quelques exemples où ce dernier paraît avoir été affecté isolément, sans participa-tion de la vésicule ou de tout autre organe.
Le cancer peut présenter dans cette région toutes ses for-mes principales : 1° le carcinome avec trois de ses variétés : a) le cancer colloïde, — c'est celle-ci qui est la plus com-mune, — b~) le cancer encéphaloïde, — c) le squirrhe ; 2° on a aussi observé un certain nombre de cas à'épithélioma cy-lyndrique.
En somme, il est juste de reconnaître que le cancer primi-tif des voies biliaires est une affection assez rare. Le mémoire de M. Bertrand, celui de M. Villard, sont fondés tout au plus sur l'analyse d'une vingtaine de cas. L'altération dont il s'a-git se rencontre surtout chez les vieillards et plus particuliè-rement chez les femmes. Il est possible qu'elle soit le point de départ de lésions cancéreuses secondaires qui envahissent le foie soit par contiguïté, soit par métastase. D'un autre côté, les voies biliaires peuvent être intéressées secondairement par propagation directe d'une lésion cancéreuse originellement développée dans le foie ou dans les organes voisins.
Une particularité très remarquable de l'histoire du cancer primitif des voies biliaires, c'est que, dans la majorité des cas, il coexiste avec les concrétions biliaires. Cette coexistence se trouve signalée dans quatorze des quinze cas consignés dans
(1) Thèse de Paris, 1870.
(2) Etude sur le cancer primitif des voies biliaires, 1870.
la thèse de M. Bertrand. Quelle en est la raison ? Le cancer précède-t-il la lithiase ou lui succède-t-il. Il y a tout lieu de croire qu'il se développe secondairement, au moins d'habi-tude.
Ainsi M. Hilton Fagge, qui a rassemblé douze cas de cancer des voies biliaires accompagnés de gravelle, représentant la totalité des faits de ce genre recueillis à Guy's Hospital dans une période de 21 ans (1) fait remarquer que, dans la plupart des cas, l'apparition du cancer paraît avoir été cliniquement précédée de symptômes en rapport avec la gravelle, à savoir : coliques hépatiques répétées, ictère, etc. Il mentionne une observation de M. Moxon qui semble décisive à cet égard. La vésicule contenait des calculs à facettes. Dans le canal cholé-doque, il y avait des calculs en tout semblables et évidemment de provenance cystique. Enfin, au-dessus de ces calculs et dans leur voisinage immédiat, il s'est produit un rétrécisse-ment cancéreux du canal cholédoque.
Le cancer de voies biliaires, lorsqu'il atteint le canal cho-lédoque, peut déterminer toute la série des lésions et des symptômes qui se rattachent à l'obstruction de ce canal par les calculs ou par toute autre cause. C'est là un fait dont le clinicien doit être prévenu et dont il a la faculté de tirer parti pour le diagnostic.
B. C'est ici le lieu de rappeler, Messieurs, que le canal cholédoque peut être obstrué dans le cas où une lésion carci-nomateuse occupe la tête du pancréas.
Vous n'ignorez pas les rapports étroits qui, dans une por-tion de son trajet, existent entre le canal cholédoque et la tête du pancréas. Dans un certain nombre de cas, d'après 0. Wyss 15 fois sur 22, ce n'est qu'un simple rapport de contiguïté ; mais, d'autres fois, le canal est entouré de-tous côtés par les
(1) Gwfs Hospital Reports, 1875, p. 168
acini de la glande. On conçoit que, suivant les circonstances, le canal cholédoque pourra être seulement repoussé, tandis que dans d'autres cas, il sera étreint de tous côtés par le fait du développement pathologique de la tête du pancréas. L'ic-tère se montre rapidement et en quelque sorte à coup sûr dans la seconde catégorie de faits ; dans la première, au contraire, il pourra ne paraître que d'une façon tardive, ou même man-quer complètement.
Quoiqu'il en soit, le cancer du pancréas n'est pas, en géné-ral, une lésion très rare ; on le rencontrerait dans 29 autopsies sur 467 selon Wiligk. Et, pour ce qui concerne le cancer de la tête, il est, dans l'espèce, très fréquent, puisque, d'après Ancelet, sur 200 cas, la lésion occupait toute l'étendue de l'or-gane, la tête y compris, 88 fois, la tête seule, 33 fois. Ces sta-tistiques nous font comprendre que le canal cholédoque de-vra participer fréquemment à la lésion carcinomateuse du pancréas. Tantôt, il s'agit là d'un simple phénomène de com-pression ; tantôt les parois du conduit sont envahies par la lésion carcinomateuse. Toujours est-il que, sur 37 cas de can-cer de la tète du pancréas, l'ictère se verrait 24 fois, si l'on en croit Da Costa. L'ictère, en pareil cas, coexiste souvent (15 fois) avec l'ascite en raison des relations qui unissent le pan-créas et les veines mésaraïques. C'est le squirrhe qui s'observe surtout dans le pancréas (1).
Je viens de signaler une des causes les plus communes de la compression du canal cholédoque. Je me bornerai mainte-nant à déclarer en passant qu'un grand nombre d'autre lésions ayant pris naissance au voisinage des voies biliaires, sont capables d'amener le même résultat. L'énumération de ces causes diverses d'oblitération du canal cholédoque serait trop longue et peut-être sans beaucoup d'intérêt. Vous en trouve-il) Les documents qui ont servi à l'exposé de cette question sont empruntés a l'ouvrage de Freidreih : Ziemssen's Handbuch, 8 Bil., 88 halft, p. 288.
rez, du reste, un exposé très méthodique et présenté au point de vue surtout des applications cliniques dans l'ouvrage de M. Murchison (loc. cit.,n. 340).
Iï.
Nous en avons fini, Messieurs, avec l'anatomie pathologi-que des voies d'excrétion biliaire. Actuellement, nous allons procéder à l'étude des altérations qui affectent la glande elle-même; nous commencerons par les inflammations ou hépatites et, parmi celles-ci, j'envisagerai en premier lieu celles qui, se produisant selon le mode chronique, s'attachent originairement à la gangue conjonctive, ou autrement dit à la capsule de Glisson. Les lésions du parenchyme ne sont, en semblable occurence, que secondaires, consécutives.
Vous avez reconnu que c'est la cirrhose que j'ai en vue. Cette altération du foie appartient à un groupe d'inflamma-tions chroniques dont l'homogénéité ne laisse pas grand'chose à désirer ; toutes les individualités de ce groupe sont, en effet, formées sur le même modèle ou à peu près. Je crois utile, avant d'exposer le cas spécial qui doit nous occuper particu-lièrement, de résumer devant vous les traits généraux qui distinguent ce genre d'inflammation.
1° Tout d'abord, ce qui caractérise anatomiquement ces inflammations chroniques, c'est la production exagérée du tissu conjonctif ou lamineux s'opérant au sein même de la trame conjonctive, propre à la région, au tissu de l'organe.
2° Cette production s'effectue en quelque sorte d'emblée, sans être accompagnée ou précédée d'une hypérémie très ac-centuée. L'exsudation interstitielle ne paraît pas jouer, dans ces conditions, un rôle très important.
3° Le processus qui préside, ici, à la formation nouvelle du
tissu conjonctif, rappelle, dans ces caractères essentiels, celui qui, dans les inflammations aiguës, aboutit à la formation des cicatrices.
a) Ainsi, dans les premières phases de son évolution, la trame conjonctive naturelle semble infiltrée d'éléments em-bryonnaires qui, par leurs propriétés morphologiques, ne peuvent pas être séparés des leucocytes et sont probable-ment d'ailleurs, en partie au moins, des leucocytes. Il y a là quelque chose d'analogue au tissu de granulation des plaies.
b) L'évolution ultérieure est celle du tissu conjonctif en voie de formation. Il se produit, en effet, au sein des parties affectées : a. des cellules d'apparence fusiforme qui devien-nent des cellules plates ; — 6. des faisceaux de fibrilles plus ou moins denses. Consécutivement, les cloisons conjonctives, même celles qui, à l'état normal, sont délicates, se trouvent transformées en une cloison fibroïde épaisse et qui tend sans cesse à s'épaissir.
4° Le tissu conjonctif de formation nouvelle jouit souvent de la propriété de rétraction. En tous cas, il se substitue néces-sairement aux éléments spécifiques de la région. Aussi en résnlte-t-il que ceux-ci, à savoir les éléments nerveux et mus-culaires, les cellules glandulaires, etc., sont étouffés, aplatis et semblent en train de disparaître. En définitive, de quelque organe qu'il s'agisse, nerf, muscle, glande, etc., cet organe, au dernier terme du processus, peut être littéralement con-verti en une masse fibroïde privée nécessairement de ses fonc-tions naturelles.
5° Les considérations qui précèdent font saisir suffisamment l'opportunité des dénominations appliquées à ce groupe par-ticulier d'inflammations chroniques. Cruveilhier les désigne sous le nom de métamorphoses fibreuses. D'autres les appel-lent productives, néoplasiques, en spécifiant que c'est d'une
formation nouvelle de tissu conjonctif qu'il s'agit. Dans les pa-renchymes, dans les muscles, elles portent le nom d'inflam-mations interstitielles, quelquefois de sclérose, ou encore de cirrhoses, par allusion à l'affection hépatique, dite cirrhose, qui est considérée comme un type du genre.
6° Un caractère clinique de ces inflammations qui mérite d'être relevé, c'est qu'elles sont à peu près toujours chroni-ques primitives ou primitives chroniques : C'est ainsi que, dans la nomenclature employée par Laennec, Landré Beau-vais, Poilroux, on qualifie les inflammations qui, d'emblée, sans passer par une période aiguë, se constituent telles quel-les, à l'état subaigu ou chronique.
Il ne faut pas oublier, toutefois, que dans certains cas, l'in-flammation scléreuse procède directement de l'inflammation aiguë. Je vais vous citer, à l'appui, quelques exemples : a) Le rhumatisme noueux peut prendre origine dans un accès de rhumatisme articulaire aigu ; — b) La pneumonie chronique ou interstitielle ou fibroïde peut se développer à la suite de la pneumonie aiguë lobaire, douée de tous les attributs carac-téristiques. — c) Enfin, nous verrons que certaines formes de cirrhose se constituent quelquefois comme maladie chronique à la suite d'un état aigu. Sans doute, ces cas sont rares, exceptionnels, mais ils suffisent pour établir le lien entre l'état chronique et l'état aigu.
J'ajouterai que les processus inflammatoires que nous étu-dions sont sujets, si l'on peut ainsi dire, à des exagérations momentanées ou poussées aiguës, rappelant ce que M. Paget a désigné sous le nom d'inflammations récurrentes. Nous rencontrerons plusieurs fois ces phases marquées anatomique-ment et cliniquement par une tendance à l'acuité dans l'his-toire de la cirrhose,
7° Le groupe anatomo-pathologique sur lequel j'appelle
votre attention est représenté dans la clinique d'une manière assez imposante. Il comprend, en effet, et je ne fais qu'une énumération incomplète, la pneumonie interstitielle, des lé-sions dites myo-sclérotiques de la paralysie pseudo-hypertro-ptiique, les diverses formes de scléroses des centres ner-veux, la néphrite interstitielle (une des formes de la maladie de Brigth); enfin, au premier rang, l'hépatite interstitielle, Ces deux termes — hépatite interstitielle — répondent à peu près à l'ancienne dénomination de cirrhose, mais ils sont plus larges et plus compréhensifs : c'est de la maladie qu'ils désignent dont nous allons maintenant tracer la descrip-tion.
Il convient de diviser las hépatites interstitielles sclé-reuses en deux catégories : 1° Celles qui n'affectent qu'une partie de l'organe—hépatites interstitielles partielles, etqui se produisent, en général, d'une façon consécutive, au voisi-nage des tumeurs ou des corps étrangers (tubercules, kystes hydatiques, syphilomes, etc., etc.); 2° les hépatites scléreuses totales. Celles-ci envahissent, d'une manière diffuse peu à près toute l'étendue de la glande; c'est à elles qu'on a l'habi-tude de réserver la dénomination de cirrhoses.
Messieurs, ce mot de cirrhose était naguère considéré comme désignant une maladie unitaire, ou n'offrant tout au moins que des variétés de second ordre. Aujourd'hui, en France, une révolution tend à s'opérer à cet égard. Plusieurs auteurs s'efforcent de dégager de l'ancienne unité : cirrhose de Laennec — un certain nombre d'espèces qui diffèrent, assurent-ils, du type vulgaire autant par les caractères ana-tomiques que par les caractères cliniques. Un changement analogue, dont je vous ai entretenus (1), s'est accompli il y a quelques années à propos de la maladie de Bright. Je dois vous déclarer que je suis grand partisan de ces vues
(1) Leçons sut' les maladies du rein. — Voir la seconde partie de ce volume.
nouvelles aussi bien pour ce qui a trait à la maladie de Bright qu'en ce qui concerne Yhépatite interstitielle diffuse.
Je vais chercher immédiatement à justifier mon opinion re-lativement à ce dernier point, en vous exposant succinctement le tableau de l'une de ces formes récemment décrites de l'hé-patite interstitielle diffuse.
L'affection est désignée, quant à présent, sous le nom de cirrhose hypertrophique avec ictère. J'emprunte cette dénomination à M. Hanot, auquel on doit la première mo-nographie à ce sujet (1). Je me réserve de traiter un peu plus tard la partie historique qui, d'ailleurs, n'est poinl étendue.
Anatomiquement, cette forme d'hépatite diffère de la cirrhose vulgaire : 1° par l'existence permanente d'une augmentation de volume du foie, en général très accusée; 2° par l'existence de certaines lésions des canalicules biliaires qui ne se rencontrent pas dans la cirrhose de Laennec.
CUniquement, elle s'en distingue: 1° par la présence habituelle, constante peut-être, de l'ictère, lequel est rare dans la cirrhose commune; 2° par l'absence de l'ascite qui, au contraire, accompagne généralement et de très bonne heure cette dernière; 3° enfin, par la longue durée de la maladie.
La monographie de M. Hanot est fondée à peine sur une quinzaine de cas, mais j'espère vous montrer que le nombre des faits pourrait être facilement multiplié.
Ceci dit, entrons dans le détail des lésions anatomiqueset voyons de suite ce que nous apprend l'examen macroscopi-que.
(1) Thèse de Paris, 1876.
Le foie présente dans la règle une hypertrophie considérable. Le poids normal, cadavérique, étant, d'après M. Sappey, de 1,451 grammes, les poids relevés dans la cirrhose hypertro-phique avec ictère ont été de 2,850 gr., 2,920 gr. Il paraît pro-bable que jamais le volume du foie, dans cette forme, ne subit de réduction sensible, car les poids indiqués plus haut sont relatifs à des cas où la maladie avait duré 4 ans, 7 ans même. Il y a cependant, nous le verrons, des réserves à faire à cet égard.
La forme générale de l'organe n'est pas d'ailleurs sensible-ment modifiée. Le bord reste tranchant, et parfois la surface est lisse comme dans l'état normal; cependant, on y voit sou-vent se dessiner des proéminences, d'ordinaire peu volumi-neuses, égalant tout au plus les dimensions d'un très petit pois. Les coupes montrent que cette disposition répond à l'existence, dans la profondeur de l'organe, de granulations qui ont les dimensions et l'aspect d'un grain de chènevis, d'une graine de pavot. Ces granulations sont séparées par des trabécules de tissu fibroïde blanchâtre qui, fréquem-ment, dépassent de quatre ou cinq fois le diamètre de chaque granulation. Celles-ci ne font qu'une légère saillie, le tissu fibreux qui les entoure ne se rétractant guère ; le foie paraît donc transformé « en un bloc de tissu fibreux, farci de granulations assez espacées. » (Hanot). — La couleur des surfaces de section est très variable, tantôt jaune orangé ou jaune chamois, tantôt verdâtre, vert foncé ou vert olive.
Les grandes voies biliaires n'ont pas encore été l'objet d'un examen très attentif. On les indique comme ne subissant pas de modifications notables. Dans un cas publié par M. Gee (Samuel) (1), les conduits biliaires et la vésicule étaient vides de bile et remplis par des masses de cellules épithé-
(1) St-Bartholo?new's Hosp. Rep., 1868.
Charcot. Œuvres complètes, t. vi, Maladies du foie. 15
liales de globules pyroïdes. En tout cas, il est certain que, contrairement à ce qui a lieu dans le foie ictérique (olive' par rétention biliaire (oblitération calculeuse ou autres), il n'existe aucune trace de dilatation des grandes voies biliaires.
Dans le plus grand nombre des cas, il existe une péritonite péri-hépatique, tantôt de date ancienne et marquée par la présence de néo-membranes constituant des adhérences avec les parties voisines, tantôt de date récente, et alors il s'agit de fausses membranes fibrineuses.
Quelques détails histologiques suffiront pour compléter cet exposé anatomique. Voici ce qu'on observe sur les coupes convenablement préparées. Les lobules sont séparés les uns des autres par des travées conjonctives plus ou moins épais-ses ; dans la partie qui répond au premier degré de l'altéra-tion, la sclérose n'entame pas visiblement la substance du lobule. Cette particularité de structure a été surtout constatée dans les cas où, en opposition à la règle, la mort était sur-venue au bout de quelques mois (sclérose périlobulaire). Mais, en général, la zone la plus externe du lobule est eE quelque sorte dissociée. Le tissu conjonctif, de formation nou-velle, y pénètre sous forme de traînées rayonnantes, dans l'intervalle desquelles les cellules hépatiques paraissent apla-ties. Ces traînées sont d'ordinaire caractérisées par la présence d'un grand nombre de cellules embryonnaires qui se voient encore sur la partie de la travée conjonctive interlobulaire la plus voisine du lobule. Au centre de la travée, au contraire, les petites cellules n'existent plus. Là, le tissu conjonctif est plus développé, mieux formé, composé de cellules plates et de faisceaux fibrillaires bien dessinés ; il s'ensuit que le lobule est envahi et comme dissocié de la périphérie vers le centre.
Dans les points où la lésion est pour ainsi dire parvenue à son dernier terme, la substance parenchymateuse n'est plus représentée que par quelques cellules hépatiques, souvent déjà profondément altérées, groupées autour de la veine centrale.
Mais, la lésion la plus intéressante, la plus caractéristique dans l'espèce, est celle qui a pour siège les canalicules biliai-res. Dans tous les cas, on trouve les espaces interlobulaires sillonnés par un réseau de canalicules biliaires, bien déve-loppés, ayant une paroi très accentuée et remplis de cellules épithéliales cubiques. Les uns ont une disposition régulière de l'épithélium avec lumière centrale ; sur les autres, le calibre est comblé en quelque sorte par des cellules irrégulièrement disposées.
D'une façon générale, le réseau des canalicules est beau-coup plus riche que dans les conditions normales. Les con-duits sont volumineux, tortueux. Cette disposition se voit dans les parties centrales des espaces interlobulaires. Au voi-sinage des cellules hépatiques, les canaux qui forment le ré-seau, deviennent progressivement moins volumineux. Tandis que les troncs d'origine, répondant aux canalicules interlobu-laires ont de 20 à 40 les plus petits se rapprochent, par leurs dimensions, des capillaires biliaires (1). Ces derniers, d'après M. Corail, auquel tous ces détails sont empruntés, ne contiennent que des cellules disposées bout à bout sur une seule rangée. On perd de vue ces petits conduits au moment où ils s'enfoncent dans l'intervalle des cellules hépatiques.
Si, après avoir reconnu ces dispositions des conduits biliai-res, on examine de nouveau la gangue conjonctive qui les entoure, on remarque que c'est autour d'eux surtout (2) que sont accumulées les cellules embryonnaires quand il s'agit de
(1) Les premiers ont 10 fi— 5 fi les dimensions normales des capillaires étant de 1 à 2.
(2) Gornil et Ranvier. — Manuel d'histologie pathologique, p. 922.
la zone la plus voisine, du lobule; au lieu de ces cellules, ce sont des faisceaux de lissu conjonctif, de formation nouvelle, qu'on trouve quand il s'agit des canalicules occupant les par-ties centrales de la travée.
Ces dispositions font déjà pressentir le rôle important que jouent les canalicules biliaires dans la production des lésions de la forme de cirrhose hypertrophiques que nous étu-dions.
Par contre, les vaisseaux sanguins ne sont pas affectés au même degré. Us ne sont pas entourés par les cellules em-bryonnaires ; il n'ont pas, comme les canalicules biliaires, de gaîne fibreuse spéciale. Seulement, à un degré avancé, les vaisseaux portes ont perdu leur paroi et paraissent comme sculptés dans le tissu conjonctif de formation nouvelle.
Dans le cas de M. Gee, bien que les traclus blancs parus-sent très accusés à la périphérie des lobules, il n'y avait pas de développement sensible du tissu conjonctif dans les canaux portes. Il semble, d'après cela, que la lésion concentre son action sur les canicules biliaires de petit calibre, interlobu-laires, et n'affecte pas les canaux biliaires gros ou moyen, •— ce qui établit une nouvelle délimitation entre la cirrhose hyperlrophique biliaire et l'altération du foie consécutive à l'occlusion du canal cholédoque.
J'aurai terminé, Messieurs, l'exposé des lésions anatomiques en vous faisant remarquer que dans la grande majorité des cas, Yara/e est volumineuse. Dans un cas, elle pesait 9o0 gr., ce qui dépasse considérablement le poids normal qui est de 195 gr., d'après M. Sappey.
Je chercherai à vous donner dans la prochaine leçon, l'in-terprétation des lésions que je viens de décrire : puis je vous
ferai connaître l'ensemble des symptômes qui les révèlent pendant la vie. Cette tâche accomplie, j'opposerai à l'histoire delà cirrhose hyper trophique avec ictère, celle de l cirrhose vulgaire.
VINGT-ET-UNIÈME LEÇON
De la cirrhose hypertrophique avec ictère.
Sommaire. — Lésions anatomiques. — Développement des canalicules biliai-res. — Angiocholite et péri-angiocholite. — Des lésions consécutives à l'oblitération du canal cholédoque comparées aux lésions de la cirrhose hyper-trophique.
Symptômes: Ictère. — Hypertrophie du foie ou hépato-mégalie; —carac-tères qui la distinguent de la tumeur hépatique amyloïde et de l'hypermé-galie consécutive à l'oblitération calculeuse du canal cholédoque. — Absence d'ascite.
Messieurs,
A la fin de la dernière séance, j'ai terminé, ou peu s'en faut, l'exposé des lésions anatomiques du foie qui caractérisent la cirrhose hypertrophique avec ictère. Il est pourtant, dans ma description, un point sur lequel je n'ai pas suffisamment insisté et qui demande à être mis tout particulièrement en re-lief, par suite de l'intérêt qui s'y rattache, non seulement pour ce qui concerne le côté nosographique, mais encore pour ce qui a trait à la théorie pathogénique.
Je vous ai fait remarquer qu'un des traits fondamentaux de cette espèce de cirrhose est le développement considérable et la multiplication, au moins apparente, du système des cana-licules biliaires les plus tenus ; ceux qui occupent normale-ment les espaces et les fissures, sont revêtus d'un épithélium cubique et mesurent environ de 20 à 40 [/.. Or, ces canalicules, dans la cirrhose hypertrophique, se voient dans les tractus conjonctifs de formation nouvelle, en plus grand nombre qu'à
l'état normal et constituant des réseaux semblables à ceux qu'on observe à l'état physiologique sur les préparations in-jectées bien réussies. Seulement, ils y paraissent beaucoup plus multipliés.
Un examen attentif, dans ces cas pathologiques, ainsi que l'ont montré les observations de MM. Cornil et Hayem, fait reconnaître ce qui suit :
1° Parmi les canaux, les uns, les plus gros, siègent dans les parties centrales des tractus fibreux de formation nouvelle; ils dépassent les dimensions normales de 20 à 40 (a; ils sont plus contournés, plus sinueux, quelquefois moniliformes. Ils paraissent avoir une paroi plus distincte ; ils sont pourvus d'un revêtement épithélial cubique, régulier. Si dans la plupart la lumière est libre, dans quelques-uns cependant elle est obli-térée par des cellules entassées ou par des masses de pigment biliaire..
2° De ces canaux ou des réseaux qu'ils forment partent des canaux plus petits de 10 à 5 p- et qui se rapprochent déjà du calibre des capillaires biliaires. Ceux-ci sont remplis de cellules épithéliales placées bout à bout et n'ont plus de revêtement complet. Ces derniers ont envahi d'habitude l'aire occupée autrefois par les lobules.
Ici se présente une question que j'ai déjà touchée dans l'exposé général des lésions anatomiques du foie, à propos de l'atrophie jaune aiguë où s'observent des altérations du même genre. Y a-t-il en pareil cas création de nouveaux conduits par une espèce de bourgeonnement ou bien n'est-ce qu'une modification des réseaux préexistants? Je vous ai montré naguère que cette seconde hypothèse, adoptée du reste par M. Cornil, est de toutes la plus plausible. Les petits canaux de 10 à S n seraient les capillaires biliaires dilatés, mais ayant acquis un épithélium distinct. Provient-il
des conduits de plus fort calibre ? Les cellules qui les com-posent pénétreraient-elles dans les capillaires par une sorte de refoulement? Ou serait-ce l'épithélium décrit par Legros, ayant subi un certain degré de gonflement? C'est ce qu'on ignore (1).
Un autre fait, sur lequel il y a lieu d'insister, c'est qu'en examinant avec soin les tractus conjonctifs épaissis, on re-marque que les indices anatomiques du processus inflamma-toire sont surtout prononcés au voisinage immédiat des voies biliaires. Ainsi, c'est autour de ces canaux et non pas au voisinage des vaisseaux artériels et veineux, qu'on rencontre plus particulièrement les cellules embryonnaires ou encore les faisceaux conjonctifs de nouvelle formation et les cellules fusiformes. Les cellules embryonnaires prédominent en particulier autour des conduits biliaires qui confinent aux lobules.
Donc il y a péri-angiocholite. Et cette inflammation de voisinage paraît s'étendre progressivement de la périphérie vers le centre du lobule.
Il faut relever encore ce fait à savoir que la lésion— angio-cholite et péri-angiocholite — est, pour ainsi dire, géné-rale, en ce sens qu'elle se montre la même, à peu près aussi avancée dans toute l'étendue du foie et, de plus, qu'elle paraît affecter systématiquement les voies biliaires interlobulaires, n'intéressant pas ou n'intéressant que médiocrement celles de plus fort calibre.
Après avoir constaté cette lésion systématique des canali-cules biliaires et la péri-angiocholite qui l'accompagne, il con-vient de reconnaître que c'est là le phénomène fondamental dans la série des lésions de la cirrhose hypertrophique avec ictère, et, suivant toute apparence, le premier en date, celui d'où dérivent tous les autres.
(1) Voir sur cette question : Gharcot et Gombault. Archives de physiologie, 18-76.
fout porte à croire que, d'abord, c'est l'angiocholite qui s'établit. Pourquoi celte limitation aux petits canalicules et sous quelle influence se produit-elle? Faut-il invoquer une altération initiale du produit de sécrétion biliaire, entraînant à sa suite une lésion de la paroi des plus fins canaux d'excré-tion ? on ne sait. Toujours est-il que la péri-angiocliolite est vraiment un phénomène consécutif. Mais la formation du tissu conjonctif qui en est la conséquence, n'en est pas moins un l'ait de la plus grande importance, puisqu'il faut lui rap-porter l'augmentation de volume du l'oie, et que, envahissant les lobules, elle aboutit à la destruction du parenchyme hépatique.
Nous avons donc sous les yeux, en résumé, une forme de cirrhose dont le point de départ est dans les canalicules biliai-res de petit calibre, les canaux interlobulaires principalement. Ceci contraste avec la cirrhose vulgaire qui, ainsi que nous le verrons, semble prendre origine dans le système de la veine porte.
11 y a intérêt à rapprocher au point de vue spécial que nous envisageons, les lésions de la cirrhose hypertrophique de cel-les que déjà nous avons étudiées comme résultant de l'oblité-tion du canal cholédoque. L'analogie est frappante. Ainsi, dans l'oblitération artificielle du canal cholédoque, les espaces sont dilatés, les canaux biliaires interlobulaires sont tortueux, multipliés, etc . ; le foie est volumineux, à l'origine au moins. Nous savons, d'autre pari, que, à la suite de l'oblitération du canal cholédoque, l'on observe chez l'homme des phénomè-nes semblables. Où gît la différence entre la cirrhose dite hypertrophique, et celle qui se produit en conséquence de 1 oblitération du canal cholédoque ? C'est surtout que, dans Celle-ci, les canaux biliaires les plus volumineux sonl affectés et que la lésion ne s'étend que secondairement aux conduits interlobulaires ; ceux-ci, au contraire, sont principalement et
primitivement envahis dans la cirrhose hypertrophique avec ictère.
Dans les deux cas, le mécanisme est analogue, puisqu'il s'agit toujours d'une lésion systématique, originelle des voies biliaires ; mais, en raison sans doute de la différence des cir-constances étiologiques, le siège de l'altération dans l'arbre biliaire et son mode d'évolution se montrent différents.
II.
C'en est assez, Messieurs, relativement à l'anatomie patho-logique proprement dite. Il faut maitenant animer le tableau et indiquer au moins sommairement les principaux symptô-mes qui se rattachent à ces lésions. Car « ce n'est pas seule-« ment l'organe altéré mort, qu'il s'agit de connaître, c'est « l'organe altéré vivant, exerçant ses fonctions modifiées par « l'état pathologique. » Nous allons voir d'ailleurs que les particularités anatomiques qui distinguent la cirrhose hyper-trophique, comparée à la cirrhose atrophique, peuvent être le plus souvent rapportées à des différences anatomo-pathologi-ques correspondantes.
1° Victère, ainsi que je vous l'ai fait remarquer déjà par anticipation, est une complication rare dans la cirrhose de Laennec, tandis qu'il constitue l'un des caractères de la cir-rhose hypertrophique. Voici un document intéressant à cet égard. Sur 130 cas de cirrhose sans distinction, consignés en 21 ans sur les registres de Guy's Hospital et relevés par M. Hilton Fagge, on en compte 35 dans lesquels il y a eu ictère et 10 où l'ictère a été intense (1). Or, dans presque tous ces dix cas, le foie était volumineux, pesait 2,100 à 3,950 gr. [au lieu de 1,450 gr. poids normal (Sappey)]. L'ictère apparaît de bonne heure. Une fois établi, il persiste avec les exacer-
(!) Gui/s Hospital Reports, 1875, p. 171.
bâtions marquées souvent par un état fébrile. Ces exacerbations sont, vous le savez, fréquentes dans les inflammations chro-niques primitives en général, ainsi que nous l'avons fait re-marquer dans la dernière séance. Quelquefois, les matières fécales sont décolorées ; mais, dans certains cas, la bile passe encore en certaine quantité.
Quelle est la théorie capable d'expliquer la production de cet ictère? Il faut, je crois, se reporter à l'examen des lésions des canalicules biliaires. On relève alors une oblitération de ces canalicules opérée par l'épithélium. Parfois, cette sorte d'encombrement épithélial détermine une oblitération totale, générale et, alors, comme dans le cas de M. Gee, il ne passe plus de bile dans les grandes voies biliaires. Plus communé-ment cependant, la lésion est partielle, sans doute plus pro-noncée sur certains points que sur d'autres, et il passe encore une certaine quantité de bile dans l'intestin. Des modifications survenant dans la production épithéliale des voies biliaires, permettent de comprendre les modifications dans l'intensité de l'ictère si souvent observées dans la clinique.
Voilà donc une forme particulière d'obstruction des voies biliaires, cause d'ictère par rétention. Il y a là un point inté-ressant pour l'histoire générale de l'ictère lié aux affections hépatiques. Depuis le travail, plusieurs fois cité de Virchow, beaucoup d'auteurs, comme M. Virchow lui-même, ont une grande propension à rapporter tous les ictères qui surviennent dans le cours d'une maladie du foie à une occlusion du canal cholédoque déterminée soit mécaniqLiement, par compression, ainsi que cela se voit dans le cancer, par exemple, soit par une duodéno-cholédocite dont je vous ai décrit en détail la ge-nèse. A mon avis, il y a là exagération. En effet, il est des cas où évidemment l'ictère concomittant d'une affection hépa-tique ne peut se rattacher à la cholédocite. L'observation de ce qui a lieu dans l'empoisonnement par le phosphore nous
en fournit la preuve. MM. Virchow, Munck, Leyden, admet-tent que, en pareille circonstance, il s'agit d'un ictère catar-rhal par oblitération du canal cholédoque, mais le fait n'est pas général, car M. 0. Wyss (1) a vu manquer chez l'homme le bouchon muqueux de la portion intestinale du cholédoque et la distension consécutive des voies biliaires externes dans l'intoxication phosphorée. Ceci Fa conduit à instituer les ex-périences suivantes chez le chien. Il établissait des fistules biliaires permettant le libre écoulement de la bile et rendant par conséquent impossible l'ictère par cholédocite ; les ani-maux une fois remis des suites de l'opération, il les soumet-tait à l'intoxication par le phosphore; l'ictère se produisait pourtant dans ces cas, et l'on ne trouvait à l'autopsie que peu de bile, quand il s'en rencontrait, dans les grandes voies bi-liaires. Des mucosités remplissaient seules les conduits et la vésicule du fiel. Il y a donc lieu d'admettre, ici encore, une oblitération des voies biliaires profondes.
2° Vhypertrophie du foie ou mieux Yhépatomégalie, si-gnalée dans la description anatomo-pathologïque, reparaît dans l'étude clinique avec ses caractères spéciaux : la forme, le volume et quelques-uns des autres caractères physiques d'autant plus faciles à apprécier que l'absence d'ascite rend habituellement la percussion et même la palpation très fa-ciles.
Cette hypertrophie se manifeste vraisemblablement de très bonne heure. Ce fut au bout de huit mois dans l'observation de Cornil, évidemment relative à une cirrhose hypertrophique avec lésions des canalicules biliaires. Dans le cas de M. Sa-muel Gee, elle se montra environ du troisième au quatrième mois après l'apparition des premiers symptômes.
Une fois confirmée, l'hypertrophie est sujette à des oscilla-il) Archiv der Heilkunde, 1867, p. 469.
lions : ainsi, le foie augmente au moment des exacerbations fébriles de l'ictère dont il a été question. Quoi qu'il en soit, l'hépatomégalie est une des plus considérables qu'il soit pos-sible de rencontrer. 11 est noté dans les observations que le bord du foie déborde de quatre travers de doigt au-dessous des fausses côtes, qu'il descend jusqu'àl'ombilic et même plus bas, dans la fausse iliaque droite. Si on laisse de côté les cas assez rares de leucémie et d'adénie, il ne reste guère que le cancer du foie qui atteigne de telles dimensions. En somme, dans la cirrhose hypertrophique avec ictère, le foie présente, en quelque sorte, un volume intermédiaire à celui qu'on ob-serve dans le cancer du foie, qu'il égale quelquefois, et à celui du foie amyloïde.
3° L'appréciation de certaines particularités, renouvelées par une palpation attentive, permettrait d'ailleurs déjà, à vo-lume égal, de distinguer les diverses altérations du foie capa-bles de produire l'hépatomégalie permanente. Ainsi, dans la cirrhose hypertrophique, le foie est lisse ou très légèrement granuleux ; on dit que les granulations peuvent quelquefois être senties par le palper abdominal, c'est l'opinion de MM. Frerichs et Murchison, contraire sur ce point à l'opinion de Bamberger. Ces caractères, du reste, sont bien différents de ceux qu'offrent les tumeurs marronnées du cancer.
La tumeur hépatique amyloïde est lisse également, mais le bord du foie est mou, arrondi, tandis que, dans la cirrhose hypertrophique, le bord du foie reste tranchant, ce qui constitue pour elle un caractère distinctif.
Ces caractères, en quelque sorte anatomo-pathologiques, recueillis sur le vivant, quelque précieux qu'ils soient, ne doivent pas naturellement faire dédaigner les autres. Ainsi la coexistence de l'ictère servira habituellement à faire distin-guer la tumeur de la cirrhose hypertrophique de la tumeur
amyloïde dont elle se rapproche par la coexistence d'une hypertrophie splénique. Elle la différencie également du l'oie gras.
L'hypermégalie de la cirrhose hyper/rophique se distingue d'ailleurs de Vhypermégalie consécutive à l'oblitération du canal cholédoque par le développement plus ou moins pro-noncé que subit nécessairement la vésicule du fiel dans le dernier cas. — La tuméfaction hépatique peut persister durant six ou sept ans, avec ictère, dans la cirrhose hypertrophique: il y a, au contraire, à une certaine époque, un retrait néces-saire des limites du foie dans l'oblitération du canal cholédo-que ; le caractère tiré de la durée de l'affection séparerait aussi la tumeur liée à la cirrhose hypertrophique de latumeui hépatique cancéreuse dont l'évolution est beaucoup plus rapide.
Je n'insiste pas plus longuement. 11 me suffit de vous mon-trer, par quelques exemples, l'utilité des notions anatomo-pathologiques dans les études cliniques.
4° Nous avons mentionné, parmi les caractères de la cir-rhose hypertrophique, Y absence d'ascite. L'épanchement péri-tonéal y est tout au moins tardif, quand il s'y montre, et il est d'ordinaire très peu prononcé. En général, on est autorisé du reste à avancer que les phénomènes de stase dans les vais-seaux portes, phénomènes qui jouent un rôle si prédominant dans la cirrhose de Laennec, font à peu près complètement défaut dans la cirrhose dite hypertrophique et, à l'appui, nous citerons en outre de l'absence del'ascite, celle des hémorragies par diverses voies, des hémorragies gastro-intestinales, en particulier, des troubles dyspeptiques, de la dilatation des veines abdominales, etc.
5° Ces considérations nous conduisent à parler d'un ca-ractère différentiel tiré de l'état général. 11 esL remarquable
que la santé relative, vraisemblablement en grande partie à cause du maintien des fonctions digestives, laisse pendant plusieurs années, quelquefois pendant 7 ou 8 ans, le malade vaquer à ses affaires, continuer son travail. Tandis que, une fois qu'elle est installée, la cirrhose vulgaire marche progres-sivement, mais promptement, sans répit, vers la terminaison fatale.
Un dernier trait distinctif est fourni par le genre de mort qui, dans la cirrhose hypertrophique le plus souvent peut-être, est déterminée par le syndrome ictère grave avec élé-vation de la température centrale, délire, coma, etc., mode de terminaison tout à fait exceptionnel dans la cirrhose vul-gaire.
VINGT-DEUXIÈME LEÇON
De la cirrhose vulgaire.
Sommaire. — De la cirrhose vulgaire. — Nomenclature et synonymie. — Relation entre la cirrhose vulgaire et l'alcoolisme; — statistique de Dic-kinson. — Considérations historiques : Laennec, Bright, Carswell, Gubler Requin, Cornil, Hayem, Hanot, etc. — Rareté actuelle de la cirrhose hyper trophique.
Traits fondamentaux de la cirrhose de Laennec. — Granulations. — Rôle des lésions des petites branches intra-hépatiques de la veine porte. — Caractères anatomo-pathologiques macroscopiques de la cirrhose vulgaire.
Messieurs,
Je traiterai aujourd'hui de la cirrhose vulgaire. Son histoire qui, sans l'étude préalable que nous avons faite de la cirrhose hyperlrophique avec ictère, vous paraîtrait peut-être aride, nous présentera, je l'espère, d'autant plus d'intérêt que de la comparaison de ces deux formes ressortira un contraste plus frappant.
Un mot d'abord, sur la nomenclature et la synonymie, car il importe avant tout d'être bien fixé sur les termes. Cirrhose, vous le savez, vient de xi^oç, qui veut dire jaune, jaune roux. Il faut donc, remarquez-le en passant, éviter d'écrire cyrrhose, à l'instar de quelques auteurs. Cruveilhier a proposé le nom de foie granuleux, comme synonyme de cirrhose. L'état granuleux du foie est, en effet, un des phéno-mènes anatomiques les plus saillants, les plus faciles à saisir. — Les Anglais appellent souvent le foie granuleux Hobnailed liver, quand les granulations sont volumineuses, granulated
liver, quand elles sont petites. Le mot hobnail désigne un clou à grosse tête ; hobnailed voudrait donc dire littéralement garni de gros* clous, comme le sont les souliers des paysans. Cet anglais appelle aussi le foie granuleux gindrinker's liver, expression que quelques médecins français ont traduite par cirrhose alcoolique.
C'est que, en réalité, Messieurs, la cause principale, fon-damentale, de l'altération du foie dont je parle paraît être l'abus des boissons alcooliques. Afin de vous donner une idée des relations étroites qui existent entre la cirrhose et l'alcoo-lisme, je ne saurais mieux faire que de citer une statistique récente due à M. Dickinson. Sur 149 hommes exerçant une profession dans laquelle on s'occupe à un titre quelconque, des boissons alcooliques, 22 ont été atteints de cirrhose (1) ; sur 149 individus n'appartenant pas à la catégorie précédente, 8 seulement ont été affectés de cirrhose. Contre l'influence présumée exclusive de l'alcool, on a souvent invoqué des cas de cirrhose très accentuée, observés à une époque de la vie où l'alcoolisme est rare, chez les enfants. Or, chacun sait que l'enfance elle-même n'est pas, surtout dans certains pays, à l'abri des excès alcooliques, ainsi, dans un cas rapporté par M. Wilkes, il s'agissait d'une petite fille de 8 ans, qui buvait chaque jour une demi pinte de gin ; à son autopsie, on trouva le hobnailed liver. Niemeyer a rapporté, d'après M. Wunderlich, deux cas du même genre concernant deux sœurs âgées l'une de 10 ans et l'autre de 12. Mais, malgré tout, il ne faut pas ignorer que l'on connaît un certain nombre de cas où l'alcoolisme n'était pas en jeu (2). Aussi la dénomi-nation de cirrhose alcoolique en tant qu'on l'employait, à dé-
(1) Med chir Transact., 1873, p, 27.
(2) Un cas de ce genre observé par M. Griffith chez un enfant de 10 ans, est consigné dans les Transactions de la Société pathologique de Londres (7 dé-cembre 1875).
Charcot. Œuvres complètes, v. vi, Maladies du foie. 16
signer la forme d'altération du foie dont il s'agit ne doit pas être prise au pied de la lettre. Toutefois, il paraît établi que l'alcoo-lisme intervient beaucoup plus fréquemment dans la production de cette cirrhose du foie que dans celle du rein granuleux ou cirrhose rénale laquelle, fort souvent, échappe à cette eco-logie. Ainsi d'après la statistique de M. Dickinson, sur 250 cas de dégénération granuleuse du rein, 37 fois seulement le foie était en même temps cirrhose ; soit une pour sept. Il résulte, d'ailleurs, de tous ces chiffres que le foie est beau-coup plus exposé à l'action de l'alcool que ne l'est lè rein, ce qu'on pouvait prévoir d'ailleurs d'après la différence des rela-tions que présentent ces organes avec le système vasculaire.
Je crois opportun maintenant d'entrer dans quelques consi-dérations historiques, qui, je l'espère, ne vous paraîtront pas hors de propos. C'est incontestablement Laennec qui, le premier, a bien distingué et bien décrit la cirrhose ; voilà un point d'historique qui nous intéresse particulièrement, nous autres Français. A la vérité, Laennec n'a pas consacré à la cirrhose un chapitre spécial, mais seulement quelque passages de son Traité d'auscultation publié en 1819. Le plus impor-tant de ces passages est placé dans la seconde partie de ce traité (section IV, chap. 1er, art. 6, obs. XXXV). 11 est ques-tion à cet endroit d'un cas de pleurésie avec hémorrhagie, compliqué d'ascite et de maladie organique du foie. A l'au-topsie, Laennec écrit qu'on trouva « le foie réduit au tiers de » son volume, caché dans la région qu'il occupe et qu'il pa-» rut composé à la coupe d'une multitude de grains de la » grosseur d'un grain de chènevis ou de millet, de couleur » fauve ou jaune roux. »
En note, il dit * « C'est là une espèce de production qu'on » appelle squirrhe. Je la désignerai sous le nom de cirrhose à » cause de sa couleur. Son développement dans le foie est une
» des causes Iles plus communes de l'ascite. Le foie est tou-» jours atrophié quand il contient des cirrhoses. »
Jusqu'ici tout est exact, à part le dernier point, trop absolu. Mais Laennec commet une erreur quand il écrit que « cette » espèce de production se développe aussi dans d'autres or-» ganes et finit par se ramollir comme toutes les productions » morbifiques ». On sait pertinemment aujourd'hui, qu'il n'en est pas et qu'il ne saurait en être ainsi.
Peut-être, avant Laennec, Bichat avait-il connu les carac-tères fondamentaux de la cirrhose fl). En tous cas, les indi-cations de Laennec sont antérieures à la publication des Re-ports of Cases de Bright (1837), dans lesquels cet auteur étu-die l'ascite dans ses rapports avec les maladies des reins.
Ainsi, c'est en France que la cirrhose a été pour la première fois anatomiquement et cliniquement déterminée ; par contre, c'est en Angleterre qu'ont été entreprises les premières étu-des de l'altération à l'aide des instruments grossissants. Vous avez vu Laennec admettre que la cirrhose est une production hétéromorphe. Kiernan, le premier, en 1836, a montré que l'apparence granuleuse résulte de ce que les lobules hépati-ques, dont la texture est plus ou moins modifiée, sont enser-rés dans une gangue conjonctive hypertrophiée. Les travaux de Carswell (Atlas, 1838) et de Halleman (Berlin, 1839), puis, en France, ceux de M. Gubler doivent être ensuite comptés parmi ceux qui ouvrent, pour l'anatomie de la cirrhose, l'ère des observations anatomo-pathologiques délicates.
L'histoire de la cirrhose hypertrophique est, par contre, vous le savez, de date beaucoup plus récente. C'est en 1849 et 1851 queBequin aappelé l'attention sur l'hépatite interstitielle avec hypermégalie, sans songer d'ailleurs à la séparer de la
(1) Dernier cours d'anatomie pathologique recueilli par Béclard et publié par Boisseau en 1826. — Citation empruntée à l'ouvrage de MM. Gornil et Ranvier.
cirrhose de Laennec, bien qu'il eût reconnu que l'hypertro-phie peut persister jusqu'à la mort, malgré la longue durée du mal. C'est en 1871 seulement que M. Paul Ollivier (1), se fondant surtout sur les caractères cliniques, a émis l'avis qu'il existe une forme de cirrhose hypertrophique qui persiste telle quelle jusqu'à la mort et doit être par conséquent sépa-rée, à l'état de maladie autonome, de la cirrhose commune. Mais ce sont les travaux tout récents de MM. Cornil, Hayem et Hanot qui nous ont fait connaître les caractères anatomi-ques propres à cette forme de cirrhose, en particulier l'altéra-tion spéciale des voies biliaires, et c'est au dernier de ces au-teurs, M. Hanot, que revient l'honneur d'avoir présenté dans une bonne monographie le tableau caractéristique de la ma-ladie, fondé sur l'intime rapprochement des données anato-mo-pathologiques et cliniques.
La cirrhose hypertrophique, quant à présent, peut passer pour une maladie rare ; il est fort probable qu'elle deviendra plus commune, à mesure que les caractères qui la distinguent auront été vulgarisés. Mais, pour ce qui est de la cirrhose de Laennec, du foie granuleux, que nous allons nous attacher à décrire maintenant, c'est au contraire une maladie des plus vulgaires. D'après Budd, il n'est pas d'autre maladie du foie aussi commune en Angleterre. C'est aussi, sans conteste, un des états pathologiques que le clinicien, dans notre pays, est le plus souvent appelé à observer. A ce titre, déjà, elle mérite toute votre attention.
Avant d'entrer dans le détail, il sera utile, je pense, Mes-sieurs, de vous présenter quelques-uns des traits fondamen-taux de la cirrhose de Laennec. Cette esquisse nous servira en quelque sorte de définition. Une définition n'est d'ailleurs
(4) Union médicale, 1871.
au fond, le plus communément, suivant la remarque de Di-derot et de d'Alembert, qu'une description en raccourci.
Io Or, anatomiquement, vous le savez, il s'agit, ici d'une inflammation scléreuse interstitielle ; le tissu conjonctif tend à se substituer aux éléments spécifiques de la glande. C'est là un caractère appartenant au groupe tout entier. Mais voici un signe distinctif. Tandis que dans la cirrhose hypertrophiqué avec ictère, l'hyperplasie conjonctive a pour effet d'accroître toutes les dimensions de l'organe, dans le cas de la cirrhose vulgaire, en conséquence de la rétraction progressive que su-bit le tissu fibroïde, les dimensions du foie diminuent en même temps qu'il se trouve divisé en un nombre considéra-ble de petites masses sphériques ou ovoïdes que l'on est con-venu de désigner sous le nom de granulations. (Cirrhoses de Laennec.)
2° Un point que presque tous les auteurs s'ingénient à faire ressortir, c'est le rôle pathologique prédominant que paraît jouer le système porte hépatique dans la production de ces altérations. Il est, en quelque sorte, comparable à celui que, dans le cas de la cirrhose hypertrophiqué, nous avons été conduit à attribuer au système des canaliculôs biliaires inter-lobulaires. De même que la lésion systématique de ces canaux domine l'histoire pathogénique des lésions de la cirrhose hypertrophiqué, de même une lésion systématique des petites branches intra-hépaliques de la veine porte serait l'origine des lésions hépatiques de la cirrhose vulgaire.
3° C'est, du reste, si l'on peut ainsi dire, autour de cette phlébite porte intra-hépatique dont nous aurons plus loin à déterminer les caractères — que semble graviter toute la symp-tomatologie du foie granuleux. La stase veineuse abdominale,
qui en est Lin phénomène concomitant nécessaire, tient sous sa dépendance la congestion gastro-entéritique, les hémorra-gies gastro-intestinales, l'ascite, l'un des accidents principaux dans l'espèce et qui, au contraire, fait défaut dans la cirrhose hypertrophique où le système porte n'est intéressé que d'une façon tout à fait accessoire. Enfin, je vous rappellerai que l'ic-tère qui entre dans la caractéristique de cette dernière affec-tion, manque dans la cirrhose atrophique où les lésions des canalicules biliaires sont absentes ou tout au moins, dans la règle, n'exercent qu'une action effacée.
C'en est assez, Messieurs, pour montrer que les deux affec-tions, entre lesquelles nous nous proposions d'établir un pa-rallèle, sont en opposition manifeste à peu près sur tous les points. Le moment est donc venu d'aller plus loin et de com-mencer l'exposé des caractères anatomo-pathologiques, ma-croscopiques, qui distinguent la cirrhose atrophique.
Une propension, à proprement parler absolue, de l'hyper-plasie conjonctive, dans la cirrhose de Laennec, est d'entraî-ner une atrophie progressive du foie. Le volume, ainsi que le poids, sont quelquefois réduits au tiers du taux normal, ou même davantage. La moyenne de 960 grammes, donnée par M. G. Fagge, est à mon avis au-dessous de la réalité.
Les atrophies poussées à l'extrême répondent, bien entendu, aux phases les plus avancées du processus morbide. Vous n'ignorez pas que beaucoup d'auteurs ont assuré que, dans une première phase de la cirrhose vulgaire, le foie passe souvent par une période d'hypertrophie. R. Bright paraît être un des premiers promoteurs, le premier probablement, de cette opinion qu'il a exprimée dans son très intéressant mé-moire sur la jaunisse, publié en 1836 (1). Il déclare avoir pu, dans un certain nombre de cas, constater au début de la cir-
(1) Gw/s Hosp. Repo?Hs, t. i.
rhose une hypertrophie du foie qui, dans le cours de la mala-die, avait fait place à une atrophie plus ou moins accentuée. Budd, qui incline quelque peu à douter de l'exactitude de ces observations du grand maître, reconnaît cependant que les adhérences si fréquentes qui existent entre le foie cirrhose, d'une part, et le diaphragme de l'autre en raison de la lon-gueur des bandes fibreuses qui les constituent, semblent in-diquer que, à un moment donné, au moment de la formation de ces adhérences, le foie était en contact avec les parties dont il s'est éloigné par suite de l'atrophie qu'il a subie. Quoi qu'il en soit, vous n'ignorez pas que, de temps à autre, se publient des observations où l'on trouve le foie volumineux et où l'on croit découvrir les premiers degrés de la cirrhose vulgaire. Aujourd'hui, l'existence bien démontrée de la cir-rhose hypertrophique avec ictère, à titre d'espèce autonome, doit rendre circonspect sur l'interprétation des faits de ce genre.
Je n'insisterai pas sur l'augmentation de consistance du foie cirrhose, dont le tissu, dans les degrés extrêmes, crie, comme l'on dit, sous le tranchant du scalpel, non plus que sur sa déformation générale qui lui donne une forme globuleuse, des bords mousses, etc. Mais, je dois m'arrêter un instant sur l'aspect granuleux qu'il présente nécessairement. Les granulations se voient à la surface du foie, à travers la cap-sule généralement épaissie et opaque ou mieux, lorsque celle-ci a été enlevée, sous la forme de petites masses sphériques, ovoïdes, d'inégales dimensions, séparées les unes des autres par des sillons plus ou moins profonds. Pour vous guider dans l'appréciation de cet important caractère, je vous recom-mande l'étude attentive delà planche de Cruveilhier, insérée dans la 22e livraison de son Atlas et celle qui accompagne l'article Atrophie de l'Atlas de Carswell : ce sont les deux meilleures représentations que je connaisse. M. Frerichs, au
contraire (fig 38J, a reproduit un cas exceptionnel, s'éloignant considérablement du type vulgaire. 11 vous est possible, pour-tant, sur cette planche de Frerichs, dé constater la prédo-minance fréquente, mais rarement aussi prononcée, des lésions sur le lobe gauche du foie.
Il importe de remarquer que les dimensions des granula-tions varient sur Lin même foie et d'un foie à un autre, dans de certaines limites toutefois. En général, ces dimensions oscillent entre celles d'un grain de millet et celles d'un pois : c'est là un foie à petits grains (foie granuleux, Granulated hiver), Mais, il est des cas où la majorité des granulations atteignent les dimensions d'une petite noisette (hobnailed), d'une petite noix, et sont séparées les unes des autres par des sillons de plus en plus profonds (foie botryoïde, foie lobé). Quelques auteurs ont cru pouvoir rattacher ces variétés à des différences dans le mode d'action de la cause supposée, l'alcool. La cirrhose à grosses granulations résulterait de l'usage de l'alcool concentré ; la cirrhose à petits grains de l'usage de l'alcool dilué, bières fortes, etc. Le foie lobé serait propre à la syphilis. Rien, jusqu'à ce jour, ne légitime ces raffinements dans le diagnostic anatomique.
