1733-07-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Par ma dernière lettre mon cher Tiriot je vous dis que je ne me souciois pas fort que ces lettres parussent sitôt.
Par celle cy je suis obligé de vous dire que je me crois perdu si elles paraissent. Vous savez mieux que moy que les bagatelles ont souvent des suites funestes. The lord keeper of the sceals is incensed against me. He believes j have despisd his autority and declind the tribunal of the litterary inquisition newly establish'd. He threatens me very seriously. He sais he will undo me if the letters come out into the world. And between us, j d'ont believe j could stand against a first minister. What then to do? Methinks you may delay the french edition, till the winter. The parliament and the pleasures come back to London with miss Sallé.

You have pretences more than one for this delay. First, yr booksellers will sell off many more copies in winter time. Secondly, my answers to Pascal's thougts, not printed in english, and given to the publik at the end of the french edition will give a new relish of the book, to the Buyers. Upon the whole, j intreat you to delay from day to day, and to inform me with the utmost exactness of what shall be done.

J hope to send you the dispute against Pascal by the first oportunity.

J'ay achevé mon épitre sur la calomnie. Je voudrais bien que vous la pussiez lire mais la personne à qui elle est adressée vient de me faire promettre que personne qu'elle n'en aura jamais de copie.

Je lus hier Adelaide. Je n'ay jamais tant pleuré ny tant fait pleurer. Mon dieu mon cher Tiriot, faut il que tout cela se passe si loin de vous, et sacrifierez vous encor longtemps nos belles lettres, notre amitié et les douceurs de la société française à une passacaille et à un rigaudon? Revenez donc au moins avec melle Sallé dont je suis jaloux, ou que j'aye le bonheur de venir vous trouver. Hélas mon amy notre vie est bien contrariée. Je voudrois vivre en France, et j'y suis persécuté; je voudrois en sortir, et la situation présente de ma fortune me retient. Je vis aux dépends de Dumoulin. J'y suis forcé par les plaisirs que je luy avois faits, un gros argent mis entre ses mains, et qu'il n'a pu me rendre, et cause que je dépends en quelque façon de luy. Il me loge, il me nourit pour mon argent. Je serois bien embarassé si j’étois ailleurs. Je mène par ses soins une vie douce avec un homme de lettres dont je prends soin. Mais vous me manquez, et pour comble de malheur on me persécute de tous côtez. Adieu, l'idée d’être aimé de vous adoucit toutes mes amertumes. Farewell my dear. My services to Fakener.