L'étude des coupes, faite à l'œil nu, conduiit à reconnaître, dans la profondeur de l'organe, des dispositions qui répon-dent à celles qu'on voit à l'extérieur. Les granulations sont là représentées par de petites masses ovoïdes ou sphériques, de dimensions diverses et qui paraissent entourées de toutes parts par une enveloppe fibroïde. On peut les énucléer, sans trop de difficultés, surtout lorsque, suivant le conseil de Bright, on laisse macérer la pièce dans l'eau. Au bout de quelque temps, un simple filet d'eau, en chassant la sub-stance des granulations, réduit la surface de section à une espèce de gangue conjonctive alvéolaire.
La couleur du contenu des alvéoles en question ou mieux des granulations doit être maintenant considérée. La teinte dominante est le jaune roux et c'est de là que vient le mot Cirrhose donné, je le répète, par Laennec. D'autres fois, c'est la couleur brune qui l'emporte ; d'autres fois, enfin, surtout dans les périodes avancées, on note une coloration verte ou ti-rant sur le vert. Il est clair que la coloration générale du foie dérive de la couleur individuelle de chaque lobule. La couleur des granulations tranche d'ailleurs avec la teinte gris blanc, légèrement brillante, du tissu conjonctif intermédiaire.
Les causes de cette diversité de coloration nous seront révé-lées par l'étude histologique, mais nous pouvons dire par anticipation, que la présence du pigment biliaire, de la graisse, du pigment hématique, en proportion variable, ren-dent compte de ces différences dans la coloration du lobule.
Avant d'entrer dans l'étude histologique des lésions hépa-tiques de la cirrhose, je crois qu'il y a intérêt à étudier tout d'abord les parties à l'aide de la loupe ou tout au moins, de fai-bles grossissements. Vous vous apercevrez bientôt que ce genre d'étude fournit des caractères importants, permettant d'établir à eux seuls une ligne de démarcation tranchée entre les diver-ses formes de la cirrhose et qui, à mon sens, ont été surtout dans ces derniers temps, beaucoup trop négligés.
DéjàCarswell avait reconnu (1) que, dans la cirrhose vul-gaire, les granulations qu'on pourrait appeler granulations de premier ordre, sont composées de granulations plus petites en plus ou moins grand nombre, etq 11, elles-mêmes, sont formées d'un certain nombre de lobules hépatiques. Le revêtement fibreux de la granulation de premier ordre est constitué par une lame conjonctive relativement épaisse. Les travées qui séparent les granulations secondaires sont d'une
(1) Atlas, planche XI, fig. 5. Art. Atropky.
moindre épaisseur ; enfin, toujours d'après Carswell, les lobules hépatiques sont séparés les uns des autres par des tra-vées très minces, ou au contraire souvent confondus les uns avec les autres sans ligne de démarcation bien tranchée.
Voici maintenant les résultats plus précis de l'e-xamen fait par transparence sur des coupes durcies à l'aide de grossisse-ments faibles. Je ne saurais trop vous recommander ce genre d'investigation dont la valeur sera rendue évidente, je l'es-père, par la comparaison que nous allons faire à ce point de vue entre la cirrhose vulgaire, la cirrhose hypertrophique et quelques autres formes d'hépatite interstitielle.
Ie Nous commencerons par la cirrhose vulgaire, (Cirrhose de Laennec, foie granuleux^. Elle peut être dite annulaire, en ce sens que les travées principales entourent, à la manière d'un cercle continu, la masse de substance hépatique qui com-pose la granulation. De ces travées principales partent des travées secondaires qui sont souvent incomplètes, à l'état d'é-bauches, et, d'autres fois, divisent la granulation principale en un nombre correspondant de granulations secondaires. Dans d'autres cas, qui paraissent répondre aux phases avancées, ra-rement atteintes d'ailleurs, chaque lobule hépatique est en-touré d'un anneau fibreux complet et même un lobule peut être grossièrement divisé en deux ou trois segments par des tractus relativement épais. Quoi qu'il en soit, en se rapportant au type ou aux premières phases de l'altération, on est autorisé à dire que ce genre de cirrhose est non seulement annulaire, mais encore, multilobulaire, en ce sens que la granulation est, à l'origine, composée d'un certain nombre de lobules hé-patiques serrés les uns contre les autres et qui ne sont pas sé-parés par des travées conjonctives. Il faut ajouter en outre que ce genre de cirrhose est essentiellement interlobulaire. En
effet, la limite entre le parenchyme et le tractus fibreux est toujours nette, heurlée ; on ne voit pas dans la cirrhose vul-gaire, contrairement à ce qu'écrivent certains auteurs qu1 ont confondu toutes les formes de cirrhose dans une môme description, le tissu conjonctif pénétrer dans l'intervalle des colonnes de cellules ou des cellules elles-mêmes à la péri-phérie du lobule et les isoler les unes des autres. Tels sont les caractères les plus accentués dans ce type dont la cirrhose hypertrophique va nous donner le contre-pied.
2° L'examen d'une coupe prise sur le foie, atteint de cirrhose hypertrophique avec ictère, offre un aspect tout différent. Il est possible de qualifier, ici, la cirrhose d'insulaire, car l'altération procède en réalité par îlots qui se forment au niveau des espaces. Ces îlots de tissu conjonctif nouvellement formé sont d'abord arrondis ; puis, ils poussent des prolonge-ments, à extrémités obtuses, dans la direction des fissures. Ce n'est qu'à la dernière limite que les promontoires, appar-tenant à des îlots différents, finissent par se rencontrer et circonscrire le lobule dans toute son étendue. Même dans les cas anciens, l'enceinte fibreuse du lobule reste çà et là inter-rompue et l'aspect que présente la coupe, rappelant le dessin géométrique d'un archipel est vraiment tout à fait spécial et bien différent, comme vous le voyez, de celui qu'offrent les préparations de cirrhose vulgaire. Donc, nous avons là une cirrhose insulaire et monolohulaire. J'ajouterai que, en opposition à ce qui a lieu dans la cirrhose vulgaire, la subs-tance du lobule, à la périphérie, est pénétrée progressive-ment par des travées conjonctives de second ordre qui s'in-sinuent entre les extrémités périphériques des colonnes de cellules. Il s'agit par conséquent, dans ces circons-tances, d'une cirrhose intra-lobulaire à marche centri-pète.
Les caractères qui viennent d'être relevés et qui contrastent d'une façon si remarquable avec ceux qui distinguent la cir-rhose vulgaire, ne sont pas l'apanage exclusif de la cirrhose hypertrophique avec ictère. On les retrouve, à titre de carac-tère commun, dan s toutes les hépatites scléreuses interstitielles où l'altération systématique des canalicules billiaires paraît être le fait primitif. Ainsi: a) dans la cirrhose produite expérimentalement par la ligature du canal cholédoque, b ) dans celle qui résulte de l'oblitération des grandes voies biliaires par un calcul, par une tumeur cancéreuse. Seulement, l'évolution des îlots semble alors s'arrêter pour ainsi dire en chemin et jamais elle ne va aussi loin que dans le cas de la sclérose hypertrophique.
3° Après avoir opposé la disposition annulaire de la cirrhose vulgaire à la disposition insulaire commune au cas de cirrhose liée à une altération primitive des canalicules biliaires, nous n'avons pas épuisé la série.
îl existe au moins un troisième type de cirrhose que je me borne, actuellement, à signaler en quelques mots.
Ici, la cirrhose est à la fois intra-lobulaire et extra-lobulaire, Autour du lobule, elle forme des anneaux complets; mais en même temps, dans le lobule, elle s'installe dès l'origine, aussi bien à la périphérie qu'au centre, isolant les colonnes et même les cellules les unes des autres. On pourrait l'appeler, intercellulaire, parce qu'un de ses caractères dominants est en effet de constituer autour de chaque cellule hépatique une véritable enceinte conjonctive.
Ce troisième type, bien distinct, comme vous le voyez, du précédent, se rattache à certaines formes d'hépatite intersti-tielle encore assez mal déterminées cliniquement, mais dont
quelques-unes cependant paraissent relever de la syphilis. Telle est en particulier l'altération syphilitique du foie des nouveau-nés, pour la première fois décrite par M. le profes-seur Gubler et dont M. Baerensprung et M. Parrot ont bien fait connaître les caractères histologiques.
VINGT-TROISIÈME LEÇON
De la cirrhose vulgaire (suite).
Sommaire. — Lésions des ramifications intra-hépatiques de la veine porte. — Distension congestive de la veine porte et de ses rameaux. — Tuméfaction de la rate. — Développement d'une circulation supplémentaire. — Difficulté de la pénétration des injections.
Mécanisme de la circulation supplémentaire. — Voies pathologiques: néo-membranes vasculaires. —Voies naturelles. — Notions anatomiques sur les origines de la veine porte. — Système des veines portes acc»ssoires : grou-pes gastro-épiploïque, cystique, etc. — Veines para-ombilicales — Caput Medusse. — Applications pathologiques.
Messieurs,
Ainsi que j'ai eu l'occasion de le faire ressortir plusieurs fois déjà, il est un fait qui domine en quelque sorte l'anatomie et la physiologie pathologiques de la cirrhose atrophique : je veux parler des lésions que subissent les ramifications intra-hépatiques de la veine porte et qui ont pour conséquence d'entraver plus ou moins profondément le courant sanguin qui, de l'intestin, se dirige vers les veines sus-hépatiques.
Cette obstruction se traduit par une stase sanguine dont la veine porte abdominale est le siège. Les divers phénomènes qui peuvent être la conséquence de cette stase, — c'est là un fait que j'ai laissé entrevoir — jouent un rôle prédominant dans l'histoire clinique de la cirrhose atrophique et méritent
par suite d'être, pour nous, l'objet d'une étude particulière.
L'existence delà stase sanguine que je viens de signaler est d'ailleurs chose facile à démontrer. L'ascite en est la con-séquence la plus vulgaire, la mieux connue ; mais, même en l'absence de celle-ci, la stase est encore mise hors de doute par toute une série de phénomènes que nous allons rapide-ment passer en revue.
A. En premier lieu, c'est la distension congestive, sou-t vent énorme, que subissent les divers rameaux qui se renden à la veine porte et le tronc lui-même de la veine. Cette dis-tension peut aller jusqu'à produire la rupture des parois vei-neuses, qui elle, à son tour, peut être suivie d'hémorrhagies rapidement mortelles. C'est là un fait qu'il importe de ne pas ignorer. Afin d'appeler particulièrement votre attention sur ce point, je crois utile de citeg1 quelques exemples :
Dans un cas rapporté par MM. Moxon et Wilks (Pathologi-cal anatomy), il existait une vaste collection sanguine (ané-vrisme faux) remontant jusque derrière le foie. — Dans un autre cas, publié par le Dr P. Giacomino cas dont il sera en-core question de nouveau tout à l'heure, il s'agissait d'une femme, âgée de 22 ans, dont il est possible de résumer ainsi l'histoire : pas d'ascite, — rate énorme, —ponction pour tho-racentèse, mort inopinée quelques semaines après par synco-pe. On trouva à l'autopsie un grand épanchement de sang coa-gulé dans l'épaisseur de l'épiploon gastro-hépatique et très peu de liquide dans la cavité peritoneale. Le foie était granu-leux. Bizzozero y reconnut une obstruction des vaisseaux por-tes intra-hépatiques. Nous reviendrons dans un instant sur ce cas qui offre un bel exemple de la dilatation des veines para-ombilicales dans la cirrhose.
B. La tuméfaction de la rate, accompagnement fréquent, à
peu près nécessaire, suivant quelques auteurs, de la cirrhose atrophique, est encore, pour une bonne part au moins, une conséquence de l'oblitération des veines intra-hépatiques,
C. Une autre conséquence, et même une nouvelle preuve de l'existence de la stase sanguine adbominale, c'est le déve-loppement d'une circulation supplémentaire, par suite de laquelle le sang veineux porte, trouvant obstacle du côté du foie, se dirige par des voies diverses, et que nous étudierons minutieusement, vers le système veineux général. (Voir Pl.
v.)
Il n'est pas sans intérêt de faire remarquer qu'il existe une sorte de balancement entre le développement de cette circu-lation supplémentaire qui fait passer le sang veineux porte dans le système des veines caves et la production de l'ascite, en ce sens que l'ascite manque ou*disparaît, si elle existait déjà, lorsque la circulation supplémentaire s'opère sur une large échelle. Selon toute vraisemblance, l'ascite ne s'obser-verait jamais, dans la cirrhose atrophique, si l'établissement de cette circulation supplémentaire ne rencontrait habituelle-ment des difficultés le plus souvent insurmontables.
Je rapporterai quelques faits à l'appui de ce que j'avance: 1° Dans le cas cité tout à l'heure de M. Giacomini,il n'y avait pas d'ascite ; les veines para-ombilicales étaient développées et l'on découvrit une hémorragie dans l'épaisseur de l'épiploon gastro-splénique ; — 2° Plusieurs cas insérés pas M. Sappey, dans son important mémoire, nous montrent Line circulation collatérale très prononcée, coïncidant avec l'absence de l'ascite (1) ; — 3° Monneret a relaté (2) une observation de cirrhose dans laquelle les veines abdominales avaient pris dans les
(1) Mémoire présenté à l'Académie de Médecine. {Mémoires de VAcadémie de Médecine, t. xxm, 1859).
(2) Archives générales de médecine, 1851, t. xxix, p. 395.
derniers temps de la vie un volume très notable ; à l'autopsie, on ne trouvait plus traces de l'ascite dont l'existence avait été constatée deux mois auparavant ; — 4° Dans un cas de cirrhose qui, à l'origine, était compliqué d'ascite, Frerichs vit l'ascite disparaître au bout de six semaines, en même temps que se développaient de gros cordons veineux au voisinage de l'ombilic.
D. L'obstacle à la circulation veineuse dans le foie est encore manifeste par la difficulté qu'on éprouve à faire péné-trer les injections. Celles-ci, fréquemment, ne vont pas au-delà des trois ou quatre premières divisions de la veine porte. Telle est l'opinion de Rindfleich, confirmée, d'ailleurs, par Bamberger. Cependant, les choses ne sont pas toujours aussi accentuées. L'injection pénètre souvent jusqu'aux lobules, mais à la vérité, d'une façon incomplète. En tous cas, les injections de Frerichs, faites par les veines sus-hépatiques et par l'artère hépatique, dont le tronc est quelquefois dilaté jusqu'à mesurer 14 à 15 millimètres de diamètre, tendant à montrer que le liquide, par ces voies, pénètre beaucoup plus facilement que lorsqu'il est poussé par la veine porte.
Quoi qu'il en soit, l'obstruction des vaisseaux intra-hépati-ques a quelquefois pour résultat une oblitération des gros troncs extra-hépatiques eux-mêmes. C'est, en particulier, ce qui ressort des observations de Carswell (!) et de Monneret. Frerichs a publié lui aussi (loc. cit., p. 11) un cas relatif, comme les précédents, à une oblitération fibrineuse des grosses branches de la veine porte.
Insister davantage serait, je crois, superflu. Les considéra-tions qui précèdent font, en effet, suffisamment ressortir le rôle considérable que joue dans la cirrhose l'interruption plus
(1) Article Atrophie, pl. n, fig. 1. Charcot. Œuvres complètes, t. vi, Maladies du foie. 17
ou moins prononcée du courant sanguin à travers le foie. Je ne crois pas, toutefois, pouvoir me dispenser d'entrer dans le détail, concernant le mécanisme longtemps cherché et aujourd'hui bien établi, au moins dans ses principaux traits, suivant lequel se produit cette circulation supplémentaire que je signalais tout à l'heure à votre attention.
Cette étude se fait le plus souvent par les moyens ordi-naires de l'anatomie descriptive. A l'aide d'injections et sans l'intervention obligatoire d'instruments grossissants, il est possible de reconnaître les dispositions principales qui pré-sident à l'évolution du processus. Mais il est nécessaire de posséder au préalable une connaissance approfondie des voies de communication qui, à l'état normal, existent entre les diverses parties du système porte et le système veineux géné-ral. On peut dire, en effet, très sommairement, que c'est par l'intermédiaire de ces voies naturelles que s'effectue, dans l'immense majorité des cas, la circulation collatérale.
11 ne faut pas ignorer pourtant que, quelquefois, l'établis-sement de la circulation supplémentaire s'opère par des voies pathologiques. A titre d'exemple, nous citerons les adhérences qui se font entre le foie et le diaphragme. Des néo-membranes vasculaires font adhérer les deux organes. Les membranes diaphragmatiques reçoivent du sang des vaisseaux diaphrag-matiques,branches appartenant au système de la veine cave; les néo-membranes hépatiques, au contraire, reçoivent le sang de la veine porte par la voie des veines capsulaires, entre autres, et de cette façon, les deux systèmes sont mis en com-munication. C'est à Kiernan que nous devons la démonstration de ce fait qui est rare et, d'ailleurs, le rétablissement de la circulation par cette voie est peu efficace.
Il n'en est pas de même, je le répète, du rétablissement de la circulation qui s'effectue par les voies naturelles. C'est ici le lieu de faire remarquer que le système veineux porte, ainsi
que l'anatomie le démontre, n'est pas isolé, comme on le dit quelquefois, schématiquement, de la circulation veineuse gé-nérale. Il s'y rattache, au contraire, par des voies multiples et dans des directions très diverses. Mais la description de ces voies de communication, de beaucoup d'entre elles au moins, est le plus souvent négligée par l'anatomie descriptive ordi-naire, parce qu'elles se font par des vaisseaux de petit diamè-tre et qu'elles sont sans importance physiologique. Mais ces voies latentes, s'il est possible de s'exprimer de la sorte, peu-vent, ainsi que nous allons le voir, prendre un grand dévelop-pement et acquérir, dans l'état pathologique, une importance capitale. C'est M. le professeur Sappey, je me plais à le dé-clarer tout d'abord, qui a fixé et développé nos connaissances à cet égard. Nous ne possédions que des notions très confu-ses et très imparfaites jusqu'au moment où a paru son travail présenté à Y Académie de médecine et intitulé: Recherches sur un point d'anatomie pathologique relatif à l'histoire de la cirrhose. Il fut suivi d'un rapport intéressant de M. le professeur Robin.
Je vous rappellerai quelques dispositions relatives aux bran-ches d'origines de la veine porte.
Ces branches, vous le savez, sont: la veine splénique, la veine mésaraïque supérieure, Vinférieure, enfin, je si-gnale la veine gastrique supérieure ou coronaire stoma-chique qui se jette dans le tronc de la veine porte. Les deux derniers vaisseaux peuvent servir au rétablissement de la circulation interrompue dans le système porte.
1° La coronaire stomachique gauche a des ramifications œsophagiennes ; celles-ci s'anastomosent avec des branches œsophagiennes dites supérieures, lesquelles communiquent avec les intercostales ou l'azygos, avec les diaphragmatiques supérieures, qui se jettent dans la veine cave supérieure,
avec les diaphragmatiques inférieures, branches de la veine cave inférieure.
Il existe un certain nombre d'exemples de dilatation consi-dérable de ces voies de communication dans la cirrhose. On ne cite, en général, que le cas de M. Fauvel, consigné dans la thèse de M. Gubler ; mais il convient de mentionner en outre le cas de Bamberger (loc. cit., p. 572) et un autre plus récent, de M. Hanoi (loc. cit., p. 19) : il s'agissait là d'une cirrhose récente ; les veines, dilatées, constituaient de vérita-bles varices ; l'ascite faisait défaut. Une ulcération de l'œso-phage, au niveau des varices, donna lieu à une hémorragie mortelle.
2° Si l'on en croit les auteurs, loin d'être rare, la dilata-tion pathologique des branches d'origine les plus éloignées de la m ése n torique inférieure serait, au contraire, fréquente. On sait que, au niveau, du rectum, le système porte est re-lié au système hypogastrique, qui appartient à la veine cave inférieure. La relation s'effectue par un système de vaisseaux qui établissent une communication entre les hémorrhoïdales supérieures, branches de la mésaraïque inférieure et les he-morroidales inférieLires, branches de la honteuse interne qui sont elles-mêmes des divisions de l'hypogastrique.
Cruveilhier estime que ces communications se font large-ment. Ce serait en quelque sorte, au dire de la plupart des médecins qui ont étudié cette question, des tubes de sûreté permettant le reflux du sang de la veine porte dans le système de la veine cave, toutes les fois qu'il y a gêne de la circula-tion dans le premier système.
Les investigations récentes de M. Duret tendent à prouver, au contraire, que ces voies sont très étroites et difficiles, et je tiens de M. Sappey qu'il a observé la même chose; c'est donc par erreur qu'on a invoqué cette voie, comme servant d'habi-
tude au rétablissement de la circulation collatérale dans la cirrhose et que l'on parle quelquefois de la fréquence du dé-veloppement des hémorroïdes dans la cirrhose, parle fait de la maladie. La réalité est que les hémorroïdes ne sont pas communes dans la cirrhose, ainsi que Monneret autrefois, et dernièrement M. Duret, l'ont fait remarquer. Sur 9 cas re-cueillis récemment par ce dernier, il n'en est pas un seul où l'on ait constaté la présence des hémorrhoïdes.
3° Une autre anastomose entre le système général et le sys-tème porte, s'opère par l'intermédiaire de veines qui naissent dans les parois de l'intestin et qui, au lieu de se rendre dans le système porte, se jettent par le moyen d'un troncule, soit dans la veine cave elle-même, soit dans l'une de ses veines afférentes. Ces veines, par leurs radicules dans l'intestin, s'a-nastomosent avec les radicules des veines portes, et c'est de cette façon que se fait la communication entre les deux sys-tèmes : tel est ce qu'on pourrait appeler le système de Ret-zius (1833). Je me bornerai à citer deux exemples, relatifs à ce genre d'anastomoses : 1° du duodénum et du côlon par-tent des veines qui vont se jeter dans la veine cave. Nous possédons au moins un cas où le système de Retzius a servi au rétablissement de la circulation collatérale. Ce cas appar-tient à Rindfleisch (1) : la veine porte étant oblitérée, le cours du sang s'opérait par les veines très dilatées du plexus sper matique.
Toutefois, les voies de communication qui viennent d'être indiquées sont infidèles et peu sûres. Il en est d'autres qui composent un système fort original et dont la découverte est due à M. le professeur Sappey : vous comprenez que je fais allusion au système des veines portes accessoires.
(1) Anatomie pathologique, p. 477.
Ce sont, vous le savez, des veines qui prennent leur origine dans des organes autres que l'intestin ou ses annexes et qui vont aboutir soit au foie lui-même, soit à la veine porte près du foie. Chaque veine de ce système figure en raccourci une petite veine porte. Èn effet, elle est constituée : 1° par des ca-pillaires d'origine ; 2° par un troncule , 3° par des ramifica-tions dans la substance du foie ; — à moins, cependant que le troncule ne vienne, comme cela se voit quelquefois, se je-ter dans la veine porte elle-même.
Dans ce système, M. Sappey reconnaît cinq groupes diffé-rents : deux d'entre eux nous intéressent particulièrement ; quant aux autres je me bornerai à les mentionner.
Premier groupe ou gastro-épiploïque. Les vaisseaux de ce groupe proviennent, en majeure partie, de l'épiploon gastro-hépatique ; quelques-uns, très petits, émanent de l'estomac. Ils s'enfoncent dans le foie en avant et en arrière du sillon transverse, se distribuent dans l'intervalle des lobules à l'instar des branches de la veine porte elle-même ; elles ne peuvent pas servir au rétablissement d'une circulation colla-térale, puisqu'elles ne communiquent pas avec la veine porte et, partant, elles ne sont d'aucun secours dans le cas d'obs-tacle intra-hépatique.
Deuxième groupe ou cystique. Il se compose de 12 à 14 veinules qui offrent deux variétés : a) les unes se rendent du fond de la vésicule aux lobules du foie voisins de la fossette ; — b) les autres partent de la partie antérieure de la vésicule et vont à la branche droite de la veine porte. De même que celles du groupe précédent, ces veines ne peuvent contribuer à la circulation supplémentaire. Les veines suivantes sont dans le même cas.
Troisième groupe. Il est formé : 1° par des vasa-vasorum
émanant: a) de la veine porte, b) des conduits biliaires, c) des artères hépatiques ; 2° par un troncule ; 3° par des capil-laires qui vont se jeter dans les lobules voisins.
Je n'insiste pas davantage sur ces groupes de veines portes secondaires, ayant hâte d'aborder la description des groupes qui nous intéressent plus spécialement.
Quatrième groupe ou veines portes accessoires du liga-ment suspenseur. Les origines se font dans l'épaisseur du diaphragme ; les troncules descendent dans le ligament sus-penseur : les divisions hépatiques se répandent dans les lo-bules en rapport avec le ligament suspenseur. Les premières s'anastomosent avec les diaphragmatiques, les dernières avec des branches de la veine porte qui répondent aux artères dites capsulaires (1). D'où il résulte que, si la circulation hé-patique persiste dans certains troncs volumineux, le sang pourra passer par l'intermédiaire de cette voie dans le sys-tème général, dans les cas où le cours du sang est inter-rompu dans les lobules hépatiques. Ces vaisseaux, à l'état normal, sont très ténus. Dans un cas de M. Sappey, que nous avons déjà cité et dans lequel il n'existait pasd'ascite, on voyait partir de la surface convexe du foie dix à douze veines qui remontaient par le ligament suspenseur jusque dans l'épais-seur du diaphragme ; trois ou quatre de ces veines atteignaient le volume d'une plume de corbeau.
Cinquième groupe. Il peut être appelé groupe ombilical, ou mieux para-ombilical. Les veines qui entrent dans sa com-position proviennent de la partie sus-ombilicale de la paroi abdominale antérieure. Leurs racines sont en communication : l°avec celles des veines épigastriques; 2° avec les veines
(1) Voir le Traité de Kolliker, p. 587.
sous-cutanées abdominales ; 3° avec les veines mammaires internes. Elles pénètrent dans l'abdomen en s'enfonçant dans l'épaisseur du ligament falciforme. Les plus importantes for-ment une sorte de plexus autour du ligament de la veine ombilicale qu'elles enlacent de leurs anastomoses. Voici main-tenant comment les veines se comportent du côté du foie .* Io les unes se distribuent dans les lobules du sillon longitu-dinal ; 2° d'autres se jettent dans le sinus de la veine porte à gauche de l'insertion du ligament ombilical; 3° d'autres fois, enfin, la terminaison se fait dans la partie restée perméable de ce dernier ligament. C'est là le groupe le plus important.
Dans la cirrhose, quand il y a un obstacle à la circulation hépatique, ces vaisseaux se dilatent. ïl se forme un courant principal. En général, c'est la veinule qui entre dans la bran-che gauche de la veine porte qui augmente de volume, elle atteint souvent la dimension d'une plume à écrire et la dé-passe quelquefois.
On comprend aisément qu'une veine ainsi dilatée et atta-chée en quelque sorte au ligament ombilical ait été considé-rée par beaucoup d'auteurs comme étant la veine ombilicale elle-même, demeurée persistante par anomalie ou redevenu* perméable par suite de l'obstacle au cours du sang dans h veine porte. Mais la dissection montre, et vous pouvez le vè~ rifier sur cette pièce qui m'a été obligeamment confiée par M. Sappey, que le ligament ombilical en pareil cas persiste, imperméable et bien distinct des veines para-ombilicales. C'est ici le lieu de rappeler d'ailleurs que la veine ombili-cale, même chez le fœtus, ne présente aucune anastomose au niveau des parois abdominales.
Le sang qui reflue dans ces veines dilatées les parcourt d», haut en bas et se dirige vers les veines principales du membre inférieur. Ce reflux s'opère tantôt par la voie des veines épi-gastriques, tantôt par celles des veines sous-cutanées et, dam
ce dernier cas, on voit se produire, au voisinage de l'ombilic, les varices connues dans la pathologie des obstructions hépa-tiques sous le nom de Caput Medusae. Un murmure qu'on entend par l'auscultation, un frémissement que perçoit la main se manifestent au niveau de ces veines (Sappey) : ils constituent, dans l'espèce, des signes d'un favorable au-gure.
Il existe au moins six cas dans lesquels ce mode de circula-tion supplémentaire a été régulièrement constaté : cinq ap-partiennent à M. Sappey, un à Giacomini (Turin, 1873) ; quatre autres cas, où l'on a pu croire qu'il s'agissait de la veine om-bilicale, peuvent être aujourd'hui rattachés à ce groupe, ce qui ferait un total de dix cas.
Je dois mentionnera ce proposqu'enproduisantune obstruc-tion porte progressive chez le chat, M. Schiff serait parvenu à déterminer une dilatation artificielle de la veine para-ombi-licale qui, chez cet animal, communique surtout avec l'épi-gastrique.
Il importe de se souvenir que les veines para-ombilicales ne peuvent servir au rétablissement de la circulation que dans le cas où l'obstacle siège du côté du foie, au-delà du point où l'extrémité supérieure de ces veines s'insère sur le sinus de la veine porte. Quand l'obstacle siège soit dans le tronc de la veine porte, soit au-dessous, la circulation supplé-mentaire devra se faire plutôt par les troncs d'origine de la veine porte : hemorroidales, œsophagiennes, veines de Retzius, etc.
Après avoir reconnu les effets de l'obstruction porte dans les branches abdominales de ce vaisseau, il nous faut étu-dier les modifications anatomiques que présentent les bran-ches intra-hépatiques : c'est ce que nous ferons au commen-cement de la prochaine séance.
VINGT-QUATRIÈME LEÇON
De la cirrhose vulgaire.
Sommaire. — Importance de l'examen des coupes durcies du foie cirrhotique, fait à l'aide de faibles grossissements. — Examen pratique avec de forts grossissements. — Cirrhose annulaire. — Cirrhose monolobulaire. — Lésions des vaisseaux et du tissu coujonctif qui les entoure. — Effets de la ligature des vaisseaux portes. — Phlébite et périphlébite portes : elles affectent les vaisseaux prélobulaires. — Tendance du système artériel hépatique à se substituer au système veineux intra-hépatique. — Etat des voies biliaires dans la cirrhose vulgaire.
Symptômes de la cirrhose vulgaire. — Stase du sang, ascite, catarrhe gastro-intestinal, hémorragies statiques : altération hypothétique de la crase du. sang. — Tuméfaction de la rate — Absence habituelle de l'ictère. — Troubles de la fonction d'hémopoièse, — des fonctions glycogénique et désassimilatrice. — Complication delà cirrhose vulgaire : maladies du cœur et des reins.
Messieurs,
Je me suis appliqué dans la dernière séance à vous faire connaître les modifications remarquables tant au point de vue anatomo-pathologique qu'au point de vue clinique, su-bies par le système porte abdominal sous l'influence qu'é-prouve, en cas de cirrhose, dans son passage à travers le foie, le sang qui de l'intestin et des annexes se dirige vers les veines sus-hépatiques. Actuellement, nous devons recher-cher en quoi consistent les altérations du système vasculaire intra-hépatique d'où dérivent ces modifications. C'est là,
Messieurs, une question difficile qui est loin, tant s'en faut, d'être tout à fait résolue. Mais, avant de l'aborder, je crois utile d'entrer dans l'exposé des lésions de la trame conjonc-tive et du parenchyme hépatique que révèle le microscope, appliqué à l'étude du foie granuleux.
I.
Tout d'abord, permettez-moi de vous remettre en mé-moire les caractères importants fournis en pareil cas par l'exa-men des coupes durcies, fait à l'aide de faibles grossissements. Vous n'avez pas oublié la disposition annulaire qu'offrent les travées épaissies de la capsule de Glisson ; vous vous souve-nez aussi que les grands anneaux, dits de premier ordre, en-globent des groupes de lobules, séparés les uns des autres par des tractus ou anneaux de second ordre. Un fait qui frappe de suite l'oeil de l'anatomiste lorsqu'il cherche à s'orienter, c'est que les lobules qui constituent ces groupes sont en quel-que sorte fondus ensemble. Les espaces et les fissures s'y distin-guent moins bien qu'à l'état normal et l'orientation est ren-due d'autant plus laborieuse que la veine centrale, ce point de repère par excellence dans les conditions physiologiques, est ici très difficile à retrouver.
Tel est l'aspect des choses, du moins dans les points où les lésions ne sont encore qu'à une période relativement peu avancée. Si maintenant, à l'aide de forts grossissements, nous examinons successivement les travées annulaires et la sub-stance des lobules, nous reconnaissons ce qui suit :
Io Les tractus sont constitués par du tissu conjonctif aux diverses phases de son développement, ici, les cellules em-bryonnaires, là les cellules fusiformes et bientôt le tissu con-jonctif fibrillaire, adulte, enfin le tissu de rétraction.
2° Pour ce qui a trait au parenchyme, je ferai remarquer que la limite entre l'aire des cellules et celle des tractus est brusque, heurtée, sans transition; on ne voit pas, comme dans d'autres formes de la cirrhose, la cirrhose hypertrophique par exemple, le tissu conjonctif pénétrer la partie périphérique du lobule sous forme de bandelettes. Les colonnes de cellules hépatiques n'ont plus dans leur disposition rayonnée la ré-gularité rectiligne de l'état normal ; elles sont recourbées bri-sées, bouleversées, si l'on peut ainsi dire. C'est là, sans doute, en même temps que l'effacement des espaces et des fissures, un des effets de la pression réciproque que subissent les di-vers lobules englobés dans un même anneau. Il est très inté-ressant d'étudier ensuite les cellules individuellement : on est surpris de voir que celles-ci ne sont pas déformées, apla-ties, comme on aurait pu s'y attendre, sauf peut-être dans la zone la plus externe où il y a sur deux rangées parfois un certain degré d'aplatissement. Toutefois, avec un peu plus d'attention, on finit par distinguer dans quelques-uns des lobules qui forment les granulations, plutôt dans les parties centrales de ceux-ci que dans les parties périphériques un nombre variable de points, de foyers, où les cellules, ayant conservé la forme polygonale, sont devenues de très petites dimensions. En somme, c'est par le mécanisme de l'atrophie simple que les cellules semblent disparaître sous l'influence en partie au moins d'une pression qui s'exerce dans toutes les directions.
Les cellules présentent une pigmentation plus ou moins pro-noncée qui leur donne un aspect sombre ; de temps en temps, on en trouve qui sont infiltrées de granulations graisseuses, mais cela n'est nullement nécessaire et les lésions les plus accusées de la cirrhose vulgaire peuvent exister sans qu'il y ait des traces d'altération granulo-graisseuse des cellules hé-patiques. M. Frerichs dit n'avoir observé cette lésion que dans
la moitié des cas de cirrhose qu'elle qu'en fût l'origine. Que penser après cela, de l'assertion des personnes qui pensent que l'infiltration graisseuse est un caractère du foie granuleux alcoolique, un trait qui lui imprime un cachet spécial, une physionomie à part ?
Si nous considérons maintenant des parties du foie où l'al-tération est plus avancée, nous constatons les lésions sui-vantes : Des tractus de second ordre, on voit partir des tra-vées ayant la forme d'un promontoire obtus ou acuminé à son extrémité libre et qui vont à la rencontre d'autres travées du même genre ; il en résulte que bientôt chaque lobule tend à être individuellement circonscrit de toutes parts. Alors, ainsi que vous le voyez, la cirrhose annulaire peut devenir mono-lobulaire. — Mais, ce n'est pas tout. De ces travées de troisième ordre se détachent des processus qui pénètrent dans la substance du lobule qu'ils divisent en plusieurs comparti-ments et ceux-ci, à leur tour, subissent une division du même genre. MM. Ranvier etCornil ont représenté très fidè-lement ces dispositions sur la figure 100 de leur Manuel (p. 193;. Il est facile de s'assurer que, quand la base de ces processus est déjà fibroïde, l'extrémité qui s'enfonce dans la profondeur du lobule est encore composée du tissu embryon-naire. En somme, le résultat c'est que le lobule peut se trou-ver en quelque sorte scindé en un certain nombre de lobules secondaires; ceux-ci, serrés déplus près, finissent par dispa-raître. On en voit où le parenchyme n'est plus représenté que par deux ou trois cellules.
Cette destruction par morcellement et compression combi-nés ne se produit pas d'une façon égale dans toute l'étendue du parenchyme hépatique.
Elle prédomine çà et là sur certains points, et ainsi s'expli-quent les déformations si prononcées parfois que présente le foie granuleux.
3° Laissons les cellules et la gangue conjonctive et pas-sons en revue les autres éléments qui entrent dans la compo-sition du foie. Les vaisseaux en premier lieu, et plus parti-culièrement les ramifications de la veine porte, doivent fixer notre attention.
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion, Messieurs, de signaler que c'est dans l'affection de ces vaisseaux et du tissus conjone-tif qui confine immédiatement que doit être cherché, suivant la plupart des auteurs, le point de départ des altérations de la cirrhose annulaire. « La cirrhose, dit Budd (loc. cit., p. 143), est la conséquence d'une inflammation aclhésive du tissus arêolaire au voisinage des petites branches de la veine porte, é De nos jours, l'histologie donne plus de précision à cette vue. Suivant M. Klebs (1), les éléments lymphatiques embryonnaires se voient d'abord durant les premiers stades de l'altération granuleuse du foie, dans les parois même des veines et à leur voisinage immédiat, dans la capsule de Glis-son. M. Cornil mentionne les mêmes particularités.
La phlébite porte et la périphlébite seraient donc dans le foie granuleux l'occasion d'une hépatite scléreuse généralisée, ce qui rappelle ce que nous avons vu à propos des canaux biliaires dans la cirrhose hypertrophique.
L'expérimentation, d'ailleurs, a mis en relief la production d'une lésion de la gangue conjonctive de tout le foie, consé-cutivement à une lésion des vaisseaux portes produite en de-hors du foie. Je vous rappellerai à cette occasion les expé-riences de M. Sclowieff, expériences qui mériteraient à tous égards d'être reprises ; elles forment pour ainsi dire le pen-dant des expériences relatives à la ligature du canal cholédo-que. Je crois opportun de résumer ce qu'a vu M. Solowieff (2) :
(1) Klebs, loc. cit., p. 425.
(2) Centralblatt, 1872.
4° D'après ce qui précède, il y a lieu, suivant toute vrai-semblance, d'admettre dans la cirrhose vulgaire, à titre de phénomène primitif, initial, l'existence d'une phlébite et d'une périphlébite portes intra-hépatiques. Reste à savoir quelles sont les parties de la veine porte qui sontainsi originellement affectées. Assurément, ce ne sont pas, du moins aux périodes initiales du processus, les ramifications les plus fines, les inter-lobulaires, puisque, ainsi que nous l'avons vu, les espaces qui séparent les lobules ne sont pas le premier siège du mal Ce ne sont pas non plus les branches les plus volumineuses, car en général, par la dissection, on trouve celles-ci parfaite-ment intactes, c'est donc la partie intermédiaire entre les deux extrêmes et qu'on pourrait appeler, pour abréger, système des vaisseaux prélobulaires qu'il faut incriminer, si l'on se reporte à la disposition normale des vaisseaux de cet ordre, on arrivera peut-être à comprendre — en supposant qu'ils soient tous le point de départ d'une prolifération, d'une végé-tation conjonctives — les apparences révélées par l'examen pratiqué à l'aide de faibles grossissements. Il y a à considérer dans le mode de distribution des vaisseaux portes, en outre des
Dans le cas où l'occlusion ayant été produite par une ligature peu serrée, l'animal a pu survivre un ou deux mois à l'opéra-tion, le foie est volumineux, plus dense et crie sous le scalpel. On trouve des thrombus dans les ramifications des veines portes intra-hépatiques ; de jeunes cellules se voient dans l'épaisseur des parois des veines, dans leur voisinage immé-diat, et, à une période plus avancée, on observe sur ces mê-mes points du tissu fibrillaire. Cet ensemble de caractères ne compose certainement pas une exacte reproduction expéri-mentale de la cirrhose granulée ; mais on ne peut s'empê-cher d'y reconnaître certaines analogies entre les deux ordres de faits.
branches formées par la division dichotomique, les branches dites vaginales (Kiernan) dirigées perpendiculairement et dont les principales circonscrivent un certain nombre de lo-bules ou groupes de lobules. On peut imaginer que ces vais-seaux qui ne s'anastomosent pas entre eux dans les conditions normales, se rejoignent sous l'influence des conditions pa-thologiques, en même temps que le tissu embryonnaire se développe à leur voisinage immédiat. Ainsi prendraient nais-sance les travées annulaires de premier ordre. La formation des travées de deuxième et de troisième ordres s'effectuerait à mesure que le processus pathologique s'étend jusqu'aux es-paces interlobulaires ou même pénètre plus avant.
5° Quelles sont les phases ultérieures du processus? On les ignore à peu près complètement. On sait toutefois qu'à un moment donné et contrairement à l'opinion que pourrait faire naître la comparaison avec le tissu cicatriciel, les travées con-jonctives présentent une vascularisation très accentuée, très riche et que les vaisseaux de formation nouvelle s'écartent par leur arrangement, et par leur structure du type physio-logique. On peut dire qu'il se fait une sorte de remaniement du système vasculaire des espaces.
Sur des préparations bien injectées, le nombre de ces vais-seaux est le plus souvent si considérable qu'on a en quelque sorte sous les yeux un véritable tissu caverneux (Rindfleisch). Il s'agit là de vaisseaux tortueux, volumineux, bien qu'ayant la structure de capillaires embryonnaires ; ils sont en d'autres termes, privés de paroi propre; ils paraissent creusés dans le tissu de jeunes cellules ou déjà adultes et limités seulement par une couche endothéliale.
11 est certain que ces vaisseaux sont en connexité étroite avec le système porte intra-hépatique, car, lorsque les troncs portes ne sont pas oblitérés, l'injection y pénètre par cette
voie. D'un autre côté, ils ont une communication facile avec les lobules restant dont les capillaires s'injectent en même temps. Suivant une remarque qui appartient à M. Frerichs, la disposition radiée des vaisseaux intra-lobulaires persiste plus ou moins, tant qu'il reste des cellules capables de repré-senter un lobule et que, dans la plupart des cas, l'injection de ces derniers lobules s'opère facilement par les veines sus-hépatiques. Il semble, d'après cela, que la partie moyenne de la veine porte (système des veines prélobulaires) se soit en quelque sorte capillarisée, les capillaires des lobules et les grands troncs veineux conservant seuls, du moins dans la règle, le type régulier.
Quoi qu'il en soit, pendant longtemps, malgré ces altéra-tions, la circulation s'opère encore dans le foie, des intestins vers la veine sus-hépatique ; toutefois, elle y est bientôt gê-née, ralentie, par suite de la disparition d'un certain nombre de lobules, laquelle entraîne la disparition des veines centrales correspondantes et aussi en raison de l'état embryonnaire des vaisseaux de formation nouvelle ; il faut tenir compte enfin de la tendance progressive au rétrécissement des canaux portes. Cette tendance est rendue évidente par la difficulté qu'on éprouve à pousser les injections par la veine porte dans lès cas un peu avancés. C'est dans ces conditions que se produi-sent les voies collatérales et, en leur absence, les phénomè-nes de la stase dans le système de la veine porte.
A mesure que les travées, qui portent les vaisseaux dont nous donnions tout à l'heure la description, pénètrent dans les lobules, les cellules du foie et simultanément les capil-laires qui séparent les rangées cellulaires tendent à disparaître.
On peut se demander, sans pouvoir espérer résoudre la uestion, quant à présent, si les vaisseaux qui forment le
Gharcot. CEuv compl, t. vi, Maladies du foie et des reins 18
système lacunaire sont réellement des vaisseaux préexis-tants, modifiés par l'état pathologique, ou bien des vaisseaux de formation nouvelle. Il y a lieu de remarquer à ce propos que le système lacunaire paraît être en communication très large avec les artères hépatiques. Nous avons fait ressortir déjà que, d'après M. Frerichs, le tronc de l'artère hépatique est, dans la cirrhose vulgaire, parfois très manifestement dilaté. Or, d'après le môme auteur, en poussant les injections à la fois par les veines portes, par les artères et les veines sus-hépatiques, on voit : 1° que le nombre des vaisseaux du système lacunaire injecté par l'artère est souvent plus grand que celui de ces mêmes vaisseaux injecté par la veine porte : 2° que, par la voie des artères, il est possible d'injecter les capillaires dés lobules restants. Il semble découler de ces faits que le système artériel tend pour ainsi dire à se substituer partout au système veineux intra-hépatique et qu'il paraît remplir, en quelque sorte jusqu'à la dernière limite tant qu'il reste des cellules hépatiques, les fonctions qui sont dévolues à ce dernier.
. Telles sont les principales notions que nous possédons, concernant les modifications du système vasculaire intra-hépatique dans la cirrhose vulgaire. On peut peindre la situa-tion en disant que, par suite de la destruction des cellules hépatiques, le foie tend à se transformer progressivement en une trame fibroïde offrant un système vasculaire dans lequel le sang afflue par les artères et sort par les voies supplémen-taires qui font communiquer la veine porte avec le système veineux général. Mais jusqu'à la dernière limite, il reste un assez grand nombre de lobules contenant des cellules hépati-ques et où le sang pénètre dans les capillaires intra-lobulaires en partie par la voie des artères, en partie par la veine porte, et s'écoule, comme dans les conditions normales, par la
veine sus-hépatique. C'est par ce mécanisme, sans doute, qu'il est possible d'expliquer comment dans la cirrhose vul-gaire la sécrétion biliaire continue à s'opérer jusqu'au terme ultime (1).
6° Je serai bref sur ce qui concerne l'état des voies biliaires, dans cette forme de cirrhose. Les canaux volumineux ne présentent par d'altération sensible ; quant aux canaux inter-lobulaires, dans la règle, ils ne se développent pas comme dans la cirrhose hypertrophique. Us paraissent cependant pouvoir s'hypertrophier accidentellement çà et là, ainsi que nous l'avons vu sur une préparation relative à un foieatrophi-que sans ictère qui nous a été remise par MM. Pitres et Léger. Selon toute vraisemblance, l'appareil des voies biliaires intra-lobulaires se détruit du centre à la périphérie, au fur et à mesure que les cellules hépatiques disparaissent. Il en résulte que la sécrétion biliaire peut se trouver supprimée partielle-ment sans qu'il y ait ictère. La bile est diminuée en quantité, modifiée également dans ses qualités si l'on en juge par la coloration jaune orangé qu'elle offre souvent. Mais des irrégu-larités peuvent survenir dans ce processus de destruction, et les gros conduits s'oblitérer alors que les capillaires et les cellules ne sont pas encore détruits et continuent à sécréter la bile. En semblable occurrence, l'ictère se produit, sans doute par un mécanisme analogue à celui que nous avons men-tionné à propos de la cirrhose hypertrophique. Le fait est que, parfois, dans la cirrhose atrophique, on trouve à l'autopsie la vésicule et les principales voies biliaires complètement pri-vées de bile. Nous vous avons montré, Messieurs, un exemple de ce genre à l'une des séances de notre cours pratique.
(1; Voir la planche III, fig. 2, de Y Atlas de Frerichs.
Je terminerai en passant brièvement en revue les symp-tômes qui révèlent cliniquernent la cirrhose vulgaire, afin de rechercher dans quelle mesure leur pathogénie est éclairée par les connaissances anatomo-pathologiques que nous avons recueillies.
Je ne reviendrai pas sur les divers phénomènes, déjà suffi-samment étudiés, de la stase du sang dans les vaisseaux portes abdominaux. Je ne parlerai donc pas de Yascite, du catarrhe gastro-intestinal, des hémorragies stasiques. Je. relèverai cependant, en passant, que toutes les hémorragies qui se produisent dans la cirrhose du l'oie ne peuvent pas s'expli-quer toujours par la raison mécanique : (elles sont, entre au-tres, les hémorragies nasales, celles qui succèdent aux piqûres de sangsues, le purpura, et qui se montrent même dans les pha-ses peu avancées, ainsi qu'on en a fourni récemment un exem-ple à la Société anatomique. Déjà Bright avait invoqué, pour en rendre compte, une altération de la crase du sang. Mais, en quoi consiste cette altération et quelle est l'influence qui lui donne naissance? C'est ce qu'on ne sait pas quant à présent.
Un mot sur la tuméfaction de la rate. Quelques auteurs, Bamberger et Oppolzer, en font un accompagnement à peu près constant et par conséquent un symptôme très important dans l'histoire de la cirrhose. Bamberger, sur 36 cas, n'a vu que deux exceptions et encore dans ces derniers cas y avait-il un épaississement de la capsule splénique ayant pu contreba-lancer l'influence de la stase. Toutefois, l'absence de tumé-faction splénique, notée dans la moitié des cas par Frerichs, ne peut pas s'expliquer constamment par la présence de cette lésion. Aussi quelques auteurs (Virchow, Niemeyer), sans nier
l'influence de la stase, ont-ils admis que la tuméfaction splé-nique est le plus souvent un phénomène coordonné et non pas une conséquence toute mécanique.
Nous savons que Viciare n'est pas un phénomène fréquent dans la cirrhose vulgaire et nous avons cherché à établir que, quand il existe, il n'est pas indispensable de faire inter-venir toujours l'existence hypothétique d'un catarrhe ou d'une compression du canal cholédoque.
Un point qui, jusqu'à ces derniers temps, n'a pas été suffi-samment mis en relief, c'est que les troubles de la nutrition plus ou moins rapide que détermine la cirrhose du foie ne sont pas toujours susceptibles d'être rattachés aux lésions gastro-intestinales d'origine stasique, mais que, souvent, ils dérivent, suivant toute probabilité, des perturbations appor-tées dans les fonctions diverses dont le foie paraît chargé d'après les recherches nouvelles. Je fais allusion à la fonction d'hémopoièse et, plus particulièrement, à la fonction glyco-génique et à la fonctiondés assimilatrice. (Troubles de la fonc-tion glycogénique, diminution du taux de l'urée.)
Un autre caractère qui se rapporte plus ou moins directe-ment aux troubles de ces fonctions, c'est l'altération des urines qui sont très chargées de matières colorantes et d'urates. S'agit-il là, en ce qui concerne les urates, d'un simple phé-nomène de concentration des urines? on l'ignore. Je ne crois pas que le dosage ait été régulièrement établi par l'analyse des urines recueillies pendant 24 heures. Relativement à la matière colorante, on comprend que ce principe qui dérive de la matière colorante biliaire, laquelle semble dériver elle-même de la matière colorante du sang, soit rendue en excès quand la bile est sécrétée d'une manière très imparfaite.
J'achèverai cette leçon en vous donnant quelques rensei-
gnements sur les complications les plus habituelles de la cir-rhose vulgaire. Autrefois, on comptait parmi les complica-tions les maladies du cœur. Ainsi, dans un mémoire bien connu, Becquerel relevait, sur 42 cas de cirrhose, 21 cas de maladies organiques du cœur. C'est que Becquerel avait con-fondu la cirrhose avec le foie muscade ou cardiaque. Aujour-d'hui que la distinction est faite, cette complication n'existe plus. Bamberger, sur plus de cent cas de maladies du cœur, n'a rencontré que deux cas de cirrhose. Sur 30 cas de cirrhose rassemblés par le même auteur, le cœur était normal, sauf dans les deux cas ci-dessus. Nous allons voir cependant une combinaison dans laquelle l'hypertrophie du cœur et la cir-rhose pourraient coïncider.
La maladie de Bright, dans sa forme atrophique, est quel-quefois sous la dépendance de l'alcoolisme. Il n'est donc pas singulier de la voir coexister assez fréquemment avec la cir-rhose. Sur 40 cas de cirrhose du foie fl), réunis par M. Dic-kinson, et pour la plupart d'origine alcoolique, les reins étaient granuleux dans 8 cas : le rapport est donc de 1 à 5. Mais bien souvent la néphrite interstitielle échappe à cette étiologie. Sur 230 cas de dégénérescence granuleuse, le foie a été en-vahi 37 fois; la proportion est donc de 1 sur 7. Les chiffres de M. Stewart concordent avec les précédents : ainsi sur 100 cas de rein contracté, il a trouvé 15 cas de cirrhose, soit 1 sur 6. En supposant que tous les cas de cirrhose où il y a eu coïnci-dence fussent d'origine alcoolique, on pourrait comprendre la situation ainsi qu'il suit : Le foie est l'organe affecté le pre-mier et le plus fréquemment par l'alcool dont il reçoit en quel-que sorte l'action directe. Le rein, placé plus loin, n'est touché qu'indirectement et échappe de fait le plus souvent à cette in-
(1) Dickinson, loc. cit., p. 140.
fluence. 11 ne faudrait pas dans un cas de cirrhose conclure à la réalité de la néphrite albumineuse, par la seule constatation de l'albumine dans les urines. En effet, toutes les fois qu'il y a ascite, ainsi que l'a fait remarquer M. Murchison, la com-pression des veines rénales peut avoir pour conséquence de faire passer dans les urines une certaine quantité d'albumine qui disparaît lorsque la ponction est pratiquée.
DEUXIÈME PARTIE
Le Rein. — La Maladie de Bright.
PREMIÈRE LEÇON
Anatomie normale du Rein.
Sommaire. — Remarques préliminaires.
Anatomie normale du rein. — Description générale du système des canalicules urinifères.
Structure des canalicules urinifères. — Paroi propre des canaux. — Couche endotheliale. — Epithelium à bâtonnets des tubes contournés et de la bran-che montante de l'anse de Henle. — Epithelium pavimenteux dans les autres points.
Anatomie topographique du rein. — Coupes longitudinales et transversales. — Disposition lobulaire du rein.
Messieurs,
L'histoire anatomique du mal de Bright est devenue, depuis quelques années, particulièrement intéressante. Les lésions histologiques que subit le rein dans cette maladie ont été, en effet, étudiées avec plus de précision qu'on ne l'avait fait jusque-là, et surtout elles ont reçu une interprétation qui tend à modifier singulièrement les idées généralement admises ; vous verrez, par l'étude de ces lésions, que les variétés qu'elles présentent sont surtout en rapport, le plus souvent, non pas avec des degrés successifs, mais avec des formes distinctes de la maladie. Avant d'aborder ce chapitre, je crois nécessaire de vous exposer, en premier lieu, les prin-cipaux faits relatifs à la structure et aux fonctions du rein. Des travaux récents sur ce sujet ont porté en effet une atteinte
grave aux descriptions classiques ; je serai forcé d'entrer à cr propos dans quelques détails qui pourront vous sembler minu-tieux, mais vous saisirez plus tard toute l'importance qu'ib présentent, et je vous assure que leur connaissance est indis-pensable à celui qui veut pénétrer sérieusement dans l'étude des altérations histologiques du rein.
I.
Je commencerai cet exposé par la description du système des canalicules urinifères. D'une manière générale, on peut dire que ce système est composé d'un nombre consi-dérable de tubes, tous faits sur le même modèle ; chacun de ces tubes, prend naissance dans une dilatation ampullaire, qui siège dans la couche corticale et vient finalement s'ouvrir dans la cavité du bassinet par un orifice dit papillaire , mais, dans ce long trajet, il a subi dans son diamètre, dans sa direc-tion et dans sa structure même, de nombreux changements qu'il importe de bien connaître.
Sous le nom de glomérule de Malpighi, on désigne un petit appareil vasculaire fort original, logé dans une enveloppe membraneuse que l'on appelle capsule de Bowmann. La cavité circonscrite par cette membrane est, en réalité, l'abou-tissant ou plutôt l'origine de chacun des tubes urinifères : la capsule s'ouvre, en effet, sur un point opposé à celui qui donne accès aux vaisseaux du glomérule, dans un trajet canaliculé d'abord étroit, qu'on appelle le col de la capsule. Ce col se continue avec un canal plus large, sinueux, dans lequel se passent, pour une bonne part, les phénomènes les plus importants, ou du moins les plus spéciaux, dé la sécrétion rénale. Ces canaux, relativement volumineux et méritant bien par les sinuosités qu'ils décrivent, leur nom de tubuli con-
torti, sont tous situés, comme les glomérules, dans la couche corticale du rein. A un moment donné, les tubuli contorti éprouvent un
Fig. 20. — Schéma des canali-culesurinifères(d'aprèsSchweig-ger-Seidel. Die Nieren des Mens-chen und der Saügethiere. Halle 1865, Taf. IV, f. 1),
R, substance corticale. — Gr, zone limitante. — M, substance médullaire.
1,Capsule de Bowmann etglo-méruledeMalpighi. — 2, Canaux contournés (Tubuli contorti). — 3, Canaux en anse (Tubes de Henle).—a,branche descendante ou petite branche. — b, branche montante ou grosse branche. — c, pièce intermédiaire. — 4, con-duits excréteurs (Tubes droits, tubes de Bellini). — d, canaux d'union. — e, tubes collecteurs de premier ordre. —'? f, tubes collecteurs de second ordre. — G, orifice papillaire
rétrécissement progressif et donnent ainsi naissance à un canal étroit qui, sans présenter dans son trajet le moindre
changement de calibre, la moindre sinuosité, descend directe-ment vers la papille : c'est la branche descendante ou petite branche de l'anse de Henle. A une distance variable de la papille, ce canalicule se recourbe en formant une anse à court rayon qu'on appelle Vanse de Henle, et brusquement, il remonte parallèlement à la branche descendante, jusqu'au voisinage de la capsule du rein, cette nouvelle portion est désignée sous le nom de branche montante ou encore grosse branche de l'anse de Henle, parce que, après s'être recourbé, le canal subit de nouveau une augmentation de calibre. Le lieu où se fait cette augmentation de calibre ne correspond pas exactement au point où le canal de Henle se recourbe sous forme d'anse ; tantôt, en effet, l'anse se fait aux dépens de la partie grêle, tantôt, au contraire, aux dépens de la par-tie large de ce canal.
La pièce qui succède à la branche montante de l'anse porte le nom de pièce intermédiaire (Schalstùch, Schweigger-Seidel) ; cette pièce, qui occupe les parties les plus superfi-cielles de la couche corticale du rein, présente un calibre comparativement large et de nombreuses sinuosités qui rap-pellent celles des tubuli contorti. Bientôt le conduit s'effile et forme alors le canal d'union qui s'abouche lui-même avec un conduit fort différent à beaucoup d'égards de ceux que nous avons considérés jusqu'ici. Ce dernier conduit, désigné sous le nom de canal collecteur de premier ordre, s'abouche, ainsi que d'autres canaux du même ordre, dans des troncs plus volumineux, lesquels viennent s'ouvrir par un orifice relativement large au sommet de la papille (1).
(1) Sur l'anatomie des canalicules urinifères, consulter : Henle : Handbuch der systematischen Anatomie des Menschen; 2" Bd. 2. aufl., 1" Lief; Braunsch-weig. 1873. — Schweigger-Seidel : Die Nieren des Menschen. Halle, 1865.— G. Ludwig: Von der Niere. Striker's Handbuch lr" Bd. Leipzig, 1871. — Ch. P. Gross : Essai sur la structure microscopique du rein. Strasbourg, 1868.
II.
Nous connaissons maintenant par leur nom et par quel-ques-uns de leurs caractères, les diverses pièces qui compo-sent l'appareil des canaux urinifères; mais nous devons com-pléter ces notions par une étude plus intime de la structure de chacune de ces pièces et des diverses particularités qu'elles présentent.
Je laisse de côté,pour le moment, leglomérule deMalpighi, et quant à la capsule de Bowmann, je me borne à vous rap-peler qu'elle, est formée par une membrane sans structure apparente, à la surface interne de laquelle on distingue, sur-tout après les imprégnations d'argent, une couche endothéliale complète. Cet endothélium se continue avec celui qui tapisse la cavité du col de la capsule ; mais au point ou commencent les tubuli contorti, il subit des modifications importantes. Toutefois, avant de vous exposer les caractères de l'épithé-lium dans les canalicules contournés, je dois vous faire re-marquer que là, comme dans la plus grande partie des tubes urinifères, les parois de ces canaux paraissent constituées par une membrane anhyste. Cependant M. Ludwig dit avoir trouvé dans ces parois les traces évidentes d'une disposition qui rappellerai celle que M. Debove a décrite dans la mem-brane dite fondamentale de certaines parties de l'intestin; d'après cela, la membrane limitante des tubes contournés se-rait composées de cellules aplaties, juxtaposées, dont les con-tours pourraient être mis en évidence par les imprégnations d'argent.
L'épithélium des tubuli contorti qui est, en quelque sorte, l'élément fondamental du rein, offre des caractères particuliers
(1) Debove. — Mémoire sur la couche endothéliale sous-épithéliale de mem-branes muqueuses {Arch. de Physiolog., 2' série, t. I, p. 19, pl. II, 1874).
que les récentes recherches de M. Heidenhain nous ont fait connaître (1). Les cellules qui composent ce revêtement ne sont, on le sait, que peu distinctes les unes des autres ; elles sontvolumineuses, et ne laissent dans la cavité du tube qu'une lumière étroite ; leurs noyaux sont peu apparents ; en outre, elles sont normalement troubles et présentent une teinte sombre, une coloration jaunâtre, que tous les anatomistes ont depuis longtemps remarquée, et qu'ils expliquaient par l'exis-tence de nombreuses granulations plus ou moins brillantes, les unes protéiques, les autres graisseuses. D'après M. Heiden-hain, au contraire, ces granulations ne seraient que les coupes optiques d'un certain nombre de petits bâtonnets, oc-cupant le corps de la cellule, englobés qu'ils sont dans le protoplasma, et dirigés pour la plupart parallèlement à l'axe trans-versal du tube. Cet épithélium ^bâtonnets peut être étudié à l'aide de forts grossisse-ments sur des coupes transversales ou longitudinales des tubuli contorti, prati-quées sur un rein traité par le bichromate d'ammoniaque, puis par l'hématoxyline: les bâtonnets, de même que les noyaux, sont alors colorés en bleu et mis ainsi en relief; ils apparaissent comme des stries parallèles quand les cellules sont vues dechamp ; lors-qu'elles sont vues de face, ils se montrent en projection sous forme de petits cercles ou de granulations. Ces bâtonnets occupent surtout dans la cellule la partie qui touche à la membrane fondamentale ; c'est là, en effet, que les stries sont le plus prononcées, et quand on parvient à iso-
• (1) Heidenhain. — Mihrosc. Beitrage zur Anat. und Phys. der Nieren Schultze's Archiv fiirmihr. Anat., 10e Bd. 1874. S. I).
Fig. 21. —Tubecon tourné avec, l'épithé-lium à bâtonnets (d'à près Heidenhain.
Fig 22. — Anse de Henle (d'après Hen-le).
contournés ; un nouveau changement se B , branche descen-
' ° dante. A, branche
produit dans la pièce intermédiaire (Schals- montante. tùck), où l'épithélium sombre, grenu, à bâtonnets, fait place à un épithélium clair, qui se rapproche de l'épithélium cylin-drique, et est seulement plus aplati (Schweigger-Seidel, Henle).
Enfin, tout le système des canaux collecteurs est tapissé également par un épithélium clair. Dans les tubes de 1er ou
Chargot. Œuvres complètes, t. vi, Maladies des reins. 19
1er une cellule de l'épithélium des tubuli contorti, on voit, du côté de la lumière, le protoplasma et une partie du noyau, et du côté de la membrane fondamentale, les bâtonnets qui semblent se terminer par des extrémités libres.
La disposition que je viens de signaler, et que je pourrais vous faire constater sur des préparations faites par M. le Dr Renaut dans le laboratoire de M. Ranvier, paraît être la principale cause de l'aspect sombre et granuleux que présente l'épithélium des tubuli contorti ; mais elle n'exclut pas cependant la présence d'un certain nombre de granulations graisseuses ou protéiques, qui semblent occuper, même dans les conditions normales, le corps des bâtonnets.
Dans la branche descendante de l'anse de Henle, l'épithé-lium subit brusquement une modification profonde : on trouve là, en effet, un épithélium clair et pavimen-teux, renflé seulement au niveau du noyau et tout à fait analogue à celui que présentent les vaisseaux sanguins ; de fait, il est fort difficile de distinguer un tube descendant de Henle, coupé en travers de la section transversale d'un vaisseau sanguin.
Dans la grosse branche ou branche mon-tante de l'anse de Henle, les caractères de l'épithélium changent de nouveau, les cellules qui le composent redeviennent sem-blables à celles qui tapissent les tubes
de 2e ordre, c'est-à-dire dans ceux qui ne s'éloignent pas beaucoup de la capsule, l'épithélium est aplati et la cavité est proportionnellement très large ; plus bas, c'est-à-dire dans les tubes collecteurs les plus volumineux, ceux qui se
rapprochent le plus de la papille, le revêtement est constitué par un épithélium cylindrique, allongé, par-faitement développé.
Laissant de côté l'étude indivi-duelle, abstraite en quelque sorte, des canalicules urinifères, il convieni de rechercher maintenant commenl ces canalicules se groupent et s'agen-cent pour former la substance rénale et aussi quel est le mode de répar-tition des diverses pièces qui les composent dans les différentes ré-gions que l'anatomie macroscopique reconnaît dans le rein.
L'anatomie descriptive, vous le savez, distingue dans le rein deux régions principales : l'une, la région ou la substance corticale, l'autre, la région ou la subst ance médullaire. La substance médullaire, constituée par la réunion des pyramides de Malpighi, peut être elle-même sub-divisée en deux zones, à savoir : Io la zone papillaire ; 2° la zone-limitante ou intermédiaire. La première se distingue par une coloration généralement claire, la seconde est striée en long par une série de rayons alternativement pâles et colorés. Let rayons pâles se continuent dans la substance corticale sous
Fig. 23. — Coupe horizontale du rein d'un chien dans lequel les conduits urinifères et les vais-seaux sanguins ont été injectés. (Ludwig, in Stricker's Gand-bach, 1.1, p. 489, fig. 138, Edit. angl.) p, région papillaire. — g, zone limitante. — r, couche cor-ticale. Les stries foncées de la substance médullaire (/^repré-sentent les fascicules des tubes urinifères ; ils se continuent dans la substance corticale où ils for-ment les rayons médullaires. Les parties transparentes (b), alternant avec les précédentes, correspondent par leur position aux fascicules vasculaires de la zone limitante. Les parties trans-parentes de la région corticale, parsemées de petits points fon-cés (glomérules, c) représentent le labyrinthe.
forme de petits cônes moins colorés que ne le sont les parties avoisinantes : ce sont les prolongements de Ferrein que l'on désigne encore sous le nom de prolongements ou rayons médullaires (Pyramidenfortsatze de Henle, Markstrahlen de Ludwig). Quant aux rayons colorés de la substance médul-laire, ils se continuent sans ligne de démarcation tranchée avec les espaces intermédiaires aux prolongements médul-laires, espaces que, dans la nomenclature adoptée par Henle, on appelle substance corticale proprement dite, et dans celle de Ludwig, plus simplement le labyrinthe : c'est dans l'épaisseur du labyrinthe que se trouvent les glomérules de Malpighi et les tubuli contorti, c'est-à-dire la partie véritable-
ment sécrétante du rein. Je dois ajouter que les rayons médullaires ne s'étendent pas par en haut jusqu'à la capsule rénale ; ils en sont séparés par une zone étroite qui n'est qu'un prolonge-ment de la substance du labyrinthe. Vous pouvez suivre tous les détails de cet exposé sur ce dessin schématique que j'emprunte „. a. au travail de M. Ludwig
rig.¿4. — Loupe transversale dune pa-pille rénale au voisinage du sommet (Fia. 23). (Henle, fig. 232, A). — a, canalicule de Bellini. — b, branche descendante de
Henle. —c, vaisseaux sanguins. » • , ?,,
Après cette vue d ensem-ble, nous sommes en mesure de rechercher quelle est la dispo-sition que présentent les diverses parties de l'appareil des canalicules urinifères, dans chacune des régions qui viennent d'être distinguées. Cette étude doit êtrefaite successivement sur des coupes
transversales. 11 est très important pour les recherches d'his-tologie pathologique d'être familiarisé avec les apparences
que présentent ces diverses coupes.
Io Coupes longitudinales. — A- La région de la papille est formée surtout par les tubes collecteurs qui se divisent seulement dans cette région, et en partie par un certain nombre de branches des anses
Fig. 2o. — Coupe transversale du rein
au niveau de la zone limitante. — a, de Henle formées aux dépens
tubes collecteurs. — b, branche des-
cendantc de l'anse de Henle, — ç, des tubes grêles. 11 n existe branche montante de l'anse de Henle. , , ,, , .
— d, vaisseaux sanguins. donc dans cette région que
deux variétés de tubes urinifères.
B. bans la, zone limitante, au contraire, on trouve trois va-
Fi/7. 26. —Coupe antéro-postérieure de la substance corticale d'un rein d'enfant (Henle). —A, Prolongement deFerrein. — B,Labyrinthe. — C, Glomérule de Malpighi. — D, Rameau artériel.
riétés de tubes : 1° les tubes collecteurs; 2° les branches des-cendantes ou grêles des anses de Henle; 3° les branches larges
ou montantes de ces anses. C'est à la présence de ces bran-ches et à celle de vaisseaux sanguins désignés sous le nom de vaisseaux droits qu'est due surtout l'augmentation de volume que présente la substance médullaire dans cette région.
C. Dans la substance corti-cale, sur des coupes d'ensemble et en allant de la surface du rein vers le bile, on trouve: 1° la capsule du rein creusée de cavités ou espaces lymphatiques ; 2° au-dessous de celle-ci, une couche mince formée de canaux sinueux qui sont, surtout à l'extrémité des prolongements pyramidaux, des pièces intermédiaires, et par-tout ailleurs des tubuli contorti ; 3°plus profondément se voient les prolongements de Ferrein et le labyrinthe. — a) Les prolonge-ments de Ferrein sont formés par des tubes droits collecteurs et par des tubes volumineux ou de l'anse montante de Henle.—b) La région du labyrinthe contient à son centre les artères interlo-bulaires dont les ramifications latérales, à la manière des bran-ches d'un arbre, portent à leurs extrémités les glomérules de Malpighi ; les canaliculi contorti remplissent tout l'espace compris entre les ramifications artérielles et les prolongements médullaires.
Fig. 27. — Schéma de la struc-ture du rein(d'aprés Hinùfleisch. Traité d'histologie pathologi-que. Trad. franc., fig. 189].— et, Bases des lobules rénaux présentant sur la coupe hori-zontale 'fig. 28), l'aspect de figu-res polygonales. — b, Une des branches principales de l'artère rénale séparant les couches mé-dullaire et corticale, et envoyant dans la substance corticale les brandies ascendantes qui por-tent les glomérules de Malpighi. — c, Veinules rénales. — d. Vaisseaux droits.— e, extrémité de la papille rénale. — f, Fais-ceaux des canalicules urinifères rectilignes formant les pyra-mides de Ferrein de la substance corticale.
Les coupes longitudinales fournissent un premier aperçu de la texture lobulaire du rein : chacun des lobules dans la substance corticale est représenté sur la surface de section, par la région comprise entre deux troncs artériels interlo-bulaires. Au,centre du lobule se voit le prolongement médul-laire; à la périphérie, une zone constituée par les parties contiguës du labyrinthe.
2° Les coupes transversales (perpendiculaires au grand axe des pyramides) ne sont pas moins instructives que les précédentes.
A . Celles qui sont faites immé-diatement sous la capsule du rein ne mettent à découvert que des
Fig. 28. —Schéma" de la structure du rein (Rindfleisch). — Coupe ho- tubes contournés et Surtout ceux rizontale de la substance corticale. ., ., ,. . / 7I
Les lobules rénaux se présentent de la pièce intermédiaire (sehal-ie°sT les9 vtfsseaux^^ stuck) ; mais des coupes prati-
représentent des figures étoilées. quées plug ^ yerg ]e milieu
de la couche corticale, par exemple, vous montrent le lobule rénal sous un nouvel aspect qu'il importe dé bien connaître. — a) Sur les limites du lobule se trouvent, en nombre variable, les glomérules de Malpighi; — b) plus en dedans, le labyrinthe avec les tubuli contorti; — cjau centre enfin, les coupes transversales des rayons médullaires, formés par les tubes collecteurs, reconnaissables à leur épithélium cylin-drique, aplati dans cette région, et par les branches montantes des anses, caractérisées par une lumière étroite et par un épithélium trouble.
La connaissance exacte de la disposition lobulaire que pré-sente le rein dans la zone corticale est indispensable à l'ana-lomo-pathologiste, s'il veut pouvoir s'orienter convenable-ment dans les recherches d'histologie pathologique : c'est, nous le dirons bientôt, à la périphérie du lobule, dans la
région du labyrinthe, que siège les lésions les plus importantes des diverses néphrites chroniques, interstitielles ou parenchy-mateuses, substratum anatomique de la maladie de Bright.
B. Sur des coupes transversales pratiquées dans la zone li-mitante ou intermédiaire, au voisinage de la couche corti-cale, on constate une disposition bien représentée dans Tune des planches deHenle (pl. 239 p. 319, toc. cit.), et qui rappelle la distribution lobulaire observée dans la couche corticale : à la périphérie se trouvent des groupes de vaisseaux formés par les divisions des vasta recta ; le centre est occupé surtout par deux sortes de tubes : a) des tubes collecteurs à épithélium clair; et —b) les branches ascendantes conte-nant un épithélium trouble à bâtonnets. On trouve aussi, mais en petit nombre des sections transversales de tubes descendants à épithélium clair et aplati ; il n'y a plus de con-tournés d'aucune espèce.
C. Dans la zone papillaire, l'épithélium cylindrique des tubes collecteurs devient plus long ; le nombre relatif des tubes descendants de l'anse augmente progressivement, et, à un moment donné, ils existent seuls avec les tubes collecteurs, les tubes ascendants ayant complètement disparu.
D. Enfin, tout à fait au niveau de la papille, les tubes collecteurs sont seuls observés : ils manquent, en ce point, de paroi propre, et l'épithélium est là directement appliqué sur le tissu conjonctif {Fig. 25 et 26).
DEUXIÈME LEÇON
Anatomie normale du rein (suite). — Considérations physiologiques.
Sommaire. — Opinions contradictoires des auteurs sur le tissu conjonctif du rein. — Vaisseaux lymphatiques de la capsule et du hile ; — ils communi-quent avec les espaces lymphatiques de la substance corticale. Tissu conjonc-tif lamineux dans là région papillaire. — Cellules étoilées de la substance corticale. — Tissu conjonctif des glomérules ; son importance au point de vue pathologique.
Brève description des vaisseaux du rein.
Quelques mots sur la sécrétion urinaire. — Théorie de Ludwig. — Théorie de Bowmann. — Recherches de M. Heidenhain.
Messieurs,
Nous en avons fini, dans la dernière séance, avec l'anato-mie normale des canalicules urinifères ; il nous faut mainte-nant considérer les autres éléments qui entrent dans la cons-titution du rein, c'est-à-dire les vaisseaux sanguins et lym-phatiques et le tissu conjonctif. Ce dernier surtout mérite de nous arrêter, car si bon nombre d'altérations rénales affectent primitivement la structure des canalicules urinifères, il en est d'autres, non moins importantes, dont le point de départ paraît être dans la gangue conjonctive qui réunit les uns aux autres les divers éléments de l'organe.
I.
L'existence d'une gangue conjonctive dans certaines par-ties du rein, la substance médullaire par exemple, n'a jamais été mise en doute ; il n'en est pas de même pour ce qui con-cerne la substance corticale.
Goodsir avait avancé (1842) que les éléments de la sub-stance corticale étaient unis entre eux par du tissu conjonctif. Cette proposition fut combattue par von Wittich; d'après cet observateur, les interstices des éléments sécréteurs et excré-teurs dans la substance corticale ne seraient séparés les uns des autres que par des vaisseaux capillaires, sans interposi-tion de tissu conjonctif.
Cette contradiction eut de l'écho parmi les histologistes al-lemands, et l'opinion de von Wittich était généralement ad-mise, lorsque, en 1850, M. Arnold Beer publia un travail intitulé : « La substance conjonctive du rein de l'homme dans l'état physiologique et dans l'état pathologique » (1). Le tissu conjonctif du rein se trouva dès lors réhabilité ; mais ses caractères n'ont été bien mis en lumière que par des travaux tout récents ; on peut même dire qu'aujourd'hui toutes les questions relatives à ce sujet ne sont point encore parfaitement élucidées. Du reste, ici comme partout ailleurs, il existe entre les éléments conjonctifs et les canaux lympha-tiques une telle connexité, que la description de ceux-ci et de ceux-là ne saurait être séparée et doit être faite parallèlement.
A. Les lymphatiques du rein ont été étudiés avec soin, dans ces derniers temps, pas Ludwig et Zawarykin. Des vais-seaux lymphatiques bien constitués, munis de parois propres et souvent de valvules, se voient : 1° sur la capsule du rein ; 2° sur les vaisseaux artériels et veineux qui forment le hile.
(1) Arnold Beer. — Die Bindesubstanz dermenchlichen Niere, im ge unden und Krankhaflen Zustande, Berlin, 1859.
Ceux de la capsule sont en communication avec un réseau lacunaire qui occupe l'épaisseur môme de la capsule ; ce réseau, à son tour, communique avec des espaces situés dans la substance corticale du rein, entre les canalicules contournés et les vaisseaux sanguins. Ainsi, suivant Ludwig, auquel la plupart de ces détails sont empruntés, jamais les canaliculi contorti ne sont en contact absolu, soit entre eux, soit avec les vaisseaux sanguins ; ces parties sont constamment séparées par des fentes, où il existe toujours une certaine quantité de liquide dont la constitution ne s'éloigne pas de celle de la lymphe. Au contraire, dans les prolongements des pyramides, les espaces lymphatiques sont peu nombreux. Ils sont plus rares encore dans la substance médullaire, où on ne les trouve que dans le voisinage des vaisseaux droits. Les espaces lym-phatiques de la substance corticale du rein sont en communi-cation facile avec les vaisseaux lymphatiques de la capsule et aussi avec ceux duhile, c'est ce que démontrent les injections poussées dans les lymphatiques capsulaires ; on ignore abso-lument comment se fait anatomiquement cette communica-tion ; on sait seulement qu'elle existe. Rien ne prouve qu'elle ait lieu par des voies directes (1).
B. Le tissu conjonctif du rein, considéré en lui-même, a été étudié surtout par Ludwig, Kolliker, Schweigger-Seidel. D'après ces observateurs, il existe du tissu fibrillaire lami-neux dans la partie papillaire de la substance médullaire ; mais, dans la substance corticale, on n'en trouve plus que des-
(1) En effet, quand on lie un uretère, de manière à produire la rétention de l'urine dans le rein, il se produit un œdème rénal; le liquide extravasé occupe les espaces lymphatiques et de là passe aisément dans les vaisseaux lymphati-de la capsule et ceux du hile. D'un autre côté, lorsqu'on injecte sur le vivant un liquide coloré, une solution d'indigo, par exemple, dans les espaces lym-phatiques, très rapidement l'urine devient bleue. Or, on ne saurait admettre, quant à présent, qu'il y ait entre les espaces lymphatiques et la cavité des ca-nalicules urinifères des voies de communication directes.
traces çà et là, au-dessous de la capsule du rein et autour des capsules de Bowmann.
Dans la région papillaire, les fibrilles sont disposées concen-triquement autour des tubes collecteurs qui, en ce point, n'ont pas de paroi propre. A mesure qu'on s'éloigne du som-met des pyramides, les fibrilles deviennent de plus en plus rares. Dans la substance corticale, le tissu conjonctif n'est plus représenté que par des cellules, situées dans l'intervalle des canaux contournés et des vaisseaux. Ce sont, d'après Schweigger-Seidel, des cellules étoilées ou fusiformes, dont les prolongements filamenteux s'attachent aux parois de ces canaux (1).
Rolliker compare ce tissu à celui de la névroglie qui, sui-vant lui, forme un véritable réticulum, un réseau de cellules; mais il n'ose affirmer que les prolongements en question font corps avec les cellules et ne sont pas des fibrilles ou des fais-ceaux indépendants. Toujours est-il que, suivant la remarque de Schweigger-Seidel, les cellules étoilées ou fusiformes ont leur grand diamètre perpendiculaire à la direction des cana-licules contournés.
Le tissu conjonctif du glomérule mérite une mention spé-ciale. Les vaisseaux capillaires et les lobules dont l'ensemble constitue le glomérule sont réunis entre eux par une gangue conjonctive, qui a été bien étudiée par Axel Rey ; il y a là dans l'intervalle des capillaires et des lobules des cellules étoilées, analogues à celles décrites par Schweigger-Seidel dans les espaces qui séparent les canalicules urinifères. Le glomérule tout entier est en outre recouvert, d'après la des-cription de Kolliker et de quelques autres auteurs, par un épithélium cubique, bien distinct de celui qui tapisse la cap-sule, quoiqu'il se continue sans doute avec lui.
(1) Schweigger-Seidel, loc. cit., Pl. III, fig. B, r.
Je ne puis terminer les préliminaires d'anatomie normale sans vous dire quelques mots des principales dispositions que présentent dans leur distribution les vaisseaux artériels et veineux du rein ; je suivrai, dans cet exposé, la description donnée par Ludwig dans son remarquable article de YEncy-
(1) Klebs. —Handbuch der patholoq. Anatomie. Bd. I. 2. Abt. Berlin. 1876, p. 646.
Le tissu conjonctif du glomérule jouerait, suivant quelques auteurs, MM. Virchow, Beer, et surtout Klebs, un rôle très-important dans certains états pathologiques. Ainsi dans la scarlatine, chez des sujets ayant succombé rapidement par le fait de l'anurie, M. Klebs aurait trouvé plusieurs fois dans les reins, pour toute lésion, en dehors des lésions banales rele-vant delà congestion, une altération limitée aux glomérules, et qu'il propose de désigner sous le nom de glomérulo-né-phrite (1). Les glomérules, en pareil cas, paraissent exsan-gues, et lorsqu'on les examine au microscope, soit sur des coupes, soit après dilacération, on voit que le nombre des noyaux des cellules conjonctives, dans les mailles des capil-laires, a pris des proportions considérables.
Cette multiplication énorme des éléments conjonctifs aurait pour conséquence de déterminer une compression des vais-seaux des glomérules qui, par suite, deviennent exsangues ; on comprendrait ainsi que la sécrétion urinaire se trouve par-fois rapidement supprimée.
Cette altération des glomérules qui, d'après Klebs, se montre isolée dans la scarlatine, se trouve, dans certaines lésions chroniques du rein, combinée à des altérations qui portent sur l'épithélium des canaliculi contorti et sur le tissu conjonc-tif interstitiel.
IL
clopédie de Stricker. C'est la description la plus récente et, à beaucoup d'égards, la plus autorisée.
Les artères rénales, dans leur parcours entre la substance médullaire et la substance corticale, donnent naissance à deux ordres de vaisseaux qui sont destinés, les uns à la subs-tance corticale, les autres à la substance médullaire.
1° Les artères de la substance corticale naissent perpendi-culairement à la direction des artères rénales et forment les branches interlobulaires ; puis de celles-ci se détachent, aussi à angle droit, les artérioles qui vont aux glomérules sous le nom de vaisseaux afférents. Le ras afferens, ordi-nairement indivis jusqu'au glomérule, donne cependant quelquefois des branches qui vont directement aux capillaires. Dans le glomérule, le vas efferens qui sort en même temps que le vaisseau afférent, du côté de la capsule opposé à l'orifice du tube urinifère.
Le vaisseau efférent, après sa sortie du glomérule, se dirige surtout vers les rayons médullaires, et en certains points où ces rayons médullaires font défaut, vers les tubes contour-nés les plus superficiels de l'écorce. Dans les rayons médul-laires il forme un réseau capillaire à larges mailles, qui communique avec un autre réseau à mailles étroites, inter-posé aux tubes contournés.
De distance en distance, des veines se forment dans ces réseaux et ramènent le sang dans les veines interlobulaires qui, parallèles aux artères de même nom, vont se jeter dans les veines rénales.
2° Les artères de la substance médullaire proviennent des vasa recta. Il y a deux espèces de vasa recta : les uns prennent leur origine dans l'artère rénale elle-même, ainsi que l'ont démontré, après de longues con-testations, les travaux de Virchow et de Ludwig; ce sont
de véritables artères. Les autres (qui, d'après Ludwig, n'au-raient pas de tunique musculaire) sont des vasa aberrantia, vaisseaux très allongés, venant de ceux des glomérules qui dans la substance corticale sont situés le plus bas, c'est-à-dire le plus près de la substance médullaire. Ces vaisseaux, d'ori-gine diverse, donnent naissance à un lacis de capillaires à mailles plus ou moins larges, qui, sur les bords de la zone limitante, communique d'ailleurs avec le système capillaire de la couche corticale.
Ainsi, d'après l'opinion de Ludwig, qui confirme celle de M. Virchow, la circulation de la substance médullaire serait, en partie, indépendante jusqu'à un certain point de celle de la substance corticale. Cette vue est contraire à celle de Kolliker qui prétend, au contraire, que tous les vasa recta proviennent des vaisseaux afférents, et que le sang qui y circule a, par conséquent, déjà traversé le glomérule.
3° Il existe en outre, dans le rein, des artères capsulaires, provenant de celles des artères interlobulaires qui ne se sont pas résolues en vasa afferentia, et enfin des artères de prove-nance extra-rénale (phréniques, lombaires, etc).
III.
C'en est assez, Messieurs, sur l'anatomie morale du rein. Actuellement, avant d'entrer définitivement dans le domaine anatomo-pathologique, je crois nécessaire encore de vous exposer quelques données physiologiques qui devront être utilisées par la suite.
Les produits dits spécifiques de l'urine, tels que l'urée et l'acide urique, préexistent dans le sang: c'est un fait depuis longtemps reconnu, et que, contrairement aux assertions récentes de Hoppe-Seyler et de Zalesky, les expériences de
M. Grétal ont enfin de nouveau péremptoirement établi. La sécrétion urinaire est donc un phénomène de filtration ou plutôt de diffusion ; c'est une diffusion spéciale dans laquelle le produit, en raison des propriétés particulières de la membrane, est profondément modifié.
Il nous intéresse de chercher à préciser dans quelles parties de l'appareil rénal s'opère cette sélection. Laissant de côté les canaux collecteurs qui, d'un commun accord, sont des parties excrétantes, nous n'avons plus à considérer que la partie sécrétante qui se compose de deux éléments principaux: 1° les glomérules; 2° les canalicules contournés et le système de l'anse.
Suivant Ludwig, le glomérule serait la pièce la plus impor-tante; toute l'urine serait là, sécrétée avec les principes es-sentiels, mais à l'état de grande dilution; les autres parties du rein n'auraient d'autre rôle que d'amener une concentra-tion progressive de ces principes. Au contraire, dans l'opinion de Bowmann, adoptée avec quelques modifications par von Wittich, les glomérules serviraient seulement à séparer l'eau, et la sécrétion des principes spécifiques se ferait dans les cel-lules spéciales des canalicules urinifères.
Il faut reconnaître que ces diverses opinions reposent jus-qu'à présent sur des arguments plutôt que sur des faits ; tou-tefois, les récentes expériences de M. Heidenhain (1) semblent donner gain de cause à l'opinion Bowmann.
Le rein vivant présente une affinité toute spéciale pour l'in-digo; en effet, si l'on injecte dans le sang d'un animal une solution très peu concentrée de sulfate d'indigo sodique, l'urine et le rein ne tarderont pas à présenter une coloration bleue plus ou moins prononcée alors que nulle part ailleurs dans l'organisme il n'exisLera de coloration semblable. Le rein a donc, dans ce cas, coloré la matière colorante qui s'est
(ly Heidenhain. — Versilche Hber den Verganp der TTurnabsonderung.iPflïi-ger's An-hiv, 9 Bd. p. 1 1874.
éliminée par les urines. Or, remarquez qu'il y a la plus grande analogie entre ce qui a lieu, dans ces conditions ex-périmentales, pour l'indigo, et ce qui se passe dans les condi-tions physiologiques, à l'égard de l'urée ou de l'acide urique, principes spécifiques de l'urine.
Cette analogie est le fil conducteur qui a dirigé M. Heiden-hain dans ses recherches. Dans la sécrétion du bleu d'indigo, l'urine n'est pas seule colorée ; les différentes parties du rein le sont aussi à des degrés divers, et la connaissance de ce fait, habilement exploitée, devait conduire à des résultats intéres-sants. 11 était permis, en effet, d'espérer que l'on arriverait, en variant les conditions de l'expérience, à déterminer le lieu précis où dans le rein s'opère primitivement la filtration delà matière colorante, et, d'une façon plus générale, la sécrétion des principes spécifiques. D'un autre côté, s'il était vrai, comme l'assure Ludwig, que la sécrétion des divers éléments de l'urine (eau et principes spécifiques), se fit en même temps et sur un seul point de l'appareil des tubes urinifères, la sup-pression de la sécrétion de l'eau devait entraîner nécessaire-ment la suppression de l'élimination des principes spécifiques. Or, les expériences de M. Heidenhain, en ce qui concerne le bleu d'indigo, démontrent justement le contraire ; car on peut supprimer la sécrétion de l'eau sans empêcher la sécrétion de la matière colorante.
Deux procédés permettent de supprimer ainsi la sécrétion des parties aqueuses de l'urine : l'un d'eux consiste à dimi-nuer la pression artérielle dans le rein, soit par une saignée abondante, soit par une section de la moelle épinière au-des-sus du bulbe (Eckhard).
Si chez un animal auquel la section de la moelle cervicale a été pratiquée, on injecte une solution d'indigo, voici ce que l'on observe : il n'arrive pas dans la vessie la plus petite quantité d'urine, mais la matière colorante passe cependant
dans le rein ; elle est donc sécrétée, sinon excrétée^ Mais, en pareil cas, elle ne diffuse pas, comme cela a lieu dans l'état normal, dans toutes les parties du rein; elle n'occupe qu'une partie de l'organe : la substance corticale. Une analyse mi-croscopique attentive permet de reconnaître, grâce à la colo-ration bleue, quelles sont les parties des tubules urinifères, et dans ces tubules quels sont les éléments où s'opère cette élimination. Or les parties colorées sont : 1° les canalicules contournés ; 2° les branches montantes des anses de Henle ; au contraire les capsules de Bowmann, ainsi que les tubes grêles de l'anse, ne présentent pas la moindre trace de colo-ration bleue.
Les canaliculi contorti et les canaux ascendants de l'anse ont donc fonctionné d'une manière indépendante. Or, ces parties sont précisément celles qui sont revêtues d'un épithé-lium trouble à bâtonnets, c'est-à-dire celles qui, par les ca-ractères morphologiques de leur épithélium, rappellent la dis-position des organes sécréteurs.
On peut pousser plus loin l'investigation et rechercher dans quels éléments s'opère l'élimination de la matière colo-rante. Si l'animal a été sacrifié dix minutes après l'injection, on voit que la matière colorante imprègne seulement les cellules épithéliales, et dans celles-ci, à l'exclusion du proto-plasme, les noyaux et les bâtonnets : la cavité des tubes n'est nullement colorée. Les cellules épithéliales sont donc le premier siège de la sécrétion, ou, si vous aimez mieux, de l'élimination du bleu d'indigo.
Si l'animal est sacrifié, au contraire, une heure ou plus longtemps après l'injection, on trouve les cellules épithé-liales décolorées, et la matière bleue a passé dans la lumière des canalicules, où, faute d'eau, elle se trouve à l'état de concentration extrême, c'est-à-dire, sous forme d'un dépôt cristallin.
Charcot. Œuvres complètes, t. vi. Maladies des reins. 20
Il y a tout lieu de croire que les choses se passent essentiel-lement de la même façon, lorsqu'on laisse persister la sécré-tion d'eau ; seulement, sous l'influence de cette sécrétion, la matière colorante se trouve entraînée loin du siège primitif d'élimination, c'est-à-dire qu'elle se répand dans les branches descendantes ou grêles, dans les canaux collecteurs et enfin dans l'urine. C'est ce qui fait que, à un moment donné qui suit de très près l'injection, toutes les parties du rein à l'ex-ception du glomérule se trouvent colorées ; mais cette coloration disparaît bientôt lorsqu'on laisse vivre l'animal, toute la matière colorante entraînée par l'eau passant dans l'urine.
Les autres expériences de M. Heidenhain ne sont, pour ainsi dire, que des variantes de la précédente.
On peut contrebalancer l'influence de la pression sanguine jusqu'à l'annihiler, en augmentant la pression en sens con-traire qui se fait dans les canalicules, et pour atteindre ce ré-sultat, il suffit de pratiquer la ligature de l'uretère. Au bout d'un jour, la sécrétion de l'urine est complètement suppri-mée ; si alors on injecte la solution d'indigo, le résultat est absolument le même que dans le cas précédent, c'est-à-dire que la coloration existe seulement dans la substance corticale sur les épithéliums à bâtonnets.
Enfin, il y a dans les expériences de M. Heidenhain une variante fort élégante : chez l'animal vivant, on cautérise lé-gèrement avec le nitrate d'argent la surface du rein, de ma-nière à former des bandes transversales ; puis 2 ou 3 jours après, on fait l'injection d'indigo. Cette cautérisation par un mécanisme qui n'est pas encore bien élucidé, a pour résultat de supprimer dans les parties correspondantes du rein la sé-crétion d'eau; or, tandis que dans les zones correspondantes aux parties cautérisées la coloration se répand dans les deux substances, on voit au contraire, dans celles qui répondent aux parties cautérisées, que la substance corticale est seule colo-
rèe, l'examen microscopique montre d'ailleurs, ici comme dans les expériences précédentes, que la matière colorante imprègne les tubes contournés et les branches ascendantes de l'anse, à l'exclusion des glomérules et de toutes les autres parties de l'appareil.
En résumé, ces expériences tendent à démontrer : 1° que la sécrétion ou l'élimination de la matière colorante est indé-pendante delà sécrétion de la partie aqueuse de l'urine, où tout au moins que la matière colorante n'entraîne avec elle que la petite quantité d'eau nécessaire pour la tenir en solu-tion dans son passage à travers les parois des tubuli ; — 2° que cette sécrétion se fait dans les points spéciaux de l'ap-pareil, ceux qui sont revêtus d'un épithélium trouble ; les glomérules n'y semblent prendre aucune part, et ne parais-sent, en conséquence, avoir d'autre rôle que de fournir la partie aqueuse de l'urine.
La sécrétion des principes spécifiques de l'urine s'opère-t-elle exactement de la même façon que l'élimination des ma-tières colorantes? Pour ce qui est de Y urée, la chose est vrai-semblable, mais ne peut être démontrée expérimentalement ; car l'urée ne produit aucune coloration sur les parties où elle s'élimine, et ne se concrète pas au sein des liquides de l'orga-nisme. Mais il n'en estpas de même pour Vacide urique, ou mieux Turate de soude. En effet, dans les expériences de M. Heidenhain, Turate de soude injecté en solution concen-trée se dépose dans les canaliculi contorti, sous forme de granulations jaunes accumulées dans la lumière de ces tubes, tandis que les glomérules n'en contiennent pas de trace. Dans les expériences où la sécrétion d'eau n'a pas été complète-ment imterrompue, on trouve ces granulations jusque dans les canaux collecteurs , mais il est facile de reconnaître que, dans ces derniers, les dépôts uratiques viennent de plus haut,
car ils sont plus volumineux que ceux qu'on trouve dans les canaux contournés et présentent des couches concentriques, qui se sont stratifiées, chemin faisant, dans le parcours à tra-vers les canalicules urinifôres, en même temps que l'urine sé-crétée subissait une concentration progressive.
Ces résultats des injections d'urate de soude rappellent ce qui s'observe à l'état normal chez les oiseaux, dont l'urine solide est, vous le savez, composée en grande partie de glo-mérules d'acide urique. D'après les observations de von Wit-tich, ces glomérules existent déjà à l'état rudimentaire dans les reins de l'oiseau jusque dans les canaliculi contorti et même jusque dans les cellules épithéliales de ces tubes, où ils occupent le noyau, mais jamais on n'en rencontre dans les capsules deBowmann. On trouve ensuite dans lesautres par-ties des tubes urinifères des cellules libres dans lesquelles les glomérules acquièrent des dimensions de plus en plus consi-dérables.
Il est temps, Messieurs, de mettre un terme à la longue ex-cursion anatomique et physiologique dans laquelle je vous ai entrainés. Nous n'aurons pas à regretter, je l'espère, le temps que nous y avons consacré ; car plus d'une fois, les données recueillies chemin faisant seront utilement appliquées à l'in-terprétation des phénomènes appartenant au domaine anato-mo-pathologique, domaine dans lequel nous devons mainte-nant entrer de plein pied.
TROISIÈME LEÇON
Infarctus tubulaires du rein. — Cylindres urinaires. — Vue d'ensemble de la maladie de Bright.
Sommaire. — Infarctus tubulaires cristallins d'urate de soude. — Blocs d'acide urique (gravelle du rein).—Infarctus uratiques des nouveau-nés;—Opinion de M Vircbow, de M. Parrot. — Infarctus calcaires. — Tubulhématie ré-nale. — Infarctus biliaires.
Cylindres fibrineux ou mieux cylindres urinaires. — On a exagéré l'importance que peut avoir la présence de ces cylindres dans l'urine. — Étude de ces cylindres dans le rein, à l'aide des procédés anatomiques. — Siège des cylin-dres. — Circonstances dans lesquelles on les observe : — dans la région des tubes droits ; — dans les tubes contournés.
Étude des cylindres urinaires dans l'urine. — Variétés de forme et de volume. — Variétés suivant les caractères optiques et micro-chimiques. — Cylindres hyalins ; — C. granuleux ; — C. cireux ; — C. épithéliaux.
Signification clinique des cylindres urinaires.
Vue d'ensemble de la maladie de Bright. — Doctrine de l'unicité et de la mul-tiplicité des formes. — Caractères généraux des différentes formes: Gros rein blanc; — Rein contracté; — Rein amyloïde.
I.
Messieurs,
J'appellerai tout d'abord votre attention sur un groupe d'al-térations rénales auxquelles on n'accorde peut-être pas, en gé-néral, toute l'importance qu'elles me paraissent mériter au point de vue théorique aussi bien qu'au point de vue pratique : je veux parler des infarctus tubulaires du 'rein. Les divers canalicules urinifères peuvent, en effet, être plus ou moins
complètement oblitérés par des produits sécrétés avec l'urine, ou qui se sont mêlés à ce liquide dans son parcours.
1° Je citerai en premier lieu les infarctus uratiques cris-tallins, résultant de l'oblitération des canalicules urinifères par l'urate de soude blanc et cristallin, et qui s'observent fré-quemment chez les goutteux, en même temps qu'une des formes de la néphrite interstitielle chronique. Ces dépôts, qui sont visibles à l'œil nu, se dessinent sous la forme de petites stries d'un blanc crayeux dans la substance tubuleuse, et siègent principalement dans la région papillaire : on ne les a jamais rencontrés ailleurs que dans les canaux collecteurs. Dans des recherches faites autrefois, en commun avec M. Cor-nil (1), j'ai pu constater que ces dépôts se composent de deux parties : l'une centrale, amorphe, occupe le canalicule dont elle obstrue la lumière ; l'autre, cristalline, se présente sous forme de longues aiguilles qui rayonnent en tous sens dans les intervalles des tubuli. Ces infarctus uratiques oblitèrent ainsi un certain nombre d'orifices papillaires ; mais ils sont rarement très nombreux; pourtant, il ne paraît pas impossi-ble que, lorsqu'ils occupent une grande partie des papilles des deux reins, ils puissent contribuer à produire les symp-tômes graves de l'anurie ou de l'ischurie goutteuse.
2° A côté des infarctus uratiques cristallins, il faut placer une forme de gravelle qu'on pourrait appeler gravelle du rein, et que Rayer a rencontrée également chez les goutteux. Il s'agit là d'acide urique coloré en jaune et qui se présente sous forme de petits blocs amorphes, à la fois dans la couche corti-cale et les pyramides , on trouve toujours en même temps un très grand nombre de petits grains de même nature dans la cavité des bassinets.
(1) Mém. de la Soc. de Biologie, 1863, Pl. iv, fig. 3, et Leçons su)' les ma-ladies des vieillards, Pl. m, fig. 3. Ce mémoire a été reproduit par nou dans le tome VII des Œuvres complètes de M. Charcot, p. 425-457. (B).
3° Il existe encoró une autre forme d'infarctus uratiques, auxquels on a fait jouer un grand role dans la pathologie ou mieux dans la physiologie du -nonrea.n-né. Ce sont de petites masses noirâtres, que Rayer avait déjà derrites, mais qui ont été mieux étudiées par Virchow et M. Parrot. Constituées par des concrétions d'urate d'ammoniaque (Virchow), ou d'urate de soude (Parrot), accumulées dans les canaux collecteurs, elles se présentent sous forme d'aigrettes sur la surface de section des pyramides.
D'après M. Virchow, on les observe chez le nouveau-né clans plus de la moitié des cas. el seulement du 2fi au 19e jour; il considère leur formation comme un t'ait physiologique se pro-duisant seulement chez les enfants qui ont respiré, et propose de tirer de leur présence un signe important pour la pratique de la médecine légale. Pour M. Parrot, au contraire, c'est un fait pathologique s'observanl à la suite de troubles intestinaux graves, lorsqu'il y a déficit de l'élément aqueux dans l'orga-nisme ; M. Parrot les a rencontrés, d'ailleurs, à une époque fort éloignée de la limite indiquée par Virchow, ainsi chez des enfants de 5, 6, et même 9 mois.
4° Je mentionne seulement les infarctus calcaires que l'on peut observer chez les vieillards, et qui, suivant Koster (cité dans Henle), occuperaient les anses de Henle.
5° M. Parrot a décrit récemment, sous le nom de Tabulhé-matie rénale, des infarctus sanguins des canalicules quise produisent parfois chez le nouveau-né. En pareil cas, les bas-sinets contiennenl un magma noirâtre, semblable à de la poix ; en même temps, les conduits collecteurs sont oblitérés en grand nombre par dos amas cylindriques formés par des glo-bules de sang agglomères et plus ou moins profondément altérés, mais encore facilement reeonnaissables, Les masses
qui composent ces cylindres se rencontrent isolées et peu vo-lumineuses dans les canaux contournés et dans l'anse de Henle. Il est probable qu'il se fait là une transsudation des hématies, rendue possible par l'altération du sang, toujours est-il que, par suite de l'oblitération d'un certain nombre de canalicules par les infarctus de sang concrète, il peut se dé-velopper des accidents urémiques capables d'amener rapide-ment la mort.
6e Dans l'ictère très foncé, la bilirubine peut se concentrer dans le liquide urinaire et former des infarctus biliaires qui obstruent les canalicules droits, ainsi que le montre une planche de l'atlas de Frerichs. (Taf. 1, fig. 9.). Jene sache pas que des accidents quelconques aient été rattachés jamais à la présence de ces concrétions biliaires des reins.
7° De tous les infarctus tubulaires, les plus intéressants à étudier sont incontestablement ceux qu'on désigne sous le nom de cylindres fibrineux, et que j'appellerai plus volon-tiers cylindres urinaires, car ils ne sont pas formés de fi-brine (1).
II.
Vous savez, Messieurs, quelle importance les cliniciens at-tachent, en général, aujourd'hui à la recherche de ces cylin-dres dans l'urine : on suppose que, comme ils proviennent des profondeurs des tubes urinifères dont ils représentent le moule interne, ils peuvent donner des renseignements sur l'état anatomique de ces tubes. C'est là une vue ingénieuse, rmnYdont l'importance dans l'application, a été, je crois, sin-gulièrement exagérée.
(1) Consulter sur les cylindres, un intéressant travail de M. le DrABurkart: — Die Harncylinder mit besonderer Berücksichtigung ihrer diagnostischen Bedeutung. Berlin, 1874.
Fig. 29. — Coupe à travers un rein atteint de la maladie de Bright. — Les cellules qui tapissent les tubes sont granuleuses, remplies de gra-nulations protéiques et graisseuses. Au centre des tubes, on voit la coupe de cylindres hyalins. Grossisse-ment de 420 diamètres. (Gornil et Ranvier.
Les cylindres urinaires méritent d'être étudiés dans deux circonstances : A. Dans le rein lui-même, à l'aide des procé-dés anatomiques ; B. Pendant la \ie, dans l'urine.
A. L'étude des cylindres dans le rein permet de reconnaî-tre le lieu où ils sont formés. On n'a jamais vu les capsules de Bowmann obstruées par la matière qui les forme ; mais en dehors de ce point, on les peut trouver à peu près par-tout dans les conduits urinifères ; pourtant c'est surtout dans l'anse de Henle et principalement dans la branche montante qu'on les rencontre en abondance ; ils se voient aussi assez fréquemment dans les canaux collecteurs de divers diamè-tres. Dans ces deux points, on les reconnaît facilement soit sur des coupes longitudinales, soit sur des coupes transver-sales, et l'on peut constater que les cellules épithéliales n'entrent pas, en général, dans la constitution des cylindres. Ceux-ci se présentent au cen-tre du tube sous forme d'une masse amorphe transparente, quelquefois granuleuse ou bien contenant dans son intérieur des corps figurés, variés, leuco-cytes, hématies, débris de cel-lules, etc.. Lorsqu'ils ont sé-journé longtemps dans le rein, par exemple dans les cas de lésions chroniques de cet orga-ne, ils présentent habituelle-ment une teinte jaune et se colorent facilement, soit par l'iode, soit par le carmin.
Les cylindres urinaires peu-vent se rencontrer dans la région des tubes droits dans un
certain nombre de circonstances: 1° à l'état normal, suivant Klebs et Axel Key ; 2° Chez des animaux expérimentalement enduits de vernis et devenus, par ce fait, albuminuriques, Krause (cité par Henle) a trouvé des cylindres dans les anses de Henle ; 3° On les rencontre surtout dans les diverses formes delà maladie de Bright. 4° Dans la stéatose phosphorée, d'après les observations de M. Ranvier, ils se trouvent en petit nombre dans les tubes droits mais surtout dans les anses de Henle. Dans ce dernier cas, les cellules épithéliales entrent dans la constitution des cylindres, qui se présentent sous forme d'un magna granulo-graisseux composé d'une masse albuminoïde et de granulations graisseuses.
Des cylindres plus ou moins analogues aux précédents peuvent ainsi se former dans les canaux contournés dans certaines conditions : ainsi, dans la néphrite parenchyma-
Fig. 30. — Section du rein dans un cas de néphrite interstitielle très avan-cée. — a, Tissu conjonctif formé de fibres etde cellules plates. — b, Section d'un tube urinifère atrophié qui présente au milieu de sa lumière la section d'un petit cylindre colloïde. — h, Un tube urinifère contenant aussi un cylin-dre colloïde, et dont les cellules épithéliales sont aplaties--g, Tube urini-fère. — e, Cellules plates de revêtement d'un kyste formé aux dépens des tubes urinifères et qui contient une substance colloïde, e, à lames concentri-ques et un amas granuleux central, /, formé de granulations d'hématine, — v, Vaisseau sanguin. Grossissement de deux cents diamètres.'Cornil et Ranvier).
teuse, la lumière de ces canaux peut se trouver obstruée par une masse, hyaline au centre et granuleuse à la périphérie ; ette apparence est produit* par un cylindre entouré de cel-
Iules épithéliales altérées. Dans la néphrite interstitielle avan-cée, ou, par suite de la disparition de l'épithélium, le tube urinifère n'est plus représenté que par la membrane fonda-mentale, le canal est complètement rempli par une substance colloïde, dans laquelle se trouve compris le cylindre. Deux des planches de M. Cornil (Thèse d'agrég., 1869) vous repré-sentent parfaitement ces deux variétés différentes.
Je me borne à ces exemples, car les infarctus des canaux contournés devront être spécialement étudiés à propos des diverses formes anatomiques de la maladie de Bright ; mais il est un point que je veux faire remarquer, c'est que les cylin-dres formés dans l'anse de Henle ou dans les canaux d'union et les tubes collecteurs, sont les seuls qui puissent, suivant toute vraisemblance, passer dans l'urine, à cause du petit calibre de l'anse descendante. Les cylindres des canaux con-tournés ne pourront, en effet, que bien difficilement franchir cette branche étroite, et, par conséquent, on ne doit pas s'at-tendre à les rencontrer souvent dans l'urine. Cette remarque est fort importante et elle enlève beaucoup de valeur à la recherche clinique des cylindres, puisque ceux dont il impor-terait le plus de constater la présence ne passent guère dans l'urine.
B. Nous devons actuellement, Messieurs, étudier les cylindres urinaires tels qu'ils se présentent dans les urines, pendant la vie ; on en reconnaît facilement plusieurs variétés, lorsqu'on examine au microscope les dépôts qui se sont formés dans ce liquide par le repos.
a) Le volume et la forme des cylindres urinaires varient très vraisemblablement suivant le lieu où ils se sont produits. Les plus volumineux sont supposés venir des tubes collec-teurs ; les moyens proviennent des tubes collecteurs de petit calibre ou de la pièce intermédiaire ; les plus petits
viennent sans doute de la branche montante de l'anse de Henle. Klebs et Dickinson ont décrit des cylindres présentant une portion assez volumineuse et une extrémité un peu effilée : cette petite extrémité répond, vraisemblablement, à l'anse montante ou à la pièce intermédiaire. M. Cornil a figuré dans sa thèse d'agrégation (p. 24, fig. 5, 5°) un cylindre qui pré-sente un étranglement et deux parties renflées : la partie étroite correspond sans doute au canal intermédiaire ou canal d'union de Schweigger Seidel.
b) En raison de certaines variétés dans les caractères optiques ou micro-chimiques des cylindres urinaires, il y a lieu d'établir parmi eux plusieurs groupes :
1° Les cylindres hyalins
sont formés de substance a-, morphe colorés, peu réfrin-gents ; ils sont flexibles et non cassants. Rovida, qui les a ana\ysès(Centralblatt, 1872), les a trouvés constitués par une matière albuminoïde qui diffère à la fois de la fibrine et de la chondrine, et se rap-proche plutôt de la gélatine. Déjà, en 1853, M. Robin avait protesté contre la dénomina-tion de clylindres flbrineuœ, f- si r„v„ .n„ h, r,r „ /,7.,.,,- qu'on leur donne encore quel-
big. ol. — Cylindres hyalins de la ne- * ^ phrite albumineuse. - 1 cellules du quefois, et qui n'est fondée rein. — 2, Cylindre hyalin avec des ^ 1 cassures sur ses bords. — 3, Cylindre que SUT des analogies gTOS-ayant entraîné à la surface des frag-ments de cellules. — 4, Cylindre hya- sières. On peut trouver, à la lin recouvert de granulations grais-
seuses. —5, Cylindre contourné (Cornil SUrtace de ces Cylindres hya-
et Ranvier). n n . , , .
lms ou dans leur intérieur,
des leucocytes, des hématies, des noyaux de cellules, ou même des cellules épithéliales plus ou moins chargées de granulations graisseuses.
Ce sont les plus vulgaires de tous les cylindres urinaires ; on les trouve dans les affections rénales les plus diverses, aiguës ou chroniques ; on peut même les rencontrer à l'état normal, et dans les conditions où la stucture du rein n'est pas altérée.
2° Les cylindres granuleux sont de deux sortes. — Les uns ont la même origine que les précédents, seulement ils ont subi une sorte de dégénération granuleuse ; ils s'éclair-cissent, du reste, sous l'influence de l'acide acétique (Dickin-son) ; la présence de ces cylindres, constatée pendant long-temps dans les urines, aurait, d'après Dickinson, une certaine importance ; elle indiquerait une lésion essentiel-lement chronique du rein, surtout la néphrite interstitielle — Il faut distinguer de ces cylindres granuleux les cylindres granulo-graisseux, décrits par Ranvier dans la stéaose phosphorée. Constatée dans un état aigu, l'existence de ces derniers doit éveiller l'attention sur la possibilité d'une intoxi-cation par le phosphore.
3° Les cylindres cireux res-semblent à beaucoup d'égards aux cylindres hyalins, mais ils sont plus réfringents et pré-sentent habituellemeut une colo-ration jaunâtre ; ils sont aussi plus cassants et leurs bords sont souvent comme entaillés. Ils
résistent plus que les Cylindres Fig.32. — Cylindres pleins albumi-
M.p m no-graisseux de Vurine albuminu-
mS aux réaCtlIS, mais US rique dans l'empoisonnement par
se colorent facilement par le Pho*Phore (Cornil et Ranvier)-l'action des matières colorantes, en particulier par le carmin
et surtout par l'iode, qui les teint en jaune brun. Les cylindres cireux se rencontrent surtout dans la néphrite interstitielle ; ils n'ont aucune connexité particulière avec la dégénérescence amyloïde du rein.
4° Il ne faut pas confondre avec les cylindres urinaires des corps de provenance rénale, et que l'on désigne avec raison sous le nom de cylindres épithéliaux : ce sont, en réalité, des amas quelquefois exclusivement composés de cel-lules épithéliales agglomérées, plus ou moins altérées, et provenant des tubes urinifères. Leur présence dans l'urine est un fait banal dans certaines maladies aiguës, par exemple dans les fièvres éruptives ; on les trouve souvent aussi à la suite de l'administration des diurétiques. C'est dire qu'ils n'ont pas, au point de vue clinique, une grande importance.
c) Après ce que j'ai dit, chemin faisant, dans la description qui précède, il me reste peu de chose à ajouter concernant la signification clinique des diverses formes de cylindres urinaires. Je me bornerai aux remarques suivantes :
1° D'une manière générale, l'importance clinique des cylin-dres urinaires a été fort exagérée. Ce ne sont pas, autant qu'on l'a dit, des messagers fidèles annonçant au clinicien l'état anatomique du rein, des miroirs réfléchissant les diverses lésions rénales. Formés dans les dernières parties de l'appareil des tubes urinifères, ils ne peuvent, en tout état de cause, fournir de renseignements que sur l'état de ces parties ; j'ai insisté plus haut sur ce fait que les cylindres formés dans les tubes contournés ne peuvent probablement que rarement passer dans l'urine.
2° Les cylindres hyalins peuvent se rencontrer à l'état nor-mal dans l'urine : indiqué déjà par M. Robin en 1855, ce fait a été confirmé par Axel Key, Rosenstein, et beaucoup d'autres
auteurs (i). On les observe aussi dans des affections très diverses autres que celles du rein, et en dehors même de l'albuminurie. Ainsi Nofhnagel (Deutsche Archiv, 1873, p. 336) dit les avoir retrouvés constamment dans les cas d'ictère intense s'accompagnant d'élimination par l'urine des acides biliaires, quelle que fût d'ailleurs l'origine de l'ictère (ictère catarrhal, ictère de la pneumonie, de la pyémie, etc.) La formation des cyilindres paraît tenir, dans ces cas, à l'action des acides biliaires sur le sang ; car Leyden les a observés dans l'urine des animaux dans le sang desquels il avait in-jecté des acides biliaires.
Dans le cas de maladie rénale même, les cylindres hyalins n'ont d'intérêt que par leur longue persistance ; constatés pendant longtemps et en grand nombre dans les urines, ils indiquent en général une lésion rénale confirmée ; mais il faut remarquer qu'à ce moment il existe toujours d'autres si-gnes plus importants qui suffiraient à éclairer la situation.
Les cylindres granuleux ont plus de valeur ; lorsqu'on les retrouve pendant un certain temps à chaque examen dans une urine abondante et peu albumineuse, ils annoncent sui-vant M. Dickinson, la néphrite interstitielle. Leur présence peut donc servir à éclairer le diagnostic de la forme, et même dans des cas douteux, le diagnostic absolu de la maladie. Les cylindres cireux sont aussi l'indice d'une lésion chronique, mais il faut bien savoir que la teinte brune qu'ils prennent par l'action de l'iode n'indique pas nécessairement la dégé-nérescence amyloïde du rein.
3° Enfin, les lésions de la maladie de Bright peuvent exister sans que l'on trouve de cylindres dans les urines ; ils sont formés dans le rein, mais sont retenus dans les bassinets. C'est ce qui eut lieu eu particulier dans un cas de néphrite
(1) Il n'est question ici que des cylindres hyalins plus ou moins purs, et non des cylindres granuleux ou cireux.
parenchymateuse observé par M. Àckermann (Centralblatt, 1872, p. 602) : l'examen des urines, pendant plusieurs mois, m'avait à aucun moment révélé l'existence de cylindres ; après la mort, on trouva dans les bassinets et les calices environ 8 grammes d'une masse jaune-orange qui, à l'examen micros-copique, parut constituée par un grand nombre de cylindres jaunes, homogènes. Ce fait rend compte d'une circonstance déjà signalée ; c'est que dans le cours de la maladie de Bright, il y a quelquefois suspension temporaire de l'émission des cy-lindres.
Je borne à ces quelques remarques ce que je voulais vous dire sur la valeur séméiologique des cylindres urinaires. J'au-rai, du reste, l'occasion de revenir sur ce sujet à propos de l'étude des diverses formes de la maladie de Briglh.
III.
Je me propose actuellement, Messieurs, d'étudier avec quelque détail les diverses altérations qui sont habituelle-ment englobées sous la dénomination commune de maladie de Bright.
Vous n'ignorez pas que, pour la plupart des médecins fran-çais ou allemands, les diverses altérations du rein observées à l'autopsie des sujets qui, pendant la vie, ont été atteints à la fois d'anasarque et d'albuminurie, correspondent aux diverses phases successives d'un même processus morbide. Cette opi-nion représente une doctrine que l'on pourrait appeler doc-trine de l'unicité de la maladie de Bright.
Suivant une autre doclrine qui est celle, non pas de la dua-lité, mais plutôt de la multiplicité en matière de maladie de Bright, les diverses formes d'altérations rénales révélées à l'autopsie correspondent, non auxphases successives d'unmême processus, mais à autant d'étatsanatomiques distincts, auxquels
se rattachent pendant la vie des groupes symptoniatiques bien caractérisés. Cette doctrine peut être dite encore la doc-trine anglaise, car c'est en Angleterre surtout quelle a été soutenue et développée depuis une vingtaine d'années.
Je suis depuis longtemps, Messieurs, converti à cette doc-trine, et c'est en me plaçant à ce point de vue, que je me pro-pose d'exposer devant vous l'histoire anatomo-pathologique de la maladie ou mieux des maladies de Bright (1). Ainsi, dans mon opinion, et celle-ci n'est pour ainsi dire que le reflet de la doctrine anglaise, la maladie de Bright est un genre com-prenant plusieurs espèces distinctes, aussi bien par le côté anatomo-pathologique, que sous le rapport de 1 etiologie et de la symptomafalogie.
Je me contenterai pour aujourd'hui de vous indiquer, dans un aperçu sommaire, les caractères anatomiques et cliniques qui distinguent ces espèces dont je vous présenterai plus tard une description séparée.
Toutes les espèces cpie je vais envisager ont des processus subaigus ou primitivement chroniques; car j'éloigne du cadre de la maladie de Bright les formes aiguës d'affections rénales que l'on rapporte habituellement à cette maladie. J'aurai plus tard à justifier cette exclusion.
A. Première forme. — Etiologie. — La maladie se voit surfout chez les jeunes sujets, rarement à un âge avancé. Causes souvent inconnues ; influence marquée du froid hu-mide ; parfois scarlatine antérieure.
Évolution relativement rapide : trois, six mois, un an.
Symptômes. — a) Œdème, anasarque, hydropisies dans les parenchymes et les cavités séreuses. — b) Urines plutôt ra-res, souvent troubles, colorées, chargées d'une forte propor-
\1, Ces mômes vues ont été soutenues dans plusieurs écrits parus depuis l'époque où ces leçons ont été faites : Lécorché, Lancereaux, Cornil et Ranvier, Bartels, Labadie-Lagrave, etc.
Charcot. Œuvres complètes, t. vi, Maladies des reins. 21
tion d'albumine; densité rarement au-dessous de la normale; sédiment abondant de cylindres hyalins. —c) Complications habituelles : pneumonie purulente ; gangrène, érysipèle des parties oedématiées ; symptômes urémiques moins fréquents que dans la forme suivante, et souvent provoqués par un traitement intempestif (purgatifs, bains de vapeur).
Caractères anatomiques. — Le rein est volumineux, pe-sant, lisse à la surface ; à la coupe, la substance corticale pa-raît volumineuse, décolorée, privée de vaisseaux. C'est le gros rein blanc, le gros rein lisse des auteurs anglais, le rein de Bright par excellence, très bien représenté dans la planche II, fig. 1, 2, et la planche IV, fig. 1,2 des Reports of médical Cases.
Histologiquement, la lésion porte surtout sur l'épithélium du rein; le tissu conjonctif n'est altéré que secondairement quand il l'est.
Celte forme, qui répond, au second stade des auteurs uni-taires, est désignée quelquefois sous le nom de néphrite pa-renchymateuse. Cette dénomination a le tort de préjuger la nature du processus, laquelle est loin d'être bien connue ; mais, comme elle vous est sans doute familière, je crois de-voir la conserver.
B. Deuxième forme. — Étiologie. — Les sujets succom-bent entre cinquante et soixante ans; conditions étiologiques peu connues ; l'influence de la goutte, du saturnisme, de l'al-coolisme paraît cependant bien démontrée.
Évolution très lente ; la maladie, toujours chronique d'em-blée, peut durer plusieurs années, quelquefois dix ans, par exemple.
Symptômes. — a) L'œdème fait défaut dans plus de lamoi-tié des cas; souvent il est à peine appréciable. — b) Urines abondantes, au moins dans la première période ; quelquefois,
véritable polyurie ; elles sont claires, pâles, présentent un poids spécifique faible ; l'albuminurie est peu marquée, et peut faire passagèrement défaut ; l'urine contient peu de cylindres. A une époqueavancée cependant, l'œdème survient ou augmente s'il existait, et l'albumine peut se montrer plus abondante dans l'urine. — c) Complications assez fréquentes, elles constituent un des caractères les plus importants de cette forme ; hypertrophie du cœur gauche, sans lésions val-vulares ; rétinite albuminurique, presque spéciale à cette forme ; hémorrhagies par diverses voies ; athérome artériel fréquent ; inflammations viscérales, pneumonie, péricardite, etc. L'urémie est la terminaison habituelle des cas de ce genre.
Caractères anatomiques, — Rein petit, ayant la moitié du poids normal ; la capsule est très adhérente ; la surface du rein est d'une teinte rouge avec un sablé granuleux ; les granula-tions petites, à peu près toutes de même \rolume, sont régu-lièrement disséminées à la surface du rein qui présente en outre, çà et là, de petits kystes. A la coupe, on reconnaît que l'atrophie porte sur la substance corticale, qui peut être ré-duite à une mince lamelle. C'est le rein contracté, le rein granuleux, le petit rein rouge, qu'on appelle encore rein goutteux ou parfois rein saturnin.
Histologiquementj il s'agit d'une véritable cirrhose du rein ; c'est le tissu conjonclif qui est affecté primitivement ; l'épithélium n'est atteint que consécutivement. C'est donc une néphrite interstitielle. Cette forme de néphrite, exception-nellement primitive, est la seule qui doive figurer dans la cadre de la maladie de Bright : la néphrite interstitielle cal-culeuse, celle qui survient par le fait de la distension des bas-sinets doivent en être nosographiquement séparées.
C. La troisième forme a été, dans tous les écrits récents,,
nettement distinguée de la maladie de Bright ordinaire. Elle est caractérisée anatomiquementvax l'altération connue sous le nom de rein amyloïde qui, avec l'aspect général du gros rein blanc, présente des caractères chimiques spéciaux. L'altération porte primitivement sur les petits vaisseaux ; le tissu conjonctif et le parenchyme ne sont atteints que secon-dairement. Généralement, on trouve en même temps que l'al-tération rénale, des lésions de même nature dans la rate, le foie, l'intestin. :
Les conditions étiologiques sont très nettes : scrofule, syphilis, tuberculose, suppurations prolongées, etc. On peut observer le rein amyloïde à tout âge, mais surtout de vingt à trente ans.
CUniquement, cette forme se rapproche de la précédente par la lenteur de l'évolution, par la rareté de l'œdème, par certains caractères de l'urine. Les malades présentent souvent une teinte cachectique toute spéciale ; mais les meilleurs caractères différentiels sont tirés : des circonstances étiologi-ques ; de la concomitance d'autres lésions dans le foie, l'in-testin (diarrhée), etc., et enfin de la nature des complications : ainsi, il est extrêmement rare d'observer, concordant avec le rein amyloïde, des hémorragies, des lésions rétiniennes, l'hy-pertrophie du cœur ; l'urémie est aussi, là, relativement rare, et la mort survient en général par le fait de lésions concomi-tantes et particulièrement de la diarrhée. ;
QUATRIÈME LEÇON
Le Rein contracté (Néphrite interstitielle).
Sommaire. — Considérations historiques. — Lésions du rein dans la néphrite interstitielle, à la période la plus avancée. — Granulations. — Étude histo-logique.
Lésions du rein à la première période de la néphrite interstitielle.
Analyse des altérations histologiques du rein. — Gangue conjonctive; canali-
cules urinifères; — diverses variétés de kystes; — lésions des capsules de
Bowmann et des glomérules; — altérations des artères.
Messieurs,
Avant de pénétrer plus avant dans la description des diver-ses lésions rénales, généralement rattachées à la maladie de Bright, je crois devoir vous rappeler le point de vue auquel je compte me placer dans l'étude de ces lésions.
Dans mon opinion, ainsi que je vous l'ai annoncé déjà, les formes variées d'altérations rénales dont il s'agit ne repré-sentent pas, toutes, les phases successives d'un seul et même processus morbide ; quelques-unes d'entre elles, pour le moins, constituent des états anatomo-pathologiques foncièrement distincts, auxquels répondent, pendant la vie, autant de groupes symptomatiques bien caractérisés, qui permettent de remonter du symptôme à la lésion, et d'établir une diagnose et une prognose spéciales.
Je vous ai indiqué brièvement les types fondamentaux, au nombre de trois, qui devront faire l'objet d'une description particulière. Les deux premiers types qui, pour les partisans de l'unicité, représentent le second et le troisième degré de
la maladie de Bright, correspondent aux altérations que nous avons désignées sous les noms de gros rein blanc, gros rein lisse, etc. (néphrite parenchymateuse) d'une part, et de rein contracté granuleux, petit rein rouge, rein goutteux (néphrite interstitielle) d'autre part ; le troisième type est représenté par la forme amyloïde.
I.
La distinction que je vous propose d'établir ne remonte pas bien loin, car il y a vingt ans à peine qu'est née la doctrine séparatiste en fait de maladie de Bright.
Dans le travail célèbre qui fait partie de la collection d'ob-servations médicales relatives aux maladies qui se terminent par des hydropisies, Bright lui-même s'était déjà préoccupé de cette question ; toutefois il ne l'a abordée qu'avec hésitation et en somme il l'a laissée pendante. « J'ai été conduit à croire, dit-il quelque part, qu'il y a plusieurs formes de maladies subies par le rein dans l'hydropisie rénale » ; mais ailleurs, il reprend : « Je ne suis pas bien sûr que ces vues soient correc-tes », et il ajoute que les trois formes qu'il a décrites ne sont peut-être que des modifications ou des états plus ou moins avancés d'une seule et même maladie.
Rayer s'est montré un peu plus explicite ; les altérations du rein, dans la néphrite albumineuse, peuvent être, suivant lui, rattachées à six formes principales, « probablement succes-sives ».
La plupart des auteurs qui ont suivi ont renchéri encore sur la doctrine de l'unicité : elle compte parmi ses adhérents Fre-richs et la plupart des médecins qui, jusque dans ces derniers
(1) R. Bright. — Reports of médical Cases, p. 67 et p. 69. London, 187*2.
temps, ont écrit sur la maladie de Bright, tant en France qu'en Allemagne.
Les premières oppositions à cette doctrine se sont élevées dans la patrie même de Bright, en Angleterre. Todd, Wilks, Quain et G. Johnson ont été les premiers à se séparer fran-chement de l'opinion courante ; le dernier surtout s'est pro-noncé très explicitement à cet égard, et il fait valoir en faveur de la doctrine qu'il embrasse, outre les faits anatomo-patholo-giques, un argument tiré du domaine clinique, argument très significatif à mon sens, et qui mérite d'être relevé dès à présent. « Les malades à l'autopsie desquels, dit Johnson (1), on trouve le gros rein blanc de Bright, ont eu, à peu près tous sans exception, des hydropisies à une époque quelconque de leur histoire clinique ; au contraire, la majorité de ceux qui succombent avec un petit rein contracté n'ont jamais souffert d'hydropisies à quelque degré que ce soit. » Et il cite une sta-tistique dans laquelle on voit que, sur 26 cas de gros rein blanc, rhydropisie est signalée 24 fois, tandis que sur 33 cas de rein contracté, elle ne s'est montrée que 14 fois, et encore était-elle, dans ces cas, à peine appréciable.
Ces faits contredisent évidemment l'hypothèse suivant la-quelle le rein contracté aurait passé par une phase correspon-dant au gros rein blanc ; car on ne comprenait pas, si cette hypothèse était fondée, que la plupart des sujets présentant un rein contracté échappassent, pendant toute la durée de leur longue maladie, à l'hydropisie qui est, pour ainsi dire, la rè-gle dans la forme caractérisée par le gros rein blanc. Cet ar-gument est puissant déjà ; mais ce n'est pas le seul, tant s'en faut, que l'on puisse faire valoir, nous le verrons, en faveur de la doctrine anglaise.
Cette doctrinetcompte en Angleterre, outre les auteurs déjà
(1) Medico-ohir. Transaction , 1859, p. 156.
au point de vue clinique (1861); M. Dickinson, dont le traité sur la pathologie et le traitement de l'albuminurie (1860) ren-cités. M. Goodfellow, auteur d'un livre intéressant surtout ferme une des premières bonnes descriptions de la néphrite insterstitielle ; enfin, M. Grainger-Stewart, dont Fouvrage publié à Edimbourg porte ce titre caractéristique : Traité des maladies de Bright (1).
En Allemagne, M. Traube s'est efforcé, depuis longtemps déjà, de séparer anatomiquement et cliniquement de Ja néphrite parenchymateuse, la néphrite interstitielle et le rein amyloïde ; la seconde mériterait seule, pour lui, le nom de maladie de Bright. Enfin, M. Bartels, dans une leçon publiée dans le recueil de M. Volkmann, s'est déclaré partisan absolu de la doctrine anglaise.
En France, cette doctrine ne compte encore qu'un petit nombre d'adhérents : M. Lancereaux semble vouloir s'y rat-tacher dans plusieurs passages de son Atlas d'anatomie pathologique (1871) ; il en est de même de M. Lécorché, au-teur d'un mémoire intéressant intitulé : Néphrite intersti-tielle hyperplasique, ou sclérose du rein (Arch. de méd., 1874) ; mais le travail le plus important, à mon sens, sur la matière, surtout au point de vue anatomo-pathologique, est celui de M. Kelsen, agrégé au Val-dé-Grâce ; ce travail,1 à la fois critique et fondé sur des observations cliniques et anafo-miques personnelles, a été publié dans les Archives de phy-siologie, (1874) (2).
(1) T. Grainger-Stewart. — A practical Treatise on Bric/ht's Diseases of the Kidneys, 2° édition, Edinburgh, 1871.
(2) Ces leçons sur la maladie de Bright ont été faites pendant le trimestre d'été de 1874, et publiées peu de temps après dans le Progrès médical. Depuis cette époque, plusieurs écrits ont paru sur le même sujet : nous nous bornerons à citer ceux qui suivent: Lécorché, Traité des maladies du Rein. — Lancereaux, article Rein, du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, 1875; — Bartels, Handbuch der Krankheiten des Harnapparates x
II.
J'ai hâte, Messieurs, d'en venir au côté descriptif, et je com-mencerai par l'exposé des altérations propres au rein con-tracté, ou si vous l'aimez mieux, à lanéphrite interstitielle chronique primitive. Je supposerai tout d'abord un cas dans lequel les altérations se présentent dans leur état de parfait développement, par exemple, celui d'un sujet goutteux, rendant depuis plusieurs années de l'albumine dans ses urines, sans avoir jamais eud'œdèrne, et qui aura succombé à la suite d'accidents urémiques.
À l'autopsie, on trouve les reins petits et tous deux à peu près également atrophiés (Pl. VI), leur poids est seulement la moitié du poids normal. Us présentent une consistance ferme et une coloration rouge générale , mais lorsqu'on a en-levé la capsule, qui est épaissie et adhérente aux parties sous-jacentes, on voit la surface du rein parsemée de petites émi-nencesà peu près toutes de même volume, éminences jaunes ou grises, contrastant par ce caractère avec les parties avoi-sinantes, dont la coloration est d'un rouge plus ou moins vif. Les coupes montrent que l'atrophie porte principalement sur la substance corticale et beaucoup moins sur la substance médullaire. Par suite de la diminution de volume du rein, le bassinet paraît plus ou moins considérablement dilaté.
Recherchons maintenant à quelles altérations hislologïques correspondent ces apparences, et, pour ce faire, examinons d'abord à un faible grossissement des coupes du rein prépa
im Ziemssen's Handbuch, 1875. — Eduard Bull, Klinische Studien ueber chronische Bright'sche Krankheit. Christiania, 1875; analysé dans Virchow's Archiv. 67 Bd. 2 heft. 1876. — Voir aussi un intéressant article de M. Laba-die-Lagrave dans la Revue, des sciences médicales, 4e année, t. vin, 2e fasci-cule, p. 768, 1876. — Tous ces écrits concluent à. la multiplicité des formes do la maladie de Bright.
Fig. 33. — Coupe faite sur un rein contracté, perpendiculairement à la direction des lo-bules. — Les parties claires a, formant la granulation, correspondent au centre du lo-bule et représentent la coupe des canaux collecteurs. — Les parties foncées, b, qui circonscrivent la granulation, sont consti-tuées par les tubes contournés, atrophiés par du tissu embryonnaire de nouvelle for-mation, et par les glomérulcs, g. (Figure demi-schématique, d'après les préparations de M. Kelsch).
rées à l'aide du picro-carminate d'ammoniaque, réactif qui, comme vous le savez, a la propriété de colorer plus vivement les éléments déformation naissante.
Si la coupe est faite parallèlement à la surface du rein et non loin de cette surface, elle aura nécessairement pour effet de comprendre un certain nombre de lobules voisins. Or, voici ce que l'on constate en examinant les diverses régions qui composent ces lobules et dont je crois inutile de vous rap-peler la disposition normale.
1° Au centre du lobule se trouvent les canaux collecteurs dont l'épithélium présente divers degrés de dégénération
granulo-graisseuse et dont la lumière est obstruée par des cy-lindres hyalins ou ci-reux. — 2° Autour de cette région centrale, on cherche tout d'abord en vain les canalicules contournés ; ceux-ci paraissent remplacés par une zone d'une teinte rouge, produite par le carmin: l'examen attentif montre bientôt que cette coloration est due à la présence d'un nombre considérable de jeunes éléments, cellules embryonnaires rondes ou fusiformes ; et avec un peu d'attention, on reconnaît dans cette zone rouge la lumière, singulièrement rétrécie et comparable à un fil, des
Je viens de vous présenter, Messieurs, les éléments néces-saires pour reconnaître la disposition topographique des lé-sions dans la néphrite interstitielle, et aussi pour comprendre la raison de l'existence des granulations.
En effet, l'altération porte surtout, vous le voyez, sur la trame conjonctive qui enve-loppe les canaux contournés ; cette trame subit d'abord une transformation en tissu embryonnaire et se trouve, à une époque plus avancée, remplacée par une gangue conjonctive bien organisée.
Cette néo-formation conjonctive a eu pour effet d'atrophier, sans doute par com-pression, les canalicules contournés dont l'épithélium a souffert, s'est désagrégé et a été plus tard remplacé par un revê-tement de jeunes cellules; en fin de compte, les parties qui composent la région du labyrinthe se sont atrophiées et affaissées. La partie centrale du lobule, au contraire, est restée
Fig. 34. — Tubes uri-nifères atrophiés et contenant de pe-tites cellules en partie désinté-grées et des gra-nulations grais-seuses. — Gross. de 420 diamètres. —Comparez le dia-mètre de ces tubes atrophiés avec ceux de la fig. 332 des-sinée au même grossissement; Gor-nil et Ranvier).
canaux contournés, qui d'abord étaient restés inaperçus ; quelques-uns d'entre eux contiennent encore des traces de l'épithélium glandulaire en voie de dégénérescence granulo-graisseuse ; la plupart sont dépouillés de cet épithélium et tapissés souvent par une rangée de jeunes cellules qui forment un revêtement épithélial nouveau, tout différent de l'ancien ; enfin beaucoup de tubes sont remplis de cylindres granuleux ou transparents. — 3° En dehors de cette zone, se voient les glomérules de Malpighi enveloppés d'une capsule épaissie et composée de plusieurs couches; le glomérule lui-même a subi diverses altérations dont il sera question par la suite.
Fig. 35. — Coupe d'un rein affecté de néphrite parencJiymaleuse, et dans lequel la dégénérescence graisseuse est très étendue. Les'tubuli ne sont pas obstrués d'une manière uniforme ; certaines parties de ces tubuli, a, sont dis-tendues et opaques, tandis que d'autres, b, sont claires et translucides. Les tubuli sont tous en contact immédiat, par suite de l'absence de prolifération intertubulaire (D'après Dickinson, pl. n).
répond à la région très vascularisée, mais atrophiée du labyrinthe.
Si la coupe est faite perpendiculairement à la surface du
peu altérée relativement, et les canaux collecteurs, qui la constituent surtout, persistent à peu près avec leurs dimen-sions normales. Vous comprenez facilement que la granula-tion saillante sur la surface du rein correspond à cette partie centrale du lobule ; elle présente une coloration tantôt jaune et tantôt grise suivant que l'épithélium des canaux collec-teurs est devenu graisseux ou, au contraire, resté normal. La collerette rouge, qui entoure la base de chaque granulation,
rein, on constate encore, comme dans le cas précédent, que les rayons médullaires, dans la région corticale, sont peu altérés ; seulement les tubes collecteurs deviennent quelque-fois tortueux. En dehors des rayons médullaires, dans la ré-gion du labyrinthe, on trouve les canaux contournés repré-sentés, comme il a été dit tout à l'heure, par des tubes très étroits quelquefois dilatés ça et là, et séparés les uns des autres par du tissu conjonctif embryonnaire ou déjà plus ou moins organisé; les glomérules de Malpighi qui marquent les limites des lobules paraissent, en raison de l'atrophie subie par les tubes contournés, beaucoup plus rapprochés les uns des autres que dans l'état normal.
Telle est la constitution de la granulation, bien comprise dans le travail de M. Kelsch, très facile à constater sur les préparations de cet anatomiste que j'ai entre les mains, et que M. Wilks avait déjà signalée, du reste. Il ne faut pas confondre les granulations du rein contracté avec les taches que Ton trouve sur le gros rein blanc à la surface ou sur des coupes, dans la substance corticale, et dont la constitution est toute différente ; celles-ci, qui ne forment pas, à propre-ment parler, des granulaUons, mais seulement des macules non saillantes, sont dues surfout à l'opacité d'un certain nombre de tubes contournés dont l'épithélium a subi une transformation graisseuse avancée, tandis que d'autres groupes moins altérés sont restés relativement transparents : ce fait est bien mis en lumière sur une des planches de l'ouvrage de M. Dickinson (1).
Les lésions portent, vous le voyez, dans la néphrite inters-titielle, principalement sur la région du labyrinthe. Toutefois, la substance médullaire n'a pas échappé complètement à l'al-
(1; On the pathology and Ireaiment of albuminurie. London, 1868, pl. 2.
tération, mais les modifications qu'elle présente sont relative-ment peu profondes. Ce qui frappe surtout, c'est la direction tortueuse, déjà mentionnée tout à l'heure, des canaux collec-teurs, dont la plupart ont conservé leur épithélium, et la for-mation sur leur trajet de kystes, dont la description sera donnée plus loin.
III.
Jusqu'à présent, Messieurs, nous n'avons guère envisagé les altérations qui caractérisent le rein contracté, qu'autant qu'el-les sont relatives aux phases les plus avancées de la maladie; il s'agirait actuellement de rechercher en quoi consistent ces altérations dans les premières périodes du mal.
Nous possédons sur ce sujet peu de renseignements dignes d'être utilisés. Cela se comprend aisément; en effet, la né-phrite interstitielle, maladie chronique primitivement, ne détermine, en général, la mort qu'au bout d'un temps fort long, et par conséquent alors que l'altération rénale est déjà fort ancienne. On ne peut donc espérer de pouvoir observer les premières phases de l'altération que dans les cas où la mort est survenue, pour ainsi dire d'une façon accidentelle, et jusqu'à présent ces cas sont rares.
Quelques auteurs parlent avec complaisance d'une période congestive, dont ils indiquent en détail les caractères, mais cette description est peut-être purement schématique. En réalité, les quelques exemples de néphrite interstitielle com-mençante dignes d'être utilisés au point de vue qui nous occupe, apprennent ce qui suit.
Macroscopiquement (Rindlleisch, Dickinson, Klebs), le rein a son volume normal ou est un peu hypertrophié , il ne présente pas de granulations à sa surface, la capsule s'enlève
aisément. La substance corticale est un peu tuméfiée ; elle offre une coloration pâle, grisâtre, qui représente l'apparence de la néphrite parenchymateuse. Dans certains cas même, d'après Klebs, le rein serait très volumineux, et la cirrhose rénale serait conséquemment parfois, comme la cirrhose du foie, précédée d'une véritable hypertrophie. En somme, il serait assez difficile, à cette époque, de distinguer la néphrite interstitielle de la néphrite parenchymateuse, n'était l'histo-logie, qui fournit des caractères décisifs dès cette période.
Vétude histologique, en effet, fait reconnaître les lésions suivantes :
1° Dès l'origine, la gangue conjonctive est infiltrée d'une quantité plus ou moins considérable de petits éléments cellu-laires que, suivant la théorie adoptée, on appellera leucocytes ou cellules embryonnaires. C'est à cette infiltration cellu-laire que serait due la coloration jaune grisâtre qu'offre quel-quefois le rein à cette époque de la maladie (Rindfleisch). L'anémie ici n'est qu'apparenté ; il n'y a pas compression des vaisseaux et, contrairement à ce qui a lieu dans la néphrite parenchymateuse, ceux-ci peuvent s'injecter facilement.
2° Un autre caractère important, révélé encore par l'étude histologique, c'est que, à cette époque, l'appareil tubulaire du rein ne présente aucune altération appréciable ; l'épithélium est, dans les canalicules contournés, à sa place, et parait parfaitement sain. L'altération de l'épithélium est donc ici un fait secondaire. Dans la néphrite parenchymateuse, au con-traire, c'est l'épithélium qui souffre en premier lieu, tandis que l'altération de la gangue conjonctive, si elle se produit, n'est jamais que consécutive.
Sous ce rapport, il n'existe aucune divergence parmi la grande majorité des auteurs qui ont séparé les deux formes de la maladie de Bright. Seul, M. G. Jonhson a soutenu de-puis longtemps et soutient encore aujourd'hui (Brit. oned.
Dans les études qui précèdent, je me suis attaché plus par-ticulièrement à vous faire connaître la topographie des alté-rations rénales dans la néphrite interstitielle chronique pri-mitive. Actuellement, il faut compléter cette description par un travail d'analyse propre à montrer quelles sont les altéra-tions subies par chacun des éléments constituants du rein.
A. Pour ce qui est d'abord delà gangue conjonctive, j'ai peu de chose à ajouter à ce qui en a été dit précédemment, à) Le fait initial est la formation de jeunes cellules qui repré-sentent là un tissu embryonnaire ; celui-ci s'organise progres-sivement, et prend bientôt l'apparence du tissu conjonctif fibrillaire. — h). La formation conjonctive nouvelle a lieu surtout : 1° autour des canalicules contournés ; 2° autour des
journ., 15 févr., p. 1073) que, dans le rein granuleux, c'est l'épithélium tubulaire qui est le premier siège de l'altération.
Il n'y aurait même jamais, d'après lui, dans la néphrite dite interstitielle, à proprement parler, d'hyperplasie conjonc-tive; celle-ci serait seulement une apparence, même dans les phases les plus avancées de l'altération. Les tubes urini-fères privés d'épithélium et revenus sur eux-mêmes, figure-raient ici l'hyperplasie conjonctive prétendue. C'est là, évi-demment une thèse insoutenable : la constatation, maintes fois répétée, de l'infiltration de cellules embryonnaires à di-verses phases de l'altération suffirait pour démontrer l'exis-tence d'un travail d'hyperplasie conjonctive. Les auteurs an-glais, à la vérité, ne mentionnent guère ce détail histologique, si important dans l'espèce; mais cela tient peut-être au mode de préparation qu'ils ont employé.
If.
glomérules ; 3° autour des principaux vaisseaux. — c) Le tissu nouvellement formé est doué, à une certaine époque, de re-traduite, et de ce fait résultent diverses altérations sur les-quelles nous aurons occasion de revenir.
B. Les altérations des canalicules urinifères ne se pro-duisent que secondairement à celles du tissu conjonctif. — a) Les parois des tubuli contorti sont épaissies et tendent à se confondre avec le tissu ambiant. — b) Vépithélium des tubes contournés subit la dégénérescence granulo-graisseuse et dis-paraît. Il est remplacé ; Io par des cylindres granuleux ou ci-reux; 2° par un revêtement de jeunes cellules rondes ou cu-biques dont la nature n'est pas bien déterminée fv. la fig. 34) et qui tantôt remplissent complètement la lumière du cana-licule (G. Jonhson, Kelsch), tantôt forment, à l'intérieur des conduits, un revêtement régulier, d'une seule rangée de cel-lules (1) ; en pareil cas, lorsque les petites cellules remplissent la lumière des conduits, ceux-ci sont difficiles à distinguer, sur les coupes du tissu embryonnaire qui les entoure. — c) Les tubes sont, dans certains cas, aplatis par places, au point qu'il est difficile de les retrouver; d'autres fois, ils sont çà et et là dilatés.
Ces dilatations présentent plusieurs variétés : tantôt les tubes, dilatés en nombre variable, ont conservé encore leur épithélium ; ils sont volumineux, tortueux ; tantôt ils ont perdu leur revêtement épitliélial et sont remplis de matière cireuse ; enfin, dans certains cas, il s'agit de véritables dilata-tions kystiques. Ces dilatations peuvent résulter : Io soit de la
(1) Cet envahissement des canalicules contournés du rein par des cellules rondes ou cubiques, rappelle ce qui a lieu pour les capillaires biliaires dans certaines formes de la cirrhose du foie, cl pour les parois des alvéroles ondes conduits alvéolaires du poumon dans certaines formes de la broncho-pneumonie subaiguë ou chronique.
Charcoï. Œuvres complètes, t. vi, Maladies des reins. 22
pression exercée sur un point limile du lube par le tissu conjonctif ambiant, 2° soit de l'oblitération partielle de ce tube par un cylindre cireux; quelquefois, en effet, ainsi que cela se voit sur une
planche de MM. Corni! et Ramier, on distingue des cylindres cireux au milieu de la matière colloïde qui remplit
le kyste.
Ces kystes sont formés le plus souvent aux dépens des
l'if/. 36. — Coupe fie deux tubes tirini-fères kystiques, remplis de matière colloïde, a. an milieu de laquelle ou canaliculcS COn I Oi'rnrs. et voit des eyliudi'es hyalins de même
nature b, li Corail et Ranvier,. ils peuvent alors faire saillie à
la surface du rein: gros comme un pois dans certains cas. ils sont en général beaucoup plus petits. 11^ constituent par leur présence un des caractères macroscopiques les plus constants de la néphrite interstitielle : on ne les voit pas sur le gros rein blanc. — Les CftuaiM droits, dans la substance médul-laire, au voisinage des papilles, se montrent aussi quelquefois dilatés et tortueux. Les kystes de la substance médullaire sont souvent ovoïdes, allongés et placés les uns au dessus des autres, le long d'un canal collecteur, de façon à figurer un cha-pelet (Rmdfleisch, Dickinson.) — Enfin, on trouve encore dans la substance corticale une troisième variété de kystes, formés aux dépens des gloaié raies de Malpighi: figurés par Dickin-son. ils paraissent aussi appartenir à la classe des kystes par rétention. La capsule de Boxvmann est dilatée, plus ou moins remplie et distendue par une substance colloïde; ses parois sont épaissies; quant auglomérule, il est, en pareil ras, atro-phié et repoussé sur un point de la paroi.
C. Les capsulés de Bowmann présentent en outre de ces formations kystiques, des altérations qui méritent une m en-
tion spéciale. —1° A un premier degré, il y a simplement épaississement de la capsule qui parait composée de plusieurs couches concentriques ; le glomérule qui occupe le centre est sain ou quelquefois hypertrophié; pendant longtemps il échappe à la destruction, circonstance qu'il importe de faire ressortir au point de vue de la physiologie pathologique. — 2° Plus tard cependant, le tissu conjonctif du glomérule subit la transformation embryonnaire. Cette altération rappelle la glomérulite scarlatineuse de Klebs avec cette différence qu'il -s'agit ici d'un processus lent; mais comme celle-ci, elle doit "avoir pour effet de limiter la circulation dans le glomérule. — 3e Enfin, à une période plus avancée, le glomérule a subi la transformation fibreuse ; sa forme est encore esquissée, mais il présente un aspect hyalin, vitreux, et se colore à peine par le carmin ; le sang n'y pénètre plus et la capsule épaissie est immédiatement appliquée sur le glomérule (Klebs, Kelsch), de façon à en effacer complètement la cavité.
Pour en finir avec ce sujet,- je dois rappeler que, par suite de raffaissement du tissu conjonctif du labyrinthe, les glomé-rules sont souvent rapprochés et comme tassés les uns contre les autres (Dickinson), et d'un autre côté, que même dans le cas d'altération très avancée, on trouve toujours quelques glomérules restés sains et capables de fonctionner.
D. Les vaisseaux artériels présentent une altération spé-ciale et constante : c'est un épaississement par couches con-centriques, résultant d'une hyperplasie de la tunique interne et surtout de l'adventice. Les parois des vaisseaux paraissent relativement très épaissies, alors que la lumière en est très rétrécie. M. G. Johnson, qui le premier a décrit cette altéra-tion, avait cru qu'elle résultait surtout d'une hyperplasie des fibres musculaires ; mais ce détail n'a point été confirmé.
CINQUIÈME LEÇON
Le Rein contracté (Néphrite insterstilielle).
Sommaire. — Caractères de l'urine : — polyurie, expliquée par l'excès de ten-sion. — Hypertrophie du cœur gauche sans lésion valvulaire. —Albuminu-rie très peu marquée. — Urée en proportion normale
Accidents urémiques observés dans la néphrite interstitielle. A. — Uré-mie chronique: dyspepsie: — ainauroses; — phénomènes nerveux. B.— Urémie aiguë. — Mécanisme des accidents uremique;— influence des émotions morales, des fatigues, de la fièvre, des lésions aiguës du cœur, etc.
Troubles de la sécrétion de l'acide urique : —dans le rein goutteux: —? dans le rein saturnin. — Troubles de l'élimination des substances odorantes et des médicaments.
Complications observées dans le rein contracté: — Maladies inflammatoires;
— coexistence d'inflammations interstitielles dans d'autres organes 'dia thèse fibroïde]. — Altérations des vaisseaux ; — athérome des artères ; hémorragies
— Lésions de la rétine.
1.
Messieurs,
11 est temps de rechercher, maintenant, jusqu'à quel point l'étude minutieuse que nous venons de faire des lésions du rein, dans la première forme de la maladie de Bright, peut servir à éclairer le mécanisme des troubles fonctionnels qui la caractérisent cliniquement. Je m'arrêterai d'abord aux modifications que présente la sécrétion urinaire.
1° Un des phénomènes les plus singuliers et que tous les observateurs ont relevé, c'est que, à une époque de la mala-die, qu'on pourrait appeler période d'état, non seulement la quantité des urines n'est pas diminuée, mais encore elle s'élève habituellement au-dessus du taux normal,
fait qui contraste d'une façon frappante avec ce qu'on observe dans la néphrite parenchymateuse, où les urines sont toujours plus ou moins rares. Diokinson a observé 2.700 c. par jour, et Bartels dans un cas a vu celte quantité s'élever à 5 ou 6 litres. Aussi les malades ont-ils de fréquentes envies d'uriner, circonstance intéressante qui peut mettre sur la voie du diagnostic.
A quoi tient cette exagération de la sécrétion ? C'est un point qui a beaucoup exercé la sagacité des physiologistes, mais dont la raison ne me paraît pas avoir été donnée encore d'une façon très satisfaisante. On admet en général, avec Traube, que, dans ceux des glomérules qui fonctionnent encore (la quantité de sang restant d'ailleurs la même), la pression du sang sur les parois artérielles et sa vitesse doivent être relativement considérables; de là résulte, dit-on, un travail supplémentaire dans les glomérules, et d'un autre côté, l'excès momentané d'eau dans le sang résultant de l'imperméabilité rénal produit dans tout le système artériel un état de tension qui, tant que le cœur reste énergique, contribue encore à l'élimination supplémentaire. — Je com-prends bien, dans cHte explication, pourquoi la quantité d'eau sécrétée reste suffisante, mais je comprends moins bien, pourquoi elle est habituellement exagérée.
Quoi qu'il en soit, c'est à l'augmentation de la tension artérielle ainsi produite qu'on rattache, théoriquement, l'hy-pertrophie du ventricule gauche sans lésions valvulaires, qui accompagne si fréquemment la néphrite interstitielle.
La réalité de l'existence de cette complication, reconnue, déjà par Bright, n'a plus besoin d'être disculée. Le fait mé-rite d'ailant plus d'être relevé que celle hypertrophie ne se voit à peu près jamais dans les cas de néphrite parenchy-mateuse, où M. Dickinson assure ne l'avoir jamais observée. Au contraire, dans la néphrite interstitielle, on la rencontre
d'après le même auteur 31 fois sur 67, d'après Traube 93 sur 100, et d'après M. Grainger-Stewart, elle ne ferait jamais complètement défaut à une époque un peu avancée.
Cette hypertrophie du cœur est, dit-on, la conséquence de l'obstruction rénale ; mais s'il en est ainsi, pourquoi ne l'ob-serve-t-on pas dans la néphrite parenchymateuse, où il y a une gêne circulatoire très prononcée, en conséquence de ce que les vaisseaux sont comprimés dans la substance corticale ? A ceci, la théorie répond que les individus atteints de néphrite parenchymateuse sont des sujets débilités, chez lesquels, pour diverses raisons, et particulièrement à cause de la grande dé-perdition d'albumine, la nutrition est profondément atteinte, et la nutrition du cœur, aussi bien que celle des autres orga-nes ; au contraire, dans la néphrite interstitielle, la nutrition se maintient normale pendant de longues années, et comme la maladie évolue très lentement, l'hypertrophie du cœur a tout le temps de se produire ; il n'en est pas de même de la néphrite parenchymateuse, où, par suite de la marche relati-vement rapide, l'équilibre est vite rompu.
C'est vraisemblablement à cette action énergique du cœur, qui se traduit anatomiquement par l'hypertrophie gauche et dont le résultat physiologique est la persistance de la sécrétion d'une grande quantité d'eau par le rein, qu'est dû ce fait remarquable que, dans la néphrite interstitielle, l'hydropisie est un phénomène assez rare, tandis qu'elle est habituelle dans les cas de gros rein blanc. Vous vous rappelez que Johnson a observé 24 fois des hypdropisies sur 26 cas de gros rein blanc, et seulement 14 fois sur 33 cas de rein con-tracté ; encore existait-il le plus souvent, dans ces cas, seule-ment un peu de bouffissure, d'œdème de la conjonctive, ce que les auteurs anglais désignent sous le nom de Brighfs Eye (Grainger-Stewart).
A la vérité, cette exemption dans le rein contracté n'est
propre qu'aux phases moyennes de la maladie. Car à une époque avancée, quand le cœur s'affaiblit par suite de la dé-chéance nutritive générale, la sécrétion urinaire se limite ; ou bien encore, le rein devient de plus en plus imperméable, et, en pareil cas, l'hydropisie peut se produire tout comme dans le gros rein blanc.
2° Un second caractère des urines, dans la néphrite inters-titielle primitive, c'est qu'elles ne renferment, contrairement à ce qui a lieu dans la néphrite parenchymateuse, qu'une proportion relativement faible albumine. Cette albuminurie n'est même pas toujours permanente, elle peut faire défaut de temps en temps ; le plus souvent même, au début, on ne la voit (pie d'une façon temporaire : c'est un fait que M. Johnson a bien observé dans la goutte chronique, où l'on voit l'albuminurie se montrer dans les accès de goutte et dispa-raître dans les intervalles. Aussi Rayer disait-il que l'albumi-nurie goutteuse présente moins de gravité que les autres ; en réalité, il s'agit là d'une maladie grave puisque la mort en est lot ou lard la conséquence, mais elle laisse aux malades un plus long répit que la néphrite parenchymateuse.
Ce caractère lire du chiffre peu élevé de l'albumine, dans celle forme de maladie de Bright, a été remarqué par tous les auteurs qui ont distingué les deux formes et il a servi à accuser encore cette distinction. 11 nous fait comprendre com-ment, dans la néphrite parenchymateuse, la nutrition s'altère beaucoup plus rapidement que dans la néphrite interstitielle , cardans celle-ci, la déperdition d'albumine dans les 24 heures est beaucoup moins grande. Ainsi, dans un cas de gros rein blanc, Bartels a trouvé une perte de 14 à 20 grammes par jour, tandis que dans icois cas de rein contracté il a ob-servé seulement 1 gr. 3; 1 gr. 4; 1 gr. 2, chiffres relative-ment insignifiants.
Quelle est la raison physiologique de la présence de l'albu-mine dans les urines dans les cas de néphrite interstitielle, et pourquoi celle-ci passe-t-elle en si petite quantité, tandis qu'elle est, au contraire, si abondante dans la néphrite paren-chymateuse ? C'est un point qu'il importerait fort de résoudre mais sur lequel nous n'avons pas de solution satisfaisante.
i
Je me bornerai à vous faire remarquer que, suivant toute' vraisemblance, le mécanisme diffère ici de ce qu'il est dans la néphrite parenchymateuse. Dans la néphrite interstitielle, l'albuminurie ne tiendrait point à l'activité du parenchyme rénale ; elle serait simplement le fait de l'excès de tension dans le système artériel du rein ; on sait, en effet, que sous une faible tension, les substances colloïdes ne traversent pas les membranes, tandis que, par le fait d'une pression plus forte, elles diffusent au moins en petite quantité. C'est ainsi que se produirait par le seul effet de la tension artérielle, l'al-buminurie dans la néphrite interstitielle.
3° Un troisième fait à relever dans l'étude de la sécrétion urinaire de la néphrite interstitielle, c'est la persistance à peu près constante, à la période d'état, du taux de l'urée. Ainsi, dans plusieurs analyses, Bartels a trouvé 30 grammes environ d'urée rendue dans les 24 heures, tandis que dans d'autres analyses relatives à des cas de néphrite parenchyma-teuse, le chiffre ne dépassait pas 13 à 20 grammes. Il y a là un contraste frappant, et d'autant plus remarquable que, suivant tous les auteurs qui ont songé à établir entre les deux formes de la maladie de Bright une séparation tranchée, les phénomènes qu'on est convenu de désigner sous le nom d'ac-cidents urémiques s'observent beaucoup plus fréquemment dans la néphrite interstitielle que dans la néphrite parenchy-mateuse.
II.
Je viens de signaler la prédominance très marquée des ac-cidents urémiques dans la forme interstitielle de la maladie de Briglit.
A. — C'est surtout chez les sujets atteints dè la néphrite interstitielle qu'on voit se développer les accidents nerveux variés, et généralement insidieux, qu'on désigne sous le nom fturémie chronique. Sans entrer dans le détail des formes qu'ils peuvent présenter, je vous en signalerai seulement quelques-unes.
1° C'est d'abord une dyspepsie habituelle, accompagnée fréquemment de vomissements persistants qui se produisent en dehors de toute alimentation. Plusieurs fois, l'analyse des matières rejetées par ces vomissements y a fait reconnaître de l'urée ou du carbonate d'ammoniaque.
2° Souvent aussi, il existe une démangeaison très vive du tégum e nt externe ( Bar tel s).
3° Un symptôme intéressant de ce genre d'intoxication est Yamaurose urémique. Cette dénomination doit être réservée, ainsi que je l'ai fait depuis longtemps remarquer (1), pour caractériser les troubles de la vision qui, dans la maladie de Briglit, ne se révèlent pendant la vie par aucune altération appréciable à l'oplithalmoscope. Ces accidents sont certaine-ment rares, par comparaison avec ceux qui relèvent d'une lésion rétinienne : ainsi, suivant de Grael'e, sur trente-deux cas d'amaurose dans la maladie de Briglit, 2 fois seulement il s'agissait de l'amaurose urémique , de son côté, M. Badar, à Guy's Hospital, a observé 6 cas d'amaurose sine materia sur trente-huit cas d'amaurose alburninurique. Mais ces accidents, s'ils ne sont pas fréquents, sont assez caractéristiques; outre
(i; Gazette hebdomadaire, t. v, 1858, p. 150 et 153.
l'absence de lésions rétiniennes appréciables à l'ophlhalmos-cope, ils se font, remarquer : a) par l'invasion rapide de la cécité, h) par sa rapide disparition; c) par ses refours fré-quents. Dans les intervalles des accès, la vision peut re-prendre son acuité normale ; mais après plusieurs accès, il peut arriver que l'amhlyopie s'établisse d'une façon perma-nente. Cette forme d'amblyopie n'est souvent qu'un phéno-mène précurseur, bientôt suivi de troubles encéphaliques plus graves (Gr. Stewart).
4° Souvent il existe une céphalalgie particulière, remar-quable surtout par sa persistance ; ou bien des étourdisse-menfs, de la somnolence.
5° Dans d'autres cas, ce sont des secousses, des soubre-sauts dans les membres: quelquefois, c'est un véritable trem-blement, comparable à quelques égards à celui de la paraly-sie agitante, et que j'ai vu, dans un cas, persister pendant plusieurs semaines, sans accompagnement d'aucun trouble cérébral; l'encéphalopalhie urémique, délirante d'abord, puis comateuse, termina la scène.
Les phénomènes que je viens de vous signaler sont d'au-tant plus intéressants que souvent, lorsqu'on les remarque, l'altération du rein était jusque là restée latente : les accidents nerveux en question sont donc quelquefois la première révé-lation de la maladie, et c'est à l'occasion de ces accidents que les urines sont examinées pour la première fois.
B. — Les accidents urémiques peuvent encore, dans la néphrite insterstitielle, se présenter sous la forme aiguë, avec des caractères insolites : Io un individu offrant d'ailleurs, jusque-là, tous les caractères de la santé, est saisi tout à coup, par exemple à la suite de fatigues corporelles, d'une attaque caractérisée par des accidents apoplectiform.es qui ont pu faire songer dans quelques cas, soit à une hémorragie
encéphalique soit à un empoisonnement par l'opium (R. Brigth). — 2° D'autres fois, on observe de véritables accès épileptiques et ces accès peuvent se reproduire plusieurs fois,, avant l'apparition d'accidents permanents, définitifs (Grainger-Stewart, Bartels). — 3° Enfin, c'est encore dans la néphrite interstitielle qu'il a été donné de voir la peau recouverte d'un enduit blanc, d'apparence cristalline et que l'analyse a dé-montré être constitué par de l'urée.
A quoi peut tenir, Messieurs, cette fréquence et cette va-riété des accidents urémiques dans une affection où, géné-ralement, le taux de l'urée excrétée dans les 24 heures ne s'éloigne souvent pas des conditions physiologiques ? Telle est la question qui se pose maintenant. Il faut se rappeler que l'élimination presque normale d'urée, qui se fait dans la néphrite interstitielle, est le résultat d'une fonction en quel-que sorte supplémentaire, dont l'accomplissement peut être troublé sous la moindre influence.
L'obstacle à la circulation dans le rein a déterminé un accroissement permanent de la tension dans le système artériel ; le cœur s'est adapté à ces conditions nouvelles et s'est hypertrophié ; par suite, l'eau se trouve excrétée par les urines en quantité anormale, et entraîne avec elle une quantité suffisante d'urée. L'équilibre est ainsi rétabli ; mais c'est là, si l'on peut ainsi dire, un équilibre instable; il peut être facilement rompu. Si, par exemple, il survient une émotion morale qui abaisse momentanément l'énergie cardiaque, la sécrétion d'eau devient insuffisante, l'excrétion de l'urée reste au-dessous du taux normal, et l'urée, ainsi que les autres principes extractifs, s'accumule dans le sang. D'ailleurs, cette accumulation est d'autant plus considérable que le sujet atteint jouissait auparavant de tous les attributs de la santé ; l'alimentation était abondante, l'exercice corporel
normal, et, par conséquent, toutes les conditions de produc-tion d'une grande quantité d'urée subsistaient. Les fatigues corporelles agissent en pareil cas dans le même sens que les émotions morales.
Le mécanisme, suivant lequel se produisent les accidents, peut être plus complexe: ainsi, une femme atteinte de né-phrite interstitielle dont M. Bartels raconte l'histoire, et chez laquelle l'équilibre s'était jusque-là maintenu, est prise d'en-docardite aiguë ; l'insuffisance mi traie qui en résulte a pour effet d'abaisser la pression cardiaque ; en outre, par le fait de la fièvre, il se forme une quantité anormale d'urée qui, non excrétée suffisamment, s'accumule dans le sang ; aussi dans ce cas, la mort survient-elle rapidement, au milieu d'accidents urémiques.
Dans toutes les circonstances qui viennent d'être relevées, l'apparition des phénomènes urémiques dans le cours de la néphrite interstitielle est, pour ainsi dire, un fait accidentel, relevant, tout à la fois de l'accroissement de la proportion de l'urée et de l'affaiblissement du cœur. On peut se demander si l'accumulation d'un grand nombre de cylindres hyalins ou cireux retenus dans les canalicules urinifères ne peut pas quelquefois déterminer la production de l'urémie ; Bartels a examiné les urines chez des sujets atteints de néphrite inters-titielle, en proie à l'urémie, et il a reconnu dans ces cas l'absence des cylindres.
Au contraire, dans les périodes avancées de l'altération rénale, l'apparition des accidents urémiques est une circon-stance pour ainsi dire fatale et nécessaire. En effet, si la sécrétion d'eau, si l'excrétion d'urée peuvent encore s'effec-tuer dans le rein, alors même qu'il paraît très altéré, c'est que quelques parties glandulaires ont conservé la structure physiologique ; mais il arrive un moment où ces parties, jusque-là respectées, sont à leur tour profondément atteintes,
et alors la fonction urinaire étant, par ce fait, considérablement restreinte ou môme supprimée, les accidents urémiques surviennent fatalement. On comprend par là que l'urémie soit la terminaison naturelle de la néphrite interstitielle. Nous verrons bientôt que les conditions sont toutes différentes dans la néphrite parenchymateuse.
III.
Après avoir reconnu les modifications que subit l'excrétion de l'urée dans la néphrite interstitielle, nous devons recher-cher ce qui se passe relativement à Vacide urique. C'est là un sujet encore peu étudié ; toutefois, nous possédons quel-ques éléments qui tendent à établir que dans les circonstances mêmes où l'excrétion de l'urée persiste, celle de l'acide urique est déjà profondément affectée.
1° Vous savez que dans la goutte chronique, suivant les observations de M. Garrod et les miennes propres, le rein présente à peu près constamment les altérations de la néphrite interstitielle ; le rein goutteux, selon M. Garrod, ne diffère de la néphrite interstitielle vulgaire que par la présence, dans la partie papillaire des pyramides, d'infarctus tubulaires cris-tallins d'urate de soude blanc. Suivant mes observations, la présence de ces dépôts cristallins n'est même pas nécessaire.
Le premier signe, qui révèle cette affection rénale chez les goutteux, est l'existence d'une légère albuminurie qui d'abord, ne se montre que dans les accès, mais qui, tôt ou tard, de-vient permanente. Or, les observations très intéressantes de M. Garrod montrent qu'à cette époque, l'excrétion de l'urée restant normale, celle de l'acide urique peut être déjà consi-dérablement limitée. Ainsi, les urines claires et abondantes que rendent, en 24 heures, les sujets atteints de goutte chro-
nique, contiennent en moyenne, soit pendant les accès, soit dans leur intervalle, 0 gr. 064 d'acide urique, proportion bien inférieure au chiffre physiologique : 0, 50. . Il est démontré, d'ailleurs, que l'acide urique, en pareille circonstance, s'accumule dans le sang, sous forme d'urate de soude, et telle paraît être, au moins pour une part, la raison des dépôts tophacés qui, chez les sujets atteints de goutte chronique, se forment en abondance dans les jointures, au-tour des jointures et sur diverses parties du corps.
2° Les observations de M. Garrod tendent à établir, d'un autre côté, que l'intoxication saturnine, comme la goutte, porte souvent son action sur les reins et y détermine fréquem-ment, avant toute autre altération, la limitation de la sécré-tion d'acide urique. Il est vraisemblable que cette imperméa-bilité du rein pour l'acide urique, qui s'observe dans l'intoxica-tion saturnine, est le premier indice d'altérations anatomiques, qui plus tard s'accuseront par les caractères de la néphrite interstitielle. Rien de mieux démontré, en effet, que l'existence fréquente de la néphrite granuleuse chez les saturnins. Ce fait, mis en relief chez nous par Ollivier et Lancereaux, paraît bien établi par les statistiques anglaises ; ainsi, sur 42 hommes saturnins, autopsiés à Saint-Georges'Hospital, Dickinson a trouvé 26 fois le rein contracté. C'est vraisemblablement à cette action particulière du plomb sur le rein, dont le premier effet est de déterminer la rétention de l'acide urique dans le sang, qu'est due la fréquence de la goutte tophacée chez les saturnins. Cette coïncidence, remarquée par M. Garrod, a été établie encore par mes observations, puis par celles de MM. Potain, Bucquoy, etc. La goutte des saturnins, d'après ce que j'ai vu, ne paraît différer de la goutte ordinaire que par la plus grande rapidité de son évolution, l'abondance des
dépôts tophacés, et l'existence, pour ainsi dire nécessaire, des ésions rénales.
Il semble résulter de ce qui précède, que le rein, perméable encore pour l'urée, à un certain degré de la néphrite intersti-tielle, ne Test déjà plus pour l'acide urique ; la même chose a lieu, pour certains médicaments, et c'est là une circonstance que le praticien doit bien se garder d'oublier. On a depuis longtemps remarqué que certaines substances odorantes ns passent pas dans les urines chez les sujets atteints de néphrite interstitielle. Une des premières observations de ce genre est celle de Halm, citée par Guilbert ; il s'agit d'un sujet goutteux qui prenait des préparations de térébenthine et dont l'urine ne présentait nullement l'odeur de violette ; des observations du môme genre ont été faites par M. de Beauvais.
11 faut rapprocher de ce fait l'intolérance pour l'opium que présentent d'une façon si marquée les sujets atteints de né-phrite interstitielle : donné même à des doses faibles (0,25 centigr. de poudre de Do^ver, Dickinson, p. 1G2), l'opium dé-termine parfois des accidents comateux mortels, probablement urémiques ; il paraît agir surtout dans ce cas en limitant la sécrétion rénale. Plusieurs auteurs anglais ont aussi remar-qué que, chez les mêmes sujets, l'administration de petites closes de calomel est très rapidement suivie de salivation abou-.dante et de stomatites graves.
Ces particularités ont été signalées jusqu'ici qu'à propos de la néphrite interstitielle, et elles sont, à n'en pas douter, la conséquence des modifications anatomiques subies par le rein, mais je n'oserais dire toutefois qu'elles ne puissent se pro-duire dans la néphrite parenchymateuse.
IV.
L'élimination plus ou moins imparfaite des produits d'ex-
crétion rénale, chez les individus atteints de néphrite intersti-tielle, a pour effet d'engendrer chez eux une altération de la crase de smg qui les expose à contracter certaines maladies inflammatoires. La bronchite, puis la pericardite, et ensuite la pneumonie et l'endocardite sont, d'après les statistiques, les inflammations qui surviennent le plus habituellement chez ces sujets. Les inflammations viscérales sont fréquentes aussi dans la néphrite parenchymateuse ; mais, chose remarquable, elles ne portent pas sur les mêmes organes. D'après les statis-tiques de M. Dickinson, les plus fréquentes seraient, dans ce dernier cas, la pneumonie et la pleurésie ; la pericardite n'ar-riverait qu'en dernier lieu.
Un autre trait particulier à la néphrite interstitielle, c'est la fréquente coexistence d'inflammations interstitielles dans d'autres organes : ainsi la cirrhose du foie serait observée 15 fois sur 100, d'après Grainger Stewart; 1 fois sur 7, suivant Dickinson ; l'épaississement de la capsule de la rate et de la gangue conjonctive de cet organe a été vu 40 fois sur 100.
Sans admettre l'existence d'une diathèse fîbroïde imaginée par M. Sutton, je dois reconnaître que, dans 5 ou 6 cas de pneumonie chronique interstitielle (phthisie fîbroïde de Sut-ton), observés à laSalpêlrière, j'ai vu 2 fois la néphrite inters-titielle avec albuminurie ; or, si l'altération atrophique du rein est chose fréquente chez les vieillards (rein senile), celle-ci n'amène pas l'albuminurie qui est très rare à cet âge, et, dans les deux cas dont je parle, il s'agissait réellement de la néphrite albumineuse interstitielle, bien différente analomi-quement et cliniquement du rein senile.
Pour en finir avec les complications viscérales qui peuvent survenir dans la néphrite interstitielle, il me reste à vous parler des altérations des vaisseaux que l'on peut retrouver à l'autopsie des sujets qui ont succombé à cette affection.
V endartérite chronique ou athérome artériel est une des lésions que l'on rencontre le plus souvent chez ces sujets; c'est, dit-on, une conséquence de l'hypertrophie du cœur et de la tension exagérée à laquelle est soumis le sang dans le sys-tème artériel.
On rattache volontiers, à tort où à raison, à ces altérations du système vasculaire, les hémorragies qui, fréquemment, se montrent dans le cours de la néphrite interstitielle chroni-que primitive. Ces hémorraghies s'opèrent par les voies les plus diverses : Vépistaxis est souvent, comme l'enseignait Rayer, un des phénomènes qui précèdent et annoncent l'in-toxication urémique ; d'autres fois, on observe des hématé-mèses, ou bien des hémorragies utérines (West) ; mais, de toutes les hémorrhagïes liées à la néphrite interstitielle, les plus intéressantes et les plus graves sont celles qui se produisent dans la substance de Vencéphale. Il n'est pas dou-teux qu'un bon nombre des sujets atteints de néphrite inters-titielle succombent par le fait de cette complication, qui n'appartient pas à l'histoire de la néphrite parenchymateuse.
Beaucoup d'auteurs considèrent comme fort simple de rat-tacher la production de ces hémorragies inlra-encéphaliques . à la friabilité des artères et à l'exagération de la tension arté-rielle. Je ne suis pas en mesure de les contredire à ce propos et je crois même que l'exagération de la tension artérielle contribue puissamment au développement de ces hémorragies, mais je ne puis être de l'avis de quelques personnes qui pensent que, en dehors de la maladie de Bright, l'atrophie du rein combinée à l'athérome artériel, et peut-être à l'hyper-trophie cardiaque, est la cause vulgaire de la majorité des hémorragies intra-céphaliques chez les vieillards. Je puis,' en effet, opposer à ces assertions les statistiques résultant des observations que j'ai faites en grand nombre avec M. Bou-chard. Sur 49 cas d'hémorragie cérébrale, 16 fois seulement
Ghargot. Œuvres complètes,t. vi, Maladies des reins. 23
le rein présentait un certain degré d'atrophie, et, remarquez-le bien, il s'agissait ici de l'atrophie sénile, banale chez les vieillards, et jamais de la néphrite interstitielle avec albumi-nurie. L'alhérome des artères de l'encéphale, au moins des artères d'un certain calibre, n'est pas la règle non plus dans nos statistiques : nous le trouvons indiqué seulement 22 fois sur 100. L'hypertrophie du cœur est notée 22 fois sur 5 cas. C'est que, en effet, dans la production de l'hémorrhagie céré-brale, l'élément essentiel qui domine tout, c'est l'existence des anévrysmes miliaires, et le développement de ces ané-vrysmes n'est pas lié nécessairement soit à l'atrophie rénale soit à l'hypertrophie du cœur, soit à l'alhérome des gros vaisseaux. Je dois ajouter que dans quelques cas d'hémorrhagies intra-encéphaliques survenues sur des sujets atteints de né-phrite interstitielle avec albuminurie, nous avons constaté l'existence des anévrysmes miliaires (1).
C'est à tort, suivant moi, que, sans plus de critique, on a rattaché à l'altération athéromaleuse des artères les lésions de la rétine, fréquentes dans cette forme de maladie de Bright et inconnues en quelque sorte dans la néphrite parenchyma-teuse. Je veux parler des lésions connues sous le nom de rétinite albuminurique, c'est-à-dire de ces plaques blanches, parsemées de petites stries hémorrhagiques, qui siègent dans la rétine, particulièrement au voisinage de la papille ; ces, altérations sont tellement caractéristiques qu'elles peuvent, quand elles sont bien développées, permettre à elles seules d'établir le diagnostic de néphrite interstitielle. Si cette lésion relevait véritablement de l'endartérite, on devrait la rencon-trer fréquemment chez les vieillards, où l'alhérome artériel est pour ainsi dire vulgaire ; or, dans ces conditions, on ne
(1) Voir le tome XI des Œuvres complètes de M. Charcot (p. 5 à 72).
l'observe pas ; je me borne à vous signaler la fréquence de cette lésion rétinienne dans la néphrite interstitielle, sans qu'il me soit possible pour le moment de déterminer la rai-son physiologique de son développement.
SIXIÈME LEÇON
Gros rein blanc (Néphrite parenchymateusë).
Sommaire. — Synonymie. — Deux formes : aiguë et chronique.
Forme chronique. — Examen macroscopique: — tuméfaction, trouble des epitheliums: — dilatation des tubes contournés; — infiltration grais-seuse.
Variétés morphologiques : — Gros rein graisseux; —Rein gras granuleux; —
Petit rein gras granuleux. Caractères cliniques: — Mode de début et circonstances étiologiques. —
Urines rares, très albumineuses; — hydropsies: cahexie; — complications.
— Marche et durée.
Messieurs,
Nous étudierons aujourd'hui celle des formes de la mala-die de Bright que l'on désigne communément sous le nom de néphrite parenchymateusë.
Cette dénomination offre un inconvénient assez grave; elle implique, en effet, une hypothèse qui n'est nullement démon-trée jusqu'à présent, à savoir : la nature inflammatoire de l'altération. La même critique est d'abord applicable à d'au-tres termes proposés comme synonymes : tubal ncphritis, néphrite tubulaire (Dickinson) ; non desquamative nephritis, néphrite non desquamative (G. Johnson). Mais, d'autre part, toutes ces appellations consacrent un fait qui paraît bien éta-bli, c'est que dans l'affection dent il s'agit, contrairement à cé qui a lieu dans la forme précédemment étudiée, la lésion se localise tout d'abord dans l'appareil des tubuli, sur l'épithé-lium ; le tissu conjonctif est épargné ou n'est affecté que se-condairement.
D'autres dénominations sont relatives seulement aux appa-rences que présente à l'œil nu l'organe altéré : en Angleterre, on désigne souvent sous les noms de gros rein blanc (Godd-fellow, Wilks, etc.), de gros rein lisse, de rein de Bright ce que nous appelons ici néphrite parenchymateuse. J'avoue que j'ai un faible pour ces termes tout pratiques, qui ne font intervenir aucune hypothèse, et ma prédilection vous paraîtra sans doute justifiée, lorsque vous saurez que, surplus d'un point, l'histologie de la néphrite parenchymateuse est encore enveloppée dans une obscurité profonde.
I.
On reconnaît généralement, dans la néphrite parenchyma-teuse, deux formes bien distinctes au point de vue clinique : Io une forme aiguë ; 2° une forme chronique. Je n'envisage-rai ici que les formes subaiguë et chronique primitive.
L'une des figures du R. Bright vous offre un type parfait de l'altération que l'on désigne sous le nom de gros rein blanc (1) ; il s'agissait, dans ce cas, d'un nommé Izod, bou-vier, âgé de 25 ans ; cet homme, de mœurs irréguliôres, se grisait souvent avec du porter, mais dans les dernières an-nées de sa vie, il avait abusé surtout des boissons distillées. Il avait déjà été rappé d'hydropisie un an auparavant, mais la maladie présente datait de 7 mois ; à cette époque, ce mal-heureux, étant ivre, avait été mouillé, et rapidement, l'hydro-pisie était survenue; la mort paraissait avoir été la suite d'ac-cidents pulmonaires.
A l'autopsie, on trouva les reins blancs, volumineux et lis-Ci) R. Bright. — Reports of medical Cases. London, 1827, Case xi, p. 26 et Pl. IV, fig. 4 et 5. (Voir Pl. VI et VU.) — Voir aussi la planche annexée au travail de J. Osborne. On Dropsies connected with supprrssed perspiration and coagulable urine. London, 1835.
ses ; les poumons étaient œdémaliés. C'est là, dans l'espèce, en quelque sorte,une histoire classique. Étudions maintenant, d'une façon plus précise, les altérations rénales qu'on rencon-tre dans les cas de ce genre.
A. Examen macroscopique. — Le rein est gros ; il pré-sente souvent un poids et un volume doubles de l'état normal. Sa coloration est blanche ; tantôt elle est d'un blanc mat, rap-pelant plus ou moins celle de l'ivoire, tantôt elle offre une teinte jaune plus ou moins accusée ; cette coloration appar-tient exclusivement à la substance corticale du rein ; on la constate à la surface de l'organe, après avoir enlevé la cap-sule qui n'est d'ailleurs nullement adhérente ; en même temps, on reconnaît que cette surface est absolument lisse et ne pré-sente point de saillies ni de kystes, comme cela a lieu dans le rein granuleux; jamais on n'y voit de dépressions autres que celles qui séparent les grands lobes naturels ; et même la structure lobulaire du rein, telle qu'elle est marquée à l'état normal par des vaisseaux, est ici effacée ; les vaisseaux ne se montrent que çà et là sous formes de rares taches disséminées. Sur des coupes, on reconnaît aussi la tuméfac-tion considérable de la substance corticale et la rareté des stries vasculaires.
La substance médullaire ne présente aucune altération ap-préciable ; sa coloration s'éloigne peu généralement de l'état normal et contraste plus ou moins vivement avec celle de la substance corticale.
B. Etude histologique. — 1° Lorsque cette forme se pré-sente dans toute sa pureté, les altérations sont localisées à peu près exclusivement dans les tubes contournés, et là, l'épilhé-lium resté en place offre le plus souvent des modifications tel-lement minimes, qu'elles ne s'éloignent des conditions nor-
maies que par des nuances. Il ne faut pas moins qu'un œil exercé pour les affirmer.
a) Dans les premiers degrés on ne constate rien autre chose qu'une tuméfaction trouble des épithéliums. Les cellules glandulaires des canalicules contournés plus sombres qu'àl'éta-physiologique, par suite de la présence d'un très grand nom-bre de fines granulations, sont en même temps plus volumi-neuses, gonflées, de telle sorte que la lumière des conduit se trouve rétrécie ; souvent aussi, mais non constamment, la partie libre des tubes est oblitérée par des cylindres fibrineux. Il n'existe, d'ailleurs, aucune altération appréciable dans la gangue conjonctive, non plus que dans les tuniques vascu-laires.
Vous voyez qu'il ne s'agit là en réalité, ainsi que je l'annon-çais, que de simples nuances, d'une sorte d'exagération des conditions normales ; car vous n'avez pas oublié que, dans ces conditions, chez l'animal vivant comme chez l'homme sain, l'épithélium grandulaire des tubes contournés présente une teinte sombre et de nombreuses granulations, et que la lumière des tubes est naturellement réduite à fort peu de chose. Il n'est donc pas étonnant que quelques auteurs, et en particulier M. Gairdner, auquel on doit un des premiers tra-vaux sur la matière, aient été conduits à déclarer que les ré-sultats des investigations histologiques sont, en pareil cas, pour ainsi dire négatifs. Cependant la tuméfaction des élé-ments épithéliaux est incontestable, et c'est même à elle que doit être attribuée, pour la plus grande part, l'augmentation de volume souvent vraiment énorme de l'organe.
b) Outre l'opacité des cellules épithélialcs, on signale encore comme caractérisant la néphrite parenchymateuse : une dila-tation plus ou moins prononcée des tubes contournés, et des varioosités de leur contour extérieur (Rindfleisch) ; un certain
épaississement, assez difficile à apprécier, je pense, de~la tu-nique propre de ces tubes.
c) Il n'existe a ce degré aucun indice d'une multiplication, d'une prolifération quelconque des éléments épithéliaux. Les tubes droits n'offrent aucue altération. 11 n'en est pas de même des anses de Henle, dontla grosse partie, suivant Cor-nil, présente une altération analogue à celle des tubes con-tournés.
2° La tuméfaction trouble de l'épithélium peut être la seule altération qui se rencontre, alors même que la mort est surve-nue longtemps (6 mois, un an) après le début : mais souvent, elle se complique d'une véritable infiltration graisseuse des éléments cellulaires. Ceux-ci renferment alors, outre les gra-nulations protéiques, des gouttelettes plus ou moins volumi-neuses qui résistent à l'acide acétique et se dissolvent dans l'éther. Les tubuli dont l'épithélium est ainsi modifié parais-sent, à un faible grossissement,, tout à fait noirs et opaques : ce sont surtout les tubes contournés, mais aussi les anses de Henle, qui présentent cette modification, très différente cette fois des apparences normales.
a) Quelquefois, l'infiltration graisseuse est uniformément répandue, et à l'œil nu, l'aspect ordinaire du gros rein blanc ne s'en trouve que légèrement modifié. Il présente seulement une teinte jaune, peau de buffle, qui remplace la teinte pâle, blanc d'ivoire ; mais il reste volumineux et lisse à sa surface, sans présenter de granulations. Cet état est quelquefois dé-signé sous le nom de gros rein graisseux (large fatty Kidneyj.
b) D'autres fois, la dégénérescence graisseuse affecte seule-ment çà et là quelques groupes de tubes contournés, les groupes intermédiaires reslant au premier degré de l'altéra-
lion. Ces groupes de tubuli, devenus graisseux, paraissent opaques relativement aux autres et forment même quelquefois de petites tuméfactions, appréciables non seulement à la surface du rein, mais également sur des coupes, dans l'épais-seur de la substance corticale. Ces granulations diffèrent, vous le voyez, de celles que nous avons étudiées sur le rein atteint de néphrite interstitielle, car celles-ci n'existent qu'à
Fig. 37. — Coupe d'un rein affecté de néphrite parenchymateuse, et dans lequel la dégénérescence graisseuse est très étendue. Les tubuli ne sont pas obstrués d'une manière uniforme; certaines parties de ces tubuli, a, sont distendues et opaques, tandis que d'autres, b, sont claires et translucides. Les tubuli sont tous en contact immédiat, par suite de l'absence de prolifération intertubulaire 'D'après Dickinson, pl. u).
la surface et sont produites par la persistance des rayons mé-dullaires de chaque lobule. L'aspect macroscopique correspon-dant à cette altération a été représenté par Bright dans sa
3e planche (1), par Rayer dans sa 8e (2). C'est la 4e forme décrite par ce dernier auteur. Johnson appelle les reins ainsi altérés du nom de reins gras granuleux.
3° Suivant M. Dickinson et bon nombre d'autres auteurs, le rein graisseux, lisse ou granuleux, représenterait le der-nier terme de la néphrite parenchymateuse. Il existe cependant un certain nombre de faits qui tendent à démontrer que dans certains cas, rares à la vérité, le gros rein blanc peut, à la longue, subir une atrophie plus ou moins prononcée, et pré-senter, en conséquence, des apparences qui le rapprochent de celles du petit rein contracté, de sorte que, en pareil cas, la séparation établie entre les deux formes pourrait, au pre-mier abord, paraître arbitraire.
On désigne quelquefois, sous le nom de petit rein gras granuleux, cette altération atrophique du rein, consécutive à la néphrite parenchymateuse et bien distincte de l'atrophie produite par la néphrite interstitielle (rein contracté, petit rein granuleux). L'atrophie consécutive, dans le cas de la néphrite parenchymatease, paraît s'effectuer par le mécanisme suivant : les épithéliums, après être devenus graisseux, subissent sur certains points, une véritable fonte, par suite de quoi les granulations graisseuses deviennent libres ; les unes passent dans les urines ; les autres sont résorbées, et c'est en pareille circonstance que, d'après les observations de Beer, les espaces lymphatiques sont remplis de granulations graisseuses.
En conséquence, un certain nombre de tubes ainsi dépouillés de leur épithélium se vident et s'affaissent, tandis que d'autres moins avancés dans l'altération n'en sont encore qu'aux premières phrases de Infiltration granulo-graisseuse.
(1) Reports of médical Cases. Pl. m, flg. 1,2, 3.
(2) Rayer, —Atlas in-fol. du Traité des maladies des reins. Paris, 1837, g-1 2, 5 et 6.
Il ne semble pas qu'en général, aucun travail d nyperplasie conjonctive intervienne ici.
D'après les observations de M. G. Johnson, le petit rein gras peut toujours être distingué du rein contracté, anato-miquement et sans tenir compte des caractères différentiels mis en relief par cet auteur. — Le rein contracté présente un très petit volume, il offre une consistance fibreuse ; les granulations ne s'y voient qu'à la surface; elles reposent sur un fond rouge vasculaire, et n'ont jamais l'apparence de petites masses stéatosées ; enfin la surface de l'organe est hérissée de kystes qui se voient aussi souvent dans la profondeur de l'organe. — Au contraire, le rein blanc atrophié n'est jamais aussi petit que le rein rouge cirrhose ; sa consistance est moins ferme ; sa surface est toujours beaucoup plus inégale, bosselée, noueuse (1), tuberculeuse, comme dit Bright ; les granulations sont, en quelque sorte, plus grossières (G. Johnson); elles existent dans la profondeur de la substance coriicale, aussi bien qu'à la surface; elles sont jaunes et évidemment formées p^ l'accumulation de granulations et de gouttelettes graisseuses dans les tubuli ; la teinte générale de la substance corticale est pâle et jaunâtre, peu vasculaire, et non pas rouge comme dans le rein contracté; enfin, il n'existe pas habituellement de kystes, soit dans la profondeur, soit à la surface de l'organe (2).
Tels sont, Messieurs, les principaux états anatomiques qui doivent être rattachés à la forme de la maladie de Bright
(1) Motley and tuberculated Appearance of the Kidncy.
(2) Voir sur ce sujet: G. Johnson. — On the forms and stages of Bright's Diseuse of the Kidney. In. Med. chir. Trans., vol. XL1I, 1853, avec planches coloriées. — J'ai eu l'occasion de vérifier plusieurs fois, dans ces derniers temps, la parfaite exactitude des observations de M. Johnson relativement à la distinction à établir, auatomiquement et cliniquement, entre le petit rein gras et le rein contracté. [3. M. C).
qui nous occupe. Vous entendrez dire quelquefois que les apparences sous lesquelles peuvent se présenter, à l'œil nu, les altérations du rein dans la maladie de Briglit, sont telle-ment variées qu'elles diffèrent pour ainsi dire, à peu près chez chaque sujet. Évidemment, il y a là de l'exagération ; il faut reconnaître toutefois que ces apparences sont nom-breuses : ainsi, outre le petit rein rouge granuleux (néphrite interstitielle), nous avons le gros rein blanc, le gros rein graisseux lisse, le rein graisseux avec granulations, et enfin le rein graisseux atrophié et granuleux (petit rein gras granu-leux). Il n'est pas difficile toutefois, vous venez de le voir, de grouper toutes ces variétés autour de deux types fonda-ment aux, qui seuls doivent être considérés comme des espèces distinctes, ayant une existence autonome.
II.
J'espère être parvenu à vous montrer, Messieurs, que sous le rapport anatomo-pathologique, il existe entre la néphrite interstitielle et la néphrite parenchymateuse une ligne de démarcation tranchée. Cette démarcation subsiste sur le terrain de la clinique.
À. Le début de la forme de maladie de Bright, qui se traduit anatomiquement par les lésions que nous venons de décrire, se fait en règle générale d'une façon lente. Cette règle souffre des exceptions, beaucoup moins nombreuses pourtant qui ne semblent le croire quelques auteurs. Ainsi, vous entendrez souvent dire que la lésion du gros rein blanc avec toutes ses conséquences cliniques, a souvent pour point de départ la scarlatine, dans le cours de laquelle elle se développerait d'une façon aiguë ; or, si l'on cherche les preuves de cette assertion on ne les trouve nulle part, la néphrite scarlatineuse est une affection à part, qui évolue
à sa manière et qui, au point de vue anatomique, ainsi que nous le verrons plus tard, se rapproche beaucoup de la néphrite interstitielle.
Il est vrai que la néphrite parenchymateuse permanente commence quelquefois d'une manière aiguë, c'est-à-dire brus-quement, avec accompagnement d'un appareil fébrile plus ou moins prononcé et plus ou moins durable. Mais il faut recon-naître aussi que ces exemples sont peu nombreux ; ils parais-sent s'observer plus fréquemment en Angleterre que partout ailleurs. Ainsi, M. Bartels, qui observe en Allemagne, dit n'avoir rencontré, dans sa pratique, qu'un cas de ce genre ; Wilks, au contraire, en a rassemblé 4 ou 5, Dickinson à peu près autant, Bright en avait cité trois pour son compte ; je ne crois pas qu'il en existe un très grand nombre dans les publi-cations françaises.
Tous ces cas paraissent avoir pour caractère commun de se développer sous l'influence du froid, le corps étant en sueur. Ainsi, dans une des observations de Wilks (1), un homme .de 28 ans, ayant chaud et étant ivre, se jette dans la Tamise et nage pendant quelque temps : le lendemain il présente une anasarque considérable, une fièvre intense ; les urines sont rares et sombres, fortement albumineuses. Le malade suc-combe au bout de trois mois, à la suite d'une inflammation gangreneuse de la peau des jambes et du scrotum, consécu-tive à des ponctions faites pour évacuer le liquide de l'œdème, A l'autopsie, on trouve les reins très volumineux et présen-tant déjà à cette époque les caractères du gros rein blanc. — Toutes les observations de maladie de Bright parenchyma-teuse, à début aigu, paraissent faites à peu près sur le même modèle.
(i) Cases of Bright's Disease (Guy's Hospital Reports, 1852, 23 obseiva-tions).
A part cette circonstance de l'application du froid, et abs-traction faite aussi de l'influence de la scarlatine qui paraît n'avoir rien de -commun avec le développement du gros rein blanc, on ne trouve à signaler, dans Vétiologie de cette affec-tion aucune condition déterminante. On a beaucoup parlé de l'influence de maladies autres que la scarlatine, à savoir : la rougeole, la diphthérie, l'érysipèle, Faction de certains agents sur le rein (cantharides, térébenthine, copahu, etc.). Sous l'in-fluence des causes précédentes, il se produit souvent, en effet, de l'albuminurie et une altération granuleuse plus ou moins accusée des épithéliums ; mais jamais on n'a établi nettement qu'une maladie de Bright permanente ait reconnu une semblable étiologie.
B. Quoi qu'il en soit, que le début ait été lent ou rapide, dans la période d'état de la maladie, les symptômes sont tou-jours à peu près les mômes.
1° Les urines sont rares et dans la période aiguë quelque-ois très rares ; dans les conditions ordinaires môme, on trouve 500 ou 600 gr. pour les 24 heures. Ce fait qui contraste avec ce qui se voit dans la néphrite interstitielle, est d'autant plus intéressant que les malades atteints de néphrite parenchyma-teuse ont un besoin incessant d'uriner ; ils ont, comme disent les Anglais, la vessie irritable, mais, si l'on mesure la quan-tité des urines rendues dans un temps donné, on constate qu'elle est très faible. Celte rareté des urines est d'ailleurs expliquée : par l'hydropisie, qui est ici un phénomène habi-tuel; par l'anémie de la substance corticale du rein qui n'est pas, dans cet ordre de faits, l'occasion d'un travail de com-pensation cardiaque ; peut-être aussi, par Fabondance des cy-lindres urinaires, qui, dans certains cas au moins, peuvent jouer le rôle d'infarctus tubulaires et entraver la sécrétion.
La proportion d'urée est en général au-dessous de la nor-
maie (15, 20 gr.). L'existence dans le liquide des hydropisies dune certaine quantité d'urée, et le ralentissement du pro-cessus de la nutrition, constant chez ces malades toujours plus ou moins cachectiques, paraissent suffire à expliquer ce fait.
L'excrétion de Vacide urique paraît n'éprouver aucune modification appréciable.
Valbuminurie est très accentuée dans cette forme de maladie de Brighl ; certains malades perdent dans les 24 heures. 15 à20gr. d'albumine; l'urine en contient donc alors 3 0/0, c'est-à-dire une proportion plus forte que celle qui existe dans la sérosité des vésicatoires.
2° Après les caractères fournis par l'examen des urines. Xhydropisic est le phénomène le plus saillant ; elle est, pour ainsi dire, constante dans la forme de maladie de Brighl que nous étudions, et, déplus, elle amène souvent la mort, soit par elle-même (hydrothorax, etc.), soit en devenant le point de départ d'accidents variés : les érysipèles gangreneux, les phlegmons de mauvaise nature sont beaucoup plus fréquents dans cette variété d'hydropisie que dans toutes les autres.
3° A l'inverse de ce qu'on observe dans le cas de rein con-tracté, les sujets atteints de néphrite parencbymaleuse devien-nent rapidement cachectiques et anémiques : la perte d'une grande quantité d'albumine contribue à coup sûr à produire ce résultat.
Ces malades sont dyspeptiques, et deviennent sujets aux vomissements. Suivant MM. Fenwick (cité par Graingei Slewart), et Wilson Fox, il se produirait souvent dans la néphrite interstitielle une gastrite inlerlubulaire, et, au con-traire, une lésion particulière des follicules dans la néphrite parenchymateuse.
Enfui, et je me borne à vous rappeler ce fait déjà signalé précédcmniput, l'hypertrophie du cœur, l'hémorrhagie céré-
brale, la rélinite albuminurique, etc., n'appartiennent pas à la néphrite parenchymateuse, ou ne s'y montrent, (d'après quelques observateurs) que dans la période atrophique.
La mort survient par suite de circonstances variées : j'ai déjà parlé des érysipèles de mauvaise nature et des hydro-pisies viscérales qui sont la cause la plus fréquente de la ter-minaison fatale. Les phlegmasies viscérales ne sont pas rares, en particulier la pneumonie et la pleurésie ; vient en-suite la péricardite ; il existe aussi quelques exemples de péritonites liées à la néphrite parenchymateuse. Enfin, Vuré-mie peut y être observée, mais beaucoup plus rarement que dans la néphrite insterstitielle ; elle paraît alors survenir sou-vent dans les cas où on soustrait rapidement à l'organisme de grandes quantités d'eau par d'autres voies que par les reins (Bartels), ainsi à la suite de diarrhées copieuses provoquées par des purgatifs, ou bien après des sueurs profuses déter-minées par les bains de vapeur, et qui amènent une rapide résorption du liquide des hydropisies.
Il n'est pas douteux que la maladie puisse guérir : elle pré-sente quelquefois des amendements plus ou moins longs, pen-dant lesquels il reste toujours une certaine quantité d'albu-mine dans les urines, amendements qui pourtant ne sont que temporaires et bientôt suivis de rechutes. Cet état de choses peut se prolonger 5 ou 6 ans, et c'est alors que l'on peut ren-contrer à l'autopsie le petit rein graisseux granulé décrit par G. M. Johnson ; ces cas sont d'ailleurs exceptionnels, et en général, la durée de la néphrite parenchymateuse ne dépasse guère un an, tandis que la néphrite interstitielle peut se prolonger pendant de longues années, jusqu'à dix ans, d'après quelques unes de mes observations.
SEPTIÈME LEÇON
Néphrite scarlatineuse. — Rein amyloïde.
Sommaire. — Les lésions de la néphrite scarlatineuse ne sont pas celles de la néphrite parenchymateuse, mais bien de la néphrite interstitielle aiguë ; — elles affectent surtout les glomérules.
De la dégénération amyloïde en général. — Substance amyloïde: — dans les parois vasculaires; — les éléments cellulaires; — les membranes hyalines. — Apparence. — Réactifs. — Constitution chimique. — Nature. — Condi-tions étiologiques.
Rein amyloïde. — Examen histologique : — étude analytique des lésions ; — études sur des coupes du rein. — Caractères macroscopiques.
Phénomènes cliniques — Diagnostic fondé sur des considérations extrinsè-ques.
Messieurs,
J'espère en avoir dit assez dans les leçons précédentes pour établir la proposition que je formulais en commençant cette série d'études, à savoir que les deux formes de maladie de Bright, caractérisées anatomiquement l'une par le petit rein granuleux, l'autre par le gros rein blanc se séparent autant par le côté clinique que sous le rapport anatomo-pathologi-que. Je terminerai cette série de leçons en vous présentant quelques aperçus relatifs à la néphrite scarlatineuse et au rein amyloïde.
Chargot. Œuvres complètes, t. vi, Maladies des reins. 24
I.
L'histoire de la néphrite scarlatineuse est confondue par la majorité des auteurs avec celle de la néphrite parenchyma-teuse. L'orsqu'on étudie ce sujet, non pas seulement en s'en rapportant aux dires des ouvrages systématiques, mais en remontant jusqu'aux documents originaux, on est bientôt frappé de ce fait, que l'opinion qui fait de la néphrite scarlati-neuse le point de départ de lésions permanentes pouvant être rapportées au gros rein blanc, ne repose sur aucune observa-tion décisive. Sans doute, il existe des cas dans lesquels on observe un début aigu, fébrile, des hydropisies, une durée de deux ou trois mois, et où l'on trouve à l'autopsie une altéra-tion qui se rapproche de celle qui caractérise le rein blanc de la néphrite parenchymateuse. Le rein malade, en effet, peut se montrer augmenté de volume, lisse à sa surface; sa sub-stance corticale, épaissie, peut présenter une teinte jaune ou blanche mêlée de stries rouges. Mais nous avons fait remar-quer déjà que, dans les premières phases de la néphrite in-terstitielle, le rein offre une analogie assez grande avec le rein blanc de la néphrite parenchymateuse; et, en réalité, les quelques observations de néphrite scarlatineuse, dans les-quelles un examen histologique régulier a été fait, concourent à présenter l'altération rénale qui s'observe en pareil cas, comme une variété de la néphrite interstitielle aiguë et su-baiguë.
Ainsi, dans un lait étudié par M. Biermer (Arch. fur path. Anat. XIX) et dans un autre fait du même genre rapporté par M. Wagner (A?xh. der Heilk. 1867, p. 264), il existait une infiltration de petites cellules dans l'épaisseur de la gangue
conjonctive de la substance corticale; l'éplthélium était à peine altéré; en tous cas, il n'était pas infiltré de granulations graisseuses, remarque déjà faite par M. Dickinson qui, à la vérité, n'a rien dit de la prolifération conjonctive. De son côté, M. Klebs a décrit, dans cetains cas de scarlatine, une altération rénale qu'il désigne du nom de glomérulite et qui consiste, ainsi que nous l'avons dit, en une prolifération de la trame conjonctive du glomérule.
Enfin, M. Kelsch expose, dans son important travail, que dans deux cas de lésion scarlatineuse du rein, il fut surpris de rencontrer tous les caractères qui appartiennent aux pre-miers degrés de la néphrite interstitielle et, en particulier, l'infiltration de petites cellules rondes. Dans la couche corti-cale, les tubes urinifères étaient dissociés, comme disséqués par des nappes de jeunes cellules embryonnaires ; l'altération occupait toute l'épaisseur du lobule, le labyrinthe aussi bien que les rayons médullaires. Les glomérules étaient convertis en un tissu embryonnaire constitué par de jeunes cellules très conlluentes. L'épithélium des tubes contournés était gra-nuleux, mais peu tuméfié, et le canal central de ces tubes était libre sur tout son parcours.
Ce sont peut-être là les seules observations où l'histologie de la néphrite scarlatineuse ait été régulièrement conduite, et toutes concourent, vous le voyez, à établir qu'il s'agit là, non pas d'un premier degré de la néphrite parenchymateuse, mais bien au contraire d'une néphrite interstitielle à développement rapide. Il ne paraît pas que la néphrite scarlatineuse ait jamais abouti à produire le rein contracté (1).
(1) J. Coats a publié dans The British médical Journal (26 septembre 1874), l'observation suivante :
Y. R., âgé de 20 ans, fut admis le 30 septembre 1871 à l'infirmerie royale de Glasgow, dans les salles de fiévreux du docteur Me Laren. La maladie avait commencé cinq jours auparavant, par une perte d'appétit, des douleurs
II.
Messieurs, il y a longtemps déjà que l'altération désignée sous le nom de dégénération amyloïde du rein a été dis-dans tout le corps, de la céphalalgie, de la dysenterie, de la gêne pour avaler, et des nausées sans vomissements; l'éruption avait débuté le second jour de la maladie et couvrait au moment de l'entrée le tronc et les membres; la gorge était à peine affectée, mais il y avait de la difficulté pour avaler; la température dans l'aisellc était de 101°, 8 F. (38°, 8). Le malade était anxieux, à demi inconscient, et avait du délire la nuit. — Le 4 octobre, l'éruption persistait sur l'abdomen, et la température était à 103°, 4 F. (39° 7). — Le malade mourut le 5 octobre, cinq jours après son admission, le dixième jour de la maladie.
L'autopsie fut faite 27 heures après la mort. Le foie et la rate étaient consi-dérablement augmentés de volume; le foie pesait cinq livres (1875 gram.) et la rate 21 onces (550 gram.). Les ganglions mésentériques étaient tuméfiés et rouges à la section, et il y avait aussi une rougeur et une tuméfaction des plaques de Peyer et des follicules clos du gros intestin. Les deux reins, très volumi-neux, pesaient ensemble 22 onces (680 gram.). Ils offraient à l'œil nu, de la façon la plus marquée, les apparences du gros rein blanc, la substance corticale étant très pâle et très épaissie.
Les caractères histologiques étaient absolument caractéristiques L'aug-mentation de volume et la pâleur du rein étaient dues à une infiltration presque générale de la substance corticale par une multitude de cellules rondes. Celles-ci étaient répandues autour des tubules qu'elles séparaient, mais sans que l'épithélmm fut notablement altéré; elles avaient le volume des globules blancs du sang et étaient distendues. L'apparence qui vient d'être décrite est évidente et facile à constater sur une mince coupe trans-versale, et particulièrement dans les points ou rôpilhélium a été détaché. Les cellules sont là en si grande abondance que la coupe ressemble absolu-ment à une préparation que j'ai en ma possession et qui provient d'un noyau leucémique du rein. Dans le fait actuel, comme dans cette préparation, il y a une infiltration intertubulaire très marquée, avec celle différence que cette infiltration existe, non pas seulement dans un point limité, mais dans toute la couche corticale. — L'épilhélium des tubuli est à peine modifié, tout au plus un peu tuméfié et granuleux. La coupe ressemble beaucoup à l'une des planches de Y Histologie pathologique de Rindflcisch (traduction française, fig. 196 (?), p. 516).
Ainsi nous trouvons ici une néphrite interstitielle aiguë, généralisée clans les deux reins, survenant dans le cours de la scarlatine, et terminée par la mort au dixième jour. Je ne suis pas sûr qu'un fait analogue ait été rapporté jusqu'ici,
traite du groupe hétérogène compris sous le nom de maladie de Bright ; c'est que, en effet, la lésion rénale se présente ici avec des caractères assez spéciaux et au milieu de circons-tances très particulières, bien dignes de motiver une sépara-tion tranchée.
On peut dire que l'altération amyloïde du rein n'a pas d'existence autonome. Toujours, elle est subordonnée à un état constitutionnel, à une maladie d'ensemble qui, outre le rein, frappe différents viscères : le foie, la rate, l'intestin, etc.
A. Ces diverses altérations viscérales, subordonnées à une même influence, présentent toutes, d'ailleurs, un caractère anatomo-pathologique commun. Ce caractère est tiré de la présence, au sein de certains éléments anatomiques, d'une substance douée de propriétés morphologiques et microchimi-ques spéciales. La substance en question est habituellement désignée sous le nom de substance amyloïde, mais c'estbien à tort, car elle contient de l'azote et, par conséquent, s'éloigne à cet égard autant de la cellulose de l'amidon qu'elle se rap-proche des substances albuminoïdes.
a) C'est dans les parois des artérioles et des capillaires que la matière dite amyloïde se montre de préférence, et en pre-mier lieu, plus, rarement dans les veinules ; jamais on ne la voit dans les vaisseaux d'un certain calibre, et si on l'a signa-lée dans l'aorte, il faut remarquer qu'elle occupait là, seule-ment les vasa vasorum.
Les parties altérées de ces vaisseaux sont en général aug-mentées de volume ; elles prennent un aspect homogène, transparent, vitreux, opalescent, tous les détails de la struc-ture des parties altérées tendent à se confondre et à s'effacer.
L'altération occupe d'abord la membrane interne qui peut se montrer seule affectée, puis la membrane limitante ; plus
mais tel qu'il est, il démontre jusqu'à l'évidence l'existence d'une inflammation interstitielle aiguë dans les reins.
tard, ce sont les fibres musculaires de la tunique moyenne qui prennent à leur tour l'aspect homogène et vitreux ; en der-nier lieu, et assez rarement du reste, la membrane adventice et le tissu conjonctif environnant peuvent être altérés eux aussi.
Lorsque les artérioles sont ainsi affectées, elles offrent un aspect noueux qui les a fait comparer (Grainger Slewart) à des racines d'ipécacuanha. Dans les capillaires, l'altération se présente avec les mêmes caractères ; les noyaux se fondent et disparaissent au sein de la substance vitreuse. Le résultat final est, en somme, un épaississement des parois vas-culaires, qui peut aller jusqu'à une oblitération complète de la lumière du vaisseau.
b) Les cellules parenchymateuses peuvent aussi être enva-hies par l'altération amyloïde ; dans le foie, par exemple, les cellules hépatiques sont parfois affectées primitivement, indé-pendamment des artérioles : elles sont alors augmentées de volume, défigurées, et présentent des contours plus vagues, des angles émoussés ; leur protoplasma est remplacé par une matière vitreuse, opalescente, qui cache le noyau. Il arrive souvent alors que les cellules altérées se confondent les unes avec les autres. — Une altération analogue peut se produire dans les fibres-cellules musculaires de l'intestin (Rokitansky), et dans les cellules du tissu conjonctif sous-cutané ou du mé-sentère (Hayèm), la matière vitreuse, dans ce dernier cas, occupe le protoplasma au voisinage du noyau et refoule la matière grasse.
c) Les membranes hyalines, celles, entre autres, qui con-stituent les parois des tubes urinifères, peuvent également participer à l'altération.
B. Les parties atteintes de dégénération amyloïde offrent un aspect particulier décrit en 1842 par Rokitansky,
sous le nom d'apparence lardacée. La partie malade est anémiée, pâle, jaunâtre ou grise, un peu transparente, d'une consistance molle, comme cireuse, et garde l'impression du doigt.
Mais la dégénération amyloïde se montre rarement tout à fait pure, dégagée d'éléments accessoires : dans le rein, par exemple, elle coïncide souvent, soit avec les lésions de la néphrite interstitielle, soit avec celles delà néphrite parenchy-mateuse. Pour la reconnaître, surfout au début du mal, on ne doit guère se fier à l'apparence qui peut être trompeuse ; 1 faut, de toute nécessité, avoir recours aux réactifs.
C. Le réactif généralement employé est Y iode. Le mieux est de se servir d'une solution aqueuse iodée avec addition d'iodure de potassium et présentant la couleur du vin de Xérès foncé. Si cette solution est xrersée sur les parties attein-tes de dégénération amyloïde, on voit se produire une colo-ration jaune générale, au millieu de laquelle on distingue des stries ou quelquefois des plaques, suivant que les vaisseaux seuls ou les autres éléments sont frappés de dégénération ; ces stries ou ces plaques offrent la coloration acajou. — Si l'on applique ensuite sur la partie ainsi colorée une goutte d'acide suifurique la coloration rouge-brun se change quel-quefois, mais non constamment, en une coloration bleue ou violette, plus ou moins foncée.
Pour mettre en évidence l'altérai ion amyloïde, on a quel-quefois recours à d'autres réactifs, le chlorure de zincioduré, par exemple. Récemment M. Dickinson a étudié à ce point de vue le suif aie d'indigo. Lorsque dans une faible solution de cette substance, on laisse plongé pendant quelque temps un fragment de rein sain, celui-ci se colore en bleu, mais la teinte bfeue s'efface bientôt, pour faire place à une colo-ration d'un vert pâle. Quand, au contraire, il s'agit d'un
rein amyloïde, les parties atteintes par la dégénération con-servent pendant longtemps une couleur bleue très accusée, laquelle contraste avec la coloration des parties restées saines. Il va sans dire que, dans l'étude histologique, la réaction iodée met nettement en relief les éléments altérés par la dégé-nération amyloïde.
D. Un mot maintenant relativement à la constitution chi-mique de la substance amyloïde. Je vous ai dit déjà qu'elle n'a rien de commun avec la cellulose et l'amidon, auxquels la réaction iodée l'avait fait comparer tout d'abord. Les ana-lyses élémentaires de Kékulé, de Rudneff, de Schmidt, faites sur la substance amyloïde de rates profondément infiltrées, ont démontré que l'azote entre dans sa constitution. Elle se rapproche chimiquement, cela est incontestable, des subs-tances amyloïdes ; mais c'est là, quant à présent, tout ce qu'on sait de positif à cet égard.
Dans ces derniers temps, M. Dickinson a essayé d'aller plus loin, et il a émis l'hypothèse que la substance amyloïde n'est autre chose que de la fibrine privée de l'alcali libre qui entre normalement dans sa composition.
Il fait remarquer, tout d'abord, que l'un des caractères de la matière amyloïde, lorsqu'on la compare aux autres sub-stances albuminoïdes, c'est l'absence d'alcali libre , ainsi, dans un un foie amyloïde, on trouve un quart en moins d'al-cali (potasse ou soude) dans un foie sain.
Le foie amyloïde perd ia propriété de se colorer par l'iode, si on le fait macérer au préalable dans une solution alcaline ; ceci peut faire supposer déjà que la matière amyloïde est une substance albuminoïde privée d'alcali.
Mais un dernier fait tendrait encore, toujours suivant M. Dickinson, à établir que cette substance n'est autre qu'une
modification de la fibrine. Il s'agit de la préparation artificielle, à l'aide de la fibrine, d'une substance qui présenterait les caractères optiques et chimiques de la matière amyloïde. On dissout de la fibrine dans de l'acide chlorhydrique dilué (1 /10000J ; la fibrine se retrouve par l'évaporation de la solu-tion, mais privée d'alcali, et elle se montre alors sous la forme d'une substance de consistance gélatineuse qui offrirerait, de la manière la plus frappante, les réactions de la matière amyloïde. M. Dickinson fonde, là-dessus, toute une théorie de la dégénération amyloïde, dans laquelle je ne le suivrai pas : mais les faits qu'il expose étant encore peu connus, j'ai cru utile de les relever.
E. La dégénération amyloïde, ainsi que je vous l'ai déjà fait remarquer, frappe simultanément plusieurs organes, de sorte que l'altération rénale n'est pour ainsi dire, dans cet ensemble d'altérations, qu'un épisode. Mais ici se pose une question : s'agit-il réellement d'une infiltration des tissus affectés par une substance formée d'abord dans le sang, ou bien la matière amyloïde se forme-t-elle sur place aux dépens des tissus préexistants ? Dans l'état actuel de la science, cette question paraît être absolument insoluble ; je me contente de la signaler ; je ferai seulement remarquer que, jusqu'ici, l'é-tude du sang chez les sujets atteints de l maladie lardacée, n'y a fait trouver absolument rien qui rappelle la substance amyloïde.
F. L'étude des conditions étiologiques fournit des données très importantes : on constate, en général, un concours de circonstances qui caractérisent vivement la situation, et qui permettent à peu près toujours, lorsqu'elles sont présentes, de soupçonner l'existence de l'une quelconque des formes d'altération amyloïde, en particulier l'altération rénale.
1° L'une des circonstances les plus fréquentes est une sup-puration prolongée, quelle qu'en soit d'ailleurs la cause (ca-rie, nécrose, maladies des os, mal de Pott avec abcès, phthi-sie avec vomiques, dilatation des bronches, dysenterie avec abcès du foie, vieux ulcères de jambe). La suppuration de l'un des reins a parfois entraîné l'altération amyloïde de l'autre rein (Rosenstein).
C'est en partie sur la prédominance de cette condition éco-logique, bien constatée d'ailleurs, qu'est fondée la théorie hu-morale de M. Dickinson. Le pus est un liquide riche en albu-mine et en sels alcalis ; la continuité de la suppuration peut donc avoir pour effet, d'après M. Dickinson, de soustraire au sang de l'albumine et des alcalis; la fibrine deviendrait ainsi relativement prédominante, mais en même temps pauvre en alcali ; et c'est à cette circonstance que serait due la forma-tion de la matière amyloïde qui, d'après l'auteur, n'est que de la fibrine privée de l'alcali libre normal.
2° C'est de la même façon qu'agirait Y albuminurie. Celle-ci en effet, quelle que soit son origine, figure parmi les cir-constances qui président au développement de la maladie lardacée.
Sans entrer dans une critique en règle, je ferai remarquer que cette théorie ne saurait avoir une application aussi étendue que le veut l'auteur. Car il existe d'autres circonstances dans lesquelles se produit la dégénération amyloïde, et où il n'y a pas, cependant, suppuration prolongée; ainsi la syphilis figure aux premier plan dans certaines statistiques ; on a si-gnalé aussi comme causes possibles le rhumatisme articu-laire chronique, diverses formes de cancer ; il ne faut pas oublier que, dans plus d'un cas, la condition étiologique reste tout à fait inconnue.
G. La dégénération amyloïde peut être observée à tout âge :
on l'a vue se produire chez un enfant de 2 ans 1 /2 atteint de coxalgie ; on peut la rencontrer comme la scrofule jusqu'à l'âge de 70 ans, mais c'est surtout entre 20 et 30 ans qu'elle se montre, c'est-à-dire dans la période pendant laquelle do-mine la phthisie,
111.
Après cet exposé préliminaire consacré à l'étude de la dé-génération amyloïde en général, il est temps, Messieurs, d'a-border la description spéciale du rein amyloïde; je commen-cerai ici par l'exposé des lésions histologiques auxquelles je rattacherai ensuite les apparences macroscopiques. Au préa-lable cependant, je dois relever que, lorsque le mal est par-venu à une époque moyenne de son développement, les apparences macroscopiques sont surtout celles du gros rein blanc, avec une nuance jaunâtre dans certains cas; mais la distinction, difficile au premier abord, devient des plus aisées lorsque l'on fait intervenir les réactifs. Toutes les parties tou-chées par le réactif iodé sont colorées, mais la coloration acajou spéciale est localisée, dans la couche corticale, sur les glomérules; et dans la substance médullaire, elle se montre sous forme de stries parallèles qui correspondent au trajet des vaisseaux droits ; nous reconnaîtrons bientôt la raison histologique de cette disposition.
A. Dans le rein, comme dans les autres organes, l'altéra-tion amyloïde s'établit primitivement dans le système des artérioles : 1° Ce sont les vaisseaux des glomérules qui sont atteints en premier lieu ; le glomérule est volumineux et pré-sente la coloration spéciale sous l'influence des réactifs ; il est assez remarquable que tous les glomérules ne sont pas affec-
tés simultanément; la lésion se montre ensuite sur les vais-seaux afférents, puis sur les vaisseaux efférents, et, parmi ces derniers, d'abord sur ceux qui, partant duglomérule, descen-dent dans la substance tubuleuse sous le non de vaisseaux droits ; enfin, les artères interlobulaires et d'un autre côté les capillaires peuvent être envahis à leur four.
B. Souvent, les vaisseaux sont seuls affectés; cependant les parois des tubuli peuvent l'être aussi et chose remarquable, c'est l'extrémité inférieure des conduits collecteurs dans la partie papillaire qui est, en pareil cas, le siège de prédilec-tion de la dégénération amyloïde; c'est seulement dans ces circonstances relativement rares que les branches des canaux collecteurs eúescanaliculi contorti sont affectés; et quant aux anses de Henle, il ne paraît pas qu'elles soient jamais alté-rées.
C. En dehors de ces lésions des vaisseaux et des membra-nes hyalines, la plupart des altérations, d'ailleurs nombreu-ses et profondes, que le rein peut présenter, ne sont pas rela-tives à la dégénérescence amyloïde. — Io Dans la lumière des tubuli, on trouve quelquefois des cylindres qui offrent la réaction par l'action de l'iode, mais ce caractère, ainsi que nous l'avons dit, n'est pas absolument spécifique; — 2° les épithéliums des tubuli contorti sont quelquefois dégénérés, formant un magma qui remplit le calibre du conduit et pré-sente la réaction spéciale (A. Key), mais c'est là un fait très exceptionnel ; — on peut trouver enfin, combinés à l'altéra-, tion amyloïde, tous les traits histologiques de la néphrite pa-renchymateuse, ou bien les caractères d'une prolifération conjonctive interstitielle ; et c'est à la combinaison de ces di-verses lésions, concomitantes avec l'altération amyloïde, que
sont dues les apparences macroscopiques variées que peut présenter le rein amyloïde.
D. Afin de faire mieux ressortir la disposition de l'altéra-tion amyloïde dans le rein, je crois utile d'étudier l'aspect que présentent des coupes faites sur des points divers de l'or-gane ; je supposerai, par exemple, un cas dans lequel l'alté-ration amyloïde est portée à un haut degré, sans avoir envahi, ce qui d'ailleurs est assez rare, les éléments épithéliaux.
Sur des coupes de la substance corticale, faites perpendicu-lairement à la surface, on aperçoit tout le système des glomé-rules, les vaisseaux afférents et efférents, les artères inter-lobulaires, modifiés par la dégénération amyloïde et parais-sant comme injectés par une substance étrangère.
Les coupes de la substance médullaire sont plus intéres-santes. Sur celles qui son! faites au voisinage de la papille, on distingue : des canaux collecteurs dont les parois sont épaissies et qui contiennent peut-être des cylindres ; — de petits canaux à parois épaisses, striées : ce sont les rasa recta ; — enfin de petits tubes n'offrant aucune altération et qui ne sont autres que les anses de Henle.
Sur les coupes faites au voisinage de la substance corticale, on trouve les vaisseaux droits altérés, disposés par petits groupes autour des lobules et dans les intervalles qu'ils limi-tent • les anses de Henle et les canaux droits ne présentent aucune lésion appréciable.
E. J'arrivemaintenant aux caractères macroscopiques. 1° A un premier degré, le rein laisse voir sous tous les rapports l'apparence de l'état normal, et seule la teinture d'iode révèle l'altération des glomérules, altération d'ailleurs très limitée en-core, et qui peut ne se manifester cliniquement par aucun symptôme appréciable.
2° Lorsque le malade succombe un ou deux ans après le début, le rein présente l'aspect du gros rein lisse ou du gros rein graisseux ; il offre souvent un poids et un volume consi-dérables ; l'examen histologique fait constater une hypertro-phie des épithéliums avec ou sans accompagnement de dégé-nérescence graisseuse.
3° Enfin, lorsque la mort survient seulement au bout de 4 ou S ans, on peut trouver un rein petit, mais pâle ; il offre alors à sa surface une série de dépressions et d'élévations, jamais cependant l'apparence régulière des granulations du petit rein rouge ; quelquefois il existe des kystes ; en tout cas, la réaction par l'iode permettra toujours de distinguer ce rein amyloïde atrophié, du rein contracté de la néphrite inters-titielle primitive ou du petit rein de la néphrite parenchyma-teuse arrivée à la dernière pétiode.
IV.
lime reste, Messieurs, à vous indiquer (et je le ferai d'une façon très sommaire) les principaux phénomènes qui, dans la clinique, conduisent à reconnaître l'altération amyloïde du rein. On peut dire que cette altération n'a pas de symptômes qui lui appartiennent en propre. Les phénomènes qui s'y rat-tachent sont, tantôt ceux de la néphrite parenchymateuse, tantôt ceux de la néphrite interstitielle ; tantôt enfin, les deux ordres de symptômes se trouvent entremêlés. Cependant, rien n'est plus facile, en général, que d'établir le diagnostic; mais celui-ci est fondé à peu près exclusivement sur des considé-rations extrinsèques.
L'existence d'une albuminurie habituelle, la persistance d'un certain degré d'œdème suffisent, dans l'espèce, pour
faire reconnaître qu'il s'agit d'une lésion rénale, mais la pré-sence de phénomènes appartenant à la diathèse amyloïde ré-vèle seule la nature spéciale de l'affectio du rein. Ainsi, le sujet est phtliisique, atteint de suppuration prolongée ou bien de cachexie syphilitique. On constate en outre chez lui une tuméfaction considérable du foie et de la rate; enfin, il pré-sente une diarrhée incoercible, aqueuse et sans douleurs, diarrhée relevant d'une altération amyloïde des artères de l'intestin grêle ; dans ces conditions, il est facile de se pro-noncer et d'affirmer l'existence d'une dégénérescence amy-loïde du rein.
Du reste, on n'est point parvenu jusqu'ici à reconnaître nettement, comment, en pareil cas, les alérations parenchy-mateuses ou interstitielles du rein relèvent de l'altération amyloïde des artères, non plus qu'à établir la physiologie des symptômes qui relèvent de ces altérations. Ce sont là des questions dont l'avenir nous réserve la solution.
TROISIÈME PARTIE
Des conditions pathogéniques de l'albuminurie
Charcot. Œuvres complètes, t. vi, Maladies des reins
PREMIÈRE LEÇON
Conditions anatomiques et physiologiques delà fonc-tion normale du rein.
Sommaire. - But de ces leçons. — Préambule d'anatomie normale. — Réseau veineux du rein; voûte veineuse et veines droites. — Rapports de voisi-nage des veines droites et des tubes urinifères ; conséquences pathologi-ques de ces rapports. Anurie rénale. — Expériences de Ludwig et de Max Hermán n.
Système vasculaire du rein chez les vertébrés inférieurs. — Utilité de ces notions d'anatomie comparée, au point de vue de l'interprétation des phé-nomènes physiologiques dans le reste de l'échelle zoologiquc.
Caractères essentiels de l'urine en tant que produit de sécrétion : Proportion de l'eau ; urée et acide urique ; acide hippurique. — Synthèse expérimentale de l'acide hippurique. — Expériences de Sdhmiedberget Koch. —Fonction-nement de chacune des parties de l'appareil rénal.
Messieurs,
Je me propose de vous exposer les principales notions qui se rattachent aux troubles fonctionnels des diverses maladies rénales et en particulier à l'albuminurie dont le mécanisme, vous le savez, a fait jusqu'à ce jour l'objet de nombreuses discussions
Mais avant d'en venir là, il me paraît indispensable de vous rappeler en quelques mots certains faits de l'ordre physiolo-gique sans lesquels il nous serait, pour ainsi dire, impossible d'interpréter les symptômes que nous devons analyser ensem-ble. Je supposerai donc parfaitement connues de vous les notions relatives à la circulation artérielle dans le rein, et je me bornerai à vous représenter dans un tableau tracé à grands traits la disposition générale des voies de la circulation vei-neuse.
1.
Dans la substance corticale, les veinules qui proviennent du réseau capillaire reproduisent la disposition des artères afférentes du glomérule ; elles vont s'aboucher dans des vei-nes qui, à leur tour, reproduisent la disposition des artères intralobulaires. Ces dernières veinules se jettent en définitive dans la voûte veineuse qui, dans la région intermédiaire à la substance médullaire et à la substance corticale (zone limi-tante), correspond à la voûte artérielle.
Les veines qui, de cette voûte, se rendent dans la substance médullaire méritent, vous allez le voir, une mention spéciale. Elles forment des pinceaux vasculaires qui reproduisent encore la disposition des artères droites et occupent dans le lobule la même région que celles-ci ; elles sont donc, elles aussi, interlobulaires.
Mais voici le point sur lequel je veux spécialement appeler votre attention. Les rapports qu'affectent les veinules droites avec les canaux urinifères du lobule vous étant bien connus, il vous est facile de concevoir, à priori, que, par suite d'une gêne apportée, dans la veine émulgente par exemple, à la circulation du sang veineux, ces veinules, comme d'ailleurs les autres parties du système veineux dans le rein, devien-dront le siège d'une stase sanguine. Dans les veines droites de la zone limitante, cette stase aura des conséquences par-ticulières. En effet, les veinules, distendues pourront acquérir un volume relativement considérable, au point de déterminer la compression des canalicules urinifères de la région (anse de Henle et canaux collecteurs^). Le résultat de cette disten-sion veineuse serait tout naturellement une rétention intra-rénale du produit de la sécrétion urinaire, constituant une
forme particulière d'ischurie ou d'anurie méritant vraimeat le nom de rénale, puisque ce serait dans le rein lui-même et non en dehors de lui, dans le bassinet ou l'uretère que rési-derait la cause de la rétention.
Est-ce là une simple vue de l'esprit ? Non, Messieurs, vous allez le reconnaître. Cette présomption, fondée sur la connais-sance des dispositions anatomiques, trouve sa réalisation dans les faits suivants :
1° Ludwig a fait voir que si, pendant la vie, chez un ani-mal, un chien par exemple, on pratique la ligature de la veine rénale, etsi, la mort ayant été provoquée quelque temps après, on vient à examiner le rein en question, on reconnaît que les veinules droites sont énormément distendues, au point de produire l'effacement partiel ou total de la lumière des con-duits urinifères.
2° Voici un fait de l'ordre expérimental plus direct encore dans l'espèce. Il s'agit d'une expérience hydraulique de Lud-wig fort ingénieuse et d'ailleurs célèbre. Sur un animal vi-vant, on extrait l'un des reins. Par l'artère émulgente on in-jecte sous une certaine pression un liquide quelconque. Ce liquide s'écoule à la fois, tant que dure l'irrigation artérielle, par la veine et par l'uretère. Par l'uretère, conformément à ce quia lieu dans la sécrétion rénale physiologique, il s'écoule continuellement et goutte à goutte. Or, si l'injection par l'ar-tère continuant, on vient à comprimer la veine ou à l'oblitérer complètement, il s'ensuivra que l'écoulement du liquide par l'uretère diminuera ou cessera tout à coup. Cette expérience vous montre, sans qu'il soit besoin d'y insister, quel est le mécanisme de certaines ischuries ou anuries déterminées chez l'homme en conséquence d'un obstacle apporté au cours du sang dans la veine rénale. Nous verrons que l'urine rare,
qui s'écoule en pareil cas, subit d'ailleurs des modifications particulières.
3° On conçoit que si la distension des veines retentit sur les conduits urinifères, inversement la distension de ceux-ci pourra retentir sur les veines ; et, en pareille circonstance, la compression exercée par les conduits urinifôres sur les vais-seaux adjacents apportera une gène notable à la circulation en retour dans la veine émulgente. Les choses sont réelle-ment ainsi, comme le démontre une expérience imaginée par M. Max Herrmann. Chez un chien narcotisé, une canule est placée dans la veine rénale, la circulation artérielle restant libre. Par la canule, le sang s'écoule avec une certaine vi-tesse. L'urine elle, — et c'est cette fois vraiment de l'urine — s'écoule goutte h goutte et continuellement comme dans les conditions normales. Si en ce moment, dans l'uretère, une pression équivalant à 35 millimètres de mercure vient à être opposée au cours de l'urine, on voit la circulation se ralentir très manifestement dans la veine émulgente. Ainsi, vous le voyez, la stase urinaire, en raison des dispositions anatomiques relevées ci-dessus amène la stase veineuse, et inversement, par un mécanisme analogue, la stase veineuse à son tour amène la stase urinaire.
Ces faits d'ordre expérimental trouveront, vous le pressen-tez, plus d'une application dans le domaine pathologique.
II.
Ici, Messieurs, se terminerait notre digression dans le do-maine anatomique et nous pourrions entrer de plein-pied dans le domaine physiologique, si je ne devais vous signaler, au préalable, une disposition du système vasculaire du rein
Fig, 38. — Disposition schématique de Vappareil sécréteur de l'urine chez la couleuvre (d'après Bowmann). — A, artère lobulairc ; — a f, artcriole afférente ; — artériole évéhente ; v «, veine advehens ; — veine revehens; — c v, capillaires veineux; — g., glomérule; — t u. tubes contournés.
Donc chez les vertébrés inférieurs, ainsi que Bowmann l'a le premier reconnu chez le boa, le rein, constitué d'ailleurs pour ce qui est des conduits urinifères sur le même plan gé-néral que chez les animax supérieurs, reçoit une veine, véritable veine porte rénale, qui lui apporte le sang prove-nant des parties inférieures du corps, et plus explicitement
qui s'observe chez quelques animaux inférieurs, les reptiles et les amphibies. Si j'arrête un instant votre attention sur cette disposition, c'est que tout récemment, elle a été utilisée par les expérimentateurs pour la solution de certaines ques-tions relatives à la fonction rénale, et j'aurai plus d'une fois l'occasion de vous parler de ces expériences dans le cours de nos études.
des membres inférieurs si c'est de la grenouille qu'il s'agît. Parvenue dans la profondeur de l'organe, cette veine fournit un réseau capillaire qui enveloppe la partie de la glande ré-nale correspondant aux tubes contournés des mammifères. La veine dont il s'agit porte le nom de venu renalis adve-hens. Les capillaires qu'elle fournit déversent le sang dans un autre tronc veineux qui porte ajuste titre le nom de vena renalis revehens. Celle-ci, par des chemins plus ou moins détournés, conduit le sang qui a baigné les canalicules du rein dans la veine cave inférieure, d'où il passe dans le cœur, puis, par l'intermédiaire de celui-ci, dans la circula-tion générale,
Voilà pour le système veineux du rein des animaux infé-rieurs. Vous voyez que pour une part, contrairement à ce qui a lieu chez les animaux supérieurs, il constitue un système afférent. Pour ce qui est maintenant du système artériel, il est représenté là par des artérioles provenant de l'artère ré-nale, véritable artère afférente portant un glomérule d'où part, comme chez les mammifères, une artère afférente. Celui-ci va se jeter soit dans le système capillaire provenant de la veine porte rénale, soit dans le tronc même de cette veine.
Vous comprenez aisément quelles sont, pour la circulation durein, les conséquences d'une telle disposition, conséquen-ces vérifiées d'ailleurs par l'observation directe chez les batra-ciens par M. Nussbaum.
La circulation dans le glomérule et celle des capillaires des canaux contournés sont en quelque sorte indépendantes l'une de l'autre. Si, en effet, chez la grenouille, on lie ou comprime l'artère rénale, le sang ne pénètre plus dans le glomérule ; et le glomérule ne sera pas le siège d'une circula-tion en retour par la voie de l'artère afférente, le sang trou-vant un écoulement plus facile par la voie des capillaires in-tertubulaires et de la veine révéhente. La ligature artérielle
supprimera donc, vous le voyez, la circulation dans le gio-mérule, et du même coup sa fonction, tandis qu'elle laissera subsister telle quelle la circulation du réseau capillaire du la-byrinthe en même temps que la fonction des tubes contour-nés.
La disposition anatomique sur laquelle je viens d'insister permettra donc d'aborder, à la vérité chez un animal inférieur, la solution expérimentale d'une question fondamentale de la physiologie du rein. — Quelle est dans la sécrétion urinairela fonction du glomôrule? Quelle est au contraire la fonction des canalicules contournés ? Questions restées pendantes jusque dans ces derniers temps, et résolue très diversement, suivant la théorie de Bowmann par les uns, suivant la théorie de Ludwïg par les autres. Nous allons vous dire dans un instant quel parti vous devrez prendre dans ce débat.
III.
Nous entrons maintenant dans le domaine do la physiolo-gie. Notre but dans l'excursion que nous allons entreprendre est, vous le savez, de recueillir et de mettre en relief, che-min faisant, un certain nombre de données qui, par la suite, nous serviront de point d'appui pour l'interprétation des phé-nomènes pathologiques.
Considérons en premier lieu le produit de la sécrétion rénale ou, autrementdit, l'urine. Sans entrer dans un exposé de détails que vous avez tous présents à l'esprit, je me con-tenterai de vous rappeler que ce qui distingue particulière-ment ce produit, comparé au produits de sécrétion prove-nant d'autres glandes, c'est d'abord : J° la très forte propor-tion d'eau qui s'y trouve ; 2° puis la nature même des élé-
ments spécifiques qu'elle renferme, tenus en dissolution dans l'eau, à savoir Murée et Y'acide urique. Cette eau provient incontestablement du plasma du sang dont elle se sépare, as-sure-t-on, par un simple phénomène de filtration ou de diffu-sion. On admet généralement qu'il en est de même des prin-cipes dits spécifiques, l'urée et l'acide urique. C'est en effet aujourd'hui, en physiologie, un dogme en quelque sorte, que l'urée et l'acide urique existent préformés dans le sang et qu'ils sont simplement amenés à concentration dans le rein qui les élimine. Ce dogme, un instant ébranlé par Hoppe Sey-ler et Zaleski, a été rétabli sur de nouvellee bases par M. Gré-hant en ce qui concerne l'urée, par MM. Stahl, Lieberkufm et Paulmoff en ce qui concerne l'acide urique.
Mais s'il en est ainsi, Messieurs, pour deux des éléments spécifiques de l'urine, urée et acide urique, il n'en est pas de même, c'est là un point que je veux relever, pour un troisième élément spécifique, à savoir l'acide hippurique. L'acide hip-putique appartient, vous le savez, plus spécialement à l'urine des herbivores. Il n'existe qu'en faible proportion dans l'urine de l'homme où son taux, chez l'adulte, ne s'élève guère au-delà de 30 centigrammes en 24 heures (Gautier). Ce chiffre toute-fois peut augmenter notablement par l'injection de certaines substances, l'acide benzoïque, par exemple. Quoiqu'il en soit, cet élément de l'urine n'offre pas pour nous, quant à présent, d'intérêt pratique, parce qu'il ne figure pas dans la pathologie de l'homme. L'intérêt qui s'y attache est donc purement théo-rique ; mais il est incontestable, vous allez le reconnaître.
En effet, contrairement à ce qui a lieu pour l'urée et l'acide urique, l'acide hippurique ne préexiste pas dans le sang, même chez les herbivores où il se rencontre dans l'urine en si grande abondance. Il ne s'y trouve pas même après l'extir-pation du rein. Il faut donc admettre que le rein le forme de
toutes pièces, aux dépens de substances préexistant dans le sang, mais dont la nature est restée jusqu'ici inconnue. Voici d'ail-leurs l'indication sommaire de quelques expériences récentes qui tendent à établir le rôle vraiment sécréteur du parenchyme rénal par rapport à l'acide urique.
Je vous rappellerai tout d'abord que l'acide hippurique peut être considéré comme une combinaison d'acide benzo'ique et de glycocolle (sucre de gélatine).
a) Or, d'après les expériences de Schmiedberg et Koch, si l'on injecte dans le sang d'un chien du glycocolle et de l'acide benzoïque et si l'on vient à lier l'uretère, une certaine quan-tité d'acide hippurique s'accumule dans le sang. D'autre part, on peut se convaincre que cet acide hippurique a dû se for-mer dans le rein par synthèse ; en effet, si au lieu de lier l'u-retère on lie les vaisseaux du rein, on ne trouve plus d'acide hippurique dans le sang.
b) Voici une expérience peut-être plus frappante encore. Si, sur un chien vivant, on enlève un des reins, et si, à travers l'artère principale de ce rein, on fait passer du sang conte-nant de l'acide benzoïque et du glycocolle, il se forme dans le sang de l'acide hippurique. Cette synthèse peut se faire par une température fraîche dans un rein extirpé déjà depuis 48 heures.
c) Enfin des fragments du parenchyme rénal conservent la propriété de faire la synthèse de l'acide hippurique, tant qu'il n'ont pas subi la putréfaction ou la congélation.
Ainsi — et c'est là le point de théorie sur lequel je voulais surtout fixer votre attention — les cellules du rein, en pré-sence du glycocolle et de Vacide benzoïque, produisent par synthèse de l'acide hippurique ; et, à cet égard, contraire-
IV.
Mais j'en reviens maintenant aux éléments fondamentaux des produits de la sécrétion rénale chez l'homme, l'eau d'un côté et les principes spécifiques de l'autre, à savoir l'urée et l'acide urique. Or, voici la question que nous devons consi-dérer. Dans quelles régions du rein, dans quelle partie de l'appareil des canaux, uriniferes se localise la fonction de sécrétion urinaire ? La filtration de l'eau et l'élimination des produits spécifiques se font-elles dans les mêmes régions, ou au contraire dans des régions différentes ?
A priori, ainsi que Bowmann l'a fait remarquer déjà très explicitement dès 1842 dans son travail initiateur, la diffé-rence très remarquable que présentent dans leur structure les diverses pièces de l'appareil urinifôre semble désigner pour chacune d'elles des fonctions différentes. Ainsi, en premier lieu, les canaux collecteurs avec leur revêtement d'épilhé-lium cylindrique rappellent de tous points les canaux excré-teurs de la plupart des glandes, et d'un commun accord tous les physiologistes reconnaissent que ce sont là, en réalité, pure-ment et simplement des canaux d'excrétion.
ment, je le répèle, à ce qui a lieu pour les autres principes spécifiques de l'urine, urée et acide urique, le rein doit être considéré tout autrement que comme un simple filtre opérant la concentration des principes à éliminer.
Donc, pour ce qui regarde l'acide hippurique, le rein est, dans l'acception rigoureuse du mot, un organe de sécrétion. C'est là une notion importante dont nous trouverons l'appli-cation pour l'interprétation de certains phénomènes
Daus autre côté, le glomérule, peloton vasculaire pénétrant dans le cul-de-sac terminal dilaté de chacun des tubes urini-fères paraît adapté, par sa structure qui ne se rencontre dans aucune autre glande, à un fonctionnement tout particulier. C'est là, d'après la disposition du glomérule que le courant artériel doit acquérir sa tension maxima. Les capillaires du glomérule, à parois minces, sont en quelque sorte à nu dans la cavité capsulaire dont ils ne sont séparés que par une min-ce lamelle épithéliale — excellente condition, ainsi que Bowmann y a insisté, pour l'accomplissement d'un phénomène de filtration, — et aucun physislogiste aujourd' hui ne met en doute que c'est dans l'appareil glomérulaire. que, pour la majeure partie au moins, s'opère aux dépens du plasma san-guin la filtration de l'eau, cet élément qui joue un si grand rôle dans la constitution de l'urine.
Enfin, pour ce qui est des canalicules contournés et des anses de Henle, particulièrement des branches montantes de ces anses il n'en est plus de même. En effet, morphologique-ment parlant, ces pièces représentent la partie vraiment glan-dulaire du rein. Ces conduits, en effet, sont tapissés par un épithélium épais, grenu, sombre, à proprement parler glan-dulaire. Ils sont enveloppés de toutes parts par un réseau capillaire riche et baignant comme eux dans un liquide lym-phatique. Ces parties semblent donc en quelque sorte dési-gnées pour opérer la sélection et la concentration des princi-pes spécifiques de l'urine, urée et acide urique ; c'est là sans doute que se forme de toutes pièces l'acide hippurique qui ne préexiste pas dans le sang.
DEUXIÈME LEÇON
Sécrétion de l'eau urinaire. — Des différentes variétés d'albumines.
Sommaipe. — La sécrétion de l'eau urinaire n'est pas un fait purement physique,
— Expérience fondamentale d'Overbeck. — Interprétation du résultat de cette expérience. —Hypothèse d'Heidenhain. —Les cellules epitheliales du glomérule jouent un rôle actif dans la flltralion.
Lieu de Filtration des sels. — Injections au bleu de Prusse. — Lieu de passage du glycose. — Expérience de Nussbaum.
L'albuminurie rénale est presque toujours un fait pathologique. — Albu-minurie temporaire. — Recherches de Leube et Edletsen. Influence de l'in-gestion du blanc d'œuf non cuit.
Identité des albumines du sang et des albumines contenues dans les urines
— Fibrionogène, serine et globuline. — Différences physiques et chimiques de la serine et de l'albumine du blanc d'œuf. — Caractères principaux de la globuline, — Peptones.
La serine est l'albumine de l'albuminurie. — Existence de la globuline dans l'urine — Des peptones dans l'albuminurie et de l'albuminurie latente.
Messieurs,
Je me suis appliqué, dans la dernière séance, à vous mon-trer l'indépendance de l'appareil glomérulaire et de l'appareil des tubuli. Aujourd'hui, nous aurons à considérer la sécrétion de l'eau, dont je me bornerai à vous dire seulement quel-ques mots, ainsi que l'élimination des sels, du glycose et surtout celle de l'albumine.
La sécrétion de l'eau urinaire, d'après les travaux les plus récents, relève du glornérule, mais cette fonction n'est pas
la seule qui lui appartienne. En effet, il est au moins fort vrai-semblable que, dans l'acte de sécrétion urinaire, c'est au tra-vers des parois capillaires du glomérule que s'éliminent, pour une part au moins, les sels du plasma. C'est aussi par cette même voie que, chez certains animaux, dans l'état physio-logique ; et chez l'homme, physiologiquement, s'élimine le sucre accumulé en certaine quantité dans le sang. C'est en-core par le glomérule que, dans des conditions qu'on peut dire physiologiques, transsudent des variétés d'albumines étrangères à la constitution du sang et qui y ont pénétré accidentellement, celle du blanc d'œuf par exemple. Enfin, c'est par là aussi que, dans des conditions toujours patholo-giques, passe l'abumine du sérum, cette substance qui, lors-qu'elle se trouve dans l'urine, constitue le phénomène pré-dominant de la séméiologie du rein, Y albuminurie, dont nous devons surtout nous occuper ici.
I.
Mais avant d'en venir à l'étude de l'albuminurie elle-même, reprenons la question physiologique où nous l'avons laissée à la fin de notre dernière réunion. Le fait fondamental que je tiens à mettre en lumière est que, en réalité, contrairement à la théorie classique, la sécrétion de l'eau urinaire n'est pas tout simplement un phénomène physique, comparable à la filLration qui, dans nos laboratoires, s'effectue au travers des membranes inertes. Or, il est deux expériences qui font bien ressortir ce fait de premier ordre. La première de ces expé-riences, due à Overbeck, consiste dans la ligature temporaire de l'artère rénale. Les choses sont disposées de telle sorte que la constriction peut être produite et supprimée en l'espace de quelques minutes. Bien entendu, l'opération n'entraîne
de conséquences qu'autant qu'il n'existe que des collatérales insignifiantes. Le résultat immédiat de la constriction arté-rielle, c'est la suppression de l'eau urinaire. Dans la théorie de Ludwig que vous connaissez et qui fait résider la fillra-tion de l'urine dans un simple phénomène physique de trans-sudation, rien n'est plus facile à expliquer que ce premier temps de l'expérience. La pression artérielle est supprimée en même temps que l'apport du matériel de sécrétion, et la sé-crétion s'arrête. Mais, voici la difficulté. Après dix minutes, on enlève la ligature, et la circulation se rétablit aussitôt comme dans les conditions normales, car, ainsi que l'a montré M. Litten, après une sténose artérielle d'aussi courte durée, les altéra-tions vasculaires décrites par Cohnheim, et qui, au moment de la rentrée du sang, en déterminent la stase (si l'arrêt de la circulation a duré deux ou trois heures), n'ont pas eu le temps de se produire.
Donc, le cours du sang se rétablit aussitôt et la conclusion qu'on peut tirer de ce fait est la suivante : s'il s'agissait d'une simple filtration, celle-ci devrait se reproduire immédiate-ment, puisque rien n'est changé dans le filtre. Le sang artériel, en rentrant dans les vaisseaux du glomérule, y apporte de nouveau le matériel de sécrétion en même temps que la pression normale s'y rétablit. Et cependant, la sécré-tion ne se rétablit pas ; il faut attendre quelquefois une demi-heure ou trois quarts d'heure avant de la voir reparaître, et l'on doit se demander pourquoi il en est ainsi.
C'est à propos de cette difficulté et pour la résoudre, que M. Heidenhain a émis l'hypothèse que les cellules épithéliales du glomérule sont actives dans la sécrétion de l'eau uri-naire, au même titre que le sont les cellules du labyrinthe dans la sécrétion de l'urée et de l'acide urique. Or, dans l'expérience dont il s'agit, les cellules du glomérule, par suite
de la ligature artérielle, ont été soumises à l'anoxémie, pen-dant un temps fort court sans doute (une demi-minute ou une minute), mais suffisant pour les priver momentanément de leur activité vitale. Elles sont frappées en quelque sorte de mort apparente, et elles ne redeviennent capables de repren-dre leurs fonctions que lorsque la circulation artérielle s'est réinstallée depuis une demi-heure ou trois quarts d'heure.
L'autre fait qu'on peut invoquer encore contre la théorie mécanique de Ludwig, et qui plaide absolument dans le même sens que le précédent, est relatif aux effets de la ligature de la veine émulgente. Cette ligature pratiquée, la sécrétion urinaire s'arrête aussitôt. Avec la théorie de Ludwig, on ne comprend pas bien pourquoi il en est ainsi, carie matériel de sécrétion est là toujours présent, et la pression artérielle ne cesse de s'exercer sur les parois du glomérule avec une valeur au moins normale. Or, malgré ces conditions favora-bles à la fillration, celle-ci ne se fait pas.
Ici encore, M. Ileidenhain oppose sa théorie à celle de Ludwig. La pression persiste dans le glomérule, mais un nou-vel élément, à savoir la suppression ou la diminution du cou-, rant sanguin, est intervenu. Toutefois, ce n'est pas direc-tement, en tant qu'élément mécanique, que la diminution de Vitesse intervient ici. Le sang artériel sous pression, arrêté au milieu des tissus, perd bientôt ses qualités vivifiantes, et nous retrouvons par conséquent les mêmes conditions d'anoxémie que dans la précédente expérience. En consé-quence, cette fois encore, on est conduit à admettre l'exis-tence de cette modification des éléments cellulaires de l'épi-thélium du glomérule, que nous comparions à la mort appa-rente et qui supprime, pour un temps, l'aptitude fonctionnelle de ces éléments.
Gharcot. Œuvres complètes, t. vr, Maladies des reins, 26
Je ne me porte pas garant de cette théorie de M. Heidenhain, mais je ne puis m'empêcher de vous faire remarquer qu'elle résout des difficultés contre lesquelles vient se briser la théorie mécanique. Quoi qu'il en soit, vous le voyez, les tra-vaux récents tendent à accorder à l'épithélium glomérulaire un rôle prédominant dans la sécrétion urinaire. D'après ces mêmes travaux, ce rôle ne paraît pas important pour ce qui concerne la sécrétion des sels, du glycose, enfin de l'albumine. Ce sont là des points que nous allons maintenant nous efforcer d'établir.
11.
À. Nous rechercherons tout d'abord si c'est bien, en effet, à travers la paroi glomérulaire que passent les sels du plasma, qui se trouvent dans l'urine ainsi que le glycose.
Pour ce qui est des sels, la question n'est pas encore réso-lue. 11 est vraisemblable, suivant M. Heidenhain, qu'une par-tie au moins de ces sels est sécrétée par le labyrinthe. Vous savez, en effet, que dans les expériences d'injection du bleu, la fonction du glomérule étant supprimée par suite de la sec-tion de la moelle au cou, les sels apparaissent en même temps que le bleu sous forme de concrétions, dans la lumière des canaux, tandis que des concrétions ne se voient pas dans la capsule. Mais, relativement au glycose, la question paraît jugée, au moins pour ce qui se passe chez la grenouille. Lorsqu'on injecte chez un mamifère une solution un peu con-centrée de sucre dans les veines, l'urine devient sucrée. Les résultats de la même expérience, pratiquée sur la grenouille, donne des résultats analogues ; mais si, avant de faire l'injec-tion, on lie l'artère conformément à l'expérience de Nuss-baum, par suite de l'interruption de la circulation et partant
de la fonction glomérulaire, le sucre ne passe plus, il s'accu-mule dans le sang.
B. Mais j'ai hâte d'en venir à la sécrétion de l'albumine et de vous montrer que c'est encore cette fois par le glomérule qu'elle s'effectue, et en dehors de toute participation du laby-rinthe.
a) La présence de l'albumine dans l'urine, en quelque pro-portion que ce soit (j'entends parler ici de l'albumine qui vient du rein et non pas de celle qui se mélange avec l'urine dans son trajet à travers les bassinets et la vessie), la pré-sence de l'albumine, dis-je dans ces conditions qu'on appelle albuminurie rénale, est, dans l'immense majorité des cas, un fait pathologique.
Cependant vous n'ignorez pas que quelques individus sains, ou considérés comme tels, sont sujets à une sorte d'albuminurie normale temporaire. Ainsi, tout récemment, M. Leube (1) signalait cette sorte d'albuminurie chez 19 sol-dats sur 119. Elle se montrait chez eux, seulement pendant quelques heures, après les fatigues de l'exercice. M. Edletsen a signalé trois cas du même genre.
b) Il est encore une circonstance où, dans un état de santé normal, une proportion plus ou moins considérable d'albu-mine peut apparaître dans les urines. C'est lorsque, dans un but de recherche, on ingère un grande quantité de blanc d'œuf non cuit, ou bien encore lorsque, chez un animal en expérience, on injecte cette substance dans le sang. L'albu-minurie ne se produit pas si l'albumine a été préalablement cuite avant d'être ingérée. Elle ne se produit pas non plus s'il s'agit d'une solution d'albumine du sang. Dans ces cas, l'albumine qu'on retrouve dans l'urine s'y présente avec les
caractères de l'albumine de l'œuf, tandis que, dans le cas d'albuminurie normale temporaire, elle présente les caractères de l'albumine du sang.
C. Ce que je viens de vous dire de la différence qui existe entre ces deux espèces bien connues d'albuminurie, suffît pour vous montrer que nous ne saurions entrer plus avant dans l'étude que nous allons entreprendre sans étudier quel-ques détails relatifs aux caractères distinctifs des diverses variétés d'albumine du sang et des urines, tant au point de vue physique qu'au point de vue chimique.
Cette étude préalable sera en quelque sorte un parallèle où j'aurai l'occasion de faire ressortir que, d'une façon générale, toutes les albumines qu'on rencontre dans le sang et qu'on sait y distinguer se retrouvent avec les mêmes caractères dans les urines , de telle sorte qu'on peut établir comme un fait au moins très vraisemblable, que les diverses espèces d'albumines du sang peuvent passer dans l'urine sans y subir de modifications. C'est seulement après cette analyse que nous rechercherons dans quel point du rein, glomérule ou labyrinthe, se fait la sécrétion de l'albumine.
a) Pour simplifier, nous laisserons de côté la fibrinogène qui n'existe que dans le plasma et non dans le sérum, et l'hémoglobine, qui appartient aux corps figurés. Cette élimi-nation étant faite, nous n'avons plus à considérer dans le sérum, d'après les travaux récents, que deux espèces d'albu-mine, à savoir : 1° la serine (c'est à proprement parler l'albu-mine du sang) ; 2° la globuline.
Je ne m'arrêterai pas à développer tous les caractères pro-pres à la serine. Je vous rappellerai seulement ceux qui sont utilisés dans la pratique, en les faisant contraster avec ceux qui la distiguent de l'albumine du blanc d'œuf, laquelle, comme vous le savez, n'appartient pas au sang.
En premier lieu il convient cle faire ressortir ce fait que, l'albumine de l'œuf filtre à travers les membranes bien plus facilement que la serine. On a depuis longtemps émis l'hypo-thèse que les albumines, dans leurs prétendues solutions, ne sont pas réellement dissoutes, mais qu'elles sont dans un état comparable aux. émulsions. Les particules des albumines sont sans doute d'une finesse extrême et Ton peut supposer que plus l'émulsion sera fine, plus la filtration à travers les pores des membranes organiques sera facile. D'après cela, l'albumine de l'œuf aurait des particules beaucoup plus petites que celles de la serine, car elle filtre beaucoup plus facile-ment que celle-ci ; et, suivant une remarque très intéressante de M. Rùneberg, elle filtre d'autant plus facilement qu'elle a déjà été plusieurs fois filtrée. — De fait dans l'état normal, nous l'avons dit, l'albumine de l'œuf filtre à travers les pa-rois des capillaires du giomérule, tandis que cela n'a pas lieu pour l'albumine du sérum.
b) C'en est assez sur les différences physiques. Rappelons en deux mots les caractères chimiques différentiels. De tous, le plus connu, c'est que l'albumine du sérum du sang, coagu-ée par l'acide nitrique, se redissout totalement dans un excès d'acide, tandis que cela n'a pas lieu pour l'albumine de l'œuf. D'après un conseil de Stokvis, celte opération ne réussit bien que lorsqu'on a employé des solutions albumineuses moyen-nement concentrées, à 2 0/0 par exemple. Abandonnées à elles-mêmes, les deux solutions précipitées et traitées par excès d'acide nitrique redeviennent claires ; mais, dans celle de l'œuf, surnage une couche d'albumine coagulée, colorée enjaune. Un autre caractère distinctif consiste dans le fait que la serine n'est pas coagulée par l'éther, tandis que le blanc d'œuf l'est particulièrement.Nous verrons que tous les caractères différentiels des deux espèces d'albumine se
retrouvent, lorsqu'elles font partie d'une urine albuminu-rique.
c) Un mot maintenant sur la globuline qui, d'après les travaux récents, serait toujours présente en certaine propor-tion en même temps que la serine dans les cas vulgaires d'albuminurie. Sous ce nom de globuline, ainsi le veut la chimie la plus moderne, il faut englober aujourd'hui une foule d'albumines autrefois considérées comme espèces distinctes. Ainsi, dans le sérum, la globuline c'est la paraglobuline, la fibrino-plastique, l'hydropisine, la fibrine dissoute, la caséine du sérum, etc. Je rappellerai que cette substance n'existe pas seulement dans le sérum ; on la trouve encore dans les glo-bules du sang, dans le cristallin, et c'est là même qu'elle a été découverte. Elle présente les caractères vulgaires de la serine (coagulation par la chaleur et l'acide nitrique), mais elle possède aussi des caractères propres, véritablement dis-tinctifs : 1° Elle est précipitée du sérum par un excès de sul-fate de magnésie. Elle en est encore précipitée (lorsqu'on la étendue de 15 fois son volume d'eau) par un courant d'acide carbonique qu'on y fait passer pendant deux à quatre heures. 2° La globuline diffuse plus facilement que l'albumine du sé-rum, et, à ce propos, on peut s'étonner qu'elle ne passe pas convenablement à travers les parois du glomérule comme le fait l'albumine de l'œuf. 3° Enfin, la globuline jouit du pouvoir fibrino-plastique. Vous savez ce qu'on entend par là. Mêlée au contact de l'air avec des liquides contenant delafibrinogènè mais peu ou point de fibrino-plastique, elle détermine en se combinant avec la fibrinogène, la formation de fibrine con-crète. Cela n'aurait pas lieu si, au lieu de globuline, on em-ployait de l'albumine ordinaire.
Telles sont les deux albumines fondamentales du sérum Mais, des observations récentes de M. d'Arsonval tendent à
établir que, dans certaines circonstances, le sang delà circu-lation générale contient dans son sérum certaines substances albuminoïdes, qu'on désigne sous le nom de peptones, et qui se trouvent en quelque sorte en permanence dans le sang de de la veine porte. Suivant M. d'Arsonval, ce serait souvent après la saignée que l'existence des peptones dans la grande circulation serait facile à constater.
TROISIÈME LEÇON
Conditions pathogéniques de l'albuminurie. — Hémoglobinurie.
Sommaire. — Dana quelle partie de l'appareil urinifère s'opère la sécrétion des diverses variétés d'albumines ? — Expériences démonstratives de Nussbaum. — Indépendance fonctionnelle du glomérule et des tubuli conlorti. — Exemples fournis par la pathologie humaine : rein cardiaque.
Expériences de llibbcrt, Posner, Littcn. — Coagulation de l'albumine dans la capsule de Bowmann. — Ce fait renverse la théorie de v. Wit-ticli et Küss. — Albuminurie dans l'empoisonnement par la cantharide.
Théories mises en avant pour expliquer le passage de l'albumine à travers le rein. — Théorie hématogène. — Expériences anciennes de Magendie. — Ilématinurie de Vogel hémoglobinurie des auteurs contem-porains;. — Hémoglobinurie déterminée par l'intoxication de l'hydrogène arsénié.
Messieurs,
Dans notre dernière réunion, je vous ai brièvement enu-meré les conditions normales ou pathologiques dans lesquelles on peut reconnaître la présence de l'albumine dans les urines ; et, à ce propos, faisant allusion à l'albuminurie normale temporaire, dont les physiologistes se sont particulièrement occupés depuis quelques années, je vous rappelais les observa-tions de MM. Leube et Edletsen, relatives à des cas d'albu-minurie transitoire survenant chez des soldats, consécutive-ment aux fatigues de l'exercice. Cette variété d'albuminurie normale a été signalée également, pour la première fois, par M. le professeur Semmola (de Naples), chez les débardeurs,
chez les travailleurs de mine, etc. Le fait est assez intéressant pour n'être pas perdu de vue.
Puis, je me suis attaché à établir un parallèle entre les diverses espèces d'albumines qu'on distingue dans le sérum du sang et celles qu'on trouve dans les urines des albuminu-riques. La conclusion qui est résultée de cette comparaison, vous ne l'avez pas oublié, est que toutes les variétés d'albu-mine que l'analyse chimique est parvenue à isoler dans l'urine des albuminuriques ordinaires, se retrouvent avec leurs carac-tères chimiques et physiques dans le sérum du sang normal.
Ce fait capital rend déjà très vraisemblable la proposition suivante : à part quelques exceptions absolument rares, toutes les albumines dont on constate la présence dans les urines, et qui nécessairement proviennent du sang, ne sont autres que les diverses albumines connues du sang normal, et le rein, qui les élimine, ne leur fait subir aucune modification phy-sico-chimique appréciable. Dans un instant, nous verrons jus-qu'à quel point cette proposition, fondée sur les caractères physico-chimiques, se trouve justifiée devant les faits physio-logiques et pathologiques.
I.
Actuellement, la première question qui se présente, et que nous devons essayer de résoudre, est la suivante : dans quelle partie de l'appareil urinifère s'opère la sécrétion des diverses variétés d'albumine qu'on trouve dans les urines ? D'après les travaux les plus récents, c'est, ainsi que je vous l'ai annoncé, par la voie du glomérule, et, à l'exclusion du labyrinthe, que s'opère cette sécrétion.
a) Je vous signalais l'autre jour que, contrairement à ce
qui a lieu pour l'albumine du sérum, celle du blanc d'oeuf cru, totalement étrangère d'ailleurs à la constitution du sang, passe dans les urines quand on l'ingère en assez grande quantité ou qu'on l'injecte dans les veines d'un animal. 11 ne s'agit pas là, à proprement parler, d'un fait pathologique, car les animaux, pas plus que l'homme, ne souffrent de cette albu-minurie expérimentalement provoquée. Je vous rappellerai, en outre, qu'en pareil cas, l'albumine de l'œuf peut être recon-nue pour telle dans les urines, parce qu'elle y conserve les caractères physico-chimiques qui lui sont propres et qui la distinguent de l'albumine serine. Et bien ! il y a lieu de rechercher si cette albumine de l'œuf, éliminée du sang, passe effectivement, ainsi que nous l'avons déclaré, par le glomérule.
Voici une expérience qui démontre qu'il en est réellement ainsi. Elle appartient encore à M. Nussbaum. Si, chez la gre-nouille, on injecte dans la grande circulation une certaine quantité d'une solution de blanc d'œuf, cette solution passe dans les urines, ainsi que cela a lieu chez les mammifères. Mais, si, avant l'injection, on a soin de lier l'artère rénale, dans ces conditions nouvelles, l'albumine ne passe plus. On peut cependant s'assurer que l'épithélium du labyrinthe jouit de toutes ses propriétés xutales, car, si, chez le même animal auquel, après la ligature de l'artère rénale, cette albumine a été injectée, on vient à pratiquer une injection intraveineuse d'une solution d'urée, cette dernière substance, sécrétée par les tubuli contorli, entraîne avec elle une certaine quantité d'eau. Aussi, malgré la suppression de la fonction gloméru-laire, l'urée injectée peut-elle être retrouvée dans la vessie.
Ce qui vient d'être dit à propos de l'albumine de l'œuf, on peut le répéter des peptonesqui, elles aussi, suivant M. Nuss-baum, passent dans les urines à l'état normal chez la gre-nouille et sont sécrétées par le glomérule.
b) La même expérience de M. Nussbaum, légèrement modi-fiée, peut être encore appliquée à la solution d'un autre pro-blème. Cette fois, il ne s'agit plus de l'albumine du blanc d'œuf, mais bien de l'albumine même du sang passant dans les urines, c'est-à-dire, qu'en pareil cas, on est en présence des conditions de l'albuminurie vulgaire chez l'homme.
Vous n'avez pas oublié la fameuse expérience d'Overbeck, où il s'agit de la ligature temporaire de l'artère rénale. La ligature ayant duré quelques minutes seulement, la sécrétion urinaire, d'abord supprimée, reparaît une demi-heure ou trois quarts d'heure après l'ablation de la ligature. Or, la première urine qui passe est rare et albumineuse. D'autre part, il est clair que cette albumine vient du sang, et il y a lieu de re-chercher dans quelle partie du rein s'est faite la filtration. La question peut être résolue expérimentalement encore chez la grenouille.
Après avoir lié l'artère rénale, on injecte dans le sang une certaine quantité d'urée qui passe naturellement dans la \res-sie. Tant que la ligature subsiste, cette urine ne contient pas d'albumine. Mais, si l'on enlève la ligature, pendant les quatre ou cinq heures qui suivent cette ablation, les urines contiendront, en outre de l'urée, de l'albumine. Contrai-rement à ce quia lieu chez les mammifères, on peut, vous le voyez, chez la grenouille, localiser avec précision le point où se fait la sécrétion de l'albumine et montrer que cette sécré-tion s'effectue par le glomérule, sans participation aucune des canaux du labyrinthe, lesquels cependant, malgré la ligature de l'artère, fonctionnent à leur façon, c'est-à-dire en élimi-nant l'urée.
6') Nous retrouverons d'ailleurs, Messieurs, dans la patholo-gie de l'homme, plus d'un exemple propre à montrer cette indépendance qui, dans l'albuminurie, peut exister entre le
fonctionnement du glomérule et celui des canaliculi con-torti. A titre d'espèce de ce genre, je puis citer cette sorte d'albuminurie qu'on peut désigner sous le nom de car-diaque et qui survient lorsque, par suite d'asystolie, la pres-sion baisse dans le système artériel, tandis qu'elle s'élève, du moins relativement, dans le système veineux. Alors, les urines sont rares, foncées en couleur, d'un poids spécifique de 103o et 1040, supérieure par conséquent à la normale, et elles renferment une certaine proportion d'albumine. Mais, le fait important dans l'espèce, c'est que l'urine des vingt-quatre heures étant recueillie, on trouve que la proportion d'urée et d'acide urique s'y élève au moins au taux normal. Ainsi, tandis que le glomérule fonctionne mal et fournit peu d'eau urinaire, tout en laissant filtrer de l'albumine, les ca-naux du labyrinthe fonctionnent séparément et éliminent dans des proportions ordinaires l'urée et l'acide urique. Veuillez remarquer que ce dernier point est parfaitement con-forme à ce qu'enseigne, en pareil cas,l'anatomiepathologique. 11 est en effet parfaitement établi que dans le rein cardiaque, au moins durant les premières phases de son développement, et alors que, depuis longtemps cependant, les urines sont albumineuses, les cellules de l'épithélium labyrinthique ne présentent aucune modification morphologique appréciable.
II.
Mais, je laisse momentanément de côté l'albuminurie car-diaque; nous y reviendrons parla suite. Actuellement, nous avons à nous occuper de l'expérimentation.
Les expériences de M. Nussbaum ontle désavantage d'avoir pour objet la grenouille, et Ton pourra toujours dire que peut-être elles ne sont pas applicables au cas de l'homme. Mais,
a) Lorsqu'on pratique chez le chien ou le lapin l'expérience d'Overbeck, consistant dans la ligature temporaire de l'artère rénale, l'albuminurie se produit clans les conditions que vous savez. Or, si les reins provenant d'un animal soumis à ce genre d'expériences sont, peu après le début de l'albuminurie, arrachés rapidement de l'abdomen et jetés immédiatement dans de l'eau bouillante, on comprend que l'albumine qui traverse le rein, étant coagulée, se fixe en quelque sorte dans le lieu même où elle aura été sécrétée ; et voici, en effet, ce qu'on trouve : la caspsule glomôrulaire qui, dans les conditions normales, est toujours appliquée contre la houpe vasculaire du glomérule, en est ici séparée par une masse amorphe, transparente, granuleuse, qui la distend. Cette substance pré-sente d'ailleurs tous les caractères de l'albumine coagulée. En même temps, on remarque — et cela surtout quand la ligature a été maintenue pendant un temps relativement long ?— que l'épithélium giomérulaire a subi toutes les modifications dé-crites par Langhatis et que cet auteur rapporte à l'inflamma-tion aiguë (épaississemenf, au voisinage du noyau, du proto-plasma de la cellule, lequel fait en ce point saillie sous forme de promontoire dans la cavité du glomérule). Sans doute, une certaine quantité de celle matière amorphe se rencontre tou-jours aussi dans quelques-uns des canaux du labyrinthe ; mais comme l'épithélium y est intact, il y a fout lieu de penser que c'est par le glomérule d'abord que l'albumine a filtré et
voici l'indication sommaire des résultats obtenus par une méthode différente de celle qu'a mise en œuvre M. Nussbaum. Ces résultats, moins décisifs que les précédents, offrent ce-pendant un grand intérêt, car ils concernent des animaux supérieurs. Je fais allusion aux observations récentes et pres-que simultanées de MM. Ribber, Posnèr elLiflcn, observations d'ailleurs absolument concordantes.
que c'est consécutivement qu'elle s'est répandue dans les canalicnles.
b) Les mêmes observations ont été faites dans les cas d'al-buminurie artificiellement produite chez les animaux par l'injection du blanc d'œuf cru. Là encore, on reconnaît que cette sorte d'albumine est sécrétée par le glomérule et non par les canalicules. Il est bien entendu que des expériences de contrôle ont été instituées qui démontrent que, dans l'état nor-mal, tant chez l'homme que chez les animaux, lorsqu'il n'existe pas d'albuminurie, le coagulum ne se voit jamais dans la cavité de la capsule.
C'est là, remarquez-le bien, dans l'espèce, un fait capital, parce qu'il renverse définitivement la théorie physiologique proposée par MM. v. Wittich et Kùss. Vous savez que, d'après ces auteurs, dans les conditions de la sécrétion normale, l'u-rine filtrée par le glomérule entraîne avec elle toutes les par-ties contenues dans le plasma du sang, y compris l'albumine. Mais cette albumine ne passe jamais dans les urines. Elle est reprise, chemin faisant, dans son trajet, à travers les canali-cules par les êpithéliums qui les recouvrent. Je reviens sur cette théorie et j'insiste sur la critique qu'il en faut faire, parce qu'elle a été appliquée par nombre d'auteurs à l'interprétation des phénomènes pathologiques. L'albuminurie, dans certaines théories que nous avons à faire connaître, serait en effet à peu près toujours la conséquence d'une altération matérielle des cellules épithéliales labyrinthiques ; et l'on comprend aisé-ment, dans la théorie, que ces cellules altérées deviennent incapables de fonctionner, laissant passer l'albumine sécrétée normalement dans le glomérule, et, en conséquence, que ce produit doit nécessairement apparaître dans les urines. Cela est ingénieux, mais cela est contredit par un très grand nom-
bre de faits et en particulier par cette circonstance que, dans l'état normal, la méthode anatomique ne peut révêler la pré-sence de l'albumine dans le glomérule.
c) Il résulte, en effet, Messieurs, de ces mêmes observations de MM. Ribbert, Posner et Litten que, dans tous les cas pa-thologiques où l'albuminurie existe chez l'homme, qu'il s'a-gisse d'albuminurie transitoire ou durable, fonctionnelle ou marquée par des lésions profondes du rein, toujours l'albumine est présente dans la cavité d'un certain nombre de capsules.
d) Les recherches faites récemment par MM. Browicz et Cornil sur les altérations que présentent les reins chez les animaux empoisonnés par la cantharide, peuvent être rapprochées des observations qui précèdent. Il s'agit, en pareil cas, vous le savez, d'une inflammation suraiguë.) et l'albumine, qui passe dansles urines, y est accompagnée d'élé-ments (leucocytes et hématies) qui témoignent de la nature du processus. Or, si le rein est examiné 40 minutes seulement après l'injection sous-cutanée de la cantharide, on trouve déjà l'exsudat albumineux dans la cavité du glomérule et il y a tout lieu de croire, d'après la relation détaillée des faits, que c'est là, dans le glomérule, que se dépose en premier lieu l'ex-sudat et que c'est secondairement seulement qu'il passe dans les canaux du labyrinthe.
Ainsi, Messieurs, vous le voyez, en nous basant sur les do-cuments qui précèdent, nous sommes conduits à établir en principe que c'est en toute circonstance par la voie du glomé-rule et sans participation du labyrinthe que l'albumine est éliminée.
m.
Munis des connaissances anatomiques, physiologiques et pathologiques que nous avons recueillies chemin faisant dans nos précédentes études, nous sommes maintenant en mesure d'aborder, avec quelques chances de nous y orienter convena-blement, la question éminemment difficile- compliquée, obs-cure entre toutes, qu'on trouve traitée dans les auteurs sous ce titre : des conditionspathogéniques de Valbuminurie.
Les conditions pathogéniques invoquées par les auteurs pour expliquer le passage de l'albumine dans les urines albu-minuriques peuvent être ramenées, quelque nombreuses qu'el-les soient, à trois chefs principaux : 1° Tantôt on invoque une altération préalable de la crase du sang, dont l'albuminurie serait la conséquence immédiate ; — 2° tantôt c'est un trou-ble de la circulation locale du rein; — 3° tantôt c'est une mo-dification anafomique survenue dans les éléments épithéliam de la glande rénale. — A chacun de ces groupes correspond une théorie. Or, quelques auteurs éclectiques admettent la validité des trois systèmes et appliquent tantôt l'un, tantôt l'autre, suivant le cas, à l'interprétation des faits. Mais d'autres, plus exclusifs, s'attachent à l'un de ces systèmes et l'appli-quent à tous les cas, quels qu'ils soient.
Nous allons passer en revue ces théories diverses et recher-cher, en particulier, jusqu'à quel point elles sont conformes aux données physiologiques que nous avons exposées.
• a) La première théorie que nous aurions à considérer est celle de Y albuminurie hématogène. C'est ainsi qu'elle est dénommée par M. Stokvis dans un travail très important in-itulé : « Recherches expérimentales sur les conditions
pathogèniques de l'albuminurie (i). » Malheureusement, je n'ai ici que le temps de vous en énoncer la conclusion essen-tielle. Dans ce système de l'albuminurie hématogène, on sup-pose l'existence d'une altération préalable du sang, dont l'al-buminurie serait la conséquence immédiate.
On a invoqué bien souvent, et particulièrement il y a une vingtaine d'années environ, comme cause de l'albuminurie, l'existence d'une altération du sang due à la présence dans ce liquide d'une quantité d'eau en excès (hydrémie, hypoalbumi-nose, etc).
On se fondait beaucoup, alors, sur certaines expériences très anciennes de Magendie, répétées par Mosler et quelques autres. Ces expériences consistaient à injecter dans le sang des animaux une certaine quantité d'eau, et, presque à coup sûr les urines de ces animaux devenaient albumineuses. Le fait est exact, mais il avait reçu une interprétation vicieuse. Les urines albuminuriques de ces animaux sont teintées en rouge, elles renferment généralement des globules du sang ou tout au moins la matière colorante du sang, c'est-à-dire l'hé-moglobine. Deux choses peuvent arriver dans ces expériences, laites d'une manière très sommaire durées te, par les premiers' observateurs: 1° ou bien la quantité d'eau injectée était con-sidérable et l'injection rapide. En pareil cas, il y avait éléva-tion brusque de la tension artérielle. Quelques-uns des vais-seaux du rein étant soudainement distendus, se brisaient et laissaient échapper du sang en nature, et, ainsi, provoquaient l'albuminurie ; 2° ou bien l'injection d'eau, abondante encore, était faite par petites doses. Dans ce cas, parle fait de l'action de l'eau sur les globules, ceux-ci s'altéraient et laissaient échap-per l'hémoglobine qui se mêlait au sérum. Or, cette hémoglo-bine est une substance albuminoïde particulière qui filtre à
(1) Journal de méd. de Bruxelles, 1867, xlix.
Charcot. Œuvres complètes, t. vr, Maladies des reins. 27
travers les membranes, tout aussi facilement que l'albumine du blanc d'œuf. On ne doit pas être étonné, par conséquent, de la voir, après dissolution des globules rouges, passer très aisément dans les urines. Lorsque pareille chose a lieu, ce n'est pas de l'albuminurie proprement dite qu'il s'agit, mais bien de Yhématinurie, comme disait Vogel, ou mieux de l'hémoglobinurie, comme on dit aujourd'hui. Ces urines sont colorées de diverses façons, tantôt en rouge vif, tantôt en rouge sombre, presque noir. Elles sont coagulables par la chaleur et l'acide nitrique comme l'albumine du blanc d'œuf, mais le précipité se redissout par un excès d'acide. L'hémoglobine, d'après ce caractère, se distingue déjà de l'albumine vulgaire. Ajoutons que l'analyse spectrale révélerait dans de telles uri-nes la bande particulière qui est propre à l'hémoglobine.
Dans ces expériences d'injection d'eau suivie d'hémoglobi-nurie, la dilution du sang est poussée fort loin et se présente dans des conditions telles qu'on ne les observe jamais chez l'homme. D'ailleurs, si, chez un animal, l'eau est injectée en petite quantité, par petites doses, avec précaution, jamais, d'après les expériences de Stokwis et de Westphal, les urines ne contiennent ni albumine ni hémoglobine. Il est vraisem-blable, d'après cela, que l'albuminurie ou mieux l'hémoglo-binurie par dilution du sang, n'existe pas chez l'homme, mais je dirai, ên passant, qu'elle se produit assez fréquem-ment chez lui dans d'autres conditions pathologiques ; ainsi, dans les maladies fébriles, graves, accompagnées d'accidents typhoïdes, avec putridité, comme disaient les anciens, dans la dothiénentérie, dans la scarlatine, l'ictère grave, ou encore l'empoisonnement par l'acide sulfhydrique ou l'hydrogène arsénié. L'étude de l'hémoglobinurie; longtemps négligée, a été reprise dans ces derniers temps, surtout en Allemagne, et, depuis une dizaine d'années, les recueils médicaux de ce
pays renferment fréquemment des exemples de ce genre. Tout récemment encore le Journal hebdomadaire de clinique de Berlin (1) publiait un cas fort intéressant d'hémogiobi-nurie observé chez un chimiste intoxiqué par l'hydrogène arsénié.
Mais c'en est assez sur l'hémoglobinurie et il faut en re-venir à l'albuminurie proprement dite, qui doit seule nous occuper spécialement.
(1) 3 mai 1880.
QUATRIÈME LEÇON
Des conditions pathogéniques de l'albuminurie. Théorie hématogène et théorie mécanique.
Sommaire. — Albuminurie hématogène et hydrémie expérimentale; hémo-globinurie. — Modification supposée de l'albumine du sang ; les lésions rénales seraient consécutives. — Théorie de M. Seminóla, basée sur l'hypothèse d'un vice général de la nutrition. — Tentatives de Mialhe pour établir les caractères différentiels de l'albumine de l'urine et de l'al-bumine du sang. — Recherches de Becquerel et Vernois concluant à l'iden-tité.
Expériences de Stokvis démontrant que l'albuminurie ne peut pas dépendre d'une modification chimique ou physique du sang. — Albu-minuries anormales : Travaux récents de M. Lépine. — Albuminurie latente.
Théorie mécanique : Augmentation de la pression sanguine intra-gloméru-laire. — Diminution de la pression. — Artériosténose et phlébosténose. — La pression n'est pas l'élément physique le plus propre à favoriser la trans-sudation. — Influence de la diminution de vitesse du courant sanguin et de l'anoxhémie qui en résulte, sur les phénomènes osmotiques dans le glomé-rule. — Exemples chimiques propres à démontrer la réalité de cette influ-ence. — Urines cardiaques.
Messieurs,
Ainsi que je l'ai dit dans la dernière leçon, les conditions pathologiques invoquées par les auteurs pour expliquer le passage de l'albumine dans les urines peuvent, quelque nom-breuses qu'elles soient, être ramenées à trois chefs principaux: 1° tantôt on invoque, en effet, une altération préalable de la crase du sang, altération dont l'albuminurie serait la consé-quence pour ainsi dire immédiate ; 2° tantôt on invoque un
trouble de la circulation générale ou un trouble de la circula-tion locale du rein ; 3° enfin, on fait intervenir une modifica-tion réelle ou supposée des éléments épithéliaux de la glande rénale.
A chacun de ces groupes correspond un système, une théo-rie. Déjà, nous avons entamé Fétude critique de l'une de ces théories, de celle qui a trait à Valbuminurie hématogène, et nous avons conclu, d'après les recherches de M. Stokvis (d'Amsterdam), que l'on ne saurait admettre aujourd'hui, comme l'ont fait autrefois quelques auteurs, que l'hydrémie pathologique ou expérimentale puisse être considérée comme une des conditions pathogéniques de l'albuminurie. En cas d'hydrémie, ainsi que je vous l'ai dit — et il s'agit toujours ici de conditions expérimentales, — l'albumine ne passe dans les urines que si la quantité d'eau introduite dans le sang est relativement énorme. Il se produit alors une destruction de quelques globules rouges, lesquels abandonnent leur hémo-globine. Cette hémoglobine se mêle au sérum, et de là, passe dans les urines. C'est là un exemple de ce qu'on appelle l'hé-moglobinurie. Or, l'hémoglobinurie ne doit pas être confondue avec l'albuminurie; nous avons, dans la dernière leçon, fait ressortir quelques-uns des caractères qui distinguent ces deux ordres de faits.
I.
Actuellement, nous devons concentrer notre attention sur l'albuminurie proprement dite, et rechercher si elle ne se pré sente jamais comme conséquence immédiate d'une altération primordiale du sang.
C'est une opinion très ancienne déjà, que, dans la maladie de Bright, en général, et dans la majorité des albuminuries
dites fonctionnelles ou transitoires, la crase du passage doit être cherchée, non dans une altération du parenchyme rénal non plus que dans un trouble circulatoire, mais bien dans une altération préalable que subirait l'albumine du sang. Cette albumine altérée, modifiée dans sa constitution chimique, jouerait dans l'organisme le rôle d'un corps étranger. Voilà le fait primordial. En conséquence cette albumine non assimilable serait rejetée par le rein. Voilà le fait secon-daire.
Conformément à cette théorie, les lésions du rein qu'on rencontre habituellement dans les albuminuries de quelque durée, ne seraient donc pas le phénomène initial ; elles ne se produiraient qu'à la longue, en conséquence de la persis-tance du trouble fonctionnel ; elles seraient, en tout cas, un fait subordonné, consécutif. Canstatt est peut-être le premier qui, dans son Traité de pathologie, qui date de 1845, ait formulé cette opinion, et il n'est pas hors de propos de rap-peler les termes dont il s'est servi : « Il y a, dit-il, beaucoup d'arguments qui tendent à prouver que la cause de tous les symptômes dans l'albuminurie doit être cherchée dans une disposition anormale, spécifique de l'albumine du sang. Cette disposition qui consiste probablement dans une qualité imparfaite de cette substance, a pour effet de dérober l'albu-mine à sa destination assimilatrice et de la tourner vers les reins pour y être excrétée. » Voila des termes un peu vagues sans doute. Ils deviennent plus précis dans la bouche de l'au-teur très recommandable qui, le dernier et tout récemment, a combattu en faveur de cette théorie. C'est de M. le professeur Semmola (de Naples) que je veux parler : « L'albuminurie, dit-il, dans la maladie de Bright, répond à un vice général de la nutrition, par suite duquel l'albumine étant devenue inca-pable d'être assimilée doit être éliminée par le rein, comme une substance étrangère à l'organisme... ; en effet, il existe
un rapport frappant entre les réations de l'albumine de l'urine et celles de l'albumine du sérum, chez les album i nu ri qu es par maladie de Bright ; et, puisque ces réactions ne sont pas les mêmes que celles de l'albumine du sérum physiologique, il est évident que la constitution de l'albumine du sang-, dans la maladie de Bright, est plus ou moins profondément modifiée et dilfère de l'albumine normale. »
Des hommes éminents, tels que Proust et Graves, ont réso-lument adopté cette manière de voir ; Bright lui-même sem-ble l'avoir un instant admise ; parmi les contemporains, il est aussi bon nombre de médecins fort distingués qui la sou-tiennent. Et cependant, on la discute encore vivement. On lui reproche, comme à tant d'autres théories, de ne pas s'ap-puyer sur des preuves absolument péremptoires. Ainsi, pour conclure avec M. Semmola, que l'albuminurie brightique doit avoir pour cause primordiale une modification de l'albumine du sang, il faut nécessairement avoir acquis la certitude que l'albumine du sang, dans la maladie de Bright, diffère de l'albumine du sang normal. Or, cette démonstration, vous le comprenez, est des plus difficiles, et M. Semmola lui-même n'en disconvient pas.
M. Mialhe est à peu près le seul qui ait essayé d'établir, par la méthode chimique, les caractères différentiels de ces va-riétés d'albumine. Sa tentative n'a pas été heureuse. Il a re-connu que l'albumine du sang, chez les brightiques, sè redis-sout dans un excès d'acide, après avoir été précipitée, mais il croyait que cette propriété la distinguait de l'albumine du sang ou sérum. Bien au contraire, c'est là un caractère qui assimile les deux albumines. Aussi, Becquerel et Vernois, re-prenant la question, purent-ils affirmer l'identité de l'albu-mine du sérum et de l'albumine des urines albuminuriques, au moins en ce qui concerne leurs caractères chimiqnp ; ; ils
établirent également que ces albumines diffèrent totalement de l'albumine de l'œuf, à laquelle M. Mialhe avait à tort com-paré l'albumine du sérum.
Tous les auteurs récents ont reconnu la validité des obser-vations de Becquerel. Sfokvis en particulier a beaucoup in-sisté sur les caractères qui permeitent d'assimiler l'albumine des urines albuminuriques à la serine normale, et de la dis-tinguer nettement de l'albumine de l'œuf, substance étran-gère au sang dans l'organisme sain.
Pour ceux d'entre vous qui désireraient reproduire les réac-tions relatives à cette distinction fondamentale, je crois de-voir rappeler dans quelles conditions il faut procéder pour obtenir des résultats décisifs. Les solutions albumineuses que l'on veut comparer ne doivent être ni trop ni trop peu con-centrées, c'est-à-dire qu'elles doivent contenir de 2à0 10, 0/0 d'albumine. Dans une solution plus concentrée, un excès d'acide ne suffirait pas pour dissoudre l'albumine du sérum ; et dans une solution plus étendue, l'albumine de l'œuf pré-cipitée pourrait ne pas être redissoute. La quantité d'acide qu'il convient d'ajouter doit représenter trois ou quatre fois le volume du liquide à examiner. Dans ces conditions, la réaction estprompte, et,auboufde quelques minutes, onpeutxroir, dans l'éprouvelle qui contient la serine, le liquide tout à fait trans-parent, tandis que, dans celle qui contient l'albumine de l'œuf, il se forme à la surface une condensation jaunâtre qui repré-sente le précipité non redissous. — C'est surtout à l'aide de ce procédé que M. Stokvis a examiné un très grand nombre d'urines albumineuses de diverses provenances et qu'il a reconnu que, sans exception, l'albumine de ces urines offre identiquement les mêmes caractères que la serine normale.
Par conséquent, Messieurs, on devait être fondé à dire, d'une façon générale, qu'à ne considérer que la réaction
chimique, l'existence d'une altération de l'albumine du sang, dans les divers cas d'albuminurie organique ou fonctionnelle, est tout à fait hypothétique, puisque l'albumine des urines, en pareille circonstance, ne diffère en rien de la serine du sang normal.
Mais il ne suffit pas, suivant M. Stokvis, d'avoir établi ce premier fait; il faut démontrer en outre que l'albumine des urines albuminuriques jouit des mêmes propriétés physiolo-giques que la serine du sang normal. Voici ce qu'il faut enten-dre par là. L'albumine de l'œuf, qui se distingue chimique-ment de la serine, s'en distingue aussi par la propriété qu'elle a de traverser le rein dans les conditions normales ; c'est donc là, au premier chef, un corps étranger pour l'organisme, et, à ce propos, on peut remarquer que cette albumine injectée dans le sang passe non seulement à travers Pépithélium du rein mais encore à travers celui des glandes salivaires. Une expérience remarquable, très propre à montrer jusqu'à quel point cette albumine est peu assimilable, consiste à rendre un chien albuminurique en lui injectant du blanc d'oeuf clans les veines. L'urine de ce chien est injectée à un autre chien qui, à son tour, devient albuminurique ; et l'albumine que contient l'urine de celui-ci présente toujours les caractères de l'albumine de l'œuf.
Au contraire, l'albumine du sérum, lorsqu'on l'injecte dans le sang, ne passe pas dans l'urine. Stokvis en conclut que, par ses caractères physiologiques aussi bien que par ses carac-tères chimiques, l'albumine du sang diffère absolument de l'albumine du blanc d'œuf.
On comprend maintenant que si l'albumine des urines et celle du sang chez les albuminuriques étaient, comme le veut la théorie, une albumine modifiée, altérée, inassimilable, elles
devraient, suivant toute vraisemblance, montrer des propri-étés physiologiques analogues à l'albumine de l'œuf, et, comme celle-ci, injectées dans le sang des animaux, elle devraient passer dans les urines.
Voici les expériences instituées à ce sujet par M. Slokvis. L'albumine d'un albuminurique est injectée dans le sang d'un certain nombre d'animaux ; et, précisément, dans l'un de ces cas, l'injection est faite sur un animal qui avait été préala-blement rendu albuminurique par une injection d'urine pro-venant d'un autre chien auquel on avait transfusé du blanc d'oeuf. Or, chez ce chien, l'albumine rendue par le malade ne passe pas dans les urines.
En second lieu, de l'albumine du sang provenant de mala-des albuminuriques est injectée sans succès dans le sang de quelques animaux ; et il en est de même de la sérosité péri-tonéale et pleurale de malades atteints d'anasarque brighli-que.
Ainsi, vous le voyez, celle albumine soi-disant altérée du sang, dont la présence est invoquée comme une condition nécessaire par les partisans de la théorie hématogène, ne se comporte ni physiologïquemenl ni chimiquement comme l'al-bumine inassimilable du blanc d'œuf. Eile ne se distingue au contraire de la serine du sang normal par aucuns caractères chimiques ou physiologiques. De tout cela, M. Stokvis conclut que la cause de l'élimination de l'albumine ne peut pas rési-der dans une modification de la constitution chimique ou physiologique du sang. Cette conclusion, Messieurs, je n'y contredis pas absolument. Toutefois, je ferai remarquer que, très récemment, on a trouvé, dans des circonstances à la vérité fort rares, et assez mal déterminées, des albumi-nuries dites anormales, en ce sens que l'albumine de l'urine y diffère notablement, au moins par ses caractères chimiques et physiques, des albumines connues du sérum du sang.
On sait, par exemple, que, chez les sujets atteints du mal de Brigïit, les urines rendues après les repas sont plus riches en albumine que celles qui sont rendus dans les intervalles; que même quelques malades ne rendent d'albumine qu'après les repas. Parkes, Gubler et Pavy ont insisté sur ces faits.
Pour expliquer cet accroissement temporaire de la propor-tion d'albumine, Gubler admet qu'elle résulte d'un accroisse-ment également temporaire de la quantité d'albumine dissoute dans le sang. D'autres invoquent une augmentation momen-tanée de la pression artérielle. Ce sont là deux hypothèses fort difficiles à défendre. Parkes, de son côté, prétend, sans le dé-montrer, que cette albumine de l'albuminurie alimen'aire est qualitativement différente de celle de l'albuminurie vulgaire.
Les recherches entreprises à ce sujet par M. Lépine ont démontré que l'albumine de l'urine de la digestion, chez les albuminuriques, présente en effet des caractères spéciaux : 1° Elle diffuse mieux que l'urine du jeûne ; 2° soumise, paral-lèlement à cette dernière, à l'influence de la digestion artifi-cielle, elle se transforme beaucoup plus vite en peptone.
Ainsi, non seulement, chez les albuminuriques, l'urine de la digestion est plus riche en albumine, mais elle contient une albumine d'une autre qualité. Or, on ne peut se refuser à admettre ici que cette albumine modifiée vient du sang ; et il est clair que ce n'est pas dans le rein lui-même qu'elle asubi cette modification. Donc, c'est une albumine préalablement modifiée dans le sang qui, en pareil cas, a passé dans les uri-nes. Ce fait est incontestablement favorable à la théorie que défend depuis trente ans M. le professeur Semmola, à la tlléorie hématogène.
On pourrait citer encore les urines albuminuriques des sujets atteints d'une maladie fébrile de quelque intensité et de quel-
que durée. On sait, par exemple, que, dans la fièvre typhoïde, il est commun d'observer le phénomène que nous avons si-gnalé, d'après Gerhardt, sous le nom albuminurie latente, c'est-à-dire que les urines contiennent une albumine qui ne précipite ni par la chaleur ni par l'acide nitrique, mais qui précipite par l'alcool. A la vérité, ce sont là des caractères qui appartiennent auxpeptones, et nous avons établi, d'après les auteurs récents, que les peptones existent toujours en certaine proportion dans l'albuminurie vulgaire. Mais il y a lieu de re-marquer que cette albumine-peptone des fébricitanfs se pré-sente dans des circonstances où on ne doit guère s'attendre à trouver une forte quantité de peptones alimentaires clans le sang.
Il faut donc admettre une modification préalable de l'albu-mine du sang ; et, c'est à ce propos que Gerhardt suppose que, sous l'influence de l'hyperthermie prolongée, l'albumine du sérum, ainsi que cela a lieu dans le cas où on la soumet aune coction également prolongée, s'est transformée en pep-tones, lesquelles passent ensuite dans les urines.
On pourrait encore citer quelques autres exemples du même genre, plus ou moins favorables à la théorie hématogène. Mais, en somme, tous ces faits ne constituent qu'un groupe fort res-treint, et l'on conçoit que jusqu'à preuve du contraire , les conclusions de Stokvis restent les plus séduisants.
II.
C'en est assez pour la théorie hématogène. Celle que nous allons maintenant discuter est, à l'inverse de la précédente, considérée par la majorité des auteurs, comme ayant une portée très générale. On l'appelle théorie mécanique, parce
qu'elle invoque pour cause un trouble de la circulation gé-nérale ou de la circulation locale dans le rein, amenant dans les vaisseaux de cet organe, une modification par excès de la pression sanguine.
Cette théorie courante, si l'on peut ainsi dire, semble, au premier abord, reposer sur un grand nombre de faits indiscu-tables. Mais si l'on y regarde d'un peu près, on reconnaît bientôt que, dans les termes où elle vient d'être formulée, elle ne repose pas sur des assises aussi solides qu'on pouvait le croire.
Il paraît simple et facile, en effet, de rapporter, comme le font aujourd'hui bon nombre d'auteurs, l'albuminurie à une augmentation de pression survenue dans le glomérule, soit par le fait d'une stase veineuse, soif par le fait d'une fluxion artérielle. Mais, nous allons voir, dans un instant, qu'une augmentation dépression dans les vaisseaux du rein ne suf-fit pas pour produire l'albuminurie, et que dans les cas où il y a à la fois augmentation de pression (-f- P) et albuminurie), il y a toujours intervention d'un autre élément qui paraît jouer le rôle capital. — D'un autre côté, il est des cas où très certainement l'augmentation de pression ne peut être invo-quée. L'albuminurie survient alors dans des conditions où l'abaissement de la pression glomérulaire (— P) est évidente.
Les cas du dernier genre sont même assez nombreux pour que M. Rùneberg, renversant, dans un travail récent, l'ordre de chose établi, ait cru devoir substituer à la théorie de la pression augmentée, comme cause d'albuminurie, ce qu'on pourrait appeler la théorie de la pression diminuée.
M. Riineberg se base d'abord sur des expériences de physi-que qui démontreraient, contrairement à ce que l'on a admis jusqu'ici, que la fillration des substances albuminoïdes et des
émulsions, en général, est d'autant plus abondante que la pression à laquelle est soumise la substance à filtrer s'abaisse davantage. A la vérité, ces expériences de M. Rûneberg ont été fortement critiquées par des personnes compétentes, et on affirme qu'elles ns démontrent pas réellement ce que l'auteur voudrait leur faire prouver. Mais cela importe peu, quant à présent, car nous pensons qu'on ne pourrait, sans forcer beaucoup les analogies, comparer une muqueuse intestinale-servant de filtre, dans une expérience de laboratoire, aux pa-rois vasculaires et épithéliales du glomérule. Pour montrer la-différence qui existe à ce point de vue, entre une membrane vivante et une membrane inerte, il suffit de rappeler que l'épi-thélium de la membrane de Descemet, en pleine vitalité, même sous une pression de 208 mm. de mercure, empêche la pénétration dans la cornée.
Mais, laissant de côté les faits d'ordre physique qui, pour le moment, ne peuvent servir de base solide, nous pouvons invo-quer, avec M. Riineberg, nombre de faits d'ordre physiolo-gique et pathologique qui tendent à établir, contrairement à l'opinion dominante, que la diminution de pression sanguine dans le glomérule du rein, au même titre que l'augmentation et plus souvent encore que celle-ci, est une condition de pas-sage de l'albumine dans les urines.
III.
En premier lieu, il importe de faire ressortir que l'on consi-dère à tort comme une loi générale, que les parois des capil-laires se laissent traverser par une proportion plus considé-rable de transsudats quand la pression du sang augmente dans ces vaisseaux. Ainsi, en dehors du rein, on peut citer l'expérience fort remarquable de Ludwig etPaschutin qui con-
giste en ceci: on coupe toutes les branches du plexus brachial qui se rendent à l'un des membres antérieurs d'un chien, Puis, on irrite la moelle épinière de manière à rendre la pres-sion sanguine énorme, en général, et plus particulièrement dans le membre dont les xraso-moteurs ont été sectionnés. Et bien! malgré ces conditions, en apparence favorables, il ne s'épanche pas dans ce membre plus de lymphe qu'il n'y en a dans les conditions normales.
Mais il n'est pas nécessaire d'aller chercher des termes de comparaison en dehors du rein. 11 existe un certain genre d'expériences où les troubles artificiellement portés à la circu-lation de cet organe sont observés dans leurs rapports avec la production de l'albuminurie ; et les faits pathologiques offrant une signification du même genre ne font certes pas défaut non plus.
Il faudra distinguer, dans l'exposé qui va suivre, les cas où le trouble circulatoire ne concerne pas le rein en particulier, mais le système vasculaire en général, et ceux, au contraire, où il s'agit d'un trouble partiel de la circulation limité au rein.
1° Considérons d'abord le cas où la circulation locale du } rein est modifiée par ariêrio-sténose. Dans l'expérience tant de fois citée d'Overbeck, il ne peut s'agir d'une augmentation de la pression sanguine à l'intérieur du glomérule. En effet, dès que la circulation se rétablit, les urines sont rares etalbu-mineuses.
Le résultat est peut-être encore plus remarquable lorsque, au lieu d'une ligature temporaire, mais complète, on produit un simple rétrécissement de l'artère, qu'on augmente ou qu'on diminue à loisir au moyen d'un instrument spécial. En pareil cas, le sang est ralenti, mais il persiste pendant toute
l'expérience. Or, si le rétrécissement est considérable, l'urine cesse de couler ; si on le diminue, l'urine apparaît, mais rare et albumineuse. Nous verrons dans un instant l'application qu'on peut faire de cette expérience à la théorie de l'albumi-nurie cardiaque. Actuellement, je me bornerai à relever ce fait que les conditions du passage de l'albumine peuvent être représentées ici par la formule : — P ?—• V (P signifiant pres-sion, et V vitesse) ; c'est-à-dire que la pression sanguine diminue dans le glomérule en môme temps que le cours du sang y est ralenti. En un mot, il y a stase sanguine absolue ou relative, mais sans augmentation de pression.
2° Si, d'un autre côté, nous considérons laphtébo-sténose, nous constatons que cette condition, très différente de la pré-cédente, aboutit cependant au même résultat.
a) Si la ligature de la veine est complète et permanente, l'urine, d'abord supprimée, devient rare et albumineuse au bout d'un certain temps et reste telle.
b) S'il y a simple rétrécissement de la x^eine, les urines ne sont pas supprimées; il y a dès l'origine une sécrétion urinaire rare et albumineuse (d'après Rùneberg).
Or, si nous considérons les conditions mécaniques de la cir-culation en pareil cas, nous reconnaissons que, contraire-ment à ce qui a lieu dans le cas précédent, la pression est augmentée dans le glomérule, car, on doit admettre que d'un côté il existe un obstacle à la circulation du sang vei-neux, tandis que, de l'autre, aucune modification n'étant survenue dans la pression cardiaque, le sang continue à-affluer dans le glomérule. La situation peut dont être re-" présentée ici par la formule suivante : + P — V, la circula-
tion étant évidemment ralentie comme dans le cas précé-dent.
Par conséquent, Messieurs, vous voyez que, dans des cir-constances très opposées où un trouble de la circulation avec + P ou — P produit de l'albuminurie, l'élément constant est — V, c'est-à-dire le ralentissement du cours du sang; ce qui revient à dire que les conditions qui reproduisent la sécré-tion de l'albumine sont les mêmes que celles qui, suivant la physiologie, diminuent la sécrétion de l'eau ; et en effet, vous voyez, dans toutes les observations d'albuminurie survenue en conséquence d'un trouble circulatoire rénal, la quantité d'eau diminuer.
En pathologie, on retrouve reproduites en assez grand nombre les conditions des expériences qui précèdent. Tel est le cas d'oblitération des veines rénales ou de la veine cave. On sait qu'en pareille circonstance, les urines sont albumi-neuses. Malheureusement, les autres caractères de ces lé-sions n'ont pas été jusqu'ici étudiées suffisamment et on ignore si les urines sont rares en même temps qu'albumineu-ses.
3° Considérons maintenant les troubles de la circulation générale dans leurs rapports avec l'albuminurie,
a) C'est un fait aujourd'hui bien démontré par les expé-riences de Goll et de Stokvis que l'augmentation de la pres-sion artérielle, contrairement au préjugé répandu, ne suffit pas à elle seule pour provoquer l'albuminurie. Ainsi, la liga-ture de l'aorte, au-dessous des rénales, détermine une con-dition circulatoire qu'on peut représenter par la formule + P -f" V, car, en pareille circonstance, le cours du sang de-vient plus rapide dans le rein en même temps que la pres-
Chaucot. Œuvres complètes, t. vr, Maladies des reins 28
sion s'exagère. Or, l'albuminurie fait défaut el les urines sonL abondantes.
h) Ce qui s'observe dans la néphrite interstitielle, avec, hypertrophie du cœur semble en désacord avec ce qui précède. Mais il faut remarquer que, dans la néphrite interstitielle, l'albuminurie qui accompagne la polyurie n'est pas la consé-quence de l'augmentation de pression survenue dans cer-tains glomérules, ceux qui sont demeurés sains, mais des obstacles à la circulation qui se manifestent (-(- P — X) dans les glomérules altérés.
c) Les circonstances sont bien différentes lorsqu'on agit di-rectement sur le cœur, en entravant la petite circulation. Alors, la pression artérielle s'abaisse et la pression veineuse s'élève. Une expérience d'Overbeck est, à cet égard, très ins-tructive. On introduit dans le ventricule droit, par la veine jugulaire, une sonde portant une petite ampoule qu'on gonfle dès que l'instrument est parvenu à destination. Lorsque l'ex-périence réussit, la pression tombe rapidement de 137 m. m. de mercure à 22 m,m., et, peu après, les urines deviennent rares et albumineuses.
On peut admettre ici que la pression augmente dans le système veineux du rein ; très certainement elle diminue dans les artères, de telle sorte qu'on peut hésiter sur la ques-tion desavoir s'il y a, oui ou non, -j- P ou — P dans le glo-mérule. Les conditions différent en effet, là, de ce qu'elles sont dans la phlébo-sténose sans abaissement de la xraleur de la pression cardiaque. En tout cas, un élément sur lequel il ne saurait y avoir de discussion est la xdtesse du sang, qui est évidemment ici diminuée (— V).
d) L'état de choses créé par l'expérience d'Overbeck se re-
trouve assez rigoureusement réalisé dans les cas de lésions cardiaques avec asysfolie, c'est-à-dire dans le cas où appa-raissent ces urines roses et albumineuses qu'on appelle urines cardiaques et dont je vous parlais dans notre dernière réunion. La clinique montre, qu'en pareil cas, la quantité des urines et le taux de l'albumine sont en proportion inverse. Plus l'urine est rare, plus l'albumine y est abondante. D'un autre côté, la clinique établit aussi une relation très étroite dans l'apparition de l'albumine et la diminution de la pres-sion artérielle. Plus la pression diminue, plus les urines sont rares et albumineuses, et inversement.
Or, qu'elles sontici les conditions mécaniques de la circula-tion dans leglomérule? L'autopsie démontre que les glomé-rules sont plus petits et affaissés. De plus, il y a lieu de croire que le reflux veineux se fait difficilement dans le glomérule en cas de stase veineuse, car les injections veineuses arri-vent très malaisément jusque dans leglomérule, malgré l'ab-sence des valvules. D'autre part, la veine afférente est placée entre deux systèmes capillaires, ce qui est une condition dé-favorable pour le reflux du sang veineux. Il est donc probable que la pression est diminuée dans le glomérule, malgré la stase veineuse. Mais peu importe, puisque là n'est pas la con-dition essentielle. Celle-ci n'est autre que la diminution de vitesse dont l'existence ne peut être contestée. La formule, en pareil cas, sera donc la suivante : + P — V.
iUnsi, Messieurs, dans tous ces cas de troubles de la circu-lation générale ou locale qui déterminent l'albuminurie, ce n'est, je le répète, ni l'augmentation ni la diminution de la pression sanguine intra-glomérulaire qu'il faut incriminer; c'est le ralentissement du courant sanguin et partant le séjour prolongé d'un sang peu oxygéné dans les capillaires rénaux. Nous retrouvons donc ici ces conditions d'anoœhé-
mie des cellules èpithéliales du glomêrule que nous avons fait valoir, à propos de la physiologie, comme étant très dé-favorables à la sécrétion de l'eau urinaire. Or, ce sont les mêmes conditions qui président à la sécrétion de l'albumine, et cette circonstance explique ce fait remarquable que, dans l'abuminurie liée aux troubles de la circulation, les urines sont rares en même temps qu'elles sont albumineuses.
CINQUIÈME LEÇON
Des conditions pathogéniques de l'albuminurie. Théorie mécanique et théorie anatomique.
Sommaire. — Polyurie non albumineuse. — Contradiction apparente des phé-nomènes expérimentaux avec les faits cliniques. — Polyurie albumineuse dans la néphrite insterstitielle. — Albuminurie chez les cardiaques; obser-vations de Rosenstein. — Lésions du rein cardiaque.
Adaptation de la théorie de la diminution de vitesse aux cas d'albuminu-rie transitoire non accompagnés de lésions matérielles du rein. — Albu-minurie dans le choléra asiatique, dans le choléra nostras, dans la gros-sesse, etc.
Théorie anatomique — Insuffisance de cette théorie. — Cas où il existe des lésions profondes du parenchyme rénal sans qu'il y ait albuminurie et cas d'albuminurie sans lésions du parenchyme rénal.
Messieurs,
J'ai l'intention de terminer aujourd'hui l'examen critique des théories que l'on a successivement édifiées pour expliquer le passage de l'albumine à travers le filtre rénal dans les con-ditions pathologiques.
I.
Je terminais la leçon dernière en vous faisant pressentir l'influence des troubles de la circulation générale sur le déve-loppement de l'albuminurie.
A. Il est facile d'établir d'abord, vous disais-je, que con-
trairement à un préjugé très répondu, une augmentation de la pression sanguine dans le système artériel, alors même qu'elle est poussée à une limite extrême, n'est pas un élé-ment suffisant pour déterminer le passage de l'albumine dans les urines. Ainsi, dans l'expérience de Gull, où il s'agit de la ligature d'un certain nombre de grosses artères, les ré-nales exceptées, ou plus simplement dans l'expérience de Stokvis, qui consiste à opérer la compression de l'aorte ab-dominale immédiatement au-dessous des artères rénales, la lituation en ce qui concerne les conditions mécaniques de sa circulation dans le glomérule, peut être représentée par la suivante : formule -f- P + V ; ce qui veut dire que la pression collatérale est augmentée en même temps que la circulation est plus rapide. En pareille circonstance, sui-vant la théorie proposée dans la dernière leçon à propos des troubles de la circulation locale du rein, vous pouvez en quelque sorte prévoir ce qui devra survenir. En raison de l'augmentation de la pression latérale (+ P), la sécrétion de l'eau urinaire devra s'accroître. Cela a lieu en effet : mais l'élément capital — V faisant défaut et étant même remplacé par + V, condition incompatible avec le passage de l'albu-mine dans les urines, l'albuminurie devra faire défaut. Ainsi sont les choses en réalité. Donc, quand la pression du sang dans le glomérule est accrue et que la circulation y est en même temps très rapide, il y a polyurie, mais il n'y a pas albu-minurie. C'est là un fait qu'ont démontré encore une fois, après bien d'autres, les expériences récentes de M. Stokvis.
B. a) La conclusion parait être tout d'abord en opposition avec ce qu'enseigne la clinique, dans le cas delà néphrite interstitielle, par exemple, lorsqu'elle est compliquée, ainsi que cela arrive si fréquemment, avec l'hypertrophie simple du ventricule gauche du cœur. On sait qu'en pareil cas la près-
sion est habituellement très élevée dans le système artériel et, en conséquence, les urines sont abondantes. Mais, en outre, elles sont albumineuses ; à la vérité, la proportion d'albumine n'est pas là bien considérable. Ce sont souvent de simples traces; l'albumine peut même faire défaut à plusieurs reprises, parfois pendant une longue période, au cours de la maladie. Mais enfin ralbuminurie existe. Eh bien! malgré tout, la contradiction n'est qu'apparente.
Nous vous ferons remarquer, en effet, que la néphrite in-terstitielle de ce genre, lésion chronique primitive, à évolu-tion lente et progressive par excellence, n'attaque pas tous les glomérules du même coup et au même degré. Il y a lieu, à ce point de vue, de distinguer dans un rein atteint de cette sorte de néphrite :
1° Des glomérules absolument sains, ainsi que les tubes contournés qui correspondent à ces glomérules; dans ces glomérules les conditions mécaniques de la circulation peu-vent être représentées par -f- P + V. Les glomérules, dont il s'agit, d'après la théorie sécrètent l'eau urinaire en abon-dance mais ne laissent point passer l'albumine ;
2° Des glomérules plus ou moins profondément altérés, en voie de destruction. Ici, les conditions mécaniques de la cir-culation, particulièrement en raison du rétrécissement que subit le calibre des capillaires giomérulaires sont représen-tées par — P — V. Ces glomérules fournissent une faible quantité d'eau, et, en même temps, une certaine proportion d'albumine qui se mêle à l'urine ;
3° Enfin des glomérules complètement atrophiés et, en grande partie imperméables au sang. Ceux-là sont en quel-que sorte hors de cause, ils ne fonctionnent plus. Mais je
n'insiste pas sur ces détails, car nous allons bientôt retrou-ver l'occasion d'y revenir.
b) Par contraste avec les cas dans lesquels la pression s'é-lève dans le système aortique, je vais maintenant considérer ceux où la pression s'abaisse dans ce système, en même temps qu'elle s'élève relativement — cela est, vous le savez, une conséquence nécessaire — dans le système veineux. Cet ensemble de conditions se rencontre très vulgairement dans •la clinique, ainsi que nous le verrons tout à l'heure.
Ces conditions, d'ailleurs, il est facile de les reproduire expérimentalement, en particulier lorsqu'on met en œuvre le procédé suivant, imaginé par M. Overberck.
Chez un chien, on introduit dans la veine jugulaire une sonde qu'on pousse vers le cœur, et à l'extrémité de laquelle est adaptée une petite vessie. Lorsque la sonde est parvenue dans le ventricule droit du cœur, on gonfle la petite vessie par insufflation. Lorsque cela est fait, l'animal tombe dans un état syncopal et la pression artérielle s'affaisse rapidement de 137 milim. Hg, par exemple, à 25 milim. Hg. L'opération est suspendue, puis on la reprend à plusieurs reprises à des intervalles variés. Les premières urines, à la suite de cette expérience, sont rares et albumineuses.
c) Vous avez dû remarquer qu'ici la situation est bien diffé-rente de ce qu'elle est dans le cas de phlébosténose que nous avons considéré plus spécialement dans la dernière leçon. En effet, quand la veine rénale est liée ou seulement rétrécie, il y a bien, comme dans l'expérience dernière d'Overbeck, obstacle à la sortie du sang veineux. Mais l'action du cœur persistant telle quelle, la pression artérielle n'est en rien modifiée, et en conséquence le sang, retardé dans son cours, s'accumule sous forte pression dans le glomérule (—V H- P)-
Les circonstances, je le repète, ne sont pas les mêmes dans l'expérience citée d'Overbeck, car, dans ce cas, s'il y a ob-stacle à l'issue du sang, veineux, dans le rein, comme dans les autres viscères, le sang, en raison de l'affaiblissement considérable de la circulation artérielle, ne se trouve pas accumulé dans le glomérule sous une forte pression. Sans doute par le fait de la diminution de la pression artérielle, la pression s'élève dans les veines, mais non pas autant qu'elle descend dans les artères. Vous savez du reste que, grâce à leur dispositoin anatomique, les capillaires du glomérule se trouvent dans des conditions physiologiques spéciales. Le sang veineux n'y reflue pas facilement, et ainsi que le faisait déjà remarquer Bowmann,bien qu'il n'existe pas de valvules dans les vaisseaux efférents, les injections poussées dans les veines pénètrent malaisément dans le glomérule, tandis qu'el-les y pénètrent très facilement lorsqu'elles sont poussées dans les artères. On peut donc, en pareil cas, se représenter la situation, en ce qui concerne la circulation dans le glomérule, par — P — V; et ce sont là, vous le savez d'après la théorie, des conditions éminemment favorables à la production si-multanée de l'oligurie et de l'albuminurie.
cl) Je vous ai dit que les conditions obtenues artificielle-ment dans l'expérience d'Overbeck se trouvent fréquemment reproduites dans la clinique la plus vulgaire. Il s'agit des mo-difications de la sécrétion urinaire, si souvent observées dans les cas de lésions valvulaires du cœur, alors qu'il n'y a pas compensation. Ces mêmes effets se manifestent encore dans les lésions qui frappent directement le myocarde (péricar-dite adhésive, etc.), et aussi dans le cas de certaines lésions du poumon qui entravent le jeu de la petite circulation : tel est, par exemple, l'emphysème lorsqu'il est poussé à un haut degré. Vous n'ignorez pas, Messieurs, que, dans ces cir-
constances, l'état d'asystolie s'étant déclaré, la pression sanguine baisse dans le système artériel, et que forcément il en résulte une stase veineuse dans la plupart des organes, dans le rein en particulier. Sous cette influence, les urines deviennent rares et albmineuses. Si, au contraire, par l'effet d'une médication appropriée la pression se relève, on voit dans le même temps les urines redevenir abondantes et ces-ser d'être albumineuses. Mais si, par suite d'une circons-tance quelconque, la pression artérielle vient encore une fois à s'abaisser, l'albumine reparaît à nouveau et simultanément les urines redeviennent rares.
Cette sorte de parallélisme entre l'abaissement de la pres-sion artérielle d'un côté, de l'autre côté l'oligurie et l'appa-rition de l'albumine dans les urines est un fait de connais-sance vulgaire, relevé dans un grand nombre d'observations. Voici, entre autres, un cas où ce parallélisme est très nette-ment mis en relief. Il s'agit tout simplement d'un cas d'in-suffisance mitrale (observation de Rosenstein).
Au début de l'observation, la totalité des urines en 24 heures est représentée par 1000 à 1200 et il n'y a pas trace d'albu-mine. Peu après surviennent les symptômes de l'asystolie. Le 29 décembre, l'urine rendue n'est plus que de 800 grammes, et l'albumine y apparaît. Le 23, même chiffre, même propor-tion d'albumine. Le 25, la quantité d'urine s'étant élevée à 900 grammes, la proportion d'albumine diminue. Le 29, la sécrétion urinaire est de 750 grammes et le taux de l'albu-mine se relève. Le 30, 900 grammes dmrine sont excrétés et l'albumine est en proportion moindre. Enfin, le 1er janvier, la quantité d'urine ayant atteint le chiffre de 13, 000 grammes, l'albumine disparaît complètement.
Les faits de ce genre sont, je le répète, excessivement com-muns. Ils nous intéressent particulièrement parce qu'ils
mettent en évidence ce fait capital dans la théorie que nous soutenons à savoir : 1° que l'albumine apparaît au moment où la sécrétion de l'eau urinaire diminue et inversement; 2° que ces phénomènes se produisent dans des circonstances où le cours du sang à l'intérieur du giomérule se ralentit, que la pression soit d'ailleurs plus élevée ou, au contraire, moins élevée que dans les conditions normales.
Je vous ferai remarquer, Messieurs, que dans les cas d'af-fections cardiaques, où les urines présentent les caractères que je viens d'indiquer, pour peu que les choses aient duré, on trouve après la mort une altération particulière du rein qu'on a désignée quelquefois sous le nom de rein cardiaque. Les reins cardiaques sont volumineux, durs, à la surface lisse d'une coloration rouge sombre, violacée. Sur les coupes, les deux substances sont à peu près également colorées. L'exa-men au miscroscope fait reconnaître qu'en aucun point les épithéliums ne présentent d'altération appréciable. Toute la lésion, à part la stase veineuse, consiste dans un épaississe-ment de la trame conjonctive ; Klebs et la plupart des anatomo-pathologistes insistent sur le fait que les glomérules sont là peu volumineux, comme affaissés, circonstance qui vient à l'appui de l'opinion déjà émise, que la circulation du sang ne s'y fait pas sous une forte pression.
Quoi qu'il en soit, je tiens à vous faire remarquer que l'al-buminurie cardiaque, essentiellement transitoire, éminem-ment subordonnée aux troubles de la circulation générale, ne saurait être rattachée, à titre de symptôme, à la lésion qui vient d'être décrite. Elle la précède dans nombre de cas, et dans nombre de cas aussi la lésion peut persister, alors que, par suite du relèvement de la pression aorliquc, l'albuminurie a depuis longtemps disparu.
IL
Maintenant, Messieurs, il ne serait pas difficile de vous montrer, en m'appuyant sur un grand nombre d'exemples, que les albuminuries, soit fonctionnelles et transitoires, soit relevant d'une lésion organique du rein et par conséquent plus ou moins persistantes, peuvent être interprétées suivant la théorie que. j'ai essayé de mettre en lumière. Je me réserve de le démontrer, pour ce qui concerne les altérations organiques, lorsque nous étudierons ces altérations. Actuellement, je vais indiquer seulement et en passant quelques exemples où il ne s'agit que d'albuminurie transitoire et fonctionnelle, sans ac-compagnement d'une lésion matérielle quelconque du paren-chyme rénal.
Le choléra asiatique peut être cité à ce propos au premier rang. On sait, d'après les observations d'Abeille, de Gubler et de bien d'autres, que si, au début même de l'attaque ou au milieu du stade asphyxique, on recueille les urines, à l'aide du cathétérisme, celles-ci sont trouvées fortement chargées d'al-bumine et que leur quantité est très faible. Plus tard, quand survient la période de réaction, alors que la cyanose cesse, et que le pouls se relève, les urines contiennent encore de l'albumine, mais dans une proportion moindre et en même temps elles sont devenues plus abondantes.
Ce que je vous dis du choléra asiatique peut être répété à propos du choléra nostras, à propos de la diarrhée choléri-l'onne des enfants, etc. Ici, la stase veineuse dans le glomé-rulc, sous faible pression, nous paraît pouvoir être invoquée comme la cause de l'albuminurie fébrile ; il en est de même pour un certain nombre de cas d'albuminurie observés pendant la
grossesse ou au cours même du travail, et pour celles quisur-viennent en conséquence des lésions du système nerveux, etc., etc.
111.
Mais en voilà assez sur ce point et j'ai.hâte d'en venir à l'exposé de la troisième théorie, celle qu'on pourrait appeler la théorie anatomique, car, suivant cette théorie, la pré-sence de l'albumine dans les urines relèverait en toutes cir-constance, ou peu s'en faut, de l'existence hypothétique ou régulièrement constatée d'une lésion des épithéliums du rein. Je ne ferai d'ailleurs qu'en indiquer sommairement les traits principaux, car on ne peut en faire l'épreuve qu'en étudiant les néphrites elles-mêmes.
Pour vous faire bien comprendre en quoi elle consiste et quelles sont ses prétentions, je ne puis mieux faire que de vous citer les propres paroles de deux de ces principaux pro-moteurs : « Toutes les fois, disent Becquerel et Vernois, que la présence de l'albumine dans les urines ne peut être attri-_ buée au mélange soit du sang, soit du pus, l'albuminurie, dans quelque circonstance qu'elle se montre, quelle que soit la ma-ladie aiguë ou chronique qu'elle vienne compliquer, est tou-jours due à l'infiltration granuleuse des cellules sécrétantes d'un certain nombre de tubuli, à la destruction de ces cel-lules et à la transsudation du sérum du sang à travers les pa-rois non organisées des tubuli. » M. Lécorché, dans son très estimable Traité des maladies des reins, s'exprime comme il suit : « L'albuminurie n'est que le symptôme d'une lésion plus ou moins prononcée de l'épithélium des canaliculi. »
En somme, Messieurs, on peut dire que, dans l'esprit des partisans déclarés et logiques de la théorie en question l'albu-
minurie persistante répond à une néphrite parenchymateuse profonde ou grave, et l'albuminurie transitoire ou acciden-telle à une néphrite parenchymateuse légère. Donc, en de-hors d'une lésion de l'épithélium rénal, il n'y a pas d'alhu-minurie.
Cette théorie dont, je le répète, je ne peux actuellement parler que d'une façon sommaire, paraît déjà bien peu sou-tenable en présence de tant de faits d'albuminurie transitoire et cependant morbide, qui ne s'accordent guère avec l'idée d'une lésion matérielle persistante. Elle ne se soutient pas davantage devant les faits du domaine physiologique et expé-rimental, qui établissent que ce n'est pas par la voie des cana-liculi contorti mais bien par la voie du glomérule que filtre l'albumine du sang ; qui montrent en outre que le passage de, l'albumine dans les canaux du rein est un fait pathologique; que celle-ci n'est pas sécrétée, comme le veut la théorie de Kuss, à l'état normal pour être reprise parles épithéliums du labyrinthe. S'il en est ainsi et il n'y a guère lieu d'en douter, on ne comprend pas que la chute ou l'altération profonde de ces épithéliums puisse avoir pour conséquence prochaine l'albuminurie.
On est donc pas en droit de dire que la théorie mécanique s'appuie, quant à présent, sur des faits d'ordre physiologique, elle manque également de l'appui des faits pathologiques, car on pourrait citer nombre de cas où l'albumine se présente dans les urines sans qu'il y ait lésion appréciable des épithé-liums ; et, inversement, il existe bien des observations où l'altération des épithéliums était indéniable et où, cependant, l'albuminurie faisait complètement défaut.
Parmi les exemples du dernier genre, on pourrait citer au premier rang la stéatose phosphorée des épithéliums du rein,
laquelle peut être poussée à un très haut degré et se montrer trôo généralisée, sans que l'albuminurie s'en suive. On peut citer encore l'exemple de la néphrite interstitielle chronique primitive, dans laquelle les urines contiennent fort peu d'al-bumine et par moment pas du tout, alors que dans un grand nombre de tubes les épithéliums glandulaires sont profondé-ment altérés ou détruits.
Telles sont, Messieurs, les considérations que j'ai cru de-voir vous présenter sur les conditions pathogéniques générales de l'albuminurie avant d'aborder l'étude des formes anatomo-pathologiques de la néphrite albumineuse aiguë ou chronique.
La plupart des figures qui accompagnent ces leçons ont été dessinées par notre ami M. E. Br.issa.ud, interne des hôpitaux, et gravées par M. Badoureau. — Les planches ont été dessinées par notre ami M. Gombaui.t.
PLANCHES
Charcot. (Euvr. compl. t. vi, Maladies du foie, et des reins. 29
PLANCHE I.
Fie/. 1. — Foie du cochon dinde. —Etat normal, dessin un peu schéma-tique (faible grossissement).
A,A, Veine centrale du lobule vers laquelle viennent converger les rangées de cellules hépatiques.
B,B, Espace interlobulaire contenant les vaisseaux sanguins et les conduits biliaires interlobulaires indiqués par des points plus rouges.
C,C, Fente ou fissure interlobulaire, indiquée par un changement dans la direction des rangées de cellules hépatiques.
Fig. 2. — Foie du cochon d'Inde, onze jours après la ligature du canal cho-lédoque (faible grossissement".
A,A, Veine centrale du lobule légèrement dilatée, vers laquelle viennent con-verger des rangées de cellules hépatiques d'inégale longueur.
B,B, Espace et fissure interlobulaire très agrandis entourant le lobule d'une zone complète de tissu conjohetif. — Les vaisseaux sanguins et les conduits biliaires interlobulaires y sont représentés par des ronds et des tract us plus rouges. — Les conduits biliaires sont de beaucoup plus nombreux.
Fig 3. — Foie du cochon dinde, onze jours après la ligature du canal cho-lédoque. — Espace interlobulaire soutenant des canalicules biliaires anorma-lement développés.
A, Veine interlobulaire.
B. Gros canalicules biliaires du centre de l'espace. Ces deux vaisseaux sont entourés par une zone de tissu conjonctif adulte.
C,C, Canalicules biliaires de la zone intermédiaire, leur direction générale est perpendiculaire à celle des rangées des cellules hépatiques.
D,D, Ces canaux émettent en E,E des branches très courtes, parallèles aux rangées de cellules hépatiques. — A ce niveau, la gangue conjonctive est em-bryonnaire.
Fig. 4. — Coups montrant les modifications qui surviennent dans le foie de l'homme à la suite de Vobstruction du canal cholédoque par un calcul (fai-ble grossissement).
A,A, Veine centrale du lobule.
B,B, Espaces interlobulaires, très élargis, contenant des vaisseaux sanguins et des canalicules biliaires
Charcot
Oeuvres complètes Lecons sur le fore.
Combault del
Karmatiski Chrîmolith
PLANCHE II.
Fig. 1. — Cirrhose vulgaire (Annulaire), — Figure schématique repré-sentant une granulation dans laquelle on a figuré les contours des lobules qu'elle doit contenir.
A,A, Travée de premier ordre.
B,B, Travée de second ordre.
C, Travée de troisième ordre.
D,D, Veines centrales des lobules.
Fig. 2. Cirrhose biliaire. (Cirrhose en îlots), Figure schématique des-tinée à montrer le mode de développement de ce genre de cirrhose au niveau des espaces interlobulaires, et la façon dont elle envahit le lobule et l'isole des lobules voisins.
A,A, Lobules avec leur veine centrale.
B, Espace interlobulaire envaht par la sclérose (îlot arrondi).
C, Espace interlobulaire envahi par la sclérose qui déjà s'étend dans la di-rection des fissures.
D, Lobule entouré de toutes parts par le tissu scléreux.
Fig.3. — Cirrhose biliaire expérimentale (par ligature du canal cholédo-que chez le cochon d'Inde).
Différentes formes de la cirrhose du foie. — Les contours des lobules ont été dessinés à la chambre claire, faible grossissement.
A,A, Lobules complètement isolés par le tissu scléreux.
B,B, Gros îlot hépatique constitué par plusieurs lobules et fortement échan-cré de distance en dislance comme en C, et en D.
Fig. 4. — Cirrhose biliaire. — Obstruction du canal cholédoque par un calcul. (Chambré claire, même grossissement que pour la figure précédente.)
AA, Ilots scléreux développés au niveau d'un espace interlobulaire.
B,B, Lobules presque complètement isolés par la sclérose, et ne tenant plus, au reste du tissu hépatique que par un seul côté.
Fig. 5. — Cirrhose biliaire spontanée. — Cirrhose hypertrophique avec ictère (obs. de M. Pitres, th. de Ilanot, p. 35).
(Chambre claire, même grossissement que pour les figures précédentes). A,A,A, Ilots scléreux développés au niveau d'un espace interlobulaire. B,B. Echancrures produites dans le tissu conjonctif par le tissu scléreux.
CHARCOT OEuvres complètes Leçons sur le foie
Pl. II
Charcot Gombault del
G. Masson éditeur
F. Renaudot Chromolith
PLANCHE 111.
Fig. 6. — Cirrhose annulaire. — (Cirrhose granuleuse.) — (Chambre claire, même grossissement que pour les figures précédentes;. A, Granulation de premier ordre. B,B, Travée de premier ordre.
C, Travée de second ordre.
D, Lobule en voie de dissociation.
Fig. 7. — Cirrhose veineuse. — (Cirrhose à grosses granulations). — (Chambre claire, même grossissement que pour les figures précédentes). A,A,A, Granulations de premier ordre. B,B, Travées de premier ordre. C,C, Travées de deuxième ordre.
Fig. 8. — Cirrhose biliaire. — (Cirrhose hypertrophique avec ictère). — (Th. de M. Hanot, obs. XV, p. 142. — Hayem, Bulletin de la Société anato-mique, séance du 4 juin 1875). Lésions des canalicules biliaires au niveau d'un espace interlobulaire.
.4, Partie centrale de l'espace. Région des canalicules volumineux.
L', Zone intermédiaire dans laquelle les canalicules sont de calibre moyen et dessinent des réseaux.
C, Zone embryonnaire, et de cirrhose intralobulaire. Les canalicules y son beaucoup plus fins et en partie masqués par de nombreux leucocytes qui dis-socient les cellules hépatiques.
CHARCOT—Œuvres complètes-Leçons sur le foie
Pl. I
Charcot et Gombault del
G Masson, éditeur
F. Renaudot Chromolith
PLANCHE IV.
Fièvre intermittente hépatique.
Observation de M. P, Regnard. (Voir pages 97, 120). — La ligne bleue re-présente la marche de la température; — la ligne verte les variations de l'urée.
Charcot. Œuvres completes .Leçons sur le foie.
PL. IV
Juin /¿7.3.
Juillet 1S7J.
T/oût M7,3.
Jeptembrv
ïe rrvp er atur e Urée
Jours des accès
fmpJJtcquçt Par/s,
forman s Al'dèh
PLANCHE V.
Schéma du système porte et des systèmes accessoires.
(Vue postérieure). Io Organes.
F, P. Foie.
L. g. Lobe gauche.
L. d. Lobe droit.
Spi. Lobe de Spigel.
B. Vésicule biliaire.
S. si. Ligament diaphragmatique.
Ep. Épiploon gastro-hépatique.
G. ob. Canal ombilical. OE OEsophage.
St. Estomac. Sp. Rate. I, I. Intestin. 0. Ombilic. Re. Rein. Rec. Rectum. T. Testicule.
2» Vaisseaux.
V. G. Veine cave inférieure.
V. il. Veines iliaques.
V. ép. Veines épigastriques.
V. s-ab. Veine sous-cutanée abdominale.
V. sp. Veine spermatique.
V. ml. cos. Veines intercostales et diaphragmatiqucs. V. P. Veine porte.
V. st. Veines coronaires stomachiques et œsophagiennes. V. sp. Veines spléniques.
V. Me. Veines mésentériques et intestinales et leurs terminaisons, les veine»
hemorroidales supérieures. r. r. r. Veines du système de Retzius.
1 \
2 I
3 \ Veines des systèmes portes accessoires de M. Sappey.
4 [
5 ]
Charcot. Œuvres complètes. Leçons sur le foie.
PL. V.
PLANCHE VI.
Gros rein blanc. — Eein contracté.
Fig. 1. — Aspect extérieur du rein d'après la planche iv, Fig. 1, des Reports of médical Cases, etc. de R. Bright. Le rein était presque blanc.
Fig. 2. — Aspect extérieur du rein contracté. — Dimensions normales. (Cette figure a été gravée d'après un dessin fait, d'après nature, par M. Gom-bault).
CHARCOT. OEuvres Complètes_Leçons sur le fåur
PL. VI.
PLANCHE VII.
Gros rein blanc.
Coupe longitudinale du rein représenté dans la planche vi. Elle montre que la coloration blanche prévaut dans toute la partie corticale qui cepen-dant laisse voir distinctement sa structure radiée. La portion tubuleuse du rein avait une couleur brillante. R. Bright. — Reports of medical Cases, Pl. IV, Fig. 2).
CHARCOT_OEuvres completes _Leçons sur le rem
PL. VII.
TABLE DES MATIERES
PREMIERE PARTIE
PREMIÈRE LEÇON.
notions d'anatomie normale concernant le foie.
Sommaire. — Préambule. — Objet du cours. — Anatomie pathologique, ma-croscopique et histologique.
Anatomie normale du foie. — Structure tabulaire. — Notions historiques. Veines inlra-lobulaires, — sub-lobulaires, — intra-lobulaires, — interlo-bulaires. — Espaces. — Localisation des lésions hépatiques. — Des deux substances du t'oie.......................................... ..... 1
DEUXIÈME LEÇON.
structure lobulaire du foie.
Sommaire. — Constitution du lobule du foie: cellules liépathiques ; — vais-seaux sanguins et capillaires; — réseau des canalicules biliaires; — lacunes lympathiques ; — fibrilles conjonctives. — Étude du lobule sur des coupes. — Schémas de Hering................................................ 13
TROISIÈME LEÇON.
de la cellule hepatique.
Sommaire. — Découverte de la cellule hépatique. — Contenu des cellules ; — granulations. —Réactions de la cellule hépatique relativement à la matière glycogène. —Altérations de la cellule hépatique: compression; — atrophie;
— hypertrophie; infiltration et dégénération graisseuses (atrophie jaune aiguë du foie, atrophie jaune consécutive, ictère grave;: — altérations amyloïde et pigmentaire.............................................. ____ 20
QUATRIÈME LEÇON.
des capillaires biliaires.
Sommaire. — Description des canicules biliaires. — Division en quatre grou-pes, — Des capillaires biliaires : historique, description, distribution géné-rale ; — ont-ils une paroi propre ? recherches de Legros. — [inflammation catarrhale des capillaires biliaires............ 31
CINQUIÈME LEÇON.
des capillaires biliaires (suite). — tissu conjonctif et vaisseaux lympha-tiques du lobule. — espaces interlobulaires. — localisations anatomo-pathologiques dans les espaces.
Sommaire. — Démonstration de l'existence des capillaires biliaires chez Thom ? me. — Tissu conjonctif des lobules hépatiques ; ses caractères à l'état nor-mal. Voies lymphatiques ; lacunes. — Filets nerveux.
Espaces inter-lobulaires localisation des lésions dans les espaces; Cirrhose vulgaire, — abcès consécutifs à la phlébite de la veine porte, — tubercule — syphilome miliaire, — mélanémie, — lymphome.......43
SIXIÈME LEÇON.
espaces interlobulaires. - localisations an atomo-pathologiques dans les
espaces (suite). — physiologie pathologique du foie. — de la bile.
Sommaire. — Localisations des lésions hépatiques dans les espaces interlo-bulaires. —Caractère commun : hyperplasie conjonctive interlobulaire. — Cirrhoses consécutives : ligature de la veine porte ; résultats expérimentaux. — Nécessité d'une connaissance exacte du mode de distribution des vaisseaux sanguins ou biliaires dans les espaces interlobulaires. — Veine porte, ses branches principales, branches vaginales, canaux portes. —Artère hépatique; rameaux artériels. — Canaux biliaires.
Physiologie pathologique du foie. — Opinion des anciens. — De la bile: caractères physiques, chimiques ; — sels, matières colorantes. — Analyse, de la bile.
De la Cholesterine ; ses caractères ; son origine; sa nature. — Action sur l'or-ganisme de la Cholesterine retenue dans le sang. — Travaux de M. Flint Iiis.............................................................. 56
SEPTIÈME LEÇON
DE la bile (suite). — DU pigment biliaire.
Sommaire. — Du pigment biliaire. — De la bilirubine, ses caractères phy-siques et chimiques. — Réactions qui permettent de la reconnaître : réaction de Gmelin. — La bilirubine provient de la matière colorante du sang; preuves à l'appui de cette opinion. — Rôle et propriétés de la bilirubine. 70
HUITIÈME LEÇON
sels biliaires. — altérations de la bile : la bile incolore.
Sommaire. — Des sels biliaires ; leur proportion dans la bile, — Glycocholate et taurocholate de soude; caractères de ces sels. — Acides glycocliolique et taurocholique. Réaction de Pettenkofcr. — Lieu de formation des acides biliaires. — Action dissolvante de ces sels. — Effets toxiques dus à la sura-bondance des acides biliaires dans le sang. — Ictère grave.
Rôle physiologique de la bile.
Altérations de la bile ; Augmentation et diminution absolues ou relatives des principes constitutifs de la bile. — De la bile incolore. — Hydropisie de la vésicule biliaire. — Hydropisie des voies biliaires.................. 7
NEUVIÈME LEÇON
des altérations de la bile (suite). —fonctiqn désassimilatrice du foie. — relations entre les altérations du foie et les MODIFICATIOnS du taux DI l'urée.
Sommaire.— Altérations de la bile; sucre, urée, acide urique ; — cuivre, plomb, zinc, etc. — Des médicaments qui passent dans la bile; — du calo-mel; — albuminocholie. — Altérations dues à la présence de corps fi-gurés : vibrions, cylindres fibrineux et épilhéliaux.
Influence des lésions hépatiques sur la production de l'urée. — Fonction déas-similatrice du foie — Historique : recherches de Prévost et Dumas, Bou-chardat, Parkes, Murchison, Meissner, Brouardel, Fouilhoux.
Cas dans lesquels il y a augmentation du chiffre de l'urèe. — Cas dans les-quels il y a diminution du taux de l'urée............................ 87
Gharcot. Œuvres complètes, t. ai. Mal. du foie et du rein. 30
DIXIÈME LEÇON
fonction dé8assimilatrice du foie. — relations entre les altérations du foie et les modifications du taux de i.'urée.
Sommaire. — Destruction du parenchyme hépatique suivant un mode aigu ou subaigu. — Hépatite ; variations du taux de l'urée.
Lésions hépatiques; diffuses à évolution rapide ou suraiguë : abaissement du taux de, l'urée ; — apparition de la leucine et de la tyrosine. — Atrophie jaune aiguë du foie.
Fièvres intermittentes symptomatiques en général ; —Fièvre intermittente hé-patique: ses causes, ses caractères; — analogies avec la fièvre intermittente simple; différences. — Observations de M. Regnard ; marche de la tempé-rature; — oscillations de la courbe de l'urée. — Observation de M. Brouar-del. — Interprétation de ces faits. — Recherches de M. Meissner____ 98
ONZIÈME LEÇON
influence des altérations hépatiques sur la formation et l'élimination de l'acide urique.
Sommaire. — De l'acide urique. — Excrétion normale. — Accumulation de l'acide urique dans le sang des goutteux ; lilhémie ou uricémie, — Démons-tration de la présence de l'acide urique dans le sang à l'état physiologique ; — sa production dans le foie. — Dépôts d'urate de soude dans la goutte. — Altérations du foie chez les goutteux, — Influence du foie sur l'uricémie des goutteux. — Goutte consécutive aux lésions du foie. — De l'acide urique dans les urines. — Gravelle urique.
Du glycogène et de la fonction glycogénique du foie. — Caractères du glyco-gène. —Sa présence dans le l'oie. — Difficulté de sa constatation. •- Rôle du foie à l'égard des substances amyloïdes et du sucre — Du diabète alimentaire....................................................... 110
DOUZIÈME LEÇON
de la lithiase biliaire.
Sommaire. - Fréquence de la lithiase biliaire. — Opinions des auteurs sur les accidents qu'elle détermine. — Recherches de Volff. — Considérations générales.
Des calculs biliaires: définition. — Calculs proprement dits et Gravelle bi-liaire. — Nombre et volume des calculs: ils sont solidaires ou multiples. — Couleur, densité, structure rayonnée ou striée des calculs............. 125
TREIZIÈME LEÇON
de la lithiase biliaire {silUe).
Sommaire. — Constitution chimique des calculs biliaires. — Prédominance de la cholestérine,— Proportion du pigment biliaire ; — des acides biliaires.: —• des sels minéraux: — de la chaux.: — des substances inorganiques (fer, cuivre, mercure). — Mucus et epithelium : ils peuvent constituer le noyau d'un calcul.
Des modifications chimiques subies par les calculs dans leur migration. — Théo-ries sur le mode de formation des calculs de la vésicule biliaire....... 135
QUATORZIÈME LEÇON
de la lithiase vulgaire [suite). — anatomie et physiologie de l'appàreii. excréteur de la bile.
Sommaire. — Elimination des calculs biliaires par les voies naturelles. — Considérations relatives à l'anatomie et à la physiologie de l'appareil ex-créteur de la bile : composition de cet appareil: — dimensions des parties qui le constituent. — Gravelle biliaire; — Accidents qu'elle occasionne. — Dilatation des canaux cystique et cholédoque. — Structure des parois de la vésicule du fiel et des canaux biliaires excréteurs : différences indi-viduelles dans la constitution analomique des parois biliaires. — Proprié-tés physiologiques : contractilité et sensibilité des conduits biliaires. — Migration latente des calculs. — Influence de l'âge sur les symptômes de la colique hépatique............................................. .... 148
QUINZIÈME LEÇON
de l'élimination des calculs cysttques paii les voies naturelles. — colique hépatique.
Sommaire. — De la migration des calculs cystiques par les voies naturelles. — Symptômes dus à l'irritation des nerfs (colique hépatique : — à l'irri-tation hyperémique ou inflammatoire des conduits biliaires. — Lésions de canalisation.
De la colique hépatique. — Causes : calculs, ascarides lombricoïdes, liy-
datides. — Opinion de Beau et de Ghomel. — Examen des garde-robes.
— Usure par frottement et fragmentation des calculs. — Distension de ia vésicule biliaire. — Spasmes des parois des conduits biliaires. — Con-traction des parois abdominales. — Douleur; ses caractères; points cys-tique, épigastrique, scapulaire. — Pouls et température. — Lypothy-mies, et syncopes; mort rapide. — Introduction du calcul dans le canal cholédoque: ictère. — Passage du calcul dans l'intestin: diarrhée bi-lieuse...................... ................................... 159
SEIZIÈME LEÇON
de la ltthiase biliaire (suite). — de l'occlusion permanente du canal cholédoque.
Sommaire. — Des accès fébriles dans certains cas de colique hépatique. — Élévation de la température. — Complications de la migration des calculs.
— Perforation des canaux biliaires (péritonite). — Ulcération du canal cho-lédoque et du duodénum : fistules duodéno-cholédoques. — Ouverture de l'ulcération dans la veine porte (thromboses, phlébite suppurative). — Dila-tation permanente, rétrécissements fibreux du canal cholédoque. — Enclave-ment définitif du calcul : Explication de l'absence d'ictère. — Hydropisic de la vésicule du fiel. — Distension du canal cholédoque, s'étendant ensuite aux conduits intra-hépaliques. — Congestion biliaire ou ictère du foie; ses carac-tères anatomiques ; apoplexies biliaires.—Les altérations consécutives à l'ob-struction calculeuse du canal cholédoque sont les mêmes que celles qui succèdent à la ligature de ce canal. — Atrophie consécutive du foie..... 171
DIX-SEPTIÈME LEÇON
oblitération du canal cholédoque. — lésions et symptomes.
Sommaire. — Dilatation des voies biliaires intra-hépatiques : Modifications de la bile ; — Sable biliaire. — Angiocholite suppurative. — Péri-angiocholite: Abcès solitaires ; — Abcès miliaires ; pathogénie de ces abcès. — Phlébite porte consécutive à la péri-angiocholite. — Gravelle biliaire. — Calculs bi-liaires intra-hépatiques ; caractères qui les distinguent des calculs de la vési-cule biliaire.
Symptômes dus à l'oblitération calculeuse des canaux biliaires : Ictère chroni-que. — Marasme. — Troubles digestifs. — Stéatorrhée............ 182
DIX-HUITIÈME LEÇON
de la fièvre hépatique symptomatique. — comparaison avec la fièvre
urosëptique.
Sommaire. — Symptômes de l'oblitération calculeuse du canal cholédoque 'Suite). — Hémorragies gastro-intestinales, nasales, etc. : — affaiblissement du cœur.
Fièvre intermittente hépatique : Frisson; — élévation de la température : —pé-riodes apyrétiques ; — diminution du taux de l'urée; caractère vespéral ; — marche chronique ; — terminaison.
Analogies entre les diverses formes de fièvre hépatique et les accidents de la fièvre dite uréthrale. — Parallèle entre les lésions des voies urinaires qui se compliquent de fièvre uréthrale et les lésions du foie qui se compliquent de fièvre hépatique. — Rôle des altérations de l'urine et de celles de la bile. 192
DIX-NEU VIÈME LE ÇON
des fistules biliaires.
Sommaire. — Élimination irrégulière des calculs biliaires. — inflammation suraïguë (cholécystite suppurative). — Inflammation chronique (cholécystite scléreuse ; atrophie de la vésicule). — Inflammation ulcéreuse (perforation de la vésicule). — Phlébite des parois de la vésicule.
Rapports de la vésicule. — Fistules biliaires. — Fréquence des diverses variétés des fistules.— Caractères communs.— Caractères particuliers; fistules cystico-duodénales : — fistules cystico-coliques : — fistules cystico-gastriques ; — fistules cystico-rénales ; — fistules cystico-vagïnales : — fistules pleurales et pulmonaires. — Lésions de l'instestin produites-pas les calculs : iléus, ulcéra-tion et perforation du cœcum, etc. — Fistules biliaires cutanées.
Cholécystite ulcéreuse, phlegmoneuse ou purulente non calculeuse. — Ana-tomie pathologique des voies biliaires dans l'ictère catarrhal.......... 203
VINGTIÈME LEÇON
du cancer, primitif des voies biliaires. — considérations générales sur l'anatomie pathologique des cirrhoses.
Sommaire. — Cancer primitif des voies biliaires. — Historique. — Variétés. — Relation entre les calculs et le cancer des voies biliaires. — Cancer du pancréas.
Des inflammations du foie ou hépatites. — Caractères généraux. — Hépatites interstitielles partielles ; hépatites totales. — Cirrhose hypertrophique avec ictère : Lésions an atomiques ; — résultats de l'examen macroscopique et de l'examen histologique. — Péritonite péri-hépatique................. 216
VINGT ET-UNIÈME LEÇON
de la cirrhose hypertrophique avec ictère.
Sommaire. — Lésions anaiomiques. — Développement des canalicules biliai-res. — Angiocholite ef péri-angiocholite. — Des lésions consécutives ii
l'oblitération du canal cholédoque comparées aux lésions de la cirrhose hyper-trophique.
Symptômes: Ictère. — Hypertrophie du foie ou hépato-mégalie; — carac-tères qui la distinguent de la tumeur hépatique amyloïde et de l'hypermé-galie consécutive à l'oblitération calculeuse du canal cholédoque. — Absence d'as cite............................................................ 230
VINGT-DEUXIÈME LEÇON
de la cirrhose vulgaire.
Sommaire. — De la cirrhose vulgaire. — Nomenclature et synonymie. — Relation entre la cirrhose vulgaire et l'alcoolisme; — statistique de Dic-kinson. — Considérations historiques : Laennec, Bright, Carswell, Gubler, Requin, Cornil, Hayem, Hanot, etc. — Rareté actuelle de la cirrhose hyper-trophique.
Traits fondamentaux de la cirrhose de Laennec. — Granulations. — Rôle des lésions des petites branches intra-hépatiques de la veine porte. — Caractères anatomo-pathologiques macroscopiques de la cirrhose vulgaire........ 240
VINGT-TROISIÈME LEÇON
de la cirrhose vulgaire (Suite).
Sommaire. — Lésions des ramifications intra-hépatiques de la veine porte. — Distension congestive de la veine porte et de ses rameaux. — Tuméfaction de la rate. — Développement d'une circulation supplémentaire. — Difficulté de la pénétration des injections.
Mécanisme de la circulation supplémentaire. — Voies pathologiques : néo-membranes vasculaires. —Voies naturelles. — Notions anatomiques sur les origines de la veine porte. — Système des veines portes accessoires : grou-pes gastro-épiploïque, cystique, etc. — Veines para-ombilicales — Caput Medusœ. — Applications pathologiques.............................. 254
VINGT-QUATRIÈME LEÇON
de la cirrhose vulgaire (Fin).
Sommaire. — Importance de l'examen des coupes durcies du foie' cirrholique fait à l'aide de faibles grossissements. — Examen pratiqué avec de forts grossissements. —Cirrhose annulaire. — Cirrhose monolobulairc. —Lésions des vaisseaux et du tissu conjonctif qui les entoure. — Effets de la ligature des vaisseaux portes. — Phlébite et périphlébite portes : elles affectent les
vaisseaux prélobulaires. — Tendance du système artériel hépatique à se substituer au système veineux intra-hépatique. — État des voies biliaires dans la cirrhose vulgaire. Symptômes de la cirrhose vulgaire. — Stase du sang, ascitc, catarrhe gastro-intestinal, hémorragies statiques : altération hypothétique de la crase du sang. — Tuméfaction de la rate — Absence habituelle de l'ictère. — Troubles de la fonction d'hémopoièse, — des fonctions glycogénique et désassimilatrice. — Complication delà cirrhose vulgaire : maladies du cœur et des reins.............................................,......... 266
DEUXIÈME PARTIE
Le Rein. — La maladie de Bright.
PREMIÈRE LEÇON
anatomie normale du rein.
Sommaire. — Remarques préliminaires.
Anatomie normale du rein. — Description générale du système des canalicules urinifères.
Structure des canalicules urinifères. — Paroi propre des canaux. — Couche endotheliale. — Epithelium à bâtonnets des tubes contournés et de la bran-
. che montante de l'anse de Henle. —Epithelium pavimenteux dans les autres points.
Anatomie topographique du rein. — Coupes longitudinales et transversales. — Disposition tabulaire du rein........................................ 283
DEUXIÈME LEÇON
anatomte normale du rein {Suite). — considérations physiologiques.
Sommaire. — Opinions contradictoires des auteurs sur le tissu conjonctif du rein. —? Vaisseaux lymphatiques de la capsule et du hile : — ils communi-quent avec les espaces lymphatiques de la substance corticale. Tissu conjonc-tif lamineux dans la région papillaire. —? Cellules étoilées de la substance corticale. — Tissu conjonctif des glomérules : son importance au point de vue pathologique.
Brève description des vaisseaux du rein.
Quelques mots sur la sécrétion urinaire. — Théorie de Ludwig. — Théorie de Bowmann. — Recherches de M. Ileidenhain....................... 296
TROISIÈME LEÇON
infarctus TUBULAirtES du rein. — cylindres urina1res — vue D'ENSEMBLE de LA MALADIE de bright.
Sommaire. — Infarctus tubulaires cristallins d'urate de soude. — Blocs d'acide uiïque (gravellc du rein;.—Infarctus uratiques des nouveau-nés; — Opinion de M Virchow, de M. Parrot. — Infarctus calcaires. — Tubulhématie ré-nale. — Infarctus biliaires.
Cylindres fibrineux ou mieux cylindres urinaires. — On a exagéré l'importance que peut avoir la présence de ces cylindres dans l'urine. — Étude de ces cylindres dans le rein, à l'aide des procédés anatomiques. — Siège des cylin-dres. — Circonstances dans lesquelles on les observe : — dans la région des tubes droits ; — dans les tubes contournés.
Étude des cylindres urinaires dans l'urine. — Variétés de forme et de volume. — Variétés suivant les caractères optiques et micro-chimiques. — Cylindres hyalins ; — C. granuleux ; — C. cireux; — G. épithéliaux.
Signification clinique des cylindres urinaires.
Vue d'ensemble de la maladie de Bright. — Doctrine de l'unicité et de la mul-tiplicité des formes. — Caractères généraux des différentes formes: Gros rein blanc; — Rein contracté ; — Rein amyloïde.......................... 309
QUATRIÈME LEÇON le rein contracté (Néphrite interstitielle).
Sommaire. — Considérations historiques. — Lésions du rein dans la né-phrite interstitielle, à la période la plus avancée. — Granulations. — Étude histologique.
Lésions du rein à la première période de la néphrite interstitielle.
Analyse des altérations histologiques du rein. — Gangue conjonctive ; — cana-licules urinifères ; — diverses variétés de kystes ; — lésions des capsules de Bowmann et des glomérules ; — altérations des artères.............. 325
CINQUIÈME LEÇON
lé rein contracté (Néphrite interstitielle).
Sommaire. — Caractères de l'urine : — polyurie, expliquée par l'excès de ten-sion. — Hypertrophie du cœur gauche sans lésion valvulaire. — Albuminu-rie très peu marquée. — Urée en proportion normale.
Accidents urémiques observés dans la néphrite interstitielle. A. —? Uré-mie chronique: dyspepsie; — amauroses; — phénomènes nerveux. B. — Urémie aiguë. — Mécanisme des accidents urémiques; — influence des émotions morales, des fatigues, de la fièvre, des lésions aiguës du cœur, etc.
Troubles de la sécrétion de l'acide urique : —dans le rein goutteux; — dans le rein saturnin. — Troubles de l'élimination des substances odorantes et des médicaments.
Complications observées dans le rein contracté: — Maladies inflammatoires:
— coexistence d'inflammations interstitielles dans d'autres organes [diathèse fibroïde . — Altérations des vaisseaux ; — athérome des artères ; hémorragies
— Lésions de la rétine............................................. 313
SIXIÈME LEÇON gros rein blanc [Néphrite parenchymateuse).
Sommaire. — Synonymie. — Deux formes : aiguë et chronique.
Forme chronique. — Examen macroscopique : — tuméfaction, trouble des épithéliums : — dilatation des tubes contournés; — infiltration grais-seuse.
Variétés morphologiques : — Gros rein graisseux: —Rein gras granuleux; — Petit rein gras granuleux.
Caractères cliniques : — Mode de début et circonstances étiologiques. — Urines rares, très albumineuses ;— hydropisics; cahexie; — complications — Marche et durée.............................................. 356
SEPTIÈME LEÇON
néphrite scarlatine. — rein amyloide.
Sommaire. — Les lésions de la néphrite scarlatineuse ne sont pas celles de la néphrite parenchymateuse, mais bien de la néphrite interstitielle aiguë; — elles affectent surtout les glomérules.
De la dégéuération amyloïde en général. — Substance amyloïde : — dans les parois vasculaires; — les éléments cellulaires; — les membranes hyalines. — Apparence. — Réactifs. — Constitution chimique. — Nature. — Condi-tions étiologiques.
Rein amyloïde. — Examen hislologiquc : — étude analytique des lésions; — études sur des coupes du rein. — Caractères macroscopiques.
Phénomènes cliniques — Diagnostic fondé sur des considérations extrinsè-ques...........................................?......... 359
TROISIÈME PARTIE
Des conditions pathogéniques de l'albuminurie.
PREMIÈRE LEÇON
conditions anat0m1ques et physiologiques de la fonction normale du rein.
Sommaire. - But de ces leçons. — Préambule d'anatomie normale. — Réseau veineux du rein; voûte veineuse et veines droites. — Rapports de voisi-nage des veines droites et des tubes urinifères; conséquences pathologi-ques de ces rapports. Anurie rénale. — Expériences do Ludwig et de Max Hermann.
Système vasculaire du rein chez les vertébrés inférieurs. — Utilité de ces notions d'anatomie comparée, au point de vue de l'interprétation des phé-nomènes physiologiques dans le reste do l'échelle zoologique.
Caractères essentiels de l'urine en tant que produit de sécrétion : Proportion de l'eau: urée et acide urique ; acide hippurique. —? Synthèse expérimentale de l'acide hippurique. — Expériences de Sdhmiedbcrget Koch. — Fonction-nement de chacune des parties de l'appareil rénal..... ............ 387
DEUXIÈME LEÇON
sécrétion de l'eau urinaire. — des différentes variétés dalbumin'es.
Sommaire. — La sécrétion do l'eau urinairc n'est pas un fait purement physique, —• Expérience fondamentale d'Overbock. ?— Interprétation du résultat do cotte expérience. —Hypothèse d'IIeidenhain. — Los cellules epitheliales du glomérule jouent un rôle actif dans la fili ration.
Lieu do filtration des sels. •— Injections au bleu de Prusse. — Lieu do passage du glycose. — Expérience de Nussbaum.
L'albuminurie rénale est presque toujours un fait pathologique. — Albu-minurie temporaire. — Recherches de Leube et Edletsen. Influence do l'in-gestion du blanc d'œuf non cuit.
Identité dos albumines du sang et des albumines contenues dans les urines — Fibrionogène, serine ot globuline. — Différences physiques et chimiques de la serine et de l'albumine du blanc d'œuf. — Caractères principaux de la globuline, — Peptones.
La serine est l'albumine de l'albuminurie. — Existence do la globu-line dans l'urine. -—? Des peptones dans l'albuminurie et de l'albuminurie latente........................................................... 398
TROISIEME LEÇON
conditions pathologiques de l'albuminurie . — hémoglobuminurie;
Sommaire. — Dans quelle partie de l'appareil urinifère s'opère la sécrétion des diverses variétés d'albumines ? — Expériences démonstratives de Nussbaum. — Indépendance fonctionnelle du glomérule et des tubuli contorti. — Exemples fournis par la pathologie humaine : rein cardiaque.
Expériences de Ribbert, Posner, Litten. — Coagulation de l'albumine dans la capsule de Bowmann. — Ce fait renverse la théorie de v. Wit-tich et Kiiss. — Albuminurie dans l'empoisonnement par la cantharide
Théories mises en avant pour expliquer le passage de l'albumine à travers le rein. — Théorie hématogène. — Expériences anciennes de Magendie. — Hématinuric de Vogel 'hémoglobinurie des auteurs contem-porains). — Hémoglobinurie déterminée par l'intoxication de l'hydrogène arsénié............................................................ 408
QUATRIÈME LEÇON
des conditions path0cénique3 del*albuminurie. théorie hématogène et théorie mécanique.
Sommaire. — Albuminurie hématogène et hydrémie expérimentale; hémo-globinurie. — Modification supposée de l'albumine du sang ; les lésions rénales seraient consécutives. — Théorie de M. Semmola, basée sur l'hypothèse d'un vice général de la nutrition. — Tentatives de Mialhc pour établir les caractères différentiels de l'albumine de l'urine et de l'al-bumine du sang. — Recherches de Becquerel et Vernois concluant à l'iden-tité.
Expériences de Stokvis démontrant que l'albuminurie ne peut pas dépendre d'une modification chimique ou physique du sang. — Albu-minuries anormales : Travaux récents de M. Lépine. — Albuminurie latente.
Théorie mécanique : Augmentation de la pression sanguine intra-gloméru-lairc. — Diminution de la pression. — Artériosténose et phlébosténose. — La pression n'est pas l'élément physique le plus propre à favoriser la trans-sudation. — Influence de la diminution de vitesse du courant sanguin et de l'anoxliémic qui en résulte, sur les phénomènes osmotiques dans le glomé-rule. — Exemples chimiques propres à démontrer la réalité de cette influ-ence. — Urines cardiaques.......................................... 433
CINQUIÈME LEÇON
des conditions pathogéniques de l'albuminurie. — théorie mécanique et théorie an atomique.
Sommaire. — Polyurie non albumineuse. — Contradiction apparente des phé-nomènes expérimentaux avec les faits cliniques. — Polyurie albumineuse dans la néphrite insterstitielle. — Albuminurie chez les cardiaques; obser-vations de Roscnstein. — Lésions du rein cardiaque.
Adaptation de la théorie de la diminution de vitesse aux cas d'albuminu-rie transitoire non accompagnés de lésions matérielles du rein. — Albu-minurie dans le choléra asiatique, dans le choléra nostras, dans la gros-sesse, etc.
Théorie anatomique. — Insuffisance de cette théorie. — Cas où il existe des lésions profondes du parenchyme rénal sans qu'il y ait albuminurie et cas d'albuminurie sans lésions du parenchyme rénal...................... 437
Explication des planches.......................................... 449
TABLE ANALYTIQUE
A
Abcès tabulaires du foie, 50, 96, 99. 185. — consécutifs à la phlébite de la veineporte, 51.—miliaires, 185,
— Du rein, 202.
Acides biliaires, 78,85136.—Effets de leur rétention dans le sang, 80.
—Urique (Formation et élimination de 1'), 111, 280, 319.
A dénie, 25, 53, 337.
Albumines ; différentes variétés d'
— 392, 405 ; — Lieu de leur sé-crétion dans les reins normaux et albuminuriques, 409 ; — Expé-rience démonstrative de leur filtra-tion dans le glomérule, 411, 412.
Albuminocholie, 89.
Albuminurie dans la néphrite inters-titielle, 343. — Danslanéphritepa-renchymateuse, 361. — Cause de dé-génération amyloïde, 372, 373 ; — Rénale, 403; —Différentes espè-ces d'albuminurie. 403;—Cardia-que, 415, 428, 443 ; — Ses condi-tions pathogéniques, 414, 420 ; — Al-buninurie hématogène, 415,416,421;
— Par vice général de la nutrition,
423 ; — Théorie chimique de 1',
424 ; — Albuminuries anormales. 426 ; — Albuminurie latente, 428 ; Théorie mécanique, 428 ; — In-fluence de la pression et de la vi-tesse sur l'albuminurie, 429, 435;
— Exemples cliniques de cette in-fluence, 435, 441 ; — Théorie ana-tomique, 445.
Albuminuhiquës (Présence de l'urée dans la bile des), 88.
Alcoolisme, 241,278. — Chez les en-fants, 241.
Amer biliaire. 78.
Amiloïde (Dégénération) en général, 373.—Altération des vaisseaux, 373;
— des cellules, 374 ; — des; mem-branes hyalines, 374 ; — caractères physiques de 1' —, 374. — Conditions étiologiques, 377. — Constitution chimique, 376. — Réactifs, 375. — Rein amyloïde (V. Rein). — Théo-rie humorale deDickinson, 376 (V. Cylindres.)
Anatomie pathologique (Enseigne-ment de 1'), 1. — Macroscopique, 3.
— Microscopique, 3. — (V. Foie, Rein).
Angiogholite, 232.
— Suppurée, 185, 194. Anse de Henle, 294, 290, Anurie expérimentale, 399, 400. Appendice vermiforme (Perforation
de F), 212.
Artère hépatique, 60. — Du rein, 302. — Atherome des —, 352. — Dé-génération amyloïde des —, 373. — Lésions des — dans la néphrite interstitielle, 339.
Ascite. 193, 223, 238, 242, 255, 256, 277, 279.
Atrophie du foie dans la cirrhose vul-gaire, 246. — Consécutive du foie, 180. — Jaune aiguë du" foie, 27, 41, 68 , 79, 96, 101, 168 (V Rein).
Azoturie, 95.
B
Benzoïque 'Acide), 395: — Son ac-
Lion sur la formation de l'acide hippurique. 395, 397. Bile, 63 — Analyse de la, — 64, — Altérations de la, — 82, — Inco-lore, 85.
BlLIFUSCLNE, 71. BlLIFRASINE, 71 . "
Bilirubine, 71, 80, 140.
BlLIvredine. 29, 71, 140,
Bright (Voir Maladie de Bright).
Ñ
Calculs biliaires, 64, 125. — Encla-vement des, — 176. — Formation des, — 144. — Fragmentation des,
— 163. — Recherche des, — 163. Canal cholédoque Dilatationdu ,150.
— Ligature du —, 178, 181, 252, — Oblitération du —, 189,188, 252 — Rupture du —, 174.
Canalicules urinifères : Description, 284. — Groupement des —, 292. — Lésions des — dans la néphrite in-terstitielle, 337.
Canaux biliaires, 61. — Dimensions, 148. — Physiologie, 154. —Struc-ture, 153. '
— Droits, 286. — Lésions des — dans les néphrite interstitielle, 330, 338. — Contourné*. 284: dans la néphrites interstitielles, 408. 130.
Cancer du foie, 84, 97. 237. — Pri-mitif des voies biliaires, 216.
Gantharide, son influence sur le rein. 413.
Capillaires biliaires, 31. — Struc-ture, 37.
Capsule de Glisson, 8, 53, 185, 220, 267. — De Bownann (V. Glomè-
rules).
Capuï medus.e, 265. Catarrhe gastro-intestinal, 276. Caséine, 406.
Cellules hépatiques, 13. — Al-tération amyloïde des —, 28; — graisseuse, 25; —pigmentaire, 29; —? Atrophie des —, 24. — Décou-verte, 20- — Disposition dans les lo-bules, 15, — Dissolution des —. 79.
— Infiltration graisseuse des —, 26. Chaux De la) dans les calculs bi-liaires, 137.
Cholécvsti'i e suppurative, 204, 213. Choléra, 88, 90, 441. Giiolestérinf, 64, 80, 131, 136, 138.
GllOLESTÉRINÉMIE, 68.
Circulation supplémentaire, 256,263, Cirrhoses (Caractères généraux des), 220, 242, 244,--G. alcoolique, 241,
— G. llyperlropldque, 39,117,223, 243, 252, 268. - insulaire, 252 : — monolobulairc, 239: — intralobu-laire, 252.
— Inlercellulai''c, 253.
— Vulgaire. 5i. 51, 96, 123,178, 238. 11 i-torique, v 12. — Annulaire,251;
— mutilobulaire, 251 ; — inlerlo-bulairc, 251. — Lésions du tissu conjonctif, 267 ; — du parenchyme hépatique, 68 : — des vaisseaux, 269. — Développement des vais-seaux, 273 ; — lésions des voies biliaires, 275. — Symptômes, 275.
Ccecu.m Perforation et ulcération du), 212,
Ccuru (Hypertrophie du dans la né-phrite interstitielle. 277, 311. — Lésions du — dans la cirrhose vul-gaire, 277.
Coliques hépatiquescalculeuses, 126, Lit — Accès fébriles, 171,195,— l'oints douloureux dans les —, 165,
— Sépliréliques, 11!. —De plomb Lésions du l'oie dans la , 88, 99,
Coma dans l'oblitération chronique du canal cholédoque, 191.
Congestion biliaire, 178.
Conjonctif "l'issu; du foie, 14, 48, 267. —? Du rein, 297, 293. —Lésion du — dans la néphrite interstitielle, 331. 335, 336. 339. — Dans la né-phrite scarlalineuse, 364.
Cylindres u rinaires, 312. — Creux, 316 : épilhéliaux. 318. —Granuleux, 317, 319 : dans la sléafose phospho-réc, 314.— Hyalins, 316. 318 ;dans l'ictère, 319. — des —dans la dé-générescence amyloïde, 317. —Va-riétés des — observées dans les-urines, 316. — Signification clini-que des —, 318.
D
Diabète, 25, 96. — Alimentaire. 124..
Diarrhée cholériformedes enfants; (Albuminurie dans la), 444.
Digestion (État de la cellule hépati-que durant la), 21.
Dilatation des tubes contournés, 337, 359. (V. Kystes).
D l" 0D é n 0 - G110 lé u0 git e, 236.
E
Eau urinaire, 398:— Son lieu d'ex-crétion, 399, 401.
Emphysème (Modifications de la sé-crétion urinaire dans Y , 441.
Epileptteormes Convulsions) dans la colique hépatique, 166, 194.
Epituélium à bâtonnets, 288. — De la capsule de Bowmann, 277. — Des canaux collecteurs. 299. — Descaiiauxcontoui nés. 297. — Phy-siologie de !' —• du rein, 305. — Lésions de l'épifhélium dans la dè-génèralion atnylimlc. 371. — Dans la néphrite interstitielle, 339. 33'i, 337. — Du;- la in plirile parenehy-matetise. 35^. 359.
Es pages iulerlobnlaires du foie, 9,31, 51,183, 268.
Estomac Hémorragies de 1' , 193.— ; Ulcères de 1' — . 193, 210.
F
flbrinogène, 403, 406.
VikvRKCi/s/o-népJn é'ique, 105. — Jn-termiltenlé hépatique, 105, 191. — Analogie.-; de in — avec la fièvre hépahrlgiqiie. 198. — Syinpluma-liques. ?. — Typhoide,Û3.— Urë-Ihralc, 199. — Cro-sepliques, ¿00.
Fisse n es. 32, 51. 58, 179, 268.
Fistules biliaires, 203. — Fréquence des —, 207. — Cutanées, 206, 212.
— Cystico-coliques 144, 207, 212.
— Cystico-duodénales, 207, 208.
— Cystico-gaslriques, 207, 209. — Cyslico vaginales, 210. — Duodéno-cholédoques, 175,185,2)8. — Pleu-rales cl pulmonaires, 21(1.
Foie. (Les deux substances du), U. — Comparaison du — avec les autres glandes, 46. — Physiologie du —. 61 —Amyloïde, 178, 237. — Car-diaque, 23, 16, 277. — Granuleux, 241, 256, 269. — Muscade, 89, 277.
— Pigmenté mélanémique, 53, —? F. botryoide, lobé, 248. — Trans-formation (ibroïde du — dans la cirrhose vulgaire, 274.
Fonction désassimilalrice, 93, 277.
G
Globules rouges du sang (Action dis-solvante de la bile sur les), 79.
Globuline, 405:— Son rôle dans l'albuminurie, 406, 421.
Gi.omékui.e de Malpighi capsule de Boirmann; anatomie normale, 284, 288. — Lésions dans la néphrite interstitielle, 328, 339; —? dans la néphrite scarlatineusc; 364. — Phy-siologie, 301, 397. 400 : — Son im-portance dans la Qltration de l'al-bumine. 112.
G i .om En u lo - n Emi u iti:, 300.
Gr.yc.or.oi.le, 78. 80, 395 : — Son ac-tion dan-; ìa formation de l'acide hippurique. 395, 397.
Glycouknc. 22, 26, 121. 179.
Gr.yoooéniqt'e (Fonction 120, 131.
Goutte, 87, 113. — Lésions du foie dans la —. Ili. — Lésions du rein (huis la —, 309, 319. — Saturnique, 116, 350
Granulations du foie, 247. — Du gros rein blanc, 333, 361. — Du rein contracté, 33)1.
G n welle bi lin ire. IST. — Crique, 119. Du rein, 309.
H
11 ématoïdine, 73. Hémoglobine, 61, 417.
IlÉ.mogi.obinurie, 417. 119.
HÉMORRAGIE! de ['estomac. 193: — de I'inleslin, 175 : — du nez, 193;
— de la peau. 276; — du rein, 73.
— Dans la néphrite interstitielle, 352. - Consécutives à la rupture de la veine porte, 255. — Consécu-tives à une ulcération de l'œsophage, 362. — Dans la cirrhose, 276.
Hémorru oï d es , 363. 1 [épata lg ie, 126, 161.
Hépatite, 99. — chronique, 220. —?
interstitielle, 222. Hépatomégalie, 25, 179, 237, 243. Hering (Schéma de), 16. Hippurique (Acide), 394 ; — (Taux
de 1'), chez les animaux et chez
l'homme.
Hydropisibs dans la néphrite inters-titielle. 342, — Dans la néphrite parenchymateusc, 361. — delà vé-sicule biliaire, 85. — des voies bi-liaires, 85.
Hydropisinb, 406.
Hypoalbuminose, 415.
I
Ictère simple. 214: — pouls, tempé-rature, 80, 95 ; —? Taux de l'urée dans 1' —, 89. — Chronique, 117, 147, 188. — Dans la cirrhose hy-pertrophique,235. — Du foie, 168. — grave, 28,81. —Hématogène, 74. (Y. Cylindres';.
Iléus. 208 210. '
Infractus du foie, 60, — biliaires, 311 ; — pigrnontaires, 179. — Du poumon, 194. — Tabulaires du rein : I. uratiques 310 ; — gravelle du rein, 310. — II. uratiques du nou-veau-né, 310; — calcaires, 311. — tubulhématie rénale, 311.
Inflammation récurrente. 222.
Insuffisance mitrale (Lésions de la cellule hépatique dans t'),23.
K
Kieenan (Travaux de), 6. Kyste hydatique du foie, 96. 222. — Du rein contracté, 337.
L
Labyrinthe, 291,294. — Lésions dans la néphrite interstitielle, 331.
Lactation (Cellules hépatiques dans la), 21, 26.
Leucémie, 25, 52, 237.
Leucine, 27, 83, 101, 106, 180, 197.
Lipothymie dans la colique hépati-que, 168.
Lithémie. 111. 116.
Lithiase biliaire, 125. Lobules du foie, 6. — composition, 14.
— Du rein, 293. — Lésions dans la néphrite interstitielle, 330.
Localisation des lésions hépatiques, 11.
Lympiiatiqeus du foie, 14, 49.
— Du rein, 298. Lymphomes du foie, 53.
M
Maladie de Bright, 223. — Vue d'ensemble de la —, 320 ;— histo-rique. 326.
Mélanémie. 53,
Mélœna, 208.
Migration régulière des calculs bi-liaires, 147 : — latente, 155 : —ir-régulière, 174.
Mort subite dans la colique hépati-que, 167.
N
Néphrite interstitielle (V. Rein contracté);— les cylindres urinai-resdansla—, 314,316. —Parenchy-mateusc (V. Gros rein blanc,) — Les cylindres urinaires dans la —. 313, 319. —? scarlatineuse. 363, Nerfs du foie, 50.
O
Oblitération des voies biliaires, 123.
178, 179, 186. OEsophage (Ulcération de F), 261.
P
Pancréas (Cancer du), 194, 218. Paraglobuline, 406. Peptonks, 406.
Perforation des canaux biliaires, 174.
Périangiocholitë, 194, 232. Péricardite adhésiue. (Modifications
de la sécrétion urinaire dans la),
441.
Péritonite, 179, 187, 201, 205. — périhepatique, 225.
Phlébite porto, 51, 187, 245, 270. — Périphlébite, 270.
Phlegmon péri-néphrélique, 201.
Phosphore (Empoisonnement par le}, 86, 214, 235, 4 46.
Physiologie (Y. Foie, Rein).
Pigment biliaire. 70, 136.
P.n e è ì èìè: eh roniq no ,222.
Polyl'rie album'uieuse et non albu-mi'neuse, 438.
Porte Distention du système,, 255. (V. Veines.)
Pouls (Du) dans la colique hépati-que, 56 : V. Ictère).
Poumon (Lésions de la cellule hépa-tique dans les affections anciennes du), 23.
Prolongements de Ferrein, 291, 293 Pyélo néphrite, 200.
R
Rati; (Lésion de lai dans la cirrhose hypertrophique, 228, 255, 270.
Rein, anatomie normale. 284. — Ana-tomie topographique, 291, 292. — Physiologie, 303;
Rein amyloïde, 323, 372. — Lésion des vaisseaux dans lo —, 373 ; — des tuhu.fi, 374 ; — lésions conco-mitantes acecessoires, 375. — Ap-parences macroscopiques, 379. —? Caractères cliniques, 382.
Rein blanc .Gros Gros rein lisse, rein de Briç/iil , 321, 356.— ittio-logie, 357. — Lésions, 358. — Symptôme de début, 364. —Delà période d'état, 366 : — Hydropisies. 367. — Cachexie, complications 368.
Rein chirurgical, 200.
Rein contracté, 278, 322, 325. ?—• Lésions du début, 333 ; — do la période d'olat, 329. —Topographie des lésions, 330. — Granulation, 331. — Si/ uiji loin es : Troubles do la sécrétion uiïnaire, 342, 343 ; —hy-dropisie, 342 ; — urémie, 3'ii ; — intolérance pour certains médica-ments, 351. — Gomplicalionsintlam-matoires, 351.— diathèse libro'ide, 352 ; athérome dos artères, hémor-ragies, 352 ; —retinite, 354.
Rein goutteux 310, 349.
Rein gras granuleux Petit, 242
361, 362. Rein saturnin, 235. Rétention biliaire, 82, 90, 147. Ret/ius (V. Veine porte . Rhumatisme noueux, 222. Rupture des canaux biliaires, 174, 178
S
Sable biliaire, 18 4. Sels biliaires, 76, Serine, 405.
Spasme du canal cholédoque, 170. Steatorrhea, 191. Steatosis du foie. 84. Stercorine 67.
Substance, corticale du rein, 291, 293,29i, 299. 301,331,347. —Médul-laire. 291, 3)02 : — dans la néphrite interstitielle, 333 Y. Foie".
Syphilo.me miliaire du foie, 52,54.
Syncope (De la) dans la colique hé-patique, 167.
Syphilis (Foie lobé dans la ,248,253.
T
Taurine, 78 80.
Température dans la fièvre intermit-tente hépatique, 195.
Torpeur du foie, 117.
Tubercule du foie, 52, 53.
Tyrosine, 27, 83, 84, 101, 105,112, 180, 196.
U
Urée ( Production de f —? par lefoie), 28.—Variations do I' —dans les affections du l'oie, 105, 196,— Éli-mination de l'urée par le rein sain, 3)07, 394 : — par le rein con-tracté, 345, 347.
Urémie aiguë, 317 ; — chronique, 345.—Dans la nephrite intersti-tielle, 345. —? Dans la néphrite pa-renchyma leuse. 360. — Mécanisme des accidents, 238.
Uricémie, 111, 115.
Urine (Sécrétion de 1' —i,303, 307 — Théorie de Ludwiget Bowinann. 304. — Recherches de M, Ileiden-
fin de la table analyt1qu e.
Orléans. — Imp. G. MORAND, rue Bannier, 47-
hain (élimination delà matière colo-rante de l'indigo), 304, 306. —Sé-crétion urinaire dans la néphrite interstitielle, 341, 349, 350 ; — dans la néphrite parcnchymateuse, 350. (V. Albuminurie). Urique (Acide), élimination normale, 307, 394. — Dans la néphrite in-terstitielle, 339. — Produit par le foie, 27.
V
Vaisseaux sanguin du foie, 14 Peines interlobulaires, du foie, 7, 59, 98 ; intralobulaires, 6 ; —sub-lobulaires, 6; — droites, 391; — effets de la ligature de ces veines -s ur la sécrétion urinaire ; — Porte (Effets de la ligature de la), 57 ; — branches principales de la —, 59 ; — vaginales de la —, 59, 271 ; — canaux portes, 59 ; — ouverture du canalcholédoque dans la—, 175 ; — phlébite de la — 175 ; — throm-bose de la — 175, 271. —Lésions des branches intra-hépatiques de la veine porte dans la cirrhost vulgaire, 246. — Origines de la
— 261. — Système de Retzius, 262. 266. — S. des v. portes accessoires, 263. — Para-ombi-licales (Dilatation des), 254, 256, 265.
Vésicule biliaire (Atrophie de la,) 199; — distension de la —, 165, 176; — rapports de la —, 206 ; — rupture de la —, 205; — struc-ture de la —, 151 ; — ulcères de la —, 214.
Voies biliatres (Dilatation perma-nente des), 176 ; — dilatation des
— intra-hépatiques, 183 ; — rétré-cissement des — 176 ; — rupture des —, 178.
Vomissements (Des), dans la colique hépatique, 166.
Z
Zones du rein, 290 ; — limitante, 291 292, 294, 398 ; — papillaire, 291 292, 294. 299.